L'envol du phœnix

Toujours situé dans l'univers de Entre Lune et étoile
Toujours basé sur des caractères fictionnels ne m'appartenant pas
Toujours soutenu par une équipe de choc : Alixe, LaPaumée et Dina et aussi FéeFlea(u)
Toujours aussi contente qu'incrédule devant vos reviews...

5. On ne me dit sans doute pas tout

"On va où ?"

"Para Casa."

La sobre réponse de Laelia faillit le faire soupirer. À la maison ? Avait-il une « maison » à Rio de Janeiro ? Les immeubles filaient de chaque côté du taxi ; Laelia avait donné l'adresse trop vite pour qu'il la retienne et, de toute façon, elle n'aurait sans doute pas eu beaucoup de sens. Sirius n'avait jamais passé beaucoup de temps à Rio et ne connaissait pas grand-chose de la ville. Il supputa raisonnablement que Nymphadora-Laelia ne lui donnerait aucune autre information dans un taxi après une telle affirmation ; il se tourna avec humeur et regarda la ville dehors, pris malgré lui par le dépaysement. Ils s'arrêtèrent dans une quartier d'immeubles bas que Sirius estima moldus. Il existait plusieurs quartiers sorciers à Rio, il le savait mais, comme en Angleterre, des sorciers préféraient vivre ailleurs. Ça ne l'étonnait pas totalement d'Aesthélia, finalement.

"Dona Coelho?", salua de loin un gardien d'immeuble, ouvrant une série de grilles et les refermant derrière lui.. "Dona Aesthelia a dit que vous arriveriez ce soir ! Et vous voilà !"

"Bonsoir", répondit Laelia visiblement un poil déstabilisée par l'accueil. Mais l'homme ne sembla pas s'en formaliser et s'empara d'autorité des valises sorties du coffre par le taxi. Acteur ? Complice ? Sirius était incapable de l'établir avec certitude. Il ne ressentait aucune magie venant de lui non plus mais l'homme les guidait déjà vers l'entrée de l'immeuble, reprenant le rituel des portes et des grilles - un peu comme à Azkaban, songea Sirius avec une pointe de stress.

Le gardien babillait devant avec Laelia, il ne semblait pas juger bon de lui adresser la parole à lui, au gosse en remorque et, finalement, il n'y avait pas de quoi s'en vexer. Il les conduisit à un ascenseur qui les amena au dernier étage et leur ouvrit la porte d'un appartement sans cesser jamais de parler du prix exorbitant des mangues, de bandes qui détroussaient les honnêtes gens, du gouvernement qui était incapable ou des désolants résultats de l'équipe de football du quartier. Sirius n'en revenait pas de tout comprendre - tellement pas qu'il doutait avoir réellement compris, en fait. Laelia avait fini par juger qu'elle n'avait pas à répondre à l'homme, et ça fonctionnait. Il les laissa quand même, une fois les valises posées au milieu du salon. En pénétrant dans l'appartement, Sirius vit deux noms sur la porte : "Marin Da Silva - Coelh(i)o Lupin".

"On est chez Aesthélia ?", questionna-t-il quand le concierge eut disparu.

"Chez nous, Cyrus. Nos noms sont sur la porte. Nous partageons cet appartement avec Aesthelia. D'ailleurs, viens voir ta chambre", répondit Laelia avec la petite inspiration qui indiquait qu'elle rentrait plus profond dans son rôle, qu'elle en acceptait la charge. Cette Nymphadora était décidément un drôle de numéro pour être capable à la fois d'autant de dévouement et d'autant de changement de personnalités, songea Sirius en la suivant dans le couloir.

La première porte à gauche portait le nom "Aesthelia". En face, la porte portait le nom "Laelia". Ils avancèrent de deux mètres, et puis il y eut à droite une porte bleue, avec tracé en rouge, le nom "Cyrus".

"Carrément", souffla-t-il, ce qui fit sourire Laelia qui poussa la porte toute grande ouverte.

La pièce moyenne contenait un lit bas, un bureau devant la fenêtre et une armoire blanche. Il y avait des livres - la majorité portugais mais quelques-uns anglais. Il y avait des jouets - une collection de véhicules moldus, des figurines de quidditch, ce qui ressemblait à un jeu de construction... Un ballon et un balai traînaient dans un angle. Au mur, des joueurs inconnus de quidditch volaient sans fin sur des posters écornés. L'un deux était signé. Une chambre plausible pour un jeune garçon anglo-brésilien de neuf ans, décida Sirius en sentant les réactions de Cyrus.

"Tu veux te reposer ?", proposa Laelia après un temps d'indécision.

"Tu vas me lire un livre ?", répondit Sirius avec une certaine curiosité. Il y avait deux étagères de livres. Un épais recueil, Quidditch, orgulho brasileiro, donnait vraiment envie de s'allonger sur le lit et de tourner les pages.

"Je prendrais bien une douche d'abord", souffla Laelia avec sincérité.

"Pas de souci", répondit Sirius.

Il attendit juste qu'elle soit sortie pour abdiquer à l'envie de Cyrus de s'emparer du grand livre et de s'imprégner des vedettes du Quidditch brésilien. Il s'endormit sans réellement s'en rendre compte. Un sommeil d'abord peuplé de victoires fabuleuses, de feintes de Wronski réussies et d'applaudissements assourdissants - de rêves de Cyrus. Plus tard, remontèrent les souvenirs de Sirius. Alors, les cris remplacèrent les applaudissements et des grilles se refermèrent sans fin sur lui. Il suppliait des gardiens sans visage de l'écouter, de lui donner des nouvelles de Harry, de lui dire si Voldemort était finalement vaincu, si le sacrifice de James et Lily avaient même eu un sens. Et les gardiens sans visages le frappaient et maugréaient que Azkaban était encore trop bon pour une crevure comme lui... Il se réveilla en larmes. Cyrus tremblait et toutes les assurances de Sirius ne pouvaient rien y changer ; peut-être ces assurances étaient-elles trop faibles d'ailleurs. Lui même était sidéré par la violence du cauchemar.

"Laelia !", cria Cyrus les mains crispés sur le drap que quelqu'un avait tiré sur lui. Mais personne ne vint. Sirius en fut assez content - qu'aurait-elle pensé de lui, frissonnant et pleurant mais Cyrus, lui, en conçut de nouveaux sanglots. Il s'arracha au lit, à la chambre, ouvrit la porte en hoquetant encore : "Laelia !"

L'appartement était totalement silencieux. L'enfant ouvrit à la volée la chambre que la jeune femme aurait dû occuper. Il n'y trouva qu'une valise ouverte. Il continua jusqu'au salon et découvrit sur la table basse un mot écrit à la va-vite. "Cyrus, Ne t'inquiète pas si tu te réveilles avant mon retour. Je n'arrivais pas à dormir je suis sortie faire un tour. L".

"Elle va revenir", dit Sirius à haute voix pour obliger Cyrus à l'entendre et à se calmer.

Il se moucha le nez sur sa manche et resta cinq bonnes minutes assis là sur la table basse sans savoir quoi faire. Toutes les fenêtres étaient ouvertes, des bruits de conversation, de voitures... Pouvait-il être plus loin d'Azkaban ?

Sa valise était toujours proche de la table et par pur désoeuvrement, il décida de la ramener dans sa chambre. En repassant dans le couloir, il revit la porte marquée Aesthelia ,et ça l'arrêta dans son cheminement. Sur une impulsion, il laissa la valise dans le couloir et ouvrit cette porte peinte en vert. La chambre de la même taille que la sienne était meublée d'un lit à baldaquin en bois foncé et d'une coiffeuse assortie mais, surtout, d'une grande table de travail dressée devant la fenêtre et couverte d'épais volumes, d'herbiers et de parchemins. La table d'Aesthelia... une page à demi écrite était posée en travers de la table - ça parlait d'orchidées utilisées pour attirer et capturer des dragons nains d'Amazonie... L'écriture n'avait pas beaucoup changé, jugea Sirius. Il ouvrit ensuite un des deux coffres de bois posés le long du mur et trouva des robes claires, des jupes longues brodées et des chemises à volants... Des vêtements qu'il imaginait sans peine sur la jeune femme qu'il avait tant aimée... Neuf ans...

Il y eut un bruit dans la cage d'escalier et il sursauta. Que penserait Laelia si elle le trouvait là, à fouiller dans les affaires d'Aesthelia ? L'idée suffit, à elle seule, à le faire s'enfuir jusque dans le couloir. Mais la porte d'entrée ne s'ouvrit pas. Le bruit était une fausse alerte. Sirius reprit la valise et repartit vers sa chambre, un peu haletant et inquiet sans trop savoir pourquoi. Au moment de s'engouffrer dans la porte bleue, il se rendit compte qu'il y en avait une violette en face de la sienne. Par pure curiosité, il alla l'examiner. Rien n'était marqué, mais des fleurs et des étoiles étaient peintes.

"La Croix du Sud", commenta-t-il à haute voix en reconnaissant la constellation qui brillait si clairement dans le ciel brésilien, qui indiquait le Sud aux marins, qui ornaient les drapeaux moldus aussi...

Il posa la main sur la poignée mais il eut beau pousser ou tirer, donner de grands coups de pied et d'épaules dedans, il n'arriva à rien. La porte était fermée, tellement hermétiquement que la magie était sans doute en cause, alors que tout le reste de l'appartement était grand ouvert. Un mystère.

Un nouveau bruit dans l'escalier puis (dans) sur le pallier lui annonça le retour de Laelia, les bras chargés de paquets.

« Tu es réveillé ? Tu as vu mon mot ? », demanda-t-elle en le trouvant au milieu du couloir.

« Tu es sortie ? », répondit Sirius jugeant peu opportun de poser directement la question de ce qui était derrière la porte violette.

« Je n'arrivais pas à dormir... et j'avais faim... Le concierge a bien essayé de me dissuader de sortir seule, mais il a finit par conclure que j'étais comme Dona Aesthelia... »

Sirius sourit ce qui sembla suffire à Laelia comme réponse.

« Du poulet aux piments, du riz et des mangues, ça te dit ? »

« Tout à fait », répondit-il content qu'elle ne se montre pas trop parentale ou inquisitoriale.

Ils s'installèrent rapidement autour de la table basse – la magie aidant à trouver ce qui aurait pu être cherché pendant longtemps.

« Tu crois que je saurais faire de la magie ? », questionna prudemment Sirius. « Après neuf ans... »

Laelia hésita avant de répondre.

« Sirius sait toute la théorie, et il a eu un entraînement poussé ; je pense que Cyrus aurait des capacités supérieures à la normale... mais on ne peut pas prendre ici le risque de faire des essais. »

« C'est ce qu'a dit Dumbledore », signala très calmement Sirius.

La sortie sembla rasséréner Laelia qui reprit sa dégustation.

« On va rester ici longtemps ? »

« Aesthelia doit venir nous chercher », répondit Laelia posément.

« Quand ? »

La jeune femme se contenta d'un geste vague des épaules qui voulait bien dire qu'elle n'en savait rien. Ou qu'elle ne voulait rien en dire, décida Sirius.

« Pour aller où ? », insista-t-il néanmoins.

« En Amazonie », indiqua Laelia sur le ton de l'évidence.

Ce fut à Sirius de marquer gestuellement son incompréhension.

« Il y a différents endroits où nous devons être vus... il y a une maison, assez profond dans la forêt à ce que j'ai compris où... »

«... où tu dois mourir », comprit Sirius comme une illumination.

« Exactement », conclut Laelia avec un mélange marqué de soulagement et de décision de changer de sujet.

Oo

Aesthelia ne vint pas le lendemain. Vers midi, Cyrus n'en pouvait plus de tourner en rond dans sa chambre, de lire des livres ou d'imaginer des histoires avec ses figurines. Il aurait été trop malheureux à Azkaban, songea Sirius. Et puis il y avait cette porte violette avec ses étoiles et ses fleurs.

« Laelia, il y a quoi là-dedans ? », demanda-t-il donc de sa voix la plus dégagée et la plus innocente.

« Je ne sais pas », répondit la jeune femme plongée dans d'épais volumes de botanique tropicale. Toujours le rôle, sans doute. Tant d'efforts continuaient quand même à paraître démesurés à Sirius, voire inquiétants. On ne lui disait sans doute pas tout, c'était une certitude.

« Il y a la Croix du Sud peinte dessus », insista-t-il, juste pour voir.

« L'emblème du Brésil », répondit Laelia avec indifférence. Ça ne les menait nulle part.

« Aesthelia vient bientôt ? »

« Tu le sauras quand elle entrera par cette porte », soupira Laelia.

« On va rester là à l'attendre ? »

« Tu vois mieux à faire ? »

La réponse était non mais elle terrifia Sirius – tout enfermement était terrifiant – et plus encore Cyrus – envisager tant d'inaction était au dessus de ses forces. À moins que les deux sentiments ne se mélangent.

« Cyrus s'ennuie », lâcha-t-il donc avec un coup de pied dans le mur pour bonne mesure.

Laelia eut l'air totalement désemparée.
« Tu as... des livres, des jouets... »

« Un balai aussi », glissa Sirius – une magie assistée était toujours mieux que pas de magie du tout.

« Ici, ça me semble impossible », murmura Laelia un peu pâle devant ces complications inattendues.

« Un ballon aussi », proposa presque à regrets Sirius. C'était moins excitant que voler, mais si ça lui permettait de sortir de cet appartement, c'était un début d'amélioration.

« Un ballon », répéta Laelia interdite.

« Un ballon de football », expliqua Sirius en levant les yeux au ciel ; lui-même ne connaissait que les grandes règles du jeu et aurait été incapable de citer un nom de joueur anglais ou brésilien, mais il avait assez fréquenté de bars dans les deux pays dans ses jeunes années pour savoir l'emprise de ce jeu sur les Moldus. Presque autant d'ambiance qu'un match de Quidditch. « On pourrait aller dans un parc ! »

« Ah, bien sûr », commenta mollement Laelia – ce n'était pas son projet, ça se voyait. « Mais si Aesthelia vient ici et ne nous trouve pas...? »

« Pourquoi ne pas lui envoyer un Colibri ? », attaqua Sirius – deux buts à l'extérieur de cet appartement, ça ne se refusait pas !

« Un colibri... », répéta Laelia avec une grimace fugitive. « Où trouver ça ? »

« Dans une oisellerie », répondit Sirius étonné de s'en souvenir si nettement. « Demander un colibri bavard. »

« Albus et Remus m'en avaient parlé », se souvint Laelia avec l'air furieuse de l'avoir oublié. Suffisamment en tout cas pour fermer le volume devant elle. Un signal merveilleux. « Allons voir ce que nous pouvons faire. »

L'achat du colibri se passa simplement et l'oiseau pris son envol à la recherche d'Aesthélia quelques minutes plus tard. Rejoindre le parc, « un parc bien, pas fréquenté par les voyous », indiqué par le gardien, offrit une promenade à peine plus longue. La chaleur faisait du bien à Sirius, comme si elle faisait fondre une glace accumulée en lui pendant neuf ans. Transpirer lui disait qu'il était vivant. Vivant et libre.

Au parc, son ballon flambant neuf attira assez vite d'autres garçons de son âge et le jeu commença facilement. Courir était magnifique malgré la chaleur et son peu de maîtrise du jeu. Laelia s'était assise sur le dossier d'un banc, sous un grand frangipanier, et les regardait. Cyrus ne pouvait s'empêcher de le vérifier de loin en loin, comme si sa disparition avait représenté un risque terrible. Ça ne le rendait pas meilleur au jeu mais il courait assez vite, ça compensait.
Quand un colibri d'un rouge particulièrement ardent voleta autour de la tête de Laelia, Sirius ne le manqua pas et en oublia complètement le jeu. L'oiseau voletait à sa hauteur comme si elle était une fleur qu'il voulait butiner. Cherchant à traduire du comportement de Laelia la teneur du message, il prit le ballon en pleine tête.

« Eh, ça va ? », demanda le grand type maigre qui avait organisé le jeu.

« Je regardais ailleurs », s'excusa Sirius en se relevant.

« On a vu ça ! T'es un rêveur, toi ! »

Comme c'était la première fois de toute sa vie qu'on lui accolait une telle épithète Sirius ne sut que répondre. Lui, un rêveur ? Un autre mouvement sur le banc, le fit tourner de nouveau la tête. Laelia s'était levée et lui faisait signe.

« Ma mère m'appelle », s'excusa Sirius.

« Elle doit se demander si tu t'es fait mal ! » estima un autre gamin.

« Sans doute », répondit Sirius sans y croire une minute

« C'est ce que font les mères », commenta le garçon avec un soupir de commisération et de fatalisme.

Son ballon récupéré sous le bras, Cyrus courut vers Laelia qui faisait les cent pas près du banc. Un temps court mais suffisant pour que Sirius se rappelle que jamais sa propre mère ne l'avait accompagné à quelque parc ou jeu, quel qu'il soit...

« Le colibri... », il commença quand il fut à trois pas.

Laelia hocha la tête.
« Aesthelia viendra demain... elle nous recommande de profiter de la ville aujourd'hui... »

On va partir dès demain, supposa Sirius, et Cyrus se renfrogna presque, regrettant déjà les joueurs de foot, les figurines et la chambre à la porte bleue.

« Tu as une marque rouge au front.. ils t'ont fait mal ? » demanda alors Laelia en posant une main étonnamment fraîche sur la marque.

« Ils n'ont pas fait exprès », répondit Sirius étrangement ému qu'elle s'en inquiète.

« On va à la mer alors ou... »

« La mer, ça serait bien ! »

Elle sourit à sa réaction, comme si elle l'avait anticipée.

« C'est un peu loin pour un taxi, trouvons un endroit discret... »

Ooo

Aesthelia arriva le lendemain en fin de matinée. Elle ouvrit la porte et entra d'un pas normal. Comme quelqu'un qui rentre chez elle. Pas comme quelqu'un qui va se retrouver devant un homme qu'elle n'a pas vu depuis neuf ans - ou son avatar, pensa immédiatement Sirius. Quand avait-elle appris à jouer la comédie ? Aesthelia, celle qui ne savait pas se taire quand elle n'était pas d'accord ? Est-ce qu'en temps de paix chacun apprenait à jouer la comédie ?

Peut-être pas, corrigea-t-il l'instant suivant en voyant Laelia se lever, livide, presque tremblante.
"Aesthélia", commença-t-elle et puis sa voix se coupa.

"Bonjour Laelia", répondit plus simplement Aesthelia, mais Sirius avait cru voir un trouble traverser ses yeux. Et puis, elle ne le regardait pas. "Vous vous êtes bien installés ?"

"Parfait", admit facilement Laelia. "Comme chez soi... Merci !"

Aesthélia se contenta de sourire. Sa réponse préférée au compliment. Une arme terrible avait souvent songé Sirius. Son sourire restait éblouissant. Il effaçait les joues plus creuses, les traits plus marqués et les cheveux beaucoup plus courts qui bousculaient ses souvenirs.

"Cyrus a... a adoré les livres... et le ballon", commenta un peu stupidement Laelia.

Nouveau sourire fugace d'Aesthélia mais cette fois ses yeux vert pâle tombèrent sur lui comme deux cristaux. La garde était haute, Sirius le sentait. Elle ne voulait pas craquer en le voyant. Ou elle se défiait de lui. Mais elle n'aurait pas fait tout ça si elle se défiait de moi, avait-il envie d'hurler.

"Bonjour Cyrus", finit-elle par articuler avec une certaine gravité.

Sirius ne trouva pas sa voix. Ça devait être ça, être muet. Des idées, des choses à dire et aucune aide de son corps pour le faire.

"Vous êtes aussi belle que dans les souvenirs de Sirius", répondit Cyrus à sa place, avec sa crétine petite voix pointue.

Laelia retint un petit cri désolé et Sirius aurait bien fait de même s'il avait eu accès à ces fameuses cordes vocales.

"Voilà qui n'est pas donné à tout le monde", commenta Aesthélia lentement, "d'avoir accès aux souvenirs de Sirius..."

"Je n'ai pas accès à tout", indiqua Cyrus presque revendicatif. "Sauf quand il fait des cauchemars..."

"Cyrus !", s'interposa Laelia, clairement affolée. "Tout ça... tout ça n'intéresse pas Aesthélia !"

"Ça m'intéresse", la détrompa Aesthelia. "Il faut juste veiller à ne pas trahir de secrets, Cyrus, mais je suis sûre que tu le sais mieux que moi."

"Je n'aime pas les cauchemars", répondit Cyrus plutôt boudeur, et Sirius en ressentit une profonde exaspération ; ce n'était décidément pas comme ça qu'il avait envie de revoir Aesthelia.

"Tu peux... tu dois venir me voir quand tu fais des cauchemars", lui rappela un peu vivement Laelia.

"Je n'aime pas les potions non plus !"

"Pire que les cauchemars ?", s'amusa Aesthelia comme si elle avait réellement affaire à un enfant. Elle avait toujours su s'y prendre avec les enfants, se rappela Sirius.

"Non", reconnut Cyrus avec un soupir bref. "Mais j'oublie... et puis quand il fait des cauchemars, Sirius est partout et, moi, je ne peux rien faire... Comme là, il a perdu sa voix quand tu es entré !", leur indiqua le petit traître.

Les deux femmes échangèrent un regard bref, plus alarmé chez la plus jeune que chez la plus âgée.

"Il ne m'en a jamais autant parlé", commenta Laelia, assez amèrement.

"Nous ferons attention aux cauchemars", promit Aesthélia en prenant la main de Cyrus. "Je suis sûre que lui-même ne les aime pas beaucoup... "

Non, admit silencieusement Sirius.

"Tu vas nous emmener en Amazonie ?", questionna tout de suite après Cyrus.

De nouveau, le sourire qui voulait dire que répondre verbalement ne servait pas.

"Il y a quoi derrière la porte violette qui a des étoiles ?", s'enquit alors Cyrus.

"Cyrus !", intervint de nouveau Laelia.

"Qui a-t-il derrière un ciel étoilé ?", répondit contre toute attente Aesthélia - il y avait eu quelque chose de fugace avant dans ses yeux. Pas de l'agacement, ni de la tristesse. Quelque chose d'indéfinissable.

"Les rêves ?", proposa Cyrus alors que Sirius se penchait toujours sur cette lueur inconnue dans les yeux d'Aesthélia.

"Très belle réponse", jugea Aesthélia avec un sourire.,

oooo
Il y a encore une suite ;-)