Résumé: Après le départ de Draco, le Manoir retrouve son calme et Severus ses doutes. Il vit de plus en plus mal le fait que Harry se confie à Draco et pas à lui. Il le sent prendre de la distance jusqu'à ce que Harry annonce son départ pour la forêt et il craint de ne pas être assez important dans sa vie pour l'inciter à revenir...
Le marbre des marches du perron luisait d'humidité, pas encore séché par le soleil du matin qui baignait son dos d'une douce chaleur. La température lui parut malgré tout bien fraîche par rapport à sa forêt et Harry frissonna un long moment avant que sa magie ne parvienne à le réchauffer.
Étonnamment, le Manoir qu'il avait quitté quelques jours auparavant lui paraissait encore plus grand et plus imposant que dans son souvenir. Respirant le pouvoir et le luxe. Ce qui était devenu habituel pendant son séjour ici, lui semblait de nouveau étonnant et presque choquant. Son hésitation augmenta d'autant plus.
Loin d'ici, Harry avait repris ses habitudes de la forêt : la simplicité, le dépouillement, aller pieds nus la plupart du temps et manger peu. Mais il s'apprêtait à entrer dans un autre monde. Il jeta un œil à ses habits et lissa machinalement son pantalon, d'où s'échappa une poussière ocre. À l'aide d'un sortilège, il rafraîchit ses vêtements puis boutonna sa chemise qu'il avait laissée ouverte. Les sandales à ses pieds ne convenaient pas plus qu'avant, mais ils l'avaient toujours vu ainsi...
Malgré tout, il hésitait encore, ne sachant trop ce qu'il devait faire, ni comment se présenter. Il était parti abruptement, avec la promesse de revenir, mais sans aucune précision. Et puis, Merlin seul savait comment ils avaient réagi à son départ soudain, en particulier Severus, et il doutait à présent que son retour soit bien perçu. La colère de son amant atteignait déjà des sommets avant son absence...
Il passa une main nerveuse dans ses cheveux qui avaient encore poussé en quelques jours, atteignant allègrement ses épaules, et finit par attraper le heurtoir et frapper à la porte. Après tout, ce n'était qu'une simple visite de courtoisie.
L'elfe de maison qui ouvrit affichait un visage surpris et presque apeuré. D'ordinaire, les visiteurs étrangers transplanaient derrière les grilles du parc. Ceux qui pouvaient le faire sur le perron du Manoir étaient forcément des membres de la famille Malfoy ou bien Severus, et ils n'avaient aucun besoin de frapper avant d'entrer chez eux.
Harry, lui, aurait pu arriver n'importe où dans la maison mais il ne se sentait pas le droit de le faire. Il n'était rien ici, rien de plus qu'un simple visiteur.
L'elfe reprit immédiatement contenance en le reconnaissant, affichant un large sourire tout en s'inclinant au ras du sol.
– Entrez, monsieur Potter, Harry, fit la créature. Monsieur Severus est absent, mais Maître Lucius est dans le Petit Salon...
– Peux-tu le prévenir et lui demander s'il accepte de me recevoir ?
D'un geste nerveux, l'elfe tortilla ses mains, inquiet de cette requête incongrue à présenter à son maître, essayant d'insister à nouveau pour le faire entrer, avant de disparaître vers le couloir du rez-de-chaussée devant son refus.
.
.
– Bon sang, Harry ! Vous faut-il faire autant de cérémonie pour entrer ici ?! tonna Lucius en se levant à son approche. Ce n'est pas comme si vous étiez un étranger dans cette maison !
La voix de Lucius avait été réellement contrariée, presque vexée, mais le sourire ravi affiché sur son visage démentit rapidement sa colère.
Il était magnifique. Ses longs cheveux, plus blonds que dans son souvenir, étaient rassemblés dans son dos par un ruban de soie noire et son costume sorcier gris moiré de bleu mettait admirablement en valeur sa peau pâle et ses yeux couleur d'orage qui brillaient à présent d'un éclair de satisfaction. Était-ce même du soulagement que Harry voyait dans son regard ?
Lucius le prit dans ses bras dans une étreinte chaleureuse qu'il lui rendit avec autant de bonheur, soulagé en une phrase de ce qu'il avait craint et appréhendé pendant plusieurs jours.
Lucius était également plus grand que dans son souvenir, et s'il en était moins familier que de celle de Severus, son odeur de vanille et de santal lui avait manqué. Tout comme l'odeur familière et agréable du Manoir, une vague senteur de cire et d'encaustique, mélangée au parfum des fleurs qui ornaient les différentes pièces de la maison, à celui du thé, des bois précieux ou du cuir des canapés.
Un grognement sourd le tira de ses pensées; il s'était perdu dans cette étreinte comme s'il s'agissait de Severus et il prit brusquement conscience du manque qu'il avait ressenti.
– Lâchez-moi et rabattez votre magie ou je ne réponds plus de rien !
Harry éclata de rire en s'éloignant très légèrement de Lucius dont le regard brillait étrangement. Était-ce du désir qu'il devinait dans ses yeux ou dans son attitude ?
– Seriez-vous sensible à la magie, Lucius ?
Achevant de se reculer à une distance raisonnable, celui-ci rajusta machinalement sa veste comme pour se redonner une apparence respectable, et retrouva un masque plus neutre et maîtrisé.
– À la magie en général non, grommela-t-il. À la vôtre en particulier, vraisemblablement... Je comprends mieux les allusions de Severus. Venez donc vous asseoir.
Harry aurait été curieux de savoir à quoi Severus avait bien pu faire allusion, mais la bienséance lui conseilla de ne pas insister sur le trouble de son hôte et il se contenta d'un sourire amusé en s'installant dans le fauteuil qu'il affectionnait habituellement.
Lucius claqua brusquement des doigts, faisant surgir la maîtresse des cuisines du Manoir qui s'inclina profondément, non sans avoir esquissé un large sourire en direction de Harry.
– Du thé.
Imperceptiblement, l'elfe de maison tourna son regard vers lui et il acquiesça d'un léger hochement de tête.
– Ton champurrado m'a manqué, Sky. Je dois avouer qu'il est bien meilleur que le mien, fit-il en riant. Un jour, il faudra que tu me confies ton petit secret !
L'elfe s'inclina à nouveau, cachant mal sa fierté et son émotion, et même ses oreilles se colorèrent de rouge avant qu'elle ne disparaisse dans un craquement sonore. Quelques secondes plus tard, un plateau d'argent apparut sur la table basse et Lucius se versa une tasse de thé puis s'appuya contre le dossier du canapé pour l'étudier à loisir.
– Vous êtes radieux, Harry, sourit-il enfin. Vous avez une mine superbe et vous avez bruni en l'espace de quelques jours de manière impressionnante !
– Je me suis abreuvé de soleil, de fruits et de chaleur. C'était..., soupira-t-il. Mais j'ai à peine repris quelques couleurs !
Il pouvait difficilement avouer à quel point cette escapade lui avait fait du bien; ce n'était pas très courtois mais son silence ne trompait pas Lucius.
– Qu'avez-vous fait pendant ces quelques jours ?
– J'ai... beaucoup travaillé ma magie...
– Ça se voit ! l'interrompit Lucius avec un sourire. Vous rayonnez, littéralement.
– J'ai passé du temps dans la forêt, je me suis baigné, j'ai regardé le soleil se lever... J'avais vraiment besoin d'un retour aux sources...
Lucius chassa ses paroles d'excuses d'un geste vague de la main.
– En tout cas, je suis heureux de vous revoir, Harry. Vraiment. Et j'en connais un qui sera encore plus ravi !
– S'il est un peu moins furieux contre moi ! lâcha-t-il avec une grimace contrite.
– Je vous assure que le simple fait de vous savoir revenu lui fera passer toute colère.
Le soulagement qu'éprouva Harry à ces mots lui enleva un poids certain dans le creux de son estomac et l'envie de revoir Severus devint plus pressante.
– Et ici ? demanda-t-il pour changer de sujet. Que s'est-il passé pendant mon absence ?
– Hormis le travail, pas grand chose. Severus a eu une migraine infernale qui l'a cloué dans sa chambre pendant deux jours. Le reste du temps, il a été odieux, exécrable et insupportable...
Tout cela était dit avec un large sourire, mais il ne doutait pas de la véracité des propos de Lucius.
– Je suis désolé, je...
– Vous n'y êtes pour rien, le coupa son hôte. C'était prévisible, mais la prochaine fois, il sera sans doute moins inquiet.
Harry resta interdit un instant. Ce que suggérait Lucius était vrai : il y aurait forcément une prochaine fois puisqu'il ne pourrait se passer de retourner à nouveau dans sa forêt, mais les implications au sujet de Severus le laissaient sans voix.
.
.
Sirotant sa tasse de thé, Lucius l'étudiait toujours de son regard acéré.
– Quelles sont vos intentions à présent ?
– À quel propos ? demanda Harry, surpris.
– En règle générale... vos projets immédiats et plus lointains...
Il prit le temps de réfléchir à la question. Ce que voulait savoir Lucius n'était pas clair et pouvait très bien concerner sa vie professionnelle tout autant que sa relation avec Severus, et il ne pouvait que comprendre cette curiosité là.
– Eh bien, je... Je dois absolument régler la question de cet héritage. Je ne veux pas que cela reste en suspens plus longtemps. Et puis j'ai encore des gens à revoir, des choses à régler. Après... Je ne sais pas. Je réfléchis à la possibilité de proposer mes services réguliers à Sainte-Mangouste. Ou bien à assurer quelques vacations en tant qu'enseignant...
– Vous comptez donc rester en Angleterre ?
– Je... Pas en permanence. Je ne pourrais pas, j'ai besoin de retourner là-bas régulièrement, mais... la majorité du temps, oui.
Harry avait hésité, mais c'était ce qui était le plus fidèle à son sentiment actuel. Lucius hocha imperceptiblement la tête avant de reposer sa tasse de thé et de joindre ses deux mains devant lui, le menton sur ses doigts tendus.
– La situation ne concerne pas que moi, commença-t-il, mais... d'une certaine manière, je suis le seul à pouvoir vous le proposer. Harry... j'aimerais que vous vous installiez au Manoir. Réellement. Certaines pièces près de la véranda sont inusitées, vous pouvez en disposer pour en faire un bureau, un salon à votre convenance, que sais-je encore... De même que vous pouvez disposer librement de votre chambre, de la décoration et des meubles actuels pour en faire ce que vous souhaitez. Cela ne vous oblige en rien, et certainement pas à passer tout votre temps au Manoir ou avec nous. Mais... si vous deviez rentrer quelque part chaque soir, j'aimerais que ce soit ici.
Harry pencha légèrement la tête de côté en observant le visage impassible de Lucius. La proposition était surprenante – quoiqu'en y pensant du point de vue de Lucius, elle paraissait finalement logique – mais il ne s'y attendait pas.
À vrai dire, il avait envisagé l'avenir autrement. La maison du square Grimmaurd existait toujours, peut-être même Kreattur y vivait-il encore, et avec quelques rafraîchissements, elle serait certainement habitable. Severus aurait pu l'y rejoindre de temps en temps, régulièrement peut-être, et il aurait pu passer au Manoir de loin en loin pour rendre visite à Lucius.
Mais la proposition de Lucius était alléchante. Harry appréciait sa compagnie régulière, tout comme il s'était attaché à cette demeure non dénuée de charme, ses jardins magnifiques, son laboratoire de potions digne des plus grands, la bibliothèque où il en avait pour toute une vie de curiosité, et surtout la rotonde et les vérandas où il aimait passer des heures.
La seule inconnue était la réaction de Severus, et ce semblant de vie quotidienne que lui proposait Lucius était à la fois attrayant et troublant.
Mais cette idée de rentrer chaque soir quelque part pour y trouver son amant, quelque chose comme un foyer avec quelqu'un qui l'attendrait, tordait ses tripes avec une force qu'il n'aurait jamais imaginée.
.
Interrompant ses pensées, le bruit de la porte d'entrée du Manoir le fit presque sursauter et le pas rapide de Severus se fit entendre dans le couloir.
Sa silhouette sombre s'encadra bientôt dans le contre-jour de la porte et Harry ne put rien déterminer de l'expression de son visage.
– Dans mon bureau. Tout de suite.
Étonnant comme cette simple phrase, digne de l'ancien professeur de Poudlard, pouvait lui déclencher des fourmillements dans le ventre.
La voix était fermée mais impérieuse, et Severus disparut aussitôt. Nul doute que ces mots s'adressait à lui, comme le confirmait le petit sourire ironique de Lucius et Harry posa les mains sur les accoudoirs de son fauteuil en s'apprêtant à se lever.
– Je crois que Severus a besoin de passer sa colère...
– Ou il a simplement besoin d'une certaine intimité, suggéra Lucius avec un regard piquant.
Harry se redressa rapidement, soudain pressé de retrouver son amant.
– Pensez à ce que je vous ai dit, Harry, ajouta Lucius avec plus de sérieux. Ma proposition... est sincère.
.
.
Une fois Harry sorti du Petit Salon, Lucius claqua à nouveau des doigts, faisant surgir quasi instantanément Sky devant lui. Comment cette elfe faisait-elle pour être toujours disponible et aussi rapide tout en gérant aussi bien les cuisines ?!
– Maître ?
– Retarde le déjeuner d'une demie-heure, Sky. Et prépare un service pour trois. Pour tous les repas à venir jusqu'à nouvel ordre.
L'elfe ne bougeait pas, le considérant d'un regard respectueux.
– Une demie-heure, Maître ?
– Hum..., grogna-t-il. Tu as raison. Une heure.
Elle hocha la tête et disparut aussitôt dans un craquement sonore. Maudits soient ces elfes trop intelligents !
.
oooooo
.
À peine sa main fut-elle posée sur la poignée de la porte que Harry sentit des troupeaux d'hippogriffes danser la sarabande dans son ventre. L'envie et l'excitation de revoir Severus étaient au delà de l'imaginable, mâtinées tout de même d'une pointe d'inquiétude à sa réaction.
À l'intérieur, il entendait Severus faire les cent pas nerveusement, et sa magie était presque palpable dans l'air. Il n'hésita pas plus longtemps et céda à son impulsion en entrant dans le bureau de son amant.
Ses yeux n'eurent pas le temps de s'habituer à la pénombre ambiante qu'il se sentit plaqué contre le mur, sans égard pour les cadres photos qui y étaient accrochés, et la porte du bureau claqua violemment juste à côté de lui. Des lèvres exigeantes vinrent réclamer leur dû, rendues avides et impatientes par le manque causé par plusieurs jours d'absence.
Harry perçut confusément les mains dans ses cheveux, le corps pressé contre le sien, tant il était perdu dans cette sensation floue d'un désir insurmontable. L'odeur de Severus lui montait à la tête comme le plus puissant des aphrodisiaques, enivrante, obsédante, décuplant ses appétits comme s'il était soudain affamé. Son corps et son esprit criaient à l'unisson leur besoin, cette faim démesurée de le toucher, de l'embrasser, de poser ses mains sur sa peau, de le tenir au plus près de lui, en lui s'il l'avait pu.
Les boutons de sa chemise volèrent à travers le bureau quand Severus voulut la lui enlever sans attendre et se coller contre sa peau brune, tout aussi avide de contact et de chaleur que lui. La langue qui plongeait dans sa bouche n'était pas moins virulente que son propriétaire et les mains qui le tenaient fermement serré interdisaient la moindre distance entre leurs deux corps.
Il leur fallut longtemps de cette frénésie, de cette lutte muette pour combler en partie leur besoin l'un de l'autre et pour réussir à s'apaiser quelque peu, puis Severus posa le front sur son épaule, relâchant la pression pour parvenir à une étreinte plus tendre.
La magie que Harry avait déployé autour d'eux n'était pas étrangère à ce soulagement, les baignant tous deux de volutes émeraudes dans lesquelles il faisait passer toute sa confiance, sa joie de le revoir, sa sérénité retrouvée, tout ce qui pouvait rassurer Severus sur la réalité de son retour et sa présence.
Un peu plus tard, ils firent l'amour sur le sofa au fond du bureau, d'une façon presque aussi symbolique que la première fois qu'ils l'avaient fait là, en se regardant dans les yeux jusqu'au moment où l'orgasme effaça toute réalité, les laissant éperdus et bouleversés.
.
.
Lorsque la faim les rappela à la réalité, l'après-midi était bien entamée et ils trouvèrent sur la table de la Salle à Manger où patientait le déjeuner un simple parchemin à la place du maître de maison. « J'ai un rendez-vous au Ministère qui ne souffre aucun retard. Je reviendrai en fin d'après-midi. Profitez de vos retrouvailles, vous avez matière à réfléchir... Luce »
Harry se sentit vaguement gêné d'avoir ainsi accaparé Severus au moment du déjeuner – mais il n'était sans doute pas le seul à blâmer – jusqu'à ce que la signature le fasse sourire.
– « Luce » ? hasarda-t-il.
Severus répondit par un grognement consterné avant d'avouer.
– Pourquoi crois-tu que les filles de Draco l'appellent ainsi ?! Elles ont dû m'entendre un jour...
Ce petit nom issu de l'intimité des deux hommes était touchant, mais Harry se sentit presque à la limite de leur vie privée, quelque chose de plus personnel encore que les marques que Lucius pouvait laisser sur le corps de son compagnon ou les images de leurs relations sexuelles qu'il avait vues dans son esprit.
Il avait matière à penser, effectivement, et d'un seul coup, il se demanda si Lucius avait laissé cette signature pour le moins intime par habitude ou intentionnellement.
Les implications que sous-entendait la proposition du maître de maison étaient vastes et il avait peine à en mesurer la portée. Lucius lui offrait de disposer librement de sa chambre, de quelques pièces à aménager à sa guise, mais aussi du gîte et du couvert, donc plus ou moins d'user de sa fortune; il lui offrait de partager un quotidien avec eux, jour après jour, mais sans jamais définir la place de chacun. Ce n'était rien de plus que ce que Harry avait vécu au Manoir avant son absence, mais Lucius sous-entendait quelque chose de définitif, un endroit où rentrer « chaque soir ».
Il n'y avait pas eu de conditionnel dans ses paroles, hormis pour dire son souhait; le reste n'était qu'affirmation de son entière liberté de mouvement et de jouir du lieu. Mais qu'en serait-il de leurs relations croisées ? Qu'en serait-il de Severus ? Qu'en pensait-il même ?
.
oooooo
.
Harry étouffa un énième bâillement devant sa tasse de thé et le regard sévère de Severus.
– Je vois que ma compagnie te fatigue déjà ! grinça-t-il avec un rictus ironique.
– Arrête de râler, fit Harry en se lovant dans ses bras. Je suis fatigué : pour moi, il est tôt le matin et il me manque une nuit de sommeil par rapport à vous...
– Allons faire une sieste alors, proposa Severus en le serrant un peu plus contre lui.
La proposition était tentante mais Harry savait qu'il ne trouverait pas le sommeil, trop accaparé par ses réflexions qui prenaient presque une tournure obsédante.
– Allons plutôt faire un tour dans les jardins. J'ai besoin de me réveiller, pas de dormir...
Si Severus fut surpris par sa suggestion, il n'en montra rien et ils se retrouvèrent bientôt tous deux à flâner dans les allées du parc en suivant plus ou moins la direction lointaine des écuries.
– Qu'as-tu fait pendant ces quelques jours ? osa Severus.
La question devait le tarauder depuis un bon moment pour qu'il la pose ainsi, sans préambule, mais Harry ne se permit pas le moindre sourire ironique. Ils avaient besoin de clarifier certaines choses l'un et l'autre et il fallait bien un début quelconque.
– Je suis rentré chez moi...
Étrange comme ce « chez moi » sonnait faux dans sa bouche en le prononçant. Comme une vérité ancienne et obsolète.
– La forêt ?
– Pas celle où je t'avais emmené, fit Harry avec un sourire. Mais le même genre de jungle, chaude, humide à souhait et grouillante de vie...
Severus laissa échapper une grimace de dégoût.
– Me montreras-tu tout de même, un jour ?
Harry tourna vers lui un regard surpris qui ne rencontra que son profil sec et presque dur. Parlait-il seulement de la forêt ?
– Je crains qu'il n'y ait pas grand-chose à y voir...
– Mais tu as besoin d'y retourner régulièrement... Pourquoi ?
Pensif, Harry laissa passer quelques pas de plus, s'efforçant de ressentir le relief de chaque caillou sous ses sandales, les creux du chemin, la terre humide et riche, presque vivante, les odeurs de sous-bois, d'humus, d'herbe et de sève qui embaumaient l'air frais de la campagne. Il pouvait sentir aussi l'odeur épicée de Severus qui lui avait tant manqué, la chaleur de son corps non loin de lui et la douceur qui guidait sa curiosité.
– La magie qui m'a été donnée est liée à cette forêt, à cette jungle. Aux plantes, aux arbres qui se battent pour la lumière, aux lianes qui traversent la canopée et à cette vie luxuriante et abondante. Elle en est la source, le fondement. J'ai besoin d'y retourner régulièrement pour trouver... un équilibre à cette magie. Pour qu'elle soit stable et harmonieuse. Sans cela... je la maîtrise mal, elle me dépasse.
– Pourquoi dis-tu qu'elle t'a été donnée ? Chacun...
– Parce que c'est le cas. Cette magie n'est pas la mienne, je n'en suis que le dépositaire... C'est pour cela que je ne suis pas encore pleinement accordé avec elle, même si les choses se sont grandement améliorées... La mienne...
– D'où vient-elle alors, si elle t'a été donnée ?
– Ça, c'est quelque chose qu'il te faut demander à Mayahuel ! fit-il en riant.
Severus fronça les sourcils en le regardant brièvement. Nul doute qu'il le ferait la prochaine fois qu'il croiserait la créature !
– Et qu'en est-il de ta magie dans tout cela ?
Malgré lui, Harry s'arrêta net au milieu du chemin, brusquement conscient du silence, de la fraîcheur du temps et de la présence imposante de Severus qui s'arrêta à son tour à quelques mètres devant lui avant de revenir sur ses pas pour lui faire face.
– Je... Ce n'est pas quelque chose dont j'ai envie de parler pour l'instant, Severus...
Une main sous son menton l'obligea à relever la tête pour croiser le regard de son amant, bien moins agacé de son silence que lors de leurs précédentes conversations. Ces quelques jours d'absence avaient peut-être permis cela aussi : se consacrer sur l'essentiel, leur présence l'un à l'autre et non pas leurs silences et leurs difficultés à se confier.
– Rien ne t'y oblige..., fit-il simplement avant de l'embrasser et de le prendre dans ses bras.
Harry se laissa aller avec bonheur dans cette étreinte, pleinement conscient des renoncements délicats de Severus, et sans y prendre garde, sa magie se déploya instantanément autour d'eux, comme un cocon éphémère et vaporeux qui les enveloppa d'un halo lumineux avant de se déliter lentement vers les arbres aux alentours.
– Comment fais-tu cela ? demanda Severus en fermant les yeux et en posant son front contre le sien.
– C'est... comme une extension de moi-même. Un mouvement que je ferais avec la magie comme avec le bras ou mon corps. C'est très spontané et instinctif... Pourquoi ? C'est désagréable ?
– C'est... très particulier. Assez déstabilisant...
– Lucius y semble assez réactif, lui aussi, fit Harry en riant.
Le brusque froncement de sourcils de Severus et son air plus que sévère lui firent prendre conscience de sa maladresse. En même temps, pourquoi ne pourrait-il pas lui aussi jouer avec leur jalousie ?
– Comment ça ?
– Rien de méchant, ne t'inquiète pas, assura-t-il en décidant finalement de ne pas tenter le diable. La magie m'a échappé lorsque, eh bien, lorsque nous nous sommes salués ce matin et il a semblé... troublé.
Severus grogna à nouveau, vaguement mécontent, avant de l'embrasser à nouveau, étouffant le ricanement qui naissait dans sa gorge à l'idée que son amant marquait pour ainsi dire son territoire.
.
Au bout d'un moment, Harry s'éloigna légèrement, rompant le baiser avec douceur, et entraîna Severus pour reprendre leur marche. Ils en étaient venus à parler de Lucius, comme à chaque fois, et c'était sans doute le moment de sonder son amant sur ses intentions, puisqu'il lui paraissait irréel de poser la question frontalement. Et puis finalement, les mots s'échappèrent sans être réfléchis...
– Severus, je... Je ne doute pas que tu sois à l'origine de la proposition de Lucius, mais...
– Quelle proposition ? interrogea Severus en fronçant à nouveau les sourcils.
Harry le regarda d'un air interdit. Se pouvait-il que Lucius, par des manigances qui lui étaient propres, ait pu concevoir cette idée et lui faire cette proposition sans l'aval, ni l'avis de Severus ? Et si c'était le cas, devait-il en parler à son amant ? La démarche et le silence de Lucius le mettaient dans une position encore plus ambiguë qu'à l'origine, comme s'ils manœuvraient tous les deux derrière le dos de Severus...
– Lucius m'a proposé de m'installer au Manoir, de manière... plus ou moins pérenne, jeta-t-il dans le silence de leur conversation.
C'était une façon comme une autre de lui demander son avis...
Severus se tut un instant avant de ricaner sournoisement.
– Ce sont bien des manières de Serpentard ! Et que comptes-tu faire ?
Harry grimaça discrètement. Le visage de Severus était impassible et son ton avait été tout ce qu'il y a de plus neutre. Il n'avait pas l'ébauche d'une réponse sur le sentiment de son amant à cette annonce et il se retrouvait, lui, au pied du mur.
– Je ne sais pas encore, fit-il en se tournant vers Severus pour étudier ses réactions. Je pensais au départ peut-être m'installer square Grimmaurd...
Une légère crispation des mâchoires.
– ...mais la proposition de Lucius est... alléchante...
Une discrète inspiration à peine plus profonde que les autres...
– ...quoique je ne sais pas si tu supporterais ma présence quotidienne !
Severus grommela devant son rire moqueur, mais son regard d'obsidienne, épais comme une nuit sans lune, démentait la futilité de sa réaction. Harry s'était déjà perdu dans la profondeur de ces yeux-là et cela lui fit à nouveau le même effet, l'impression d'être envoûté et de ne pouvoir rompre ce contact si particulier qu'il en était presque dépendant.
– Ce ne sera pas pire que de supporter ton absence...
.
oooooo
.
Severus passa lentement la main sur son front, comme pour en chasser la douleur, puis la reposa sur son torse.
– Migraine ? fit Harry en glissant doucement ses doigts dans les cheveux sombres étalés sur la blancheur de son pantalon.
– Un début. Mais ça va passer.
En déambulant dans le parc, ils avaient rejoint la clairière où il avait joué au quidditch avec Draco, et Harry s'était assis, adossé contre le tronc massif et droit d'un chêne, Severus allongé à ses côtés avec la tête sur ses cuisses.
Il ferma les yeux en savourant simplement sa présence. Il avait rêvé parfois – souvent – de moments comme celui-là et les fourmillements dans son ventre étaient un délice de plaisir.
Les cheveux sous ses doigts étaient doux. Souples et soyeux. Et il lissa du pouce les mèches argentées sur les tempes de son amant. Un sourire effleura ses lèvres en songeant que son moi de dix-huit ans aurait donné cher pour avoir cette simple vision du futur, et qu'elle valait bien toutes les épreuves qu'il avait traversées pour en arriver là.
Le froncement de sourcils douloureux de Severus le rappela à la réalité.
– Lucius m'a dit que tu avais eu une forte migraine pendant mon absence ?
– Rien d'insurmontable, je t'assure, marmonna Severus.
– J'aurais dû te repréparer de cet onguent que j'avais utilisé l'autre fois, regretta Harry en grimaçant.
Il était parti trop vite ce jour-là. Il avait été négligent et n'avait pensé qu'à lui-même.
– Potter ! aboya Severus en ouvrant brusquement les yeux et en lui lançant un regard noir. Je ne suis pas ton patient ! Je n'ai pas besoin que l'on s'occupe de moi et j'ai réussi à survivre à bon nombre de migraines pendant tes douze ans d'absence !
Harry éclata de rire; il n'avait pas volé cette remontrance, même si le fond de vérité la rendait un peu piquante.
Severus referma les yeux et reprit avec un petit sourire gourmand :
– De toute façon, je ne suis pas sûr que ta préparation ait eu plus d'efficacité que tes mains sur moi en train de me masser...
– Je croyais que tu n'avais pas besoin que l'on s'occupe de toi ?! ironisa Harry.
– Je ne suis pas contre ce genre d'attention...
Il n'était pas contre non plus, songea-t-il en appréciant le sourire lascif de son amant. Il avait toujours aimé toucher, caresser, ressentir le contact de la peau. Severus allait gémir de plaisir en passant entre ses mains. Et maintenant qu'il pouvait en plus jouer avec sa magie...
Fermant à son tour les yeux, Harry la déploya délicatement autour de Severus, resserrant peu à peu sa prise autour de lui. Effleurant, s'immisçant... Le souffle plus court et haché de son amant témoignait d'une efficacité manifeste et Harry retint avec peine un ricanement.
– Arrête ça tout de suite, grogna Severus.
– C'est pour soulager ta migraine ! protesta-t-il innocemment.
Severus hoqueta alors qu'il venait de glisser une pointe plus insidieuse vers les rives de son esprit et une autre plus physique vers son bas-ventre.
– Je te rappelle que je suis celui qui a essayé de t'apprendre l'occlumancie ! gronda l'ancien professeur. N'essaye même pas de t'immiscer là ou je te botte le cul !
Severus avait-il conscience que s'il le voulait vraiment, il ne pourrait pas l'empêcher de pénétrer dans ses souvenirs ? Mais Harry respectait bien trop son amant pour jouer à ce genre de jeu. Pour le reste en revanche...
– Je préférerais que tu lui fasses autre chose...
– Affamé !
Il éclata de rire à nouveau avec bonheur, retirant sa magie de Severus pour la laisser flotter librement autour d'eux.
À travers cette perception différente, il discernait des choses invisibles à ses yeux, la respiration de la terre et des plantes, la vie nichée dans les confins de l'herbe, la sève toute-puissante qui courait le long du tronc de cet arbre dans son dos et qui irriguait les feuilles les plus éloignées depuis les racines les plus profondément enterrées dans le sol en-dessous d'eux.
Sa magie se glissait dans le chêne avec une facilité déconcertante, parcourant cette vie végétale vers la lumière et vers les profondeurs. C'était comme plonger sa main dans le sable et le sentir couler autour de ses doigts, fluide et insaisissable. Il sentit aussi la présence de Severus, dense et sombre, et l'entraîna dans cette perception étonnante.
– Tu sens ? murmura-t-il.
Severus approuva d'un grognement. Il ressentait le poids de la terre sur les racines et celui du nid, tout léger sur les branches, où piaillaient des oisillons affamés. Il ressentait aussi la puissance de la magie de Harry et l'impression qu'il aurait pu pénétrer de la même manière dans son esprit s'il l'avait voulu.
.
Severus était plus sérieux d'un seul coup et même s'il n'avait pas dit un mot, Harry aurait pu jurer que ses pensées étaient bien loin de la quiétude paisible qui était la sienne.
– Qu'y a-t-il ?
Le grognement de Severus, contrarié d'avoir été si transparent, lui répondit avant qu'il ne finisse par parler.
– Ta magie est puissante mais je veux que tu continues à t'entraîner.
– « Je veux » ? releva ironiquement Harry.
– Je voudrais..., concéda Severus en levant les yeux au ciel. J'en ai parlé avec Draco. Le fait que tu ne puisses lancer aucun sortilège d'attaque est un handicap, quoi que tu en dises. Tu peux arriver à te débrouiller autrement, mais rien ne compensera cette faiblesse-là en cas de combat. J'aimerais que tu continues les duels, contre moi ou contre Lucius, contre Draco même si tu préfères, pour augmenter tes réflexes et ta puissance...
– Tu trouves donc que je n'ai pas été à la hauteur ? fit Harry en riant.
– Je ne trouve rien du tout. La première fois, tu m'as surpris; la deuxième, tu as abandonné.
– Il me semble que la première fois, tu as eu droit à trois manches que tu as perdues les unes après les autres ! ironisa-t-il. De toute façon, je n'ai rien à prouver à personne. Et je persiste à ne pas comprendre cette obsession de s'entraîner au duel !
Severus marmonna d'une manière inintelligible mais il n'avait pas l'air ravi de sa réponse.
– Les sorciers malveillants n'ont pas disparu avec Voldemort, Harry. Sans parler des autres créatures magiques. Si ta faiblesse venait à s'ébruiter, tu ferais une proie diablement facile ! Tu es resté éloigné longtemps de la politique et des événements de ce monde... Le danger n'a pas disparu.
– Ils devraient s'y mettre à plusieurs avant d'avoir gain de cause sur moi, fit-il en riant avec insouciance.
– Tu n'as pas idée... Je voudrais simplement que tu le fasses. Sérieusement.
Sérieux, Severus l'était, de toute évidence, et cela doucha quelque peu sa légèreté.
– Si ça te fait plaisir, céda-t-il. Mais je me bats avec mes armes. Je refuse de servir de cobaye à tes expériences de magie noire !
– On changera les règles, grinça Severus à son allusion. Je t'ai déjà dit que j'étais désolé de ce qui s'était passé, même si c'est en partie de ta faute. Si tu veux à nouveau des excuses, je te les fais. Je veux juste que tu sois paré à toute éventualité.
.
.
Harry contemplait à loisir le visage de Severus qui gardait les yeux clos dans le silence revenu. Il semblait plus apaisé maintenant qu'il avait cédé à sa requête insistante, ses traits s'étaient détendus et sa respiration lente suggérait même une douce somnolence.
Ses doigts s'aventurèrent à suivre les plis légèrement marqués du front, la courbe d'une pommette, la peau si douce de ses lèvres pour se poser finalement sur son torse qui se soulevait avec une régularité nonchalante. Sous la tiédeur de l'air, Severus avait entrouvert sa chemise et retroussé ses manches, dévoilant cette peau si blanche, presque laiteuse, même sur l'avant-bras où s'attardait sa main. Severus semblait ne jamais profiter des caresses du soleil, à l'inverse de lui dont ces quelques jours sous les tropiques avaient considérablement bruni la peau. Le contraste en était saisissant entre eux, si blanc et si brun, comme s'ils ne venaient pas du même monde.
Sous ses doigts, une légère aspérité attira son attention et, basculant doucement la main de Severus pour en dévoiler l'intérieur du bras, Harry aperçut le tracé nacré de la Marque des Ténèbres. Sur lui non plus, elle n'avait pas totalement disparu et perdurait comme un rappel douloureux et coupable du passé. Passant son pouce dessus, il en sentit le discret relief, gravé dans la peau de manière indélébile.
– Eh bien ? fit Severus qui le fixait avec attention.
– Rien. Je me demandais... Tu ne voudrais pas la faire disparaître ?
Harry avait l'impression d'être passé au crible par le regard inquisiteur de Severus.
– Non. Je sais que tu l'as fait pour Lucius – fortuitement – et pour Draco..., fit-il en refermant les yeux, comme s'il avait vu ce qu'il voulait voir.
– Et toi ?
– Non. Elle fait partie de moi. De mon histoire, de ce que je suis. Je ne peux pas effacer ce qu'elle représente.
Harry ne pouvait que le comprendre. Comme il avait aussi pu comprendre Draco qui avait souhaité l'inverse et préféré gommer ce souvenir sombre...
À choisir, lui aurait fait comme Severus; il n'aurait pas voulu effacer ses cicatrices, quelque douloureuses et amères qu'elles soient. Elles étaient symboles et témoins de son passé, et se chargeaient de lui rappeler régulièrement ce qu'il avait vécu et d'où il venait. Aussi chargées de sens que la Marque de Severus.
Harry caressa distraitement le bras de son amant et remonta pour croiser ses doigts avec les siens. L'attirant vers son visage, il glissa un baiser dans le creux de sa main avant de la reculer légèrement pour l'observer. Il l'effleura, la parcourut du bout des doigts pour la reconnaître, la retourna comme s'il voulait lire dans les lignes de sa paume un sens caché.
Il avait tellement senti cette main sur son propre corps, ses caresses, sa façon de le toucher, sa douceur ou sa rudesse, qu'il était étonné de pouvoir à présent la contempler en pleine lumière, la même qu'il connaissait si bien et pourtant il la découvrait comme pour la première fois, forte, large, puissante, tout à l'opposé de celles de Lucius. Assez puissante pour lui avoir laissé une empreinte saisissante sur la fesse qui avait duré les premiers jours de son absence. Il ricana silencieusement à ce souvenir; il n'était pas contre ce genre de contact un peu piquant pendant leurs ébats, mais pas de la façon dont cela s'était passé.
Le regard interrogateur de Severus s'attarda sur son rire réfréné et il haussa un sourcil dans une parfaite imitation de son compagnon. Sans s'appesantir sur les frissons qui parcourait son ventre, Harry projeta ses pensées lubriques dans l'esprit de son amant qui arbora aussitôt un sourire prédateur.
– C'est donc pour ça que tu as l'air si « en forme » ? fit-il en passant le doigt le long de la ceinture de son pantalon.
Le tissu déformé par son désir vibra sous la caresse délicate et ô combien insuffisante de son amant qui entreprit de défaire un à un les boutons qui fermaient son pantalon, libérant ainsi son érection.
– Toujours pas de sous-vêtement, Potter ? ironisa Severus en effleurant du bout des doigts la peau rougie du gland.
– Tu t'en plains ? murmura-t-il en renversant la tête en arrière contre le tronc du chêne.
– Pas vraiment, non...
Harry sentit Severus pivoter pour se mettre sur le côté et sa tête, toujours posée sur ses cuisses, s'approcha légèrement avec ce qu'il imaginait être un sourire gourmand. Il glapit sans vergogne lorsqu'une langue chaude et humide s'enroula autour de son sexe, oubliant peu à peu toute pudeur, tout contrôle sur sa magie et jusqu'à l'endroit où il se trouvait.
.
ooOOoo
.
Le sourire de Lucius était éloquent à les voir si détendus et sereins et Harry eut la féroce envie de le prendre dans ses bras pour lui témoigner sa gratitude.
– Bien, fit le maître de maison en sirotant son verre de vin. Ai-je espoir de pouvoir trouver mon mari ce soir dans une forme acceptable ?
Lucius était complètement tourné vers lui, ignorant superbement Severus qui avait pourtant frémi à la dénomination employée.
– Tout dépend de quelle forme vous parlez, fit Harry avec un sourire. Toutefois, vous me devez une nuit avec lui...
– Pas ce soir. Je réclame la préséance pour avoir enfin une soirée où il soit de bonne humeur pour la première fois depuis une semaine. En revanche, demain soir je dois me rendre à Paris pour dîner avec Francis Dorléans. Vous vous souvenez ? Le Ministre de la magie français que nous avions rencontré... Bref. Je risque de rentrer très tard, voire même le lendemain matin.
Harry acquiesça obligeamment de la tête, jubilant tout autant que Lucius de son petit manège, tandis que celui-ci reprenait :
– Je serais également absent vendredi soir, où je dois me rendre à l'opéra avec Daphnée...
Ce fut à son tour de frémir à l'idée que Lucius lui offrait une seconde nuit avec Severus.
– Pour ma part, fit Harry innocemment, je dois passer à Poudlard dans la semaine, et sans doute j'y resterai pour la soirée et la nuit... Peut-être mercredi soir ?
– Je crains que non, regretta Lucius. Mercredi, nous sommes invités à dîner chez Draco et bien entendu, vous viendrez aussi. Passez donc à Poudlard jeudi soir... Il restera samedi et dimanche, nous aurons le temps de voir cela un peu plus tard.
Harry se mordit la lèvre pour contenir son rire devant l'air outré de Severus.
– Au cas où vous l'auriez oublié, Messieurs, je suis encore présent dans la pièce, et doté d'une ouïe plus que correcte, siffla-t-il. Et je ne suis pas une marchandise que l'on s'échange au bon vouloir et aux disponibilités de l'un et de l'autre ! Il me semble que j'ai mon mot à dire, et si cela continue, je crains de n'y être pour personne...
– Allons, Severus, fit Lucius en découvrant vers lui un sourire angélique. Nous convenons aimablement d'une équitable répartition du temps... N'est-ce pas plutôt judicieux et civilisé ? Et je ne vois pas comment je pourrais oublier ta présence alors que tu es le principal sujet de nos conversations et de nos pensées...
Harry acquiesça avec un sourire réjoui tout en restant troublé par les paroles et les aveux de Lucius. Il avait l'art de camoufler une déclaration sincère par une ironie moqueuse qui en réduisait la portée mais pas la vérité.
Severus grogna pour toute réponse, se concentrant sur son assiette et son dîner, tandis que Lucius le contemplait avec une avidité manifeste.
.
.
Harry avait partagé un digestif avec Lucius après le repas, un cognac pour son hôte, un whisky pour lui, mais l'alcool, couplé à sa fatigue et à la pénombre de la salle de cinéma où ils regardaient un film, l'avait rapidement mené à une lourdeur somnolente, puis à un assoupissement prolongé.
Lorsqu'il s'éveilla lentement dans l'obscurité de la pièce troublée par les lueurs changeantes des images sur l'écran, la première chose qu'il remarqua fut sa position allongée sur le canapé, la tête confortablement installée sur un coussin, puis la courtepointe moelleuse dont l'un des deux hommes avait dû le couvrir.
Sur le canapé en face de l'écran, ils étaient à demi allongés également, Severus entre les cuisses de Lucius, adossé contre lui, et leur position intime, lovés l'un contre l'autre, aurait été attendrissante sans le spectacle de pure débauche qu'ils jouaient en silence.
Le pantalon déboutonné de Severus dévoilait une érection puissante, splendide, plus imposante sans doute que ce que Harry avait pu en voir jusqu'à aujourd'hui. Et d'une main habile, Lucius taquinait ce membre dressé, le caressant, tantôt à pleine main, tantôt simplement en l'effleurant du bout des doigts, le menant sur le fil ténu de l'orgasme sans jamais vouloir le libérer. Severus paraissait dur comme de la pierre, vibrant sous les attentions de Lucius qui semblait prendre un malin plaisir à jouer avec lui, ralentissant ses gestes dès que Severus accélérait son souffle ou les crispations de son bassin, reprenant ses frôlements dès que Severus s'éloignait un peu du plaisir.
Harry se sentait parfaitement indécent à les observer ainsi, à leur insu, mais le spectacle était aussi parfaitement excitant. Il se demanda un instant pourquoi Severus restait à ce point figé et à la merci de Lucius, avant de se dire que celui-ci avait dû jeter à son compagnon un quelconque sortilège d'immobilité pour disposer à loisir de son corps et de son plaisir.
Les doigts de Lucius parcouraient toujours ce sexe tendu, s'attardant sur le rebord charnu du gland avec une perversion qui tenait de la douce torture, et il murmurait à l'oreille de Severus une litanie de paroles inaudibles qui rajoutaient à sa fébrilité. Son agitation devint à nouveau plus manifeste et pour empêcher ses halètements de devenir trop sonores, Lucius pressa son autre main sur la bouche de son compagnon, étouffant ce qui aurait pu devenir des suppliques pour atteindre enfin la délivrance.
Severus n'était pas le seul à être dans un tel état d'excitation et Harry n'était pas sûr de pouvoir se contenir beaucoup plus longtemps sans laisser échapper un gémissement de désir.
Lucius écarta à nouveau ses doigts quelques instants, laissant Severus dans un état de frustration proche de la folie, avant de reprendre son sexe à pleine main jusqu'à ce qu'il se répande en longs jets d'un blanc nacré et en râles étouffés par le bâillon sur sa bouche.
Lorsque le corps de Severus se relâcha enfin, Lucius esquissa un geste gracieux de la main pour lancer un sort de nettoyage informulé et Harry sentit dans sa bouche le goût métallique du sang de sa lèvre meurtrie.
.
ooOOoo
.
Le lendemain matin, Harry n'avait croisé Severus que quelques instants dans la piscine de la rotonde avant qu'il ne se prépare pour aller travailler, mais la frustration était compensée par les souvenirs de la soirée précédente et l'anticipation de la nuit à venir.
« Ce soir, tu m'appartiens » avait-il glissé à Severus alors qu'il allait s'échapper après un dernier baiser. Celui-ci avait eu un sourire machiavélique en murmurant « On verra qui appartient à qui... ».
Ces paroles résonnaient encore dans son esprit, promesses de plaisirs futurs, tandis qu'il prenait son petit-déjeuner avec Lucius qui parcourait les journaux du jour. Lorsqu'il fut enfin redescendu sur terre, l'œil amusé de son hôte le fixa longuement avant de devenir plus sérieux.
– Je crains que nous ayons à travailler ce matin, Harry... Je sais que vous voulez garder à part l'héritage d'Andromeda, mais j'ai reçu un certain nombre d'informations de Gringotts et du Ministère au sujet de l'héritage des Lestrange que je n'ai pas pu vous communiquer avant et sur lesquelles nous devrions nous pencher...
– Bien sûr. Je...
– Allons dans mon bureau, voulez-vous...
.
.
Pénétrer dans la vaste pièce de travail de Lucius, si riche et si ornementée, était toujours impressionnant et le sentiment de pouvoir qui s'en dégageait ne pouvait que rappeler qu'il avait été Ministre et restait un homme d'une influence plus que certaine.
D'un geste négligent, il renvoya l'elfe de maison en faction près de la cheminée et, prenant une pile de dossiers sur le secrétaire, s'installa, non pas à son bureau, mais sur la grande table de travail un peu à l'écart, tirant dans le même temps une chaise pour inviter Harry à s'asseoir à ses côtés.
Ils épluchèrent longuement l'inventaire exhaustif de l'héritage que Gringotts lui avait fait parvenir, réfléchissant à ce qu'il convenait de faire. L'argent courant irait directement dans le coffre de Poudlard, mais c'était sans doute la seule chose simple à régler. Les propriétés demandaient à être visitées, fouillées de fond en comble par des Aurors pour en écarter tout élément dangereux, puis mises en vente, après réhabilitation si c'était nécessaire. Les parts de société, les nombreux et surprenants investissements dans le monde moldu seraient clarifiés par un gestionnaire, puis vendus ou cédés à Poudlard. Restaient un certain nombre de biens dont ils ne savaient que faire, des bijoux, des objets, du plus anodin au plus inquiétant, qui demandaient une expertise avant la vente ou la destruction. Il paraissait en tout cas difficile de se passer du concours du Ministère pour passer nombre de choses au crible des détecteurs de sorts et de magie noire.
Harry soupira longuement à cette perspective peu réjouissante sous le regard compatissant de Lucius.
– De toute façon, comme je le supposais, le jugement concernant l'héritage stipule que le Ministère soit informé de son application, Harry...
– Il n'y a vraiment pas moyen d'y couper, soupira-t-il.
– Je crains que non. Nous avons besoin d'eux, ne serait-ce que pour valider le fait que je sois votre mandataire... Il faudra que vous m'accompagniez chez le Secrétaire aux Comptes pour signer une procuration. Je prendrai rendez-vous dès que vous serez disponible...
– Je le suis, affirma Harry sans joie. Faites-le quand ça vous arrange, je m'adapterai...
Lucius rassembla le dossier d'inventaire et contempla d'un œil distrait les armoiries de Gringotts.
– Dans la foulée, je prendrai rendez-vous à la banque pour leur faire part de ce mandat et nous pourrons visiter le coffre par nous-mêmes... Ça nous donnera un premier aperçu des objets dont nous ne savons pas quoi faire.
Harry fronça les sourcils en se reculant sur sa chaise.
– Êtes-vous sûr que cela ne craint rien ?
– Les gobelins sont à même de bloquer bon nombre de sorts et je me défends plutôt bien en magie noire, fit Lucius en grimaçant. Il faudra aussi une date pour présenter votre projet au conseil d'administration de Poudlard... J'aimerais attaquer ce dossier dès la semaine prochaine, Harry. Êtes-vous prêt à tout cela ?
– Je ne suis pas sûr d'avoir le choix, fit-il avec un geste évasif de la main.
Lucius repoussa les parchemins et se tourna légèrement pour lui faire face.
– Comme je vous l'ai dit la dernière fois, votre nom commence à circuler au Ministère, Harry. Entre vos passages à Gringotts, à Sainte-Mangouste, à Poudlard, et même à Pré-au-Lard, certains vous ont reconnu et l'information est remontée jusqu'au Ministre.
Il grimaça au souvenir de cette sortie avec Draco à Pré-au-Lard; le moment avait été plus qu'agréable, mais la photo parue en quatrième page de la Gazette du Sorcier le lendemain l'avait vite fait déchanter. On ne l'y voyait que peu, le photographe s'était concentré sur l'image attendrissante de l'entraîneur des Harpies avec ses filles, mais pour certains qui l'avaient connu autrefois, la ressemblance était frappante.
– Pour l'instant, cette information est restée confidentielle, à ma demande et à celle de Gringotts, et parce qu'il n'est pas dans l'intérêt du Ministre de la dévoiler. Mais s'il ne respire pas l'intelligence, ce n'est pas non plus un enfant de chœur. Si le besoin s'en fait sentir, il n'hésitera pas à vous jeter en pâture à la presse pour éviter un scandale ou une information qui le dérangerait. Votre « retour » est sans doute susceptible d'éclipser bon nombre de dossiers gênants...
– Et vous pensez...
– Comme je vous l'ai déjà dit, je pense que c'est à vous de jouer cette carte-là pour désamorcer la situation. Montrez-vous peu à peu, laissez les journalistes vous reconnaître, répondez à quelques questions, voire organisez une petite conférence de presse pour épuiser leur curiosité, et ils repartiront bien vite sur autre chose que nous leur mettrons sous les dents... J'ai pris assez d'informations sur le Ministre pour lâcher un ou deux scandales s'il me dérange trop. Pour l'instant, il est mon obligé; je lui rends un petit service... Mais je ne lui fais aucune confiance.
Harry ricana doucement à ce discours autoritaire et manipulateur qui ne ressemblait que trop à Lucius.
– Hier, vous aviez rendez-vous avec le Ministre et ce soir, vous dînez avec le Ministre français... C'est le genre de petit service que vous rendez ?
– C'est possible, concéda Lucius avec un sourire. Même si Francis est avant tout un ami de longue date. Les élections en France approchent...
– Et vous transmettez le soutien du Ministre anglais ?
– Je transmets les amitiés et le bon souvenir d'Augustus Rowle à Francis. C'est un service qui ne me coûte rien et qui me rapporte beaucoup. Francis et moi partageons beaucoup d'intérêts communs... Et le maintien en poste de Rowle n'en est pas un !
Lucius eut un sourire retors avant d'éclater de rire à sa grimace de dégoût devant ces tractations manipulatrices.
– Assez parlé politique ! fit-il en se levant pour aller porter les dossiers concernant l'héritage sur son bureau. Venez...
Harry se leva à son tour et le suivit dans le couloir en direction de la véranda.
– Avez-vous repensé à ma proposition de vous installer au Manoir, Harry ?
Le brusque changement de conversation le surprit mais il n'en attendait pas moins de Lucius.
– Ôtez-moi d'un doute... En réalité, vous n'en aviez pas parlé à Severus auparavant, n'est-ce pas ?
– C'est possible, avoua Lucius en s'arrêtant devant une porte en face de la salle de jeux des filles de Draco. Mais je le connais assez pour savoir même ce qu'il ne dit pas... En revanche, vous, vous lui en avez parlé ! Et que vous a-t-il dit ?
– Que vos manœuvres étaient dignes d'un Serpentard !
Lucius éclata d'un rire très spontané qui dénotait avec son maintien habituellement si maîtrisé et impassible. Harry appréciait d'autant plus cette liberté devant lui qu'elle était presque attendrissante.
– C'est un compliment ! fit Lucius en ouvrant la porte qui donnait sur un vaste salon aux rideaux tirés. Mais en tout état de cause, il n'a pas semblé se plaindre de mes manœuvres hier soir...
Harry sourit largement au souvenir des pratiques de son hôte dans la salle de cinéma, qu'il avait observées en toute indiscrétion sous couvert d'un sommeil feint. Il ne savait pas si Lucius parlait réellement de cela à demi-mots, mais en tout cas, lui ne pensait qu'à ça.
– Effectivement. Son « enthousiasme » à vos agissements était plus qu'éloquent, même si je doute que ma présence y soit pour quelque chose.
Lucius se tourna lentement vers lui, le regardant d'un œil nouveau en comprenant qu'il n'avait rien perdu de ce petit spectacle ô combien lubrique et tentateur.
– Détrompez-vous, s'amusa-t-il. Même si Severus n'en a pas besoin, la présence d'un tiers est toujours... stimulante.
– Je ne sers donc qu'à pimenter vos jeux sexuels ? fit Harry en affectant un air offusqué.
– Vous savez bien que cela va bien au-delà du simple plaisir charnel, répondit Lucius en s'approchant des fenêtres pour ouvrir en grand les rideaux. Severus a pour vous des sentiments profonds; les mêmes que vous avez pour lui... Eh bien. Que pensez-vous de cette pièce, Harry ?
.
oooooo
.
La journée fut douce et agréable, même si Harry n'attendait à vrai dire que la soirée qui allait suivre. Pendant que Lucius travaillait dans son bureau, il erra tranquillement de pièce en pièce, savourant la quiétude des salons, de la bibliothèque, des vérandas, et s'attardant à l'envi sur chaque élément, la sculpture posée sur cette cheminée ou bien le tableau présent sur un mur, découvrant des détails auxquels il n'avait jamais prêté attention.
Chaque pièce avait son âme, et son charme, et il avait également des souvenirs dans chacune d'elles, doux et agréables pour la plupart. La demeure lui faisait de plus en plus l'impression d'un cocon protecteur et familier dans lequel il aimait s'attarder. Il s'y sentait bien, confortable, et vivre là ne lui aurait pas déplu, malgré le luxe ostentatoire qui lui correspondait si peu. La sérénité qu'il ressentait tenait davantage à la présence de ses hôtes, à la tranquillité de la vie qu'ils menaient et à la paix de leur relation.
Ses pas le menèrent lentement vers la véranda et sa vue sur les jardins. Il avait envie de répondre favorablement à la proposition de Lucius mais quelque chose comme de la pudeur et une crainte de perdre sa liberté le retenaient.
Même s'il aimait cette maison, il lui paraissait improbable de jamais s'y sentir « chez lui », bien qu'il ne sache pas vraiment ce que voulait dire cette expression. Il n'avait jamais eu d'endroit qu'il aurait pu appeler ainsi. Même son passage à Poudlard s'était résumé à un lit dans un dortoir. Et sa maison dans la forêt, quand il y était retourné pendant quelques jours, lui avait laissé l'étrange impression d'un lieu familier mais sans vie, dont l'âme avait disparu.
En vérité, il ne serait jamais ici chez lui parce qu'il n'appartenait à aucun lieu. Sa liberté ultime était là : il n'était de nulle part, ni de personne. Partout où il poserait son sac, son cœur ou son âme, serait un chez lui temporaire jusqu'au prochain, si prochain il y avait.
Il n'avait rien à craindre pour sa liberté en tout état de cause; quant à sa pudeur à user ainsi des biens et de la disponibilité de ses hôtes, il lui faudrait sans doute faire un petit travail sur lui-même.
Harry ricana à cette idée en rejoignant le Petit Salon. Lucius y buvait un thé en feuilletant tranquillement un livre d'art quand Severus était rentré de la Librairie, d'assez bonne heure pour une fois. Les deux hommes échangeaient à présent un long baiser de plus en plus fougueux qui aurait pu dégénérer s'il n'était entré dans la pièce à ce moment-là. Ils ne se séparèrent qu'à regret, peu soucieux d'être ainsi observés, jusqu'à ce que Severus ne se retourne pour venir le saluer et l'embrasser rapidement.
Ainsi, plus rien ne se fait sous le sceau du secret, songea-t-il...
Ils discutèrent tous les trois un assez long moment, le plus naturellement du monde, et il lui sembla que les deux hommes ne réfrénaient plus aucun geste de tendresse face à lui. Le peu qu'il avait vu jusqu'à maintenant, et qui était déjà bien plus que ce que Draco n'avait vu en bien des années, n'était rien par rapport à la liberté qu'ils s'accordaient à présent devant lui, à la fois surprenante et si naturelle.
Au bout d'un moment, Harry ressentit le besoin de les laisser seuls et il s'éloigna dans le couloir. Lucius n'allait sans doute pas tarder à partir et il pouvait bien les laisser ensemble quelques instants puisqu'il allait profiter de Severus jusqu'au lendemain.
.
Avec une retenue pudique, il entra dans la pièce que Lucius lui avait montrée le matin même. Le salon était vaste et il le paraissait d'autant plus qu'il était à peine meublé, à l'exception d'un secrétaire contre un mur et d'un unique fauteuil devant la cheminée de marbre. Le parquet de bois sombre était magnifique, tout comme le plafond orné de moulures de stuc qui formaient des décors à la française de toute beauté. Tout ça correspondait si peu à ce qu'il avait envie d'en faire si Lucius lui autorisait vraiment la jouissance de cette pièce... En vérité, Lucius l'avait déjà fait; seules ses propres incertitudes le retenaient encore d'accepter et de se lancer.
Severus le trouva là, plongé dans ses pensées, et vint l'enlacer avec tendresse.
– Lucius est déjà parti ?
– Se changer avant d'y aller. Mais il ne va pas tarder...
D'un coup d'œil circulaire, Severus jugea de la pièce quasiment vide avant de demander :
– Que vas-tu en faire ?
Harry vint poser sa joue contre l'épaule de son amant, souriant doucement. Cette simple question était une telle acceptation...
– Je ne suis pas encore parti, Messieurs ! ricana Lucius en les trouvant ainsi enlacés.
Harry se retourna brusquement, prêt à répliquer avec une répartie moqueuse lorsque les mots s'envolèrent de son esprit, le laissant presque bouche bée.
– Vous êtes... magnifique ! souffla-t-il enfin tandis que Lucius éclatait de rire et que Severus fronçait légèrement les sourcils.
Il avait noué ses longs cheveux en une tresse lâche retenue par un ruban de soie et portait un costume gris moiré qui, selon la lumière qui tombait sur le tissu, adoptait des reflets bleus irisés. La veste un peu longue, dont les pans à l'arrière lui descendaient jusqu'à mi-cuisse, lui cintrait la taille d'une manière très attractive, voire suggestive. L'ensemble, sans parler du gilet assorti, ou du pantalon qui moulait agréablement ses cuisses et ses fesses, était d'une élégance folle, presque indécente.
– Puis-je ? fit Lucius en tendant la main vers Severus comme s'il lui demandait de lui accorder une danse.
Severus s'éloigna de Harry pour enlacer son compagnon et l'embrasser, avant de lui murmurer à l'oreille quelques paroles qui le firent éclater de rire.
– Je vous laisse, Messieurs, fit Lucius avec un large sourire. Passez une bonne nuit !
.
oooooo
.
Ils avaient dîné en tête à tête dans la Salle à Manger. Ce n'était pas la première fois, mais c'était la première fois que c'était ainsi prévu, qu'ils étaient délibérément seuls. Auparavant, c'était Lucius qui avait sauté le déjeuner ou le dîner parce que trop absorbé dans ses dossiers, ou bien eux qui avaient manqué l'heure du repas parce que trop occupés à batifoler. Cela avait été fortuit.
Ce soir-là, cela lui faisait l'effet d'un rendez-vous galant, d'un dîner romantique en tête à tête... Il ne manquait plus que les chandelles que les elfes de maison avaient eu la décence de ne pas allumer. Harry ricana intérieurement à ses pensées trop fleur bleue pour être avouables, mais ce sentiment d'un moment privé et privilégié restait délicieusement présent.
La soirée tranquille qu'ils passèrent dans le Petit Salon lui laissa la même impression. En savourant un verre devant la cheminée, la conversation dériva doucement sur les années que Harry avait passées en Asie. Il se confia quelque peu sur ses apprentissages au Tibet, l'appréhension d'une autre médecine et le sentiment de distance et de sérénité qu'il avait ressenti là-bas. Lucius et Severus étaient passés dans cette région du monde également, durant leurs nombreux voyages une fois que Lucius eut quitté le Ministère. Pas assez longtemps au goût de Severus malgré tout, et Harry sentit passer en filigrane dans leur conversation l'envie de partir en voyage ensemble... Son amant n'était pas tant attaché au luxe et au confort que Lucius, mais il était davantage avide de découverte et d'une curiosité insatiable.
L'idée était plaisante mais elle avait ce je ne sais quoi d'interdit ou d'indécent pour le moment...
Harry s'était lové contre Severus et ses pensées vagabondaient sur ce que pourrait être un séjour lointain, à deux, ou à trois avec Lucius, le dépaysement d'un palais indien, d'un temple japonais ou d'une simple maison longue du village où il avait vécu... Le bras autour de ses épaules se resserra soudain pour le maintenir tandis qu'il s'assoupissait un peu plus et Severus décréta qu'il était temps d'aller se coucher.
.
.
La chambre de Harry s'imposa naturellement, sans réfléchir. Ils avaient déjà passé du temps ici ensemble et cela sembla évident. Severus s'absenta quelques instants dans celle qu'il partageait avec Lucius pour aller se préparer pour la nuit et se déshabiller. Lorsqu'il revint, simplement vêtu d'un boxer et de son kimono de soie noire, Harry s'était déjà glissé entre les draps après être passé rapidement dans sa salle de bains.
Severus quitta son kimono qu'il laissa au pied du baldaquin et le rejoignit dans la tiédeur du lit, rapidement assailli par Harry qui revint se blottir dans ses bras et chercher le contact de sa peau.
Il était nu, comme toujours pour dormir, mais il n'avait pas envie de sexe et peu importe ce que Severus penserait de cette première nuit ensemble si étonnamment chaste. Harry ne souhaitait de ces moments que cet ordinaire dont il manquait tant, les petites habitudes d'une vie à deux qui lui faisait défaut, la chaleur d'un lit partagé et cette présence constante et douce.
Il s'endormit rapidement dans la tendresse de l'étreinte de Severus, inconscient de son sourire amusé et de sa légère frustration.
.
Malgré tout, son sommeil fut agité et il passa la nuit à vérifier la présence de Severus, tâtant inconsciemment les draps de sa main jusqu'à sentir sa peau et revenir se lover contre lui.
Harry n'avait pas l'habitude de dormir avec quelqu'un. Il ne l'avait plus fait depuis... Axaya, et avant cela Charlie, quelquefois, pendant son séjour en Roumanie. Le moindre mouvement de Severus le faisait sursauter dans un demi-sommeil, sa respiration, même les battements de son cœur lorsqu'il posait sa main sur sa poitrine, le surprenaient et il ne parvint à s'apaiser réellement que lorsque Severus l'emprisonna dans ses bras, le serrant fermement contre lui.
.
Il faisait encore sombre lorsque Severus s'éveilla pour de bon et la seule clarté qui filtrait à travers les rideaux était celle de la lune, découpant la silhouette des meubles en ombres blanches ou noires fantomatiques. Harry dormait toujours, enfin calme, et il distinguait sans peine le visage détendu de celui qu'il tenait entre ses bras. S'il l'avait pu, Severus aurait voulu capturer cet instant pour le garder précieusement et se le repasser à loisir, intact, plus fidèle qu'un simple souvenir, dévoilant toute la beauté du jeune homme et l'ampleur des sentiments qu'il ressentait à son égard.
.
Harry sentit peu à peu à travers sa conscience émergente la main qui caressait lentement sa peau, son épaule, son dos et jusqu'à sa hanche, les baisers légers parsemés sur sa nuque et il distingua enfin l'érection de Severus qui se pressait contre ses fesses, encore contenue par le fin tissu du sous-vêtement de son amant. Il sourit largement dans la pénombre, grisé par ce réveil alléchant. Cela aussi faisait partie de ce qu'il enviait à Lucius : ces moments impromptus au bout de la nuit, où le désir devenait plus fort que le sommeil.
Harry se laissa aller sur le ventre et ils firent l'amour lentement, comme si la somnolence issue de la nuit exigeait de prendre son temps, de s'éveiller avec douceur au désir et à la sensualité. Puis à mesure que l'excitation grandissait et l'éloignait du sommeil, Harry retrouva son espièglerie et se retourna, clouant Severus sur le dos. Avec une indécence à la limite de la provocation, il s'installa à genoux de part et d'autre de son amant et descendit lentement son bassin pour s'empaler peu à peu sur le sexe perlant de désir.
Il montait et descendait avec une lenteur exquise, sans quitter le regard de Severus, profitant de la liberté de ses mains pour caresser le torse puissant et torturer délicieusement les tétons durcis, jusqu'à lui arracher des gémissements impudiques qui faisaient bouillir son sang et ravageaient son esprit. Quand il eut arraché à Severus un orgasme à lui faire perdre la tête, Harry se retira en douceur et lui remonta les jambes pour le pénétrer à son tour, sans souci du sperme qui coulait le long de sa cuisse, jusqu'à se déverser à son tour dans les profondeurs de son amant.
Il s'effondra sur le torse luisant de sueur de Severus, sans même prendre la peine de se retirer ou de les nettoyer, et s'enfonça dans une torpeur voluptueuse à mesure que ralentissait son souffle. Severus n'était pas dans un meilleur état que lui mais l'étreinte de ses bras et ses caresses dans son dos témoignaient d'une douce gratitude.
Ils se rendormirent aux premiers rayons du soleil; même Severus qui préféra la tendresse de sa présence à des longueurs solitaires dans la piscine.
.
.
N'ayant perçu aucun signe du retour de Lucius, ils paressèrent au lit jusqu'à ce que l'agacement de l'inactivité et la faim ne les en tirent. Après une douche rapide – parce que chaste – ils descendirent à la Salle à Manger, quoique l'idée honteuse de se faire servir le petit-déjeuner au lit ait traversé l'esprit de Harry...
Lucius rentra alors qu'ils remontaient de la piscine, aussi radieux que la veille à son départ bien qu'il ait revêtu un costume plus simple et plus sobre, quoique de la même élégance aristocratique.
– Eh bien ! Je connais une librairie qui va faire faillite rapidement si cela continue ! ironisa-t-il.
Avec un regard gourmand, il jugea de l'état de Severus puis, satisfait, s'avança pour l'enlacer. Sans aucune vergogne, les deux hommes s'embrassaient devant Harry, Lucius glissant peu à peu d'un baiser dominateur et possessif à davantage de tendresse et de douceur. Pour finir, il relâcha lentement les lèvres de Severus, s'écarta, non sans garder un bras glissé autour de sa taille, et les invita à venir prendre le thé avec lui.
Ils s'installèrent pour une fois dans la véranda, dont l'atmosphère chaude paraissait un bain de douceur, et Harry s'allongea à demi dans un fauteuil qu'il avait légèrement tiré dans les rayons de lumière qui traversaient les baies vitrées. La caresse du soleil sur sa peau était un vrai délice; moins que les mains de Severus, mais un bonheur tout de même.
Il avait bien compris à l'attitude de Lucius, qu'une fois celui-ci revenu, Severus ne lui appartenait plus. L'aristocrate avait repris possession du corps de son compagnon, de son temps, de sa présence, et Harry n'avait plus qu'à patienter jusqu'au prochain moment volé ou la prochaine nuit qu'il lui accorderait.
Il n'arrivait pas à s'en formaliser, tout en trouvant l'attitude de Lucius légèrement déplacée et manquant de subtilité, presque brutale. Mais en réalité, chacun, lui compris, arrivait à tâtons dans cette situation nouvelle et ambiguë, cherchant sa place, ses propres limites et celles des autres. Dans quelques jours ou quelques semaines, tout cela serait sans doute plus fluide et moins tranché.
Un sourire tranquille effleura ses lèvres en réalisant qu'il se projetait à présent dans un futur prochain, ici, avec eux, comme une évidence. Et sans inquiétude.
.
Sur le petit canapé de velours de la véranda, Lucius et Severus étaient assis l'un à côté de l'autre, si près que l'un aurait pu croiser sa jambe sur celle de l'autre sans que cela soit choquant. Et le bras que Lucius avait posé sur le dossier du canapé, s'il n'était pas sur les épaules de Severus, en avait la même signification.
Mais ils étaient beaux ainsi, presque enlacés, l'un brun et sombre, l'autre si blond et lumineux... Harry sourit à nouveau en les observant se retrouver avant de fermer les yeux pour savourer les rayons du soleil qui réchauffaient doucement son corps.
.
.
Au bout d'un moment, il s'obligea à se redresser pour boire une autre tasse de thé avant de se laisser emporter par la somnolence et les chuchotements des deux hommes.
– Pas assez dormi ? ricana Lucius en voyant son compagnon étouffer un bâillement.
Severus grogna un instant avant de jeter un regard sombre vers Harry.
– C'est certain, mais pas pour les raisons que tu crois. Cet... énergumène a passé la nuit à s'agiter, à tourner et virer dans les draps en cherchant sans arrêt si j'étais bien là et si je ne m'étais pas échappé.
Harry se réveilla tout à fait aux paroles de son amant et sortit de sa torpeur avec un sursaut d'indignation.
– Je te secouais pour faire taire tes ronflements ! grinça-t-il avec aplomb malgré le mensonge flagrant.
– Je doute que vous ayez jamais entendu Severus ronfler, je le pratique assez pour être certain de cela, fit Lucius avec un sourire narquois.
Puis se tournant vers son compagnon, il ajouta :
– C'était prévisible, il sera sans doute moins inquiet la prochaine fois !
Harry ne put s'empêcher de rougir furieusement devant l'ironie, sous le regard surpris de son amant. Il se souvenait parfaitement que Lucius avait employé exactement les mêmes mots en parlant de la réaction de Severus à son absence, et comparer ainsi son sommeil agité à l'angoisse de Severus était... indécent, et malvenu, et mensonger !
– C'est un coup bas ! marmonna-t-il tandis que Lucius se réjouissait de son embarras. Je n'ai simplement pas... l'habitude de dormir avec quelqu'un.
Son aveu devait avoir quelque chose de touchant car le regard des deux hommes changea aussitôt, se faisant plus doux et plus attentif. Harry grogna à nouveau, détournant les yeux de peur d'y voir un semblant de pitié.
– Et ta soirée ? demanda Severus qui sentit peut-être l'utilité de changer de conversation.
– Merveilleuse ! s'exclama Lucius en retrouvant un ton enjoué. Nous avons excellemment bien mangé ! Dans un restaurant fabuleux où il faudra que je vous emmène...
Le pluriel de sa phrase était une promesse qui réchauffa le cœur de Harry et il se surprit à penser avec envie à une nouvelle sortie comme celle qu'ils avaient faite à Paris.
– ...la carte était divine, poursuivit Lucius avec un large sourire. Et les vins !... Francis est aussi gourmet que moi et je pense qu'il doit connaître les meilleurs restaurants de Paris sur le bout des doigts ! On devrait y aller plus souvent, tu ne crois pas ?
– Tu as dormi où finalement ? interrogea Severus en fronçant légèrement les sourcils. À l'hôtel ?
– Non. Au Palais de l'Elysée. Toute une aile est dévolue au Ministère et en plus des bureaux, des salons et des pièces de réception, il y a plusieurs appartements, dont ceux de Francis...
Harry se retint de rire devant l'air de plus en plus sombre de Severus et sa jalousie manifeste dont Lucius jouait à l'évidence fort bien.
– … et ceux où j'ai dormi ! ajouta-t-il précipitamment en le voyant sur le point d'exploser.
Lucius éclata de rire devant le regard flamboyant de son compagnon qui ne l'entendait pas de cette oreille. Une main nerveuse se glissa dans les cheveux blonds, obligeant Lucius à renverser la tête en arrière et Severus prit possession de ses lèvres avec la ferme volonté de leur faire passer l'envie d'embrasser quelqu'un d'autre.
Harry gloussa avec amusement. C'était intéressant de voir ainsi les relations s'inverser entre eux. Il avait toujours cru Lucius plus autoritaire et dominateur, montrant sans ambages ses droits sur la disponibilité et le corps de son compagnon, le marquant à l'envi, affirmant sa main-mise jusque devant lui mais ça n'était sans doute qu'une fausse impression. Ils étaient aussi possessifs et intransigeants l'un que l'autre, mais Severus n'éprouvait pas le besoin de le montrer autant. Il était davantage dans une assurance tranquille, une certitude flegmatique et son besoin de se réaffirmer ne s'éveillait que lorsque la jalousie le démangeait.
Avec étonnement et une pointe d'inquiétude, Harry se demanda comment il allait réussir à se glisser entre eux sans dommages. Leur fusion orageuse était telle qu'il ne paraissait pas y avoir de place pour lui, et le fait que Lucius soit capable de tolérer qu'il passe du temps avec Severus le surprenait encore davantage.
– On dirait que Severus ne goûte pas mon humour, lui fit Lucius avec un clin d'œil, le prenant à partie quand son compagnon eut relâché son étreinte et ses lèvres.
– Je préfère goûter autre chose de toi ! marmonna Severus, toujours aussi contrarié.
Lucius éclata de rire avant de se lever en posant une main ferme sur la cuisse de son compagnon.
– Allons déjeuner ! Vos idées perverses creusent mon appétit !
Harry échangea un bref regard avec Severus et ils protestèrent de concert, arguant de leur innocence et de son esprit dépravé.
.
.
Lucius feuilleta rapidement les journaux du jour avant de venir s'asseoir avec eux à la table du déjeuner.
– Et qu'est-ce qui t'a fait rentrer si tard ce matin ? interrogea à nouveau Severus, loin d'abandonner son interrogatoire.
– La politique, Severus...
Harry admirait en silence le sourire patient mais non dénué d'ironie de Lucius.
– C'est-à-dire ?
– C'est-à-dire qu'après avoir discuté jusqu'au beau milieu de la nuit, et avant de nous endormir l'un sur l'autre, Francis et moi sommes allés nous coucher fort tard, et du coup le petit-déjeuner que nous avions prévu à Bruxelles s'est transformé en collation matinale...
– Bruxelles ?! fit Severus en fronçant les sourcils.
Lucius sembla réfléchir un instant à la possibilité de continuer à taquiner la jalousie de son compagnon, avant de finalement renoncer en haussant les épaules.
– Je devais y voir Mandy...
– Mandy ?! Ton âme damnée ?
Harry haussa un sourcil de surprise devant le terme employé par Severus tandis que Lucius se tournait vers lui.
– Mandy est mon ancienne secrétaire quand j'étais Ministre. Et accessoirement mon homme de confiance, ce qui a toujours rendu Severus un peu jaloux. Elle travaille maintenant pour le Conseil Sorcier Européen...
Harry surprit le regard méfiant de Severus envers son compagnon mais le sujet fut clos sans un mot de plus.
.
.
Avec discrétion, du moins il l'espérait, Harry étouffa un énième bâillement derrière sa tasse de thé, mais ce ne fut pas assez naturel pour échapper à Lucius qui afficha un sourire plus qu'amusé.
– Par Merlin, mais il n'y en a pas un pour rattraper l'autre ! Prenez un café ou allez faire une sieste, messieurs ! Je refuse d'emmener ce soir chez Draco deux belles au bois dormant incapables de tenir une conversation !
Harry ne se fit pas prier pour prendre congé des deux hommes et s'échappa vers sa chambre pour un sommeil réparateur.
La question de la soirée chez Draco le perturbait cependant. Tout à sa joie de passer une nuit avec Severus, il avait complètement occulté ce léger détail, mais à présent, il lui paraissait tout à fait inconvenant de débarquer chez le jeune homme, fut-il son ami, sans avoir été personnellement convié. Il savait que cela ne partait, de la part de Lucius, que d'une bonne intention, mais il ne pouvait tout de même pas s'imposer comme cela, surtout après la réaction de Draco la dernière fois qu'ils s'étaient vus. Ils n'avaient pas eu l'occasion de reparler des souvenirs que Harry lui avait montrés et il ne voulait pas risquer de le mettre mal à l'aise avec ce silence plein d'enjeux entre eux.
Prenant un parchemin vierge et une plume dans le secrétaire de sa chambre, il écrivit rapidement quelques mots, puis transplana dans les cuisines, provoquant des cris d'effroi et de surprise de la part des elfes. Il n'avait aucun moyen de joindre Draco, ne savait pas même où il habitait, ni l'adresse de sa cheminée, et il n'avait de toute façon pas de poudre de cheminette. Il n'avait pas plus de chouette que de hibou pour transmettre son courrier, et il ne voulait pas se résoudre à demander l'aide de ses hôtes, de peur qu'ils ne devinent son intention. Sky, elle, saurait comment joindre son jeune maître.
– La volière est dans les jardins, Monsieur, répondit-elle à sa question informulée. Hors de la vue des Maîtres. Ce sont les elfes du Manoir qui se chargent du courrier et de faire partir les hiboux. Sky va s'en charger personnellement, Monsieur...
– Merci, Sky. Je suis ton obligé, fit-il tandis que l'elfe s'inclinait jusqu'au ras du sol. S'il y a une réponse, fais-la moi porter directement dans ma chambre.
– Bien, Monsieur.
Enfin rassuré, Harry transplana dans sa chambre. Tranquillement, il déboutonna sa chemise et la laissa tomber au sol, rapidement suivie par son pantalon et il se glissa avec délice entre les draps frais et soyeux. Il avait à peine réchauffé sa place que la porte de sa chambre s'ouvrit brusquement, laissant passer un Severus sombre qui se déshabilla en un tour de main et vint le rejoindre dans le lit.
– Mmh, marmonna-t-il dans un demi-sommeil en sentant les bras de son amant se refermer sur lui et son corps se presser contre le sien. Je voulais vraiment dormir, Sev...
– Moi aussi, lui répondit une voix dure. Tais-toi.
.
.
– Qu'est-ce qui t'a amené à te coucher si grognon tout à l'heure ? interrogea doucement Harry quand Severus relâcha ses lèvres.
Ils n'avaient dû dormir qu'un peu plus d'une heure avant de se réveiller dans les bras l'un de l'autre, leurs jambes entremêlées.
– Rien. Ou besoin de dormir un peu peut-être. Rien d'important, je t'assure, affirma-t-il devant son regard suspicieux.
– Quelque chose à voir avec cette Mandy ? hasarda Harry.
– Pas maintenant. S'il-te-plaît.
Harry hocha lentement la tête. Même si la curiosité le taraudait, il ne pouvait qu'accepter la requête de Severus, qui semblait aussi peu enclin que lui à se confier sur certains éléments. Il posa sa main sur la joue de son amant afin de tourner son visage vers lui et l'embrassa doucement. Severus ferma les yeux et se laissa emporter par le baiser, brusquement interrompu par un craquement sonore.
Au milieu de la chambre se tenait Sky, un parchemin à la main, tétanisée quand elle réalisa son irruption inopportune. Harry se redressa précipitamment, inquiet à l'idée de ce qu'elle pourrait faire pour se châtier de sa maladresse.
– Tout va bien, Sky. Il n'y a aucun mal, dit-il rapidement en ayant l'impression de marcher sur des œufs. C'est moi qui t'ai demandé de venir directement dans ma chambre. Tu n'as rien fait de mal.
L'elfe rondelette resta encore figée quelques secondes, en proie à un vif débat intérieur, avant de tendre son parchemin d'une main tremblante en s'inclinant plus bas que terre.
– Monsieur...
– Tout va bien, Sky, répéta-t-il. Je te remercie. Tu as fait ce qu'il fallait.
Elle disparut aussitôt qu'il eut récupéré le parchemin tandis que Severus ricanait depuis le lit. Sur la propre lettre qu'il avait écrite à Draco, celui-ci n'avait rajouté que trois mots écrits avec colère « Amène-toi, idiot ! ». Il éclata de rire, vaguement soulagé par la réaction claire et nette de Draco avant de faire disparaître le parchemin et de rejoindre Severus.
– Ainsi donc, on utilise les elfes du Manoir pour ses besoins personnels ? ironisa-t-il.
Harry s'étrangla légèrement en réalisant que son amant venait d'être témoin de son usage indélicat des serviteurs de la maison et sa gêne fut plus que perceptible, tandis que Severus affichait un sourire moqueur.
– Je...
– Ne t'inquiète pas pour ça, fit-il plus doucement. Je sais que les elfes ont reçu des consignes à ton sujet. Et comme tu le dis si bien « Il n'y a aucun mal » !
Severus le reprit dans ses bras pour atténuer la moquerie de ses propos, mais Harry se redressa, surpris.
– Des consignes ?!
– Connaissant Lucius, il a dû leur dire quelque chose comme d'obéir à tes moindres désirs et de te considérer comme un membre à part entière de la maison...
Merci à ceux qui commentent ou qui mettent en favori. N'hésitez pas à laisser un commentaire pour me faire part de vos impressions...
Au plaisir
La vieille aux chats
