L'envol du phoenix
Je répète sans doute inutilement, qu'à partir de là, on est sorti de Lune et étoile.
Alixe, Fée Fléau, Dina et Lapaumée me tiennent la main, sinon j'aurais encore plus peur.
Envol 12. La moyenne des enfants
La taille des arbres, des tours, des portes avaient suffi à ramener avec une étonnante précisions les souvenirs d'un Sirius à peine plus âgé que le corps qui l'abritait. Poudlard restait Poudlard, un achèvement magique en soi, un refuge. Comme dans ses souvenirs, il y avait peu de monde dans les couloirs en ce début d'après-midi. Et c'était aussi bien, décida Sirius sur les talons de Remus et de Harry.
Ils allaient atteindre l'entrée des appartements privés des professeurs – une des rares zones que les Maraudeurs n'avaient jamais osé explorer, se rendit compte Sirius – , quand un groupe de Poufsouffles vêtus d'uniformes de Quidditch pénétra assez bruyamment dans le grand hall désert. Harry se retourna et sourit en les saluant de la main.
« Oh, il y a Harry », commenta une fille assez fort pour être entendue.
Il y eut un conciliabule rapide entre les joueurs et le capitaine de l'équipe se détacha pour les rejoindre :
« Bonjour Professeur », commença-t-il, déférent avec Remus pour le plus grand amusement de Sirius. « Est-ce que, par chance, Harry pourrait venir s'entraîner avec nous ? Il est toujours un bon test pour de nouvelles tactiques. »
Sirius n'avait pas besoin d'être légilimens pour voir combien l'idée plaisait à son filleul et ça le faisait sourire. Mais Remus secouait déjà négativement la tête :
«Je suis désolé, mais Cyrus, le petit-frère d'Harry vient d'arriver du Brésil – je vous le présenterai ce soir – et pour l'instant nous devons encore régler...»
« Mais pourquoi ! », s'enflamma Harry, l'air outré. « Je... je n'ai rien fait de mal ! »
« La question n'est pas là », commença Remus patiemment, mais Harry n'avait visiblement pas l'intention de l'écouter. Sans même proférer un seul mot, il s'engouffra dans le passage menant aux appartements et disparut de leur vue.
Comme Cyrus lors de cette visite d'une école, se rappela Sirius, sidéré de la violence de la réaction. Est-ce que tous les enfants explosaient comme cela? Il n'aurait pas osé à leur âge. Il lui avait fallu bien plus d'années pour provoquer sciemment ses propres parents, pour refuser aussi nettement les diktats de leur étiquette. Il savait que Cyrus s'était révolté contre les mensonges des adultes et il pouvait comprendre sa frustration. Mais Harry ? L'idée que son filleul puisse rejeter sa présence et les mensonges qui l'entourait le terrassa.
« Je suis désolé », commenta le capitaine des Poufsouffle, l'air sincèrement embarrassé de l'incident.
« Moins que moi », jugea Remus l'air plutôt triste, lui aussi. « Vous aurez néanmoins d'autres occasions de vous entraîner ensemble...Quand Harry sera redevenu plus raisonnable, par exemple. »
« C'est toujours bien de l'avoir avec nous, Professeur », commenta prudemment le jeune homme avant de rejoindre ses camarades qui leur jetaient évidemment des regards curieux.
Remus est un homme public, réalisa Sirius. Tous ses actes sont commentés. Et si rien n'a changé, ma présence comme la réaction d'Harry seront dans toutes les discussions de Poudlard avant ce soir. Quel chemin le jeune garçon timide qui avait mis des mois à oser se déshabiller devant eux dans leur dortoir ! Comment vit-il ça au fond de lui? Comme une reconnaissance ou comme un poids ? Sirius avait été élevé pour être un homme public, ne craignant finalement que le scandale. Et son amitié avec James s'était nourrie du fait que l'héritier du Potter trouvait le scandale aussi amusant qu'autre chose. Mais Remus ?
Sirius était pris dans ces pensées quand Lunard, l'air un peu sombre, l'invita de la main à pénétrer dans le passage, le petit groupe s'étant éloigné. Ils entreprirent de monter en silence l'escalier jusqu'à ce que Sirius n'ose poser la question qui le taraudait :
« Pourquoi ne l'as-tu pas laissé jouer au Quidditch ? »
« Nous n'avons pas discuté de ta présence ici tous les trois, de ce qu'il peut dire ou non, et il vaut mieux prévenir que guérir », explicita Remus avec un ton patient qui impliquait néanmoins qu'il aurait trouvé normal que Sirius en arrive seul aux mêmes conclusions.
« Ça pouvait attendre, non ? », insista Sirius.
« Ces Poufsouffle lui auraient posé des questions auxquelles il n'est pas préparé, et, s'il était un peu moins déstabilisé par... par ton arrivé, il l'aurait compris tout seul », estima Remus relativement tendu devant son insistance.
« Il va me détester », soupira Sirius sans chercher à être diplomate. « Si tu le prives de ce qu'il aime pour moi, il... »
«Pour l'instant, il m'en veut à moi, et c'est ni la première ni la dernière fois. Élever un enfant ne revient pas seulement lui offrir un balai de Quidditch pour son anniversaire !», répondit assez sèchement Remus.
Sirius prit le temps de grimper quelques marches avant de trouver une réponse qu'il lui paraisse suffisamment mâture pour ne pas être disqualifiée par sa petite voix pointue.
« Je ne suis pas censé l'élever », posa-t-il, content de se sentir relativement à l'aise avec cette formulation - quelque soit la place qu'il prendrait, elle ne serait pas celle-là, c'était presque une évidence. « Tu fais ça sans doute très bien ; Nymphadora m'a dit qu'il était très bien élevé, si tu veux tout savoir. Moi, je... je voudrais juste qu'on soit... amis par exemple ! »
«Harry est bien mieux disposé envers toi que tu ne sembles l'envisager», répondit Remus beaucoup plus calmement, presque affectueusement – sans que Sirius sache si cette tendresse était dirigée vers lui ou vers Harry. «Mais son monde est bousculé, et il réagit plus ou moins bien... Laisse-lui une chance ! »
Des chances, Sirius était prêt à en laisser davantage à Harry qu'à beaucoup d'autres. Il acquiesça donc sobrement. Ils reprirent leur ascension silencieuse jusqu'à ce qu'une nouvelle question se pose avec netteté dans son cerveau.
« Dis, tu ne vas pas le gronder au moins ? » L'arrêt marqué par Remus était pire qu'une confirmation. « Tu vas le gronder », conclut Sirius désolé de cette nouvelle épreuve – quoi qu'en dise Remus, Harry ne pouvait que l'en rendre responsable !
« Il me paraît encore un peu jeune pour claquer les portes, non ? », répondit lentement Remus avec une tentative d'autodérision qui sembla l'agacer lui-même puisqu'il reprit dans un soupir : « Étant donné les circonstances, je vais essayer de ne pas devoir sévir – ce qui n'est pas gagné vu son état d'esprit. Je t'avoue que je me serais passé de cela, mais les enfants ont besoin de constance, et Harry plutôt davantage que la moyenne des enfants. Toute variation de mon comportement l'inquiète. Je ne peux donc pas faire totalement l'économie de lui rappeler les règles. »
Sirius se demanda si c'était la complexité de l'esprit de son ami qui rendait les relations avec un jeune garçon de dix ans si intimidantes tout d'un coup. Il n'osa pas essayer de transposer cette discussion dans un contexte brésilien, ni enquêter plus précisément sur les intentions de Lunard. Restait la crainte que Harry le rende responsable quoi qu'en dise Remus.
Ils étaient arrivés à un palier, et Remus ouvrit la troisième porte à droite. Elle donnait dans un court vestibule où des capes étaient suspendues, puis un grand salon assez chaleureux encore que meublé plus selon des critères de confort et de commodité que d'harmonie ou d'originalité. Sirius distingua une sorte de bureau dans une alcôve, dominé par une imposante bibliothèque. Un autre couloir menait à une série de chambres. Le dernier appartement de Remus qu'il avait fréquenté se résumait à deux petites pièces au dessus d'un pub bruyant et enfumé. Seuls les livres semblaient avoir suivi son ami dans son ascension sociale !
« Voici la chambre d'Harry », indiqua Remus en montrant la porte de gauche, hermétiquement fermée. Sirius avait l'impression de sentir la colère en irradier. « La mienne est en face. La tienne est la suivante... Les elfes l'ont rajoutée ».
Sirius pénétra derrière Remus dans une pièce haute de plafond, blanche de murs et meublée de pin clair. La seule décoration était un dessin d'enfant punaisé à la tête du lit. Il représentait quatre jeunes garçons en uniforme de Poudlard, très proprement colorié. Un brun ébouriffé à lunettes - James ; un petit blond, Peter, un garçon plus mince que les autres, Remus et lui-même avec des cheveux noirs légèrement bouclés.
« Harry l'a fait il y a quelques années... deux ans, je crois... après que je lui ai raconté des histoires – sans doute trop... Il s'est basé sur des photos... On ne savait rien encore de la culpabilité de Peter », commenta Remus, sans cacher son émotion.
« Mais j'y étais », nota Sirius et malgré sa petite voix pointue, il sentit sa gravité comme une matière solide.
«Je lui ai toujours dit que tu étais son parrain et le meilleur ami de son père», répondit Remus. « Je ne lui ai pas caché que tu étais à Azkaban non plus, sans expliquer pourquoi. » Sirius n'osa pas demander mais Lunard reprit : « Je ne lui ai raconté la thèse officielle... que l'été dernier, parce qu'il m'a demandé... C'est lui qui a repensé à ce dessin quand nous avons préparé ta chambre... »
Les émotions étaient si fortes et contradictoires dans l'esprit de Sirius qu'il crût qu'il allait pleurer. Sans doute l'émotivité de Cyrus, jugea-t-il sévèrement.
«Je vais aller lui parler», annonça très bas Remus, l'air de se forcer. «Laisse-nous quelques minutes... »
« Pas de souci », murmura Sirius, impressionné par la situation sans trop savoir pourquoi.
Remus tira légèrement la porte en sortant sans la fermer complètement. Sirius entendit les lames du plancher du couloir craquer, Remus s'arrêter, sans doute réfléchir, et puis ouvrir une porte – le grincement léger des gonds.
« Harry, je voudrais te parler... »
« Je veux pas t'écouter ! », annonça l'enfant d'une voix assez forte pour que Sirius ait l'impression d'être avec eux. « J'ai rien fait, et tu me prives de Quidditch ! Ils n'oseront jamais plus jamais me proposer maintenant !»
Sirius de l'autre côté du mur ne put s'empêcher de grimacer en sympathie tant envers Remus qu'envers Harry. L'un voulait les protéger, l'autre jouer au Quidditch. Dit comme cela, ça semblait irréconciliable !
« Harry, il faut qu'on discute », réessaya pourtant Remus patiemment.
« Non ! Je ne veux pas ! », répéta Harry, et Sirius eut l'impression qu'il s'était jeté sur quelque chose – son lit peut-être. Sa voix lui parvenait comme étouffée par un oreiller.
« Harry, si je referme cette porte, ne t'attends pas à ce que je vienne la rouvrir avant un très long temps », menaça Remus sans néanmoins se départir de son calme.
Ce calme, Sirius le trouva relativement incroyable – jamais ses parents n'avaient jugé qu'il méritait leur patience, pas qu'ils en aient jamais montré pour grand-chose, mais pour leurs enfants encore moins que pour les Gobelins, par exemple. Ceux de James avaient évidemment démontré de bien meilleures dispositions, mais Sirius avait l'impression que dans une situation similaire, le ton aurait déjà monté. Comme une confirmation du caractère quasi surnaturel de la situation, le silence qui suivit parut tout simplement assourdissant.
« C'est injuste », jugea finalement Harry, un ton plus bas. « Je n'ai rien fait, rien ! »
« Est-ce que je t'ai envoyé dans ta chambre, Harry ? », questionna Remus presque chaleureusement. « Tu t'es enfermé ici tout seul et tu refuses d'en discuter, rends-toi compte de ça ! »
« Tu me prives de Quidditch », répéta Harry, boudeur.
« Mais non », soupira Remus. « Je veux juste qu'on ait une discussion tous les trois... Plus vite elle aura lieu, plus vite tu pourras aller voir tes amis ! »
« Même Sirius, il voulait jouer au Quidditch ! Il me l'a dit ! », argumenta Harry, et Sirius collé contre la porte pour mieux entendre maintenant qu'ils avaient baissé d'un ton ne put s'empêcher de sourire, content de la manière dont il apparaissait dans la conversation.
« Magnifique », jugea Remus avec un peu de dérision dans la voix.
« Il dit qu'il jouait mieux que toi », lança Harry étrangement bravache.
« Pas très difficile », répondit Lunard d'une voix égale.
« Non », jugea Harry. Sirius crut entendre de la moquerie dans sa voix et se demanda si le garçon, qui lui avait paru d'emblée si raisonnable, avait finalement aucun sens de la prudence ou de la diplomatie.
« Bien. Maintenant que les enjeux sont plus clairs, es-tu prêt à venir discuter avec nous ou préfères-tu que je referme cette porte ? », questionna Remus, avec un mélange de moquerie et de fermeté qui impressionna de nouveau Sirius tant l'équilibre entre les deux lui paraissait maîtrisé.
« Je suis désolé », marmonna Harry en réponse. « Vraiment désolé ! »
« J'espère », souffla Remus. « Je ne suis pas très fier de toi quand tu pars en claquant les portes au lieu de discuter... »
« Désolé », répéta l'enfant, et Sirius eut le sentiment qu'il était sincère.
« Essaie de t'en souvenir parce que je ne prendrais pas la peine de le répéter trop souvent», menaça tranquillement Remus.
Il y eut un silence pendant lequel Sirius ne put qu'imaginer - ou était-ce espérer - des regards ou des gestes de réconciliation. Puis les lames de plancher grincèrent de nouveau.
« Je pourrai réellement aller jouer au Quidditch après la discussion ? », questionna très innocemment Harry, sa voix s'était rapprochée de la porte et Sirius recula instinctivement. Remus sembla préférer en rire.
Oo
« Il y a une liste de questions auxquelles nous devons nous préparer », estima Remus quand ils furent tous assis dans le salon quelques minutes plus tard. Harry avait eu l'air un peu honteux, évitant le regard de Sirius quand ce dernier les avait rejoint à l'invite de Lunard. Mais Sirius avait décidé de tenir bon et avait répondu avec un clin d'oeil qui n'avait pas été mal reçu. « La première est ce que nous pouvons livrer à Radio Poudlard...»
« On va changer ? », s'inquiéta ouvertement Harry.
« Je veux que Sirius connaisse l'histoire et se sente à l'aise avec elle », estima Remus.
« Mais j'ai déjà écrit à Ron et... », commença à argumenter Harry.
« Racontez-moi donc votre histoire », le coupa Sirius, peu désireux d'assister à une nouvelle explosion de son filleul.
Remus fit un signe de tête à Harry qui s'exécuta avec une concentration certaine, un peu comme on récite une leçon : « Tu as vécu au Brésil... Ta mère était ethnomage et elle a été tué par des Moldus... Je t'ai rencontré quelques fois mais je n'avais pas le droit d'en parler... Tu as onze mois de moins que moi... »
« Qu'est-ce que tu voudrais changer ? », enquêta Sirius en regardant Remus. N'avait-il pas déjà assez souffert pour que cette histoire soit vérifiable ? La douleur de la perte de Laelia pour Cyrus était gravée en lui à tout jamais.
« Coïncide-t-elle avec la façon dont tu... imagines ta présence ici ? », demanda son ami avec trop de précision et de retenue.
« Lunard, je te l'ai déjà dit : je vais garder cette apparence et... », soupira Sirius.
« Je m'inquiète moins de ton apparence que de ton comportement », le coupa Remus.
Sirius réprima un nouveau soupir et en fit un sourire un peu moqueur : «Cyrus est là, en moi. Je l'ai vu à l'œuvre, et tu devrais demander à Nymphadora un rapport sur son 'comportement' avant d'être aussi pressé de l'avoir en face de toi », estima-t-il. « Je peux lui rendre plus de place – comme je l'ai déjà dit à Harry, ils devraient plutôt s'entendre... J'espère que ça suffira pour les apparences. Et, épargne-moi des cours – le seul entraînement qui m'intéresse est de voir où en est mon contrôle de la magie», livra-t-il en guise de conclusion.
Remus hocha la tête, comme s'il comprenait sa dernière exigence, sembla néanmoins hésiter puis vérifia : « Nous t'appellerons Cyrus ? »
« J'y suis habitué. »
« Harry, tu as des questions ? », s'enquit Remus en se tournant vers le garçon.
« On peut aller jouer au Quidditch ? », demanda son filleul en sautant sur ses pieds sans réellement attendre de réponse.
Avant que Sirius n'ait osé, Remus avait commencé à sourire mais il l'arrêta d'une main et demanda l'air songeur : "Et les repas ?" Sirius comme Harry le regardèrent interdits. "Harry mange généralement dans la Grande salle, avec ses amis, sauf quand il y a des visites officielles ou qu'il a oublié d'être sage", compléta Remus en réponse à leur question muette. "Et toi, Cyrus?"
Harry se mordilla la lèvre inférieure, sans doute pour s'empêcher de protester par avance d'une privation. Sirius se sentit vaguement pris au piège.
"Je ne connais pas les amis d'Harry", remarqua-t-il prudemment. "J'imagine que tu ne peux pas trouver une raison de me laisser prendre mes repas seul ici ?"
"Pas en permanence", confirma Remus.
Sirius eut la vision de Severus le dévisageant durant tout un repas, attendant sans doute le moindre faux pas de sa part pour provoquer un esclandre. Il frémit mais jugea qu'il n'y avait pas énormément d'alternatives.
"Il paraîtra sans doute naturel que je reste avec toi pour l'instant, non ?", souffla-t-il tout en se demandant si c'était Azkaban qui l'avait rendu si sage.
"Je... je peux aussi rester avec toi", souffla alors Harry à la surprise de Sirius.
"Mais... tes amis ?"
"Mes amis... ils trouveraient bizarre que je laisse... mon frère... surtout au début", estima le de nouveau raisonnable Harry en remontant ses lunettes avec l'index dans un geste emprunté sans le savoir à James et qui serra le coeur de Sirius.
"Je propose qu'on fasse comme ça ce soir et qu'on en reparle", conclut Remus. "Il me paraît temps d'aller faire ce Quidditch avant qu'il ne fasse trop froid !"
"Tu veux toujours, Sirius ?", souffla Harry un peu timidement.
"Cyrus", lui rappela Remus, tout en regardant la forme juvénile de son vieux ami, l'air amusé mais dubitatif.
"Évidemment", affirma Patmol en refoulant fermement la pointe de nervosité qui l'avait saisi. Il avait volé bien avant la moyenne des enfants - à l'époque ses parents étaient encore fiers de sa témérité qu'ils qualifiaient de "précocité". La plupart des enfants sorciers n'avaient aucun problème à voler ! Et il n'était plus un enfant.
"Je vais te trouver une tenue !", commenta son filleul ouvertement ravi.
"Tu n'es pas obligé", souffla très bas Remus l'observant avec attention lorsque l'enfant eut quitté la pièce.
"Et toi, tu vas faire quoi ?", contra Sirius avec fermeté.
"Vous accompagner, vérifier que... tes souvenirs...en matière de vol sont... disons... suffisants", répondit Remus, avant de soupirer, "puis aller m'enfermer dans mon bureau et essayer de me remettre à flots d'ici le dîner..."
"Tu es obligé ?", questionna Sirius avec curiosité. A peine adulte, il avait été un Auror dans une guerre ; il y avait eu des ordres et des gardes de nuit, mais les enjeux étaient suffisamment élevés pour justifier des sacrifices. S'enfermer dans son bureau volontairement pour gérer des conflits entre profs, des bêtises de gamins et des questions d'intendance lui paraissaient totalement inimaginable. Même après Azkaban où il avait failli périr d'ennui !
"D'une certaine façon, oui", estima Remus. "Et puis Harry le vivrait assez mal si je restais, crois-moi !"
"Tu vas rester ?", s'affola ouvertement Harry revenant les bras chargé d'une robe du Club des Flaquemare.
Remus se leva en maugréant avec une fausse mauvaise humeur que son fils n'avait aucune considération pour lui. Sirius pouffa à l'entendre aussi mélodramatique, ce qui sembla étrangement rassurer Harry comme s'il avait pu manquer que Lunard plaisantait. Puis il réalisa que le jeu était mutuel et que Harry était sûr de l'affection de Remus. Comme ce dernier lui avait dit son ami chez Dumbledore, il ne craignait pas de le contredire, de tester sa patience, voire de se moquer de lui. Il s'en réjouit vaguement, incapable de réellement définir ses émotions.
En enfilant les vêtements prêtés par Harry, Sirius réalisa un truc auquel il n'avait jamais pensé. Il fallait être sûr de l'amour d'un parent pour être léger ou capricieux. Rétrospectivement, ça s'appliquait bien à James qui avait été couvé par des parents qui l'avaient eu assez tard dans leur vie. Ça expliquait à l'inverse le manque de confiance en soi de Peter ou de Remus qui l'un et l'autre, pour des raisons différentes, pensaient être un poids pour leurs parents respectifs. Ça en disait enfin tellement long sur sa propre relation avec ses géniteurs qu'il en aurait ri – ou pleuré. Harry l'arracha à ses pensées en lui demandant sans cacher son impatience :
"Alors, t'es prêt ?"
"Autant que possible", souffla Sirius avec décision. Il avait de multiples revanches à prendre - sur ces années passées en prison, sur son enfance, sur la vie.
Quelques dizaines de minutes plus tard, ils étaient tous les trois sur le terrain de Quidditch. Les Poufsouffles avaient terminé leur entraînement - sans doute sont-ils incapables de risquer ne pas finir leurs devoirs, jugea cyniquement Sirius. Quelques élèves en ballade dans le parc s'arrêtèrent néanmoins pour les observer, sans trop cacher leur curiosité.
«Ne t'inquiète pas, Cyrus », lâcha Harry avec une légèreté moqueuse. «Ils ne s'approcheront pas tant que Papa est là ! »
Avec un sourire indulgent, Remus tendit à Sirius le balai qu'il avait transporté jusque là, jugeant sans doute qu'il serait trop encombré. Avec son étonnante bonne volonté à son égard, Harry avait voulu lui prêter son Astiqueur, mais Remus avait argumenté que les Etoiles filantes de l'école étaient plus proches des balais dont Cyrus avait l'habitude. Sirius voulait bien le croire. Pourtant, il ressentait une étrange voire stupide nervosité à l'idée d'appeler le balai - pouvait-il être devenu cracmol ? Quand il tendit la main cependant, toutes ces préventions s'envolèrent. La magie était là, il la sentait, générant des fourmis dans ses doigts, prête à répondre à sa demande, prête à lui faire échapper à la gravité. Il ouvrit la main et le manche vint s'y encastrer sans à-coups ni retards. Sirius enfourcha l'Etoile filante avec entrain, presque précipitation, posa ses deux mains sur le bois poli, inspira et repoussa le sol.
Le sentiment de liberté, de légèreté prit Sirius par surprise, tellement fort qu'il ne put empêcher Cyrus d'exprimer sa joie extatique par un cri qui semblait venir du fond de ses entrailles. Un cri de libération. Quand Harry le rejoignit , il se rendit compte qu'il avait oublié jusqu'à sa présence ou celle de Remus, il avait même oublié son corps d'enfant ou sa double personnalité. Ça ne lui fit même pas peur.
"Papa voudrait que tu lui dises si tout va bien", annonça Harry, les yeux verts brillants et joyeux, comme un miroir des siens sans doute. La promesse du vol, se dit Sirius en confirmant, le pouce levé, qu'il se sentait en contrôle du balai.
Ils ne regardèrent que quelques secondes Remus s'éloigner, sa sobre robe noire professorale volant légèrement au vent, les élèves s'écartant ou le saluant selon leur degré d'arrivisme, de timidité ou de mauvaise conscience.
"Une poursuite ?", proposa Harry.
"Évidemment", répondit Sirius.
Il eut du mal, d'abord, à suivre le rythme de vol et les changements de direction de Harry. Puis il se rendit compte que c'était parce qu'il réfléchissait trop. Décidant de faire confiance à sa magie, Sirius lâcha prise et sentit sans trop de surprise Cyrus en profiter pour accélérer le vol, imiter les cabrioles de Harry ou raser les tribunes. Il n'arriva pas à s'en inquiéter parce que, pour la première fois depuis des jours, il se sentait bien dans son corps et presque à sa place. Les mensonges qui persistaient n'étaient pas intolérables tant qu'ils étaient partagés avec ceux qui comptaient pour lui. Cyrus rattrapa finalement Harry avec une grande satisfaction, et le fils de James et Lily n'avait pas l'air moins heureux, les joues rougies par l'excitation et l'air froid.
"On change ?", exigea Cyrus et il n'attendit pas la réponse d'Harry.
Il sentait le picotement de l'air froid sur ses joues, devinait le sol, loin sous lui, entendait les clameurs imaginaires de la foule regardant un match... Au loin la lisière de la forêt lui parût tentante. Il changea de cap et accéléra jusqu'au moment où Harry l'air un peu inquiet se saisit de sa robe dans son dos.
"Hé, t'aurais pu me faire tomber !", protesta Cyrus assez violemment. Il essaya de faire lâcher prise à Harry qui tint étonnamment bon.
« On ne peut pas sortir du terrain », affirma ce dernier en se mordillant la lèvre inférieure. "Papa ne veut pas", précisa-t-il.
« Bah, qu'est-ce qu'il en saura ? », lança Cyrus plutôt excédé par la prudence de Harry.
« Dès que qu'un mineur sort du terrain en balai, Poudlard le sait », expliqua Harry simplement. « Les adultes ne sont pas limités – peut-être que ça peut se contourner, mais je ne sais pas le faire !"
La réponse précise désarçonna Cyrus, et Sirius en profita pour affirmer qu'il ne se rappelait plus si cette limite avait existé au temps de ses études. On pouvait penser à une reconnaissance d'aura ou à une limite d'âge... autant de magies compliquées à tromper au débotté - et surtout sans baguette. - Super utile, jugea sombrement Cyrus. - Mais à quoi te servirait de braquer inutilement et Harry et Remus ?, lui rétorqua Sirius, sans cacher son agacement. Vas-tu nous faire refaire les mêmes bêtises qu'à Lisbonne avec Tonks ? Je croyais que tu voulais leur plaire !
"Et Poudlard lui dira ?", vérifia inutilement Cyrus dans une ultime rébellion contre Sirius.
"Évidemment", jugea Harry l'air tellement étonné que Cyrus se sentit rougir.
ooo
Si je poste celui-ci c'est non seulement que j'ai le prochain écrit -Il s'appelle : La chose la plus adulte à faire, si c'est pas mouarf, ça- mais aussi que je commence à imaginer où je vais en termes plus précis - pas seulement le but mais aussi l'itinéraire. N'allez pas vous attendre à un chapitre par semaine pour autant...
Les cartes postales sont les bienvenues
