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Chapitre n°34 :
Transparent
« Il y a de l'espoir même quand notre cerveau nous dit qu'il n'y en a pas. »
- John Green
C'était une soirée tranquille dans les appartements royaux. Thor n'était pas là, Odin était occupé, et Frigga s'adonnait au rangement de ses herbes médicinales ou rituelles. Loki et Ërinn se retrouvaient donc les deux seuls occupants du salon, lisant chacun sur leur sofa.
L'ancienne gouvernante était devenue une si bonne amie de Frigga, que celle-ci la nomma comme dame de compagnie au moment où la majorité des princes sonna. On la retrouvait régulièrement dans ce même salon, pour le plus grand bonheur de son ancien protégé.
- Votre amie humaine s'en sort-elle bien dans ses recherches ? demanda soudain Ërinn sur le ton de la conversation.
- C'est... laborieux, répondit le jeune Prince en levant la tête vers elle. Elle a demandé à Heimdall son aide pour localiser certaines personnes qui pourraient être liées à ses parents.
- Quelle tragédie..., se lamenta Ërinn en levant le regard vers lui. J'espère pour elle qu'elle retrouvera bientôt ses marques...
Loki, quant à lui, venait à le souhaiter de moins en moins. Un monstre égoïste s'éveillait régulièrement en lui, refusant de lâcher prise sur la seule personne qui lui montrait spontanément de l'intérêt. Il s'en voulait de penser de telles choses, mais il ne pouvait pas toujours s'en empêcher.
Il dut se renfrogner assez visiblement pour qu'Ërinn remarque son changement d'humeur.
- Que se passe-t-il ? le questionna-t-elle doucement, comme si elle s'adressait à un enfant souffrant.
Loki posa de nouveau le regard sur son livre, mais il savait que cela ne suffirait pas pour s'échapper au regard scrutateur d'Ërinn.
- Rien, mentit-il sèchement.
- Vous m'avez habituée à des mensonges plus élaborés, le sermonna-t-elle gentiment. C'est à propos de Sirannon, je suppose ?
Loki ne répondit pas. Une boule lui comprimait la gorge.
- Veut-elle réellement quitter Asgard ? insista Ërinn.
- Je... je n'en suis pas certain, finit-il par dire, mais mon père ne la laissera plus s'attarder bien longtemps...
- Je comprends votre chagrin. Elle est votre seule amie, depuis toujours...
Des larmes embuèrent les yeux du jeune homme, mais il cligna furieusement des paupières pour les chasser.
- À moins qu'elle ne soit pour vous plus qu'une amie ? tenta Ërinn.
Seul le silence lui répondit, une fois encore.
- Si vous avez des choses importantes à lui avouer, poursuivit-elle en se penchant vers lui, alors je vous conseille de ne pas perdre davantage de temps. Vous regretterez de vous être tu, une fois qu'elle sera vraiment partie.
Loki avait envie de hurler toute sa rage et sa frustration accumulées depuis des siècles. Il aurait pu crier qu'il ne méritait pas de décevoir encore une autre personne, que Sirannon ne méritait pas quelqu'un d'aussi fondamentalement perverti, qu'ils vivraient bien mieux tous les deux sans s'embourber dans cette catastrophe annoncée.
Il resta muet.
Ce n'était pas par manque de confiance en cette femme qui l'avait vu grandir, mais par honte et crainte. Honte de lui-même, de ses tares. Crainte de la décevoir.
Et de décevoir Sirannon.
- Loki, reprit doucement Ërinn, ne vous repliez pas sur vous-même, comme vous le faites tout le temps... Vous méritez de briser la coquille pour partager ce fardeau qui vous mine. Vous méritez de tenter votre chance et, peut-être, qui sait, d'être enfin véritablement heureux.
Âme sœur. Sirannon avait-elle offensé l'univers tout entier, pour se retrouver appairée avec un tel monstre ?
Une bouffée de confiance l'enivra, mais il sentit son arrière-goût prononcé de ténèbres.
Il devait aller parler à Sirannon.
Avec un peu de chance, elle se sentirait si écœurée de lui qu'elle souhaiterait mettre le plus de distance possible entre eux deux. Comme, par exemple, une galaxie.
Il serait alors le seul à souffrir de cette perte immense, du départ du rayon de soleil qui éclairait sa vie.
Ërinn l'entremetteuse ;)
