Résumé: Harry hésite encore à accepter la proposition de Lucius de s'installer définitivement au Manoir et se rend compte petit à petit qu'il n'envisage même plus de partir. Mais la situation, entre l'héritage, le manque de temps avec Severus, ses doutes et ce qu'il a encore du mal à lui confier, reste pesante. Après une soirée avec Matthieu, il accepte finalement de l'accompagner à la boutique des frères Weasley et d'assumer son retour à la vie publique.
Harry sortit de la douche avec une sensation de confort et de bien-être rare. L'eau, le savon et le shampoing avaient effacé les dernières brumes d'alcool, car, quoiqu'il en ait dit à Matthieu, il n'était pas sorti indemne de leur soirée, même si ce n'était rien en comparaison de la gueule de bois et de la migraine du jeune professeur. Et bien que la nuit ait été courte, il avait très bien dormi dans les bras de Matthieu; peut-être même davantage que dans ceux de Severus. Forcément un effet secondaire de l'alcool ! Et il souhaita bien vite que son amant n'en sache jamais rien !
En descendant au rez-de-chaussée, il perçut l'écho d'une conversation dans le bureau de Lucius. La voix suave et légèrement traînante du maître de maison et une autre qu'il ne connaissait pas, grave et mélodieuse tout à la fois, et dont le rire chaud était très agréable à l'oreille.
Harry s'installa au Petit Salon et se plongea dans la lecture des journaux du jour, cherchant inconsciemment si aucun article ne faisait mention de son identité ou de son retour. Il n'y trouva rien le concernant, la Gazette étant visiblement plus préoccupée par la fin de la saison de quidditch et le prochain match des Harpies. Une photo de Draco avec les joueuses de son équipe s'étalait d'ailleurs en pleine page, tous plus souriants les uns que les autres.
En cherchant attentivement, il finit par reconnaître Angelina Johnson, Alicia Spinnet et Katie Bell dont les yeux brillants de malice pétillaient encore à travers la photo. Elles avaient à la fois beaucoup et peu changé, comme Draco, comme lui aussi sans doute... L'âge leur avait donné de la maturité et les traits de leurs visages s'étaient affirmés tout en conservant encore leur jeunesse.
Il s'attarda davantage sur l'ancienne compagne de Luna, les mêmes cheveux châtains mi-longs, le même visage un peu anguleux qui dégageait une grande beauté tout autant qu'une forte personnalité. Simplement à la voir, il comprenait sans peine que leur relation ait pu être agitée !
– Draco nous a invités au prochain match des Harpies..., fit derrière lui la voix traînante de Lucius.
Harry se leva d'un bond, surpris. Il n'avait pas entendu la porte du bureau, ni les pas dans le couloir et il était pris en flagrant délit de... faire comme chez lui ? Lucius sembla en tout cas ne lui en tenir aucune rigueur et le prit dans une étreinte chaleureuse pour le saluer.
Après la façon dont ils s'étaient quittés la dernière fois, son amertume à passer si peu de temps avec Severus et la manière dont il s'était défait puis enfui de l'étreinte déroutante de Lucius, Harry avait craint leurs retrouvailles. Mais son hôte se comportait comme à l'accoutumée, souriant et chaleureux, aussi affable qu'il était possible de l'être. En réalité, il était toujours accueilli au Manoir comme si tout était évident et comme s'il s'était absenté à peine cinq minutes, la continuité des choses prenant le dessus sur l'étrangeté de la situation.
– Vous y allez tous les deux ? fit-il en se rasseyant.
La perspective d'une soirée en solitaire se profilait à l'horizon mais après tout, les deux hommes avaient bien le droit de sortir sans lui.
– Si je dis « nous », c'est qu'il nous a invités tous les trois, Harry, le sermonna Lucius du même ton qui lui servait à gronder ses petites filles.
– Oh ! fit-il bien plus réjoui. Et c'est quand ?
Un vrai match professionnel ! Il n'en avait pas vu depuis... sa dernière année à Poudlard, et les Harpies étaient une des meilleures équipes du pays ! Pour un peu, il en aurait battu des mains !
– Merlin ! On dirait un gosse à qui on a promis une surprise ! se moqua gentiment Lucius. Le week-end prochain. Le samedi vers dix-huit heures je crois... Draco nous a réservé une loge privée ce sera plus discret pour vous...
– Peu importe, fit Harry avec un sourire. Il faut bien que cela se passe...
Assis sur le canapé, les jambes croisées, Lucius l'observait avec ce petit sourire rusé et calculateur qu'il avait souvent.
– Ça y est, vous avez pris votre décision ? Vous réapparaissez sous votre vrai nom ?
– Oui. Si je vis à demeure en Angleterre, je ne vais pas éternellement me cacher et vivre dans l'angoisse permanente d'être découvert... Advienne que pourra !
– Fort bien, fit Lucius avec un demi-sourire. Parce que nous avons rendez-vous à Gringotts et au Ministère mercredi et je ne sais pas si le secret aurait tenu bien longtemps. Ça me permet d'avoir un peu plus de marge de manœuvre...
Harry voyait presque les pensées se bousculer dans l'esprit de l'aristocrate, calculant et prévoyant la façon dont il allait mener les choses et manipuler la presse.
– Si vous êtes sûr de vous, je ferai peut-être même fuiter l'information dès mardi, comme ça l'effervescence médiatique aura lieu en fin de semaine. Une sortie publique le samedi au match, une conférence de presse si nécessaire au début de la semaine suivante et d'ici quinze jours, je ferai en sorte que les journalistes se calment...
– Je vous laisse gérer ce genre de choses, fit Harry en éclatant de rire. Je ne suis pas pressé d'y être, mais je serai content quand tout sera fini ! Et si besoin, je peux vous aider à ébruiter la nouvelle : je dois aller sur le Chemin de Traverse lundi...
Voir Fred et Georges... Charlie était trop loin pour compter, Bill et Percy n'avaient pas été aussi proches de lui, mais il resterait Molly... et il n'avait pas très envie qu'elle apprenne son retour par les premiers articles de presse. Cela l'obligeait à affronter presque coup sur coup, ou à quelques heures d'écart, les jumeaux et la matriarche Weasley.
S'ensuivraient les rendez-vous incontournables à la banque et au Ministère pour l'héritage et le tumulte médiatique tout aussi incontournable. Les deux semaines à venir s'annonçaient pesantes et désagréables, et Harry grimaça en imaginant ce qui l'attendait.
– Vous avez encore quelques jours pour profiter du calme du Manoir, fit Lucius avec un sourire compatissant. Et toute la soirée pour profiter de Severus !
Malgré le ton taquin de Lucius, Harry fronça les sourcils à l'évocation de son amant et glissa un œil sur la pendule de la cheminée.
– Doit-il rentrer pour le repas de midi ?
– Je ne sais pas, fit Lucius surpris. Je suppose, oui.
– En ce cas, je pense que je resterai pas à déjeuner avec vous.
Cette fois, le visage de Lucius se tendit nettement et ses yeux gris prirent une nuance plus sombre.
– Qu'est-ce qui ne va pas avec Severus ?
– Rien. Tout va bien.
À son regard, Lucius n'en croyait pas un mot.
– Il s'est étonné que vous ne soyez pas rentré cette nuit...
– Suis-je surveillé ? s'exclama Harry en éclatant de rire, tout en se sentant obligé de se justifier. J'ai dormi à Poudlard...
Lucius eut un geste évasif de la main pour signifier qu'il ne lui devait aucune explication. À Severus en revanche...
– … et de ne pas vous avoir croisé à la piscine ce matin.
– C'est bien le problème, lâcha-t-il sans réfléchir.
– Quoi donc ? La piscine ?
– Non. Se croiser.
– Oh...
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Lucius gardait un silence attentif tout en soutenant son regard et Harry finit par lever les yeux au ciel devant les confidences qu'il venait encore de faire malgré lui. Réfléchir avant de parler n'était pas toujours son fort, surtout quand il était avec des gens de confiance et Lucius avait bien compris tout ce que sous-entendait sa confession.
Et de mettre ainsi le doigt sur la difficulté qu'il avait à vivre la situation, Harry ressentit encore plus fortement le manque et le désir de son amant, jusqu'à sentir son ventre se nouer de cette privation qui semblait durer depuis mille ans.
– Je crois que je comprends, fit lentement Lucius. Je suis ennuyé que ce ne soit pas plus... facile. Et ça ne l'est, je crois, pour personne...
Harry s'interrogea un instant pour comprendre ce que recouvrait ce « personne » : Severus, ou bien Lucius également avouait-il ses difficultés... puis il prit le parti d'en plaisanter plutôt que de s'apitoyer sur son sort.
– Vous n'y êtes pour rien. C'est juste que cinq minutes par-ci par-là, ça ne me suffit pas ! Et je préfère rien du tout plutôt que ces moments fugaces qui laissent un goût de trop peu. Contrairement à Severus, je ne suis pas masochiste ! Je préfère attendre plus longtemps et pouvoir... me rassasier tout mon soûl !
– Les appétits de la jeunesse ! fit Lucius en souriant.
– Je ne crois pas que ce soit une question d'âge, ironisa-t-il. Regardez-vous !
Un sourcil aristocratique se leva fort peu discrètement avant que le visage de Lucius ne prenne un air outré.
– Qu'insinuez-vous sur mon âge ?!
Oups. Peut-être était-il allé trop loin en taquinant Lucius sur ce sujet et pourtant, c'était plutôt lui faire honneur...
– Qu'au vu de ce que m'a montré votre esprit, vous n'avez pas à en rougir !
Et à entendre parfois leurs ébats et leur fréquence depuis qu'il était là, Lucius semblait toujours être un amant plus qu'honorable !
Son regard, en tout cas, pétilla soudain d'une lueur de pure débauche et son sourire se fit carnassier.
– Je crois..., fit-il d'une voix suave avant de se reprendre, …que je préfère me taire avant de regretter mes paroles !
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Devant l'insistance de Lucius à ce qu'il fasse au Manoir comme chez lui, Harry avait commencé à s'occuper de la pièce que son hôte lui avait dévolue. Le chambranle de la porte était à présent orné de nombreuses runes gravées dans le bois, entrelacées par des arabesques de malachite incrustée qui jetaient des lueurs vert sombre dans le couloir. Il avait placé sur le seuil de nombreux sorts de protection, de défense et de reconnaissance, qui interdisaient le passage dans un sens comme dans l'autre à qui que ce soit, hormis lui-même, les deux Malfoy et Severus.
Ne voulant pas toucher à la pièce elle-même pour ne pas abîmer les boiseries, le parquet et le plafond, il avait créé à l'intérieur du salon une sorte de vaste bulle de magie dont l'équilibre complexe s'appuyait sur celle du Manoir et celle de la forêt. La porte faisait office de sas, comme le rideau de magie qui filtrait l'entrée de la rotonde, et donnait ensuite accès à un univers concentré dans la bulle, une jungle miniature foisonnante d'arbres, de fougères, de lianes, à la moiteur aussi étouffante que la forêt du Sarawak où il avait traîné Severus il y avait déjà bien longtemps.
Harry s'interrompit avant le retour de son amant et transplana à Sainte-Mangouste le temps du déjeuner.
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Le poste que lui proposait le directeur de l'hôpital magique ne lui convenait pas, aussi il déclina poliment l'offre qui lui était faite. Harry ne se sentait pas l'étoffe ni la responsabilité d'un Chef du Service des Potions, d'autant que le Premier Assistant devait, selon toute logique, espérer le poste depuis un certain temps. Il n'avait aucun droit à s'imposer ainsi, au nez et à la barbe de ses futurs collègues, usurpant un titre qui ne lui revenait pas... Sans compter la disponibilité que cela demandait et qu'il n'était pas sûr de pouvoir – ni de vouloir, en étant honnête – offrir.
Il se contenta d'un poste d'assistant à mi-temps et à l'intitulé suffisamment vague pour lui laisser toute latitude dans ses recherches et sa pratique, rattaché à la fois au Service des Potions et à celui des Pathologies des Sortilèges, et qui ne ferait d'ombre à personne. Un bureau reculé dans un coin perdu de l'hôpital, un accès illimité aux laboratoires de potions et aux réserves d'ingrédients, c'était tout ce qu'il demandait.
Les médicomages feraient appel à lui selon leurs besoins, pour les cas qu'ils ne comprenaient pas ou qu'ils n'arrivaient pas à résoudre, comme un dernier recours inespéré. Il ne voulait pas davantage. Pas de service prestigieux, pas de nom en lettres d'or sur la liste des médecins à l'entrée de l'hôpital, encore moins une quelconque publicité sous quelque forme que ce soit. Il serait un confrère comme un autre, simplement capable de jeter un regard un peu différent sur certains patients.
Il signa le contrat d'engagement sous son vrai nom et sous l'œil un peu surpris du directeur qui n'en demandait pas tant. Avoir le célèbre Brian Evans comme collaborateur était déjà une aubaine inespérée mais si le potionniste n'était autre que le non moins fameux Harry Potter, Sainte-Mangouste allait devenir un hôpital de référence en Europe, voire dans le monde. Et la plume d'authenticité n'aurait su mentir...
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De retour au Manoir, Harry reprit son ouvrage dans ce qu'il appelait déjà pour lui-même son « bureau ». La vie était là, bien présente, foisonnante, aussi riche et variée que dans sa vraie forêt. Sous la canopée luxuriante, derrière la ligne des premiers arbres, il aménagea une petite clairière dégagée dont il recouvrit le sol de larges nattes de coton. Et entre les troncs les plus proches, il tendit les cordes d'un hamac où il ferait bon faire la sieste.
Fermant les yeux, il se concentra sur la magie du lieu, la sève qui courait dans les arbres, la lumière d'un vert sombre qui passait à peine entre les feuilles gorgées d'eau, il ressentait la chaleur de l'air saturé d'humidité, la robustesse des fibres des lianes, le doux parfum des fleurs et le vol lointain des oiseaux. C'était bien sa forêt. Sa magie la reconnaissait, y puisait une force nouvelle, s'en nourrissait au lieu de la nourrir. Il y était bien.
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– Eh bien ! Moi qui pensais que tu m'attendrais sagement dans le Petit Salon !
Harry sursauta avant de sentir des bras se refermer sur lui et le parfum de Severus envahir l'air autour de lui.
– … que tu serais fébrile, impatient de me revoir, ricana-t-il. Tournant machinalement les pages d'un livre sans les lire... Au lieu de ça, tu es en train de t'amuser et de rêvasser dans la piscine !
Les lèvres de Severus étaient déjà sur sa nuque, dévorant sa peau de baisers qui lui envoyaient des décharges électriques dans le ventre.
– Lucius est déjà parti à l'opéra ?
– Oui. Il n'est pas descendu te saluer, parce qu'il s'est dit que tu serais déçu de le voir lui, répondit Severus d'une voix ironique, mais il m'a demandé de te souhaiter une bonne soirée...
– Bien. Tu as faim, soif, quelque chose à faire de particulier... ?
– Non, pourquoi ? fit-il surpris.
Harry se retourna entre les bras de son amant pour lui faire face, un sourire gourmand sur les lèvres et ses yeux verts assombris par le désir.
– Parce qu'une fois que j'aurais commencé à m'occuper de toi, ne compte pas sortir du lit avant plusieurs heures !
– Des promesses..., se moqua Severus en riant tandis que Harry le faisait brusquement transplaner.
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Il n'avait pourtant pas menti, au vu des heures qu'ils venaient de passer ensemble. Intenses, fébriles, plus exaltées que tout ce qu'ils avaient pu connaître auparavant.
Lucius l'avait pourtant prévenu de l'état particulier de Harry, de son manque, de son besoin et de la façon dont sa magie vibrait à la simple évocation de son nom, mais Severus ne l'avait pas vraiment cru. Ou du moins, il l'avait cru sans vraiment comprendre ce que cela pouvait représenter.
Harry s'était montré sous un jour inconnu, dominateur, intransigeant. Venant réclamer un plaisir dont il avait été privé trop longtemps, et assouvir sa frustration. Severus avait l'impression de n'avoir été qu'un fétu de paille entre ses mains, de s'être plié à ses envies et son désir, et pourtant Merlin savait à quel point Harry l'avait comblé également !
Il se sentait fourbu et courbaturé. Harry l'avait déjà pris deux fois, les deux orgasmes avaient été dévastateurs pour l'un comme pour l'autre, et pourtant quelque chose lui disait que le jeune homme était loin d'être rassasié.
Des coups légers frappés à la porte lui firent redresser la tête tandis que Harry quittait l'étreinte de ses bras pour s'asseoir dans le lit.
– Oui ?
– Le dîner est servi, messieurs, fit une voix mal assurée. Monsieur Severus, monsieur Harry...
– Entre, Sky, invita Harry en tirant vaguement un drap pour couvrir leur nudité.
L'elfe de maison pénétra lentement dans la chambre et s'inclina jusqu'au sol, nerveuse, le regard fuyant et les oreilles rouges de gêne.
– Sky... veux-tu nous porter un plateau dans la chambre, s'il-te-plaît ? demanda Harry d'une voix douce. Ce que vous aviez préparé ou de quoi grignoter, peu importe...
– Dans la chambre ? Bien sûr, monsieur Harry, fit-elle sans se redresser. Je vous amène ça, monsieur. Tout de suite.
L'elfe disparut et quelques minutes plus tard, un plateau couvert de victuailles et de boissons apparut sur la table basse devant la cheminée. L'odeur de la nourriture était alléchante et Severus se rendit brusquement compte qu'il avait très faim, et encore plus soif.
Il s'absenta quelques instants pour aller dans sa propre chambre chercher son kimono de soie et s'en revêtir avant de rejoindre Harry. Contrairement au jeune homme qui semblait n'avoir aucun problème pour se promener dans le plus simple appareil, Severus avait horreur de rester nu en dehors du lit ou de la salle de bains, et ce d'autant plus s'ils mangeaient dans le salon de sa chambre.
– Tu comptais t'échapper ? ricana Harry en lui attrapant la main pour le faire asseoir à côté de lui. Mange ! Tu vas avoir besoin de forces !
– Merlin ! soupira Severus. Mais tu comptes vraiment remettre le couvert ?!
– J'ai faim, répondit-il avec des yeux brillants en se mordillant la lèvre. Vraiment très faim !
Avant que Severus n'ait eu le temps de répondre quoi que ce soit, Harry était installé à califourchon sur ses genoux et sa langue plongeait passionnément entre ses lèvres. Des mains parcoururent son corps avec fièvre, l'une d'elle s'attardant sur sa nuque pour l'empêcher de se délier de la bouche insatiable, si tant est qu'il l'ait souhaité.
Au bout de plusieurs minutes d'un baiser assourdissant de désir, Harry sembla se maîtriser et s'écarta avec regret, aussi essoufflé que lui, et pourvu d'une nouvelle érection plus que généreuse. Le jeune homme se leva, se campa quelques instants devant la fenêtre afin de se calmer et revint ensuite s'asseoir sur le canapé.
Ils mangèrent rapidement, aussi incertains l'un que l'autre du temps qu'ils allaient tenir sans se sauter à nouveau dessus. Severus percevait une tension sexuelle plus que palpable dans l'air et la magie de Harry palpitait avec une intensité croissante qui lui donnait presque envie de jouer avec son désir... Il lui suffit de croiser ses jambes d'une certaine façon afin de faire glisser imperceptiblement le pan de tissu du kimono, dévoilant ainsi l'ébauche du pli de l'aine, sa peau imberbe et le renflement encore camouflé de son sexe, pour s'attirer un regard plein de luxure.
Un éclat de magie mal contenue vibra dans l'air et le désir de Harry reprit vie d'une manière fulgurante. Il ne fallut que quelques secondes au jeune homme pour se réinstaller sur ses genoux et reprendre possession de ses lèvres, poursuivant le baiser interrompu par le bref repas. Et à peine quelques minutes de plus pour qu'il ne reprenne possession de son corps.
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La chambre était plongée dans l'obscurité lorsque Severus ouvrit les yeux, et de ce qu'il voyait à travers les fenêtres dont les rideaux étaient restés ouverts, la nuit au-dehors était encore sombre, à peine éclairée de la lumière argentée de la lune et des étoiles. Le calme d'un ciel gris ardoise que ne parcourait aucun nuage, ni aucune ombre, limpide dans sa noirceur.
Trop calme. Un geste rapide vers l'arrière confirma son impression qu'il était seul dans le vaste lit. Le drap froissé et tout juste tiède. Harry n'était plus là. Et Severus perçut tout aussitôt le bruit assourdi de l'eau de la douche. Il n'était pas si loin; à peine à quelques pas. Le son de l'eau qui coulait avait dû le faire lentement émerger de son sommeil...
– Enfin ! marmonna une voix rauque qui sortit des ombres près de la cheminée. J'ai cru que tu ne te réveillerais jamais ! Tiens ! Bois ça !
Un grand verre rempli d'une boisson laiteuse apparut devant ses yeux, tendu par un bras minuscule qui scintillait de l'éclat d'une multitude de bracelets. Mais aucun elfe de maison ne se serait permis de lui parler de cette manière !
– Mayahuel ! Qu'est-ce que tu fiches là ? grogna Severus à mi-voix.
Il tira machinalement le drap pour couvrir la nudité de ses fesses sans pour autant se redresser. Il était fatigué, ne voulait que dormir et cette créature n'avait rien à faire là au beau milieu de la nuit.
– Bois, prāna ! fit-elle en insistant avec son verre.
– Pourquoi ? grogna-t-il encore sans même ouvrir les yeux. Qu'est-ce que c'est ?
– Des fruits, des plantes et des herbes, répondit-elle de manière agacée. De quoi te redonner un peu d'énergie et te permettre d'aller au bout de la nuit des sept unions !
Il ouvrit brusquement les yeux, devinant dans l'ombre la grimace ironique de la créature qui jeta un coup d'œil rapide vers la porte de la salle de bains où le bruit de l'eau se faisait toujours entendre.
– La quoi?!
– La nuit des sept unions ! Et tu es encore bien loin du compte !
– Sept ?! s'étrangla-t-il.
Mayahuel ricana doucement et son rire moqueur la rendit bizarrement bien plus crédible que la moindre de ses paroles.
– Je suis heureuse de voir que tu as au moins compris un mot de ce que j'ai dit ! Avale ça et ne pose plus de questions !
– Qu'est-ce que c'est que ça, la nuit des sept unions ?! gronda-t-il sourdement.
– Un rituel ancien... Dont il n'a même pas conscience ou connaissance, fit-elle avec un geste évasif qui fit doucement tinter ses bracelets.
– Et à quoi sert ce rituel ? À part m'épuiser et m'empêcher de dormir ?!
– Toi, il ne t'engage à rien, prāna. Lui ne fait que répondre à l'appel de sa magie, mais avec beaucoup d'entrain, semble-t-il ! ricana-t-elle encore. Bois et dépêche-toi !
– Hors de question ! bougonna-t-il en faisant mine de reposer son visage sur l'oreiller.
La créature gronda de mécontentement, mais son impatience et son désir manifeste de se cacher de Harry pouvait peut-être permettre à Severus d'obtenir ce qu'il voulait depuis longtemps. En gagnant du temps, il avait déjà pu lancer un sort de détection sur la boisson qui ne contenait rien de plus nocif qu'une bonne dose de vitamines et de caféine, mais il lui manquait l'essentiel : des réponses.
– Qu'est-ce que c'est que ce rituel ? Je veux des explications !
– Pas maintenant ! s'agaça Mayahuel. Tu auras des réponses. Bientôt. Et sans doute à bien des choses que tu veux savoir sur lui. Mais pas maintenant !
– Quand ?
Plus il gagnait du temps, plus elle s'impatientait et plus sa résistance passive avait de poids. Mais Severus percevait également la pression insistante de la magie de la créature qui tentait de le faire agir en dépit de son refus.
– Bientôt ! Pas plus de quelques jours je pense. Ça lui appartient mais sa décision est prise. Je viendrai te donner ces réponses, mais bois !
– Quand ? Et comment ?
L'aura menaçante de Mayahuel semblait enfler autour d'elle, illuminant son visage et sa silhouette d'une lueur mordorée. Elle porta vivement la main à son avant-bras pour en défaire un de ses bracelets de cuivre qu'elle passa autour du poignet de Severus. Il s'y ajusta immédiatement, au plus près de la peau et prit une couleur un ton plus clair qui le rendait quasiment invisible au regard.
Surpris, Severus se redressa à demi et saisit le bracelet qui refusa de bouger ne serait-ce que d'un millimètre, comme s'il formait la continuité de la peau sans la serrer ou la comprimer. Le bijou de cuivre semblait incrusté dans sa chair en faisant partie intégrante de son bras. Il jura à voix basse en jetant à Mayahuel un regard mauvais. Il n'appréciait ni la contrainte du bracelet de métal, ni les sortilèges qui semblaient s'y cacher.
– Arrête de paniquer ! Ce n'est pas un piège ! grinça Mayahuel. Ce n'est qu'un moyen de me contacter et je viendrai répondre à tes questions. Quand tu seras seul et disponible, appelle-moi. Tu sauras comment... Et si jamais un jour tu as besoin de moi pour lui, tu pourras passer par ce biais là. Maintenant, bois avant qu'il ne revienne !
– Puisque tu le proposes si gentiment..., fit-il avec une grimace. La prochaine fois, je préférerai un thé... et un petit déjeuner !
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Mayahuel disparut à peine il lui rendit le verre vide tandis que s'ouvrait doucement la porte de la salle de bains. Sa mixture ne devait pas contenir que des choses innocentes au vu du coup de fouet qu'elle venait de lui donner; il était à présent parfaitement conscient et plus frais qu'après une bonne nuit de sommeil.
Harry traversa la chambre en silence et se glissa entre les draps le plus discrètement possible. Severus s'installa sur le dos et le prit contre lui, déposant un baiser léger sur son front.
– Désolé de t'avoir réveillé...
– Pas grave, murmura-t-il. Mais on ne t'a jamais appris que la nuit, c'est fait pour dormir ? Et pas pour aller se promener ou prendre une douche ?
Harry grogna pour toute réponse et se lova un peu plus contre lui, cherchant sa chaleur. Sa peau était fraîche, presque froide, encore humide et hérissée malgré la tiédeur du lit. Un frisson traversa Severus à sentir les pieds transis de son amant contre sa jambe.
– Par Merlin, tu as pris une douche glacée ou quoi ?!
Harry grogna à nouveau d'un air déconfit. Severus se redressa légèrement et tenta de déchiffrer l'expression de son visage malgré l'obscurité de la chambre.
– Qu'est ce qu'il y a ?
Une main fraîche saisit la sienne et la guida sous les draps vers l'entrejambe de Harry qui gémit sourdement, autant d'exaspération que de frustration. Sous ses doigts, le sexe épais était gorgé de sang, tendu et vibrant à la recherche du moindre contact qui pourrait le soulager. Severus ricana devant le désarroi de son amant.
– Eh bien ? Les elfes de maison ont mis un peu trop d'aphrodisiaques dans ton dîner ?!
Harry chassa sa main qui commençait à le caresser et se crispa un instant entre les draps, submergé par un désir qu'il ne savait comment assouvir. Severus ne l'entendait cependant pas de cette oreille; la situation, pour étonnante qu'elle soit, l'amusait et il n'était pas contre le fait de soulager son amant. Pas en donnant de sa personne – il l'avait déjà fait trois fois depuis le début de la soirée et l'échauffement certain qu'il ressentait entre les fesses était plus que suffisant – mais la dextérité certaine de ses doigts pouvait être mise à contribution, et à en croire Lucius, Harry n'avait rien perdu de la scène lubrique qu'ils avaient jouée l'autre soir devant le film... Il était plus que tentant de faire de même avec le jeune homme.
Sa main s'enroula lentement autour du sexe dressé, jouant d'une douce pression avant d'entamer des mouvements de va-et-vient d'une langueur extrême. Une légère rotation sur la fin, le pouce qui insistait insidieusement sur le rebord charnu, une caresse appuyée de temps à autre sur les bourses pleines qui frémissaient d'impatience... les gémissements qui s'échappaient de la gorge offerte de Harry étaient pure indécence. Un instant, Severus se demanda si Lucius était rentré et s'il ne ferait pas mieux de jeter un sort de silence sur la chambre... Et puis les plaintes de Harry, sa tête rejetée en arrière sur l'oreiller et son bassin soulevé à la recherche de sa main le ramenèrent au spectacle plein de luxure sous ses yeux et il se concentra sur le plaisir de son amant jusqu'à sentir ses doigts maculés de sperme.
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Harry avait fini par s'endormir alors que les premières lueurs du jour apparaissaient à l'horizon et que le ciel s'éclaircissait peu à peu. Severus n'en pouvait plus mais n'arrivait cependant pas à dormir. Tout son corps criait sa fatigue et son épuisement, il sentait déjà les courbatures de ses muscles trop sollicités et la souffrance de ses articulations. Si la natation le maintenait en relative forme, il n'était pas souple pour autant et les appétits de Harry avaient mis son corps à rude épreuve. Chaque mouvement de bras ou de jambe faisait naître des élancements à des endroits qu'il n'imaginait même pas exister.
Sans parler de l'état de son postérieur, plus que malmené par les assauts du jeune homme. Severus n'était pas certain de pouvoir recevoir Lucius la nuit suivante s'ils faisaient l'amour, mais il était en revanche certain que cela mettrait son compagnon hors de lui. La tolérance de Lucius avait ses limites et sa jalousie ne demandait certainement qu'à ressurgir.
Avant de tomber d'épuisement et de sommeil, Harry avait encore joui, une fois sous sa bouche et une fois dans son corps. Lui n'y avait pas réussi, et son érection s'était fanée d'elle-même sous les tiraillement douloureux de son intimité, la lassitude et les questions qui parcouraient sans cesse son esprit.
Il repensait aux explications plus que succinctes de Mayahuel et se demandait ce qui poussait exactement le jeune homme à cette recherche effrénée du plaisir. Sept unions, avait-elle dit... Harry avait déjà été satisfait six fois en espérant que la petite séance de masturbation et la fellation qu'il lui avait faites comptent pour des unions aux yeux de ce fichu rituel ! Dans tous les cas, il resterait vraisemblablement une dernière union à accomplir avant qu'il ne puisse espérer un repos plus que mérité ! La magie avait parfois des travers qu'il payait chèrement !
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Severus glissait doucement dans le sommeil lorsqu'un corps pressé contre le sien se rappela à son bon souvenir. Sans parler d'une érection conséquente qui effleurait à nouveau ses fesses. Mais cette fois, il était hors de question que le sexe de Harry s'approche de son anus sous quelque prétexte que ce soit !
Severus se retourna brusquement, plaquant Harry sur le lit de tout le poids de son corps. Les yeux de son amant étaient d'un vert sombre et étrangement dilatés, et sa bouche avide s'ouvrit à peine posa-t-il ses lèvres sur les siennes. Un gémissement outrancier s'échappa de la gorge du jeune homme et ce son animal acheva de tourner la tête de Severus.
Le corps sous lui resplendissait d'un désir mal contenu et vibrait d'attente, mais il ne voulait lui laisser aucun choix. Il ne voulait pas voir son visage, ni croiser son regard, il voulait le faire sien, jusqu'au plus profond de son être, le posséder corps et âme pour éteindre enfin ce feu dévorant qui embrasait son amant.
Se redressant un instant, il obligea Harry à se retourner à plat ventre sur le lit et saisit ses bras qu'il replia dans son dos en maintenant ses poignets le plus haut possible. Un gémissement de douleur répondit à la contrainte qu'il lui imposait, mais Harry n'essaya même pas de se défaire de son emprise. Mieux, il sentit le bassin du jeune homme se soulever pour venir à la rencontre de son sexe, les fesses tendues frémissant d'impatience.
La vision de ce corps offert, désireux de se soumettre, était pure folie et Severus regretta un instant de ne pouvoir immortaliser cette scène, avant de plonger en avant pour le pénétrer d'un grand coup de rein.
Il le baisa. Durement. Sauvagement. En gardant prisonniers ses bras à la limite de la douleur. En s'enfonçant toujours plus loin dans les entrailles de son amant. En claquant son bassin contre ses fesses toujours plus sèchement. En lui arrachant des cris qui mêlaient la souffrance au plaisir et à l'extase.
Puisqu'il ne pouvait bouger, Harry libéra sa magie, ou fut submergée par elle, et Severus sentit une aura presque bestiale l'envelopper, saturer ses sens et enflammer son ardeur. Il fut plus virulent encore dans sa façon de le prendre, retenant ses hanches d'une main pour s'empaler au fin fond de ce corps gémissant. Sa sensibilité était exacerbée, intense jusqu'à la brûlure et chaque mouvement de son sexe dans le fourreau étroit de ces chairs faisait naître des sensations à la limite de la douleur, un plaisir à la limite du tourment.
Harry se tendit brusquement en hurlant sa jouissance sous un dernier coup de rein, puis s'effondra sur le lit. Severus se laissa à son tour tomber sur le corps luisant de sueur de son amant, pris dans un raz-de-marée de vagues de plaisir. Les sensations affluaient et refluaient au rythme des pulsations de la magie de Harry, qui vibrait aussi bien en lui qu'autour de lui, et il ressentait leurs deux plaisirs mêlés, le sien tout autant que celui de son amant. Severus était tellement submergé par cette petite mort qu'il aurait pu en verser des larmes d'extase et de soulagement.
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– Qui a poussé ce cri ? interrogea vivement Lucius en avisant à la lueur de sa baguette la forme trapue de Mayahuel qui se découpait au milieu du couloir.
Un hurlement l'avait tiré de son sommeil et il avait à peine pris le temps d'enfiler un peignoir avant de se précipiter hors de sa chambre.
– Harry..., fit la créature en se campant devant la porte du jeune homme comme pour lui en interdire l'accès. Tout va bien. Ce n'était qu'un orgasme un peu plus puissant que les autres...
– « Que les autres » ?! s'étouffa Lucius en ricanant. Eh bien ! Je savais que Severus était un amant fougueux, mais tout de même...
Un pincement sournois naquit malgré tout au creux de son ventre à l'idée de son compagnon en train de donner du plaisir à Harry et d'en prendre par la même occasion. Cette façon de faire l'amour que lui-même ne pouvait offrir et que Severus allait si bien prendre ailleurs.
Un sentiment vaguement amer se répandait dans son cœur et son esprit, lui laissant un arrière-goût désagréable dans la bouche, quelque chose comme du dépit et de la contrariété. Il préférait ne rien savoir, et surtout ne pas être témoin, même involontaire, même seulement de manière auditive, de ce qui était en train de se passer.
– Severus a admirablement rempli son rôle, reprit cruellement Mayahuel, bien que sans s'en rendre compte. Ils vont bien. Je veille sur eux, vous pouvez retourner vous coucher.
Le peu d'amusement qui persistait en lui disparut aussitôt, laissant place à la méfiance et la froideur. Pourquoi avait-il cette désagréable impression que la créature de Harry le congédiait purement et simplement ?!
– N'oublie pas, créature, que je suis ici chez moi ! gronda-t-il.
– Et vous, n'oubliez pas que cette nuit, Severus appartient à Harry, répliqua Mayahuel.
– Cette nuit. Et parce que je l'ai décidé, fit-il d'une voix cinglante avant de concéder : Même si en réalité, je crains que Severus n'appartienne à personne.
Pas même à moi...
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Lucius terminait la lecture d'un article sur les prochaines élections du Ministre de la magie en France lorsque Harry entra dans la Salle à Manger, vêtu d'un éternel pantalon couleur lin et d'une chemise blanche, aussi peu boutonnée qu'à son habitude. La seule différence notable tenait aux cernes sous ses yeux et à la fatigue rayonnante que Lucius pouvait lire sur son visage.
La sensation inconfortable qu'il avait ressentie dans la solitude de sa nuit dérangée par leurs ébats, et qu'il ne pouvait en définitive appeler autrement que de la jalousie, avait disparu dans un sommeil réparateur. Seule persistait à présent la conscience vaguement douloureuse d'un bonheur qu'il ne pouvait se résoudre à leur enlever.
Lucius replia consciencieusement son journal et le posa à côté de son assiette tout en observant le jeune homme s'asseoir lourdement à sa place et se verser un grand verre de jus de fruit qu'il avala d'un trait.
– Bien dormi ? s'enquit-il poliment.
Presque une façon de s'autoflageller...
– Peu, fit Harry avec une grimace. Et votre soirée à l'opéra ?
– Très agréable, même si j'avoue préférer les opéras italiens aux allemands. Et puis la compagnie de Daphnée est toujours un plaisir... Où est Severus ? Je ne l'ai pas encore vu ce matin...
La gêne manifeste de Harry et son hésitation à répondre ne firent que confirmer ce qu'il avait déjà compris.
– Il dort encore.
– À cette heure-ci ?! s'exclama Lucius malgré lui.
Il était tard, même pour lui. L'opéra de la veille était plutôt long, il était rentré fort tard dans la soirée et il avait profité de cette première journée de week-end pour dormir un peu plus qu'à l'accoutumée. Mais venant de Severus qui était d'ordinaire levé à peine après l'aube...
– Puis-je aller le voir ? Je suppose qu'il est dans votre chambre...
Il ne savait même pas pourquoi il avait posé cette question... Quelque chose comme un besoin irrépressible et sans doute ridicule de s'assurer qu'il allait bien.
– Bien sûr ! s'exclama Harry, surpris. Vous êtes chez vous !
Puis après un temps de réflexion, la gêne refit son apparition sur le visage du jeune homme.
– En fait, je préférerais que vous n'y alliez pas... Il dort encore et... je n'ai pas pu aérer la chambre, ni changer les draps, ni...
– Bien entendu. C'est idiot de ma part... Excusez-moi.
Lucius laissa échapper un ricanement narquois, autant vis à vis de la réaction pudique de Harry, que de lui-même. Son comportement et sa curiosité inquiète étaient tout bonnement ridicules et il ne faisait que se donner en spectacle. Il se replongea dans la lecture de ses journaux en grinçant mentalement des dents sous le regard désolé de Harry.
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Harry craignait d'avoir vexé son hôte. Il avait répondu trop spontanément, encore une fois, dévoilant à demi-mots sa gêne tout autant que leurs activités de la nuit, et le regard de Lucius, scrupuleusement baissé sur les informations du jour, le peinait de manière étrange. La sourde culpabilité qu'il avait chassée de sa conscience revenait en force et il se sentit soudain très mal à l'aise.
Severus apparut à point nommé dans le couloir, les cheveux encore humides, agréable et élégant malgré ses traits tirés et son regard empli d'une immense fatigue.
Harry ne pouvait pas dire que Lucius s'était précipité sur son compagnon; cela ne seyait ni à son rang, ni à son comportement. Mais le maître de maison, tout en gardant sa grâce habituelle, avait fait preuve d'une efficacité et d'une concision remarquables dans ses gestes pour replier et poser son journal, se redresser et rejoindre Severus avant même qu'il ne pénètre dans la Salle à Manger. Les deux hommes disparurent dans le couloir sans un bruit et sans un mot.
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Il aurait de toute évidence été difficile pour Lucius de prononcer le moindre mot au cours des longues minutes pendant lesquelles sa langue resta plongée dans la bouche de Severus... Puis il parvint à se détacher quelque peu de son compagnon et posa son front contre le sien en murmurant :
– Tu m'as manqué...
Severus resserra ses bras autour de lui dans une étreinte d'une tendresse bienveillante qui chassa immédiatement les doutes et les incertitudes refoulés avec peine. Comme il était bon de le retrouver...
– Qu'est-ce que... ? fit-il, se retournant à demi à la sensation d'un objet métallique dans son dos.
Sans défaire l'étreinte de son autre bras, Severus ramena entre eux son poignet gauche, le tournant dans un sens puis dans l'autre comme s'il découvrait à nouveau l'étrange bracelet de cuivre serti à même sa peau. Les dessins et les symboles gravés dans le métal luisirent faiblement dans la lumière du couloir tandis que Severus grognait de dépit.
– Un cadeau empoisonné de sa créature. Je m'occuperai de ça plus tard...
Ce n'était pas vilain; simplement... surprenant. Autant l'objet que celle qui l'avait offert et Lucius se demanda un instant ce que signifiait la présence de Mayahuel au cours de la nuit. Que s'était-il passé de particulier, qui n'était pas juste un moment de sexe débridé ?
Il observa longuement le visage de Severus, plus marqué que d'habitude, les cernes sombres sous ses yeux et la lassitude de son regard.
– Qu'est-ce que vous avez fait toute la nuit ? Tu as l'air épuisé !
Severus leva les yeux au ciel.
– On a enfilé des perles.
– Au sens littéral ? ricana Lucius. Enfin... au vu de ses hurlements de plaisir, j'ai l'impression que tu as été efficace !
– Je te rappelle, fit Severus avec un sourire narquois, qu'il ne tient qu'à toi que je te montre ce dont je suis capable !
Lucius éclata d'un rire redevenu léger en le prenant par la taille pour retourner dans la Salle à Manger.
– Hors de question que tu passes par là, et tu le sais très bien !
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C'était étrange... Une fois que Lucius eut partagé quelques instants de complicité avec Severus, et qu'il fut rassuré sur son « état », Harry le trouva bien plus détendu. Rasséréné en quelque sorte.
Certes, il était bien conscient de la fatigue de son compagnon, et de ce qui l'avait provoquée, mais il était moins distant et circonspect. Au fil de la journée, il se montra même enjoué, voire espiègle lorsque Severus finit par s'endormir sur une chaise longue de la véranda après le déjeuner.
Harry dut essuyer les remarques taquines de son hôte sur leurs activités nocturnes et apprit avec une gêne certaine qu'il l'avait réveillé par ses cris. La présence de Mayahuel, que lui révéla Lucius, puis Severus lorsqu'il aperçut son bracelet de cuivre au décours d'un mouvement qui remonta légèrement la manche de sa chemise, le mit également mal à l'aise, mais d'une autre manière. Il ignorait ce que cela pouvait bien signifier, en cette nuit particulière, mais il se doutait que ce n'était pas anodin.
Quand il devint évident que la nuit à venir serait chaste au vu de la fatigue de Severus, Lucius eut l'envie subite d'une escapade, comme cela lui prenait parfois et il proposa de leur faire découvrir le restaurant où il avait dîné avec Francis Dorléans.
Severus bougonna, comme à son habitude, avant de se faire clouer le bec.
– Si tu veux, tu restes ici à te reposer, proposa aimablement Lucius. Et je vais à Paris seul à seul avec Harry...
Un éclair de jalousie traversa le regard de Severus, auquel répondit le sourire amusé et provocateur de son compagnon qui savait déjà avoir obtenu gain de cause.
– Les deux prochaines semaines vont être intenses, au vu de tout ce qui nous attend, reprit-il plus sérieusement. Allons profiter d'une dernière soirée tranquille...
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Et la soirée fut magique. Un moment léger et féerique dans la capitale française qu'embaumait la douceur du printemps. Un parfum d'insouciance et de bonheur qui porta Harry tout au long de cette échappée bienvenue.
Lucius et Severus semblaient connaître le Paris non-sorcier comme leur poche et ils se firent grand plaisir à lui montrer leurs endroits favoris. À la fin de la journée, ils se laissèrent enfermer dans le musée d'Orsay en se jetant un sort de désillusion afin de pouvoir le visiter librement. Effarés par sa méconnaissance complète de la peinture en général, et des impressionnistes qu'ils affectionnaient tant en particulier, les deux hommes se mirent en tête de parfaire sa culture et ils parcoururent longuement, dans la pénombre grandissante, les galeries à présent désertes.
Au détour d'une salle, ils perdirent un moment Lucius qu'ils retrouvèrent plongé dans la contemplation d'un Monet (1) tout en pastel et en délicatesse, un portrait de femme avec une ombrelle qui semblait, pour une raison inconnue, l'émouvoir au delà du raisonnable. Harry allait ouvrir la bouche pour questionner cette attitude étrange lorsque Severus l'entraîna en silence un plus peu loin, sans doute plus familier et plus respectueux des pudeurs de son mari.
Quand ils furent rassasiés d'œuvres d'art et que la faim commença à se faire sentir, Lucius les fit transplaner aux abords du restaurant dont la carte en lettres d'or promettait monts et merveilles. Le dîner fut un délice. Somptueux, et d'une finesse à ravir le palais.
Et comme lors de leur soirée précédente dans la capitale, Harry fut charmé par l'aisance de Lucius à s'exprimer dans la langue de Molière, avec ce léger accent précieux qui ressortait davantage que dans sa langue maternelle.
Dans cet hôtel particulier au cadre si élégant, dont les boiseries dorées et les moulures du plafond composaient un décor d'un autre temps, l'aristocrate semblait particulièrement à son aise, brillant, distingué et plus raffiné que n'importe lequel des autres clients.
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Après le dîner, ils flânèrent longuement le long des quais de la Seine dans l'obscurité naissante, illuminée de loin en loin par les monuments de Paris et les nombreux ponts qui se jetaient d'une rive à l'autre.
L'air était doux, presque chaud malgré l'heure tardive, et la brise du soir qui emportait de temps en temps les cheveux de Harry était une caresse rafraîchissante et bienvenue. Le murmure discret de l'eau, si proche, berçait doucement ses pensées, étouffant les bruits alentours dans une sensation cotonneuse qui devait autant aux vins du repas qu'à l'ivresse délicate de la présence de Severus à ses côtés.
Même avec une légère distance entre eux, même avec le bras de Lucius glissé autour de la taille de son compagnon, Severus était là, inespéré et inattendu, une ombre surgie du passé qu'il goûtait aujourd'hui avec ravissement.
Harry eut brusquement un temps d'arrêt en apercevant la cathédrale, massive et pourtant élégante, se découper au loin sur le ciel d'encre, envahi par un souvenir ancien qui s'imposait avec force à son esprit. Les reflets des lumières sur le manteau sombre de la Seine, légèrement troublés par le fil de l'eau, étaient les mêmes qu'alors; le murmure indistinct des passants sur les berges tranquilles, la solidité de l'arche de pierre qui les enjambait, les silhouettes ondulantes des feuilles des arbres dans le vent léger... Une impression de douceur et de sérénité venue d'un temps lointain.
Le petit sourire de Severus lui confirma instantanément qu'il ne se trompait pas.
– C'était là, n'est-ce pas ? fit-il à mi-voix.
– Oui, c'était là..., répondit Severus dans son dos en l'enlaçant comme ce soir-là, en sortant de leur dîner après la conférence au Collège de France.
Un des rares moments de tendresse qu'ils avaient partagé pendant cette année douloureuse où Harry avait lutté de toutes ses forces pour se faire aimer.
– … il faisait un peu plus sombre, et plus froid. C'était à la fin de l'hiver.
Il se lova un peu plus contre le torse de son amant et dans l'étreinte de ses bras, oubliant un instant la présence de Lucius à leurs côtés.
– Si j'avais su qu'un jour, je serais là à nouveau, avec toi, murmura Harry presque pour lui-même, j'aurais fait bien des choses différemment...
– Et par conséquent, nous n'aurions peut-être pas été là aujourd'hui..., fit Severus en lui déposant un baiser sur la tempe. Ne regrette rien !
– Et pourtant !
Lucius s'approcha d'eux et posa doucement une main sur son épaule.
– Le passé est le passé. Nous avons tous des choses avec lesquelles nous devons vivre. Espérons simplement qu'aujourd'hui soit meilleur.
– Il l'est, affirma Harry avec un pâle sourire. Sans l'ombre d'un doute.
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L'hôtel que Lucius avait réservé affichait un nombre d'étoiles à faire pâlir tous les établissements environnants et semblait plus luxueux encore que le Manoir, si cela était possible. Dans le hall d'entrée, l'atmosphère était feutrée, aussi moelleuse que les tapis précieux sous leurs pieds. Les lustres immenses pendus sous le plafond ouvragé renvoyaient une douce lumière sur les miroirs et la surface polie des marbres. Sur les côtés, dans de petites alcôves, des lampes tamisées laissaient deviner des meubles de bois noble et des fauteuils confortables, où il aurait fait bon se délasser autour d'un verre. De manière presque paradoxale, l'ensemble dégageait une impression à la fois éclatante et à la fois onctueuse et veloutée, un raffinement soyeux qui convenait si bien à Lucius.
Le chef de la réception, après l'avoir gratifié d'un « My Lord » qu'il approuva gracieusement d'un signe de tête, les confia au bagagiste tandis que Severus bougonnait à nouveau.
– Je ne veux rien savoir de cette petite soirée, maugréa-t-il dans l'ascenseur qui les conduisait au dernier étage.
– Non, tu ne veux rien savoir, fit Lucius en riant. Pas plus que tu ne veux savoir la note de ce que tu viens de manger, je t'assure ! Tu ne sais pas profiter, Severus...
La réprimande était gentille mais ne dérida pas Severus pour autant, et il grimaça encore davantage lorsque le bagagiste ouvrit la seule porte de l'étage sur un vaste salon au faste princier.
– La suite impériale, Messieurs..., fit-il en s'inclinant légèrement. Je reste à votre disposition pour le moindre de vos besoins.
Le sourire discret de l'homme, à peine caché par sa tête penchée, était presque une invitation mais Lucius le remercia en riant avant de se raviser :
– Montez-nous donc une bouteille de votre meilleur cognac !
– Je vous envoie tout de suite le service d'étage, Monsieur.
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– Charmant..., commenta Lucius en jetant un œil appréciateur au luxe raffiné du salon et des deux chambres attenantes, avant de s'avancer sur la terrasse privée : Et tout simplement magnifique !
Venant de sa bouche, habituellement toute en retenue, c'était un commentaire plus qu'élogieux et en effet, la vue était superbe : l'Arc de Triomphe paré de lumière presque à leurs pieds, et un peu plus loin, par-dessus les toits gris ardoise de Paris, la silhouette scintillante de la Tour Eiffel illuminait la nuit.
Plus enjoué que jamais, il glissa son bras autour de la taille de Severus avant de l'embrasser.
– Est-ce que ce n'est pas terriblement romantique ?
Il avait prononcé ces deux derniers mots en français, mais la sonorité était suffisamment proche de l'anglais pour que Harry, tout comme Severus, comprenne parfaitement ses propos. Et puis ses quelques mois d'études à Beauxbâtons, pour lointains qu'ils fussent, lui avaient laissé quelques souvenirs.
Le cognac était aussi prestigieux que l'hôtel et ils en savourèrent longuement un verre ou deux, profitant de la tiédeur de la nuit pour s'attarder sur la terrasse.
Au bout d'un moment, Harry prit son verre et alla s'accouder à la balustrade de fer forgé. Il ne se lassait pas de cette vue imprenable sur la cité et ses immeubles haussmanniens tous plus prestigieux les uns que les autres. Le ballet des voitures à ses pieds, sur la large avenue qui menait vers l'Arc de Triomphe, tendait à se raréfier, et en laissant aller son regard vers le lointain, dans l'obscurité de la nuit vaguement mêlée d'orangé, la ville semblait calme, presque engourdie et assoupie, comme un écrin moelleux à leur présence.
Derrière lui, les deux hommes discutaient tranquillement de leurs passages précédents dans la capitale, évoquant des souvenirs agréables dans un presque chuchotement qui ne troublait ni le silence de la nuit, ni le cours de ses pensées, aussi tendres que les gestes qu'ils s'accordaient dans son dos.
En fermant les yeux, Harry pouvait presque sentir la sérénité qui se dégageait de l'aura de Severus, une sensation de plénitude qui coulait en toutes choses, remplissant délicatement les interstices de son esprit et de son être, éclairant ce qui était obscur et apaisant ce qui était agité. Une quiétude presque étonnante, si loin de la noirceur et du sarcasme dont il savait parfois faire preuve, comme si son côté sombre n'était destiné qu'à camoufler cette douceur qu'il ne pouvait se résoudre à avouer.
Même si Severus occupait toutes ses pensées, et à l'instant présent les bras de Lucius, Harry ne pouvait pas dire qu'il se sentait dépossédé. La simple présence de son amant, même fugace, même destinée à un autre, suffisait à l'apaiser et après la nuit qu'ils venaient de passer ensemble, il appréciait encore une certaine satiété, un confort repu qui ne tenait sans doute pas qu'à une simple satisfaction sexuelle.
La présence de Mayahuel au Manoir, cet étrange bracelet dont Severus se trouvait dorénavant pourvu sans pouvoir l'ôter, et la magie que Harry sentait insidieusement à l'œuvre en disaient sans doute long sur ce qui s'était joué cette nuit-là. Il ne s'en portait pas moins bien, regrettant simplement de n'avoir pas été plus réceptif au moment-même. Chaque nouvelle union avait presque effacé le souvenir de la précédente et du plaisir qu'il avait ressenti.
Ne restaient que cette quiétude nouvelle entre eux, et la fatigue écrasant ses muscles, ses nerfs et jusqu'à ses articulations. Sans doute était-elle encore plus intense pour Severus, au vu de sa sieste impromptue cette après-midi dans la véranda, et des bâillements que Harry entendait derrière lui.
Il sentit une main fine aux doigts graciles sur son épaule gauche, et de l'autre côté, en même temps que venait l'enlacer son bras, le visage de Severus contre le sien, puis ses lèvres sur sa tempe.
– On va se coucher. N'attrape pas froid...
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– Harry... Harry... Réveillez-vous. Tout va bien, Harry... Ce n'est qu'un cauchemar.
Il redressa brusquement la tête, surpris et perdu, avant de découvrir Lucius assis au bord de son lit, une main sur son épaule qui le caressait doucement.
– Qu'est-ce que... ? Lucius ?
Le peignoir blanc de l'hôtel qu'il avait revêtu pour venir dans sa chambre jetait une lueur pâle dans la demie obscurité de la pièce, mais Harry devinait également son visage fatigué et ses longs cheveux dénoués qui tombaient par-dessus son épaule et venaient lui effleurer le bras.
– Tout va bien, Harry. Ce n'est rien. Vous avez encore fait un cauchemar sans doute...
Il sentait bien en effet son cœur qui battait la chamade, les sueurs froides qui séchaient sur son corps et le souvenir sombre des images qui avaient traversé ses rêves. Et ce n'était pas la première fois qu'il se réveillait ainsi cette nuit, tremblant et fébrile.
– Je suis désolé, Lucius. Vraiment. Je suis...
– Ce n'est pas grave. J'ai préféré venir vous réveiller... Vous n'arrêtiez pas de gémir dans une langue étrange... Et vos cris n'étaient pas des cris de plaisir, cette nuit !
– Du salako, sans doute. Ou du nahuatl..., fit-il en se passant une main lasse sur le visage. Je suis désolé... Je...
C'était peu dire qu'il était embarrassé d'avoir à nouveau réveillé son hôte, et plus que tout, il était fatigué de ces réminiscences du passé qui venaient sans cesse empoisonner son sommeil, son esprit et parfois jusqu'aux moments les plus agréables.
– Ce n'est pas grave, assura Lucius d'une voix apaisante. Allez donc dormir avec Severus. Vous en avez besoin, je pense... Et cela vous calmera. Je vais dormir là pour la fin de la nuit.
– Non ! protesta-t-il vivement. Ce n'est pas correct ! Lucius, je...
– Tant pis pour la correction ! Harry, il est trois heures du matin, ce n'est pas la première fois que vous vous réveillez cette nuit, et maintenant, j'aimerais vraiment dormir ! Même si ce n'est pas avec Severus ! Allez le rejoindre.
Il protesta encore à mi-voix, s'attirant un soupir las de la part de Lucius avant que celui-ci ne finisse par se lever en l'entraînant par la main.
– Alors, venez ! Notre lit est assez grand pour coucher une dizaine de personnes ! Et taisez-vous : lui, il dort encore !
– Lucius ! Je suis nu ! protesta-t-il encore en riant devant l'incongruité de la situation.
Celui-ci se retourna brusquement, observant des pieds à la tête son corps dans le plus simple appareil, avec un léger sourire appréciateur.
– Et alors ?! Je vous ai déjà vu ainsi, il me semble. Quoique... je n'avais vu que l'envers du décor. L'endroit a l'air tout aussi alléchant...
D'une poigne qui ne souffrait aucun refus, Lucius l'entraîna au travers du salon où il éteignit la lampe allumée pour le rejoindre, puis dans la deuxième chambre où Severus dormait paisiblement, étendu sur le côté, dans un lit si vaste qu'il paraissait bien esseulé.
– Allez ! insista Lucius d'un ton sans appel.
En riant doucement devant cette crise d'autorité, Harry s'allongea aux côtés de Severus, retrouvant avec émotion l'odeur et la douceur du corps de son amant.
Cela lui avait manqué plus qu'il ne l'aurait cru pendant ces quelques heures, malgré les gestes de tendresse que Severus s'autorisait parfois, même en présence de Lucius. Harry, lui, préférait garder ses distances lorsqu'ils n'étaient pas seuls, même si ce comportement trop formel semblait soudain incongru. Il restait qu'il était mal à l'aise de certains gestes devant Lucius; ce manque de discrétion avait quelque chose d'inconvenant dont il n'arrivait pas à se défaire.
Dans son demi-sommeil, Severus n'en avait cure, et il passa machinalement un bras autour de sa taille pour le serrer contre lui. Tout à sa quiétude retrouvée, Harry sentit à peine le matelas s'affaisser alors que Lucius se glissait entre les draps derrière son compagnon, l'enlaçant de la même manière que Severus venait de le faire avec lui.
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Lorsqu'il ouvrit les yeux dans la douce pénombre du matin, Harry tomba immédiatement dans la profondeur de ces yeux sombres qui le contemplaient, et sur un petit sourire amusé sur les lèvres de Severus. La tête négligemment appuyée sur sa main, son air mutin lui donnait envie de le croquer à peine réveillé.
– Vous êtes mignons, tous les deux ! murmura Severus avec un regard narquois.
Harry s'interrogea un instant sur la signification de ses propos avant de réaliser que Severus, juste devant lui, ne pouvait avoir son bras, ce bras ! autour de sa taille de cette façon-là ! Il baissa les yeux jusqu'à reconnaître les longs doigts graciles de Lucius abandonnés sur la peau brune de son ventre.
– Je peux savoir ce que tu fais là ? se moqua encore Severus à mi-voix.
– Il se trouve que ton mari m'a invité dans votre lit !
L'amusement dans le regard de Severus se mêlait à d'autres sentiments : la surprise, le désir et une certaine possessivité mise à mal par la jalousie.
– Parce que tu m'empêchais de dormir ! marmonna une voix traînante derrière lui.
Harry sentit une émotion étrange s'étrangler dans sa gorge au tutoiement soudain de Lucius. À demi réveillé, celui-ci n'avait pour autant pas bougé, ni retiré son bras.
Plus encore, Harry sentit son visage se frayer un chemin à travers ses cheveux pour venir se nicher dans sa nuque et respirer son odeur. Lucius avait-il vraiment conscience de ce qu'il venait de faire ou n'était-ce qu'un geste intime dont il avait l'habitude avec Severus ? Un mouvement réflexe du petit matin où l'on se réveille ensemble pour s'imprégner un peu plus de l'autre... ?
S'il s'en était rendu compte, Lucius n'avait en tout cas pas relâché son étreinte, ni ne s'était écarté de lui...
– Et encore ! Même avec nous, tu as mis du temps à te calmer, gronda-t-il doucement sur sa peau. Pire qu'un gosse !
– De toute évidence, cela n'a pas calmé tes ardeurs matinales, ricana Severus.
Harry sentit la main de son amant se glisser sous le drap et venir s'enrouler autour de son sexe déjà à demi dressé et qui acheva de durcir brutalement sous sa poigne.
– Sev... Arrête ! souffla-t-il en tentant de se dérober.
Le sourire lubrique de Severus en disait long sur ses envies et Harry ne put retenir longtemps un gémissement sous ses gestes experts. Il tenta de chasser sa main mais elle refusait obstinément de lâcher sa prise, quitte à le faire gémir plus fort.
– Severus ! Par Merlin ! Arrête ça ! supplia-t-il un peu plus vivement, tandis que derrière lui, un ricanement sourd se faisait entendre.
La situation ne pouvait pas être pire. Severus s'amusait avec lui en profitant du fait que la présence de Lucius l'empêcherait de réagir normalement. En temps normal, Harry se serait laissé faire avec plaisir, ou bien il aurait sauté sur Severus pour profiter également de son corps... Mais là ! Avec Lucius qui était témoin de tout, des gestes de Severus tout autant que des réactions involontaires de son propre corps !
Harry se sentait pris au piège de l'impudeur et du sadisme de son amant et laissa échapper un long gémissement de frustration. Il ne connaissait qu'un moyen de lui faire lâcher prise...
Il ne fallut que quelques secondes pour que la respiration de Severus ne s'accélère et qu'il ne ferme les yeux sous l'afflux brutal de sensations. Une sueur légère apparut peu à peu sur la peau de son torse et sur ses tempes, humidifiant quelques cheveux blancs qui brillèrent dans la pénombre. Ses halètements se firent plus sonores à mesure que son bassin ondulait de mouvements involontaires rythmés par un désir écrasant. Puis son souffle devint gémissement et il capitula en desserrant sa main fermement enroulée autour du sexe de Harry.
– C'est bon. J'ai compris la leçon, admit-il d'une voix hachée. Rappelle ta magie !
Harry ricana à son tour en rappelant à lui les volutes de magie dont il avait enveloppé et pénétré Severus. Cela avait toujours un effet redoutable sur son amant !
– Oui, rappelle ta magie, fit une voix traînante derrière lui. Sinon, cela pourrait avoir des conséquences inattendues...
Le ton était sarcastique à souhait et Harry en comprit mieux la raison lorsque Lucius se colla un peu plus contre lui et qu'il sentit se presser à l'orée de ses fesses une érection mal contenue par le sous-vêtement de l'aristocrate. Un frisson glacé descendit le long de son échine, prémices à d'intenses fourmillements dans le ventre.
– Toi aussi, tu y es sensible ? ironisa Severus en redressant légèrement la tête.
– Plus qu'un peu ! maugréa Lucius en s'affalant à plat dos sur le lit.
À l'endroit de son bassin, le drap restait soulevé, comme tendu sur un piquet, mais Harry refusa de s'attarder sur cette vision et profita de sa liberté nouvelle pour s'extirper hors du lit.
– Débrouillez-vous tous les deux pour assouvir vos envies ! fit-il en riant. Moi, je file sous la douche avant que ça finisse mal !
Une bonne douche glacée ne serait pas de trop pour lui rafraîchir les idées, même s'il allait sans doute manquer des choses très intéressantes.
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Il manqua sans doute ce regard de connivence entre les deux hommes qui se rapprochèrent immédiatement dans ce lit bien trop grand pour deux.
– C'est redoutable, cette façon de se servir de la magie, ricana Lucius. Plus efficace qu'un Imperium...
– Surtout quand il s'en sert pour aller jusqu'au bout, approuva Severus en fermant les yeux au souvenir d'orgasmes presque douloureux.
– Maintenant, il va falloir que tu me soulages... puisque tu es responsable de ça !
Severus fronça les sourcils devant le sourire ironique de son compagnon.
– Je ne suis pas responsable ! marmonna-t-il. Adresse-toi directement à lui !
– C'est ton amant ! Tu es responsable de ce qu'il provoque !
Severus grogna pour la forme, mais en réalité il en avait tout autant envie que Lucius. Et ils avaient sans doute quelques instants, le temps que Harry prenne sa douche...
– Tu sais de quoi j'ai envie, là, précisément ? fit-il en glissant sa main entre les jambes de son compagnon.
– Dis-moi...
– Je me dis que ça fait bien trop longtemps que l'on n'a pas utilisé l'antichambre...
La réaction de Lucius à ce simple mot était on ne peut plus explicite et une lueur de désir sauvage traversa ses yeux gris.
– Ne me tente pas ! avertit-il d'une voix rauque.
Severus pouvait presque voir les images et les idées qui se bousculaient dans l'esprit de son compagnon : le pouvoir, la morsure du fouet sur sa chair offerte, l'esthétique étrange des marques violacées... Et il s'imaginait tout aussi bien la douleur onctueuse causée par les lanières de cuir et ce plaisir si particulier des brûlures cuisantes sur sa peau.
Ils étaient l'un et l'autre dans un état indescriptible de désir et Severus bascula dans le lit pour prendre dans sa bouche le sexe gorgé de sang de son compagnon et mettre le sien à portée de ses lèvres.
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Lorsqu'ils sortirent enfin de la chambre, Harry les attendait dehors, accoudé à la rambarde comme la veille au soir, ainsi que le petit déjeuner qu'il avait fait monter par le room service. Les plateaux copieux posés sur la table basse regorgeaient de viennoiseries, de fruits et de douceurs, et l'odeur du café frais embaumait la terrasse.
– Dommage ! ricana Lucius dans un murmure. J'ai déjà avalé de quoi me nourrir pour la journée !
Severus lui jeta un regard outré avant de le saisir par le bras d'un geste brusque.
– Arrête ce genre de plaisanteries ou tu resteras sur ta faim en ce qui concerne l'antichambre...
– C'est le genre de punition que te punit autant que moi ! répliqua Lucius en éclatant de rire.
Ils échangèrent un baiser impudique, profitant que Harry avait toujours le dos tourné, avant de s'asseoir dans les fauteuils pour savourer un bon café.
(1) Femme à l'ombrelle tournée vers la gauche, Claude Monet, 1886. Musée d'Orsay, Paris.
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Dans le prochain chapitre: la rencontre avec les frères Weasley; et il piquera peut-être un peu les plus sensibles.
Au plaisir
La vieille aux chats
