L'envol du phoenix

Je répète sans doute inutilement, qu'à partir de là, on est sorti de Lune et étoile.
Alixe, Fée Fléau, Dina et Lapaumée me tiennent la main, sinon j'aurais encore plus peur.

J'espère que j'avais répondu aux reviews... j'ai repris celui-ci en attendant que le chapitre 100 de La Distinction prenne forme - ce qui est enfin une réalité. On va voir si vous vous rappelez d'où on en est !

13. La chose la plus adulte à faire

Le dîner dans la Grande Salle n'avait pas été le cauchemar que Sirius avait anticipé. Comme on pouvait s'y attendre, Rogue avait été le pire. C'est-à-dire qu'il avait fait comme s'il n'existait pas. Tous les autres collègues de Remus - même ce ridicule jeune professeur coiffé d'un turban et affligé d'un bégaiement qui faisait spontanément plaindre ses élèves - avaient été foncièrement gentils avec lui. Dans tous les sens du terme : souriants et accueillants envers le jeune Cyrus, mais respectueux de son chagrin et de sa timidité annoncés.

Dans les yeux de ceux qui l'avaient connu plus jeune, Sirius avait également pu lire la surprise, la curiosité ou la confirmation de la véracité de la rumeur instillée par Dumbledore. Mais le statut de Remus semblait le protéger de trop d'enquêtes directes sur ses origines ou son histoire récente.

C'était assez incroyable à observer, mais il était clair personne de son équipe n'aurait voulu s'attirer les foudres de l'actuel directeur de Poudlard. Ils semblaient avoir collectivement oublié quel jeune homme gentil et timide, Remus Lupin avait été. Même ceux qui avaient été ses professeurs ou ses contemporains.

Pas que Sirius ait eu à y redire quoi que ce soit. Lui aussi en venait à constater qu'il devait définitivement oublier ce temps où le nom de Remus voulait dire pour lui vulnérabilité, peur de déranger et volonté de plaire. Le Remus qui présidait la table des professeurs avait appris à se battre – pour Harry, disait-il, mais pour lui même également. Ce Remus-là savait diriger les autres. Ce Remus-là n'avait plus besoin de plaire. Et il le défendait lui , Sirius, au moment où il était de fait vulnérable comme il ne l'avait jamais été de toute sa vie. Un beau renversement.

Enfin, s'il avait fallu autre chose, Cyrus n'avait pas tellement voulu lui laisser la place de tout ce repas. Le jeune garçon étonnamment intrépide et optimiste avait continué à bavarder avec Harry de choses aussi passionnantes que le classement des équipes de Quidditch de Poudlard, qui étaient ses amis et ses ennemis, son dessert préféré ou quand arrivait enfin la chaleur dans ce pays... C'était hautement crédible à voir le sourire de Flitwick qui les avait un moment écoutés. C'était reposant – franchement, quelle était la dernière fois qu'il avait eu une conversation aussi légère ? Ça battait de loin les conversations des adultes sur l'organisation des examens et l'opportunité de reprendre les sorties à Pré au lard. Sans parler du sourire de Harry. Sirius n'avait donc pas vu pour quoi reprendre le contrôle.

C'était peut-être Remus qui avait paru le plus mal à l'aise face à sa disparition – comme s'il se demandait où avait fui Patmol sans évidemment oser poser la question... En tout cas, il avait accepté sans réserve quand Harry avait demandé s'ils pouvaient quitter la table – ajoutant même, sans doute en candidat pour le père sorcier de l'année, que c'était une bonne idée qu'ils se couchent tôt.

« Quand on a été absents, il doit toujours travailler le soir », lui avait appris Harry sur le chemin de leur appartement.

« Il va venir dans combien de temps ? », s'était enquis Cyrus.

« Difficile à dire – je pense que tu lui donnes une bonne excuse pour s'échapper asse vite », avait jugé Harry avant de froncer les sourcils et de demander, en baissant la voix : « Tu voulais qu'on aille... hum... marauder?»

Cyrus avait haussé les épaules, peut-être vexé d'être aussi transparent. Sirius s'était étonné de ne pas avoir vu arriver l'envie avant Harry, mais la formulation l'avait touché. Elle disait la transmission à l'œuvre, envers et contre tout, et il ne pouvait qu'approuver.

« Linky nous attend », avait soufflé son filleul, étrangement sérieux dans son ébauche de conspiration. « Et vraiment, je pense que Papa va venir assez vite mais... on peut prendre un autre chemin pour rentrer... si tu veux! »

« Je te suis », avait souri Cyrus avant que Sirius se demande si c'était une bonne idée.

Harry avait fait pivoter un tableau et dévoiler un passage avec une maîtrise évidente, et Cyrus s'était gaiement enfourné dans le corridor sombre et humide ainsi découvert. – Qui lui a montré ? s'était demandé Sirius ayant du mal à imaginer Remus jouer un double rôle de censeur et d'initiateur. Est-ce qu'il fait ça souvent ? Risque-t-il de se faire gronder ? – Il a dit que l'important était d'arriver avant que l'elfe ne s'inquiète, lui avait répondu Cyrus agacé. Tu crois qu'il le ferait s'il pensait qu'on va se faire prendre ? Sirius n'avait pas su répondre.

« Par ici on peut rejoindre le troisième étage », avait indiqué sobrement Harry en passant devant une bifurcation. « Enfin, le troisième étage ou la bibliothèque – mais ce passage-là est en très mauvais état.. je ne suis jamais allé jusqu'au bout... »

« Pourquoi ? », avait questionné Cyrus, imaginant des marches manquantes, des cordes pourries, d'épais volumes interdits - et beaucoup d'adrénaline attirante.

«Tu sais, les passages, c'est soit Papa, soit Linky qui me les ont montrés», avait avoué Harry. « J'en ai exploré certains tout seul, un peu, mais... ils ont dit que celui-là était dangereux et... »

« Et tu les as crus », avait souligné Cyrus avec un petit air supérieur.

Harry s'était mordu les lèvres, et Sirius avait maudit Cyrus : - T'as le chic pour te faire des copains, tu sais ?! – N'empêche que la bibliothèque, t'aimerais y aller, j'suis sûr ! - avait rétorqué son jeune double, l'air peu impressionné par ses remontrances.

« On est arrivé », avait indiqué Harry très sobrement, quelques minutes plus tard, en s'arrêtant devant une porte basse en bois. « On arrive sur notre pallier – vu l'heure, on va écouter avant de sortir : les profs rentrent chez eux. »

Cyrus avait acquiescé à la prudence au soulagement visible de Harry qui avait collé son oreille contre la paroi de longues secondes avant d'ouvrir délicatement le portillon. Ils étaient sortis à quatre pattes dans le couloir désert.

« C'est une porte d'elfe », avait précisé Harry en la refermant avec précaution.

« J'imaginais », avait commenté Cyrus.

« Ah... Ron ne savait pas », avait lâché Harry en rougissant furtivement.

« C'est cool quand même », s'était empressé de lui assurer Cyrus - avant même que Sirius ne trouve comment le lui intimer. « Et même Sirius ne savait pas qu'elles existaient... sauf que t'as parlé de Linky, alors j'ai pensé aux elfes quand j'ai vu la taille de la porte ! Remus ne passerait jamais !»

« OK », avait accepté Harry, visiblement rasséréné par l'explication.

La porte de l'appartement s'était alors ouverte de ladite Linky qui, effectivement, les attendait :

« Maître Harry doit se coucher : il est tard et il a classe demain ! », avait-elle annoncé en refermant la porte derrière eux. Elle avait employé un ton réjoui mais ça ne sembla pas suffire à faire sourire Harry.

« Oh Linky, il n'est pas si tard ! », avait essayé son filleul. « On peut attendre Papa, s'il te plaît ! »

« Maître Remus a dit de ne pas l'attendre », lui avait appris l'elfe, l'air peu ouverte à la négociation.

Sirius se souvenait d'elfes qui avaient été sans doute trop gentils avec lui et avaient été remerciés. Il se souvenait aussi de Kreaturr, qui avait fait son possible pour le faire punir au maximum – surtout en lieu et place de Regulus. Linky ne rentrait dans aucune des deux catégories, décida-t-il.

« Et Cyrus ? », avait questionné Harry en chemin pour la salle de bains.

« Maître Remus n'a rien dit. »

Harry avait eu l'air tellement sidéré de la réponse qu'il n'avait rien entrepris de direct sur le sujet – il avait plutôt essayé de faire durer en longueur ses rituels du soir, mais l'elfe semblait habituée à le déjouer, avait estimé Sirius assez amusé par la scène. Pendant ce temps, Cyrus s'était installé sur le canapé avec un journal de Quidditch, et il s'était endormi avant que Remus ne revienne

oo

Le lendemain matin, il s'était réveillé étonnamment tard, sans souvenir de rêves ou de cauchemar. Quelqu'un – l'elfe ou Remus – l'avait porté dans son lit et mis en pyjama. C'était la voix de Harry interpellant Remus depuis sa chambre qui l'avait réveillée.

« Mais il va faire quoi, lui ? », demandait son filleul avec une pointe de ressentiment dans la voix qui le fit grimacer.

« Laisse-le arriver, Harry. Tu vois bien qu'il est épuisé, qu'il a besoin de se reposer », raisonnait Remus à voix chuchotée. « D'ailleurs si tu pouvais éviter de hurler... »

« Je n'hurle pas ! »

« Admettons », soupira Remus l'air d'abandonner cette bataille-là à ses prémisses.

« Mais il...il avait dit qu'il se pendrait à mes robes », cita Harry un peu plus bas, quelques minutes plus tard.

« Peut-être pas dès aujourd'hui », proposa philosophiquement Remus.

« Mais, si je pars en classe... »

« Il n'est pas réveillé, Harry. Pars en classe – tu vas finir par être en retard. On mangera ensemble à midi et on lui demandera s'il a envie de venir avec toi et Hagrid, mais peut-être n'aura-t-il pas envie et il ne faudra pas en faire une montagne, d'accord ? »

« D'accord », soupira son filleul.

Sentant la fragilité de la situation, Sirius avait attendu que la porte de l'appartement se referme pour sortir de sa chambre.

« Te voilà », sourit Remus en le voyant. Il lui désigna une place à côté de lui où un couvert était mis. En s'installant, Sirius s'était rendu compte qu'il avait très faim.

« Vous avez déjà petit-déjeuné... il fallait me réveiller ! »

«Je crois que tu as besoin de reprendre des forces – et le corps qui t'abrite a besoin de plus de sommeil que tu ne le croies... Ne t'inquiète pas de nous», répondit calmement Remus.

« Harry est parti », remarqua Sirius une fois qu'un petit-déjeuner était apparu devant lui.

« Il a ses cours... Il reviendra te chercher pour midi », indiqua Remus assez sobrement pour qui avait écouté leurs échanges. Mais Sirius avait décidé de laisser Remus gérer Harry pour l'instant – après tout, c'était son job.

« Repas dans la Grande salle comme hier ? », questionna-t-il donc plutôt.

« Une objection ? », releva Remus toujours souriant mais plus tendu.

« Bah, honnêtement, je ne tiendrais pas des mois face à Snivellus, je crois! Faudrait que Harry me présente vite ses copains ! », avoua Sirius.

« A toi ou à Cyrus ? », enquêta Remus.

« Je ne suis jamais très loin, Lunard », jugea-t-il bon de lui rappeler.

Seul le bruit des couverts de Sirius remplit le silence les secondes qui suivirent. Remus regarda sa montre, soupira et se lança :

« Il ne t'a rien dit, pourtant. »

«Snivellus ? », vérifia inutilement Sirius. «Il a fait comme si je n'existais pas !»

« C'est son personnage », jugea Remus avec un geste de la main qui semblait dire qu'il faisait d'un lézard un dragon. « Tout autre comportement aurait paru suspicieux aux autres ! »

Sirius préféra ne rien répondre – il n'avait pas confiance en Snivellus. Remus pouvait faire comme bon lui semblait, lui réglerait ses comptes avec lui un jour. Ce n'était pas urgent – il devait retrouver sa magie, sa taille adulte, sa liberté, sa femme et sa fille (ou celles qui auraient dû l'être) avant. Mais il n'oublierait pas.

« Tu veux faire quoi ce matin ? », lui demanda Remus après un nouveau regard à sa montre.

« Et toi ? »

« Réunion d'équipe, deux rendez-vous avec des parents, valider des commandes », énuméra Remus placidement. «Rien qui ne t'intéresse ou qui puisse justifier ta présence... »

« Je vais rester ici alors », répondit Sirius. Comme Remus ne disait rien, il ajouta en levant les yeux au ciel : « Promis ! »

« Pas de problème », commenta Remus, plutôt à contrecœur, décida Sirius, sans imaginer ce qui justifiait sa réticence. « Si jamais tu veux te faire une opinion sur … la Bulgarie », ajouta-t-il, « les dossiers sont dans mon bureau. Vu leur contenu, ils sont charmés pour que Harry ne puisse pas tomber dessus par accident. J'ai dit à Linky de les débloquer pour toi si besoin – merci de lui demander de replacer la protection... »

« Ça serait plus simple si je pouvais le faire moi même », glissa Sirius.

« On va y travailler », promit Remus. « Dès que j'ai un plus qu'une heure à y consacrer – je ne vois pas comment nous lancer là-dedans tant que je n'ai pas éclusé les retards... »

« Ce n'est pas ce que tu as fait hier soir ? », s'enquit Sirius. A l'air surpris de Remus, il ajouta le nom de son informateur en guise d'explication : «Harry.»

« Eh bien, disons que j'ai rattrapé une partie de mon retard – mais je ne peux pas abandonner tout pour... »

« Personne ne te demande de sacrifier ta carrière » , aboya Sirius un peu trop vite. En plus avec la voix de Cyrus, c'était ridicule.

« Tu sais quoi », articula assez froidement Remus, « je vais faire comme si tu ne pouvais simplement pas penser ce que tu viens de dire. »

« Évidemment », reconnut Sirius dans un souffle, mais le sourire de Remus restât un peu trop tendu à son goût.

Quand Sirius se retrouva seul - après tout, c'est ce qu'il avait voulu –, ça lui parût d'abord très étrange de ne pas être dans un planning, de ne pas devoir suivre le programme de quelqu'un d'autre... de devoir décider tout seul de ce qu'il voulait faire. Ça faisait un sacré bout de temps que ça ne lui était pas arrivé, il fallait en convenir. Même dans cet appartement, qu'il venait de promettre de ne pas quitter, il pouvait tout autant ne rien faire, lire un livre, demander un supplément de petit-déjeuner... que se recoucher... Les possibilités étaient nombreuses et intimidantes, finalement !

Un peu inquiet de sa propre réaction, il se força à se trouver vite quelque chose à faire. Quelque chose qui lui donne l'impression de reprendre le contrôle des évènements.

« Les rapports d'Albus », s'indiqua-t-il donc avec fermeté. Ce n'était pas le plus drôle mais c'était clairement la chose la plus adulte et responsable qu'il pouvait faire.

Malgré sa taille et sa voix enfantine, Linky ne parut pas surprise ou réticente à qu'il lui demande de les désensorceler. En savait-elle assez pour comprendre qu'elle devait s'attendre à un comportement différent de lui que de Harry ? Ah moins qu'elle n'est pas été programmée pour se poser autant de questions, estima-t-il un peu plus méchamment. Quelque soit la raison de la coopération de l'elfe, il se retrouva installé au grand bureau de Remus devant une pile de parchemin beaucoup plus haute qu'il ne s'y était attendu. Il en prit un au hasard et se plongea dans la lecture.

Vers le milieu du tas, Sirius s'arrêta, fatigué – ça faisait bien longtemps qu'il n'avait pas autant lu, sans parler du contenu un peu nauséeux des rapports. Il se sentait vidé et accepta la tasse de cacao obligeamment proposée par l'elfe, dont il avait sincèrement perdu de vue l'existence. En sirotant sa tasse, il essaya de se faire une opinion sur ce qu'il avait lu. Beaucoup se répétaient ou se contentaient de banalités, mais Sirius devait admettre que la foultitude d'informations variées accumulées sur des phénomènes curieux dans les forêts albanaises pointait à la fois vers la magie noire et vers Peter.

Ce qui avait attiré l'attention des services de la coopération magique sur la zone était d'abord la disparition massive de petits animaux retrouvés vidés de leur sang. La disparition était documentée à la fois par les Moldus et les sorciers. C'était un indicateur relativement fiable qu'une créature des ténèbres traînait dans le coin, Sirius s'en rappelait. Le sang était une matière de base pour la magie noire et ses créatures. La taille des animaux tendait à penser que la créature était soit elle-même petite, soit très affaiblie. Dans la marge d'un des rapports, Remus avait écrit : « Une résonance de Voldemort? », et Sirius était resté fasciné par l'hypothèse. Si cet Halloween avait fini par son incarcération, par la mort de son frère de cœur et de la plus belle chieuse rousse que Gryffondor ait jamais accueillie, il avait aussi déclaré officiellement la mort de Voldemort, la fin de cette utopie mortifère de sangs purs : la fin du cauchemar – pour ceux qui avaient échappé à la mort ou à Azkaban, s'entend. Revoir le nom était comme revoir les portes de bronze de la forteresse battue par les vents et les marées.

Mais il y avait plus. Il y avait, raconté avec luxe de détails, la prolifération d'incidents impliquant des muridés dans la zone. Les rats, souris et autre campagnols impliqués étaient décrits comme spécialement intelligents et belliqueux par les Moldus et résistants aux différentes tentatives de les piéger. Sirius n'avait pas besoin que Remus ait tracé les cinq lettres du prénom de Peter pour penser à leur ancien ami. Comment avaient-ils pu être si aveugles ? Même avec le recul, Sirius n'arrivait pas à se convaincre qu'ils auraient pu être sûrs. Il faudrait qu'il demande à Remus, décida-t-il. Savoir s'ils auraient pu échapper à cet engrenage monstrueux paraissait une pierre fondatrice de sa propre reconstruction.

Dans le fatras de ses lectures, il avait aussi noté les analyses faites par quelques Aurors bulgares plus entreprenants que la moyenne. Les lettres qu'il avait entre les mains indiquaient que l'idée leur était peut-être venue d'Angleterre, d'ailleurs. Ces analyses a priori sérieuses parlaient de "psychée magique" et de "résonances" sur les résidus prélevés sur les animaux.. Là encore, on nageait dans la magie la plus noire, la plus révoltante. Celle qui avait si bien fasciné son propre père.

Il se revit à peu près de la même taille que Cyrus dans la grande bibliothèque de Square Grimmaurt. Orion avait invoqué des Inféris pour la gouverne de ses deux fils et héritiers. Régulus avait les lèvres en sang à force de se mordre les lèvres pour empêcher ses dents de claquer. Sirius n'avait pas eu réellement peur – pas qu'il n'ait déjà appris à craindre Orion et ses colères – mais il avait déjà compris qu'ils étaient là pour apprendre, et non pour être punis. Ils étaient là pour devenir des Black. Orion essayait de leur faire partager sa fascination pour la puissance contre-nature de la magie noire. Il voulait les convaincre de la supériorité – de leur supériorité sur les autres, par ricochet – de la magie noire. Et Sirius ne pouvait pas dire qu'il n'avait pas été impressionné pour la plus grande satisfaction d'Orion. Il avait même posé une question : « Mais, Père, comment se procure-t-on... le corps ? » La réponse – « Sachez qu'il y a toujours un Moldu qui n'a plus besoin de sa pitoyable existence » – avait fait vomir Régulus.

Sirius ne sut jamais s'il aurait pu reprendre sa lecture alors que ses yeux pleuraient un chagrin qu'il n'avait pas vu venir. Harry entra alors dans l'appartement avec cette énergie pré-adolescente qui ne peut que donner la priorité à l'avenir sur le passé.

« Cyrus ? », appela son filleul avec une timidité sous contrôle. « Cyrus, tu es là ? »

« Oui », souffla Sirius en essuyant rapidement ses joues. Comme Harry traversait le salon sans le voir, il répéta plus fort : « Ici. »

Harry se retourna, son sourire s'envola en le voyant.

« Ça va ? »

« Beaucoup mieux depuis que tu es là », répondit Sirius avec honnêteté.

« C'est Papa qui a voulu que je te laisse », se justifia Harry, avec une pointe de ressentiment contre Remus, pas besoin d'être légilimens pour s'en convaincre.

« Je... je ne peux pas venir avec toi en classe, Harry », essaya Sirius en faisant de son mieux pour imiter la manière dont s'y prenait Remus – ça valait le coup d'essayer, non ? « Et je dois faire des choses – j'ai beaucoup de choses à rattraper... mais je crois que j'en ai assez fait pour un premier jour... Cyrus va être content de jouer avec toi. »

« C'est quoi tout ça ? », demanda Harry en s'approchant avec curiosité de la pile de parchemin.

« Des choses que Remus ne souhaite pas que tu voies », essaya de l'arrêter Sirius.

« Pourquoi ? », questionna vivement Harry pas loin de la colère.

« Parce que c'est... terrible – regarde dans quel état ça me met, moi ! »

« Ça a un rapport avec mes parents ? » L'hypothèse saisit Sirius qui n'en comprenait pas la logique. Ça dut se lire sur son visage car Harry reprit, pas beaucoup plus calme : « Pendant longtemps, Papa ne voulait pas parler de toi, de pourquoi tu étais à Azkaban ou de comment James et Lily étaient morts... Il disait que j'étais trop jeune, que c'était trop triste... et il était très triste quand il pensait à eux – ou à toi aussi... Mais quand il m'a expliqué, eh bien, j'ai pu l'aider. Et c'est moi, c'est moi qui ai compris que le rat de Ron c'était ce Peter ! Enfin, disons que c'est à moi que les serpents ont parlé et que c'est comme ça que Papa a compris », concéda-t-il en fronçant les sourcils. « Je sais que je ne suis qu'un enfant, que tout le monde veut me protéger, mais ne rien me dire n'est pas une solution ! »

La colère latente désarmait Sirius qui ne savait pas trop si elle lui était adressée. Remus lui avait demandé de ne pas montrer les documents à Harry, et il n'était pas loin de penser qu'ils étaient de toute façon trop complexes pour que l'enfant y comprenne quoi que ce soit. Il pouvait essayer d'expliquer le projet, décida-t-il. Ce n'était pas trahir Remus.

« Tu sais que Peter s'est échappé ? », commença-t-il donc.

« C'est de ma faute », blêmit Harry si rapidement que Sirius craignit un instant qu'il ne s'évanouisse. « Papa dit le contraire mais je sais que c'est au moins un peu de ma faute ! Si j'avais obéi, si j'étais resté dans mon lit quand Papa l'a confronté, il n'aurait pas dû s'occuper de moi - et, Papa, il ne se serait pas fait assommer comme cet imbécile de Quirrel ! »

Le récit de Harry était confus mais ses regrets palpables. Il semblait à Sirius que ça devait compter pour une part non négligeable dans la crainte exprimée par Remus que Harry ne reste pas dans son lit quand on le lui demandait. Une impulsion de gosse d'en savoir plus qui avait abouti à un incident regrettable... - personne ne lui avait encore raconté l'évasion de Peter, et il n'aurait jamais évidemment songé que Harry ait pu y jouer un rôle. C'était suffisamment récent et important pour expliquer aussi la prudence et la mesure de Harry, décida-t-il ensuite en espérant que Cyrus comprendrait lui aussi. Le sentiment de culpabilité l'empêchait de céder à ses impulsions. Mais il y avait aussi ce nom lâché à la fin. Il retenait l'attention de Sirius. Il l'avait déjà entendu... C'était récent. La veille, lors du dîner, Remus lui avait nommé tous les professeurs – oui, c'était ça.

« Celui avec un turban ? »

« Oui », confirma Harry. « Il enseigne la lutte contre les forces du Mal, mais Papa et Severus ont l'air de le trouver pas très bon... Papa a gardé les enseignements après la cinquième année à cause de ça. »

«C'est lui qui a laissé Peter s'échapper ? » Harry se contenta d'opiner. «C'est sûr que ça ne le prédispose pas à repérer les futurs Aurors », admit Sirius en essayant d'alléger la discussion. Il voyait plus ou moins l'enchaînement et comment Remus pouvait dire à Harry que ce n'était pas entièrement de sa faute.

« Je suis désolé », répondit Harry comme s'il l'avait grondé.

« Eh, je suis sûr que Remus t'a déjà tiré les oreilles autant qu'il le fallait – je ne vais pas recommencer, ni t'en vouloir, Harry ! Pas moi, pas après t'avoir laissé tomber quand tu n'avais que quinze mois pour un piège qui m'a mis neuf années en prison ! », promit-il avec sincérité. Sa petite voix pointue rendait peut-être ses paroles d'adulte un peu curieuses mais Harry ne parut pas s'en formaliser

« Non ? », vérifia-t-il plutôt. « Tu serais libre pourtant... »

« Ce qui est important c'est qu'on le retrouve », affirma Sirius avec un geste pour les parchemins sur le bureau.

« Et je ne peux pas aider ?», vérifia son filleul.

« Harry, même Remus suit ça de loin – c'est ce qu'il a expliqué chez Albus: il faut des informations que nous n'avons pas encore et sans doute déléguer la prise de Peter à d'autres... »

« Il y a quoi dans ces parchemins ? »

« Des preuves que Peter continue à jouer avec la magie noire », répondit Sirius très directement.

« Ah », conclut Harry, semblant être arrivé au bout de ses exigences.

« Tu venais me chercher pour déjeuner ? », proposa Sirius aussi gentiment qu'il le pouvait.

« Papa a parlé avec Hagrid – tu vois qui c'est ? Le grand », s'anima Harry, mimant même la hauteur du demi-géant - sans doute ne savait-il pas qu'il était déjà là quand ils étaient étudiants. « Il peut nous emmener faire un pique-nique avec lui dans la forêt. On peut prendre un panier à la cuisine... enfin si tu as le temps », termina-t-il très sobrement.

« Cyrus va adorer », promit Sirius.

« Il... il va... venir ? », questionna timidement Harry.

« Faut que je demande à Linky de ranger ça mais, après, je te promets de faire un pas en arrière et de le laisser te proposer des tas de bêtises », proposa Sirius. « Tu n'auras qu'à nous raconter ta matinée avec tes copains... tu verras, ça va l'intéresser plus que les parchemins ! »

oooo

Le pique-nique et l'après-midi avec Hagrid furent de cette simplicité de l'enfance que Sirius avait simplement oubliée – à moins qu'il ne l'ait jamais connue. Manger, courir, se rouler dans les tas de feuilles pourries, s'émerveiller des licornes, grimper à un arbre, manger encore, rire, avoir de la boue dans les cheveux, rire à en avoir mal au ventre... Pouvait-on vouloir pourchasser un mage noir, s'intéresser aux résonances psychiques, se venger ? Sirius n'en était plus totalement sûr. Était-ce finalement une chose si adulte à faire ? Est-ce que laisser sa place à Cyrus, maintenant et pour toujours, ne serait pas infiniment plus raisonnable ?

Mais il y avait Aesthélia et Cruz... et Cyrus n'aurait sans doute jamais l'occasion de leur expliquer pourquoi il avait choisi, en conscience cette fois, de les abandonner définitivement. Non, il ne pouvait pas faire ça. Sirius essayait encore de s'en convaincre alors que Harry faisait ses devoirs sur la table basse devant le feu. Ils avaient tous les deux les cheveux mouillés après le bain que Linky avait immédiatement fait couler quand elle les avait vu revenir. Un peu comme lui et Regulus dans le temps, quand ils se parlaient encore - ça n'aidait pas à avoir envie d'être adulte. Sirius et Regulus, adultes, n'avaient plus su se parler.

Comme Remus était parti à Londres et avait laissé comme instructions qu'ils dînent sans lui et sans descendre dans la Grande salle, ils continuèrent leur tête à tête, surveillés de loin par l'elfe. A la réaction d'Harry, c'était de l'ordre de la routine, et Sirius pourrait toujours interroger Lunard plus tard. Il n'y avait pas de raison de ne pas profiter de la paix et de la simplicité de l'instant.

Harry et Cyrus en étaient à leur dixième bataille explosive quand Remus revint de Londres.

« Je vois que vous vous amusez bien ! », commenta-t-il en s'asseyant avec eux.

Sirius lui trouva l'air fatigué – à moins qu'à force de ne voir qu'Harry de toute la journée, il se soit déshabitué au fait que son ami ait de légères rides - mais détendu. Plus détendu que le matin, par exemple.

« Trop », avoua Cyrus extatique. « J'ai battu Harry cinq fois ! »

« Tu en fais une avec nous ? », proposa Harry, dont les joues rouges et les yeux brillants disaient bien qu'il ne s'amusait pas moins que le premier.

Remus sembla hésiter un bref instant puis prendre un parti.

« Une seule, Harry, il est déjà très tard », indiqua-t-il en prenant les cartes pour les battre.

Harry jeta un coup d'oeil à la pendule sur la cheminée et trouva visiblement plus sage de ne pas insister, mais Cyrus avait toujours moins de sens parental :

« Il n'est pas si tard que cela ! », affirma-t-il de sa petite voix pointue – quand le regard de Remus se posa sur eux, Sirius eut peur qu'il pense que c'était lui qui avait pu dire cela, qu'il puisse en conclure qu'il incitait Harry à se rebeller contre lui.

« Il est suffisamment tard quand il y a classe le lendemain », objecta tranquillement Remus. « Je suis sûr que Sirius peut t'expliquer qu'il est nécessaire d'avoir suffisamment dormi pour aller en classe. »

Cette fois, Cyrus se contenta d'une moue boudeuse et se saisit des cartes distribuées par Remus. La partie fut acharnée entre lui et Harry, mais Remus les surprit sur la fin et provoqua l'explosion à la fois tant attendue et tant redoutée qui faisait le charme de ce jeu.

« T'as gagné, Papa ! », commenta loyalement Harry.

« Vous vous êtes bien défendus », proposa Remus en ramassant les cartes et en les replaçant dans leur boite. Harry grimaça en le voyant faire. Le père et le fils se regardèrent d'abord furtivement puis plus franchement.

« Je vais me coucher », soupira Harry sans cacher combien sa reddition lui coûtait.

« Je t'accompagne », proposa Remus.

« Je n'ai pas cinq ans », marmonna Harry en se levant brusquement et en partant à grands pas vers sa chambre.

« Il ne faudrait pas que ta porte claque », lui rappela Remus, les yeux perdus dans les flammes du feu. Il avait semblé regretter de devoir le dire mais son intention n'en était pas moins ferme. Harry s'arrêta dans sa lancée, se retourna et articula :

« Comment... comment on sait quand... à qui on parle ? »

« Tu parles de moi ? », comprit Cyrus les deux mains sur la poitrine.

« De qui d'autre ?! », s'énerva Harry. « C'était pas Sirius, là, si ? Et t'es aussi fatigué que moi ! »

« Mais Sirius veut parler à Remus », répondit Cyrus d'une très petite voix. «Il l'attend... »

« Mais si tu es fatigué, Cyrus, on peut parler demain, Sirius et moi », indiqua Remus en s'arrachant à sa contemplation du feu. « Personne n'a rien à gagner à ce que tu sois épuisé. »

L'argument saisit Cyrus – il pouvait s'imposer sur la volonté de Sirius en s'appuyant sur Harry et Remus mais il perdrait en même temps son privilège de rester debout aussi longtemps qu'il le souhaitait. Il n'y avait pas de bonne décision de son point de vue. Son indécision ouvrit la porte à Sirius qui lui souffla : - Va te coucher, Cyrus. C'est en effet mieux pour toi et pour Harry... le reste peut attendre.

« Je ne veux pas », riposta Cyrus à haute voix et l'air plus effrayé que défiant.

Harry regarda Remus qui se leva et vint mettre son bras autour des épaules du jeune garçon qui tremblait maintenant sur le canapé.

« Je pense que tu es épuisé », souffla-t-il en le soulevant avec facilité dans ses bras. « Il faut savoir s'arrêter, Cyrus. »

« Je... je », pleura Cyrus sur son épaule.

« Tu joueras avec Harry demain », murmura Remus en l'emportant dans sa chambre. Cyrus vit du coin de l'oeil Harry entrer dans sa propre chambre, l'air un peu inquiet.

« Tu es sûr ? », articula-t-il se demandant confusément à la fois si Sirius lui rendrait la main et si Harry se moquerait de lui.

« Certain », promit Remus en le déposant dans son lit.

A la surprise et au soulagement de l'enfant, il resta avec lui jusqu'à ce qu'il s'abandonne au sommeil.

oooo

Le lendemain matin, Sirius entendit Remus et Harry se lever et décida de les imiter sans attendre. Il se sentait plein d'énergie, plein d'envie de mieux les connaître et d'entreprendre de nouvelles choses. Quand il s'assit entre eux, Harry le regarda un moment en biais avant d'affirmer.

« Tu es Sirius, là, n'est-ce pas ? » Son parrain ne put qu'acquiescer. «T'as raison, Papa, c'est facile en fait ! », affirma Harry, l'air soulagé. « Je suis désolé pour hier soir... je ne voulais pas... blesser Cyrus... »

« Tu sais quoi, Harry », formula lentement Sirius. « Je suis sûr que toi et moi, et avec l'aide de Remus, on va arriver à bien s'occuper de Cyrus. On va lui montrer qu'il ne sait pas tout mais qu'il a raison de profiter de la vie... que d'être raisonnable n'est pas toujours entièrement stupide... Tu veux bien?» Harry, les yeux écarquillés derrière ses lunettes, se tourna vers Remus plutôt que de répondre. « Tu ne veux pas ? », s'enquit un peu anxieusement Sirius.

« Je... je veux être son ami », murmura Harry.

Sirius se rendit alors compte qu'il mettait son filleul dans un nouveau conflit de loyautés et il s'en mordit les lèvres – avait-il désappris à vivre avec les autres ? Avait-il même jamais su ?

« Harry, Cyrus a peu d'expériences – il sait moins de choses que toi sur Poudlard et sur ce qu'est la vie d'un enfant », proposa alors Remus. «C'est ça que Sirius veut dire... pas de le dénoncer mais de parfois lui dire non, et surtout de lui montrer le bon côté des choses. »

« Ok », souffla Harry encore un peu incertain.

« Est-ce qu'un autre pique-nique avec Hagrid est une bonne idée ? », s'enquit Remus à la cantonade.

« Évidemment », répondirent en même temps Harry et Sirius.

Quand Harry fut parti en classe, avec moins de réticence que la veille, content déjà de l'après-midi qui suivrait, Sirius et Remus s'installèrent sur le canapé.

« Tu fais de gros progrès avec Harry », lança Remus l'air appréciateur.

« Parce que tu es là pour rattraper mes bourdes et le rassurer quand je ne sais que le rendre inquiet et jaloux ! »

« Tu exagères... Tu es là depuis quoi, trois jours ? Harry n'offre pas très vite sa confiance en général, crois moi. »

« Ok », souffla Sirius en ayant l'impression curieuse d'entendre Harry.

« Tu lui as parlé de la Bulgarie, Linky m'a dit », reprit Remus.

« Je... il est arrivé et je n'allais pas lui mentir », se justifia Sirius, surpris de se sentir aussi nerveux devant le jugement de son ami - plutôt qu'agacé par l'elfe, par exemple.

« J'ai bien compris», lui assura Remus. « C'est bien que ça soit venu de toi, je crois... »

« Il aurait aimé que tu lui dises », lâcha Sirius sans trop savoir d'où ça lui venait.

« Je lui aurais dit quand la piste aurait été plus avancée », répondit un peu sèchement Remus.

Sirius sentit qu'il y avait là un point où lui et Remus ne s'accordaient pas mais ne se sentit pas capable de l'argumenter. D'abord parce que ses priorités étaient ailleurs - et il ne devait pas perdre de vue ses propres priorités.

« Je peux te poser une question qui n'a rien à voir », se risqua-t-il le coeur un peu battant. Le regard sérieux de Remus sembla dire que oui. « C'est toi qui as pensé au Brésil, n'est-ce pas ? »

« Oui », admit facilement son ami. « Albus m'a dit : il lui faut une identité, je ne vois que celle d'un enfant naturel. Avez-vous des idées ? »

« Tu as pensé à Aesthélia », conclut Sirius, sans cacher sa curiosité.

« A qui d'autre ? »

La boule était trop grosse, Sirius eut besoin de temps avant de reprendre.

« Tu avais eu de ses nouvelles ? », finit-il par articuler.

Ce fut au tour de Remus de prendre le temps de construire sa réponse et pourtant quand il commença à parler sa voix sortit rauque et hésitante.

« Quand tu... quand Sirius a été envoyé à Azkaban... je lui ai écrit... - pas tout de suite, une semaine après... Quand j'en ai été capable. Elle... elle est venue - tu dois le savoir ! Elle voulait... elle voulait le voir, elle ne pouvait pas y croire... Elle avait raison», conclut Remus, s'emmêlant visiblement entre ses identités sous le coup du regret et de l'émotion.

« Mais vous l'avez persuadée du contraire », constata Sirius froidement. Ils ne leur en voulaient pas – pas de ça. Du moment qu'ils l'avaient cru coupable... le reste découlait. Lui-même, le premier, avait douté de Remus. Ils étaient quitte, quelque part.

« On en était encore à s'en persuader, Sirius... Tous les matins, je me disais: ce n'est pas possible, James et Lily ne sont pas morts, Sirius ne peut les avoir trahis, tout ça est un cauchemar ! Tu vas sortir de chez toi et tu vas te rendre compte que tu te trompes », raconta Remus, les yeux brillants. « Mais tous les soirs... je me retrouvais devant les mêmes constats : la société sorcière enterrait Voldemort trop vite, voulait oublier les raisons qui avaient permis sa montée en puissance ; elle faisait de James et Lily des icônes de la résistance et du courage, oubliant le peu d'entre eux qui avaient même relevé la tête ! Voldemort parti, on n'offrait pas plus de chances aux loups-garous, aux harpies ou aux elfes ! La victoire était profondément amère – comme le fait de ne pouvoir que confier Harry à sa tante et son oncle maternels... »

« Et j'étais coupable », souligna Sirius.

« Je t'ai détesté », lui apprit simplement Remus. « Je t'ai détesté d'avoir détruit le seul rêve que je croyais encore raisonnable... »

« Les Maraudeurs », comprit Sirius, le coeur serré, lui aussi, tellement il comprenait bien son sentiment.

Remus acquiesça.

« Cette haine a fini par s'étendre à toute la communauté magique... je suis parti... J'ai fini par devenir bibliothécaire dans une école moldue... cinq années... J'ai touché le fond, Sirius – je ne relativise pas ce que tu as pu vivre Azkaban ; je sais juste que je me suis construit mon propre enfer... Il a fallu que je rencontre Harry pour que tout change... »

« Tu l'as rencontré comment ? », se risqua Sirius - il ignorait tant de choses centrales pour ses proches !

Remus eut son premier sourire.

« A la fête de Halloween, j'ai parlé avec un groupe d'enfants moldus de mon quartier – je leur ai donné de l'argent pour acheter des bonbons et ils m'ont demandé si j'avais un enfant... Pour la première fois en cinq ans, ne me demande pas pourquoi, j'ai réalisé que j'avais une responsabilité envers Harry – qu'il ne restait que moi... J'ai donc été le voir le lendemain, avant de changer d'avis. Au début, je comptais juste l'observer, me rassurer sur son sort, éventuellement lui parler si l'opportunité se présentait... J'imaginais bien que Albus avait mis assez de protections autour de lui pour que je ne passe pas inaperçu, donc je voulais limiter mes interactions avec lui au maximum... Sauf que quand je suis arrivé, il nettoyait le jardin comme... comme on ne traite pas un elfe de maison ! Sa tante l'a engueulé quand il s'est blessé avec une pile de caisses qui lui est tombée dessus ! Je n'ai pas pu ne pas intervenir ! »

Sirius avait la gorge tellement sèche devant la douleur de Remus et celle de Harry – toutes ces douleurs dont il était la cause – qu'il ne sut qu'acquiescer.

« Le récupérer a été une bataille rangée – parce que j'ai voulu en avoir le droit et non m'enfuir avec lui », raconta encore Remus. « J'ai enfin appris à me battre ; j'ai découvert que j'en étais capable... avec l'aide d'Albus, il faut le dire. Et celle de Severus, même si c'est venu plus tard..."

Il était facile de se dire qu'après cinq années, pris par l'adoption d'Harry et sa revanche, Remus n'avait pas pris la peine de reprendre contact avec Aesthélia, décida Sirius. Pas la peine de creuser plus.

ooo

Dans le prochain, Sirius va reprendre une baguette, un enturbanné va s'intéresser à lui, on devrait aussi avoir des nouvelles de Dora...