Chapitre 2

Pour arriver à ses fins, elle avait tué. Est-ce qu'elle le regrettait ? Non. Les regrets étaient une perte de temps.

Elle n'était pas une tueuse, elle en était persuadée mais elle savait, même si ils ne lui en avaient pas reparlé depuis, à quel point Shawn et Richard désapprouvaient ce qu'elle avait fait.

Elle ne pouvait leur en vouloir, mais elle avait sauvé Shawn, et c'était pour elle le plus important.

Il désapprouvait, il avait hurlé, même affaibli, pour qu'elle arrête, elle l'entendait encore. Pourtant, il était là près d'elle, il avait passé les dernières heures à la tenir dans ses bras pour la réconforter.

Elle était là pour tuer les 4400. Pouvoir le faire ne posait aucun souci. En être capable, elle l'avait appris ces dernières semaines, serait nettement plus problématique…

Elle était cependant conditionnée, elle le sentait, comme une force s'emparant d'elle, inéluctablement, malgré elle.

Comme lorsqu'elle avait rendu visite à Ryland. Elle avait pactisé avec le diable. Mais n'était-elle pas elle même le diable ?

A quel point pouvait-elle croire les paroles de Matthew ? Sans compter celles de Tom qui résonnaient toujours à ses oreilles…

Isabelle ferma les yeux pour effacer toute pensée désagréable et savourer la chaleur des bras de Shawn. Elle savait depuis le début qu'elle ne pourrait pas le tuer…

Elle serra un peu plus ses bras autour de son cou, s'empêchant presque de respirer.

Tout cela la dépassait, elle voulait juste redevenir la petite fille qu'elle n'avait jamais été…

- Ce n'était qu'un cauchemar Isabelle.

Shawn avait brisé l'instant de paix. Ils étaient de retour dans le monde réel…

- ça avait l'air… tellement réel répliqua Isabelle

Un vrai carnage frissonna-t-elle.

Est-ce que le futur lui envoyait un message ? Est-ce que c'était ça le futur si elle n'allait pas au bout de sa mission ?

Cette pensée lui trottait encore dans la tête alors qu'elle était dans le parc du centre.

Elle ne vit pas de suite la forme qui se mouvait derrière le buisson situé à peine 10m à côté d'elle et sursauta lorsqu'une main se posa sur son épaule.

- Isabelle…chuchota l'inconnu

Perplexe, Isabelle se dégagea de son étreinte.

- Qui êtes vous et comment avait vous pu entrer ? demanda-t-elle immédiatement, méfiante.

Un membre du groupe Nova ? Un acolyte du NTAC ? Elle pouvait l'anéantir en quelques secondes. Qui était-il ?

- Tu es en train d'échouer lui expliqua-t-il les yeux dans les yeux.

Tous nos sacrifices seront alors vains…

Isabelle déglutit péniblement. Elle ne pouvait détacher son regard du sien, et même si son instinct lui dictait de se défendre, elle éprouvait une étrange sensation, une vague de sympathie qu'elle avait bien du mal à expliquer.

- QUI-ETES-VOUS ? répéta-t-elle en détachant doucement les mots.

- Mickaël. Je suis… Mickaël. Tu ne te souviens donc de rien ?

Il était pourtant convenu que…

Mickaël stoppa net le cours de ses pensées. En avait-il déjà trop dit ?

- Convenu que QUOI ? s'emporta Isabelle en saisissant Mickaël par le col de sa chemise.

Après quelques secondes d'hésitation, la respiration haletante, Mickaël finit par lui répondre.

- Ta mission Isabelle. Notre mission. Tu devais te souvenir, progressivement.

Le futur, les 4400, nous…

- Qui ça « vous » ?

- Les autres, ceux qui ont été renvoyé dans le passé avec toi, pour…

- Isabelle ?

Isabelle sursauta pour la 2ème fois du dernier quart d'heure écoulé à l'appel de son prénom.

Furieuse d'avoir été interrompue, elle se retourna brusquement en direction de la personne qui approchait.

- Qu'est ce que tu veux Shawn ? demanda-t-elle dans un mouvement d'humeur.

- Content de te voir aussi plaisanta Shawn.

Ton père te cherche partout.

- Et bien je suis là répliqua-t-elle

- Je vois ça.

Tu me présentes à ton nouvel ami ?

Les yeux d'Isabelle passèrent furtivement de Shawn à Mickaël.

Elle n'était pas très à l'aise avec le concept de mensonge. D'aussi loin qu'elle pouvait s'en souvenir, donc à vrai dire pas depuis si longtemps que ça, elle n'avait jamais menti.

Ce n'était pas sur sa liste mais il fallait bien un début à tout, et puis la fin justifie les moyens.

- Shawn, voici Mickaël. C'est un 4400 qui vient d'arriver.

Ok. 1er mensonge. Résultat ? Elle se sentait incapable de regarder Shawn en face pour le moment.

Heureusement, il n'avait pas l'air décontenancé et s'occupait à présent parfaitement de Mickaël en le ramenant vers l'intérieur du centre. Soit. Elle lui parlerait plus tard même si la patience n'était pas une de ses vertus principale…

Pour être honnête avec elle même, cette patience fut mise à rude épreuve tout le reste de la journée. Impossible de rester seule à seule avec Mickaël, qui jouait parfaitement bien son rôle de 4400.

Dépité, elle finit la journée seule, sans avoir eu de réponses, et une nouvelle fois sans Shawn.

Mickaël s'approcha d'elle en posant les mains sur ses épaules, l'air résolu mais aussi résigné.

- Tu n'y penses pas sérieusement ? demanda-t-il d'une voix plaintive connaissant pertinemment la réponse.

- Il n'y a pas d'autre choix répliqua Isabelle.

- Tu vas risquer ta vie et celle des gens qui vont t'accompagner ! l'accusa-t-il

- Mourir ici ou là bas, quelle importance ? lui répondit-elle, les flammes de la colère s'allumant dans ses yeux noisette.

Isabelle se réveilla brutalement, la respiration saccadée, avec une impression inconnue, étrange, qu'elle avait du mal à définir.

Etait-ce ça qu'on appelait la peur ?

Ses pensées, sa mémoire, son ressenti, tout ses sentiments contradictoires se percutaient dans son cerveau brumeux.

Sans faire de bruit, elle sortit de sa chambre et dévala calmement les marches vers le hall d'entrée du centre.

C'est sans surprise qu'elle y trouva Mickaël…

- On se connaît.

C'était plus une affirmation qu'une question.

Mickaël ressentait son trouble, elle le savait. Ça la rendait vulnérable et elle s'en voulait pour ça.

- Oui on se connaît lui répondit-il posément.

- Peu importe chuchota-t-elle. JE décide de ce que je vais faire. Personne ne m'imposera quoique ce soit, je ne suis pas leur poupée !

Mickaël respira bruyamment.

- Tu n'es la poupée de personne expliqua-t-il en haussant la voix.

C'est toi qui a décidé de ce retour dans le passé ! Toi qui en est l'instigatrice !