Résumé: Harry poursuit ses confidences avec Draco et en vient à lui proposer d'aider sa fille Cracmol. Pendant ce temps, la relation très proche que Severus entretient avec Iris le fait fondre.


Le manche qu'il tenait entre ses mains était fait d'un bois d'orme très sombre et dense, doux sous sa paume mais qui donnait une impression de résistance à toute épreuve. La courbure profilée semblait naturelle et son élégance était proche de la perfection. Harry avait trouvé sa position immédiatement en montant sur le balai, une aisance spontanée qui l'avait lui-même étonné. Sa maniabilité était inédite, au-delà de ce qu'il aurait cru possible un jour, et le balai paraissait autonome, réagissant presque avant même qu'il n'ait donné une quelconque impulsion ou imprimé le moindre mouvement, comme régi par sa seule pensée. Un accord parfait entre le geste qu'il avait l'intention de faire et ce qu'il faisait réellement; il se sentait faire corps avec l'objet d'une façon irréelle.

Ça n'avait rien à voir avec son vieil Éclair de Feu, ou avec les balais qu'il avait pu essayer à Poudlard. C'était la sensation inédite d'avoir au bout des doigts le prolongement de lui-même. « Une petite merveille » avait dit Daphnée; elle ne s'était pas trompée.

Rien n'était comparable avec ce que Harry avait connu. Ni la souplesse, ni la maniabilité, ni la vitesse, rien. Il avait tenté une accélération qui avait failli le laisser sur place pendant que le balai filait dans les airs; il n'avait préservé son honneur du ridicule que par une chance incroyable et depuis, il testait ses possibilités qu'il poussait peu à peu à leur maximum, tandis que Draco voletait à quelques mètres du sol avec un air d'impatience grandissante.

– Bon. Quand tu auras fini de faire des loopings et des vrilles, je pourrais peut-être lâcher le vif ?!

.

Dans le pré, au sol, Daphnée et les filles ainsi que les maîtres de maison, les observaient avec de grands yeux ébahis. Lucius avait fait apparaître des sièges et des transats pour tout le monde, mais elles avaient préféré s'allonger dans l'herbe, sur une simple natte en tissu, après avoir fait des galipettes et des roulades dans tous les sens. Elles semblaient si petites, vues de là-haut, si frêles...

Harry redescendit en piqué pour rejoindre Draco et redressa au dernier moment le nez du balai pour surgir à ses côtés, non sans lui tirer un hoquet de surprise. Il aurait pu manœuvrer les yeux fermés tellement c'était facile et intuitif, mais ça l'aurait privé d'un tout autre spectacle qui lui tira à son tour un gloussement étonné.

Là-bas, légèrement en retrait des filles et de Daphnée qui n'en avaient rien vu, Lucius venait de poser sa main sur la nuque de Severus pour l'attirer vers lui et l'embrasser.

Le regard de Draco avait suivi le sien, loin en bas, et le sourire qui s'étala sur son visage en disait long sur son étonnement, puis sa fierté, et pour finir sa tendresse évidente envers les deux hommes.

– Par Merlin ! Je n'aurais jamais cru voir ça un jour ! avoua-t-il doucement, avant de lever les yeux vers lui et de s'exclamer comme autrefois : À nous deux, Potter ! Je vais te faire mordre la poussière !

Harry éclata de rire et le vif fila entre eux comme un éclair doré.

.

Il se laissa tomber dans l'herbe comme un sac, épuisé et fourbu. Loin au-dessus de lui, dans un ciel d'un bleu éblouissant, les nuages se promenaient mollement, alors qu'il avait encore l'impression d'entendre le vent siffler dans ses oreilles. La sueur formait une mince pellicule humide sur son torse qui reflétait la lumière et collait sur sa peau des brins d'herbe qui le chatouillaient. Au cours du match, Harry avait laissé tomber la chemise qui le gênait démesurément pour finir torse nu, à l'aise mais sans doute vaguement indécent aux yeux de Lucius. Qu'importe ! Il avait tout donné et plus encore, et il finissait rincé et mort de fatigue. Il n'aurait jamais pensé dire ça un jour, mais trop de sexe et trop de quidditch dans la même journée ! Les courbatures du lendemain allaient être terribles !

Heureusement, l'honneur était sauf ! Sur un match en cinq point, il avait attrapé une fois le vif d'or ! Une pauvre et unique fois mais il n'avait pas démérité. Il aurait pu se servir de sa magie plusieurs fois pour décaler le vif de quelques centimètres hors de la main de Draco, ou bien faire souffler une petite brise traîtresse pour l'éloigner, mais il n'avait pas voulu avoir recours à ces subterfuges. Il n'avait même pas tenu compte des recommandations de Daphnée.

Il avait volé à l'instinct, comme autrefois, comme toujours. Parfois plus préoccupé de ce qui se passait au sol entre Lucius et Severus, ce qui lui avait coûté un vif pour rien sous les ricanements moqueurs de Draco. Mais Harry savait bien qu'il lui avait donné du fil à retordre. S'il n'était malgré tout pas aussi à l'aise que lui sur un balai, ni aussi calculateur et tacticien, la vie dans la forêt, surtout quand il avait dû survivre sans magie, avait aiguisé ses réflexes, ses instincts et son regard, et bon nombre de fois, il avait aperçu le vif avant Draco.

– Entraîne-toi un peu et je t'embauche dans l'équipe ! fit celui-ci avec un large sourire, allongé à ses côtés et les yeux encore fermés.

Et puis surtout, il s'était régalé. De voler, de cette sensation de liberté absolue, et de jouer, surtout contre lui, contre son meilleur ennemi, son ami, comme avant, comme il y a si longtemps, et comme si hier était aujourd'hui. Tout était redevenu identique à ces jours-là, à Poudlard, où ils filaient tous les deux sur leurs balais, dans les petits matins humides ou les soirées chaudes, ivres de vitesse et de bonheur.

Il souriait également, ébloui par la lumière, et complètement vidé de toute énergie lorsqu'une main large et familière apparut dans son champ de vision.

– Charmant spectacle, Potter ! fit la voix grave de Severus. Très charmant !

Ses yeux sombres détaillaient à loisir les lignes de ses épaules, de son torse, ses tétons érigés par la fraîcheur qui l'envahissait peu à peu après l'effort, puis descendirent vers la ligne de poils qui partageait son ventre et disparaissait en s'enfouissant sous son pantalon. Le regard de Severus respirait la convoitise et l'envie, et Harry espéra vaguement que Draco ait toujours les yeux fermés.

– Allez, debout ! insista Severus en souriant alors qu'il ignorait toujours sa main tendue. Il est temps de rentrer. Pour les filles, c'est l'heure du goûter, et pour vous deux, celle de la douche ! Vous sentez le fauve à des kilomètres !

– Silence ! Laisse-moi mourir en paix ! ricana-t-il au souvenir de leurs ébats matinaux. Je transplanerai au Manoir quand je serai ressuscité !

– Hors de question. Si les filles rentrent à pied, tu peux bien le faire aussi !

Harry attrapa la main tendue de Severus qui le remit sur ses pieds avec une facilité déconcertante. La tête lui tournait légèrement et il dut se retenir au bras de son amant qui aidait à son tour Draco à se relever. Le flou devant ses yeux s'estompa peu à peu et il aperçut le regard goguenard de Severus devant son geste et celui plus catastrophé de son ami.

– Bon sang, Harry ! Qu'est-ce que c'est que cette cicatrice ? T'as servi de dîner à un tigre ou quoi ?!

Les yeux écarquillés de Draco restaient fixés sur les quatre balafres presque parallèles qui descendaient de la rondeur de son épaule le long de son bras, blanches sur sa peau encore hâlée.

– Son petit-cousin, un jaguar, ironisa-t-il. Heureusement, elle n'avait pas faim, elle protégeait juste ses petits.

Derrière lui, Harry sentait la présence de Severus et son regard insistant sur son dos. De manière assez étonnante, il n'avait encore jamais posé de question, même si l'envie devait le démanger depuis la première fois où il l'avait vu torse nu dans la piscine. Il n'y couperait pas un jour, c'était certain, et il haussa machinalement les épaules, autant pour lui-même que vis à vis de leur curiosité. Il était trop épuisé et trop serein pour lutter.

Il prit sa chemise que lui tendait Severus, récupérée après avoir mollement échoué au milieu du pré.

– Je n'aimerais pas vivre où tu vis ! grimaça Draco. Et passant un doigt frais sur la longue ligne nacrée qui suivait sa colonne vertébrale, il ajouta : Et celle-ci, c'est quoi ?

Étrangement, la réponse à Draco lui coûtait moins que si Severus avait posé la question, mais sa présence trop proche le gênait malgré tout.

– Rituel d'exorcisme, murmura-t-il. Une histoire ancienne. Passons...

Le regard que Draco leva sur lui tandis qu'il enfilait sa chemise était lourd de sens, mais il garda le silence et n'émit aucun commentaire. Harry doutait que Severus, qui s'éloignait déjà, ait entendu ses propos et son attitude impassible semblait heureusement le confirmer. Ils le rejoignirent d'un pas lent et fourbu, et rentrèrent au Manoir en traînant les pieds encore davantage que les filles.

.

oooooo

.

La douche lui fit du bien. Tout autant que les trois tasses de thé qu'il avala rapidement tant il se sentait déshydraté, et les pâtisseries et les petits sandwichs servis par les elfes sur la terrasse. Pas sûr qu'il mangerait à nouveau dans quelques heures, mais l'envie et la faim étaient plus fortes que la raison.

Les filles avaient protesté un peu de n'avoir pas pu faire un tour avec eux sur les balais, mais Draco avait remis ça à une autre fois. Non sans une certaine fierté puérile, Harry ricanait intérieurement de le voir aussi épuisé que lui. Il ne serait pas dit qu'il ait été le seul à souffrir !

Une fois, deux fois, trois fois, Minerva s'était approchée de lui, hésitante, sollicitant sa présence pour aller à la piscine, lui posant discrètement des questions sur sa vie, sur son collier et n'importe quel prétexte était bon pour obtenir son attention. Dans son regard un peu douloureux, dans son attitude pleine d'attentes muettes, Harry sentait bien ce qu'elle attendait de lui, ce qu'elle espérait et qui ne lui tardait que trop. Comment l'avait-elle deviné, comment savait-elle l'accord de ses parents, à moins d'avoir écouté derrière une énième porte ?! Il ne pouvait que la comprendre, malgré tout, et se penchant à l'oreille de Draco, il murmura :

– Tu es toujours d'accord pour Minerva ?

Et devant le hochement de tête affirmatif, quoiqu'un peu surpris de Draco, il ajouta :

– Alors, viens.

– Comme ça, là, maintenant ?

– Oui : comme ça, là, maintenant, sourit-il en invitant Minerva à les rejoindre d'un signe de tête.

.

Ils descendirent tous les trois vers la terrasse inférieure, dans le salon de jardin aux abords de la piscine où Harry rapprocha trois fauteuils pour les mettre face à face.

– Assieds-toi, fit-il à Minerva.

La fillette ne tremblait pas, ne semblait même pas impressionnée ou craintive; elle respirait au contraire la force et l'assurance, une détermination résolue qui, plus que tout autre chose, força son respect. Elle allait au devant de l'inconnu avec confiance – presque trop de confiance – mais elle serait assurément capable de grandes choses.

Harry s'assit tandis que Draco prenait place également, bien moins à l'aise que sa fille.

– Tu as entendu ma conversation avec Maya, s'adressa-t-il de but en blanc à Minerva alors que son père fronçait les sourcils. Tu as compris que je pouvais te rendre la magie...

Elle hocha la tête, sans paraître le moins du monde surprise.

– Avant cela, il faut que tu comprennes deux ou trois petites choses. Cette magie, tu l'as toujours eue en toi, mais sans pouvoir t'en servir parce qu'elle n'était pas entière...

– Pourquoi les médicomages ont dit que je n'en avais pas, alors ? l'interrompit-elle.

– Les médicomages ne savent pas tout, fit-il en haussant les épaules. Surtout en ce qui concerne la nature primitive de la magie, son essence même... Peu importe, ce ne sont pas des considérations de ton âge. Tu t'y intéresseras peut-être quand tu seras plus grande...

Il lui sourit tendrement. Oui, elle était du genre à vouloir chercher à comprendre, comme pour obtenir une revanche sur ce qui l'avait tenue éloignée de la magie si longtemps.

– En ce moment, ta magie, c'est comme un miroir brisé. Des morceaux dans tous les sens qui reflètent chacun un peu de lumière, mais pas une image dans son ensemble. Ce que je vais faire, c'est rassembler tous les morceaux, reconstruire le miroir pour que tu puisses t'en servir... Tu auras la même magie que ta sœur, que ton père, que tes grands-pères et tu pourras t'en servir comme eux... Mais comme Iris, comme eux autrefois, tu auras aussi besoin d'apprentissage, de leçons pour parvenir à maîtriser les sortilèges, la métamorphose, pour savoir transplaner, etc... Une certaine partie de la magie est spontanée, mais il faut tout de même apprendre à la canaliser et à s'en servir à bon escient. Ton père, ta marraine, Lucius et Severus seront là pour t'enseigner ses valeurs et ses dangers. La magie est une grande responsabilité.

Minerva l'écoutait attentivement, sans perdre une miette de ses propos, avec sur le visage un air grave qui laissait entrevoir l'adolescente et l'adulte qu'elle serait un jour.

– Tout à l'heure, ce soir, demain... tu seras capable de faire des choses qui te seront impossibles dans quelques jours, ajouta Harry tandis qu'elle fronçait les sourcils, vaguement déçue. Il faut bien que tu comprennes qu'après ce que je vais faire, tu auras en toi davantage de magie que ce que tu possèdes normalement. Il y aura sans doute un peu de la mienne qui va rester et qui va mettre quelques heures à disparaître. Quand elle aura disparu, ce n'est pas que tu n'auras plus de magie, tu auras simplement la tienne, qui va grandir peu à peu et que tu devras apprendre à maîtriser. Est-ce que tu comprends ?

– Oui. Tout à l'heure, je serai une super sorcière parce que tu m'auras donné plein de magie, et demain, je serais juste moi.

– C'est ça, fit-il en riant. Il ne faudra pas avoir peur ou être déçue, ce sera normal... Allez, donne-moi ta main.

En toute confiance, elle lui tendit sa main, si petite dans la sienne, tandis qu'il tournait la tête vers Draco, bien plus incertain.

– Ne t'inquiète pas, elle ne craint rien, sourit-il. Viens. Prends sa main et donne-moi la tienne, je vais te montrer ce que je fais.

Harry ferma les yeux, et sentit la présence de Draco au travers de leurs mains jointes, oscillant d'un mélange d'espoir et d'inquiétude. Il les guida vers Minerva et avec d'infinies précautions, glissa sa magie au sein de l'esprit de la fillette.

La magie était bien là, discrète, ténue, mince étincelle éparpillée en des milliers de fragments qui luisaient doucement en elle, un potentiel unique brisé par le hasard ou le sort et qu'il fallait « simplement » rassembler.

Cela avait quelque chose de féerique, toutes ces bribes de magie, ces fragments épars, à peine décelables mais qui formaient comme une mince pellicule à la surface de son âme, un tapis de lucioles furtives et fugaces éclairant l'intérieur de son esprit d'une lumière tamisée.

Harry s'immisça un peu plus, la présence de Draco juste à côté de la sienne, et laissa sa magie agir comme un aimant.

.

.

Minerva s'approcha du parterre de roses qui longeait la terrasse où ils se trouvaient et toucha du bout des doigts les fleurs une à une, égrenant les couleurs, rose, bleu, jaune, noir, violet, blanc, puis se retourna vers eux avec un sourire jubilatoire.

– Marraine avait raison ! s'exclama-t-elle en tirant une langue mutine à son père, avant de s'échapper en courant pour rejoindre sa mère et ses grands-pères.

– Comment sais-tu... ?! s'offusqua Draco, avant d'abandonner sa phrase, faute d'interlocutrice. Encore une fois où j'ai dû oublier de jeter un sort de silence sur la porte avant de discuter avec Daphnée...

– Tant que tu n'oublies pas de le faire quand vous essayez de lui donner un petit frère ou une petite sœur ! ironisa Harry.

– Dis donc ! Je te demande où était Severus ce matin ?! Et pourquoi il est apparu si tard au petit-déjeuner ?!

Il ne put s'empêcher de rougir violemment sous le regard sarcastique de Draco, avant de bafouiller pour changer de sujet de conversation.

– Pourquoi dit-elle que sa marraine avait raison ?

Le regard de Draco brillait toujours lorsqu'il répondit pensivement :

– Luna m'a toujours dit que Minerva irait à Poudlard, qu'elle recevrait sa lettre, qu'elle ferait sa rentrée comme tous les autres enfants... Je ne l'ai jamais crue, avoua-t-il. Tu connais Luna. Parfois elle dit des choses... un peu fantasques. Je vais finir par croire qu'elle a vraiment un don.

Harry restait songeur. Luna avait toujours été étrange, parfois les deux pieds sur terre, lucide et concrète, et parfois, au détour d'une phrase, si... fantasque comme disait Draco, un peu ailleurs, pleine de certitudes dérangeantes ou obsédée par des choses qu'elle seule comprenait. Lunatique et mystérieuse.

Lui aussi commençait à croire qu'elle avait vraiment quelque chose en elle. Elle avait été si insistante pour qu'il vienne au Manoir, arguant presque que son destin était en jeu, que c'était essentiel, fondamental. Elle avait eu raison. Même s'il ne savait pas encore quel serait son destin, cela lui avait au moins permis de retrouver Draco et Severus. Et d'influer sur le destin de Minerva.

Quel gâchis cela aurait été s'il n'était pas venu, s'il avait fui lâchement ses sentiments pour éviter Severus et repartir dans sa forêt !

– Je te serai à jamais redevable, affirmait Draco à ses côtés sans le regarder. Entre ce que tu viens de faire pour Minerva et ce que tu as fait pour mon père... Je ne pourrai jamais te rendre ce que je te dois.

– Ne le souhaite pas, fit-il en souriant. Et tu ne me dois rien. Ton amitié est une large compensation à ce que j'ai fait.

Draco sourit à son tour, un bonheur tranquille peint sur son visage.

.

– Ça t'ennuie ? hésita Harry, encore chiffonné par sa remarque moqueuse. Pour Severus...

– Je te l'ai déjà dit, répondit Draco sans hésitation. Ce que vous faites ne me regarde pas, mais ne faites pas de mal à Lucius.

– Tu sais, il...

– Je sais qu'il est d'accord avec ça, intervint Draco en souriant. Quand j'ai voulu lui en parler tout à l'heure, il m'a très aimablement demandé de me mêler de mes oignons.

Harry soupira. L'acceptation tacite de Lucius et de Draco lui ôtait malgré tout un poids sur la conscience. Il ne voulait pas que ce qui se passait avec Severus vienne se mettre entre eux comme un secret coupable, même s'il ne serait jamais totalement à l'aise avec cette situation, et surtout sans savoir comment l'avenir démêlerait cet écheveau de fils et de trajectoires.

Il ne voulait pas perdre Draco à peine retrouvé. Et comme il l'avait dit, son amitié était bien au-delà de tout ce qu'il pourrait faire pour lui.

– Regarde-le s'il est fier, grimaça Draco, le regard rivé sur les grands yeux brillants de son père qui admirait en silence la toute nouvelle magie de Minerva. Maintenant, sa petite-fille est vraiment une sorcière ! Il ne manquerait plus qu'elle soit un garçon pour qu'il soit pleinement satisfait !

Là-bas, sur la terrasse supérieure, la fillette explorait ses nouvelles possibilités, s'attardant près de la petite fontaine dont les gouttes d'eau se transformaient en flocons sous ses doigts, puis en papillons légers qui s'en allaient voleter autour de la table basse. S'en approchant, elle toucha tour à tour les tasses et la théière de porcelaine qui se changèrent en animaux miniatures, le bec de la théière formant la corne d'une adorable petite licorne qui gambadait allègrement sur le plateau de bois précieux.

– Ta fille est pleine de poésie, plaisanta Harry avant de reprendre plus sérieusement. Il était déjà fier d'elle, tu sais. Il ne l'est qu'un peu plus... Et il aura de quoi. Elle sera une grande sorcière, Draco. Pas besoin d'avoir le don de Luna pour le deviner... Viens. Allons les rejoindre avant que je ne sente les foudres de Severus s'abattre sur moi !

.

Il n'avait pourtant pas très envie d'affronter le regard de Lucius, dont les yeux pleins de remerciements muets le gênaient plus qu'autre chose. Et encore moins ceux de Severus, sombres, inquisiteurs, voire accusateurs. Mais retarder l'échéance ne servait à rien, et Minerva était si fière et si heureuse. Elle ne cessait de toucher et de retoucher le moindre objet à portée de sa main, les transformant en fleurs, en animaux, en papillons en forme de cœur, en étoiles scintillantes qui coulaient comme de l'eau, puis s'envolaient, emportées par une brise pour retomber un peu plus loin en une pluie de pétales. La chaise sur laquelle elle finit par s'asseoir se vit ornée de quelques branches, puis d'un dôme de feuilles vert tendre, qui faisait comme un trône de verdure autour d'elle, et lorsqu'elle voulut à nouveau se lever, les pieds de la chaise avaient pris racine entre les carreaux de la terrasse et une fine pelouse courait entre ses pieds. Minerva éclata de rire, renversant la tête en arrière avec bonheur et Harry posa doucement la main sur son épaule pour réabsorber un peu de magie.

– Du calme, Minerva, murmura-t-il. Tu sais que tout ça ne sera plus là demain...

La fillette s'apaisa instantanément, et tourna vers lui un regard empli d'admiration et de reconnaissance.

– Je sais, mais c'est tellement...

– Dois-je comprendre que ce n'est que temporaire ? gronda Severus à mi-voix, les sourcils froncés.

Le regard de son amant était sombre, empli de reproches voilés et de colère. Harry s'assit malgré tout à côté de lui, vaguement peiné de sa méfiance et de son manque de confiance en lui. Croyait-il vraiment qu'il n'allait donner à la fillette que des illusions ?!

– Non, ça ne l'est pas, fit-il en évitant de croiser ses yeux. Minerva est une sorcière à part entière. Demain, elle aura simplement retrouvé le niveau et la maîtrise de la magie qui correspond à son âge...

– Là, j'ai plein de magie à Harry, et demain j'aurai que la mienne, appuya la fillette avec aplomb. Mais ça sera la mienne !

– C'est tout à fait ça, Minerva, confirma-t-il avec un sourire triste.

Severus n'avait pas l'air convaincu, et son regard passait de l'un à l'autre avec circonspection.

– J'aimerais comprendre, fit-il au bout d'un long moment.

À l'autre bout de la table, Lucius rayonnait d'une fierté et d'une joie incommensurables, entouré de Draco et Daphnée, non moins fiers et heureux. Même Iris battait des mains aux exploits de sa sœur, ravie de cette connivence nouvelle entre elles et déchargée du poids de leur différence.

– On est pareilles, maintenant !

Fallait-il vraiment que Severus vienne jouer les rabat-joie ?

– Il n'y a rien à comprendre, maugréa Harry à voix basse. Je vous ai déjà dit que les Cracmols n'étaient pas totalement dépourvus de magie. Elle est juste... fragmentée et inefficace, sauf sous le coup de l'émotion ou de la peur. Je n'ai fait que l'aider et lui apprendre à s'en servir. Cessez donc d'être suspicieux et ayez un peu confiance en moi.

Il avait repris un vouvoiement de façade, spontanément, mais qui correspondait bien aussi à son humeur et à ce qu'il ressentait envers son amant.

Severus fronça à nouveau les sourcils, à la fois devant ses paroles et devant la lassitude qui devait se lire sur son visage.

– Qu'est-ce qui ne va pas ?

– Rien, soupira Harry. Juste un peu fatigué...

Rassembler la magie de Minerva lui avait certes coûté en énergie et en magie, mais ce n'était rien par rapport à l'attitude et la défiance de Severus. Il était fatigué, oui, et contrarié, et peut-être un peu déçu, mais il ne pouvait pas l'avouer à quiconque. Pourquoi son regard comptait-il davantage que n'importe quel autre ?

La main que Severus posa sur sa cuisse, sous le couvert de la table, lui mit un peu de baume au cœur malgré tout.

.

En attendant, la joie de Minerva faisait plaisir à voir et la fillette questionnait sans relâche son père et son grand-père sur la magie et sur Poudlard dont elle avait toujours cru être privée.

– Il faut prévenir Marraine ! s'exclama-t-elle soudain. Lui dire que ça y est, je suis une sorcière !

– Oui, tu as raison, répondit Draco avec un large sourire. Demain, on passera à Poudlard et tu le lui diras toi-même !

Bondissant d'une excitation impatiente, Minerva sauta au cou de son père, puis à celui de sa mère, de Lucius, de Severus et pour finir le sien, où elle resta un long moment à le serrer dans ses bras, avant de le relâcher en murmurant « Merci » au creux de son oreille.

Ses yeux brillants, la reconnaissance éperdue qu'il lisait dans son regard, sa joie toute enfantine... Harry ne put s'empêcher de caresser sa joue d'une main tendre et de l'attirer vers lui pour glisser un baiser sur sa tempe. Une éternité qu'il n'avait pas tenu un enfant dans ses bras... La chaleur de son corps miniature contre le sien en était presque douloureuse.

– Reste à savoir maintenant dans quelle maison tu iras, la taquina-t-il pour s'arracher à ses pensées.

– Serpentard, assura Draco d'un ton ferme.

– Serpentard.

– Serpentard...

Harry éclata de rire malgré lui; les trois hommes avaient parlé quasiment à l'unisson et s'entre-regardaient à présent avec un air vaguement gêné.

– Et si ce n'était pas Serpentard ? glissa-t-il. Vous y avez pensé ?!

– Impossible, assura Lucius d'un air autoritaire bien que souriant. Tous les Malfoy ont toujours été à Serpentard.

– Attention à ce que vous dites, fit Harry en rivant son regard dans le sien. Elle n'en sera pas moins une Malfoy si elle va dans une autre maison...

Lucius pencha très légèrement la tête de côté en acquiesçant, signe qu'il avait bien compris le fond de sa pensée, et sous les yeux presque étonnés de Draco, il ajouta :

– C'est exact, Minerva est une Malfoy quoi qu'il en soit, mais il serait fort improbable qu'elle soit assignée à une autre maison...

– J'ai ouï dire que les Serpentards étaient les meilleurs..., intervint Daphnée avec un air malicieux.

– Pardon ? sursauta Harry.

– La crème de la crème, l'élite, la quintessence...

Il éclata d'un grand rire moqueur avant de regarder un à un les trois Serpentards autour de la table. Visiblement, Daphnée se servait de sa présence pour les faire redescendre de leur piédestal et ramener un peu de vérité dans les discours tenus à ses filles, et il n'allait pas se priver de l'y aider.

– Vous n'avez pas honte ? ironisa-t-il. Mettre des idées pareilles dans la tête de Minerva et d'Iris ?! En sachant ce qu'ont pu donner les rivalités entre les maisons?

Malgré son ton léger, il était à moitié sérieux, et se tourna vers les fillettes pour leur donner sa version.

– Chaque maison a ses qualités...

– Et ses défauts, le coupa Severus à mi-voix.

– … et aucune n'est « meilleure » ou « moins bonne » qu'une autre, ajouta-t-il en fusillant son amant du regard. Les Serdaigle sont réputés pour leur intelligence, leur goût du travail et de la réflexion, leur sagesse...

– Des intellos, murmura Draco l'air de rien.

– … les Poufsouffle sont loyaux, patients, tolérants et foncièrement gentils...

– Sentimentaux et émotifs, marmonna Lucius.

– … les Gryffondors sont forts, déterminés et courageux...

– Téméraires ! fit Draco.

– Impulsifs, ajouta Lucius.

– Inconscients, conclut Severus avec un rictus moqueur.

À nouveau, Harry les regarda un par un, mi-souriant, mi-exaspéré de leur mauvaise foi.

– J'admets... Et les Serpentards sont puissants, rusés, fiers et ambitieux, compléta-t-il. Mais aussi retors, sournois, imbus d'eux-mêmes...

– Manipulateurs et intolérants ? fit Daphnée d'un air innocent.

Il éclata de rire sous les regards courroucés et les sourcils froncés des Serpentards présents à la table qui protestèrent en chœur.

– Tu as bien saisi l'esprit ! s'exclama-t-il avant d'ajouter plus doucement : Quoique la vie apprenne souvent la tolérance de gré ou de force...

Il lui fallait bien reconnaître que, quels que soient les travers passés ou présents de ces trois hommes, ils avaient tous positivement changé au cours de leur vie et qu'ils étaient loin de ceux qu'il avait connus autrefois.

Draco et Severus continuaient cependant à grogner sous cape, arguant de jugements à l'emporte-pièce et de raccourcis aléatoires, tandis que, de manière étonnante, Lucius souriait franchement.

– Je suis ravie de voir que ton discours rejoint celui de Luna, Angelina et Georges, avoua Daphnée en riant. L'omniprésence des Serpentards est parfois un peu pesante avec ces trois-là et Blaise...

– Tu peux tout de même reconnaître que je n'ai pas hésité à faire d'une Serdaigle la marraine de ma fille, grommela Draco.

Daphnée lui adressa un sourire compatissant, fière malgré tout de ses petites taquineries à l'amour-propre de son mari.

– Le choixpeau choisira la maison qu'il estimera être la meilleure pour toi, reprit Harry à l'attention de Minerva. Mais cela ne signifie pas grand-chose en soi. Il voulait bien me mettre à Serpentard, moi ! Et chacun de vous trois aurait pu être assigné à une autre maison !

Il croisa une fraction de seconde le regard brillant de Lucius qui semblait pétiller de malice en lui demandant :

– Et dans quelle autre maison auriez-vous vu chacun d'entre nous, je vous prie ?

– Je ne suis pas sûr que vous souhaitiez vraiment l'entendre !

– Au contraire ! Ce serait on ne peut plus instructif sur ce que vous pensez de nous...

Sournoisement, le piège s'était refermé et il n'y avait plus d'issue possible. En bien ou en mal, il ne lui restait plus qu'à passer aux aveux, sous le regard attentif des trois hommes et de Daphnée.

– Pour l'esprit brillant qui se sent vaguement supérieur aux autres, je vous aurais bien vu à Serdaigle, fit-il à Lucius en grimaçant par avance à sa réaction.

– J'imagine que c'est la moins pire des possibilités qui me sont offertes, répondit celui-ci en riant. Je retiens le côté brillant et je revendique le côté supérieur !

– Pourquoi ça ne m'étonne pas ? ricana Severus.

Ragaillardi par la réponse de Lucius, Harry se tourna vers Draco qui fronçait déjà les sourcils.

– Toi, je te verrais bien à Poufsouffle, avança-t-il, en s'empressant d'ajouter sous le regard courroucé de son ami : Tu as beau t'en défendre, tu as toujours eu une grande sensibilité... Tu as toujours accordé beaucoup d'importance aux sentiments des uns et des autres, au ressenti. Tu as une vraie noblesse de cœur et tu es compatissant et généreux... et vulnérable.

Aucun doute sur le fait que Harry n'avait jamais vu Draco rougir autant, et même Daphnée avait étonnamment pris quelques couleurs devant le portrait plein d'humanité qu'il brossait de son mari.

– Eh bien, mon fils ?! se moqua gentiment Lucius. Un côté Poufsouffle inavoué ?

Draco bredouilla quelques paroles inintelligibles, plus troublé et ému qu'il ne voudrait jamais l'avouer, surtout devant son propre père !

Pour couper court à la gêne de son fils, Lucius tourna son regard malin vers Severus, qui s'était légèrement écarté de Harry et le regardait à présent avec méfiance.

– Eh bien ? insista le maître de maison avec un sourire ironique.

– Quant à vous..., hésita Harry. Je ne suis pas sûr de vouloir...

– Vouloir quoi ? fit Lucius d'une voix mielleuse tandis que Severus se rembrunissait. Auriez-vous des pensées inavouables ?

Avec un plaisir non dissimulé, Lucius le poussait dans ses retranchements, mais dans quel but ? Il lui en coûtait de révéler ce qu'il pensait de Severus, il lui en coûtait même de seulement se l'avouer... mais devant eux ? Devant lui ? Et son regard sombre qui respirait la circonspection et la méfiance, si loin de la complicité lubrique qu'ils avaient partagée quelques heures auparavant, si loin des mots d'attachement que Severus avait laissé échapper malgré lui. « Tu hantes mes pensées tout autant que Lucius »...

C'était presque violent, cette exigence de parole devant témoins. Pourquoi Lucius l'obligeait-il ainsi à révéler ses sentiments ? Quel dessein poursuivait-il dont il ne comprenait pas les motivations ? Voulait-il le lier par la parole ? Voulait-il se rassurer, ou bien rassurer Severus qui n'avait pas eu de réponse à son « aveu » ?

.

Harry regarda son amant droit dans les yeux, si sombres, si chauds et profonds, parfois si froids et si durs, mais dans lesquels il aimait tellement se perdre...

– Quant à vous, vous êtes d'un courage qui aurait fait honneur à la maison Gryffondor. Vous pouvez tergiverser, fuir de bien des manières, cacher votre jeu, mais au bout du compte, vous irez affronter votre devoir sans faillir. Vous avez tenu tête à Voldemort, vous l'avez trahi et trompé, malgré les menaces et les Doloris, vous avez œuvré dans une ombre difficile. Comme Neville, on vous pense lâche, fuyant, effacé mais au moment où il le faut, vous êtes toujours là, prêt à vous battre.

Harry n'était pas sans se souvenir d'une précédente altercation entre Severus et lui, lors du duel qui avait vu la blessure de Lucius, où le mot « traître » lui avait échappé sans mesurer les conséquences de ses paroles. Il se souvenait de la fureur de Severus, et surtout de la façon dont il avait réagi : vexé, blessé, humilié par cette infamie qui le poursuivait comme un déshonneur. Et il entendait bien réparer cela aujourd'hui.

– La trahison, ricana Severus, pâle et contracté. Toute l'histoire de ma vie. Vous devriez craindre que je ne vous trahisse à nouveau !

Aucun des autres n'avait bougé ou réagi, ils restaient silencieux, attentifs aux paroles dites, avec le vague sentiment d'être spectateurs d'un événement privé.

Et plongé dans le regard de Severus, Harry se sentait seul au monde avec son amant, isolés dans une bulle de réalité qui n'appartenait qu'à eux. Il percevait sa douleur ancienne, ce sentiment de n'avoir été qu'un pion dont personne n'avait jamais su où balançait vraiment son cœur et ses convictions, un espion aux allégeances incertaines, un ancien Mangemort qui inspirait toujours la défiance.

– Au contraire, Severus. Vous avez bien des défauts, vous êtes colérique, impétueux, parfois difficile à comprendre... mais j'ai une confiance absolue en vous. Je mettrai ma vie entre vos mains sans hésiter.

Severus était blême. Tendu comme un arc prêt à rompre.

– Je doute que vous ayez jamais besoin de cela, bougonna-t-il.

.

La tension et le silence autour de la table étaient presque effrayants. Même Iris et Minerva se taisaient et s'étaient physiquement éloignées devant le sérieux et les enjeux latents qu'elles percevaient dans la discussion des adultes. Assises un peu plus loin, elles jouaient avec une série de cailloux et de fleurs qu'elles transformaient à l'aide la magie.

Lucius était sans aucun doute le plus ébranlé de tous, après Severus. Bouleversé mais conservant un sourire délicat. Il avait eu ce qu'il voulait après tout, il n'avait pas à se plaindre ! Harry ricana d'un air moqueur à cette idée, revenant malgré lui à l'origine de leur conversation.

– Quoi qu'il en soit, ironisa-t-il, je pense que Minerva vous surprendra tous, et je ne suis, moi, pas persuadé qu'elle aille à Serpentard !

oooooo

Les filles avaient insisté pour dîner dehors, comme la veille, à la lueur des lumignons et de quelques bougies enchantées qui flottaient dans les airs, la température maintenue douce autour d'eux par le jeu de la magie.

Les elfes avaient mis les petits plats dans les grands et les avaient abreuvés de plats fins et délicats et de vins somptueux qui leur avaient peu à peu tourné la tête. Cela faisait un moment que Harry n'avait pas cuisiné, et cela lui manquait. Tout comme les potions d'ailleurs. Il avait tant d'idées à tenter et à travailler... seul manquait le temps de tout faire.

Le temps d'étudier les runes, de dévorer la bibliothèque, de nager dans la piscine, de travailler, d'aimer Severus, de les aimer tous et de profiter d'eux, le temps d'aller voir ses amis, Luna, Matt et Neville, le temps de s'occuper de l'héritage maudit, de voler à nouveau sur un balai, de parler avec Draco, d'entraîner sa magie, de retourner dans sa forêt, d'aimer Severus encore et encore, de converser avec Lucius comme lui seul savait le faire, d'aller faire un tour à Londres dans le monde moldu, et sur le Chemin de Traverse, et à Pré-au-Lard, et chez lui, se baigner dans un cénote, regarder le soleil se lever sur la mer, prendre un bain de chaleur et d'humidité comme au Sarawak, regarder tous les films de ses hôtes, écouter Lucius jouer du piano, profiter de la présence des filles, aimer Severus, encore, le taquiner et le faire sourire, et pourquoi pas l'émouvoir, prendre une bonne cuite avec Matt, retourner à Goddric's Hollow, au Terrier, reprendre une cuite pour oublier tout ça et se consoler dans les bras de Severus, retourner soigner des malades et se sentir utile, aller voir un match de quidditch, s'extasier, faire un duel avec Severus, rire à gorge déployée et l'aimer toujours.

Merlin qu'il était bien, là, entouré d'eux tous ! Presque comme dans une famille. Sous le regard amusé de Lucius qui, au gré des allées et venues et des mouvements de chacun autour de la table, lui avait glissé à mi-voix : « Joli discours tout à l'heure ! À choisir, moi je vous aurais bien vu à Poufsouffle... Plein de sentiments, d'émotion et de loyauté ». Sous le regard droit et fier de Draco qui reconsidérait d'un œil neuf les trois hommes autour de la table. Sous le regard troublé de Severus qui réfrénait son envie de le prendre dans ses bras et de l'embrasser, tout en jetant des regards concupiscents à son compagnon. Sous le regard moqueur de Mayahuel qui s'était isolée un peu plus loin avec Daphnée, sans pour autant le quitter des yeux.

Harry était si bien qu'il avait relâché une partie de sa magie, libérant des volutes émeraudes qui scintillaient vaguement dans la pénombre ambiante, les baignant tous de douceur et de tendresse comme un cocon de soie qui enflait peu à peu. Les arabesques changeantes de sa magie ressemblaient aux enluminures dont il avait parsemé le Manoir, des spirales de fumée d'un vert lumineux qui dansaient dans l'air sombre de la nuit, s'étalant sur la table, sous la table, tout autour d'eux, jusqu'à ce qu'on en voit les reflets dessiner des arcs-de-cercle sur la façade de la maison et la surface de la piscine.

La magie n'était pas tumultueuse ce soir, sa puissance n'était pas dangereuse, ni menaçante. Elle était simplement pleine d'un sentiment d'amour et de plénitude que Harry n'avait que rarement connu, fidèle au bien-être qu'il ressentait, quelque chose d'intangible et pourtant renversant qu'il aurait pu appeler du bonheur.

Maya ricanait dans son coin tandis que Draco, Lucius et Severus le regardait avec un étonnement grandissant, et lorsqu'il ferma les yeux et qu'il lâcha prise, Harry se sentit peut-être pour la première fois en accord complet avec sa magie. Il la maîtrisait dans son entièreté, et sans contrainte, sans effort, sans lutter. Il était simplement à l'unisson avec elle, en harmonie.

.

ooOOoo

.

Quand il se réveilla, la nuit était fraîche et le ciel sombre piqueté d'étoiles, comme une myriade de diamants qui scintillaient dans l'obscurité. Les formes imprécises des arbres, au loin, des massifs et des fontaines se devinaient à peine; seule la surface mouvante de la piscine à côté de lui formait un miroir qui reflétait la lueur des astres.

Il n'avait pas froid, grâce à la magie, mais au cours de la nuit, à un moment quelconque, il avait sans doute transformé sa chemise en un drap fin qui le recouvrait entièrement, pour le simple plaisir de se blottir dedans, à défaut des bras de Severus.

Quand tout le monde était parti se coucher, la veille au soir, Harry avait insisté pour rester sur la terrasse encore un moment, le temps de boire son champurrado, de profiter du silence et du calme des jardins dans la nuit, de l'air pur, de la quiétude des ombres...

La biche et son faon apparurent peu après son réveil, croquant avec ravissement les bourgeons tendres des arbustes. Leur apparition inattendue était aussi magique que la première fois qu'il les avait vus avec Severus, depuis la rotonde, deux présences gracieuses et délicates dans l'obscurité, presque un songe qui aurait pris vie sous ses yeux charmés. D'un geste de la main, il recréa le patronus de son père, et l'envoya doucement s'approcher des animaux. D'abord impressionnées et méfiantes, les deux créatures finirent par se laisser amadouer et jouer avec bonheur et insouciance, gambadant et sautant allègrement par-dessus les buissons qui délimitaient les parterres de Lucius.

.

Il aurait pu reconnaître entre mille la personne qui descendait lentement les escaliers de la terrasse, au simple bruit de ses pas. Pieds nus, à peine vêtu de son kimono de soie noire, Severus s'approcha du transat où il était allongé. Forme sombre parmi les ombres, seules sa peau blanche et la lueur de son regard le distinguait de l'obscurité.

– J'ai vu ton patronus. Je me suis douté que tu étais réveillé et quelque part par là...

Il se pencha pour embrasser Harry sur la tempe, non sans lui arracher un long frisson, et s'assit sur un fauteuil qu'il tira à côté de lui.

Ses lèvres étaient fraîches, sa peau presque hérissée et ses cheveux encore humides. Il sortait sans aucun doute de la piscine où il avait dû faire ses kilomètres habituels de nage avant d'apercevoir le cerf argenté dans les jardins.

– Ne me dis pas que tu as dormi ici ?! s'étonna-t-il enfin devant sa position alanguie et le drap qui le recouvrait.

– Je ne dis rien, sourit Harry.

– Mais tu as dû mourir de froid ! Mais quelle idée stupide t'es passée par la tête ?!

– Bonjour également, Severus, fit-il doucement. Mais, s'il-te-plaît, ne joue pas les mères poule avec moi... J'ai dormi à la belle étoile bien plus souvent que cela n'a dû t'arriver, et j'aime ça. J'aime sentir la nature et la vie autour de moi, et j'en ai besoin... Je n'aime pas les murs, les cloisons et les parois qui enferment.

Son amant garda le silence, étonné et circonspect.

– La forêt me manque, avoua Harry si bas qu'il ne savait si Severus l'avait entendu.

La pleine possession de sa magie la veille au soir n'avait fait que rendre ce constat plus cruel encore. La forêt lui manquait et il en avait besoin pour pouvoir se ressourcer et parvenir à un équilibre.

Pour chasser ses pensées tristes, il s'étira comme un chat, étendant ses membres de toute leur longueur pour réveiller ses muscles et ses nerfs encore endormis. Contrairement à ce que pensait Severus, il avait bien dormi; peu, mais bien mieux que depuis longtemps, détendu et rasséréné.

Le frisson qui parcourut son amant le ramena à la réalité. À peine sorti de la piscine et dans la fraîcheur de la nuit, Severus avait froid. Harry tendit le bras pour attraper sa main et l'attirer vers lui, soulevant le drap pour lui faire une place. Severus s'allongea entre ses jambes, à demi sur lui, et Harry rabattit le drap sur eux, les enveloppant et croisant ses bras sur le torse de Severus. C'était la première fois qu'il tenait ainsi son amant contre lui, dans ses bras, aussi vulnérable qu'il se sentait fort et entier.

Il ferma les yeux et soupira de contentement, enivré par l'odeur de Severus et son contact, son corps vivant contre le sien, ses cheveux mouillés qui le chatouillaient et la fraîcheur de sa peau. Harry fit jouer sa magie pour le réchauffer et sécher ses cheveux comme il le faisait pour lui, et ce fut Severus qui soupira à son tour de bien-être.

– Pourquoi fait-il toujours si chaud auprès de toi ? murmura-t-il.

– Je vis depuis longtemps dans des endroits chauds, comme tu as pu en faire l'expérience, fit Harry, souriant en repensant à leur excursion au Sarawak. J'aime la chaleur et je ne supporte plus d'être engoncé dans des vêtements, d'accumuler les épaisseurs de tissu ou de porter des chaussures pour supporter le froid d'ici. La magie me permet de garder en permanence une certaine chaleur autour de moi. Je vis sous des tropiques miniatures !

– C'est agréable, dit Severus en se lovant contre lui. Mais ça doit te coûter une énergie magique folle !

Harry haussa les épaules. La quantité de magie dépensée était le cadet de ses soucis, ce n'était pas comme s'il en manquait.

– Je préfère ça qu'être trop habillé. Porter le costume que Lucius m'a fait faire pour aller à Paris tenait plus de la torture qu'autre chose, fit-il avec un petit rire.

– Tu étais pourtant ravissant... Et très sexy !

– Sexy ?! s'offusqua-t-il en riant.

– À croquer ! ronronna Severus.

.

– C'était quoi cette débauche de magie hier soir ? osa Severus au bout d'un long moment.

Sa voix contenait plus de curiosité que de jugement et il pencha légèrement la tête de côté pour essayer de capter son regard.

– Une débauche, comme tu dis si bien, fit Harry pensif. Cette magie est trop grande pour moi. Parfois... j'ai l'impression d'être dans un costume taillé trop serré, elle cherche en permanence à déborder et je dois sans cesse faire l'effort de la maîtriser, de garder le contrôle. Sauf si je parviens à m'accorder avec elle et que je peux la libérer sans danger... En réalité, hier soir, c'était la première fois que je lui laissais vraiment libre cours. C'était étrange de pouvoir presque... lui faire confiance.

Il avait parlé pour lui seul, comme si Severus n'était pas là, buvant ses paroles avec attention et toujours plus intrigué, malgré son silence. Il ne faisait qu'exprimer ses pensées à voix haute, comme il le faisait parfois avec Mayahuel, songeant à nouveau au sentiment particulier qu'il avait éprouvé lorsqu'il s'était senti en accord avec sa magie, une sensation d'apaisement, de plénitude et en même temps cette force incommensurable qui l'avait traversé.

Parvenir enfin à maîtriser sa magie lui rendrait une certaine liberté, celle de relâcher la pression permanente qu'il se mettait, l'attention infinie que lui coûtait le contrôle, celle de pouvoir être enfin insouciant et serein... Comme en cet instant où Severus se taisait malgré les questions qui devaient assaillir son esprit, le mettant davantage à l'épreuve du temps qu'à celle des explications.

– Et comme ça, tu mettrais ta vie entre mes mains ?

Un large sourire naquit sur son visage, que Severus ne voyait certainement pas dans la pénombre, et c'était aussi bien. Les mots avaient été spontanés, malgré la présence de Lucius et de Draco, mais ils reflétaient entièrement ses sentiments. Et la gêne de Severus, lorsqu'il les avait prononcés, avait empêché toute réaction immédiate, mais Harry percevait encore le trouble et la surprise dans la voix de son amant.

– C'est vrai, affirma-t-il tranquillement. Et sans aucune hésitation. Je te l'ai dit hier soir : tu es difficile à comprendre, susceptible, colérique, parfois même cruel... Mais tu es droit; tu n'as jamais dévié. Tu feras toujours ce qui est juste, même si ça te coûte, et Merlin sait que ça t'a souvent coûté ! Lucius est plus retors, plus manipulateur. On ne sait jamais quelles sont ses intentions cachées...

– Je suis... peiné que tu penses ça de Lucius, fit Severus d'une voix où perçait un sourire, même si c'est en partie vrai.

– Chez Lucius, ce sont presque des qualités, répliqua Harry en riant. Et je pense qu'il serait assez fier qu'on pense ça de lui !

– Sans doute...

– Et quoi qu'il en soit, ne doute jamais de ma confiance en toi.

L'émotion de Severus était palpable, bien qu'il n'en laisse rien paraître, et l'aveu de cette confiance absolue le bouleversait au-delà des mots. Un léger frémissement le reprit, qui n'était pas dû au froid, et il ferma les yeux.

.

Sous ses bras croisés, le torse de Severus se soulevait avec régularité, et Harry pouvait presque sentir son cœur battre au travers de sa peau. Il glissa ses lèvres sur ce qu'il pouvait atteindre du visage de son amant, les yeux clos, tout entier concentré sur la sensation de cet homme dans ses bras.

Il sentit Severus se relâcher également, s'abandonner contre lui.

Ils regardèrent ensemble le soleil se lever, lentement, éperdus dans la lumière naissante, quand l'aube n'est encore que la promesse d'un jour nouveau, une sphère rougeoyante qui émerge du brouillard, colorant d'ocre et d'orangé un ciel incrédule.

.

Et puis, de cette odeur épicée et entêtante dans laquelle il baignait, du contact de ce corps si pesant, si imposant sur le sien, de cette chaleur contre lui, de cette idée folle enfin réalisée de cet homme dans ses bras... naquit peu à peu le désir. Entre ses jambes, enflant démesurément contre les reins de Severus qui ne pût empêcher un rire léger lorsqu'il perçut son érection grandissante.

– Ma chambre, murmura Severus en renversant son visage en arrière pour embrasser ses lèvres.

Harry les fit transplaner, rapidement, abandonnant là vêtements superflus et drap de coton.

Severus était presque en position pour l'amour, à portée de son sexe et de ses désirs, mais Harry n'avait pas envie de ça. Entre deux baisers et deux mains empressées, il s'allongea sur le ventre, offert. Il voulait s'abandonner à Severus, il voulait lui appartenir, il le voulait en lui, sur lui, pour lui.

Ce matin-là, il jouit d'une manière assez extraordinaire sous les coups de reins de son amant. Sans pudeur, sans retenue, totalement libéré. La tête rejetée en arrière. La main de Severus sur sa gorge. Ses lèvres sur son cou. Son souffle rauque à son oreille.

.

.

La porte de la chambre s'ouvrit en même temps que celle de la salle de bains, l'une sur Lucius qui entrait depuis le couloir, l'autre sur Severus qui sortait de sa douche, une serviette nouée autour des reins, une autre à la main avec laquelle il frottait ses cheveux ruisselants d'eau sur sa peau pâle.

– Ah, tu es là ! Je te cherchais partout, fit Lucius avec un grand sourire.

– Qu'est-ce qu'il y a de si urgent ? murmura Severus en désignant le lit d'un signe de tête.

Le bruit des voix tira lentement Harry du demi-sommeil dans lequel il était retombé, et à peine entrouvert un œil, il enfouit sa tête sous un oreiller.

Car il était là, dans le lit de Severus, toujours allongé sur le ventre, les fesses à l'air, les jambes encore écartées, nu, le drap de satin lui couvrant à peine les chevilles, la peau sans doute rougie des lèvres et des dents de Severus et de leurs ébats. Pas même nettoyé. Se pouvait-il que Lucius le voie ainsi, juste après le sexe, avec sans doute des traces de sperme séché sur les fesses et entre les cuisses ?

– Jolie vue sur le Mont Olympe, apprécia Lucius ironique, tandis que Harry grognait de dépit et de mécontentement.

Il ne songea même pas à se couvrir ou à disparaître; le mal était déjà fait. En revanche, une chaleur certaine lui montait aux joues et il devait arborer un joli teint écrevisse, sous le ricanement moqueur de Severus.

– Il y a d'autres endroits de votre corps qu'il me plairait de faire rougir, monsieur Potter, fit Lucius d'une vois suave et traînante. Vous mériteriez une bonne fessée pour votre folle indécence...

Les paroles de Lucius eurent l'effet d'une décharge électrique sur son corps, piquante, provocante et il dût se maîtriser pour retenir un gémissement d'excitation et chasser la déferlante de souvenirs érotiques qu'il avait aperçus à Sainte-Mangouste dans l'esprit de son hôte.

Le silence soudain le surprit et Harry finit par sortir la tête de sous son oreiller et la tourner vers les deux hommes qui conversaient dans une bulle de silence, sans plus se soucier de lui. Severus riait à gorge déployée sous l'air satisfait et sensuel de Lucius.

La scène était étrange, presque surréelle. Il était si rare de voir rire Severus... Harry regrettait le sortilège qui l'empêchait d'entendre ainsi la légèreté joyeuse de son amant et se demandait ce que Lucius avait bien pu dire pour provoquer ce rire spontané qui rendait Severus si beau. Car il était beau ainsi, si libre et si détendu, ses lèvres douces étirées sur sa bouche largement ouverte qui illuminait son visage d'une oreille à l'autre, ses yeux noirs si sombres, si chauds, plissés de toutes les petites ridules créées par le rire. Il semblait si jeune... et heureux.

Et brusquement, Severus posa sa main sur la nuque de Lucius pour l'attirer à lui et l'embrasser à pleine bouche. Un baiser ardent. Intense. Provocateur. Car loin de fermer les yeux pour se perdre dans son baiser, Severus regardait Harry de manière indécente, plein de volupté et de luxure.

C'en était trop pour lui. Le spectacle des deux hommes en train de s'embrasser et dont les mains commençaient à s'aventurer sur le corps de l'autre était plus qu'il n'en pouvait supporter. Étouffant un gémissement et détournant le regard, Harry transplana dans sa chambre et s'effondra sur son lit, le souffle court et pris de tremblements irrépressibles.

Il lui fallut un long moment pour calmer les sentiments tumultueux qui s'agitaient dans son esprit et dans son ventre, ainsi qu'une bonne douche bien fraîche. L'apparition inopinée de Lucius, ses paroles excitantes, et pour finir, ce baiser dont il avait été un spectateur fasciné... tout cela l'avait mis dans un état de désir plus que palpable. Loin d'éprouver de la jalousie, il avait au contraire ressenti une excitation intense, envoûté par ce qu'il voyait, par ce qui s'offrait à ses yeux, si tentateur, si obscène, si érotique... si exaltant.

.

ooOOoo

.

Draco et Daphnée étaient déjà au petit-déjeuner avec les filles lorsqu'il descendit enfin. Lucius et Severus n'avaient, en revanche, pas encore fait leur apparition.

Harry se contenta de picorer un toast et une tasse de thé. Il n'avait pas très faim malgré ses ébats avec Severus. Il mangeait moins en ce moment, il allait devoir se surveiller pour ne pas puiser trop dans sa magie...

Au bout d'un moment, Minerva s'approcha de lui, pleine de questions et d'incertitudes. Bien qu'il l'en ait averti la veille, sa magie avait beaucoup baissé dans la nuit, et la fillette ne pouvait s'empêcher d'être inquiète. Ils s'installèrent tous les deux dans les fauteuils devant l'âtre de la cheminée, dans le dos du maître de maison qui venait de descendre avec son compagnon, et il s'employa à répondre à ses doutes et à lui expliquer comment maîtriser sa propre magie, maintenant que la sienne avait quasiment disparu. Mais les explications restaient vagues s'il ne pouvait lui faire ressentir les choses...

.

– Draco, fit-il en se penchant sur son épaule. Est-ce que tu permets que j'aille montrer à Minerva comment fonctionne sa magie ? Elle est un peu déroutée ce matin...

– Bien sûr !

– Il me faudrait emprunter une baguette, ajouta-t-il, contrit.

– Mais. Tu n'as... ?

Harry secoua la tête devant l'air surpris de Draco, qui sortit rapidement sa baguette de son étui et la lui tendit.

– Non, plus depuis longtemps...

– Allez donc dans la salle d'entraînement, suggéra Severus d'un ton doucereux. Je vous y rejoindrai tout à l'heure... Il me semble que vous me deviez un duel !

.

Harry descendit avec sa tasse de champurrado habituelle et il s'installa dos contre un mur de la salle de duel, Minerva assise entre ses jambes.

– Je vais le faire avec toi, pour que tu puisses ressentir comment faire les choses. À la fois le mouvement de baguette, la formule et l'intonation... Ensuite, tu essaieras seule.

Dans sa main, la main de la fillette tenait la baguette de Draco, légèrement crispée d'appréhension et de désir de trop bien faire.

– Sois plus souple. Ton geste doit être fin et élégant.

À la troisième tentative, son poignet était suffisamment détendu pour que le sortilège allume une lumière vive au bout de la baguette.

– J'ai senti ! s'écria Minerva. J'ai senti comment la magie est passée vers la baguette !

– C'est très bien. C'est cela que tu dois ressentir à chaque fois que tu veux utiliser la magie...

Après Lumos, ils essayèrent Nox, l'un après l'autre jusqu'à ce que Minerva soit capable d'y parvenir presque à chaque fois sans son aide.

Puis Harry se leva et alla déposer sa tasse vide à quelques pas avant de revenir s'asseoir derrière elle. Elle eut davantage de mal sur le sortilège de lévitation, et il lui fallut lancer un Reparo un certain nombre de fois avant que la tasse ne finisse par se soulever et se reposer sans dommages. Étonnamment, elle réussit à maîtriser le sort de réparation avant celui de lévitation.

Sa main toujours autour de celle de la fillette, il fit venir la tasse d'un Accio avant de la renvoyer d'où elle venait, puis laissa Minerva s'entraîner.

La tasse se souleva, chuta, fut réparée, vint jusqu'à eux, se brisa encore, il la fit repartir au milieu de la pièce, et Minerva reprit la main, inlassablement, concentrée à l'extrême, les sourcils froncés, comme si sa vie en dépendait.

.

Sa magie avait complètement disparu de la fillette, Harry en avait réabsorbé les dernières étincelles, mais le niveau de magie qui restait en elle dépassait ce qu'il aurait pu penser normal pour son âge. À vrai dire, il n'avait que peu de références. Lui n'avait connu l'existence de la magie que tardivement, lorsqu'il avait reçu sa lettre pour Poudlard à son onzième anniversaire. Il n'avait jamais, dans son enfance, su qu'elle existait, et encore moins cherché à la ressentir ou à tâtonner sur ses premiers sorts. Et en arrivant à l'école de sorcellerie, il avait dû tout apprendre et tout découvrir.

Les enfants de sorciers lui avaient toujours paru plus avantagés... Ils avaient déjà eu souvent l'occasion de tenir une baguette, d'entendre des sortilèges, de voir les gestes qui leur étaient associés, parfois d'en lancer eux-mêmes, accidentellement ou non. La magie leur était familière, comme une langue maternelle qui les imprégnait depuis la naissance, et ils avaient toujours été plus rapides pour maîtriser les sortilèges.

Minerva ne faisait pas exception. Sans son aide, elle maîtrisait déjà quatre ou cinq sorts de base presque à chaque coup, là où, dans son souvenir, il lui avait fallu des semaines d'entraînement. Et surtout, il lui semblait qu'elle avait parfaitement compris la façon de ressentir la magie en elle, de la concentrer, de la canaliser pour la diriger vers l'objet de son enchantement.

Peut-être était-ce normal dans les familles sorcières, cette spontanéité à la magie, comme une prédisposition à ce que les choses soient faciles et simples... il n'en savait rien. Et il ne voulait pas pousser trop loin Minerva. Il lui faudrait en parler, pas à Draco pour ne pas l'inquiéter, mais Luna avait grandi elle aussi dans la magie et elle serait sans doute bonne conseillère, d'autant qu'elle connaissait bien le niveau de magie habituel des premières années depuis qu'elle était professeur...

Harry allait mettre fin à la séance lorsque tout doute lui fut brusquement ôté. Minerva s'amusait encore à promener la tasse en la faisant léviter d'un endroit à un autre, usant de temps à autre d'un sortilège d'attraction, lorsque la tasse lui échappa et se brisa à nouveau, avant de se reconstituer et de repartir un peu plus loin. Sauf que cette fois-ci, il était certain qu'elle n'avait pas prononcé le Reparo...

Troublé, il raccompagna Minerva vers le Petit Salon, pour être sûr de rendre à Draco une baguette intacte et qu'elle ne s'en serve pas entre temps.

– Surtout, interdiction de se servir de la magie hors de la présence d'un adulte avec toi, Minerva, rabâcha-t-il à la fillette. Et un adulte sorcier. Ta mère ne peut pas surveiller ce genre de choses. C'est vraiment important, Minerva. Un Lumos mal maîtrisé et tu déclenches un incendie...

.

oooooo

.

Si Harry avait espéré échapper au duel avec Severus, il en fut pour ses frais. Son amant tenait à sa confrontation. Par provocation, jeu, curiosité ou toute autre raison qu'il ne comprenait pas, il semblait vouloir le tester et ne lui laissa aucune issue pour refuser. Peu importe, le combat ne lui faisait pas peur; en revanche, Harry avait bien l'intention de se venger de l'attitude impudique et provocante de Severus lorsqu'il avait embrassé Lucius devant lui. Il ne serait pas le seul à repartir frustré.

– Pas d'impardonnable, fit Severus. Tout le reste est permis, y compris la magie noire.

– Pas même un léger Doloris ? ricana Harry en se remémorant les tendances masochistes de son amant.

Au vu du regard noir qu'il lui lança, aucun impardonnable.

– Le prix du vainqueur ? demanda-t-il avec un sourire malin.

Il fallait bien un peu d'enjeu pour pimenter cette confrontation. Severus haussa les épaules.

– Un souhait. Quel qu'il soit...

– Ma condition, à présent, avança Harry. Je suis vainqueur si je réussis à m'approcher suffisamment de toi pour un baiser. Trois fois. Tu es vainqueur dans tous les autres cas. Une heure maximum.

Peut-être était-il un peu présomptueux. Trois fois et une limite de temps, ça faisait beaucoup de conditions. Il n'avait pas combattu de cette façon depuis longtemps, alors que Severus était largement entraîné depuis des années. Le regard surpris de son amant le fit douter un instant, mais il était trop tard. Ce qui était dit, était dit.

– Ton mot de sécurité ? demanda Severus.

Ce fut à son tour d'être surpris. Il n'avait jamais eu l'habitude de ce genre de règles et sortit la première chose qui lui passa par la tête :

– Maya...

La spontanéité et sa réponse-même le firent sourire : le premier mot qu'il associait à la sécurité était le nom de Mayahuel... Quel aveu de faiblesse, vraiment !

– Le mien est Albus. Trois étoiles rouges en cas d'incapacité de parler...

Harry n'eut pas le temps de s'appesantir sur la nature du mot de sécurité de Severus qu'il comprit en revanche la raison de la deuxième partie de sa phrase. Un sortilège de mutisme l'avait frappé à son insu et avant même qu'il n'ait levé une quelconque défense.

– Autre chose à ajouter ? ricana Severus.

Harry secoua la tête en souriant et se recula de quelques pas tandis que son adversaire faisait apparaître une horloge lumineuse au-dessus de la porte qui commença à égrener son lent décompte.

.

Severus prit le temps de l'observer un instant, derrière le léger miroitement qui témoignait du bouclier qu'il venait de créer, puis les premiers sorts fusèrent.

Longtemps, Harry se contenta d'éviter, d'esquiver, de contrer les maléfices divers et variés qui pleuvaient vers lui. Il se faisait l'effet d'un écarteur qui jouait au chat et à la souris avec un taureau de plus en plus hargneux. Puis il lança un premier sort, contré par le bouclier de Severus, un deuxième, qui fut détourné facilement par un contre-sort. Il n'avait plus l'habitude de se battre ainsi, ne se souvenait même plus de la moitié des sortilèges qu'il connaissait à la fin de la guerre. Tenir son challenge allait être ardu, surtout s'il passait tout le combat muet comme une carpe. Il avait bien compté taquiner un peu Severus pour lui faire perdre ses moyens, et il lui fallait faire une croix là-dessus.

.

La baguette de Severus s'agitait inlassablement, et ses marmonnements l'accompagnaient de la même manière, quoiqu'un sortilège sur deux au moins devait être informulé, au vu de ce qui déferlait sur lui. Harry en eut bientôt assez de courir, même si ses réflexes et son instinct faisaient la majeure partie du travail d'esquive sans qu'il n'ait besoin de se servir de la magie. Il devait attaquer un peu s'il voulait finir vainqueur.

Simple et fort. Par surprise. Cinq ou six sortilèges conjugués, dont deux parvinrent à contourner le bouclier de Severus qui s'effondra au sol, les jambes en coton et totalement pétrifié, tandis que son sortilège de mutisme s'annulait. Harry s'approcha et se pencha sur le visage furieux de son amant pour poser ses lèvres sur les siennes.

– Un, murmura-t-il.

Il s'éloigna rapidement tandis que son amant se relevait, passablement énervé. Un vague sentiment de honte le tenaillait à l'idée d'avoir utilisé des sortilèges aussi simples, mais la fin justifiait les moyens, n'est-ce pas ?

.

Le combat s'intensifia et il n'était plus question de jouer à esquiver quoi que ce soit. Il lui fallait se défendre sérieusement. Severus montait lentement en puissance, usant de magie blanche, tout autant que de magie noire, et d'incantations qu'il ne connaissait même pas. À chaque fois qu'il lançait un sort, deux autres informulés apparaissaient subrepticement, et le bouclier de Harry était mis à rude épreuve.

Il fut touché sans même l'avoir vu venir. Une série de dagues lancées dans son dos avaient traversé son sortilège de protection qu'il tenait plus puissant devant lui que derrière. Trois lames mordirent la chair, l'une plus profondément que les autres.

– Je n'avais pas assez de cicatrices que tu veuilles en rajouter ? ironisa-t-il.

Severus avait vaguement pâli en voyant le sang rougir sa chemise et son regard guettait la formulation du mot de sécurité. Mais Harry n'allait pas céder ainsi, à la première goutte de sang ou à la première douleur.

Il se contenta de défendre mollement le temps de cicatriser ses plaies; la blessure au rein lui prit un peu plus de temps. Certes, il en avait deux, mais il n'allait pas en perdre un aussi bêtement... Il prit également le temps de réfléchir. Il avait immobilisé Severus une fois, mais ne l'avait jamais touché par un sortilège d'attaque. Il n'en avait même pas vraiment lancé. Sa magie se contentait de défendre, de parer, de bloquer, mais elle n'était pas faite pour blesser. Le pouvait-il seulement ?

Harry lança un sortilège de Découpe, assorti d'un maléfice cuisant, suffisamment forts pour traverser le bouclier de Severus et l'atteindre au bras, avant de comprendre pourquoi il ne l'avait pas fait auparavant. Sa magie n'était pas faite pour blesser et elle le lui rappelait. Une longue entaille et une violente douleur apparurent sur son bras, en même temps que sur celui de Severus, qui ne s'en préoccupa guère.

En revanche, le fait de le voir plus vindicatif et parvenir à traverser son bouclier, réveilla quelque peu Severus et ses attaques augmentèrent encore en intensité. Son regard soutenu et calculateur ne le lâchait pas, anticipant les sortilèges suivants avant même que les premiers n'aient atteint leur cible.

Heureusement atténuées par le bouclier, de nouvelles entailles apparurent sur ses jambes et ses bras, profondes et rapidement sanglantes, avant que sa magie ne répare les blessures aussi vite qu'elles étaient apparues. Harry leva un regard étonné vers Severus. Il n'avait pas hésité à lui lancer un Sectumsempra. Et lui s'y prenait diablement mal s'il espérait sortir vainqueur de ce duel.

Il fit disparaître son sortilège de bouclier et se tint sans protection devant Severus qui eut un temps d'arrêt devant son attitude. Puisqu'il ne pouvait attaquer, ni contrer correctement son adversaire, Harry allait user de sa magie autrement.

Malgré sa surprise, Severus finit par lancer un nouveau sortilège qui ne parvint pas à se matérialiser et qui fut absorbé par l'aura émeraude qui apparaissait peu à peu autour de Harry. Ainsi que le suivant, et le suivant encore. Et les autres, tandis que le halo magique enflait démesurément à mesure qu'il était nourri de la magie de Severus.

Harry fit un pas en direction de son amant. Puis un autre. La magie emplissait toute la pièce de circonvolutions brumeuses et l'atmosphère vibrante d'une vague lueur verte paraissait plus épaisse, plus dense, presque difficile à respirer. En avançant encore, il transféra une partie de cette magie vers le cœur du Manoir qui devait recommencer à scintiller comme un palais des glaces.

Chaque maléfice lancé par Severus était neutralisé par son aura, puis avalé, incorporé, ingurgité, il buvait la magie de son amant, il s'en nourrissait. Mais il lui fallait vaincre.

Harry fit encore un pas. La puissance brute de sa magie était bien suffisante pour contrer le sortilège de protection de Severus, le faire voler en éclats, le dissoudre et immobiliser son amant assez longtemps pour s'approcher de lui.

– Deux...

.

Il n'était plus question de sortilèges, de maléfices ou d'incantations quelconques. Ni blanche, ni noire, la magie qui émanait à présent de Severus n'était que puissance à l'état brut. Et Merlin savait qu'il était puissant. Sans doute un des plus puissants sorciers d'Europe, avait dit Lucius un jour. Plus puissant peut-être que ne l'avait été Voldemort. Et un sorcier furieux de se sentir sur le point de perdre.

Furieux, mais aussi curieux, attentif, fasciné. Avait-il jamais poussé si loin sa magie ? Harry lui-même avait-il déjà poussé si loin la sienne ?... Sans doute jamais, sauf dans la folie.

Severus ne retenait plus rien, laissant libre cours à sa puissance que Harry peinait presque à absorber sans se faire déborder. Il devait canaliser cette énergie pure, s'en imprégner, la faire sienne. Reprendre le dessus pour obtenir ce dernier baiser et la récompense du vainqueur. Ignorer la douleur causée par cette déferlante magique et s'approcher encore.

Le sortilège de protection de Severus était à présent presque impénétrable, renforcé lui aussi par la puissance qu'on lui opposait. Alors, il ne serait plus question de faire vite et fort, de s'imposer par le pouvoir, mais de faire lent, progressif, insistant. Harry voulait s'insinuer, s'infiltrer, passer dans les interstices infimes, sournoisement. Jusqu'à traverser ce champ de force, doucement, insidieusement... Jusqu'à effleurer son adversaire et le caresser.

Le premier contact fit frissonner Severus. Et le surprit. Il s'attendait sans doute à voir un sortilège traverser son bouclier, mais pas cette magie rampante, tactile, qui l'enveloppait à présent de manière insistante. Il tenta de se défendre encore mais l'aura de Harry continuait à absorber tous les maléfices qu'il lançait, tandis que sa magie obsédante venait le frôler, l'enlacer, le repousser peu à peu vers le mur.

Severus recula encore d'un pas, bientôt acculé. Harry s'approcha légèrement, tout en restant à une distance raisonnable. Son amant semblait en proie à des tourments délicieux, le regard brillant et le souffle court, et la fréquence de ses sortilèges avait considérablement ralenti, tout concentré qu'il était sur ses sensations.

Harry glissa sa magie vers les endroits sensibles de son corps, le creux de sa gorge, s'immisçant à travers les vêtements, effleurant ses mamelons, la peau tendre de son ventre, pour descendre peu à peu entre les cuisses, vers son entrejambe, entre ses fesses. Severus haletait, se mordant la lèvre pour retenir ses gémissements. Tout en poursuivant sa douce torture, Harry lança un sortilège de Croix de Saint-André, et son amant se retrouva lentement contraint contre le mur, bras et jambes écartés, à la merci de son envie de jouer avec lui.

L'érection de Severus fut immédiate lorsqu'il réalisa sa position, si offerte et abandonnée, tandis que Harry l'enveloppait de sa magie, effleurant, caressant à loisir la peau hérissée, frémissante d'envie. Avec un plaisir non dissimulé, il insinua sa magie en Severus, éveillant le désir et le plaisir en chaque nerf, stimulant chaque muscle, chaque zone plus sensible l'une que l'autre, propageant des ondes délicieuses dans tout son bassin, au-delà et bien plus profondément que simplement en s'occupant de son sexe, jusqu'à ce que Severus ne puisse plus retenir ses gémissements, abandonné à ses sensations, éperdu de volupté et d'impatience douloureuse, agité de soubresauts impudiques et fébriles, submergé des délices de la magie qui jouait dans ses reins, dans son bas-ventre, dans son sexe, avide de soulagement et de répit.

Et lorsque la jouissance le prit, plus puissante et déstabilisante que tout ce qu'il avait déjà connu, il poussa un cri presque douloureux et se répandit dans ses vêtements en longs jets spastiques qui le laissèrent pantelant, seulement maintenu debout par le sortilège d'immobilisation.

La petite mort...

Harry s'approcha enfin de Severus, se pencha sur son visage tourmenté et posa délicatement ses lèvres sur celles de son amant, caressant du bout des doigts sa joue ruisselante de sueur.

– Trois...

Il jeta un œil sur l'horloge au-dessus de la porte et sortit de la salle de duel avec un air satisfait, son attention aussitôt captée par les cris de joie et les rires en provenance de la rotonde, sans se retourner sur Severus qui tomba à genoux lorsque le sort s'annula, tremblant et le souffle erratique.

.

oooooo

.

Dans la piscine s'ébattaient joyeusement Draco, Daphnée et leurs filles, au milieu des projections d'eau, des éclaboussures et des vagues dans la piscine suscitées par les sauts et les plongeons.

– Harry ! s'écria Minerva. Viens avec nous !

– Allez ! fit Draco avec un large sourire. À l'eau !

Les fillettes piaillaient d'impatience dans la piscine, attendant qu'il les rejoigne, essayant déjà de le mouiller du mieux qu'elles pouvaient.

Harry ne se fit pas prier plus longtemps et entreprit de déboutonner ce qu'il restait de sa chemise avant de surprendre le regard figé de Draco sur les taches de sang du tissu.

– Vous n'y avez pas été de main morte ! dit-il un peu pâle. Severus est encore vivant ?

– Il l'était que je l'ai quitté, répondit-il en riant.

– Et qui a remporté le duel ?

– Ton serviteur, fit-il galamment. Mais je croyais que « pas de piscine » le matin ?!

– Elles m'ont eu à l'usure !

Il allait baisser son pantalon lorsqu'il se souvint, vaguement gêné, qu'il ne portait rien dessous et qu'il ne pouvait décemment pas se baigner nu devant les filles de Draco. Il le transformait en boxer de bain lorsqu'il sentit un sort dans son dos caresser sa peau.

– Qu'est-ce que... ? fit-il en se retournant et en apercevant Lucius, la baguette à la main.

L'aristocrate arborait un sourire troublant, presque gourmand.

– Un simple glamour, expliqua-t-il d'une voix suave. Certaines rougeurs ne sont pas bonnes à dévoiler en public...

Harry eut un regard surpris – il avait cicatrisé les blessures que Severus lui avait faites – avant de se souvenir que son amant l'avait marqué le matin même d'une autre manière. Il avait aperçu dans son dos, en prenant sa douche, de nombreuses traces bleutées ou rougeâtres qui témoignaient de l'intensité de leurs ébats, et celles-là n'avaient sans doute pas disparu.

– Pourquoi ai-je le sentiment que vous êtes toujours à moitié nu quand je vous croise dans cette maison, monsieur Potter ? ironisa Lucius.

– Parce que c'est sans doute un peu vrai ? hasarda Harry en riant. Vous n'aviez pas l'air de vous en plaindre ce matin !

Le sourire carnassier de Lucius s'élargit dangereusement et Harry se dit soudain que le provoquer n'était sans doute pas la meilleure idée.

– J'aime regarder les belles choses, monsieur Potter... En particulier les hommes. Mais j'aime aussi en profiter. Il se trouve que je viens de croiser Severus qui est reparti prendre une douche, l'air passablement fatigué, et il se trouve que j'avais quelques projets pour lui et moi, cette après-midi, quand vous serez tous à Poudlard...

– Pour ce genre de choses, Severus est toujours volontaire, il me semble, tenta-t-il, vaguement gêné devant la menace doucereuse perceptible dans la voix de Lucius.

– Un autre genre de projet, monsieur Potter... Du genre où il est question de certaines rougeurs... un peu piquantes. Si Severus est trop fatigué pour aller au terme de ce projet, je pense savoir vers qui me tourner pour passer ma frustration...

Un long frisson parcourut son dos, du creux de ses reins jusqu'à la racine des cheveux, hérissant sa peau sous la morsure des paroles. Lucius était-il bien en train de lui faire comprendre qu'il comptait avoir une séance sado-masochiste avec Severus pendant leur absence ?! Il fallut à Harry une bonne dose de maîtrise et chasser à grand vent de son esprit les images lubriques qui s'y précipitaient pour éviter de se retrouver avec une érection en plein public.

Les yeux gris acier le sondaient sans frémir, sans aucun doute satisfaits de leur effet avant que Lucius ne détourne le regard en s'éloignant.

Dans la piscine, Minerva et Iris ne cessaient de les appeler pour qu'ils les rejoignent mais le bruit de leurs voix n'atteignait pas Harry, trop troublé pour réagir.

Puis il rattrapa rapidement Lucius et hasarda une main sur son bras pour l'arrêter.

– Autre chose, monsieur Potter ? s'amusa-t-il.

Harry hésita, sans comprendre ce qui l'avait pris; l'envie de lui faire ravaler ses paroles provocantes peut-être, mais le moment était de toute évidence mal choisi.

– Allez-y, insista Lucius, redevenu plus sérieux.

– Je... Avec Severus, nous avions mis en jeu un souhait... Pour le vainqueur.

– Au vu de la façon dont vous avez de nouveau transformé ce Manoir en palais des glaces, je me doute que vous avez remporté ce duel, Harry, fit Lucius en riant. Mais qu'ai-je à voir là-dedans ?

– D'une manière ou d'une autre, il me faudra votre accord, avoua-t-il.

– Et pourquoi donc ? interrogea Lucius, intrigué. Quel est donc ce souhait ?

– Une nuit avec Severus...

Un air surpris puis ennuyé passa furtivement sur son visage avant que Lucius ne retrouve son air impassible.

– Fort bien. Nous verrons cela après le départ de Draco si vous pouvez attendre jusque là, fit-il en grimaçant.

Puis il sembla se radoucir, esquissa un léger sourire et ajouta :

– Irrémédiablement, je vous attribue la maison Poufsouffle, Harry...

.

oooooo

.

Draco avait fait apparaître un énorme ballon léger comme une plume et Minerva et Iris, l'une juchée sur les épaules de Harry, l'autre sur celles de son père, se renvoyaient la balle entre deux éclats de rire et les coups bas des deux porteurs pour les faire chuter dans l'eau. Lâchant les jambes de Minerva, Harry plongea sous l'eau pour aller saisir les pieds de Draco et le renverser malgré la souplesse et la force de son ami. Elle éclata de rire et applaudit vivement en voyant son père se débattre pour échapper au bain forcé et finit par s'approcher pour aider Harry dans son entreprise, rapidement suivie de sa petite sœur. Daphnée riait elle aussi, à côté de Lucius qui regardait de loin ces agitations d'un air appréciateur.

Ils remontèrent à la surface en s'ébrouant, ravis de retrouver la complicité qui les unissait si longtemps auparavant. C'était étrange d'avoir touché Draco; ils n'étaient pas familiers des contacts entre eux, un peu comme une barrière infranchissable et Harry avait été surpris de son corps puissant, presque aussi musclé que Severus, tout en étant plus longiligne. Il s'était bonifié avec le temps et n'avait plus l'aspect frêle et presque adolescent de celui qu'il avait quitté à Poudlard, plutôt celui d'un homme dans la force de l'âge, racé, semblable à celui de son père...

Quelques instants plus tôt, à la fin de leur conversation et à sa grande surprise, Lucius avait entrepris, avec une lenteur exquise, de se déshabiller, dévoilant son torse aussi imberbe que celui de Severus, son ventre plat, ses longues jambes, et un entre-deux qui semblait bien aguicheur. Conscient de son regard indiscret, Harry s'était retourné et avait plongé d'un bond dans la piscine pour se rafraîchir les idées, sous les cris de joie des fillettes.

Lucius était malgré tout trop mince à son goût, il lui manquait le poids et les muscles perdus à Sainte-Mangouste. Mais il restait un homme magnifique pour son âge, grand, sec, avec cette élégance pleine de noblesse quelle que soit sa tenue, et même en maillot de bain; ses longs cheveux blonds tombant en cascade sur ses épaules lorsqu'il était debout formaient une auréole autour de lui lorsqu'il était dans l'eau, semblable à la chevelure d'une sirène...

Se fustigeant mentalement, Harry s'obligea à nouveau à détourner le regard.

.

oooooo

.

Ils terminaient tranquillement de déjeuner lorsque Mayahuel entra dans la Salle à Manger le plus naturellement du monde, sous les cris de joie de Minerva et Iris.

Il lui avait bien semblé apercevoir un mouvement dans le couloir quelques instants auparavant, du coin de l'œil, mais Harry n'en était pas certain, ce pouvait être Orion qui se promenait, et puis finalement, elle était là, au milieu d'eux, comme si elle aussi résidait au Manoir pour quelques jours.

– Maya ! s'enthousiasma Iris. Viens nous montrer un peu de ta magie !

– Pas maintenant, mignonne. Je viens parler à Harry, dès qu'il aura fini de manger.

Il haussa les sourcils, surpris. Une telle demande de la part de Mayahuel, aussi explicite, était pour le moins étonnante. Elle choisissait d'ordinaire ses moments pour apparaître, des moments où il était seul et disponible pour parler tranquillement. Elle n'avait jamais besoin de lui. À moins qu'il n'y ait quelque urgence, ce qui, connaissant Mayahuel et ses pouvoirs, serait encore plus inquiétant.

– J'avais fini, fit-il en se levant rapidement et en la suivant hors de la Salle à Manger.

.

Maya les conduisit vers la véranda; elle aussi aimait beaucoup cette pièce chaude et humide, garnie de plantes luxuriantes qui paraissaient une petite jungle. Sans attendre, elle sauta sur un des canapés de velours du salon de jardin et s'installa paresseusement, ses petites jambes ballottant dans le vide sans même toucher terre.

– Eh bien ? dit-il en s'asseyant également près d'elle. Qu'y a-t-il de si pressé pour que tu viennes me chercher en plein repas ?

– Je croyais que tu avais fini ? minauda-t-elle en penchant légèrement la tête. Rien de méchant, ne t'inquiète pas. Je voulais juste être sûre de pouvoir te parler avant que vous ne partiez à Poudlard. Alors... comment va ta magie, nadi ?

– C'est donc ça ! s'exclama-t-il en rougissant légèrement. Plutôt bien. Tu as dû le voir.

– J'étais là hier soir, oui, lorsque tu as réussi à t'accorder pleinement avec elle... Tout le monde en a ressenti les effets, je pense, ajouta-t-elle en riant. Même Daphnée ! Qu'est-ce qui t'a permis d'en arriver là ? Quelque chose a déclenché cet accord ?

– Je pense avoir compris certaines choses, oui, fit Harry en songeant au sentiment de bonheur et d'adéquation qui avait précédé le déploiement de sa magie.

Maya hocha la tête d'un air entendu.

– C'est bien. Tu sais maintenant dans quelle direction tu dois travailler... J'étais là aussi pendant ton duel avec Severus. C'est une étrange coutume que ces batailles de magie...

– Tu es venue jouer les voyeuses ? ricana-t-il.

– Je n'étais pas dans la salle. Je n'ai pas besoin de voir pour savoir, le réprimanda-t-elle. Mais j'ai senti la façon dont tu as usé de ta magie. Pour contrer celle de ton compagnon, puis pour l'assimiler. Et puis pour t'amuser avec lui !

– Ce n'est pas mon compagnon, Maya ! protesta Harry. Et c'est bien ce que je dis, tu es une voyeuse !

– Il est ton compagnon, que tu veuilles le reconnaître ou non. Et sa jouissance a traversé les ombres ! s'exclama-t-elle en riant. Mais tu devrais y aller doucement avec lui...

– Tu te fais du souci pour Severus, Maya ? insinua-t-il d'une voix doucereuse. Il te plaît vraiment beaucoup...

Ses yeux noirs se mirent à briller d'une lueur machiavélique, et elle parut soudain bien plus dangereuse que son apparence physique ne pouvait le laisser croire.

– S'il n'était pas ton compagnon, je n'en aurais fait qu'une bouchée ! ironisa-t-elle tandis que son regard reprenait peu à peu sa couleur normale. Mais pense à ce que je t'ai dit. Il est fatigué...

Il est vrai que Severus lui avait paru épuisé au déjeuner. Les yeux cernés et les mains légèrement tremblantes. Le duel avait été intense et avait consommé une large part de son énergie magique. Plusieurs jours lui seraient sans doute nécessaires pour se remettre. Ou bien son aide...

– Je voulais te parler de Daphnée également, reprit Mayahuel, qui poursuivit devant son regard interrogatif : Tu m'avais demandé de favoriser une grossesse, nadi... En fait, la femme de ton ami attend déjà un enfant. Mais le fœtus est fragile et son corps le rejette. J'ai fait ce que j'ai pu mais je ne sais pas si elle poursuivra la grossesse jusqu'à son terme.

– Et... Draco ?

– Ton ami n'est pas au courant, fit-elle en secouant la tête. Elle ne veut pas le lui dire tant qu'elle n'est pas sûre... Elle a déjà perdu des embryons trop souvent pour risquer de le décevoir à nouveau.

– Le décevoir ?! s'exclama Harry. Mais jamais Draco ne...

– C'est un garçon. Elle-même ne le sait pas mais elle le pressent. Cette grossesse lui importe plus que les autres.

Un garçon. Un fils. L'espoir des Malefoy. À portée de mains et pourtant si fragile...

.

La question d'un héritier mâle transpirait à travers toutes les conversations qu'il avait pu avoir avec Lucius au sujet des enfants de Draco. L'aîné de chaque nouvelle génération de Malfoy avait toujours été un garçon, et même s'il adorait Minerva, la situation avait été difficile à accepter dès sa naissance, plus encore lorsque la fillette s'était avérée Cracmol. Sa déception était encore palpable à travers son discours. Et même Draco avait avoué son désir d'avoir un fils. Alors, cette possibilité d'un héritier...

Harry pouvait comprendre la volonté de silence de Daphnée, mais il se mettait aussi à la place de son ami : Draco aurait voulu savoir, de tout son cœur, pour accompagner sa femme dans la joie comme dans la peine. Pour rien au monde, il n'aurait voulu être mis à l'écart des angoisses qu'elle vivait, de ce qu'elle subissait. Il aurait voulu affronter ça avec elle, ensemble... Mais ce n'était pas à lui de lui révéler cela.

– Pourquoi me dis-tu cela si je ne suis pas censé le savoir ? grogna-t-il.

– Parce qu'elle aura peut-être besoin de tes compétences en soins, que ça tourne bien ou mal. Et parce qu'il t'appartient si tu le souhaites, de la faire changer d'avis...

Harry soupira. Daphnée avait un caractère affirmé sous ses apparences tranquilles et il se doutait qu'il n'allait pas être facile de la convaincre. Mais Draco avait le droit de savoir.

.

Mayahuel sauta brusquement au bas de son fauteuil, prête à s'en aller sans autre formalité maintenant qu'elle avait dit ce qu'elle avait à dire.

– Attends ! fit-il, soudain tiré de ses pensées par son mouvement. Maya, as-tu observé Minerva ? Je sais que tu ne connais pas bien les sorciers, et encore moins leurs enfants, mais que penses-tu de sa magie ?

La petite créature prit le temps de réfléchir, caressant longuement sa natte passée par-dessus son épaule.

– Je ne sais pas quel est le niveau de magie habituel d'une enfant de son âge, répondit-elle pensivement. Mais je trouve sa magie étonnamment... fluide. Et naturelle. Très spontanée, alors qu'elle n'en a l'usage que depuis hier... Elle t'étonne ?

– Oui, avoua-t-il légèrement mal à l'aise. Je ne sais qu'en penser...


Merci à ceux qui lisent, qui commentent ou qui mettent en favori

Au plaisir de vous lire

La vieille aux chats