Débarquement au Pays de Fous

(second chapitre de «Médialophobie»)

………

«Aaahhaha… Non…C'est pas possible, dites-moi que c'est pas vrai…» marmonnait Ron avec dépit, planté au milieu d'une rue déserte du petit village sorcier de Lopetuy-sur-Halo, dans le Nord de la France.

«Ne commence pas à te plaindre, hein!» riposta Hermione en traînant deux grosses valises en direction du bâtiment défraîchi qui leur faisait face.

Le rez-de-chaussée était pourvu d'une grande vitrine barrée de planches au-dessus de laquelle on distinguait encore de grosses lettres rouges formant les mots «Tessin Chocolaterie».

«C'est tout ce que j'ai pu trouver en si peu de temps, poursuivit-elle. Et puis je t'ai déjà dit que ce n'était que provisoire…

-Ouais, n'empêche que si j'avais su, on serait jamais venus, rétorqua Ron que la mauvaise humeur avait rendu insupportable depuis leur départ d'Angleterre. Ce n'est pas que je sois habitué à vivre dans des palaces, mais dans une chocolaterie

-Détrompe-toi, répliqua aussitôt Hermione. Ce n'est pas ici que nous allons emménager! C'est bien trop loin du centre-ville où se trouve Camilla Vernetta.

-Qu'est-ce que tu racontes? s'étonna Ron. Il ne peut pas y avoir de centre-ville ici. Il n'y a que deux ou trois maisons qui se courent après… D'ailleurs, je me demande ce qu'on fait dans ce trou perdu, puisqu'on a pas l'intention d'y habiter?

-Au cas où tu ne serais pas au courant, je te signale que le plus gros de la ville est en-dessous, fit remarquer Hermione, évitant la seconde question.

-Hein? s'étonna Ron.Qu'est-ce que tu veux dire?

-La plus-part des bâtiments sorciers, dont l'Académie de Magie, se trouvent en sous-sol,» expliqua Hermione en se dirigeant vers une petite porte qui côtoyait la vitrine.

En la voyant sortir une petite clé et l'introduire dans la serrure, Ron l'arrêta: «puisque tu as omis d'y répondre, je réitère ma question: qu'est-ce qu'on fabrique ici? »

Hermione leva les yeux au ciel et répondit d'un air exaspéré: «Ron, ici, c'est ton lieu de travail.

-QUOOOOI?

-Tu m'as très bien comprise, lança-t-elle d'un ton cinglant. On va ouvrir une confiserie magique et toi tu la tiendras pendant que je serai en cours.

-Mais… Ah… Non! balbutia Ron, prit de panique.

-Ne t'inquiètes pas, poursuivit Hermione d'un ton plus joyeux. On va refaire entièrement l'intérieur! »

En disant cela, elle parvint à ouvrir la porte qui avait jusqu'à présent résisté à ses assauts. Sa mince ouverture laissait à présent voir une pièce au plafond haut et voûté, aux murs défraîchis et au sol jonché de saletés.

Frappé d'horreur, Ron resta sur place, tandis que Hermione se faufilait à l'intérieur en marmonnant: «faudra aussi qu'on agrandisse cette porte! »

Elle laissa ses valises sur le côté et se plaça au centre de la pièce, les manches retroussées.
«capiodechettus!» s'exclama-t-elle en pointant sa baguette à plusieurs reprises vers divers coins de la pièce.

Les objets cassés qui jonchaient le sol se volatilisèrent, puis quelques tâches de poussière firent de même lorsqu'elle s'écria: «récurvite!» Enfin, elle pointa sa baguette sur une ampoule cassée qui pendait lamentablement du plafond et se mit à déverser un flot de lumière dans la pièce sombre.

«Aaah, soupira Hermione. C'est déjà mieux comme ça! Mais il y a encore du boulot... »

Elle se tourna vers Ron, toujours planté à l'extérieur et l'interpella: «Allez, viens mon chéri! Faudra bien t'y faire, alors autant que ça soit maintenant… Et puis j'ai besoin de quelqu'un pour rendre cet endroit habitable pour une nuit ou deux. Dans quelques jours, le camion de déménagement arrivera avec toutes nos affaires et on pourra emménager dans notre nouvel appart. En attendant, on campera dans l'arrière boutique... »

Ron consentit à entrer sans enthousiasme et aida Hermione à porter les bagages, puis à installer des sacs de couchages. «Tu sais, t'es pas obligé de me faire la tronche, déclara Hermione au bout d'un moment.

-Ah oui? s'exclama Ron avec un sourire ironique. Ça alors c'est une bonne nouvelle, il se trouve que je me retient justement de sourire bêtement depuis un quart d'heure…

-Bon, d'accord, tempéra Hermione en levant les yeux aux ciel, concluons un marché. On rénove ce local, on commande des becs, on les vend et toi pendant ce temps tu cherches un autre boulot. Dès que t'en as trouvé un, on plie tout, on revend et tout le monde est content! Ça te va?

-OK, répondit Ron d'un air de défi. On fait comme ça. Et rira bien qui rigolera vers la fin. »

Sur ces paroles empreintes de sagesse, il se saisit d'un torchon humide et commença à frotter la vitre la plus proche.

………

«Oooh, Harry, et celui-là, regarde! Et lui, comme il est mignon... »

Ginny Weasley faisait des emplettes chez Mrs Guipure, escortée par un Harry à bouts de nerfs. (c'était excusable, étant donné qu'il venait de se farcir presque toutes les boutiques du Chemin de Traverse avec une Ginny de plus en plus réjouie sous le coude)

Elle venait de tomber en extase devant un présentoir proposant une série de minuscules robes de sorcier pour bébés, ornées de différents motifs comme des balles de quidditch ou des petits dragons. A présent, elle s'évertuait à choisir entre une petite cape violette et un bonnet noir, tandis que Harry suffoquait sous le poids de ses paquets. Il lui semblait que depuis quelques jours, Ginny profitait de sa situation de future maman pour formuler des souhaits de plus en plus extravagants. Cette séance de shopping était jusqu'à présent son record, mais il la savait capable de bien pire encore.

Comme il commençait à en avoir vraiment marre, il lui demanda de choisir toute seule et de trouver quelqu'un pour porter ses achats jusqu'au petit salon de thé où il lui donna rendez-vous une demi-heure plus tard. Puis il sortit de la boutique et se dirigea tranquillement vers le magasin d'accessoires de quidditch, soulagé d'être enfin un peu seul.

Le fait de renoncer à une carrière de joueur ne l'avait pas empêché de s'inscrire au club de quidditch de Londres, qui avait une très bonne réputation. Ginny et les jumeaux Weasley y adhéraient également, mais Harry voyait rarement Fred et George venir s'entraîner car ils étaient trop occupés par leur magasin. Les Farces pour Sorciers Facétieux avaient un très grand succès et ils avaient déjà ouvert deux magasins en Angleterre, ainsi que quatre autres dans différents pays, dont les États-Unis. Comme il ne les avait pas vus à l'entraînement de la veille, Harry n'avait pas encore eu l'occasion de leur annoncer que Ginny était enceinte et décida de passer les voir avant d'aller au magasin d'accessoires de quidditch.

Lorsqu'il entra dans leur boutique et demanda à les voir, on lui répondit qu'ils étaient en déplacement et il se contenta de laisser une brève lettre. Puis il se dirigea vers le magasin d'accessoires de quidditch où il comptait s'acheter de nouveaux gants.

Sur la porte vitrée de la boutique était collée une grande affiche violette, sur laquelle on pouvait lire en grosses lettres d'or:

LE MINISTERE RECRUTE POUR L'EQUIPE NATIONALE.

Harry se rapprocha avec curiosité et sentit son cœur se serrer légèrement en lisant la suite:

Suite à la prise de retraite anticipée de Carl Finnes, l'attrapeur de l'équipe nationale d'Angleterre, le Ministère organisera des essais afin de recruter un nouveau joueur pour le remplacer.

Ils auront lieu entre le 22 et le 30 Octobre à Londres, en présence de l'équipe au complet.

Tout prétendant au poste devra se signaler au Ministère de la Magie dans un délai de 15 jours avant le début des essais, et devra se présenter muni de son propre balai et d'une analyse médicale.

(nous vous rappelons que seuls les sorciers anglophones sont autorisés à entrer dans l'équipe pour des raisons de communication au sein du groupe)

Signé: Ludo Verpey, Directeur du Département des Jeux et Sports Magiques.

Harry contempla l'affiche durant de longues minutes, plongé dans une réflexion intense.

Il ne pouvait nier qu'il rêvait plus que de n'importe quoi d'intégrer l'équipe nationale d'Angleterre… Au poste d'Attrapeur, en plus. C'était l'occasion ou jamais…

«Et ma médialophobie? demanda soudain dans sa tête une petite voix qui avait les accents de la vérité.

-Je n'ai pas peur des journalistes, pensa fortement Harry.

Mais il sut immédiatement que ce n'était pas vrai.

-Comment ferai-je à la fin des matchs, quand on voudra m'interviewer? reprit la voix.

-Je n'aurai plus peur, pensa Harry.

-Mais je sais bien que ce n'est pas vrai, répliqua la voix.

-Sauf si je me fais soigner,» marmonna Harry à voix haute.

A sa gauche, un vieil homme qui lisait également l'affiche du Ministère lui jeta un regard en biais et s'écarta de lui comme s'il était une plante venimeuse. Mais Harry n'y fit pas attention et s'éloigna de la boutique sans acheter ses gants, toujours perdu dans ses pensées. Il marcha le long de la rue en réfléchissant à ce qu'il venait de dire, bousculant sur son passage une foule incalculable de gens.

L'idée de se faire soigner n'était pas si mauvaise. Après tout, cela pourrait régler de nombreux problèmes. Mais Harry ne se voyait pas entrer dans un cabinet et dire: «Bonjour Docteur, je suis médialophobe. Ça se soigne? »

Et puis qu'en penserait Ginny? Cela la ferait certainement beaucoup rire, et c'était le genre de choses que Harry aurait aimé éviter. En admettant qu'il suive une thérapie ou autre chose dans le genre, il lui faudrait sûrement laisser son orgueil de côté, et il fallait dire qu'il en avait un paquet.

«…ry! Haaarry! »

Harry s'aperçut qu'on l'appelait et se retourna. Il avait dépassé de quelques mètres le salon de thé où l'attendait Ginny, et celle-ci le lui signifiait à grands cris.

«Te voilà enfin! s'exclama-t-elle lorsqu'il vint s'asseoir près d'elle. Ça va? ajouta-elle aussitôt en voyant sa mine maussade.

-Pas trop, répondit Harry. Le quidditch me manque… Le vrai, je veux dire, ajouta-t-il en remarquant son air surpris.

-Je comprends, dit-elle. Mais qu'est-ce que tu veux faire, avec ta médialophobie?

-Ben, justement, marmonna Harry en rosissant légèrement. Je pense que je peux m'en sortir.»

Ginny haussa un sourcil peu convaincu, ayant déjà eu l'occasion d'observer le comportement du médialophobe paniqué. Pourtant, elle décida de se montrer enthousiaste:

«Tant mieux! Et quelle équipe comptes-tu intégrer? Si tu as une idée, je veux dire.

-J'avais pensé, hésita Harry, à… Enfin, tu as entendu parler de la retraite anticipée de Finnes?

-Oui, répondit Ginny avec un sourire malicieux. J'ai pensé à toi. Alors tu veux avoir ce poste, c'est ça?

-Oui, acquiesça Harry. Tu crois que c'est possible?

-Bien-sûr! assura Ginny. Tu as tout le talent nécessaire et je suis sûre que tu as de bonnes chances d'avoir ce poste.

-Oui, peut-être, marmonna Harry en faux modeste.

-Dans combien de temps ont lieu les essais? demanda Ginny.

-Heu… 28 jours, je croit, répondit Harry en sentant glisser sur lui une légère vague de panique. Moins d'un mois pour se débarrasser de sa médialophobie, c'était just…

-Eh bien tu as intérêt à t'entraîner plus que jamais!» déclara Ginny avec entrain.

Harry se demanda pendant quelques secondes si elle ne sous-entendait pas quelque chose à propos de sa médialophobie, mais il ne sut jamais si c'était le cas.

………

Dès le lendemain, Harry décida de demander conseil à Hermione. Il était à peu près certain qu'elle ne se moquerait pas de son idée et qu'elle y réfléchirait sérieusement.

Il lui envoya sa bonne vieille Hedwige, lui exposant dans une brève lettre son problème et lui demandant de le recontacter aussi vite que possible. Espérant qu'elle aurait un conseil à lui donner, il se demanda ensuite comment il ferait pour gérer sa formation d'Auror et ses entraînement de quidditch tout en suivant une thérapie dont il ne savait pas encore du tout en quoi elle consisterait.

«Peut-être que je devrais laisser tomber les cours,» songea-t-il. Mais il valait sans doute mieux d'attendre pour cela d'être sûr d'être reçu comme joueur…

Harry reçu la réponse d'Hermione deux jours plus tard et ne put s'empêcher d'admirer sa rapidité et surtout celle d'Hedwige. Il déplia la lettre et reconnut l'écriture soignée de son amie:

Cher Harry,

Je pense que cette histoire de thérapie est une excellente idée! Je dois t'avouer que Ginny, Ron et moi y avions pensé, mais que nous n'osions pas te la suggérer de peur de te vexer…

Je peux te conseiller quelqu'un de très bien qui travaille sur Londres; il s'agit du Dr Vrousoss. Il saura te conseiller.

D'après ce que j'ai compris, c'est assez urgent, et comme le Dr Vrousoss est un personnage un peu particulier mais que je connais assez bien, je pense pouvoir te pistonner. Il est possible qu'il te guérisse en deux jours, ou en un an… Je n'en sais pas plus, malgré tout ce que j'ai lu dans Phobies diverses du sorcier moyen.

J'arrive à Londres jeudi. Je transplanterai au Chaudron Baveur… Passe me chercher à 18h et nous irons voir ensemble le Dr Vrousoss. (j'imagine qu'il est inutile de prévenir Ron et Ginny)

À jeudi!

Hermione.

Harry se sentit profondément réconforté par cette lettre. Ainsi, il avait une petite chance de pouvoir participer aux essais… Et éventuellement d'être prit. (cette simple idée lui torturait les entrailles)

Il cacha soigneusement la lettre d'Hermione pour que Ginny ne tombe pas dessus et se rendit soudain compte qu'on était mercredi.

«C'est donc demain,» songea-t-il. Puis un petit détail non-négligeable lui vint à l'esprit; il finissait les cours à 18h30 et Ginny était de service au Chaudron Baveur de 16h à 21h.

«Oups…»

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