Zeleph
Quand les gens essayaient d'imaginer Zeleph, ils ne se représentaient certainement pas un jeune homme au visage de midinette, dont le daemon papillon de nuit aimait à se percher sur le col, semblable à une grosse broche noire et jaune.
Seulement, quand on examinait le papillon de plus près, on pouvait voir la tache en forme de crâne humain sur son thorax. Et quand on regardait encore plus près, on s'apercevait que contrairement à tous les usages, le daemon était un mâle plutôt qu'une femelle.
Ce fait avait toujours tracassé Zeleph : les humains dont les daemons étaient du même sexe qu'eux étaient d'une rareté extrême depuis le début des temps, et comme toutes les raretés, observés avec un mélange de fascination et de méfiance.
Acheron s'en était voulu quand la malédiction s'était abattue sur eux. Zeleph avait eu beau lui répéter que c'était sa faute à lui, que son âme n'y était pour rien, le daemon s'en était voulu depuis les premiers morts et n'avait pas cessé de s'en vouloir.
La plupart du temps, le daemon se taisait, content de rester perché sur son humain. Cela permettait aussi de déguiser son genre masculin, dans les rares occasions où ils croisaient des gens : pas la peine d'affoler quelqu'un en montrant à quel point ils sortaient de la norme.
Et puis était arrivée Mavis.
« Comment ça se fait que ton daemon soit un garçon ? » avait-elle interrogé, son daemon sphinx colibri s'amusant à taquiner Acheron.
Zeleph s'était raidi, incertain de sa réaction.
« Je ne sais pas. »
Elle avait souri, observant les deux papillons se pourchasser dans la lumière du sous-bois.
« En tout cas, il est joli. On dirait un gros bourdon ! »
Le mage noir avait été tellement surpris qu'il avait failli se mettre à rire.
Si vous n'avez jamais vu de sphinx tête de mort, il y en a un sur l'affiche du Silence des Agneaux. Dans la mythologie grecque, l'Acheron était l'une des rivières coulant dans l'Enfer, plus précisément la rivière des pleurs. Et le nom scientifique du sphinx tête de mort, c'est Acherontia atropos comme la rivière et comme la Parque de la Mort...
