Bonjour chers lecteurs (et chers co-auteurs)…
Je suppose que vous avez tous deviné la pression que chacun d'entre nous a sur les épaules, et je parie qu'après la lecture des deux premiers chapitres, plus qu'excellents, vos attentes doivent être encore plus hautes que la barre placée par Léviathoune et Lemoncurd.

En espérant sincèrement être à la hauteur de cette merveilleuse Confrérie qui compte nombreux de mes auteurs préférés, bonne lecture…


Attention: A l'identique du premier chapitres, les phrases écrites en gras et italique sont en français dans l'histoire.

Chapitre 3 : « Au cas où tu déciderais de rentrer avant moi...»

par KuroiMamba

Les premiers temps de l'emménagement avaient été une réelle partie de plaisir, tant pour Draco que pour Harry, les deux s'étant employés à donner une identité propre à chaque pièce. Le salon bleu et blanc, la chambre bordeaux, la cuisine orangée… chaque partie de la maison témoignait de leurs goûts différents et des sacrifices que nécessitait leur nouvelle vie en commun : l'harmonie finale était quasi-parfaite.

L'automne s'était terminée en beauté, Harry transplanant systématiquement après chaque entraînement pour trouver chez lui, chez eux, un bain brûlant que lui avait fait couler Draco, une table dressée pour deux au beau milieu de la salle à manger chauffée au feu de bois, ou tout simplement cette présence rassurante qui emplissait la maison.

Le mois de Décembre arriva sans qu'aucun des deux ne s'en rendent compte.

Un jour, Harry prévenait le blond qu'il ne pourrait pas rentrer la nuit même car l'équipe d'Angleterre subirait un entraînement de la plus haute importance ; le lendemain matin, il neigeait.

Dans les draps de soie, Draco s'étira doucement sans ouvrir les yeux. Il faisait un froid atroce, et il ne put s'empêcher de penser que c'était dû à l'absence de son bien aimé. Se bouinant en grognant dans l'oreiller, il tâtonna à la recherche de l'épaisse couette en plumes qu'il avait du envoyer valser au pied du lit, mais sans succès. Avec une réticence clairement affichée, il se décida alors à ouvrir les yeux pour pouvoir se couvrir décemment.

La première chose qu'il reconnut entre deux battements de cils fut la porte vitrée donnant sur le petit balcon rond qui faisait tant rire Harry. Et la seconde fut les minces flocons blancs qui commençaient à former un petit tas informe le au bas de la vitre. Décembre était là, tout contre sa porte, et il avait amené la neige avec lui…

Ce matin là, l'ex-serpentard ingurgita son café en vitesse, le crâne bouillonnant d'idées, de phrases poétiques et d'envies amoureuses qu'il était dans l'impossibilité de satisfaire immédiatement, pour filer se réfugier dans le grenier-atelier.

Comme à son habitude, il rendit à son chevalet sa taille normale, le fit léviter de façon à se trouver bien en face de l'ouverture ronde percée dans le toit et qui lui apportait le jour, puis y fit apparaît une toile au format panoramique qu'il se mit à fixer, concentré.

Les doigts s'emmêlant dans ses propres mèches platines, il eut beau clore ses paupières, se laisser aller, rien ne vint. Il sentait pourtant ses doigts trembler d'impatience, ses joues en feu… Il se sentait inspiré… mais visiblement pas assez.

Aucun déclic non plus lorsque son regard d'acier se posa sur la fenêtre.

OoOoOoO

Le paysage, sous sa couverture de coton glacé, était si magnifiquement animé qu'Harry éprouvait une peine immense à l'idée de le quitter.

Parmi les nuages de vapeurs qui s'échappaient des lèvres volubiles, de petites filles blondes aux cheveux nattés étaient emmitouflées jusqu'aux oreilles dans de lourdes parkas rouges, courant à droite à gauche sous les guirlandes lumineuses qui parsemaient Moscou, tandis que la nuit tombait déjà en cette fin d'après midi. L'une d'elles se prit les pieds dans l'immense manteau qui enveloppait Harry, et le sourire d'excuse qu'elle lui fit l'attendrit au plus haut point. Il aurait aimé que Draco soit là.

Cette pensée le ramena rapidement à une réalité bien concrète : il n'avait pas mis les pieds à Londres depuis bientôt deux jours, et le blond lui manquait horriblement. Evidemment, il se garderait bien de le lui avouer, il ne fallait pas lui mettre dans la tête qu'il lui était indispensable, mais ç'eut été mentir que de prétendre que la nuit précédente avait été facile à vivre.

Sans plus de cérémonies, il se faufila dans une ruelle moins bien éclairée que les autres, réduisit magiquement sa valise, et transplana directement dans la hall de son pavillon.

« Draco.. ? »

La maison entière était plongée dans l'obscurité, et le froid qui y régnait lui parut complètement anormal. En un instant, ses pieds franchirent la distance qui le séparait du salon. Fou d'inquiétude, il distingua à peine la silhouette élancée qui se découpait dans la faible lumière, face à la baie vitrée grande ouverte.

« Incendio ! »

L'âtre s'embrasa, ainsi que le chandelier qui trônait sur la table basse, éclairant le corps recroquevillé sur le canapé d'un Draco transi de froid.

« Mais.. ? Tu peux m'expliquer ce que tu fabriques dans le noir, les fenêtres ouvertes ! » demanda l'attrapeur en veillant bien à ne pas hausser le ton pour ne pas brusquer son colocataire.

Sans attendre une réponse qui ne viendrait pas, il ferma magiquement la vitre sur la nuit tombante, et rejoint Draco qui sembla alors sortir d'une étrange torpeur. Le regard qu'il accorda à Harry était empli d'éclairs de rage, pas rassurants du tout.

« Si c'est pour te retrouver comme ça, promis je t'emmène avec moi la prochaine fois… » ronchonna à demi le brun, persuadé que son absence était la cause de ce qu'il venait de voir, et sûrement de la colère dissimulée du blond.

« Ca n'a rien à voir, Harry. Je cherchais l'inspiration, c'est tout. » lui répondit Draco d'une voix qu'il sentait contenue.

Le Survivant réfléchit un instant, totalement déconcerté. Apparemment, le manque ressenti n'avait pas été réciproque.

« Et… et alors… ? » finit-il par lâcher.

« Et alors je cherchais à recréer les conditions dans lesquelles mon art se déchaîne. »

Glacial et sombre, ça n'était certainement pas le Louvres, songea Harry, jusqu'à comprendre que Draco parlait d'Azkaban.

« Oh. »

Le brun se sentait à la fois désolé et ravi d'avoir en quelques sorte « bousillé l'ambiance ». Recréer la sordide prison des sorciers dans sa maison, ce n'était pas ce qu'il préférait voir faire, mais Draco lui en voulait certainement de l'avoir sorti d'une transe artistique qui le dépassait complètement.

Le blond se leva dans un soupir, ajustant une mince chemise de satin gris sur ses épaules, et alla coller son visage à la vitre.

« Tu vas sûrement trouver ça plus que con, mais j'adore Décembre, j'adore sentir Noël qui approche. Le froid, les gosses, le parfum de surprise, de… magie… » souffla l'ex-serpentard, les mots formant instantanément une large tâche de buée sur le verre doublé.

« Je vois très bien ce que tu veux dire, » s'empressa de répondre Harry, trop heureux de pouvoir aborder un sujet différent, « tu sais où j'étais il y a encore une heure ? En Russie. Et je te jure que j'ai pensé à toi. L'ambiance était tellement festive, tellement… »

« Magique… ? »

« Oui… enfin… »

« Ouais… pas dans notre sens du terme… »

Sans le vouloir vraiment, Draco venait d'installer confortablement un silence terrible entre eux. La nostalgie que dégageait sa voix était un pieu de glace dans le cœur du brun.

« Bon, certains sont inspirés par les feuilles de thé, je te propose de tenter avec du chocolat chaud… Qu'est ce que tu en dis ? »

D'un pas, le blond se rapprocha et le serra contre lui.

« Avec plaisir. Excuse moi Harry… Tu… tu m'as manqué. »

OoOoOoO

« Harry lâche ça tout de suite ou je te mords. »

« Mais bien sûr… montre moi, pour voir ? »

Le dragon planta ses crocs dans le bras musclé de l'attrapeur, déclenchant au lieu d'un cri un rire amusé qu'il fit mine de mal prendre.

« Tu viens de rompre avec mon orgueil, Potter. » bouda-t-il en croisant les bras sur sa poitrine.

« Du moment que ce n'est pas avec toi tout entier… » continua de rire son vis à vis, dont le visage était couvert de mousse. « Bon d'accord, je te prête le canard, mais jure moi de ne pas le transformer en Mini-Neville-Flottant, cette fois ! »

« Et pourquoi ! C'était très drôle ! »

« Et très artistique aussi, tant qu'on y est… »

« Tout A Fait. » conclut Draco en se jetant sur lui pour récupérer le ridicule objet en plastique fluo.

« Tu n'as pas juré, je ne te le donnerai pas ! » taquina Harry en se ruant hors de la baignoire avant de quitter la pièce en courant.

« Harry ! Harry tu vas détremper le parquet revient ici immédiatement ! Harry DONNE CE CANARD ! »

La poursuite qui venait de s'engager fut terrible, et lorsque, dans une dangereuse glissade sur le bois humide, Harry monta les cinq marches qui menaient au grenier pour s'y cacher, Draco n'hésita pas à le suivre.

Avant de se figer de stupeur, dans l'encadrement de la porte. Il avait oublié de réduire son travail. Et, au centre de la pièce, faiblement éclairé, trônait la toile, encore plus immense et blanche que dans son souvenir. Désespérément vide, malgré la longue semaine qui venait de s'écouler depuis le retour du brun.

Harry, toujours le sourire aux lèvres, se tourna vers son petit ami. Et regretta immédiatement de s'être réfugié dans cet atelier.

« Draco je… »

« Ca va, fous moi la paix. » fut la seule réponse qu'il obtint du blond qui, la lèvre supérieure retroussée par une immense colère, quitta la pièce.

Harry ne parlait toujours pas français, mais le ton lui avait suffit à deviner que la dernière phrase prononcée n'avait rien d'aimable. Il se décida pourtant à le suivre en courant dans le couloir, et l'attrapa fébrilement par l'épaule, le retournant face à lui.

« Draco… ? Ne t'énerve pas comme ça, tu sais comme moi que ça n'a pas d'importance, tu es ton propre patron, tu n'as pas de délais… pas vrai… ? »

Mais deux yeux de glace lui répondirent clairement d'aller se faire foutre et quittèrent son regard pour s'éloigner définitivement. Une porte claqua.

Ne sachant trop que faire, Harry préféra aller vider la baignoire, et le temps d'enfiler un peignoir blanc, il trouva Draco habillé dans le salon, son immense manteau sur le dos.

« Où tu vas comme ça… ? »

Encore une fois, le blond ne prit pas la peine de répondre autrement que par son regard d'acier, et son départ du pavillon fit s'engouffrer le froid dans le peignoir et le cœur du brun. Dans moins de deux heures, il lui fallait repartir pour un match à l'autre bout du monde…

OoOoOoO

Draco fulminait.

La longue nuit qu'il avait passé dehors à marcher sous la neige lui avait valu de lui rappeler que Noël approchait inexorablement, avec ses paysages immaculés, ses lumières multicolores, ses rires enfantins, ses cris de joie qu'il avait encore tant de mal à comprendre.

Sa longue écharpe autour du cou, il avait entièrement traversé Londres et son ambiance hivernale jusqu'au Chaudron Baveur, qu'il avait atteint alors que la teinte du ciel se changeait en noir. Il avait ressenti le besoin de retourner dans le monde sorcier, le besoin de se sentir observé, de se cacher, de fureter dans les rues… Comme un clandestin… mais plus un anonyme. Si l'inspiration lui manquait cruellement, la magie aussi.

Le cœur battant, il avait remonté l'écharpe de cachemire émeraude sur son menton, enfoncé ses mains dans les poches de son manteau noir bien fermé jusqu'au cou, et secoué la tête afin de se cacher encore un peu plus derrière ses mèches blondes.

Le pub était exactement comme dans ses souvenirs, coincé dans cette petite rue vide et sordide, et l'on ne pouvait être que surpris de voir qu'il regorgeait pourtant de monde. Etrangement ce soir là, une table seulement était occupée, et Draco s'en était félicité. Il n'avait accordé qu'un signe de main à Tom, priant pour ne pas être reconnu, et s'était faufilé jusqu'au mur qui donnait accès au village des sorciers.

Sa main fine et tremblante s'était avancée jusqu'à la brique qu'il fallait déplacer… L'appréhension était immense. Il n'avait plus remis les pieds à Pré-au Lard depuis ce jour d'été où il avait croisé le regard de Potter… de Harry. Le mur s'écarta sous ses doigts.

Il faisait également nuit sur le Chemin de Traverse, et Draco avait oublié que l'entrée donnait sur cette place qu'on avait délibérément prévu de ne pas reconstruire. Celle qui se trouvait au bout de la grande allée, et qui autrefois était le point de ralliement des élèves de Poudlard. Celle qui avait été entièrement ravagée durant la guerre.

L'aspect fantomatique de cette vision lui avait causé un frisson le long de la colonne vertébrale. Non pas qu'il ait eu pour but de chercher une quelconque compagnie, mais ce vide ne le rassurait pas. Il faisait trop écho au vide de sa créativité.

Il avait longé l'allée, passant distraitement devant les commerces qui étaient tous sur le point de fermer, et s'était étonné de ne croiser personne à part les commerçants eux mêmes, bien trop intéressés par du rangement pour le remarquer. Jusqu'à arriver au niveau de la devanture du magasin de Weasley, le magasin de Quidditch anglais qui avait reçu l'un des plus précieux Ifrit de ceux qu'il avait dessiné.

Ce même balai qui appartenait à présent à Harry. Et ce même magasin devant lequel il l'avait revu pour la première fois…

Absorbé par la lumière qui s'échappait encore de la vitrine, il n'avait pas senti son écharpe glisser, dévoilant son visage si fin et racé, et n'avait pas remqué tout de suite pas les deux yeux qui le fixaient avec insistance derrière la vitre.

Ce n'est que lorsque la personne s'était décidée à bouger légèrement qu'il était sorti de ses pensées et avait levé son regard pour rencontrer celui de…

Ron Weasley.

OoOoOoO

La tête enfouie dans un carton de souafles, Ron avait pesté contre l'heure tardive à laquelle les clients venaient au magasin, alors même qu'il n'y avait personne une heure avant.

Il était bien vingt heures passées, et son dernier acheteur venait de quitter la boutique, qui affichait pourtant sur sa vitrine « Fermeture à 19H en semaine ». Cependant, le roux avait réussi à lui fourguer un balai tout neuf et un kit complet de petites balles, alors même qu'il était venu pour acheter un chiffon de nettoyage pour manches en bouleau.

Le silence nocturne était parfait, et les quelques décorations lumineuses de la vitrine diffusait une lumière tamisée qui correspondait précisément à l'ambiance de Noël.

« 'Vaut mieux que je pense à les éteindre avant de fermer, d'ailleurs… » avait-t-il songé tout haut en se relevant péniblement.

Un sentiment étrange l'avait envahi en voyant se dessiner une frêle, mais grande silhouette derrière le verre de sa devanture. L'homme était emmitouflé dans un immense manteau noir boutonné jusqu'au col, son visage à demi dissimulé par une écharpe verte et par de longues mèches d'un blond platine…

Blond qui lui avait étrangement rappelé quelqu'un… L'homme s'était alors tourné vers lui, et fixait la vitrine sans le voir. Ron avait supposé qu'avec la guirlande de lumières, il devait être captivé par son propre reflet… jusqu'au moment où l'écharpe avait glissé jusqu'au bas du col, et il l'avait reconnu.

Draco Malfoy se tenait là, debout devant son magasin, les yeux rivés sur un point imaginaire qui se trouvait être au niveau exact de son cou, semblant ne pas le voir malgré la transparence de la vitrine.

Le roux s'était demandé ce que l'ex-serpentard faisait là, lui qui vivait avec Harry, sachant que son meilleur ami devait partir pour le nouvelle Calédonie dans approximativement vingt minutes… Et il avait décidé de lui poser la question lui-même, avec une certaine anxiété tout de même, sachant qu'il ne lui avait pas parlé depuis… de longues, longues années.

C'est ce moment là que le blond avait choisi pour l'apercevoir et disparaître en un instant. Et que Hermione avait choisi pour transplaner juste sous ses yeux.

« Ron… ? Ron, qu'est ce que tu regardes comme ça… ? »

« Je… heu… rien, » avait soupiré le roux en clignant des yeux, comme sorti d'un rêve suspect, « je… qu'est ce que tu fais là, 'Mione… ? »

« Et bien ça fait plus d'une heure que tu aurais du fermer et je t'attendais pour dîner… Je me suis dit que tu aurais peut-être besoin d'aide… ? » avait déclaré la petite juriste en éteignant du bout de sa baguette la guirlande lumineuse faite de lucioles de verre.

« Non, ça va, mais les clients viennent toujours plus tard, et là, comme c'est Noël enfin… tu sais… »

« Oui, je sais. Il faut que je passez chez Harry avant de retourner à la maison de toute façon. »

« Pourquoi ça… ? » avait interrogé Ron en glissant la clé de cuivre dans la vieille serrure magique.

« Il est parti, tu sais… ? Mais le soucis, c'est que Malfoy aussi. »

« Je sais, je viens de le voir. »

« Quoi… ? » avait sursauté la brune.

« Oui, devant le magasin. Il regardait dans le vide, et quand il a vu que je le regardais, il a transplané… Qu'est ce qu'il fout là… ? »

« Dispute… mais ça ne nous regarde pas… Harry t'embrasse, au fait… » avait terminé Hermione avant d'éteindre toutes les lumières de la boutique de Quidditch du Chemin de Traverse.

OoOoOoO

Ron n'avait pas eu le loisir de l'observer plus longtemps ou de lui parler car Draco s'était empressé de transplaner jusqu'au parc qui avait été aménagé derrière la nouvelle boutique de farce et attrapes des jumeaux rouquins.

Et c'était là qu'il avait passé le reste de la nuit, avec force de contemplations nocturnes et de solitude forcée, cherchant l'inspiration dans le moindre détail… Son cœur enflait alors qu'il sortait son carnet, le posait sur ses genoux, espérant le caresser enfin du bout de son fusain. Il s'imaginait les airs tristes qu'il croyait entendre à Azkaban, écoutait du Mozart dans sa tête et fermait les yeux pour mieux simuler l'obscurité absolue de sa cellule, s'inventait des coussins de velours bordeaux pour simuler le Louvres… Mais rien ne vint.

Malheureusement tout autour de lui respirait Harry. Il n'était pas parvenu pas à penser à autre chose qu'à son regard triste lorsqu'il l'avait laissé un peu plus tôt.

Cette nuit encore le déclic n'était pas venu. Et en regagnant le pavillon en milieu, Draco enrageait, en voulant à la planète entière pour ne pas réussir cette fichue toile.

Devant sa propre porte, le blond hésita un instant en voyant une automobile à la couleur flashy garée dans la rue, puis il finit par rentrer, s'attendant à trouver un brun aux yeux verts qui lui bondirait dessus et lui cracherait toute son inquiétude au visage… ou bien qui ne lui adresserait plus la parole du tout.

Il ouvrit délicatement la porte et ferma les yeux en la refermant derrière lui… mais rien ne se produisit. Pas de bonds intempestifs. Pas de voix excédée.

« Harry… ? Je suis rentré… »

Pas de réponse. C'était donc la seconde solution… ce qui signifiait qu'il allait devoir se faire pardonner…

Mais ce qui l'attendait était en fait bien plus surprenant.

« Je peux savoir ce que tu fais chez moi, Granger… ? »

La brune, occupée à ranger un livre sur l'étagère du salon qui leur servait de bibliothèque, sursauta et faillit tomber à la renverse.

« Dra… Malfoy, je, je suis désolée je… »

D'un geste rageur, le blond la dissuada de continuer.

« Comment es-tu rentrée ici… ? Et où est Harry… ? »

« Co.. comment ça où est Harry… ? »

« Et bien oui, il habite ici, il me semble. Toi non, d'ailleurs, je suppose qu'avec ton QI tu peux comprendre mon étonnement… ? Où bien est-ce hors de ta portée… ? »

Hermione avait la chance de comprendre les quelques mots de français, mais le ton lui aurait de toute façon suffit à comprendre qu'elle n'était pas la bienvenue. Elle se fit violence pour ne pas répondre méchamment.

« C'est tout à fait à ma portée, mais il me semblait que tu étais le mieux placé pour savoir qu'Harry est actuellement en Nouvelle Calédonie pour un match amical… Il m'a demandé hier soir de venir veiller sur votre maison, puisque tu étais parti « en coup de vent » et apparemment « très peu disposé à revenir de sitôt ». Enfin je ne fais que citer… »

La jeune femme se réjouit des grand yeux gris écarquillés de son vis à vis, et passa sous son nez pour rejoindre la cuisine.

« Tu veux déjeuner… ? »

« Pardon… ? » murmura Draco, encore choqué.

« Je disais : désire-tu déjeuner, Malfoy… ? » répéta Hermione avec un air affligé qui termina d'exaspérer l'ex-serpentard.

« Non, merci Granger, tout ce que je désire c'est que tu quittes ma maison et que tu me laisses travailler, si ce n'est pas trop demander évidemment… »

« Très bien, je te rends les clés… Tu t'expliqueras avec Harry lorsqu'il rentrera… »

« Pour ça, aucun soucis… » déclara théâtralement Draco en la raccompagnant vers la porte comme s'il allait à la potence.

Alors qu'elle se tenait dans l'entrée et enfilait son manteau de tweed, Hermione fit mine de se souvenir de quelque chose.

« Ah, oui… il m'a laissé un petit mot pour toi… »

« Où ça ? »

« Zut, était-ce dans cette veste ou… ? »

« Granger, cesse de faire ta gamine et donne moi ce mot ! »

« Il m'a dit que tu avais changé. » souffla la brune en lui remettant le petit morceau de papier. « J'espère qu'il avait raison. Parce que jusqu'à maintenant, ce n'est pas l'impression que tu me donnes… »

« Ce ne sont pas tes affaires… » siffla le blond entre ses dents en lui claquant la porte dessus.

Alors comme ça Harry était parti, et sans le lui rappeler. Agressivement, il déplia le morceau de papier qu'il serrait dans sa main comme s'il avait pu l'étrangler. Se laissant tomber dans le canapé, il le lut à voix haute :

« Au cas où tu déciderais de rentrer avant moi, ce qui m'étonnerait fort….

Ce genre de départ ne fait évidemment pas partie des choses que je préfère chez toi, mais je m'y ferai si c'est ainsi. Mon travail m'appelle. Je sais que je t'en avais parlé, mais je suppose que tu ne t'en aies pas souvenu.

Ou bien c'était délibéré de ta part. Peu importe…

Je rentre vendredi soir, j'ai demandé à Hermione de passer chaque jour d'ici là. J'aimerais que tu te tiennes prêt quand j'arrive. J'ai décidé de t'emmener quelque part.

Merci… »

Draco rejeta la tête en arrière. C'était la goutte de trop.

OoOoOoO

Le vendredi soir, Harry, exténué, rejoignit Londres, transplanant dans cette petite rue escarpée derrière le magasin de vêtements qu'il avait repéré avant son départ.

C'est avec un petit sac de papier à la main qu'il rentra chez lui, espérant de tout cœur y trouver Draco, qu'il n'avait pas vu depuis trois jours, ou, au pire, Hermione…

A peine entré, il ne put retenir un hoquet de surprise. Des feuilles de papiers froissées jonchaient le sol, parfois accompagnées de mines de crayons, de morceaux de fusains, de tâches d'encre sur le parquet. Une tornade blonde avait ravagé la maison. Qui semblait bien vide au demeurant, bien qu'emplie par le son amplifié d'un morceau de Mozart qui flottait dans chaque pièce comme une marche funèbre et sordide.

Conscient que quelque chose clochait, l'ex-gryffondor se dirigea directement vers l'étage, et en quelques enjambées, rejoignit le grenier où il ne fut qu'à moitié surpris de trouver la personne qui lui avait le plus manqué ces trois derniers jours.

Draco était torse nu au milieu de la petite pièce, la peau couverte de traces d'encre et de peinture, tout comme le tissus anciennement blanc de son pantalon, un fusain bien serré dans son poing droit. Mais la toile qu'il avait en face de lui, elle, restait vierge.

« Dray… ? »

Transcendé par la musique, comme au sommet de son art, le blond sembla ne pas l'entendre, et Harry posa une main sur son épaule nue.

Draco se retourna alors vers lui avec une lenteur calculée, son regard à la fois plus froid et plus coléreux que jamais s'accordant exactement avec les envolées des violons qui commençaient à vriller les oreilles de l'attrapeur.

« Mutesco ! » hurla-t-il pour couvrir le son, qui s'évanouit immédiatement. « Je disais donc : Dray… ? »

« Quoi… ? » grinça le blond.

« Et bien on est vendredi soir, et je suis rentré… »

« Parfait. »

Et il fit à nouveau face à sa toile, dénué de tout intérêt pour Harry qui, vexé, se débarassa de son manteau et de son petit sac de papier pour s'approcher un peu et continuer.

« Bon… et je peux savoir pourquoi tu n'es pas prêt à partir… ? »

« Je travaille. » siffla Draco entre ses dents sans lui accorder le moindre coup d'œil.

Le brun explosa.

« Tu travailles, tu te fous de moi… ? Je prépare quelque chose pour toi mais ton « travail » passe avant… ? Tu fais ça pour ton plaisir, tu n'as ni contrat, ni quoique ce soit, et le seul dessin qu'on t'aie acheté jusqu'à présent, c'est celui de mon foutu balai ! »

Evidemment, la réaction qui s'en suivit fut très violente. Draco envoya valser la toile blanche contre le mur et cracha à Harry tout ce qu'il avait sur le cœur.

« Foutu balai qui te permet de gagner et tes matchs, et ta vie, avec ton « travail » comme tu dis, joueur de Quidditch à plein temps, avec sa tripotée de fan, son équipe de rêve, qui voyage tous les quatre matins et fréquente parmi les plus grands sorciers de la planète ! Tu parles d'un travail, tu te barres pour un putain de jeu auquel moi je ne peux même plus jouer ! Alors tu me fais plaisir et tu la fermes ! »

Harry resta complètement interloqué, incapable de prononcer le moindre mot.

« Et oui, je me fais plaisir, si on peut appeler ça comme ça, tu m'excuses mais j'en ai besoin, moi, je n'ai plus que ça pour vivre… Ah, c'est simple quand on s'appelle Potty, mon pauvre ami, on va voler sur un balai et tout le monde vous admire, mais quand on s'appelle mangemort Malfoy, la magie, on se la met où je pense, et les sorciers avec ! On se cache, on se terre, on est tout juste bon à finir à Azkaban, et on a pas de « travail » ! Ca te convient comme ça, Potter… ? »

Toujours planté face à lui, le brun sentit une larme couler le long de sa joue. Il n'avait pas pu deviner tout ça. Il n'avait pas su. Et Draco continuait de lui vomir sa colère.

« Alors tu vois, dessiner, c'est tout ce qu'il me reste, mais figure toi que mes pensées sont encombrées par une certaine foutue star de Quidditch, bordel, et je ne trouve pas l'inspiration parce que je ne fais que voir cette putain de foutue célébrité de mes deux, dans mes rêves, dans tous mes moments d'intimités, même quand tu me quittes pour aller faire ton beau avec ton manche entre les pattes à l'autre bout de la planète. Alors, pitié, maintenant, tu me lâches ! »

Sans rien ajouter, Harry quitta la pièce, les larmes aux yeux. Il n'avait pas su deviner à quel point Draco l'enviait, il n'avait pas compris que son art était sa seule échappatoire à ce monde bien trop commun pour lui, il n'avais pas vu à quel point tout cela lui manquait au quotidien.

De plus, il semblait que c'était par sa faute qu'il avait perdu toute inspiration…

Tout à coup, Harry se remémora le petit sac laissé au grenier. Dans leur chambre commune, il prit le manteau de Draco ainsi que son écharpe, piétinant les boules de papiers pour trouver une paire de chaussure, et revint au grenier les lancer à un blond assis parterre, la tête entre les mains.

« Habille-toi. » ordonna-t-il à l'ancien mangemort, sur un ton qui ne laissait place à aucune discussion.

« Quoi… ? »

« Mets ton manteau, chausse-toi, on s'en va. »

Le brun enfila lui aussi son manteau laissé à même le sol, et ramassa le petit sac de papier kraft. Lorsque Draco fut prêt, il le lui tendit. Et à l'instant où le blond le saisit entre ses doigts, tout autour d'eux disparut.

OoOoOoO

« Un… un portoloin… » souffla le blond entre ses doigts déjà gelés.

Autour de lui, de la neige à perte de vue, immense étendue aussi blanche que sa toile, mais qu'il n'avait aucune envie de noircir. Plus bas, de grandes vallées blanches sans aucune habitation, dans le silence le plus complet.

Et à l'horizon, une sublime chaîne de montagne qui dessinait de grands pics semblant s'enfoncer dans le ciel hésitant entre le gris et le bleu nuit…

« C'est… magnifique… » ajouta-t-il, incrédule, en frottant ses mains l'une contre l'autre.

Harry fouilla alors dans le petit sac et en tira une paire de gants émeraudes, comme son écharpe, qu'il lui tendit, avant d'en enfiler lui même une autre de polaire noire.

« Nous sommes en Russie. En pleine Sibérie orientale, si tu veux tout savoir. » lâcha le brun en s'avançant un peu. « Sur un sommet que j'ai trouvé beau, mais j'ai oublié son nom. Je devais trop penser à toi. »

Draco s'avança à son tour et lui prit délicatement la main.

« C'est superbe… je me doute de comment tu as découvert cet endroit… et je suis flatté que tu aies voulu me le montrer… »

« Je m'y suis senti bien… » répondit le brun en serrant un peu sa main dans la sienne, « et j'ai eu envie de te faire partager ça… je me disais que peut-être ça t'aiderait pour… »

« Chut… » Draco posa un doigt sur ses lèvres. « Je suis désolé… je me suis emporté, je suis vraiment désolé… »

Et il l'embrassa amoureusement pour lui faire oublier les insultes qui avaient précédé.

« La dernière fois que je suis venu, » lui susurra Harry à l'oreille, « j'ai vu un loup… Je crois que c'est lui qui m'a fait penser à toi… »

Le blond pouffa de rire et serra son amour contre lui, profitant de la vue des heures durant avant de regagner Londres.

Cette nuit là, ils eurent une longue discussion au sujet de la nostalgie de Draco quant au monde sorcier, et il fut décidé qu'ils trouveraient un moyen de le faire renouer avec ce monde auquel il avait si longtemps appartenu.

Il fut aussi question de prohiber l'accès de Harry à l'atelier du serpentard, à condition que ce dernier lui montre toute œuvre terminée.

Et enfin, le brun lui promit de lui faire découvrir chacun des endroits… « magiques » qui lui seraient donné voir durant ses voyages.

Le reste de la nuit ne fut pas forcément plus reposant….

OoOoOoO

« Harry ? »

« Quoi… ? »

« Tu peux venir voir s'il te plaît… ? »

Laissant là ce qu'il était en train de cuisiner, Harry s'essuya les mains dans un très chic torchon à carreau et monta à l'étage.

« Tu es où Dray… ? »

« L'atelier… » répondit le blond sur un ton malicieux.

Harry jubilait. Cela signifiait que la toile était enfin terminée. Il pénétra cérémonieusement dans le grenier, et ce fut un Draco particulièrement fier qui retira tout aussi cérémonieusement le drap vert qui dissimulait son tableau.

Dans un premier temps, le Survivant crut que l'héritier Malfoy s'était moqué de lui. La toile était toujours aussi blanche, pure, immaculée… Puis il la distingua.

La toute fine ligne brisée tracée au fusain, d'un côté à l'autre. Et le petit M. qui signait en bas à droite.

« C'est… c'est la montagne de l'autre soir… avec le ciel aussi blanc que la neige… comme… comme en réalité… c'est superbe… »

« C'est ce que j'ai fait de plus… clair et lumineux, dirons nous. » sourit Draco. Puis il ajouta : « Mais ça n'est pas seulement ça… »

« Ah oui… ? »

« Cette ligne brisée… c'est aussi nous…», chuchota le blond en s'approchant de son oreille qu'il mordilla avec ravissement, « avec des hauts, et des bas…. Mais infinie… »

Infini, c'était le mot. Celui qui décrivait l'amour que ressentit Harry à ce moment précis.


Et… c'est fini ! Prochain chapitre par Vert Emeraude, le plus joli pseudo de ffnet… Bonne chance !

Je me demande sincèrement ce que vous en penserez, en tout cas je dédie ce chapitre à la toute nouvelle autrice (on dira ainsi) de la Confrérie, BadAngel666 que j'ai eu la chance de rencontrer et qui m'a beaucoup aidée pour ce chapitre ! Elle m'a débloquée lorsque les mots me faisaient défaut pour exploiter mes idées…
Merci aussi à Zoo pour m'avoir donné l'occasion de faire partie de cette super coécriture, à Umbre pour ses conseils précieux et son soutien, puis à vous tous qui je l'espère n'hésiterez pas à laisser vos reviews… GO !

Bonne année en retard et vive la Confrérie ! ;p