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CW : maltraitance infantile.
Traduction de l'OS "Hello Darkness My Old Friend" par DarthRuinous.
Chapitre n°10 :
Hello Darkness My Old Friend
"Je me cacherai, courbé bien bas, et je serai ce que tu attends de moi. Enfermé, je camperai sur mes positions... jusqu'au jour où je me consumerai hors de tout contrôle."
- Starset, "Carnivore"
La première fois que son père l'enferma dans le placard de service d'une obscurité totale, il se sentit confus. Quel but cela pouvait-il bien avoir, se demanda son esprit âgé de trois ans en bien moins de mots.
Pourquoi, Père ?
Ils étaient partis à la chasse avec les amis de Père. Il avait simplement ri lorsque Père avait raté son tir et creusé un impact profond sur son speeder préféré. Il avait ri encore plus fort en voyant l'air abasourdi sur le visage de Père, jusqu'à ce que celui-ci ne s'assombrisse, des nuages de colère crispant ses traits aiguisés. Il se cacha derrière l'un des plus grands greysors, mais Père le trouva. Il le trouvait toujours.
Désormais, il était assis ici dans le sombre silence, ce qui ne le perturbait pas réellement, sauf que c'était le cas. Il n'avait jamais connu une pièce aussi sombre auparavant, mais il renvoya cet inconfort naissant dans le coin, petit et calme, de sa tête où allaient toutes ses pensées les plus sombres. C'était automatique. Il apprenait.
L'expérience était un sage guide. La petite voix qui lui murmurait furtivement à l'oreille savait mieux que quiconque. Il ne devait rien montrer aux autres, pas avant que le bon moment ne vienne.
Il se roula en boule au fond du placard, ses petits bras entourant fermement ses genoux. Le bord de ses riches vêtements trempait dans de l'huile d'entretien de droïdes refroidie, mais il s'en rendait à peine compte. Père lui en achèterait de nouveaux, même s'il serait probablement en colère.
Père était presque toujours en colère contre lui, semblait-il.
Parfois, il se demandait pourquoi Père ne le remplaçait tout simplement pas. Après tout, Père avait déjà menacé une fois de le faire, lorsque Frère et Sœur – Kervan et Isdain – étaient nés.
Il soupira, se roulant davantage encore en boule et clignant patiemment des yeux dans le noir. Frère le surpassait en tout lorsqu'il s'agissait de plaire à Père. Frère souriait et obéissait. Frère suivait Père et ne se posait pas de questions. Cela rendait Sheev malade.
Il avait parfois envie de faire mal à Frère, de le pousser alors qu'il marchait en titubant près du grand mur des jardins. Ce serait une si longue chute de tomber dans les buissons. Il se demanda à quoi pourrait ressembler Frère brisé. Père le préférerait-il encore ?
Fort probablement. Père semblait préférer n'importe quoi à lui. Il ne pleurait plus à cette pensée, car il avait été guéri de cette faiblesse presque deux ans plus tôt. Pleurer n'apportait rien de bon, jamais.
Il était si simple de mettre Père en colère contre lui, mais il n'avait pas cherché à le faire cette fois. Pas vraiment. Il attendait impatiemment d'assembler son nouveau modèle de moto-speeder, puis tout ceci était arrivé. Et il était désormais coincé sans sa moto-speeder à portée de main, mais cela n'avait pas d'importance vu qu'il n'aurait pas pu l'assembler sans aucune lumière pour y voir clair.
… Peut-être n'aurait-il pas dû rire. La prochaine fois, il resterait silencieux lorsque Père ferait quelque chose d'aussi stupide, et alors il pourrait éviter d'être enfermé dans cet endroit. Il regarda tout autour de lui, bien qu'il n'y voyait rien, parce qu'il pouvait encore ressentir. Tant de choses. L'air était lourd ici, lourd et suffocant. Son inconfort ne fit que grandir, et la petite voix s'était tue.
S'il avait pu se voir lui-même, il aurait ri de ses yeux exorbités, mais il savait seulement qu'il voulait sortir d'ici. C'était trop sombre, trop silencieux. Père l'aurait-il oublié ? Lentement, il déplia ses petits membres et rampa sur le sol huileux vers ce qu'il savait être le panneau de contrôle de la porte. Peut-être qu'il pourrait se glisser à l'extérieur. Ses petites mains localisèrent la soudure, ses doigts cherchèrent une prise mais ne se raccrochèrent à rien.
Fermé. Enfermé. Il n'était pas surpris, mais il n'aimait pas cela, du tout. Il ne pouvait pas pousser sur une porte verrouillée car la force physique était ce qui lui avait toujours fait défaut. Même Frère, d'un an plus jeune que lui, était déjà presque aussi fort qu'il ne l'était. Déjà, il apprenait que c'était son esprit qui se renforçait – il était facilement plus malin que Frère et Mère, et parfois que Père –, mais son corps... c'était une toute autre histoire.
Il chercha de nouveau avant d'abandonner, haïssant la porte à ce moment, et se résigna en s'asseyant de nouveau contre le mur du fond dans une maussade rébellion.
Le temps passa, mais il n'y avait aucun moyen de savoir comment.
Il tenta de dormir, mais le sommeil ne lui était jamais venu aisément. Il se rappelait à peine que Mère avait l'habitude de le promener et de le bercer lorsqu'il était bien plus petit, jusqu'à ce que Père ne lui dise d'une façon bourrue de cesser de le choyer et le confia à un droïde-nounou. Le sol était dur et froid également, aussi froid que les doigts grêles du droïde.
Et presque aussi dur que sa propre colère. Père lui avait infligé cela, lui confisquant sa vue, le monde, et sa moto-speeder. Peut-être qu'un jour, il ferait la même chose à Père, en lui prenant encore davantage. Sûrement, il serait plus grand et plus fort un jour.
Soudain, de la manière curieuse qui était la sienne, il sentit une présence derrière la porte, qui s'attardait et qui était malveillante. Père ? Une porte ne pouvait être raisonnée, mais peut-être que Père le pourrait. Il se battit un instant contre lui-même, car il n'avait pas envie de supplier, mais l'obscurité qui l'entourait de plus en plus lourdement lui faisait craindre qu'il le ferait.
Alors, il se mordit la langue, jusqu'à ce qu'il puisse sentir le goût du sang, et la présence s'éloigna. Les ténèbres le titillèrent et se moquèrent de lui. La petite voix resta silencieuse.
Le temps s'écoula. Il était reconnaissant de n'avoir presque rien bu ce matin.
Il se promena le long du petit placard, tâtonnant à la recherche de n'importe quel interrupteur ou droïde qui pourrait être activé. Rien. Il réalisa qu'il était probablement trop petit pour atteindre un interrupteur, s'il y en avait un. C'était comme si l'obscurité tentait de l'étouffer, et il sentait les ténèbres se resserrer autour de sa gorge. Il repoussa sans ménagement la peur, faisant taire le geignement qui grossissait dans sa poitrine.
Cela n'avait pas de sens d'être terrifié par le noir.
Cela n'avait pas de sens.
Alors, pourquoi frissonnait-il ? Il prit une profonde respiration hachée et se retira dans un coin du placard, mais la sensation ne se dissipa tout simplement pas. Ce n'est qu'une pièce, se dit-il doucement. Mais pourtant... et si Père l'avait oublié ? Il devrait passer sa vie ici, et cette pensée le brûla, le faisant haïr avec une nouvelle intensité. Il fixa le noir devant lui, leva ses deux mains devant son visage, mais ne vit rien. Peut-être que ce n'étaient même pas ses mains.
Il chassa cette pensée absurde. Enfin, il tenta de le faire.
Elle ne le quittait pas. Peut-être que rien de ce qui se trouvait ici ne pouvait avoir sa confiance. Peut-être même pas lui-même. Il douta avec des pensées frénétiques, sa respiration s'accélérant et ses mains suant abondamment. Il rampa jusqu'à la porte pour retrouver la soudure, pour se rappeler qu'une porte pouvait toujours être ouverte, par un quelconque moyen.
Il ne la trouva pas. Panique. Panique jusqu'à ce qu'il réalise qu'il avait pu être désorienté et qu'il ne se trouvait pas face au bon mur. Les portes ne pouvaient pas simplement disparaître, et il prouva qu'il avait raison lorsqu'il longea le mur pour découvrir le petit renfoncement qui taquinait sa liberté. Il posa ses petits doigts fins contre la rainure et refusa de les déplacer. La soudure était réelle, maintenant qu'il la touchait. Elle pourrait cesser de l'être s'il s'en éloignait.
Le temps s'étira comme un gigantesque tusk-chat léthargique jusqu'à ce qu'il sente de nouveau une présence, celle-ci plus petite et plus brouillonne que Père. Elle s'attarda face à la porte, et il put ressentir sa satisfaction suffisante.
Frère.
- Laisse-moi sortir, dit-il en ravalant sa fierté, parce qu'il ne voulait plus rien d'autre que quitter cet endroit.
Frère gloussa, le son si ténu que c'était comme s'il se noyait dans une piscine profonde.
- Va chercher Mère, dit-il plus fort.
Mère ouvrirait la porte si Père n'était pas là, assurément. Elle ne voudrait sûrement pas le laisser pourrir ici – n'est-ce pas ?
Frère rit.
- Non, entendit-il à travers la porte.
Un son étouffé, mais qui le percuta avec la puissance d'un landspeeder, et il sut qu'il ne pardonnerait jamais à Frère – pas pour cela.
La présence de Frère commença à s'estomper ; il s'en allait.
- Non ! cria-t-il en frappant ses mains contre le panneau, enragé que le plus jeune s'éloigne.
Enragé et terrifié. L'obscurité le prenait en tenaille de tous les côtés et personne ne venait. La voix rassurante était partie. Il se laissa glisser à genoux, ses ongles griffant rudement la surface métallique comme s'il pouvait démonter la porte rien que par sa volonté. Cela ne se produirait jamais.
Cela allait l'étouffer, il en était certain ! Il allait mourir.
- Mère..., murmura-t-il dans l'air noir comme l'encre, tout en se demandant pourquoi il faisait cela puisqu'elle ne répondait jamais plus.
Père s'en était assuré.
Il se roula fermement en boule sur le sol et plaqua ses petites mains aux doigts abîmés contre sa bouche, pour ne plus être tenté de l'appeler. C'était inutile.
Il sentait la haine, le dégoût et la peur.
L'obscurité se pressait davantage autour de lui. Laisse-la entrer, l'encouragea la petite voix, soudain de retour comme si elle n'était jamais partie, et il tressaillit. La voix avait toujours raison, mais cette demande... c'était trop. Il ne pouvait pas.
Tu deviendras fou à tenter de la stopper. Laisse-la entrer, entendit-il de nouveau. C'est ton destin.
Il ne comprenait pas vraiment ce mot – destin –, mais il sonnait final et cruel... et beau ? En tout cas, lorsque la voix le prononçait.
Il était fatigué d'être dans l'incertitude, d'avoir peur. De Père. De l'Obscurité. De tout.
Fais-moi confiance, murmura la voix, et après tout, c'était la seule chose qu'il pouvait faire.
Il ne voulait plus la repousser, alors il la laissa entrer.
Il força son esprit et ses membres à se décrisper et à embrasser l'obscurité, à la laisser l'étouffer, à la laisser étouffer la peur, la douleur et l'incertitude, et cela fit mal mais il ne mourut pas, et cela le surprit. Il posa sa joue contre le sol froid et laissa ce froid suinter à travers lui tout entier. S'il avait froid, alors le sol ne pouvait pas être pire.
Et ce n'était pas le cas.
Il rit, plus effrayé du tout, et la voix rit avec lui. L'obscurité ne pouvait plus lui faire de mal. L'obscurité était son amie. Elle le connaissait comme personne d'autre, et les ténèbres qui avaient tenté de l'étouffer s'enroulaient désormais de façon protectrice autour de ses membres. Il avait eu peur pour rien.
La petite voix revint pour lui susurrer un doux « tu vois ? », et il sourit dans le noir avec toute la froideur du sol. Il voyait, oh oui, il voyait. La voix était comme l'obscurité, calme et infiniment forte. Elle était ici pour lui.
Seule l'obscurité sut combien de temps il resta à lui sourire.
La porte donna signe de vie sans prévenir et s'ouvrit, révélant une lueur blanche qui s'agrandit en un gouffre.
La lumière stérile de Convergence blessa ses yeux, tranchante et perçante, et il détourna instinctivement la tête jusqu'à ce que ses pupilles s'ajustent à cette luminosité. Il regarda ensuite de haut en bas la silhouette de Père qui se découpait massivement dans l'encadrement, ses sourcils épais se hérissant de satisfaction arrogante.
- Tu as retenu la leçon, petit ?
Il hocha la tête. Oui, il avait appris. Mais Père, non.
