25 | les codicilles de l'héritage
Sirius était allé chercher Dora, et tous les deux avaient rejoint Abigail au fond de son jardin.
"Tu lui as fait ton numéro de charme ?", avait demandé Dora en chemin.
"Mon numéro de charme ?", avait répété Sirius sidéré.
Sa cousine avait levé les yeux au ciel et n'avait rien dit de plus jusqu'à ce qu'ils atteignent le bâtiment bas qui occupait toute la largeur du jardin.
Abigail ouvrit la porte en expliquant avec une nette fierté :
"C'est l'atelier de mon père, il était ébéniste - une autre sorte de magie, disait toujours ma mère..."
Des établis s'alignaient le long des murs. Au dessus, des rangées d'outils moldus classés par taille, comme dans un magasin, et en même temps patinés par l'usage étaient intimidants et exotiques. Une odeur de bois flottait dans l'air. Sirius n'avait jamais vu un endroit pareil et, à sa tête, sa petite cousine Auror non plus.
"Il est mort l'année dernière et... pour l'instant, je n'arrive à me décider à m'en débarrasser", leur souffla Abigail presque comme on s'excuse.
Avant qu'un des deux Black aient pu dire quelque chose, elle se secoua et les entraîna vers l'un des établis. Toujours sans donner plus d'explication, Abigail se mit à tracter de lourds coffres métalliques qui occupaient tout l'espace sous un des plans de travail. Avec un instant de retard, Sirius se mit à l'aider sans proposer la magie. Il lui paraissait clair que l'amie de son frère ne voulait pas utiliser la magie en ce lieu.
Quand ils eurent fini, une trappe apparut dans le sol de béton. Abigail la déverrouilla en mettant en jeu un complexe mécanisme moldu de poids et contrepoids qui arracha un sifflement admiratif à Dora. La bascule de la trappe révéla un espace assez profond et rempli de choses méconnaissables dans la pénombre. Tous trois travaillèrent de concert à sortir une série de cartons qui semblaient contenir des dessins et des plans.
"Les rêves de mon père... Ce qu'on cherche est en dessous", commenta la propriétaire en entrant dans l'espace libéré pour extraire un petit coffre qui était aussi sûrement Black et sorcier que tout le reste était moldu. "Il me l'avait confié en me disant que vous sauriez l'ouvrir, Sirius", elle rajouta inutilement.
Le tout nouveau chef de la famille Black confirmait sobrement d'un geste de la tête quand Dora se pencha par dessus son épaule pour demander avec sa gouaille habituelle :
"Un truc de pur Black ? Sanguinolant comme ils aiment ? Je peux essayer ?"
"Si la pureté est la clé", objecta Sirius un peu gêné d'invoquer cet argument devant Abigail.
"Tu crois que Regulus croyait tellement en toi et en ta survie qu'il a réduit à ce point la possibilité d'ouverture ?", rétorqua Dora. Elle sentit peut-être que son objection aurait pu être mieux diplomatiquement formulée. "Ma mère pourrait, non ? Je l'ai déjà vu faire. Ou Cruz peut-être ?"
L'idée de voir sa fille s'ouvrir volontairement le doigt pour ouvrir un truc pareil révulsa instinctivement Sirius. Est-ce qu'il aurait même le cran de lui apprendre ça, un jour ? Il devait déjà se raisonner pour la mettre sur un balai ! Qu'est-ce qu'elle ferait de magies pas très claires ? Restait à savoir ce que son petit frère pouvait avoir en tête en fermant ce coffre - uniquement Sirius, ses descendants aussi, voire des cousins ? Le choix du contenant ne pouvait pas avoir été fait à la légère. Ça au moins, il en était sûr.
"De qui Reg avait-il peur ?", questionna-t-il un peu à la cantonade.
Abigail qui ne les lâchait pas des yeux sembla apprécier.
"Bellatrix ? Narcissa ? Ok, vas-y", soupira Dora en se reculant comme une grande gosse déçue qu'elle était quand même encore - et qu'est-ce que Sirius aurait donné pour avoir encore son enthousiasme et sa spontanéité ! 'Non, ce n'est pas vrai', se gourmanda-t-il : 'Je ne donnerais pas Aesthelia et sa fidélité ; je ne donnerais pas Cruz ; ni Remus et Harry...' Comme Lunard quelque part, il en était venu à faire sienne cette idée du prix de l'expérience... et du respect qu'on lui devait.
"On n'a pas envie qu'il s'autodétruise ou se bloque", argumenta-t-il encore pour sa petite cousine. Est-ce que l'ampleur de son héritage Black était une douleur pour elle ? Devraient-ils en discuter ? Saurait-il l'aider ? Pas maintenant.
"Je ne suis pas Cruz ou Harry", lâcha Dora en levant les yeux au ciel en réponse.
Sirius préféra se contenter de sourire. Et sa cousine eut le petit signe de tête de celle qui reconnaît qu'elle voit bien pourquoi on aurait pu un instant en douter. Il plongea sa main dans ses poches et en sortit le couteau neuf qu'il avait acheté deux jours avant chez le meilleur faiseur sorcier de Londres. Le vendeur avait été honoré de la "confiance de la maison Black" et avait raconté avoir suivi le procès assidûment. Sirius n'avait pas relevé. Il avait juste décidé de se laisser aller à se faire plaisir et avait offert des répliques, juste un peu plus petites, de son canif à Cruz et à Harry. Où qu'ils aillent faire leurs études, ne devraient-ils pas bientôt apprendre à couper des ingrédients de potions ?
- 'Papa a presque le même', avait reconnu Harry, ravi en déballant le couteau. 'Oh, tu lui avais offert', avait compris le gamin qui avait rarement en train de retard avant de se jeter dans ses bras dans la reconnaissance d'un lien qui était trop long à expliquer avec des mots. Cruz l'avait imité, et Remus comme Aesthélia avaient eu l'air de trouver son cadeau bien pensé. Une chouette victoire qu'il ne devait qu'à lui même.
"Comme pour l'héritage - tu ne vas pas finir par être à court de sang pur ?", s'intéressa impertinemment Dora à sa gauche.
"La dernière fois... j'espère", souffla Sirius en réponse.
C'était peut-être le regard brûlant de Abigail, à sa droite, sur lui qui le rendait silencieux et très conscient de tous ses gestes. Comme si elle vérifiait qu'il suivait bien à la lettre un script dont il ne disposait pas.
Est-ce que Reg avait pu lui dire à quoi s'attendre ? Ce n'était pas impensable vu les lettres qu'il avait lues, vu la confiance qu'il y avait eue entre eux, vu la solitude de son frère.
Comme demander était exclu, Sirius ouvrit le couteau et amena de sa main droite la lame affutée vers le gras de sa main gauche. Pendant plus de dix ans - bien avant Azkaban, il n'avait pas eu à faire ce geste. Depuis sa sortie de prison - comme venait de le remarquer Dora, ça devait être la troisième fois qu'il le faisait. Insidieusement, la crainte du piège Black lui serra le coeur.
"Pour Regulus", articula-t-il pour faire reculer la peur en plantant la lame. Dora grimaça mais pas Abigail. Le sang coula en gouttes épaisses sur les armes Black embossées dans le bois sombre.
Petit à petit, des runes et des pentacles apparurent claires sur le bois sombre. Difficilement lisibles mais clairement tracées par la main de Regulus, jugea Sirius le coeur battant. Ce n'était pas des magies de gamin, et il regretta vaguement de ne pas avoir amener Aesthélia ou Remus. Dora n'avait pas l'air plus au fait que lui de ce qui était en train de se passer.
La magie finit d'envelopper le coffre comme une gangue. Pas la peine de tendre, la main, Sirius savait qu'il n'aurait pas pu la passer. La lueur sanguine du halo se reflétait sur son anneau.
"Quel imbécile !", maugréa-t-il faisant sursauter ses deux compagnes. Il essaya d'enlever la chevalière, mais sa main blessée refusait d'acquitter une tâche aussi simple. "Aidez-moi à l'enlever ! La chevalière !"
Dora réagit la première mais Abigail était du bon côté. Quand l'anneau n'eut plus de contact avec sa peau, la lueur baissa.
"Éloignez cet anneau", il souffla en sortant sa baguette pour soigner et nettoyer sa main gauche.
Dora s'empara de la chevalière des mains d'Abigail indécise et recula dans l'atelier. Ça ne suffit pas. La jeune Auror sortit dans le jardin, ça ne suffit pas, et Abigail lui indiqua comment rejoindre la cave de la maison principale. Elle revint aux côtés de Sirius pour voir le coffret redevenir coffret.
"J'aurais dû y penser", maugréa de nouveau Sirius mécontent de lui-même. "L'anneau de notre père... j'imagine qu'il n'a pas fini de porter son aura... et toutes les affaires de Reg avaient réagi négativement quand je le portais..."
Abigail eut l'air intéressée par ses explications. Elle mit néanmoins du temps à commenter.
"Il le détestait... Reg, il détestait votre père... Il disait qu'il était la cause de tout : de la folie de votre mère, de votre départ, des idées folles qu'il avait eues... de tout."
"C'est peut-être faire beaucoup d'honneur à ce vieux salaud", arriva à articuler Sirius. La jeune femme pencha la tête vers la droite comme pour l'inviter à développer. "Pas que je l'absolve de quoi que ce soit, mais... je me sens responsable de tas de trucs moi-même... Par exemple, de ne pas m'être battu pour garder des relations avec Reg quand j'aurais encore pu... Mais si Reg veut que je choisisse entre Orion et lui, ne vous faites aucun souci, Abigail, le choix est vite fait !"
"Vous allez l'ouvrir alors ?", questionna Abigail à voix basse.
Sirius opina. Il prit le temps de quelques inspirations et observations avant d'oser approcher ses mains - l'image des précautions initiales de Cruz face à son balai lui revint et lui donna du corps au ventre. Il manipula le coffret jusqu'à trouver les ouvertures. Il posa ses deux pouces et appuya et le coffre s'ouvrit dans un bruit mat et net.
Il y avait un tout petit carnet, posé sur un coussin, comme un joyau. Sirius s'en empara avec précaution mais il n'y eut aucune réaction négative. Il le feuilleta : les pages de parchemin cousu paraissaient blanches, mais Sirius imaginait que son frère, aussi fou soit-il, n'aurait pas pris toutes ces précautions pour cacher un carnet vierge. Il allait encore falloir trouver comment le faire dégorger ses secrets.
"D'humeur joueuse, Reg ?", soupira-t-il à voix basse. Il rencontra le regard inquisiteur d'Abigail. "Je sais, aucune précaution ne pouvait être de trop", il admit. Elle opina. "Je peux l'emmener ? Je n'ai pas la moindre idée de comment arriver à le lire."
"Il voulait que vous l'ayez", elle commenta lentement. Sirius sentit le non-dit. Il y avait plus. Posant le carnet à sa droite, il se pencha de nouveau sur le coffret et, après un regard pour Abigail qui n'avait pas l'air prête à lui offrir la moindre aide, il souleva le coussin. Deux compartiments étaient creusés dans le bois. celui à sa gauche contenait un bijou qu'il reconnut avec un haut le coeur : la chevalière de sa mère.
Avec un bref vertige, Sirius essaya d'imaginer comment son frère avait pu cacher l'objet là alors qu'il était mort avant leur mère. A moins qu'il ne lui ai subtilisée avant. A moins qu'elle ne lui ait donnée. Pour Abigail, envisagea-t-il un instant ? Peu probable, jugea-t-il très silencieusement. Jamais Walburga aurait accepté une sang-mêlée comme belle-fille - même Aesthélia aurait eu de meilleure chance malgré son sang exotique et son travail en faveur des magies indiennes.
"Il lui a volée ou elle lui a donné ?", questionna-t-il très directement la seule qui pouvait savoir.
"Volée, je crois", répondit Abigail sans fausse honte. "Il disait que vous apprécierez et que... vous seriez sûr..."
"Sûr de quoi ?"
Sa belle-soeur par procuration se contenta de hausser les épaules. Il sentait toujours en elle cette espèce d'attente impatiente.
"Qu'est-ce que c'est ?", essaya encore Sirius quand il n'obtint pas plus de réponse.
"Vous savez, Sirius."
Reg, Reg, qu'est-ce que tu as fichu ?
"Le Horcruxe ?", s'entendit Sirius demander. Sa voix avait sans surprise retrouvé cette qualité de détachement qu'il ne lui avait plus avait entendue depuis la dernière "leçon" d'Orion. Il fallait de bonnes défenses - ou une grande folie - quand on s'approchait de la magie noire.
"Je crois bien", confirma Abigail avec une certaine curiosité pour sa réaction.
Sirius eut besoin de temps pour reprendre ces esprits. Assez de temps pour entendre des souris courir dans les recoins de l'atelier et le vent essayer d'entrer sous la porte - Dora devait devenir folle dans la cave d'Abigail.
"Qui a-t-il tué pour le créer ?", arriva-t-il à enquêter, sans savoir d'où lui venait son calme. De très loin, de très profond. Pas obligatoirement d'endroits où il avait envie de retourner mais d'endroits qui existaient toujours manifestement.
"Ma mère", indiqua Abigail d'une voix sans timbre. "Ma mère ne souhaitait plus vivre, supporter la douleur. Elle en savait assez sur la guerre pour... Elle nous écoutait souvent et, un jour, elle lui a dit que si sa vie donnée pouvait faire la différence... ce serait une bénédiction pour elle..."
L'air manqua d'abord à Sirius. Il n'arrivait pas à analyser ce qu'elle venait de lui révéler. Son cerveau était juste à l'arrêt. Comme une vague insidieuse des idées étranges, fulgurantes, arrivèrent. Reg a détruit les Horcruxes de Voldemort ; il a renoncé à sa propre vie pour défaire le Seigneur des Ténèbres ; il a créé un Horcruxe avec la participation active d'Abigail et de sa mère... et il l'avait fait pour guider celui qui viendrait et terminerait son oeuvre... Il savait ou non que c'était Harry...
Peut-être que le carnet le dirait, songea Sirius, réussissant son premier mouvement depuis une bonne demi-minute en rouvrant le carnet toujours aussi vide. Mais Reg avait aussi parié que Sirius saurait à qui donner le Horcruxe sauf que, finalement, c'était sa baguette qui avait trouvé Harry... Que lui restait-il à lui ? Enterrer le Horxcruxe ? Offrir le repos éternel à son frère ? Abigail avait toujours l'air d'attendre quelque chose de précis mais de n'avoir aucune intention de lui dire quoi.
"Et ça ?", demanda-t-il en désignant le flacon dans la case de droite.
"Ça... ça, Sirius... c'est l'avenir", s'empressa de répondre Abigail avec une étrange animation, une sorte de ferveur qui tranchait avec sa distance précédente. "Mais je ne veux pas... Je ne veux pas mettre l'avenir en péril ! Déchiffrez le carnet. Comprenez notre... j'ai envie de dire voyage... Comprenez la demande de Regulus - la nôtre... La décision est dans vos mains de tellement de façons, Sirius... Je n'espérais même plus, mais... s'il vous plaît, ne décidez pas trop vite... C'est trop important pour..." Son ton était presque suppliant. "Prenez votre temps, Sirius, promettez-moi !"
"Abigail, je suis singulièrement fatigué des jeux de piste", soupira Sirius avec sincérité. "Pourquoi pas me raconter ? Vous savez. Racontez-moi ce que je dois savoir."
"Parce que Regulus m'a fait jurer de vous laissez seul juge."
"Gorge coupée ?", soupçonna Sirius au-delà de tout sentiment sur les stratagèmes de son petit frère et de son étrange petite amie. Mais qui était-il pour les juger ? se rappela-t-il vertement. Qu'avait-il fait concrètement pour mettre fin à la guerre ou sauver Harry ?
"Non, bien plus simple et profond que cela. Ça ne marchera que si... Soyez celui que Reg pensait que vous étiez", termina la femme en se levant. "Rangeons le reste. Vous savez où cela est... Prenez le journal de Reg et... prenez votre temps", répéta-t-elle d'un ton neutre. Elle le raccompagna jusqu'à la maison où Dora les attendait avec patience sans jamais rien rajouter que des banalités.
oo
Sirius ne savait pas combien de temps il maintiendrait son refus catégorique à ce qu'on demande l'avis de Rogue - que Remus demande l'avis de son second et ami, pour être clair. Comme si on pouvait être ami avec Rogue !
En toute sincérité, Sirius craignait de devoir le faire. Même Albus, toujours épuisé physiquement par la destruction des Horcruxes de Voldemort mais alerte mentalement, ne savait pas comment faire livrer ses secrets au journal de Regulus.
"Un journal magique, Sirius, je ne pense pas vous l'apprendre vraiment, constitue un artefact très puissant... Je trouve le conseil de cette Abigail très judicieux. Prenez votre temps..."
"Ai-je le temps ?"
"Dix ans au moins que cet objet vous attend, Sirius... Que nous ne l'ayons pas percé à jour en quarante-huit heures ne me paraît pas suffisant pour céder au désespoir !"
"Non, bien sûr", avait admis Sirius avant de se retirer avec la promesse que le plus grand sorcier de grande-Bretagne allait y réfléchir.
Remus, flanquée de Aesthélia, menait des recherches sur le même thème dans la bibliothèque de Poudlard. Ils avaient peut-être rénové presque tout Square Grimmaurt, mais ils vivaient de fait quasiment chez Remus - ce que Harry et Cruz appréciaient a priori. Ce n'était pas la faute de Remus ou de Poudlard, mais Sirius avait l'impression que ça terminait de lui faire perdre ses quelques repères sur sa vie d'homme adulte, libre et responsable de ses décisions. De fait, ce matin, il se sentait assez seul, démuni, voire étranger, dans la grande maison de Londres qui sentait toujours la peinture fraîche. Il attendait son avocate.
"Vous n'avez pas l'air de ce vainqueur dont on parle dans tous les dîners en ville", remarqua celle-ci quand ils s'installèrent dans la bibliothèque.
"On parle de moi dans les dîners en ville ?"
"Vous le savez, Sirius", estima l'avocate, répétant sans le savoir ce qu'avait prétendu Abigail. Si elles savaient !
"Et vous êtes invitée", remarqua Sirius se retranchant derrière des barrières données par son éducation.
"Je suis sûre que vous le seriez aussi si vous ouvriez votre courrier", prétendit son avocate avec un art consommé qu'aurait apprécié Walburga.
"J'ai mieux à faire", déclara-t-il en croisant les bras sur sa poitrine.
"Vous ne portez plus votre chevalière ?", remarqua l'avocate en fronçant les sourcils
"Ne vous inquiétez pas, les elfes m'obéissent quand même", ironisa-t-il. Remettre le bijou s'était révélé impossible - il le ramenait à tout moment au piège, au choix de Regulus, à ce que lui pouvait et devait faire.
"Sirius, vous n'allez pas tout foutre en l'air maintenant ? A moins de deux semaines du procès Pettigrow ?"
"Je ne sais pas ce que vous entendez pas là."
"Nous avons construit ensemble une attaque et une défense, Sirius. Aesthélia est protégée de ses détracteurs parce qu'elle est lady Black ; vous devriez passer plus de temps à la présenter à ceux qui comptent dans cette communauté - elle et votre fille... terminer les demandes auprès du Ministère quant à l'adoption, notamment le patronyme que vous voulez utiliser", rajouta-t-elle en désignant la pile de parchemins qu'il n'avait pas ouvert depuis sa dernière visite.
C'était un fait. Mais aussi intéressante soit la question de savoir si Cruz devait maintenant s'appeler uniquement Black, ou Marin Da Silva Black, ou tout autre variation autour des noms que ses parents pouvaient lui transmettre, elle avait été mise de côté par l'héritage de Regulus. Au même titre qu'un apprentissage plus poussé du vol sur balai, même si Remus avait trouvé une solution en proposant aux quatre capitaines de Quidditch de l'école d'être rémunérés pour faire voler les deux enfants en toute sécurité. Ça avait l'air de fonctionner.
"Les évènements de Little Hangleton ne sont gérables que si vous présentez un front haut, de famille unie, pas si vous avez l'air d'un coupable qui se terre", continuait l'avocate loin de ses soucis domestiques.
"Merlin", soupira-t-il. "Si vous saviez comme j'aimerais me casser à l'autre bout de la terre avec ma femme et ma fille et les laisser s'entre-déchirer !"
"Vous restez pour quoi ?", questionna très calmement Barbara Straightford.
"Pour Remus et Harry... je ne supporterais pas que Peter leur fasse encore une fois du mal", reconnnut-il. "Et pour d'autres affaires familiales... d'autres facettes de cet héritage que vous m'avez fait revendiquer... L'autre côté de la terre n'est sans doute pas assez loin pour que ça ne me revienne pas en pleine face d'une manière ou d'une autre si j'essaie de m'y soustraire !"
"C'est exactement ce que je viens de vous dire. Vous n'avez pas fini, Sirius. Et vous privez de vos meilleures armes est d'une grande stupidité..."
"Donc vous voulez que j'organise un bal dans la galerie du premier ?", ironisa douloureusement Sirius.
"C'est sans doute un peu prématuré", estima très sérieusement l'avocate. "On vous imagine très pris.. fatigué par Azkaban... pris par une femme et une fille que vous devez redécouvrir... On se questionne sur votre quasi-déménagement à Poudlard.. sur l'influence sur vous de Remus Lupin qui n'a pas que des amis... Ne me regardez pas comme cela, Sirius, je ne fais que répéter ce qui se dit le plus. Ouvrez votre courrier, choisissez quelques événements plus ou moins privés - il y a bien des gens que vous pouvez supporter en dehors de Lupin et de votre cousine. Demandez à votre cousine d'organiser un thé pour Aesthélia... Diversifiez, Sirius..."
"Je vais y réfléchir", arriva-t-il à articuler.
"Pas trop longtemps", l'enjoignit Barbara. "Par ailleurs, des gens du Ministère aimeraient bien vous rencontrer... en privé cette fois..."
"Quoi, les dédommagements sont trop élevés, finalement ?", ironisa Sirius.
"Sans nul doute, mais je pense qu'on aimerait sonder vos positions politiques."
"Je n'en ai pas."
"C'est un tort, Sirius. Quelle que soit l'ampleur de votre fortune matérielle, vous n'êtes pas assez riche pour ne pas en avoir... Il vous faut des alliés."
"Vous voulez dire que les ennemis de Fudge voudraient me rencontrer ?", analysa Sirius.
Barbara le gratifia de son premier sourire. "Je pense que cela peut attendre la fin du procès Pettigrow, non ?"
"Peut-être pas. A votre place, je les rencontrerais. Pas seulement eux. Là encore, diversifiez. Remus Lupin est de toute façon déjà considéré comme un ennemi de Fudge... et il a lui aussi des amis. Demandez-lui..." Sirius se contenta d'acquiescer. "Et préparez vous... Vous lisez les journaux ?"
"Ceux qui parlent de ma victoire ? J'en ai fait le tour."
"Vous avez lu les chroniques qui, sous couvert de célébrer la victoire de la justice, questionnent la pertinence des peines à perpétuité d'autres soi-disant Mangemorts ?", posa Barbara en sortant des magazines de son cartable.
"Bellatrix ?", vérifia Sirius sans prendre les journaux.
"Notamment. Certains se demandent ce que vous en pensez. Si vous persistez dans votre silence, ils ne seront pas long à parler pour vous..."
"Je les poursuivrai tous jusqu'au dernier", gronda Sirius.
"Je suis contente d'avoir du travail pour les prochaines années", persifla Straightford. "Mais si on connaissait votre position, au moins dans les salons, vous décourageriez les plus intelligents..."
"C'est un réquisitoire en règle", soupira Sirius, quand il eut constaté que son avocate avait sans doute raison. C'étaient là tous les aspects qu'il détestait, qu'il avait voulu ignorer mais qu'il n'était plus assez jeune, assez optimiste et fougueux pour croire sans importance. "Heureusement que vous n'étiez pas contre moi..."
"Je suis heureuse de voir que nous partageons une saine vision de la réalité", sourit l'avocate.
"Ok, je vais ouvrir mon carnet de bal et celui de ma famille - on verra le bien que ça fera... Mais l'affaire Little Hangleton... dois-je m'inquiéter ?"
Barbara Straightford bougea subtilement sur son fauteuil. Elle venait mentalement de fermer un dossier et d'en rouvrir un autre, décida Sirius.
"J'ai rencontré ce cher Dominic Branstone, qui défend les intérêts de votre ami Lupin. Nous sommes bien d'accord lui et moi sur les enjeux", raconta l'avocate. "Nous allons nous rapprocher de l'avocat de Pettigrow, voir ce que nous pouvons négocier... Mais ni lui ni moi sommes tellement optimistes : Sindri Rowle est l'avocat des sangs-purs, des Mangemorts et des Malefoy, Sirius. S'il négocie avec nous, attendez-vous à un prix élevé..."
"Comme quoi ?"
"C'est bien ce qui me questionne. Pettigrow ne sera pas sauvé par la démission de Lupin ou un récit qui dirait que vous êtes sorti d'Azaban sous la forme d'un enfant... Qu'est-ce qu'il pourrait vouloir, Sirius ?"
"Mon pardon ?", ironisa douloureusement l'interpellé avant de reprendre plus sérieusement: "Selon Albus, que je répète qu'il était une victime dans cette histoire..."
"Oh", admit lentement Barbara. "Ok, j'entends. Et vous seriez prêt ?"
"Si c'est la seule solution pour Remus et Harry... mais uniquement", cracha Sirius. "Ne vous méprenez pas, Maître. Je ne suis pas fan d'Azkaban ; je ne crois pas qu'enfermer Peter ou que le livrer aux Détraqueurs changera quoi que ce soit. Ça ne fera pas revenir James et Lily, ça ne me rendra pas les années perdues... Si on parlait de vengeance, je préférerais l'étrangler moi-même, mais je devrais encore sans doute vous payer des honoraires extravagants après... Mais Remus ne doit pas voir détruit tout ce qu'il a construit parce qu'il a eu pitié de moi et qu'il a voulu que justice soit faite..."
"Et Lupin vous laisserait mentir ?", s'intéressa Straightford.
"Il a intérêt", grogna Sirius. "Je pense qu'il le fera pour Harry", explicita-t-il. "Mais pour vous dire la vérité, je n'en sais rien."
"Vous n'en avez pas parlé ?", s'étonna l'avocate.
"Pas assez", admit Sirius. La question implicite prenait tout l'espace. "Je vais répéter qu'on a d'autres fers au feu mais je sens que je ne vais pas vous convaincre. Je vais en parler avec lui. Promis. Rapidement", rajouta-t-il, cédant au regard appuyé en face de lui.
"J'adorerais voir à quoi ressemblerait cet échange", pipa l'avocate l'air étonnamment sincère.
"Je découvre avec une certaine surprise qu'il vous fascine."
"J'étudiais le droit quand il a mené la bataille pour le petit Harry et j'avoue que... je n'aurais pas alors parié sur sa victoire... Je sais qu'il avait le soutien de Dumbledore mais il avait surtout une envie de gagner qui a fait la différence. Il semble commander une loyauté qui ne peut pas venir de rien. Et vous même, avec toutes les ressources dont vous disposez... vous lui devez votre liberté... Je ne fais que consolider ce qu'il a rendu possible... Tout ça est intéressant : ses réussites ont ouvert de nouveaux espaces dans notre communauté et... j'avoue qu'aujourd'hui, je n'aurais pas envie de le voir perdre... J'aurais peur de ce que cela veut dire plus profondément pour notre société", livra l'avocate étonnamment sobre et ouverte.
"Vous le craignez", s'inquiéta sincèrement Sirius.
"Je pense qu'il ne faut pas pêcher par un excès de confiance..."
"Je vous ai entendu", promit Sirius.
oooo
Je continue de recycler d'autres personnages de la saga Lune et Etoile. Après tout, ce qui change ici, c'est juste qu'Aesthélia ait eu un enfant de Sirius et que ce dernier ait fait un choix différent. Tout le reste peut suivre des lignes proches.
Sindri Rowle (frère inventé du Thorfinn du canon) par exemple est toujours l'avocat des familles de sangs purs et des Mangemorts. Il défendait le XIC dans la Distinction et Dans une famille normale. Il me semble logique de lui coller l'affaire Pettigrow.
Dominic Branstone (père inventé du personnage canon Eleanor Branstone qui est juge dans Dans une famille normale) sera l'avocat bien plus présentable de Remus.
