Lucy
Si Lucy avait tout fait pour laisser derrière elle sa vie de fille de bonne famille, il lui suffisait de poser les yeux sur son daemon pour se rappeler ses origines. Tout chez Altaïr respirait l'aristocratie : son comportement, sa posture, même son apparence définitive.
Elle sentait bien les regards curieux sur elle, ces regards qui demandaient comment une simple jeune fille avait pu finir avec un daemon hermine. Ce type de daemon était définitivement le signe de la classe supérieure, un symbole de richesse et d'élégance, et pourquoi diable Altaïr n'était-il pas devenu un oiseau comme elle en rêvait tant lorsqu'elle était petite ?
« Qu'est-ce que cela peut te faire, s'ils nous regardent ? » déclarait l'hermine de sa voix douce. « Ignore-les. »
Comment Altaïr pouvait-il se montrer aussi indifférent, aussi insouciant, aussi placide ? Ça rendait Lucy complètement folle. Ça lui donnait envie de hurler sur son daemon. Mais chaque fois qu'elle le faisait, il se contentait de la regarder froidement et de lui dire qu'elle était ridicule.
Toujours poli, toujours parfaitement maître de lui-même, accueillant du même front serein les insultes comme les compliments. A croire qu'il avait été taillé dans un bloc de glace. Un sang-froid imperturbable.
A Fairy Tail, les mages s'étonnaient de l'apathie de son daemon. Comment donc Lucy, tellement bavarde, tellement bruyante, pouvait-elle avoir un daemon pratiquement muet et dont on oubliait bien vite la présence tant il se faisait discret ?
Elle l'avait réprimandé à ce sujet. Il s'était contenté de renifler.
« Je suis la partie réservée de ton caractère. Tu n'as qu'à t'y faire, c'est comme ça. »
C'était incroyable comme Altaïr pouvait l'énerver. Peut-être que c'était pour ça qu'elle s'entendait bien avec Natsu ? Lui aussi savait ce que c'était, d'avoir un daemon qui vous tapait sur les nerfs. D'ailleurs, Akane et Altaïr adoraient passer du temps ensemble, et Lucy était sûre que c'était pour se plaindre de leurs humains respectifs.
Mais d'un autre côté… Altaïr ne perdait jamais son calme. Même quand elle était en pleine détresse, il restait immuable, un roc contre lequel la tempête se déchaînait en vain. Il était solide.
Il lui rappelait Maman. Quand elle pleurait, il était toujours là pour elle. Quand elle doutait de ses choix, il était toujours là. Une constance imperturbable dans sa vie.
« Lucy, je désapprouve certains de tes choix, mais ce sont les choix que tu as faits. C'est à toi de décider de ta vie. »
« Mais tu es mon âme, non ? Je suis supposée t'écouter. »
« C'est exact. Mais au final, la décision t'appartient. Que veux-tu, Lucy ? Qui veux-tu être ? »
C'était la question qu'il lui avait posée, lorsque son passé l'avait rattrapée. Lorsque Phantom Lord avait détruit la guilde, agressé Shadow Gear, tout ça pour essayer de ramener l'héritière des Heartfilia à son père.
« Lucy, est-ce que c'est ce que tu veux ? »
« Al, il ne s'agit pas de moi. C'est Fairy Tail qui est en danger ! Si je peux les protéger en rentrant à la maison… »
Il lui avait mordillé le poignet – pas très fort, mais assez pour laisser une petite marque – comme il le faisait toujours pour lui dire qu'il la trouvait stupide.
« Parce que ta maison, c'est là-bas ? »
« Il a raison ! » était intervenu Natsu. « T'es pas une héritière, t'es Lucy de Fairy Tail ! Ta vraie place, c'est ici ! »
Ce n'est pas à propos de ce que moi, je veux…
Tu es sûre, Lucy ? Qu'est-ce qui te rendra le plus heureuse ? Que veux-tu vraiment ?
Toute sa vie, jusqu'à sa fugue, elle s'était laissée diriger par son père. Elle avait obéi aux ordres de Jude, parce que c'était plus facile, parce que c'était plus confortable de laisser quelqu'un d'autre décider pour elle.
Mais toi, Lucy, que veux-tu réellement ?
Altaïr n'avait pas bronché lorsqu'elle avait décidé de retourner dans le domaine des Heartfilia. Il l'avait juste considérée de ses yeux comme des perles noires, et lui avait dit :
« Je te fais confiance. »
Qu'est-ce qui te rendra heureuse, Lucy ?
Rester à Fairy Tail.
Elle avait affronté son père, son daemon perché sur son épaule au lieu d'être dans ses bras comme le daemon d'une jeune dame de la haute société. Elle avait affronté son père, elle avait revendiqué son choix. Elle avait tourné le dos à son passé, à la jolie potiche qu'elle avait été et qu'elle ne redeviendrait pas.
Alors qu'elle quittait le bureau, Altaïr lui avait léché la joue et avait murmuré dans son oreille :
« Je suis fier de toi, Lu. »
Elle n'avait pas répondu. Le grand sourire sur ses lèvres avait suffi.
Altaïr est l'étoile la plus brillante de la constellation de l'Aigle. Comme Lucy est une mage des étoiles...
