.
Prologue –
Cohabitation
Il eut soudain pleinement conscience de son environnement physique. Il voyait par les yeux de Zannah, il entendait avec ses oreilles.
La sensation d'un corps totalement différent du sien le décontenançait. Oubliés, les muscles surpuissants, la taille imposante.
Il sentait le brasier du rituel et son éclat écarlate à travers la peau de la jeune femme – mais Zannah était toujours présente. Elle se rendit compte de son assaut. Il éprouva sa terreur et sa confusion comme si elles étaient siennes, et lorsqu'elle hurla d'horreur, il hurla à l'unisson.
L'affrontement devint un duel entre deux volontés, leurs deux identités luttant dans l'esprit de Zannah pour la possession du corps de la jeune femme. Ils vacillèrent au bord du néant, Bane cherchant à effacer toute trace de l'identité de l'apprentie.
Un moment, ils parurent se neutraliser parfaitement, sans que l'un des deux ne gagne ou ne cède du terrain.
Et soudain, Bane se sentit perdre progressivement ce même terrain. La volonté de Zannah était d'acier, et elle le poussa au bord du précipice. Il trébucha, tomba en arrière, mais se retint d'une main.
Il se sentait partir, comme dévoré par l'Obscurité elle-même. Il hurla sans son sous la douleur, conscient de toutes les parties de son âme qui sombraient dans le néant sous la fureur glacée de son apprentie.
Aussi brutalement que tout avait commencé, cela prit fin.
Bane savait que Zannah avait gagné, et qu'elle conserverait le contrôle de son propre corps. Pour autant, lui-même n'avait pas entièrement disparu, bien que son identité se trouvait amoindrie. Il ne voyait plus par les yeux de Zannah, il n'entendait plus par ses oreilles.
Il se trouvait comme relégué au fin fond de son subconscient, dans le noir, sans autre bruit que la douce mélodie rythmant le fonctionnement de l'organisme de la jeune femme. En revanche, l'entière intensité des émotions ressenties par son hôtesse lui était accessible.
Parviendrait-il, au prix d'un long et subtil entraînement, à accéder de nouveau à la lumière du jour ? Ou bien alors, à prendre davantage le contrôle de la vie de Zannah ?
Malgré cet échec quasi-total, Bane se sentait satisfait – un sentiment qui se mélangeait avec le soulagement de sa formidable adversaire. Il avait pu mettre en œuvre les dernières connaissances mythiques qu'il avait arrachées à un énième tombeau Sith. Il avait été témoin de premier rang de la puissance de celle qu'il avait entraînée dans ce but durant vingt ans.
En attendant de savoir quelle influence il pourrait espérer exercer sur Zannah, il se terrerait silencieusement au fond d'elle-même, nourri par ses émotions brutes.
Une autre conscience émergea, alors que les choses reprenaient lentement leur cours. Sa forme était plutôt primitive, et seulement partielle. Curieux, Bane tendit son esprit vers elle, et la trouva, à sa grande surprise, nichée au cœur de l'utérus de Zannah. Elle s'y était accrochée de toute la force de son placenta, ignorant royalement la présence du dispositif en cuivre qui avait été implanté pour éviter ce genre de situation.
Le très jeune fœtus n'affichait pas encore de sexe défini, pas plus que de volonté, autre qu'un fort instinct de survie. Il vivotait en silence, brisé uniquement par les battements de son cœur, attendant le moment propice pour manifester sa présence.
Il était même probable que Zannah n'ait encore aucune idée de sa présence inattendue. À quoi bon rechercher la possibilité d'une grossesse en cours, si l'on était persuadée de l'efficacité sans faille de son contraceptif ?
Bane ne put s'empêcher de se demander si cette vie en devenir découlait de ses propres gamètes. Zannah pouvait très bien avoir eu d'autres relations depuis cette nuit où ils s'étaient unis dans la férocité passionnée du Côté Obscur, et c'était son droit. Mais l'idée s'accrochait, et faisait doucement son chemin...
Un enfant issu de lui-même et de la toute nouvelle Dame Noire des Sith présentait un potentiel incroyable, tant et si bien que Bane se demanda, un court instant, pourquoi il n'avait jamais envisagé un tel héritier pour perpétuer son Ordre.
Maintenant que l'opportunité se présentait d'elle-même, il décida de la cueillir avec gratitude. Sournoisement, il tâcherait d'aider cet allié inattendu à passer inaperçu aussi longtemps que ce serait possible, afin de lui éviter de subir le même destin qu'un autre embryon s'étant déjà niché au même endroit, plus d'une décennie plus tôt. Zannah serait mise devant le fait accompli, et y verrait peut-être un candidat de secours à même de remplacer Cognus, si l'Iktotchi venait à échouer.
Si Bane avait été en capacité d'esquisser un sourire satisfait, il l'aurait fait.
Oh le bâtard :o
