15 | Une dangereuse prudence
« Elle a fait de son mieux », jugea loyalement Cyrus en regardant le cerf-volant s'écraser pour la dixième fois dans un parterre de fougères. Tonks avait gentiment réparé le jouet avant de repartir malgré les soupirs de Remus prétendant qu'ils ne le méritaient pas.
« Mais il vole mal », constata fraîchement Harry en s'élançant pour aller le récupérer.
Quand Cyrus lui avait demandé si Tonks et Remus étaient ensemble depuis longtemps, Harry avait eu l'air horrifié. L'enfant semblait très jaloux de Remus et mal envisager de le partager avec une jeune femme. « C'est son amie, juste ! », avait-il insisté. Cyrus comme Sirius avaient jugé bon de ne pas creuser.
« Il n'est pas cassé ? », s'inquiéta Cyrus quand Harry ressortit du parterre, des fougères dans les cheveux.
« Ça a l'air d'aller. »
« Lance le fort cette fois ! Plus haut ! »
Le fragile assemblage de bambou et de papier prit le vent avec difficulté quand Harry obtempéra. Cyrus tirait par coups secs sur les commandes pour l'aider à prendre de l'altitude. Harry restait en dessous prêt à le récupérer s'il tombait. Ça faisait des jours qu'ils essayaient de refaire voler le jouet endommagé, s'entêtant tous les deux alors qu'ils auraient pu trouver d'autres jeux.
« Il ne fonctionne pas très bien », remarqua alors une voix adulte derrière Cyrus. La surprise lui fit tirer sur une commande plus que sur l'autre, et le cerf-volant s'écrasa de nouveau dans un arbre cette fois après un looping presque gracieux.
« Pro... professeur Quirrel », réussit-il à saluer l'homme enturbanné. « Il a eu un accident et T... Nymphadora Tonks nous l'a réparé mais... il vole moins bien qu'auparavant », ajouta-t-il se disant que l'homme s'inquiétait sans doute de son cadeau et de l'usage qu'ils en faisaient, Harry et lui.
« Une promenade sur les toits, m'a-t-on dit », insinua le professeur, et Cyrus se sentit un peu bêtement rougir.
« On est désolés, Professeur », les excusa Harry revenu vers eux en courant. Comme pour insister sur leur contrition, il grimaça et se frotta le front d'un air embarrassé. Juste à côté de sa cicatrice que Cyrus trouve étonnamment rouge.
« Il faut bien faire des expériences », jugea le professeur avec un sourire de connivence dont aucun des deux ne sut que faire. « Je ne savais pas que quelqu'un avait tenté de le réparer... mais j'étais triste d'apprendre que vous n'aviez plus de cerf-volant... je me suis procuré une réplique... », ajouta l'homme en leur tendant un nouveau paquet qui ressemblait effectivement comme deux gouttes d'eau au premier qu'il leur avait donné à la fin d'un dîner dans la grande salle.
« Oh, merci », soufflèrent les deux garçons dans un quasi même élan.
« Il n'est pas nécessaire de... d'importuner votre père avec ce... ce remplacement. Je ne voudrais pas qu'il interprète mal mon geste... je ne cherche pas sa faveur », ajouta l'homme alors qu'ils ouvraient le carton.
« Si vous voulez », accepta Harry avec une expression presque de commisération pour le professeur de Défense contre les forces du mal.
« Je vous laisse à vos jeux », conclut le professeur avec une petite courbette étonnante et sans leur laisser le temps de répliquer.
Quand il eut disparu en direction de l'école, Cyrus commenta la premier :
« Il est gentil finalement. Un peu ridicule mais vraiment gentil ! »
« Oui », reconnut Harry. « Je crois qu'il a vraiment peur de Papa... et des autres professeurs. Tu as remarqué ? Il ne bégayait pas ! Jamais, je l'ai entendu parler aussi bien ! »
« C'est vrai ! », admit Cyrus avec surprise. « Mais pourquoi il a peur de Papa ? »
« Papa et Severus disent que ce n'est pas un bon professeur... Je crois qu'ils lui cherchent un remplaçant... et j'imagine que Quirrel le sait ! »
« Aïe », commenta Cyrus avec une certaine sympathie.
« Je crois... je me demande s'ils ne l'ont pas gardé en partie parce qu'il a été blessé quand... Queudever s'est échappé », souffla Harry avec embarras.
« Quoi ? »
« Eh bien, je t'ai dit... Quand on a trouvé le rat, j'aurais dû rester dans ma chambre mais je voulais voir si c'était bien Queudever alors je suis allé au bureau de Papa une fois que Linky était endormie... J'ai un mot de passe pour entrer par derrière... »
« Ah bon ?! », s'étonna Cyrus avec simplicité.
« Oui, bon, on en a jamais eu besoin ! », se défendit Harry. « Bref. J'en étais à me dire que je n'aurais jamais dû venir parce que ce Queudever disait des choses horribles... »
« Comme quoi ? »
« Que James méprisait Remus, que toi aussi... que Remus se trompait... »
« Je vois. »
« Tu vois ? », questionna avidement Harry.
Cyrus sentit qu'il y avait là une plaie mal guérie. - Quelque chose pour laquelle tu devrais demander pardon, Sirius, jugea-t-il. « Disons... je crois voir... », répondit-il plus prudemment.
« C'est alors que Quirrel, qui rentrait chez lui, a vu le passage que j'avais laissé ouvert pour pouvoir m'enfuir au besoin et qu'il est entré... c'est comme ça que Papa m'a trouvé », raconta Harry, les joues rouges de sa duplicité passée.
« Oh, alors le cerf-volant, c'est pour se faire pardonner », estima Cyrus. Il n'avait pas à juger Harry – le déjà trop sage Harry !
« Je n'y avais pas pensé ! », s'exclama ce dernier.
« Et après ? Comment Quirrel a-t-il été blessé ? », le relança Cyrus par pure curiosité.
« Papa a du s'occuper de moi – me raccompagner », soupira Harry de nouveau honteux. « Il a laissé Queudever à la garde de Minerva et de Quirrel... puis Minerva a voulu prendre un peu de repos et en son absence, Queudever a eu le dessus sur lui et s'est échappé... »
« Tu m'étonnes qu'il soit nul comme professeur de Défense », s'amusa Cyrus sans trop de mansuétude pour les adultes inefficaces. « Queudever n'a jamais été un très bon duelliste ! Sirius, James ou Remus ne se seraient jamais laissé assommer par lui, tu peux me croire ! »
« Mais c'était un Mangemort, non ? », objecta Harry. « Il a dû apprendre d'autres choses, après Poudlard, non ? Sinon il se serait fait tuer ! »
« C'est vrai », admit Cyrus avec une surprise partagée par Sirius. Il n'avait pas réfléchi à cela. Il avait vaguement estimé que Queudever s'était laissé attirer par Voldemort par faiblesse et par vengeance – comme un nombre si important de Mangemort que Sirius avait pu arrêter et questionner quand il était encore considéré comme un défenseur de la magie blanche. Il avait même pu s'estimer en partie responsable de cette évolution, se reprocher sa naïveté et son manque de discernement dans le jugement de quelqu'un qu'il avait cru son ami. Mais Sirius n'avait jamais envisagé que Queudever ait pu apprendre, progresser, s'épanouir d'une quelconque façon parmi les Mangemorts. L'idée était aussi nouvelle que troublante.
« Qu'est-ce qu'on va faire de deux cerfs-volants ? Si on ne peut pas dire que Quirrel nous en a donné un nouveau... », questionna prosaïquement Harry, le tirant de sa rêverie.
« On va se servir uniquement du neuf, non ? »
« Et si Papa regarde ? Il verra que ce n'est pas celui que Tonks a réparé... la queue est un peu différente aussi... »
« T'as raison », admit Cyrus pensivement.
« On peut en cacher un dans ma cabane », proposa Harry.
« Il va s'abîmer, non ? S'il pleut ? », regretta Cyrus.
« T'as raison », reconnut Harry désolé à son tour.
« Il y a des sorts pour protéger de la pluie... », réfléchit Cyrus à haute voix. « On pourrait... »
Harry le regarda en dessous comme pour l'inviter silencieusement à mesurer l'énormité de son projet, et Cyrus leva les yeux au ciel en le comprenant. Comme ce dernier restait silencieux, ne serait-ce que pour encaisser les grondements mécontents de Sirius, Harry prit sur lui de rendre ses objections explicites : « Cyrus... tu veux... tu veux qu'on prenne nos baguettes et qu'on revienne jeter des sorts ? » Il y avait une tension palpable dans sa voix.
« Basiquement, oui », reconnut le jeune garçon. Harry eut l'air privé d'oxygène. « Quoi ? » , insista Cyrus, répondant finalement et à Harry et à son double adulte. « On a fait de gros progrès tous les deux, non ? Remus... Papa l'a dit ! »
Est-ce qu'ils ne s'entraînaient chaque jour depuis bientôt une semaine ? Ensemble, Harry et lui, pour l'amusement et l'émulation. Cyrus bénéficiait par ailleurs de l'entraînement que Sirius tenait avec Remus pendant que Harry était en classe, mais ce dernier progressait rapidement pour un enfant aussi jeune – Sirius ne cessait de s'en extasier. Harry maîtrisait quasiment un experlliarmus dosé et orienté, par exemple. Pourquoi doutait-il de pouvoir lancer un pauvre sort d'imperméabilité qui demandait bien moins de concentration et de puissance, juste l'apprentissage de la formule, s'étonnait sincèrement Cyrus. Il allait lui rappeler ces données quand Harry réussit à livrer le fond de son objection :
« Cyrus... Si Papa s'en rend compte... que j'ai pris ma baguette et jeté des sorts non travaillés avec lui... alors qu'il n'arrête pas de répéter que la baguette doit rester là où elle est... il va me... il va me massacrer !
« On fera ça tous les deux, arrête de dire que tu prends seul les risques ! », s'agaça Cyrus.
« Tu en parles à l'aise », remarqua sombrement Harry. « Quand on était sur le toit, c'était ta décision, j'ai essayé de te retenir, et c'est moi à qui il a commencé de mettre une fessée... Même s'il t'a grondé aussi, ne dis pas que c'est pareil ! »
« Il s'est inquiété pour toi », souffla Cyrus intimidé par la mise en cause directe. Sirius ne lui avait-il pas reproché de s'être jeté dans les bras de Remus, "comme un petit arriviste" ?
« Je ne dis pas que je ne comprends pas – je dis juste que si on désobéit de nouveau aussi... ouvertement... moi, je sais comment il réagira... avec moi au moins. », formula Harry avec un air déterminé.
Et jeter un sort en douce, du coup, c'est non, comprit Cyrus mais cette fois il n'osa pas se moquer ou insister. « Je pourrais le faire tout seul – quand tu es en classe », proposa-t-il dans une inspiration subite.
« Sirius te laisserait faire ? », demanda Harry mais il y avait un mélange d'envie et de ressentiment dans ses yeux verts, et Cyrus se rendit compte que ce n'était pas une très bonne option pour leurs relations. Il n'avait pas envie que Harry se focalise de nouveau sur leurs différences.
« Je ne sais pas », admit-il par prudence.
Les deux garçons gardèrent ensuite le silence, perdus chacun dans leurs pensées.
« Ou alors », commença Harry. « On pourrait amener mon coffre magique dans la cabane... Grand-père me l'a offert à Noël et il protège de tout... Je ne crois pas que Papa refuserait. »
Ce n'était pas aussi excitant que de lancer des sorts, mais c'était raisonnable et l'idée de Harry. Tout Sirius pressait Cyrus d'accepter.
« Magnifique », jugea donc le jeune garçon et le sourire de Harry le remercia.
Oo
« Tu crois que je pourrais emmener mon coffre à la cabane ? Pour ranger nos jeux... le cerf...le cerf-volant par exemple ? », demanda Harry le lendemain matin alors qu'ils finissaient de prendre ensemble le petit-déjeuner.
« Le coffre d'Albus ? », vérifia Remus sans sembler avoir d'idée préconçue sur la question.
« Oui. Il avait dit qu'il pouvait résister même au feu », rappela Harry avec une once de nervosité. Ou c'est moi qui veut la voir, se demanda Sirius. J'ai envie qu'il ait quelque vergogne à lui mentir, je crois.
« Si ça t'amuse. Mais il est lourd – tu devrais demander à Hagrid de t'aider ! », jugea Remus en pliant sa serviette avec ce réflexe d'enfant pauvre respectueux des serviteurs. James lui avait fait remarquer des dizaines de fois, se rappela Sirius, en se demandant pourquoi ce souvenir revenait maintenant.
« Super ! », s'exclama Harry avec une telle spontanéité que Remus rit.
« Merlin, on dirait que je dis toujours non à tout ! »
« Non », murmura Harry embarrassé.
« Je m'oppose à des choses déraisonnables, Harry », lui rappela Remus avec un peu de tristesse. « Emmener un coffre résistant dans une cabane pour y ranger des choses n'entre en aucune façon dans les choses déraisonnables... Au fait, il vole comment ce cerf-volant ? »
« Pas très bien », admit Harry avec un regard rapide pour Cyrus – mais il sait que c'est moi, il n'espère pas mon aide, juste mon silence, interpréta Sirius.
« Montre-moi ça », l'enjoignit Remus.
« Maintenant ? »
« Oui, j'ai le temps », lui assura son père, et Harry partit comme une flèche dans sa chambre – comme on s'enfuit, jugea Sirius avec une pointe d'embarras. Est-ce que, sans lui, ces deux-là n'auraient pas une vie plus simple, faite de leçons de latin, de promenades dans les bois et de jeux d'échecs ? « Vous auriez dû me dire que la réparation de Tonks ne suffisait pas », ajouta Remus pour Sirius quand l'enfant eut disparu.
« Je ne te savais pas un expert en cerf-volant », commenta prudemment Sirius.
« J'en ai construit des dizaines dans mon enfance », lui apprit Remus.
« Ah bon ? », s'étonna Harry revenu.
« Oui, on aurait pu en construire un ensemble, je ne sais pas pourquoi je n'y ai jamais pensé... Hum, elle a bien réparé les branches, mais elle n'a pas respecté les proportions... » jugea Remus en examinant le jouet.
« Il en manquait un bout ; elle a fait de son mieux », pipa Harry.
« Je n'en doute pas », commenta Remus avec légèreté.
« Et tu n'avais pas l'air d'approuver », rappela Sirius jugeant qu'il venait à la fois à l'aide de Tonks et de Harry par cette remarque.
« J'aurais attendu un peu plus », reconnut Remus sans difficulté tout en faisant croître certains bambous de la pointe de sa baguette. « Mais j'aime à penser que ma réparation aurait été plus efficace... »
« Tonks... c'est ton amie ? », questionna tout à trac Harry, les joues en feu.
Remus eut presque la même réaction physique quand il balbutia : « Qu'est-ce que tu entends pas là, Harry ? »
« Tu... tu vas te marier avec elle ? »
« On ne se marie pas avec ses amis », tenta de biaiser Remus.
« Et c'est ton amie ? »
« Les loups-garous ne peuvent pas se marier, Harry », rappela Remus tirant un soupir exaspéré de Sirius. « Ok, c'est un peu plus que mon amie », reconnut Lunard après un moment d'hésitation. Les deux yeux émeraude de son fils adoptif étaient fixés sur lui comme deux aimants vers le pôle nord. « Ça ne changera jamais rien entre nous deux, Harry », rajouta donc l'adulte après un silence un peu pesant.
« Ok », commenta Harry totalement impassible.
« Je te le jure sur ma vie », insista Remus.
« Il est réparé maintenant ? », questionna l'enfant plutôt que de commenter sur cette dernière promesse.
« Harry... », essaya de le retenir Remus.
« Je voulais juste savoir », expliqua rapidement Harry en prenant le jouet, le lançant à courte distance dans les airs pour tester ses réactions. « Ça a l'air mieux ! »
« Je n'ai pas trop perdu la main, alors », tenta Remus.
« Il y a plein de choses que tu mets beaucoup de temps à me dire, non ? », lui répondit Harry avec plus d'aplomb que souvent.
« Je te demande pardon, mon chéri », souffla Remus quand il se fut remis du choc de l'accusation.
« Ok, je te pardonne », énonça Harry avec sérieux. « Faut que j'aille faire mon sac... », ajouta-t-il après un coup d'oeil à l'horloge sur la cheminée avant de repartir dans sa chambre.
Remus soupirait encore, indécis, quand Sirius sauta de sa chaise.
« On va laisser Cyrus lui parler, non ? »
« Si tu crois que... »
« Ne rends pas les choses trop compliquées, Remus. Il voulait juste savoir », estima Sirius en se demandant d'où il tirait sa certitude.
« Je pensais... »
«... avoir le temps, je sais », termina Sirius en sortant de la pièce. On croit si souvent avoir le temps. On se trompe si souvent, compléta-t-il pour lui-même dans le couloir pensant tout ensemble à son frère mort, à Aesthélia si distante, à sa fille qu'il ne connaîtrait peut-être jamais.
« Comme ça, on en a deux qui volent ! », se réjouit pourtant légèrement Cyrus quand il l'eut rejoint Harry dans sa chambre. « On pourra faire des combats ! »
« Je ne pense pas que deux cerfs-volants dans le ciel passent inaperçus », soupira Harry en finissant de boucler son sac de classe.
« Ah », regretta Cyrus en se disant que Harry ne savait décidément pas vivre avec légèreté. Un peu comme Remus. Devait-il finalement lui parler de Tonks ? Lui dire de pas prendre obligatoirement cette relation au sérieux ?
« On se voit tout à l'heure », sourit pourtant le garçon aux yeux verts en sortant de la chambre. «Et dis merci à Sirius pour tout, ok ? »
ooo
Une heure plus tard, Cyrus avait laissé la place à Sirius pour une séance d'entraînement magique plus poussée. Ils avaient pratiqué des métamorphoses complexes et en venaient à des sorts de défense - des sortilèges simples que Sirius avait dans leur ensemble maîtrisés avant même son entrée à Poudlard, mais il fallait bien recommencer par le début.
C'était toujours étonnant pour lui de voir la petite baguette de la mère de Remus se plier à ses désirs. C'était satisfaisant de voir qu'il n'avait pas encore atteint d'obstacles insurmontables – aucun de ses sorts n'avait été jusqu'à présents mal formés ou inefficaces. Ils manquaient parfois de précision ; ils manquaient d'endurance ou de puissance mais ils étaient consistants et ses efforts étaient toujours payés en retour. La progression organisée par Remus était constante et logique quoique parfois frustrante dans sa prudence. Un peu comme Harry, décida Sirius pour lui-même.
« Bien, si vous deviez remonter sur ce maudit toit, vous seriez presque capables de vous en sortir tout seul », plaisanta Remus après que Sirius ait réussi à le déplacer d'un point à l'autre du salon.
« On ne risque pas d'y remonter ; Harry a bien trop peur de te décevoir », décida de lancer Sirius. Ça faisait toute une semaine maintenant qu'il réfléchissait à cette conversation.
« Tant mieux », soupira Remus avec sincérité. « Je sais... tu m'as peut-être trouvé un peu plus... violent que la situation le demandait... mais ça m'a fichu une sacrée frousse de vous trouver là ! »
« Évidemment. C'était une belle connerie », reconnut Sirius sans difficulté. « Reste que tu devrais lui dire que tu le pardonnes », osa-t-il rajouter.
« Pardon ? », s'étrangla Remus.
« Il pense que tu lui en veux toujours – que tu attends son prochain faux pas pour le 'massacrer'», livra Sirius conscient qu'il forçait le trait.
« Sirius, je... je sais que tu as accès à des confidences que je... mais... je ne trouve pas cela désolant que Harry fasse un peu plus attention à ses décisions et à leurs conséquences, ne serait-ce que parce qu'il craint ma réaction ! Élever un enfant, c'est bien sûr mériter sa confiance, mais c'est parfois lui renvoyer un miroir désagréable pour le faire progresser. Et je n'ai pas besoin de lui pardonner, Sirius. On doit pardonner les gens qui vous ont causé du tort : Harry a failli se tuer ; Cyrus et lui ont failli se tuer comme conséquences d'une série de mauvaises décisions. Il devrait être celui qui s'en veut, en fait ! »
En cela, tu as réussi, faillit commenter Sirius, mais il ne voulait pas se disputer avec Remus, et surtout pas lui donner l'idée qu'il jugeait négativement son éducation. Au contraire.
« Harry ET Cyrus », souligna -t-il donc plutôt avec le regard le plus suggestif qu'il put réussir.
« Tu le sais mieux que moi. »
« Tout irait mieux si tu les avais traités de la même façon. Exactement de la même façon – comme des frères. Harry est jaloux de la mansuétude que... »
« Cyrus n'est pas réellement mon fils, Sirius. Comment pourrait-il l'être ? », l'interrompit Remus avec agacement
« Qui sait combien de temps tu vas l'avoir dans tes pattes. Il faudra bien alors que tu te décides à le traiter comme tel ! », objecta Sirius en sachant que la conscience de Cyrus ne le lui reprocherait pas. Son jeune double ne demandait qu'à avoir une famille quelque part. Il prendrait le désagréable avec le reste.
« On va trouver Queudever, Sirius. On va te rendre ta liberté ! », s'empressa de lui promettre Remus, tout à sa propre interprétation. « Je sais que c'est long – insupportablement long, mais tu ne dois pas te décourager... »
« Ah, Remus, la question n'est pas là ! En attendant ce jour, tu ne comptes pas laisser Harry faire des bêtises parce qu'il est entraîné par Cyrus, et c'est normal, c'est ton rôle. Mais tu ne t'attaques qu'à la moitié du problème en grondant Harry. Si tu te laisses arrêter par l'idée que c'est moi, et non un gamin de neuf ans qui fait des bêtises, je crois que tu ne rends service à personne. Même pas à moi : Cyrus ne m'écouterait que mieux s'il avait le sentiment qu'il devait te rendre des comptes ! »
« Tu te rends compte de ce que tu dis ? »
« Bah,si on doit en venir là, je ne suis pas loin de penser qu'une fessée méritée est toujours mieux qu'un emprisonnement injuste - Et Harry se sentirait moins perdu si tes réactions en ce domaine étaient constantes... je crois », rajouta-t-il pour bonne mesure – il ne voulait pas avoir l'air de donner des leçons mais il était arrivé à la conclusion qu'il devait avoir cette discussion avec Remus – pour Harry d'abord, mais aussi pour l'équilibre entre eux tous. Un Cyrus incontrôlable était un danger pour eux tous.
« Sirius... »
« J'ai dit ce que je voulais dire – c'est à toi d'y réfléchir... Je suis conscient que nous te demandons tous énormément, et je t'en suis reconnaissant - je ne pourrais sans doute jamais te remercier assez. Je te livre juste quelques éléments que je suis peut-être mieux placé que toi pour voir. On reprend ? », proposa Sirius convaincu que trop insister ne convaincrait pas Remus.
« Oui », accepta ce dernier presque avec soulagement.
« D'ailleurs... si tu pouvais monter en puissance, Lunard, j'ai vraiment l'impression que tu te laisses faire... »
« Tu n'es quand même qu'un enfant... »
« Il faudrait savoir ! », se moqua Sirius en croisant les bras pour bonne mesure.
« Ok, c'est ce que tu veux ? Ok », maugréa Remus en lançant par surprise un sort cuisant qui lui tira un gémissement de surprise. « Ne viens pas te plaindre, maintenant ! »
« Non, je maintiens en conscience tout ce que j'ai dit », répondit Sirius en inspirant pour chasser la douleur et pour affronter le regard de son ami. Il eut l'impression que le fond de son message n'était pas si loin d'être passé.
ooo
Harry revint en fin de matinée une certaine excitation joyeuse dans ses pas. Il avait réussi sa potion Brillantine, et Cho Chang lui avait donné des plumes de sucre qu'il ajouta dans le coffre qu'ils devaient amener à la cabane. Il contenait déjà leur pique-nique, le cerf-volant réparé par Remus, quelques coussins et deux exemplaires de Balai-Magazine.
« J'ai demandé à Hagrid de venir le chercher », ajouta Harry en refermant le couvercle ouvragé sur ses trésors.
Le demi-géant arriva peu après et chargea le coffre en chêne sur son épaule comme s'il n'avait rien pesé. Les enfants le suivirent en riant par avance de la belle après-midi qui se profilait devant eux. Sirius avait complètement laissé la place à Cyrus après lui avoir rappelé de son mieux qu'il devait éviter de leur attirer des ennuis : « - Votre mensonge par omission me paraît un risque bien suffisant pour l'instant ! » - Tu ne crois pas qu'il s'en ficherait profondément, Remus, de cette histoire de cerf-volant remplacé ? », avait demandé l'enfant avec sincérité, et Sirius avait fini par se dire qu'il avait peut-être raison. Mis au courant, Remus aurait peut-être même été discuté avec profit avec son professeur de Défense, et cet homme aurait gagné une élocution plus fluide en présence de ses collègues.
Mais c'étaient des soucis d'adulte. Les deux enfants, eux, déjeunèrent avec Hagrid, l'aidèrent à nourrir un verracrasse un peu souffreteux de l'avis du garde-chasse jusqu'au moment où ce dernier les invita à aller jouer sans pas trop s'éloigner.
« On va à la cabane. On fera du cerf-volant », annonça Harry, projet auquel Hagrid n'avait rien trouvé à redire, même quand ils avaient décidé de traîner eux-mêmes le coffre jusqu'à la cabane.
« On va faire comment ? », questionna Cyrus une fois qu'ils furent en possession de leurs deux jouets quasi identiques.
« Je me disais qu'on les ferait voler en alternance », proposa Harry. « On a qu'à tirer au sort qui se servira du nouveau... Tiens avec la dernière tartelette : je prends le côté confiture ! »
« D'accord », rit Cyrus avec simplicité alors que la galette volait dans les airs, lancée de toutes ses forces par Harry.
Ils coururent après lui pour la retrouver explosé, le côté pâte visible entre les herbes.
« Tu prends le nouveau ! », conclut Harry.
« Si tu le veux, mais... »
« Je l'aurais après ! »
« D'accord, mais tu fais voler l'ancien d'abord », transigea Cyrus et Harry accepta.
Réparé, le premier cerf-volant se révéla plus stable et plus docile et, quand il tomba enfin. Harry était satisfait des quelques acrobaties qu'il avait réussi à lui faire faire.
« On va devenir des champions ! », commenta-t-il avec entrain.
« Tu m'étonnes », renchérit Cyrus en tirant le second cerf-volant du coffre. Harry le prit et s'éloigna va le milieu de la clairière jusqu'à ce que les fils soient tendus.
« Vas-y », demanda Cyrus en tirant sur les deux poignées de commande en ébène. Immédiatement, il sut qu'il venait de provoquer une réaction magique, et son cerveau cherchât en hâte dans les souvenirs de Sirius un nom pour qualifier le phénomène.
« C'est un porto... », articula Sirius juste avant qu'il se dématérialise sous les yeux horrifiés de Harry.
ooooooooo
« C'est le fils de Sirius – son portrait craché », dit une voix un peu aiguë dans la pénombre qui les entourait. Il y avait de la fascination et de l'inquiétude dans la voix bien cachées derrière un mépris affiché.
- Queudever, cracha Sirius mentalement. Cyrus qui tremblait déjà, gémit très bas. -Laisse-moi la place ! intima l'adulte et, pour une fois, le môme ne refusa pas. Sirius ne savait pas s'il pourrait quoi que ce soit mais rester spectateur n'était pas une option.
« Un Black. Bien, j'ai des comptes à régler avec les Black ! », déclara une voix inhumaine et métallique à laquelle Sirius n'osait pas donner un nom. « Certains m'ont trahi, d'autres m'ont servi... il est temps d'imposer à jamais ma marque à cette famille ! »
« V-vou-vous ne préférez pa-pas-pas le Se-se le su-urvivant, Maître ? », s'enquit une autre voix trébuchante.
Quirrel, s'ébahirent en même temps que Cyrus et Sirius. Le premier était attristé de sa découverte quand le second voyait tous les éléments du piège se mettre en place. Ils étaient tombés dans un piège – une fois encore ! La vérité était énorme, impossible à croire et pire à accepter.
« Le corps de celui-là sera sans doute plus malléable », annonça la voix. « Un sang pur en plus – plus digne de moi. »
Les deux séides lui donnèrent raison avec toute la servilité qu'on pouvait attendre de deux mangemorts, jugea méchamment Sirius, tout en sachant qu'il déversait sa rage sans pour autant progresser sur le chemin de sa propre liberté. Il était de nouveau joué, et de nouveau joué par Queudever !
« Et maintenant, Maître ? », questionna d'ailleurs ce dernier.
«Maintenant, nous allons soumettre ce petit imbécile ! A tour de rôle, messieurs. »
-Si on n'avait pas écouté Harry, on aurait une baguette, pleurnicha Cyrus, affolé. - S'il avait gagné au tirage au sort, il serait là à notre place, se consola Sirius en préparant déjà mentalement au pire. Il ne fut pas déçu quand le premier Doloris le toucha.
oo
« Quirrel vous a donné un autre cerf-volant, et tu ne m'as rien dit ! », articula Remus avec tant de difficulté dans la voix, d'incrédulité et de douleur dans les yeux que Harry recula instinctivement.
« Il a dit de ne rien te dire ! », essaya-t-il regardant avec un quasi ressentiment le cerf-volant restant, étalé sur la pelouse à côté du coffre magique dont Severus étudiait l'intérieur avec sa baguette.
Quand Cyrus avait disparu de manière inexplicable, Harry avait couru à toutes jambes prévenir Hagrid qui avait envoyé un patronus chercher le directeur de Poudlard et son adjoint. Ces derniers étaient arrivés en balai et baguette tirée, mais pour rapide que cette réponse avait été, c'était manifestement trop tard
« Et ça ne vous a pas paru bizarre ?! » - La question de Remus fusa comme un cri douloureux.
« Il a dit qu'il ne voulait pas avoir l'air d'acheter tes faveurs... », essaya d'expliquer Harry les larmes aux yeux. Avait-il trahi une deuxième fois Sirius ? Pourquoi prenait-il tout le temps les mauvaises décisions ? Quirrel avait eu l'air gentil et modeste, rajouta-t-il dans son esprit sans oser prononcer ces paroles. Étonnamment plus gentil que d'habitude. « Il a insisté... il ne bafouillait pas », rajouta-t-il un peu au hasard sans savoir pourquoi ce détail lui semblait maintenant si important.
« Quoi ? », questionnèrent en même temps Remus et Severus qui s'était brusquement relevé.
« Il ne bafouillait pas – même que Cyrus et moi, on l'a remarqué tous les deux ! », développa Harry sous leur double regard inquisiteur.
« Polynectar ? », proposa Hagrid.
« Ou Imperio », suggéra Severus avant que Harry se soit remis d'avoir entendu une hypothèse magique provenir du garde-chasse.
« Il faut vérifier – le trouver », décida Remus en regardant ses deux subordonnés l'air presque suppliant.
« On va retourner ce château, Lupin. Chaque pierre », promit Severus avec une certaine gentillesse.
Remus acquiesça avant de prendre Harry par les épaules en s'agenouillant presque pour être à sa hauteur : « Harry, tu vas rester avec Hagrid – quoi qu'il arrive et pour une durée que je ne peux prévoir. C'est un ordre, Harry : je dois savoir où tu es, être sûr que tu es en sécurité. J'en ai besoin, tu comprends ? Ce n'est pas discutable. »
« Oui. Oui, Papa », hoqueta Harry, laissant couler des larmes de remords et d'inquiétude sur ses joues sans s'embarrasser de ce que Hagrid ou Severus pourraient en penser. Quirrel n'aurait pas été Quirrel comme Croûtard n'avait pas été un rat de compagnie ? Le monde paraissait singulièrement instable et inquiétant.
« Si quoi que ce soit te revenait en mémoire – un détail sur ce que Quirrel aurait dit ou quoi que ce soit, même si ça te semble ridicule, dis à Hagrid de me contacter. Ok ? »
« Promis », assura Harry, en espérant vaguement qu'un tel détail lui revienne et puisse venir en aide à la quête de Remus et Severus.
« J'vais veiller sur lui, Professeur », ajouta Hagrid avec une certaine humidité dans la voix.
« Je sais, Hagrid. Sois sage et patient, Harry, aussi difficile cela soit à accepter », ajouta Remus presque plus gentiment avant de sortir, contre toute attente, la baguette d'aubépine de sa robe et de lui tendre : « Tiens ça. Je ne sais pas ce qui peut se passer. Mais, si vous êtes en danger... défends-toi, Harry. »
L'enfant hésita, se demandant presque si Remus espérait qu'il refuse mais, dans ses yeux brun doré, il lisait une détermination à peine diminuée par une aura de tristesse indicible. Il tendit donc sa main et reçut la baguette avec une déférence inquiète.
« Tu vas le retrouver, dis ? », espéra l'enfant, profondément horrifié des dernières paroles de son père sur un danger qu'il devrait combattre lui-même. « Tu vas le retrouver, Cyrus ? »
« Tu te rappelles que je t'ai juré que jamais je ne te mentirais, Harry ? », questionna Remus. L'enfant acquiesça avec empressement plusieurs fois avant qu'il ne lui réponde : « La vérité est que je n'en sais rien. »
ooo
Un cran de plus... la suite s'appelle La protection du sang.
