Drago papillonna des yeux et une affreuse migraine l'assaillit aussitôt. La lumière l'éblouit directement et il referma les paupières. Il entendit le frottement de vêtements à sa droite, mais n'y réagit pas. Il savait déjà qui était là.

Il serra les poings, mais n'ouvrit pas les yeux. Il sentait une magie douce l'entourer et comprit qu'il avait été placé sous protection. Quelque chose bloquait son bras gauche, probablement un bandage, ou bien… Il n'en savait rien. Il n'arrivait pas à se concentrer.

Sa tête était tellement douloureuse.

- Drago ? fit la douce voix de sa femme, alors qu'il la sentait attraper sa main.

Les battements de son cœur s'accélèrent. Les capteurs magiques durent le percevoir, puisqu'un léger tintement se fit entendre.

La prise dans sa main se resserra légèrement, tandis que le pouce de sa femme passait sur ses phalanges. Il frissonna. Sa main était si douce sur la sienne.

Il prit une longue et calme inspiration, avant d'enfin ouvrir les yeux. Le temps de s'habituer à la lumière, il sentit les caresses sur sa main s'arrêter. Alors que les couleurs devenaient des formes et que la luminosité s'amoindrissait petit à petit, il put distinguer la silhouette de sa femme.

Elle était entièrement habillée de noir, ses cheveux redressés dans un chignon brouillon, complètement démaquillée, le visage ravagé par la tristesse et l'inquiétude, et le teint particulièrement pâle.

Lorsqu'enfin sa vision se fit plus claire, il croisa son regard et la vit tenter un sourire. Ce fut un échec considérable et ses lèvres s'étirèrent en une grimace triste et sans joie. Un bel oxymore à son regard, qui, lui, était rempli d'amour.

Ils restèrent silencieux de longues secondes, qui se transformèrent rapidement en minutes. Il la vit battre plusieurs fois des paupières pour chasser ses larmes, tout en tentant à nouveau de lui sourire.

C'était tellement faux. Tout cela était si superficiel. Drago se sentait mal. Encore. Toujours.

- Comment te sens-tu ? demanda-t-elle d'une voix dans laquelle résonnait ses sanglots passés.

Il se racla la gorge avant de parler.

- Bien, mentit-il d'une voix plate.

D'une voix sans vie.

Il vit dans son regard qu'elle ne le croyait nullement, mais elle ne dit rien, se contentant de hocher la tête.

Le silence reprit place. Pesant. Destructeur.

Elle n'osait plus croiser son regard. Elle avait baissé les yeux sur ses genoux et lâché sa main, pour tripoter un morceau de tissu, qu'il imagina être un mouchoir.

Il n'arrivait même pas à avoir de la peine. Son cœur battait au ralenti désormais.

- Quel jour sommes-nous ? demanda-t-il d'une voix calme, vide d'émotion, plate.

Il avait fixé son regard sur le plafond blanc, sa main laissée sur le côté du matelas. Vide, elle aussi.

Il l'entendit renifler, mais ne réagit pas. Il n'y arrivait pas. Tout était pâle.

- Jeudi.

Quatre jours étaient donc passés. Quatre jours de coma. Il ferma les yeux et souffla.

Presque.

- Les médicomages disent que tu as encore failli y passer, Drago, l'entendit-il dire d'une voix tremblante.

Il serra la mâchoire et garda les yeux fermés. Il l'entendit sangloter doucement et sentit une larme quitter son œil droit.

Il pleurait lui aussi. Pour la première fois depuis des mois. Depuis des années peut-être.

Des années de vide complet. D'indifférence. De froid. De pâleur.

Une larme venait troubler tout ça.

Il la sentit glisser le long de sa joue, puis de son menton, avant de s'échouer sur le haut de son torse nu.

Il ouvrit les yeux et tourna la tête vers elle. Elle avait baissé la sienne et ses boucles brunes cachaient son visage. Ses épaules tremblaient à cause de ses sanglots et elle avait serré ses mains sur ses genoux.

Il déglutit et cligna des yeux pour chasser d'autres larmes.

- Qu'ont-ils dit d'autre ? demanda-t-il d'une voix rauque.

Elle releva la tête et croisa son regard. La tristesse qu'il y vit ne changea rien. Il était toujours aussi vide. La vie était toujours aussi pâle. Ou peut-être était-elle noire. Il ne faisait plus la différence.

- Ils ont accepté, fit-elle d'un ton fataliste.

Un poids se retira soudainement de ses épaules. Il se sentit plus léger, plus libre. D'autres larmes s'échappèrent de ses yeux. Il soupira de soulagement, sans même le contrôler. Il la vit détourner les yeux à ce geste.

Ce petit espoir, cette étincelle, cette phrase, venait d'allumer l'ampoule de son bonheur, qui pourtant était éteinte depuis tant d'années.

Du soulagement.

Il tourna la tête et baissa les yeux sur son bras gauche. Un bandage entourait le creux de son coude. Les veines qui s'en échappaient étaient encore noires.

Ils avaient dû agir vite pour le sauver. Il en était certain.

- Qui ? demanda-t-il simplement, sans quitter son bandage des yeux.

- Ta mère. Elle t'amenait tes caramels favoris pour te consoler en mon absence.

Ainsi avait-il détruit une vie de plus.

- Une minute de plus et…

Elle se coupa dans sa phrase.

Il n'avait pas besoin qu'elle la termine. Et elle non plus. C'était inutile.

Il déglutit.

- Tu as signé les papiers ? demanda-t-il en fixant à nouveau le plafond.

Elle ne répondit pas tout de suite.

- Drago, tu-

- As-tu signé les papiers, Hermione ? la coupa-t-il d'un ton toujours aussi plat.

Vide.

- Oui, chuchota-t-elle du bout des lèvres.

Il la sentit reprendre sa main et cette fois-ci, la serra dans la sienne en retour.

Pour la première fois depuis des mois, il laissa un léger sourire étirer ses lèvres. Son cœur battait légèrement plus vite.

Il baissa les yeux vers elle et croisa son regard plein de larmes.

- Merci, murmura-t-il simplement.

- Je ferais tout pour toi, tu sais ? répondit-elle d'une voix brisée, en portant sa main à ses lèvres.

- Je sais.

Elle ferma les yeux, ses lèvres pressées contre ses phalanges encore rougies.

Il ne ressentait rien à nouveau. Quelques secondes de bonheur. Un petit peu de lumière dans la chambre sombre qu'était devenu son esprit.

- Quand ? demanda-t-il aussitôt.

Elle fronça les sourcils.

- Est-ce que maintenant serait possible ? ajouta-t-il sans la quitter des yeux.

- Maintenant ? s'étrangla-t-elle, silencieusement.

Elle ne semblait pas y croire. Ses yeux se remplissaient de larmes à nouveau. Il n'eut aucune autre réaction que celle de hocher la tête.

- Tu ne veux pas voir tes parents avant, ou bien-

- Non, la coupa-t-il. Tu es la seule que je veux voir.

Elle s'immobilisa. Il n'avait pas dit une telle chose depuis des mois.

- Drago, répondit-elle d'un ton brisé, en attrapant sa main entre les siennes. Ne fais pas ça, je t'en supplie. Nous pouvons trouver une solution, je t'assure que le temps fera les choses, je-

- Nous en avons déjà parlé, la coupa-t-il en la quittant des yeux.

- Je t'aime, Drago, sanglota-t-elle en captant son regard à nouveau.

- Je sais. Mais ce n'est pas suffisant, répondit-il, la gorge serrée.

Il commençait à avoir peur. Il appréhendait, mais se sentait libre à nouveau. C'était étrange.

Elle hocha la tête, des larmes dégoulinant sur ses joues.

- Est-ce que je peux t'embrasser ? demanda-t-elle en pleurant.

Il hocha la tête, serrant ses mains en retour. Il faisait un dernier effort. Un dernier.

Elle se leva et s'avança lentement vers lui. Elle posa tendrement une main sur sa joue, sans le quitter des yeux. Ils brillaient tellement d'amour que cela lui brisa presque le cœur. Presque.

- Je t'aime Drago Malefoy. Je ferai tout pour toi, pour que tu sois heureux. Pour que tu ne souffres plus jamais.

Elle posa ses lèvres sur les siennes avec une tendresse infinie et il répondit à son baiser avec tout autant d'amour. Il l'aimait. Il l'aimait tellement.

Mais qu'est-ce que l'amour, dans le trou noir qu'était son esprit ?

- Est-ce que ce sera douloureux ? demanda-t-elle lentement en s'écartant de lui, le visage ravagé par les larmes.

Il secoua la tête.

- Ce sera plus rapide que de s'endormir.