Résumé: Harry poursuit sa vie entre le Manoir, Sainte-Mangouste et un entraînement de quidditch, mais il reste troublé par le désir latent de Lucius et par les souvenirs d'Axaya qu'il a montrés à Severus. Percevant son besoin de réconfort, celui-ci se montre plus présent auprès de son amant, quitte à délaisser son compagnon, ce dont Lucius prend peu à peu ombrage. L'absence à venir de Severus pour un Salon du Livre à New-York n'a fait qu'exacerber un peu plus leurs tensions.

à yu: Merci beaucoup. J'espère que l'histoire continuera à être à la hauteur de ton opinion ;)

Quelques montagnes russes aujourd'hui, entre légèreté et émotions... Bonne lecture.


Le Manoir semblait bien vide depuis que Severus était parti. C'était ridicule et ce n'était l'affaire que de quelques jours mais c'était ainsi.

En rentrant de Paris le dimanche matin, Lucius avait trouvé son compagnon travaillant d'arrache-pied et il avait passé toute sa journée et celle du lendemain jusqu'à son départ, à préparer cette conférence qu'il avait quelque peu négligée. Il avait multiplié les allers-retours entre son bureau, la Bibliothèque et la Librairie, déjeunant et dînant en coup de vent pour réussir à boucler à temps son allocution, avec de temps à autre un regard désolé.

Le soir venu, Lucius avait bien compris que Severus entendait lui donner ce qu'il estimait lui devoir – du sexe, un peu de tendresse et d'attention – mais ça ne se passait pas comme ça. Il avait lui-même donné du plaisir à Severus en prenant dans sa bouche le sexe épais de son compagnon, mais il avait refusé que Severus le touche.

Et Severus avait fini par partir, troublé et incertain.

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Restait le silence du Manoir, les draps froids, et Harry.

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Lucius voyait bien que depuis le départ de Severus, Harry faisait des efforts pour être plus présent. Il partait plus tard, après le petit-déjeuner qu'il partageait avec lui, rentrait tôt dans l'après-midi, et parfois même pour le déjeuner, chose qu'il ne faisait plus depuis qu'il avait commencé à travailler à Sainte-Mangouste.

Il voyait bien les regards circonspects ou inquiets devant son silence, les attentions pleines de sollicitude, la disponibilité, la douceur... mais cela ne faisait que rendre les choses plus difficiles encore.

Il repensait au dîner à Paris, à ce mariage de raison, d'intérêt et de libertinage qui se profilait entre Francis et Mandy. Entre le dossier sur la situation des Carpates et celui sur les échanges commerciaux avec le Canada, entre le fromage et le dessert, Mandy, qui le connaissait mieux que personne autrefois, lui avait proposé de la compagnie pour passer la nuit dans les appartements de l'Élysée. En riant, elle lui avait dit avoir recontacté ses « mignons » d'autrefois, Mark, Sean et Antonio qui s'étaient tous rendus disponibles pour lui. Il avait refusé poliment, bien qu'avec un pincement au cœur. Aujourd'hui, il n'avait envie que de Severus. Et de Harry.

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– Lucius n'est pas là ? fit Harry.

Il était rentré tôt mais n'avait trouvé trace de son hôte nulle part dans le Manoir, pas plus que dans son bureau. Il avait fini par descendre aux cuisines pour interroger les elfes qui savaient mieux que personne ce qui se passait dans la maison.

– Si, répondit Sky sans lever la tête de sa préparation pour le repas du soir. Le Maître est dans le Boudoir de Madame Narcissa, à l'étage.

Harry fronça les sourcils en se souvenant de ce petit salon rouge et sucré dans lequel il n'était entré qu'une fois ou deux en compagnie de Draco. La présence de Lucius y était surprenante.

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La porte était entrouverte lorsqu'il s'en approcha. En pénétrant dans la pièce douillette, il aperçut la silhouette de Lucius dans un fauteuil cramoisi, près d'une vaste fenêtre surplombant les jardins. L'aristocrate semblait perdu dans une contemplation muette, le regard vague fixé sur l'horizon lointain des bois et des écuries, aux confins du Domaine.

Harry n'était même pas sûr que Lucius l'ait entendu entrer. Il s'approcha lentement, cherchant du regard ce qui avait pu attirer Lucius ici, ou ce qui avait pu changer dans la pièce depuis son dernier passage. Au milieu des photos de famille, des meubles en bois rare et des objets précieux, il ne vit qu'une tasse de thé vide posée sur un guéridon. Et ce visage tendu qu'arborait l'aristocrate.

– Lucius ? Est-ce que ça va ?

– Oui, tout va bien. Tu voulais quelque chose ?

La voix était fermée, le ton raide au possible. Il devait reconnaître à Lucius cet art de faire passer des messages tout en restant poli et obligeant vis à vis de son interlocuteur, mais il n'aimait pas faire les frais de cette habileté-là.

– Je. Non. Je m'étonnais de ne pas vous trouver en bas... Vous voulez descendre prendre un thé avec moi ?

Ses yeux gris étaient insondables puis Lucius soupira et détourna le regard vers la fenêtre.

– Merci, non. Je viens d'en prendre un...

Harry hésita. C'était une fin de non-recevoir mais il n'avait pas envie d'en rester là, si distant, si fuyant, alors qu'il avait partagé tant de confidences et de complicité avec Lucius. C'était pitoyable et c'était moche, cette distance entre eux. Il aurait voulu retrouver le Lucius ému et émouvant, pudique dans ses attachements, capable d'éclater de rire à une bonne répartie, le Lucius fier et grand seigneur, manipulateur à souhait, dont l'autorité naturelle était fascinante, celui qui s'émerveillait de ses petites filles, celui capable de rougir lorsqu'il était surpris avec un regard amoureux, celui qui vibrait encore de désir devant son compagnon de toujours...

– C'est... Severus vous manque ?

– Severus revient demain, Harry, fit-il d'un ton sec.

– Ce qui ne répond pas à ma question...

– Je ne suis pas sûr que mes états d'âme intéressent qui que ce soit d'autre que moi.

Il aurait pu répondre bien des choses à cette allégation mensongère, protester, dénier, mais Harry savait bien que Lucius ne changerait ni d'avis, ni d'humeur aussi facilement. Il voulait être seul, sans avoir de compte à rendre à quiconque, et personne ne pouvait lui enlever cette liberté-là.

Harry s'approcha malgré tout, posant sa main baignée de magie sur l'épaule de Lucius, offrant, comme il l'avait fait l'autre jour, de transmettre un soupçon de douceur, une perle délicate qui contiendrait une partie de la tendresse et de l'affection qu'il lui portait.

Mais Lucius saisit son poignet et l'écarta brusquement de lui, comme si la magie l'avait brûlé physiquement. Il le tint quelques secondes suspendu dans les airs, atténuant par son immobilité la violence du geste, puis le relâcha lentement.

– Non. S'il-te-plaît, non.

Harry aurait voulu insister, le toucher, le prendre dans ses bras pour briser ces réticences, ces résistances, le cajoler et le couvrir de tendresse jusqu'à ce que Lucius cède et s'ouvre enfin, il aurait voulu caresser son visage et ces cheveux qui brillaient dans la lumière, caresser ces yeux qui refusaient de le regarder, caresser cette bouche capable de bien mieux que du mépris, et caresser ce corps crispé et noué dans le refus et les contrariétés... mais il ne pouvait pas.

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Sur la porte qui se refermait sans bruit, Lucius jeta assez de sortilèges pour la rendre impénétrable au moindre grain de poussière qui se serait égaré par là, conscient des pas de Harry qui redescendait l'escalier jusqu'à ce que le silence revienne enfin.

Il avait été injuste. Harry n'était pour rien dans le désir qu'il ressentait à son égard. Ou du moins pas cette fois. Au Mas de la Garde, en Provence, il ne pouvait pas nier que Harry l'avait provoqué. Intentionnellement ou non, c'était un autre problème, mais le jeune homme s'était allègrement promené à moitié nu, voire complètement nu lorsqu'il lézardait au soleil sur sa chaise longue; il l'avait provoqué lorsqu'il s'était déhanché contre lui dans la piscine, et même lorsqu'il avait ordonné à Severus de le rejoindre dans la chambre sous peine de le baiser sous ses propres yeux.

Son regard alors, dont Severus n'avait pas eu conscience, n'avait été que luxure et concupiscence, presque un défi à les rejoindre.

Mais pas là. Depuis le départ de Severus, et même avant, Harry avait été exemplaire, irréprochable; ce qui n'empêchait pas le désir de persister.

Quelque part, Lucius en voulait à Severus, dont l'absence laissait la porte grande ouverte à cette tentation permanente, à ces désirs qui ne demandaient qu'un peu de place pour se déployer et contre lesquels il devait lutter encore plus que d'habitude. Il n'en pouvait plus de voir Harry si présent, si attentionné, si disponible presque, alors qu'il n'avait le droit de rien faire.

Avoir en permanence sous les yeux ce regard émeraude si transparent sur les états d'âme du jeune homme, ce corps bruni par le soleil qu'il aurait voulu faire sien, ce sourire éhonté, cette bouche qu'il aurait voulu baiser, ces mains qu'il aurait voulu sentir sur son propre corps, cette chaleur rayonnante qui l'attirait comme un aimant, ce rire qu'il aurait fait taire de sa langue ou de son sexe... C'était une torture.

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Lucius se leva péniblement et s'approcha du piano recouvert d'une fine couche de poussière dans laquelle son doigt laissa un sillon plus sombre. Narcissa n'était plus là aujourd'hui pour jouer avec lui à quatre mains mais le piano demeurait, imperturbable. Il s'assit derrière le clavier et glissa ses doigts sur les touches parfaites et glacées qui n'attendaient qu'une pression pour rendre toute l'ampleur et la beauté de leur sonorité. Sortant sa baguette, il jeta un sort de silence sur la pièce, puis la posa sur le piano et commença à jouer.

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– Lucius ne vient pas dîner ? demanda Harry à Sky qui mettait de côté l'entrée pour servir le plat principal.

– Je ne sais pas, Monsieur Harry. Le Maître ne m'a pas donné de consigne.

Le couvert de Lucius, à l'extrémité de la table, avait été mis, mais sa place était restée vide depuis que Harry avait rejoint la Salle à Manger à l'heure habituelle.

– Il est toujours dans le Boudoir de l'étage ? fit-il en fronçant les sourcils.

– Non, Monsieur. Le Maître est parti aux écuries et il a pris son cheval...

– Pour aller où ? lâcha Harry surpris.

– Je ne sais pas, Monsieur.

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La colline surplombait une vallée verdoyante qui s'étirait aussi loin que portait le regard, par-delà les champs, les forêts, les rivières et les villages, jusqu'à ce que le ciel se fonde avec la terre et que l'infini devienne aérien, éthéré et invisible.

Il était venu là avec Harry. Sur cette même colline, ils s'étaient assis dans l'herbe et ils avaient parlé de Narcissa, de l'amour et de la douleur, des jours anciens et de peines éteintes par le temps. Ils avaient partagé quelque chose d'indicible, doux et douloureux comme leurs confidences, et Harry avait dévoilé, une fois de plus, une facette inexplicablement attachante.

Mais il ne pouvait pas faire ça à Severus ! Il ne pouvait pas désirer son amant ainsi, il ne pouvait pas vouloir prendre celui qui lui appartenait, celui qu'il avait choisi... Si Severus l'avait laissé entièrement libre du choix et du nombre de ses amants durant toute leur union, il serait en revanche profondément meurtri et furieux si Lucius voulait s'accaparer ou ne serait-ce que goûter le seul amant qu'il avait jamais choisi. Harry était unique, et précieux. Et inaccessible.

Lucius rassembla les rênes de son cheval et partit plus loin encore.

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Il était très tard et il faisait nuit depuis un bon moment quand il regagna le Manoir, fourbu et couvert de poussière.

En pénétrant dans sa chambre, il fut surpris par la lueur douce d'un feu mourant dans la cheminée. La température était agréable, presque trop chaude pour lui qui revenait de la fraîcheur de la nuit. Il retira sa veste et la jeta sur le dossier d'une chaise avant d'apercevoir l'éclat du regard de Harry dans la pénombre près de la fenêtre.

– Qu'est-ce que tu fiches là ?

– Je vous attendais. Je voulais être sûr que vous rentriez et que vous alliez bien...

– C'est le cas, fit Lucius en dégrafant son veston. Et j'aimerais bien recouvrer l'usage de ma chambre à présent.

– Je suis désolé, fit Harry en se levant. J'avais peur de vous manquer si je vous attendais dans le Petit Salon...

Ce en quoi il n'avait pas tort. Lucius avait simplement enlevé ses bottes dans le Hall avant de monter directement à l'étage par l'escalier principal, sans passer devant le Petit Salon.

– Eh bien tu peux partir à présent. J'aimerais bien prendre une douche et me coucher.

Il entreprit de déboutonner sa chemise, s'efforçant de ne pas regarder le visage impénétrable de Harry qui passait à côté de lui pour rejoindre la porte. Dans son aura que le jeune homme ne cherchait même pas à retenir, il percevait son incompréhension, une tristesse abyssale et plus surprenant encore, un sentiment d'abandon qui lui noua le ventre.

– Qu'est-ce qui se passe, Lucius ? fit Harry en s'arrêtant la main sur la poignée de la porte. Pourquoi... Qu'est-ce qui ne va pas, qu'est-ce qui ne va plus ?

– Pour l'amour de Merlin, Harry ! Mêle-toi de tes affaires !

Il regretta aussitôt son explosion en percevant le recul meurtri du jeune homme et son regard blessé.

– Lucius, est-ce que ma présence est de trop ?

Il ferma les yeux pour effacer cette douleur qui le dévisageait avec insistance. C'était la deuxième fois en quelques jours que Harry lui posait la même question et l'ombre de son départ planait maintenant entre eux. Un départ inenvisageable.

– Tu ne comprends pas, Harry, murmura-t-il d'une voix presque brisée. Ta présence n'est jamais de trop. Elle a plutôt un goût de pas assez... Tu ne comprends donc pas pourquoi je te veux loin de moi ?! Loin de mon regard, loin de mes mains, loin de mon désir...

Il se tourna brusquement pour faire face au jeune homme et boire son regard vert incandescent, respirer son odeur et s'abreuver de son image, de ses cheveux sombres et légèrement bouclés où il rêvait de glisser ses doigts.

– Tu ne comprends pas à quel point tu es une tentation permanente, un péché que j'ai sous les yeux et auquel je n'arrive pas à résister ? À quel point je rêve de promener mes mains sur ton corps ? À quel point j'aimerais te faire ravaler ton rire et tes moqueries en t'embrassant ? À quel point j'aimerais te prendre là, contre cette porte, comme je l'ai fait si souvent avec Severus ? À quel point j'ai envie de toi ?!

Lucius s'approcha encore, obligeant Harry à s'appuyer contre le bois de la porte, gardant à peine un pas de distance entre leurs deux corps. De la pointe de sa baguette, il retraça le creux de la clavicule et la ligne du cou où se voyaient encore les marques de Severus.

– Et j'ai gagné ce duel, murmura-t-il. Je pourrais réclamer mon dû...

Harry avait fermé les yeux sous la caresse insidieuse, relevant la tête comme la pointe de la baguette s'enfonçait légèrement dans sa peau et l'obligeait à redresser le menton.

– Une nuit. Juste une nuit où tu serais à moi...

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Lucius était effrayant et beau à la fois. Puissant. Dangereux.

Et son corps qui s'approchait encore du sien jusqu'à l'effleurer de ses vêtements dégageait un magnétisme animal. Son regard métallique, la prestance de son maintien, ce charisme duquel naissait une autorité naturelle et impérieuse, l'habitude du commandement et de la domination... Tout dans son attitude faisait frémir Harry d'un désir latent.

La pression soudaine du corps de Lucius contre le sien lui coupa le souffle. Une odeur de santal mêlée à celle de la poussière et du cheval l'envahit, une odeur entêtante, aussi obsédante que la caresse de ses cheveux qui le frôlaient et la respiration de Lucius sur sa peau. Harry ferma à nouveau les yeux, incapable de protester ou de se défaire de cette emprise sans contrainte. De part et d'autre de ses épaules, les bras de Lucius, appuyés contre la porte, l'enfermaient dans une prison imaginaire, un carcan délicieux d'où il ne souhaitait même pas s'échapper.

Et soudain il sentit les lèvres de Lucius sur la peau fine de son cou, ces lèvres qui suçaient, léchaient, buvaient, croquaient sa peau comme une sucrerie, une caresse indécente et honteuse dont Lucius savait très bien qu'elle le faisait fondre et se liquéfier.

Harry sentit ses jambes devenir faibles et l'effort nécessaire à se maintenir debout lui parut peu à peu insurmontable, à mesure que s'échappait de sa gorge un souffle qui confinait au gémissement.

– Je... Je n'appartiens à personne, Lucius.

Sur sa peau, les lèvres formèrent un rictus amer.

– À personne d'autre qu'à Severus, fit Lucius en baissant la tête. Sors d'ici, Harry.

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ooOOoo

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Depuis que Kitty avait redécoré son bureau à Sainte-Mangouste, Harry y passait plus de temps. L'effervescence somptueuse de plantes et de végétation lui faisait un bien fou et il lui arrivait même d'y prendre ses repas le midi, assis au sol sur une simple natte en parcourant un livre.

Pour l'heure, il n'en pouvait plus de traverser ce bureau de long en large en hésitant sur ce qu'il devait faire. Severus était censé rentrer de New-York dans l'après-midi, mais après la confrontation étrange avec Lucius la veille au soir, Harry ne voulait surtout pas rentrer au Manoir avant son amant. À vrai dire, il hésitait même à y rentrer tout court.

Plus que le désir de Lucius qu'il avait déjà perçu à d'autres moments, et en particulier durant leur week-end en Provence, ce qui l'avait effrayé avait été sa propre réaction, passive, consentante et impuissante. Si Lucius n'avait pas renoncé de lui-même, il aurait été rapidement incapable de ne pas le toucher, de ne pas glisser ses mains dans l'échancrure de sa chemise à demi déboutonnée et de ne pas embrasser cette bouche qui le dévorait avec tant d'avidité.

À présent, il craignait de rentrer et de se retrouver confronté à nouveau à Lucius, à son regard et à son désir, et cette crainte tempérait jusqu'à l'envie de revoir Severus.

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oooooo

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Severus était rentré, il en était certain. Il le sentait à un parfum bien particulier dans les couloirs du Manoir, à la façon dont les incrustations de runes vibraient tout autour des portes, à cette présence magique qu'il reconnaîtrait entre mille et qui le faisait vibrer lui aussi.

Tous ses sens attiraient Harry vers l'étage et il suivit ce chemin presque les yeux fermés, guidé simplement par son désir et l'appel qu'il ressentait pour rejoindre son amant. Si la séparation avait été aisée, le besoin qui se faisait sentir à présent était irrésistible et plus il approchait de sa chambre, plus il était fort.

Parvenu devant la porte, il hésita, surpris de se trouver là et pas dans le Petit Salon ou devant la chambre de Lucius, ce qui lui aurait interdit toute entrée. Mais la chambre de Severus n'appartenait qu'à lui et il l'utilisait peu, hormis pour se changer ou prendre une douche.

Sans même frapper, Harry entra, surpris par la lumière vive de la pièce baignée par le soleil. Au fond de la chambre, près de la fenêtre, se découpait la silhouette de Severus, une simple serviette nouée autour de la taille, en train de s'essuyer les cheveux avec une autre qu'il finit par jeter sur le lit. Son torse puissant, éclairé par un rayon de lumière dorée, luisait encore d'humidité et la fraîcheur de la pièce avait légèrement hérissé le grain de sa peau.

Harry sourit devant cette vision enchanteresse qui chassait toutes ses angoisses, avec pour seule envie de venir réchauffer son amant à la tiédeur de son corps. Et les sensations vertigineuses qui explosaient dans son ventre suggéraient tout un tas d'autres façons de le réchauffer.

Le sourire de Severus, lorsqu'il sentit sa présence et se retourna pour lui faire face, valait son pesant d'or, un sourire large et ravi qui éclairait son visage et effaçait l'austérité de ses traits pour le rendre plus accessible, plus sensible et plus humain. Des bras accueillants enlacèrent Harry dès qu'il s'approcha, rapidement suivis par des lèvres impatientes de retrouver le goût et la douceur de ses lèvres.

– Tu rentres bien tard, le taquina Severus en relâchant sa bouche. Tu n'étais donc pas impatient de me revoir ?

Harry s'appuya contre son amant, le déséquilibrant lentement pour l'obliger à reculer d'un pas, puis d'un autre, jusqu'à ce que le dos de Severus ne rencontre le mur de la chambre. Un frisson le parcourut à cette sensation froide contre sa peau, si différente de la chaleur du corps de Harry collé contre le sien.

– Veux-tu vraiment que je te montre à quel point j'étais impatient ?...

La voix du jeune homme ronronnait à son oreille, vibrante et sourde comme une menace de lui faire subir les pires outrages. Severus sentit la morsure légère de ses dents sur sa gorge, sur sa clavicule, sur son torse, qui devenait plus insidieuse et plus franche en s'attaquant à l'un de ses tétons déjà érigé et durci par le froid. Plus bas, une main s'était glissée par la fente de la serviette nouée autour de ses hanches pour accéder à son bas-ventre et caressait déjà le haut de sa cuisse, effleurant subrepticement son sexe et ses testicules, tandis que l'autre s'approchait dangereusement de ses fesses.

Merlin ! Harry était si entreprenant et si délicieux... C'était presque un sacrilège que de ne pas avoir envie de lui dans un moment pareil.

– Hors de question, souffla-t-il en saisissant la main qui taquinait son sexe mou. Lucius vient de me passer dessus et tu vas devoir attendre quelques heures pour que ce soit ton tour.

Harry se raidit brusquement entre ses bras, abandonnant son téton non sans avoir laissé une trace de dents plus prononcée que les autres et qui lui arracha un halètement étouffé.

– On parle de moi ?

La voix de Lucius était moqueuse à souhait, et sa position, les bras croisés, appuyé de l'épaule contre le chambranle de la porte de la salle de bains, indiquait qu'il était là depuis un moment à les regarder.

Et puis surtout, il était nu. Des pieds à la tête. Seulement vêtu de ses longs cheveux blonds qui tombaient mollement sur ses épaules.

S'il restait très mince et très sec, bien plus que Severus, Lucius avait repris du poids depuis Sainte-Mangouste et Harry apprécia goulûment ses formes attrayantes. Le dessin des muscles longilignes suivait la ligne élancée de sa silhouette, les articulations découpées, le torse aux côtes presque apparentes, ce ventre plus que plat sous lequel les abdominaux semblaient un oreiller inespéré.

Et s'il avait déjà vu Lucius en maillot de bains, Harry ne l'avait jamais vu nu. Ce sexe que Severus avait vaguement décrit un jour pour le narguer, lui apparaissait étrangement beau. Aussi longiligne et altier que l'homme qui l'arborait dans une splendide nudité. Ainsi donc était cette verge qui possédait si souvent Severus, celle qui savait le faire gémir et lui donner tant de plaisir, celle qui venait d'honorer son corps juste avant son arrivée...

Severus riait encore quand Harry reconnecta avec la réalité. Tout entier concentré sur la découverte de ce corps nu, il n'avait pas remarqué le sourire narquois de celui qu'il admirait ainsi et son regard mordant d'ironie.

– Va te laver, toi ! ricana Severus. Tu sens le sexe à plein nez ! Et toi, ajouta-t-il en prenant le menton de Harry pour l'obliger à détourner la tête, arrête de mater mon mari.

Sans savoir pourquoi, ce mot-là lui fit plus mal que tout le reste. Plus mal que de réaliser que Lucius avait aimé Severus avant lui, plus mal que d'avoir été observé en train de l'exciter, plus mal que les sourires moqueurs, plus mal que le désir qu'il avait ressenti à contempler Lucius.

Lucius était le mari, il était l'amant; il ne serait jamais qu'un éternel second, celui qui passerait après, s'il restait un peu de temps, un peu de place, un peu d'énergie... Il le savait déjà, mais il n'avait pas besoin de ce rappel cruel, en particulier à ce moment précis. La mort dans l'âme, Harry transplana loin des bras de Severus.

– C'est malin, fit-il à Lucius avec une grimace désappointée.

– C'était trop tentant. Je vais me laver, et toi, va réparer mes bêtises !

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Harry n'avait certainement pas disparu bien loin et il ne fallut à Severus que quelques instants pour le retrouver devant la fenêtre de sa chambre, immobile en train de contempler les jardins. Il n'eut aucune réaction lorsqu'il pénétra dans la pièce, ni quand il s'approcha de lui pour l'enlacer par derrière.

Ses deux bras enserrant le corps raide du jeune homme, il s'en voulut de ce qui venait de se passer. Il n'avait pas souhaité le blesser, ni l'humilier, mais la sensibilité de Harry, parfois à fleur de peau aux moments les plus inattendus, le déstabilisait encore. Il se sentait si souvent grossier et indélicat qu'il lui semblait avoir perdu tous ses repères. Harry était si différent de Lucius, à la fois plus fort et plus puissant, et paradoxalement si fragile. Si avide de réassurance. Avec un besoin d'être aimé et de donner de l'amour si inépuisable que Severus avait du mal à le combler. Un roc inaltérable posé sur un lit de sable, précaire et instable, qu'un simple mot pouvait venir éroder.

Severus raffermit la prise de ses bras sur ce corps qui refusait de s'abandonner et qu'il chérissait tant.

– Je t'en prie, ne sois pas jaloux... Et ne m'en veux pas. J'ai besoin de toi, Harry. J'ai besoin de ta présence, de ton rire, de ta douceur, et même de tes silences... Je t'aime.

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ooOOoo

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Depuis que Severus était revenu de New-York, le calme s'était réinstallé au Manoir. Sa présence coupait court aux désirs inavouables et Lucius était redevenu celui qu'il avait toujours été : agréable, courtois et plus respectueux que jamais. Cette civilité rassurait Harry et il ne craignait plus de se retrouver seul à seul avec l'aristocrate, quel que soit l'endroit et les circonstances. Certes, Lucius avait eu un comportement déplacé la veille du retour de Severus, mais cela semblait lointain à présent, et presque surprenant au vu de son attitude actuelle.

Inexplicablement, Lucius lui avait manqué et le retrouver était un vrai plaisir. Leurs conversations interminables, leurs confidences et leurs souvenirs échangés au coin du feu ou au soleil des jardins lui faisaient du bien et lui mettaient le sourire aux lèvres. Harry appréciait cette complicité sans équivoque qui soulevait pourtant la jalousie de Severus lorsqu'il sentait que sa présence interrompait leur discussion.

De temps à autre, Harry voyait bien le regard de Lucius briller un peu plus qu'à l'accoutumée, il voyait bien ses yeux s'égarer sur son corps lorsqu'il remontait de la piscine ou son sourire aguicheur sur un bon mot ou une plaisanterie, mais ils parvenaient à se moquer de cette attirance et à en rire, et cela n'allait jamais plus loin. Tout en se permettant toutes les largesses verbales et parfois des suggestions des plus ambiguës, ils s'interdisaient le moindre contact physique et respectaient une distance entre eux qui tenait de la distance de sécurité. Et cela suffisait à préserver leur équilibre.

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Harry passait ses matinées à l'hôpital, dans le laboratoire de Sam ou le sien, parfois à donner son avis sur les patients qu'on lui confiait peu à peu, ceux dont les pathologies sortaient de l'ordinaire ou du champ de compétence des médicomages. Ses connaissances étaient appréciées et son expérience, qui paraissait étrange ou inédite à nombre de ses confrères, permettait de résoudre des situations qui seraient restées en l'état sans son intervention.

Les journalistes, eux, avaient enfin déserté les couloirs de l'hôpital. Il ne savait pas si Lucius leur avait donné un autre os à ronger ou si la façon dont il avait tapé du poing sur la table à la fin de la conférence de presse leur avait suffi, mais il n'était plus dérangé, et même son courrier se tarissait. Il pouvait enfin sortir librement sur le chemin de Traverse ou ailleurs dans le monde sorcier sans être importuné et son nom n'apparaissait plus dans les journaux.

Cette liberté nouvelle lui permit de retourner à Gringotts pour faire avancer la succession de Bellatrix, et surtout au bureau des Aurors. Leurs agents avaient complètement désensorcelé le Manoir des Lestrange mais l'endroit respirait encore le maléfice et la cruauté. Après en avoir longuement discuté avec le directeur des Aurors et le représentant gobelin de la banque affecté au dossier, il prit la décision de faire raser le Manoir et de rendre les lieux à la nature et à la végétation. Harry craignait, et il n'était pas le seul à partager cette inquiétude, que l'endroit ne soit racheté à terme par un nostalgique de Voldemort ou de Bellatrix et qu'il ne devienne un lieu de commémoration. Ainsi rendu à la vie sauvage et devenu incartable, rien ni personne ne pourrait s'en servir pour célébrer ce contre quoi il s'était toujours battu. Cela représentait certes une perte sèche pour Poudlard sur la valeur de l'héritage mais il la compensa avec l'argent de son propre coffre dont il n'avait que faire. Il avait promis l'intégralité de l'héritage à Poudlard, il entendait tenir cette promesse jusqu'au bout.

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Ainsi débarrassé des journalistes et de ses obligations, Harry se sentait plus libre et il pouvait consacrer son temps à son travail et à ses loisirs. Pas vraiment à Severus qui, depuis le salon de New-York, était débordé de travail. Les journées à la Librairie s'allongeaient démesurément et à son grand désarroi, son amant multipliait les rendez-vous de travail et les déplacements sur la journée pour rencontrer des clients ou des vendeurs potentiels. Harry comblait cette solitude nouvelle par des conversations avec Lucius et par davantage d'activité physique.

Deux à trois fois par semaine, il participait aux entraînements des Harpies pour son plus grand bonheur. En quelques séances, il avait retrouvé une aisance en vol qu'il estimait « correcte » et il n'avait plus à rougir de ses capacités. Ses duels pour le vif d'or avec Katie se jouaient de plus en plus à armes égales, au point qu'il était devenu son sparring partner habituel.

Au sortir d'un de ces entraînements, il croisa Lucius dans le Manoir qui descendait prendre son thé de l'après-midi, brusquement souriant à sa vue en tenue de sport et pour le moins ruisselant des efforts accomplis.

– Mmhh, ce doux parfum de vestiaire, de sueur et de phéromones mâles... Les douches étaient en panne ?

– Les enfants de Georges les avaient encore piégées, fit Harry en riant. Et la dernière fois, Alicia a mis presque trois jours à se débarrasser de la teinture ! J'ai préféré rentrer me laver ici.

– J'en suis ravi ! Sinon, j'aurais été privé de cette tenue outrageusement transparente pour cause d'humidité corporelle, sourit Lucius avec un regard alléché. Une petite odeur de sperme en plus, et Severus serait persuadé qu'on s'est envoyés en l'air tout l'après-midi !

Harry éclata de rire devant le sans-gêne de Lucius et grimpa quelques marches supplémentaires.

– Alors, je file vite me laver avant qu'il ne rentre !

– Besoin d'aide pour nettoyer certaines parties ? susurra Lucius.

– Ça ira, merci ! rit-il de bon cœur. Faites-moi donc préparer un thé et je vous rejoins dans cinq minutes...

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Éviter la jalousie de Severus était devenu une autre préoccupation. Depuis quelques temps, depuis qu'il était moins présent au Manoir en réalité, il était plus tendu, suspicieux et aux aguets. Peut-être simplement fatigué par la surcharge de travail, mais Harry ne pouvait que constater le changement et c'était devenu un sujet de plaisanterie avec Lucius.

Si Severus restait doux et tendre avec lui, aussi attentionné et prévenant qu'avant, il devenait en revanche de plus en plus piquant vis à vis de son compagnon. Les réflexions acerbes étaient monnaie courante, parfois si acides que Lucius préférait se taire et laisser passer l'orage qui menaçait.

Harry ne s'était pas aperçu tout de suite de ce changement de comportement mais au fil du temps, la récurrence de ces sarcasmes l'avait frappée. Lucius faisait le dos rond jusqu'à ce qu'il ne quitte la table, un soir, pour un mot blessant de trop. Harry en avait fait le reproche à Severus mais ses paroles étaient tombées dans l'oreille d'un sourd.

La nuit aussi devenait problématique. Severus dormait avec lui de plus en plus souvent, quitte à négliger son compagnon. Harry avait fini par lui en faire la réflexion un soir, quand Severus rejoignit son lit pour la troisième nuit de suite.

– Tu devrais aller dormir avec Lucius. Tu n'es pas juste avec lui.

– Ne t'inquiète pas pour Lucius. Il a bien assez comme ça !

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– Alors, cette douche ? sourit Lucius en le voyant entrer dans le Petit Salon, frais et vêtu de propre.

– Indispensable ! ricana Harry. Mais solitaire...

– J'ai proposé mon aide...

Harry se laissa tomber dans son fauteuil habituel, brusquement épuisé et courbaturé de partout.

– C'est d'un massage dont j'aurais davantage besoin en fait, gémit-il.

– Je peux fournir aussi, osa Lucius avec un sourire gourmand. Ça me permettrait d'apprécier davantage ces efforts que tu fais depuis quelques temps... Je me suis bien rendu compte que tu manges moins et que tu fais davantage de sport en ce moment. On ne peut pas nier que ça commence à se voir...

Le regard lubrique de Lucius le fit éclater de rire même si une pointe d'amertume naissait quelque part en lui. Lucius avait remarqué, lui, mais Harry n'était pas certain que ce soit le cas de Severus. Ce n'était certainement pas dans le but conscient d'attirer son regard qu'il faisait un peu plus attention à sa ligne, mais il ne pouvait pas nier que cela comptait.

Harry ne bouda cependant pas son plaisir devant le compliment intéressé de Lucius. L'aristocrate savait le brosser dans le sens du poil et cette pensée le fit sourire avec un rien de tendresse.

– Après cette débauche d'énergie, je crois que Sky a jugé préférable de te faire un champurrado plutôt qu'un thé en attendant le dîner, reprit Lucius en désignant une tasse sur le plateau de la table basse. Je vais finir par croire que cette elfe a changé de maître !

– Allons. Vous savez bien qu'elle ne peut avoir qu'une seule allégeance et qu'elle va avant tout à la Maison Malfoy. Ni vous, ni moi ne comptons pour beaucoup là-dedans...

– Mmhh... Je n'en suis pas si sûr...

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Comme il le faisait de temps en temps, Harry descendit peu après aux cuisines pour préparer le dîner avec les elfes. Il n'en pouvait plus des tourtes, des plats en sauce et de toute cette nourriture trop riche et trop lourde. Avec l'arrivée de l'été et un retour à une alimentation plus raisonnable, il avait envie de plats simples, de légumes et de fruits, et de saveurs qui manquaient à ses papilles. Sky s'y prêtait de bonne grâce, même si le résultat ne plaisait pas toujours au maître de maison.

– Crois-tu que je pourrais un jour pousser le vice jusqu'à préparer une soupe de serpent ? lui dit-il en riant.

Dans la marmite devant lui cuisaient doucement du poisson et du poulet dans un délicieux bain de lait de coco qui lui mettait l'eau à la bouche. Des odeurs enchanteresses de citronnelle, de coriandre et de citron vert emplissaient la cuisine et il ne désespérait pas que les elfes trouvent un jour ce délicieux piment rouge dont il raffolait.

– Il faut juste ne pas leur dire ce que c'est, monsieur Harry, répondit Sky avec un air malicieux. Vous direz que c'est moi qui l'ai faite, et ils auront confiance.

Harry éclata de rire devant la fourberie de la petite créature avant de réaliser pleinement ce qu'elle venait de dire.

– Et tu serais prête à leur mentir et à encourir leur colère simplement parce que je te le demande ? fit-il sidéré.

– Ce n'est pas un gros mensonge. Et Maître Lucius ne se met plus en colère contre les elfes depuis des années. Encore moins depuis que vous êtes là...

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Malgré leur surprise et leur réticence à peine voilée, ses hôtes avaient fait honneur à son repas. Devant le manque de conversation de Severus et pour ne pas éveiller sa jalousie s'il parlait trop longuement avec Harry, Lucius avait proposé un film dans la salle de cinéma où il fit servir le cognac du soir.

Ils trinquèrent tous les deux, sans un mot mais avec un regard complice, Severus s'étant absenté cinq minutes pour passer un appel de cheminette. Il était d'une humeur maussade, comme souvent en ce moment, excepté les instants qu'il passait seul avec Harry.

À son retour, il s'installa non avec Lucius sur le canapé face à l'écran comme à leur habitude, mais sur le canapé de côté avec Harry. Dans un silence pesant, Lucius agita sa baguette pour faire démarrer le film et occuper les esprits.

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Malgré toute sa bonne volonté, Harry ne parvenait pas à se concentrer sur les images qui défilaient dans la pénombre de la pièce. Le comportement de Severus le révoltait. Sa présence à ses côtés lui paraissait indue, presque choquante, et ce bras passé autour de ses épaules le rebutait. L'affront fait à Lucius était indigne, scandaleux, blessant.

Harry tourna un regard désolé vers l'aristocrate esseulé sur son canapé qui faisait contre mauvaise fortune bon cœur. Il n'y était pour rien, mais il se sentait responsable de cette disgrâce contre laquelle Lucius ne cherchait même plus à s'élever. Apercevant son regard, Lucius leva les yeux au ciel avec un sourire moqueur, ironisant sans un mot sur le comportement puéril de Severus. Harry esquissa à son tour un sourire triste et navré malgré la légèreté apparente de Lucius et s'efforça de s'attacher à l'histoire du film.

Mais le cœur n'y était pas et la présence de Severus à ses côtés lui devenait de plus en plus insupportable. Harry bouillonnait intérieurement, hérissé de son contact et de son indifférence à l'égard de Lucius, jusqu'à ce qu'il soit incapable de tenir en place sans repousser ce bras et ce corps qui le révulsaient. Il se leva brusquement avant d'en arriver là, et après un rapide mot d'excuse, quitta la salle de cinéma pour grimper l'escalier en colimaçon et rejoindre sa chambre.

Il lui fallut de nombreux allers-retours de long en large dans la pièce pour se calmer et faire redescendre ses émotions intérieures qu'il avait eu beaucoup de mal à maîtriser. Certes, ce qui se passait entre Severus et Lucius ne le concernait pas en théorie, excepté si c'était sa présence qui causait autant de dommages, et cela, il ne pouvait pas le tolérer.

Harry finit par se coucher, encore contrarié et vaguement en colère contre son amant.

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Une fois encore, Severus avait choisi son lit pour passer la nuit. En habitué des lieux, il entra dans la chambre sans frapper et sans même l'aide d'une lumière, s'avança vers le lit et se glissa nu entre les draps. Son corps frais vint se coller contre celui de Harry qui n'en demandait pas tant. En chien de fusil dans un coin du lit, il se tendit en sentant la main de son amant qui venait caresser son ventre et son torse. Et surtout, il sentit contre ses fesses l'érection naissante qui témoignait de l'envie de Severus.

Une fois encore, l'agacement et la contrariété se mirent à bouillonner en lui. Il ne pouvait plus supporter cette mascarade et il entendait bien le lui faire comprendre. Harry se décala légèrement dans le lit et interposa les draps entre le sexe de Severus et ses fesses. C'était sans doute aussi ridicule que le comportement de son amant ce soir, mais tant pis !

– Non. Pas de sexe. Tu es odieux avec lui ! Et moi, je ne supporte plus cette situation. Ne te sers pas de moi pour une vengeance ridicule qui n'a même pas lieu d'être ! Qu'est-ce que tu lui reproches au juste ?!

Severus n'avait pas répondu et s'était contenté de respecter son refus en le gardant enlacé dans ses bras, espérant sans doute qu'il finisse par s'y abandonner. Mais il était tombé de fatigue bien avant que Harry ne cède quoi que ce soit, et encore plus longtemps avant qu'il ne parvienne à s'endormir.

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ooOOoo

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– Qu'est-ce qui ne va pas, Harry ? fit Lucius avec un regard insistant.

– Mmhh ? Rien.

Le soleil était éblouissant, aussi agressif que son humeur était aigre, et cela sembla un prétexte suffisant pour fermer les yeux et éviter de croiser ceux de Lucius qui venait de ricaner.

– Allons. Ne joue pas ce jeu-là avec moi ! D'habitude, quand tu rentres du travail, tu es ravi de ta journée, tu es intarissable pour nous raconter des anecdotes – enfin, « nous »... quand Severus est là – et tu as le sourire aux lèvres. Là, tu as à peine décroché un bonjour, tu t'assoies sans un mot et ton visage est aussi fermé qu'une tombe...

– Je viens d'en visiter une, je crois, concéda-t-il à Lucius qui le connaissait si bien.

Harry se redressa et se pencha en avant, les coudes posés sur ses genoux et passa une main lasse sur son visage. Vraiment, Lucius n'avait pas tort.

– Tu es allé sur la tombe de tes parents ?

– Non. Visiter l'ancienne maison d'Andromeda, de Tonks et de Remus... Je suis censé la vider pour pouvoir la vendre.

– Oh.

Le regard gris si clair de Lucius l'observait avec attention et bienveillance. Harry y voyait la même tendresse qu'il avait parfois proposée à l'aristocrate, et cela lui fit plus de bien qu'il n'aurait su le dire.

– Pourquoi n'as-tu pas demandé à Severus de t'accompagner ?

– Pourquoi faire ? Je n'ai pas besoin de lui. Et puis Severus a d'autres chats à fouetter. Il est débordé de travail depuis le salon de New-York...

Il y avait sans doute bien d'autres raisons pour ne pas avoir demandé à Severus de venir avec lui. La fierté en était une, tout comme son refus de s'abaisser à dévoiler ses besoins ou ses faiblesses, et le refus de sa pitié en était une autre. Harry avait suffisamment à faire avec la sollicitude parfois trop appuyée de son amant depuis qu'il lui avait parlé d'Axaya pour ajouter de l'eau à son moulin.

– Tu sais très bien ce que je veux dire, répondit Lucius. C'est toujours appréciable dans ces moments-là d'avoir quelqu'un qui puisse... t'épauler. Et si Severus n'est pas disponible, je le suis, Harry. Je suis au Manoir tous les jours, et mes dossiers et mes livres de compte peuvent bien attendre quelques heures...

La voix de Lucius était sincère et, paradoxalement, la sollicitude dont il faisait preuve le menaçait moins que celle de Severus.

– Je ne suis pas sûr que ce soit très raisonnable, ricana Harry en songeant à leur désir mutuel. Je ne veux pas... Vous savez très bien !

– Je sais encore me tenir ! protesta Lucius avec un sourire narquois. Et j'ai tout le temps dont tu as besoin à te consacrer.

Lucius maniait le double langage avec une habileté effrayante. Quoi qu'il dise, ses paroles pouvaient s'interpréter de plusieurs manières différentes et les sous-entendus de l'aristocrate achevèrent de le faire rire.

– Vous tenir ? ironisa Harry. Sauf un certain soir pendant l'absence de Severus à New-York !

– Je me tenais... à ta disposition. Et je ne me souviens pas t'avoir beaucoup vu te débattre !

– En effet, concéda Harry en souriant.

Un frisson le parcourut encore au souvenir de ce moment où la pointe de la baguette de Lucius l'avait obligé à relever le menton et où son désir écrasant avait failli avoir raison de ses réticences.

– Un instant de faiblesse passagère ? se moqua Lucius en notant la chair de poule sur ses bras nus.

Lucius raillait aussi bien sa réaction ce soir-là que celle de l'instant présent, et Harry se mordit les lèvres en souriant. Il ne pouvait décidément rien lui cacher.

– Disons que l'absence de Severus a conduit à une certaine excitabilité chez chacun d'entre nous...

C'était sans doute la première fois qu'il avouait lui aussi son désir de manière explicite et le sourire jubilatoire de Lucius le fit éclater de rire.

– Severus n'a pas besoin d'être absent pour ça, avoua à son tour Lucius avant d'ajouter rapidement et sur un ton plus sérieux. Quoi qu'il en soit, ma proposition reste valable... en tout bien tout honneur ! Si tu souhaites que je t'accompagne...

Harry releva les yeux vers le regard gris qu'il aimait tant.

– Il faudrait que j'y retourne pour prendre ce que je veux garder...

– Dis-moi simplement quand.

– Demain ? Tant que Severus est à la Librairie ? Sinon, nous allons avoir une scène de jalousie en rentrant !

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Ce soir-là, Severus ne vint pas dormir avec lui et cela lui sembla une juste gratitude pour le soutien que Lucius lui avait offert.

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ooOOoo

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La maison était une jolie maison ancienne, arrangée, précieuse, délicate, pleine de jolis objets et de photos de famille, dans laquelle la poussière accumulée depuis des années avait jeté un voile de poudre comme sur le visage d'une vieille dame pomponnée à souhait.

Rien ne semblait avoir bougé depuis des siècles, excepté les empreintes de pas que Harry avait laissées la veille.

Il parcourut du regard le salon et la salle à manger, une petite pièce légèrement encombrée où il fallait se faufiler entre les meubles, le canapé, les guéridons et les fauteuils aux couleurs défraîchies. Sur un buffet, entre les souvenirs ramenés de voyage et une paire de chandeliers aux armoiries des Black, trônaient une ribambelle de cadres argentés où il peinait à reconnaître des visages. Seul celui de Nymphadora était identifiable à coup sûr en raison de sa couleur de cheveux qui oscillait entre le rose et le bleu quel que soit l'âge qu'elle avait sur la photo.

Derrière lui, Harry sentait la présence attentive de Lucius, simplement disponible s'il le souhaitait. Ils étaient venus sans un mot, transplanant l'un après l'autre sans échanger le moindre regard, comme si la pudeur était de mise aujourd'hui.

– À part Tonks, je ne connais personne sur toutes ces photos, murmura Harry.

– Oh si, fit Lucius en s'approchant. C'est juste que tu ne les reconnais pas. Regarde là, c'est Arthur et Molly... Ils étaient très jeunes, je te le concède.

Il aurait dû reconnaître la tignasse rousse caractéristique mais son regard restait noyé dans cette multitude de visages et de souvenirs qui n'étaient pas les siens.

– Là, c'est Narcissa et Bellatrix, enfants, et Andromeda au milieu. Tonks bébé, fit Lucius en désignant un tout petit cadre ouvragé. Andromeda et son mari Ted à leur mariage... on nous aperçoit même avec Narcissa au fond de la salle.

Derrière la mariée en bleu clair, Harry apercevait en effet deux visages blonds comme les blés, aussi superbes l'un que l'autre dans leurs tenues de cérémonie. Narcissa était magnifique, d'une beauté plus rayonnante que sa sœur, et Lucius était d'une prestance à faire se damner un saint.

– Vous aviez quel âge là-dessus ? fit Harry en étouffant un sourire.

– Dix-neuf ans. Vingt ans peut-être... Inutile de dire que j'ai vieilli, hein ! ricana Lucius.

– Je n'en avais pas l'intention, mentit Harry effrontément. Vous vous bonifiez avec le temps, dirons-nous, comme le bon vin...

– C'est ça. Inutile de me passer de la pommade. Tiens, regarde, tu reconnais qui c'est ?

Harry se pencha sur le cadre que lui montrait Lucius, une photo d'une petite fille aux cheveux bleus de l'âge de Minerva tenant dans ses bras un minuscule bébé geignard.

– Tonks ? Et... Je ne sais pas.

– C'est Draco, fit Lucius avec un sourire. Il avait deux mois. Andromeda et Ted étaient venus au Bal des Malfoy. Les trois sœurs n'ont pas toujours été fâchées...

– Ah oui, le fameux bal ! J'en ai vaguement entendu parler, railla Harry. Vous le donnez aussi cette année ?

– Bien sûr. C'est une tradition chez les Malfoy. On le donne pour l'anniversaire du plus jeune héritier mâle de la famille, à partir de sa majorité. Du temps de mon père, il se donnait en octobre et depuis mes dix-sept ans en août. En théorie, ce devrait être le jour de l'anniversaire de Draco à présent, en juin, mais il a toujours refusé de poursuivre cette tradition...

Harry se figea sous le regard plein d'incompréhension de Lucius. Juin. Son cœur accéléra brusquement en se rendant compte que la date était passée sans même qu'il ne s'en souvienne et qu'il ne fasse un quelconque geste envers Draco.

– Mais...

– Inutile de paniquer, sourit Lucius. Draco ne fête pas son anniversaire. Tu n'as pas manqué quoi que ce soit. C'est pour ça qu'il ne veut pas donner le bal en son nom...

– Mais tout de même, protesta-t-il.

– Non, vraiment, Harry. Draco ne veut pas fêter son anniversaire. Il considère que ce n'est pas lui qui doit être fêté ce jour-là, mais plutôt la femme qui l'a mis au monde. Et accessoirement, moi...

Harry reposa le petit cadre qu'il avait pris pour mieux regarder ce visage de bébé crispé, les poings serrés sur une mèche de cheveux bleus, et la bouche déformée par un cri muet. Draco semblait aussi exigeant et capricieux que lorsqu'il l'avait connu en première année à Poudlard !

– Et donc c'est à vous que doivent revenir les cadeaux ? ricana-t-il en regardant Lucius qui hocha la tête en souriant.

– C'est son idée... Chaque année, il nous offrait un dessin ou un objet qu'il avait métamorphosé. Depuis la mort de sa mère, il va chaque année, le cinq juin, poser une rose blanche sur sa tombe... Et à moi, il m'offre un présent qui n'a de sens que pour nous deux...

– Oh...

Harry sentait qu'il touchait à quelque chose d'intime entre le père et le fils, un lien indicible qui l'émouvait au-delà du raisonnable, et plus précieux que le plus précieux des cadeaux.

– Une année, ça a été le couple de paons blancs qui vivent dans les jardins... Les précédents étaient morts pendant la guerre; Voldemort avait eu envie de voir quel goût pouvait avoir leur viande, fit Lucius avec une grimace. Ou un ancien portrait de sa mère qu'il avait retrouvé dans un livre d'école en faisant du rangement. Une autre fois, il m'a offert dans une fiole un souvenir d'enfance où il nous avait entendus derrière la porte jouer du piano, sa mère et moi...

– Du piano ? Vous jouez aussi du piano ? fit Harry avec un sourire émerveillé.

– Narcissa jouait magnifiquement bien, affirma Lucius avec un regard étrangement brillant. Et il nous arrivait de jouer à quatre mains... J'ignorais même que Draco nous avait parfois entendus.

– Vous jouez du piano, répéta Harry rêveusement. Je le savais !

Lucius éclata de rire devant son air béat, achevant de faire redescendre une émotion qui les avait pris l'un et l'autre par surprise.

– Qu'est-ce qu'il y a ? C'est un de tes fantasmes ?! se moqua-t-il. Tu rêves de m'entendre jouer et que je te prenne après sur ce même piano ?!

Harry sourit rêveusement à la délicieuse image mentale qui se formait dans son esprit tandis que Lucius continuait à rire de sa délicate rougeur.

– Ce serait un affront à la mémoire de Narcissa, finit-il par dire. Mais j'ai bien d'autres idées qui seraient envisageables...

Un éclair gourmand passa dans le regard de Lucius et Harry jugea préférable de ne pas le pousser trop loin et de revenir à une conversation plus saine.

– Et cette année, qu'est-ce qu'il vous a offert ?

Lucius sourit à nouveau, plus tendre cette fois-ci, et de nouveau vaguement ému.

– Une petite paire de chaussons pour bébé. Bleus... Jusque là, je ne savais pas que le bébé était un garçon.

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Harry avait emmené un petit coffret de bois équipé d'un sortilège de réduction pour ce qu'il voulait garder. Il commença à y ranger de vieilles lettres qu'il avait trouvées la veille, quelques cadres photo, une miniature en forme de cerf qui lui avait fait penser à son père...

– Il y a des photos que vous voudriez garder ? fit-il à Lucius.

– Non, si tu me fais le plaisir de montrer celle-ci à Draco !

Lucius montrait avec un sourire moqueur la photo du bébé geignant dans les bras de Tonks que Harry rangea aussitôt dans son coffre.

– C'était bien mon intention ! ricana-t-il.

Il prit aussi celle où on apercevait Lucius et Narcissa jeunes, sans savoir s'il comptait la garder ou la montrer à Draco.

– C'était vraiment une belle femme, fit-il en s'attardant sur l'image d'Andromeda.

Brune avec des reflets chatoyants, le regard plus doux que celui de Bellatrix, Andromeda inspirait la confiance même si elle avait été une sorcière redoutable.

– Narcissa était plus belle encore ! fit Lucius avec un air supérieur qui le fit rire. Et même Bellatrix... Si tu enlèves ce que Voldemort a fait d'elle, toute la folie et la cruauté qu'il lui a inspirées, c'était une très belle femme. Tous les Black ont eu ce petit quelque chose en plus qui les rendait plus attrayant que le commun des mortels. Même Sirius était séduisant. Beaucoup moins en sortant d'Azkaban, je te le concède...

– C'est le côté grand brun ténébreux qui vous attire ? se moqua Harry en s'approchant de la bibliothèque qui occupait tout un pan de mur.

– Même les petits bruns ténébreux m'attirent, ironisa Lucius.

Harry se mordit la langue pour ne pas répliquer, certain que s'il se défendait de sa taille, ce serait acquiescer à l'attirance de Lucius, et que de toute façon, il devait avoir une répartie en réserve pour retourner la conversation à son avantage.

– Ainsi donc, Sirius vous plaisait...

– Il plaisait surtout à Severus.

– C'est-à-dire ? fit Harry en se retournant brusquement.

– Tu lui poseras la question, répondit Lucius avec un sourire énigmatique. Alors, qu'est-ce que tu vas faire de tout ça ?

La bibliothèque regorgeait de livres anciens et poussiéreux qui allaient du traité de botanique aux romans moldus, en passant par des livres de cuisine et des ouvrages de collection sur la photo et la peinture.

– Je n'en sais rien. Je ne sais même pas s'il y a quelque chose à en garder. Il faudrait que je revienne avec Severus pour voir ce qu'il veut récupérer...

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Ils montèrent à l'étage, découvrant la chambre d'Andromeda couverte de la même couche de poussière que le reste de la maison. Dans la garde-robe, de vieilles robes de cérémonies ou d'apparat moisissaient lentement, à côté de vêtements aux couleurs passées et de souliers d'une autre mode.

À la porte suivante, ils tombèrent sur la chambre de jeune fille de Nymphadora au plafond recouvert de posters animés qui ne bougeaient plus qu'à peine. Des couleurs plus criardes, des babioles, des bijoux fantaisies, des tapis pleins de fanfreluches et sur le lit, une magnifique peluche de pieuvre dont les tentacules rose vifs s'étalaient sur la blancheur immaculée des draps.

Harry pouffa en songeant que Tonks avait dû s'exercer longuement pour adopter la même couleur de cheveux qu'elle appréciait tant.

– Magnifique, fit Lucius en ricanant. Tu crois que je pourrais ramener cette peluche ? J'en ai assez de dormir seul.

– Vous exagérez, fit Harry en secouant la peluche de toute la poussière accumulée. Severus a dormi avec vous hier soir. Et samedi dernier. C'est étonnant qu'elle ait gardé une couleur aussi vive depuis le temps...

Le rire amer de Lucius lui fit tourner la tête.

– Où crois-tu donc que Severus ait dormi hier soir et samedi ? Quand il n'est pas avec toi, il dort dans sa chambre. Ça fait quelque temps qu'il n'a pas fréquenté mon lit en tout cas.

Harry fronça les sourcils avant que la poussière ne le fasse éternuer à plusieurs reprises, provoquant un rire plus léger de Lucius.

– Qu'est-ce que ça veut dire ? insista-t-il.

– Que Severus est jaloux, fit Lucius en haussant les épaules. Il me fait payer mon attirance et mes désirs envers toi par son absence.

– Mais qu'est-ce que... Qu'est-ce qu'il en sait, d'abord ? gronda Harry. Devant lui, nous avons toujours fait attention. Et depuis quand ça dure, ce cirque ?

Il se laissa tomber sur le lit en dispersant un nuage de poussière tandis que Lucius s'appuyait de l'épaule contre le chambranle de la porte en agitant la main devant lui pour éviter d'éternuer à son tour.

– Bien sûr qu'il sait, Harry. Il sait depuis longtemps que je ne suis pas insensible à tes charmes, répondit Lucius. Tu ne t'es pas demandé pourquoi il est ainsi avec moi ? Et surtout depuis quand ?... À son retour de New-york, je lui ai tout dit. Pas au moment où tu nous as trouvés dans la chambre à moitié nus, évidemment. Mais le soir même. Je ne pouvais pas lui cacher ça. Il aurait fini par le voir ou le comprendre, et puis, ce n'aurait pas été honnête. Et depuis, il découche...

Harry ouvrit la bouche pour protester mais il ne savait au juste que dire. S'il ne lui avait jamais menti, Severus avait joué un petit jeu pas très franc dont il n'avait rien dit et sur lequel il allait à présent devoir s'expliquer. Mais Lucius, lui, n'avait pas à subir sa brusque colère et Harry prit sur lui pour revenir à des sujets plus légers tout en enfournant l'énorme peluche dans le coffret.

– C'est donc par pure frustration que vous êtes si entreprenant avec moi ? fit-il en se relevant.

– Je ne nie pas une certaine frustration, sourit Lucius. Mais même sans cela, je resterais entreprenant avec toi...

Harry n'en doutait pas une seule seconde ! Malgré la durée de leur vie commune, Lucius avait gardé des appétits vis à vis de Severus qui étaient plutôt ceux d'un jeune couple. Alors, vis à vis d'un peu de chair fraîche... La privation, en tous cas, ne devait pas être évidente à vivre !

Il leva un sourcil en tournant un regard ironique vers Lucius et avec un léger sourire, il demanda :

– Franchement, ça vous est déjà arrivé de ne pas pratiquer pendant si longtemps ?!

– Insolent ! ricana Lucius. J'ai passé l'âge de me servir de ma main droite mais qui te dit que je ne suis pas allé étancher ma soif ailleurs ?!

– Il n'y a pas d'âge pour ça ! protesta-t-il un peu trop vite.

– Ah ? Monsieur Harry Potter est adepte des plaisirs solitaires ?! C'est intéressant... Je serais curieux de voir ça ! suggéra Lucius d'une voix traînante. Mais pour ma part, je préfère les plaisirs partagés à deux... ou à plusieurs. Je préfère le contact humain et le goût de la chair. Les caresses buccales et l'étroitesse des corps...

Merlin ! Lucius avait rarement été aussi explicite et tentateur et Harry songea qu'il se trouvait un peu trop près de l'aristocrate pour que cela ressemble à une distance raisonnable.

– En tout cas, Severus a vanté vos mérites concernant... les caresses buccales, fit-il en déglutissant un peu trop bruyamment.

– Un jour, il me faudra remercier Severus pour ses compliments, sourit dangereusement Lucius en s'avançant. Et un autre, il me faudra te montrer à quel point il a raison.

Harry éclata de rire en reculant d'un pas prudent.

– Ce n'est pas la modestie qui vous étouffe, Lucius!

– C'est une façon détournée de demander une preuve ? fit-il d'un ton plus léger. En tout cas, je te trouve bien frissonnant d'un seul coup... Tu as pris froid ?

Devant les moqueries de Lucius, Harry prit conscience de la chair de poule qui hérissait ses bras. Mais elle était de toute évidence uniquement due au contact glacial de la porte dans son dos !

Cette façon d'être acculé contre un mur. Cette présence imposante. Cette chaleur qui le parcourait. La scène ressemblait en tout point à ce qui s'était passé ce soir-là dans la chambre de Lucius et Harry frissonna de plus belle au souvenir de ce regard et de cette attitude qui lui avaient fait rendre les armes sans combattre.

La main de Lucius sous son menton brisa le souvenir et il tomba brusquement dans les yeux gris métallique qui le fixaient avec étonnement.

– Où étais-tu donc parti ? s'exclama Lucius tandis qu'il tentait de reprendre contenance. Je t'ai perdu un instant, on dirait !

Harry baissa le regard sur cette main qui le touchait toujours, chaude, douce, si attirante qu'il lui fallut lutter pour ne pas la toucher à son tour.

Se rendant compte de son geste, Lucius leva brusquement les deux mains en même temps dans un geste d'excuse et de désarmement.

– Désolé, fit-il avec un sourire navré. Je sais qu'on avait dit pas de contact, mais cette fois, ce n'était même pas intentionnel. La prochaine fois, je ne m'approcherai qu'avec les mains attachées dans le dos !

– Vous feriez un délicieux prisonnier, fit Harry en se mordant la lèvre pour ne pas sourire béatement.

– Et je serais à ta merci...

Lucius baissa les mains avec un regard lubrique que Harry ne vit même pas, tant il était perdu dans un monde imaginaire où Lucius, à genoux devant lui et les mains attachées dans le dos, léchait langoureusement son sexe dressé avant de le prendre tout entier dans sa bouche.

– D'habitude, ce n'est pourtant pas moi qui suis attaché ! fit Lucius en riant.

– Oh, ça suffit ! railla Harry en faisant un pas de côté pour s'esquiver. Je ne veux pas savoir ce que vous faites avec Severus !

– Moi je suis assez curieux de ce que vous faites ensemble, avoua Lucius avec gourmandise. D'ailleurs, l'autre jour, quand il t'a pris sur la grande table de la Bibliothèque... à plat dos ou à plat ventre ?

Harry éclata de rire en rougissant malgré lui.

– Ça suffit ! Lucius, soyez sérieux tout de même ! Nous sommes dans la maison d'Andromeda et de Tonks. Un peu de respect pour les morts !

Il s'éloigna dans le couloir en direction de la porte suivante, autant pour fuir la présence trop proche de Lucius que son propre désir qui devenait difficilement maîtrisable.

– C'est honorer les morts que de profiter de la vie et de ce qu'elle nous offre, fit la voix douce de l'aristocrate derrière lui. Narcissa aurait adoré que je te taquine ainsi, même si elle en aurait rougi davantage que toi, sans doute.

Harry se retourna si brusquement que Lucius faillit le bousculer sans le vouloir et recula vivement pour ne pas le toucher. Quelqu'un, dans un pays lointain et une époque plus lointaine encore, lui avait dit ces mêmes mots. Maya peut-être. Ou Igal. Ou Charlie ?

Il fronça les sourcils, finit par se retourner et ouvrit la porte suivante qui donnait sur la chambre que Tonks avait dû occuper avec Remus.

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Dans une vaste pièce aux murs clairs, un costume masculin reposait encore sur le lit, jeté sans doute à la hâte avant de partir se battre. Et mourir. Une paire de chaussures dans un coin, dont la boue avait séché depuis longtemps. Une baguette de rechange abandonnée sur la table de nuit...

Harry sentit une boule désagréable se former dans sa gorge. La veille, il n'avait pas pénétré jusque là, et honnêtement, s'il avait pu s'en passer encore, il l'aurait fait.

Dans l'armoire, il aperçut les vêtements bien pliés et bien rangés de Remus, sombres, presque austères, et juste à côté, ceux de Tonks, entassés dans une pagaille joyeuse et colorée. Il n'avait jamais vraiment compris comment ces deux-là s'étaient trouvés et s'étaient aimés, mais peu importait, Tonks avait de l'énergie et de la gaieté à revendre pour deux. Et Remus avait été heureux.

– Tu veux que je te laisse seul un moment ? murmura Lucius derrière lui.

Harry refusa d'un signe de tête et s'avança dans la pièce, fourrant la baguette oubliée dans son coffret sans même la regarder. Il aurait toujours le temps plus tard de l'étudier et de voir à qui elle appartenait.

Cette chambre-là lui importait plus que les autres pièces et il la fouilla méticuleusement en ayant tout de même l'impression désagréable d'être un pilleur de tombe. Il mit dans le coffret tous les papiers qu'il trouva, les notes, les plans de bataille, les lettres, de vieux manuels scolaires dont Remus s'était servi à Poudlard, toutes les photos que contenaient les tiroirs du bureau – sur lesquelles il avait déjà reconnu ses parents et Sirius à différentes époques, mais il refusait de s'y attarder maintenant –, des carnets recouverts d'une écriture fine et serrée qu'il lirait plus tard, et tout ce qu'il trouva qui lui semblait avoir de l'importance ou du sens.

Sur le bureau, sous la fenêtre, restait un rouleau de parchemins blancs qu'il déroula précautionneusement et qui se trouvèrent être des esquisses au fusain de sa mère, de Sirius, de Tonks souriante avec un ventre rebondi, de paysages enneigés ou de forêts verdoyantes dans lesquelles Remus avait dû si souvent s'enfuir. Le dernier dessin le représentait avec Ron et Hermione, attablés dans la cuisine du square Grimmaurd, souriants et heureux comme ils savaient l'être malgré des temps troublés, et Harry sentit la boule dans sa gorge devenir franchement dérangeante, même pour simplement avaler sa salive. Il n'avait jamais su que Remus dessinait...

– Est-ce que ça va ? fit Lucius en posant sa main sur son bras.

Au diable les restrictions qu'ils s'étaient imposés, ce contact lui fit du bien et lui permit de sortir de son état de sidération. Sans doute le parchemin tremblait-il trop entre ses mains pour que Lucius ne se sente pas en droit d'intervenir, et pour cela, Harry l'en remercia silencieusement.

– Oui, ça va, fit-il avec un pâle sourire devant le visage soucieux de Lucius. Mais je suis content de ne pas être venu seul...

.

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La pièce suivante était une salle de bains où Harry découvrit un petit stock de potion Tue-loup dans une armoire à médicaments. Cette potion avait tant changé la vie de Remus qu'il avait toujours eu peur d'en manquer, surtout pendant la fin de la guerre...

Ils visitèrent deux autres chambres d'amis, vides de tout intérêt, et parvinrent à la dernière porte du couloir, face à la chambre d'Andromeda, la seule à être personnalisée de trois lettres de bois colorées.

Harry poussa la porte en soupirant. Il l'avait bien repérée depuis sa première visite mais il préférait se garder cette épreuve pour la fin, et la présence de Lucius n'était pas de trop. Elle l'obligeait au moins à aller jusqu'au bout et à ne pas s'effondrer.

Sous la poussière et dans la pénombre des volets fermés, ils devinèrent une commode surmontée d'un plan à langer et d'un mobile lumineux éteint depuis des années, un petit berceau capitonné dont les draps douillets n'attendaient qu'un bébé à dorloter, quelques jouets, des habits minuscules dans la penderie, des cadres pastels au mur, des couleurs douces et apaisantes, un cocon tendre dans lequel aucun enfant n'avait jamais vécu.

– La chambre du bébé était prête, murmura Harry. Il ne lui restait qu'un mois avant d'accoucher. Mais elle n'a pas pu laisser Remus partir seul, malgré la vie qu'elle portait en elle...

Il s'avança dans la chambre, touchant du bout des doigts le berceau qui se balança doucement.

– Quand elle a été secourue par Molly sur le champ de bataille, il était déjà trop tard. Les médicomages ont tenté de sortir le bébé mais il était mort lui aussi... Pour l'enterrement, je n'ai pas voulu qu'il soit séparé de sa mère et je les ai fait mettre ensemble dans le même cercueil.

– J'ignorais que tu avais dû te charger de ça...

– Qui d'autre ? Ils étaient tous morts. Andromeda, Tonks, Remus... Il n'y avait plus personne. Vous enterriez Narcissa, et Molly trois des siens. Il ne restait que moi.

Sous la couette blanche du berceau, un scintillement attira son regard et il en sortit une petite licorne à la crinière pailletée qu'il reconnut aussitôt.

– Remus m'avait demandé d'être le parrain du bébé... C'était à moi de décider. Je lui avais offert cette peluche en prévision de... la naissance. Vous croyez...

Harry se tourna brusquement vers Lucius qui le regardait en fronçant les sourcils.

– Vous croyez que Draco pourrait avoir besoin de certaines choses pour le bébé ? Le berceau, des vêtements, des jouets ? Je sais bien que ce n'est pas son premier enfant, mais je ne sais pas s'il a gardé tout ce qu'il lui fallait pour la naissance.

Lucius fronça encore davantage les sourcils et prit son temps avant de répondre :

– Je ne sais pas. Il faudrait que tu voies ça avec lui et Daphnée... Mais... si tu lui confies des affaires de ton filleul, il saura ce que ça a de précieux pour toi, sois-en certain...

– Je lui en parlerai, fit Harry en fourrant la peluche dans son coffre et en quittant la pièce. Croyez-vous qu'il y ait de quoi faire un thé dans la cuisine ?

Il redescendit l'escalier quatre à quatre, fuyant son émotion, et s'engouffra dans la minuscule pièce en ouvrant les placards un à un. De la porcelaine, des verres en cristal, un service en argent... l'inventaire rapide des meubles lui permit d'effacer de son esprit l'image obsédante de ce berceau de bébé. Et si la cuisine était petite, elle contenait en revanche bien plus que le strict nécessaire. Andromeda semblait avoir été une maîtresse de maison digne de son rang !

– Il faudrait que je revienne ici avec Sky pour voir si elle veut récupérer de la vaisselle ou des plats pour le Manoir...

– Elle en serait ravie ! sourit Lucius en pénétrant à son tour dans la pièce. Mais laisse tomber le thé, je pense qu'il nous faut quelque chose d'un peu plus fort ! Et il me semble qu'Andromeda avait une cave plutôt bien achalandée...

Il sortit sa baguette et lança un sort de révélation à différents endroits du carrelage jusqu'à ce que le contour d'une trappe n'apparaisse.

Alohomora.

Le carrelage disparut, laissant place à une cavité sombre dans laquelle descendait un simple escalier de bois. Lucius s'y engagea en toute confiance et Harry le suivit en découvrant à la lueur de sa baguette une vaste cave. Le long des murs, des dizaines et des dizaines de bouteilles de vin et d'alcool recouvraient des étagères dont la couche de poussière battait celle du reste de la maison.

– Cette cave est un vrai trésor, chuchota Lucius avec un air ravi. Promets-moi de ne pas la laisser perdre !

– C'est-à-dire ? fit Harry en riant.

– À toi de voir... Tu peux la vendre; certaines bouteilles doivent valoir une petite fortune ! Ou tu peux la faire transférer au Manoir, si tu préfères, fit Lucius avec un air innocent. S'il le faut, on boira chaque bouteille en portant un toast à Andromeda, Tonks et Remus, mais ce serait un crime de ne pas en profiter !

Harry éclata de rire tandis que Lucius, en habitué des lieux, se dirigeait vers le mur de gauche et entreprenait de déchiffrer quelques étiquettes moisies ou effacées par le temps.

– Andromeda n'était pas une adepte du cognac, regretta-t-il, mais il y a là du whisky, du porto, du bourbon, et même du rhum !

– Un whisky fera l'affaire, fit Harry en souriant.

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Dans la cuisine, Lucius fit les placards à son tour pour trouver deux verres adéquats qu'il nettoya à l'aide d'un rapide sortilège, avant d'aller s'installer au salon. Harry se laissa tomber dans un fauteuil qui dégagea un nouveau nuage de poussière, puis, en riant sous cape, il observa l'aristocrate faire le ménage à l'aide de sa baguette avant de poser les verres et la bouteille sur la table basse, puis s'asseoir à son tour.

– Vous connaissez même des sortilèges ménagers ? ricana Harry tandis que Lucius lustrait son pantalon et en lissait les faux plis.

– Je connais ce qui peut m'être utile, fit-il avec un air suffisant. Et en l'occurrence, je n'ai pas envie de me vautrer dans la poussière.

Harry prit la bouteille et servit généreusement le whisky avant de tendre un verre à Lucius avec un sourire sardonique.

– Vraiment ?

– Enfin... Tout dépend de ce que tu proposes...

– Je me disais aussi, ricana Harry.

Il fit tourner un instant son whisky dans son verre, puis le leva en saluant Lucius d'un signe de tête et en avala une longue gorgée. Malgré leurs plaisanteries, il n'avait pas envie de trinquer, ni de porter un toast à quoi que ce soit. Lucius sembla le comprendre et fit de même sans insister.

Le goût de l'alcool était puissant dans sa bouche et une flamme impétueuse descendit jusqu'à son ventre en le réchauffant de l'intérieur. En quelques gorgées rapides, une douce chaleur irradia peu à peu tout son corps et Harry se sentit à nouveau serein. Il était certain qu'un thé n'aurait pas suffit.

– Vous connaissez la maison comme votre poche, fit Harry.

– J'y suis déjà venu, répondit Lucius. Plusieurs fois. À une certaine époque, avec Narcissa, nous fréquentions Andromeda et Ted... Et même quand leurs opinions ont... fortement divergé et quand chacune a choisi un camp opposé, elles ont conservé des relations régulières. Narcissa était très attachée à l'esprit de famille et elle a toujours gardé contact avec ses sœurs. Il n'y a que Bellatrix et Andromeda qui ne se parlaient plus !

– J'ai du mal à imaginer un monde où vous fréquentiez Andromeda et où Tonks prenait dans ses bras Draco encore bébé, fit Harry dubitatif.

Lucius haussa les épaules, croisant les jambes avec une élégance très princière.

– Andromeda et Narcissa étaient sœurs, rien ne pouvait effacer cela. Elle était présente avec Ted à notre mariage; ils ont même vécu quelques semaines au Manoir quand leur précédente maison a brûlé dans un incendie... Le « monde », comme tu dis, n'as pas toujours été tel que tu l'as connu. Avant l'ascension au pouvoir de Voldemort, il y a eu quelques années heureuses, où toutes les grandes familles se côtoyaient. Que ce soit les Potter, les Prewett, les Weasley, les Black, les Malfoy ou d'autres, toute l'aristocratie sorcière est plus ou moins apparentée et tout le monde se connaissait. Toi et moi sommes sans doute cousins à un certain degré, acheva-t-il avec un sourire moqueur.

– Mince. Ce serait incestueux alors, si nous couchions ensemble ! ricana Harry derrière son verre vide.

– Étant donné l'éloignement du lien de parenté, je pense au contraire que ce serait tout à fait envisageable, sourit Lucius.

– Vous êtes incorrigible !

– Qui a ramené le sujet sur le tapis ? s'amusa Lucius avec un regard lumineux.

Sans le vouloir, Harry s'absorba dans la contemplation de ces yeux gris qui ne le laissaient jamais indifférent. Oscillant d'une couleur foncée à un gris très clair presque irréel, le regard de Lucius captait immédiatement l'attention dans son visage, un regard aussi beau et fascinant que celui de Severus, bien que d'une toute autre nature. Les yeux noirs de Severus l'attiraient comme un puits de ténèbres, chaudes, enveloppantes et mystérieuses, ceux de Lucius inspiraient la pureté de la lumière, aérienne, éthérée. Soudain, il aurait voulu faire taire ce regard insidieux qui ne le laissait jamais en paix, fermer ces yeux obsédants et trop sincères qui savaient si bien lire en lui.

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Lucius remplit à nouveau leurs verres vides, et devant le silence qui se prolongeait, osa une question qui l'intriguait.

– Harry, pourquoi es-tu ainsi dès qu'on parle d'enfants ?

Dans le fond de son fauteuil, Harry se tendit brusquement, inquiet du sujet que Lucius souhaitait aborder.

– Quoi « ainsi » ?

– Aussi... épidermique. À fleur de peau. On croirait que dès qu'on parle de ça... c'est comme une menace pour toi, comme si cela allait mettre en danger ton équilibre. Tu n'es pas... Même avec Minerva et Iris, tu as une sensibilité exacerbée. Même simplement en parlant du bébé de Tonks ou de Draco. Je peux comprendre tes réactions vis à vis de ton filleul mais... Il y a plus que cela, n'est-ce pas ?

Lucius se tut un instant, observant sa réaction et jaugeant de ce qu'il pouvait dire ou non.

– C'est quelque chose qui te manque ? Tu aurais voulu en avoir ? Tu as largement le temps, tu sais... Et si c'est à cause de Severus... il y a des mères porteuses, l'adoption et... Tu en as parlé avec lui ? Je ne sais pas ce qu'il en pense, mais moi ça ne me dérangerait pas d'accueillir un enfant au Manoir... Ton enfant ou le vôtre, ça ne ferait pas de différence pour moi.

Harry esquissa un sourire ironique. Si Lucius avait bien senti quelque chose, il s'était trompé de direction dans ses suppositions. Il ne voulait pas d'enfant, il n'en avait jamais voulu, et surtout il n'en voulait plus.

Mais loin en dessous de cette réaction épidermique, à mesure que le reste des paroles de Lucius pénétraient jusqu'à son esprit, sa proposition lui fit chaud au cœur. Quels que soient ses désirs et ses envies, l'aristocrate lui offrait un soutien total, inconditionnel, il ouvrait grand les bras pour accueillir un ou une mini-Potter, il ouvrait son Manoir, sa vie et même son cœur.

– Taisez-vous, vous risqueriez de m'émouvoir, bougonna Harry en gardant le regard baissé sur son verre.

Lucius sourit en silence et sirota lentement son verre d'alcool en lui laissant le temps de répondre. Sans doute n'attendait-il même pas de réponse; il tenait peut-être seulement à lui faire passer un message, à poser des mots sur une situation possible pour simplement dire qu'il l'acceptait. Quoi qu'elle soit. Quoi qu'il décide.

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– Je ne veux pas d'enfants, Lucius, fit-il au bout d'un long moment. Il y a quelques années, j'ai recueilli... je me suis occupé d'un enfant, un petit garçon. Il n'avait pas tout à fait deux ans, et à force de l'élever, j'ai fini par le considérer un peu comme... mon enfant.

– Un peu ? fit doucement Lucius.

– Un peu beaucoup, admit Harry en souriant. Il prenait tout mon temps, toute ma vie et... tout l'amour que j'avais à donner. L'affection n'a pas grand chose à voir avec la raison ou les liens du sang... C'était doux, c'était tendre, et il était un vrai rayon de soleil.

En avalant une gorgée de son whisky, Harry put enfin lever les yeux vers Lucius et son regard gris attentif sans être inquisiteur, ouvert, comme prêt à recueillir ce qu'il lui semblait bon ou nécessaire de dire.

Et parler d'Axaya semblait plus facile à mesure qu'il révélait son existence à d'autres. Parler le faisait à nouveau exister, lui donnait une réalité qu'il n'avait plus, une consistance et une épaisseur disparues dans les profondeurs d'un lac et de sa mémoire. Parler était une façon de le faire vivre. Et d'honorer sa mort.

Harry sourit à nouveau. Furtivement. Les souvenirs étaient plus doux. Onctueux et veloutés comme s'il avait pu le prendre dans ses bras par-delà la mort.

– J'étais fou de ce gosse, sourit-il. Il m'émerveillait. Tous les jours... Il est mort, dans des circonstances un peu... particulières. Pendant longtemps, j'ai cru qu'il n'était pas possible de vivre après ça.

Lucius baissa un instant les yeux sur sa main où, malgré les années, se trouvait toujours son alliance, puis le regarda à nouveau, droit dans les yeux, sans frémir. C'était étrange, quelqu'un qui n'avait pas peur de son chagrin, de sa douleur, de sa folie... Severus avait été moins à l'aise, plus secoué par ses aveux. Peut-être que ses sentiments avaient joué, peut-être avait-il été trop concerné ? Lucius, lui, gardait une distance raisonnable, comme en toute circonstance, une réserve qui apaisait cette blessure encore vive.

– Je ne prétendrai pas que je peux comprendre ce que tu as ressenti. Et ce que tu ressens encore. C'est... autre chose que les deuils que j'ai pu connaître. De toute évidence. Et je ne tiens pas à te faire « avouer » ce que tu as vécu, mais... je suis là si tu as envie d'en parler.

Harry hocha simplement la tête. La pudeur de Lucius était plus rassurante que tous les discours qu'il aurait pu tenir.

– Je ne veux pas d'enfant, répéta-t-il en souriant. Je veux juste... un peu de paix. Apprécier de vivre. Aimer à nouveau...

– Dans toutes les positions possibles ? fit Lucius en haussant un sourcil malicieux.

Un rire léger lui échappa. Lucius avait cette délicieuse faculté d'amener de la futilité dans les instants graves, de faire des pirouettes pour fuir la morosité et la mélancolie, de ramener les souvenirs à leur juste place.

– Dans toutes les positions possibles, sourit-il.

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Ils avaient fini leur deuxième verre de Whisky; un troisième n'aurait pas été raisonnable. La lumière avait changé dans le salon, se faisant plus dorée, plus douce. Harry leva un regard machinal sur la petite pendule au-dessus de la cheminée qui n'indiquait qu'une heure farfelue. Il vit Lucius sortir sa baguette et lui lancer un Tempus qui fit tourner les aiguilles à toute vitesse jusqu'à ce qu'elles affichent l'heure exacte.

– Il serait sans doute temps de rentrer, n'est-ce pas ?

– Est-ce que tu as fait tout ce que tu souhaitais faire dans la maison ? fit Lucius.

– Je pense... Il faudra que je revienne avec Severus pour la bibliothèque et avec Sky pour la cuisine. Et avec Draco. Mais j'ai fait l'essentiel. Et le plus dur...

Lucius lui sourit doucement et les secondes passèrent sans que ni l'un, ni l'autre ne bouge. Après les émotions, la quiétude retrouvée semblait difficile à quitter, trop confortable pour la faire disparaître d'un mouvement ou d'un geste.

– Je suis désolé que Severus soit si odieux avec vous en ce moment...

– Tu n'y es pour rien. Et lui non plus, sans doute... Il ne fait que se laisser porter par ses sentiments. Avec un peu de temps, il finira par se calmer et la situation redeviendra comme avant. Du moins, je l'espère, ironisa Lucius. Mais pas pour l'instant. Il est trop jaloux pour ça.

Jaloux mais odieux. Et injuste. Il faisait payer à Lucius ses désirs ambigus, cette attirance pour Harry qui le torturait et qu'il refrénait malgré tout.

– Pourquoi est-il si jaloux vis à vis de moi alors qu'il ne l'était pas lorsque vous preniez des amants ?

– Severus ne m'aime pas de la même manière que toi. Il a mis longtemps à éprouver des sentiments pour moi, des années... Imagine que je le connais depuis son entrée à Poudlard, ricana Lucius. Il avait à peine onze ans !.. Je l'ai vu grandir, vieillir. Si nous avons toujours été plus ou moins amants, j'ai longtemps eu une vie sexuelle en dehors de lui. C'était normal et lui n'était pas assez attaché à moi pour en ressentir une quelconque jalousie. Ça n'a commencé à le déranger vraiment... qu'après la mort de Narcissa. Et quand j'ai été Ministre.

La bouteille quasiment vide qui trônait sur la table était tentante. Ils n'avaient pas envie de partir, et malgré la gravité de leur conversation, Harry se sentait délicieusement bien, lové au fond de son fauteuil aux couleurs passées. Dans son corps circulait une douce chaleur, et parler du Severus qu'il aimait était plus agréable que d'aller se confronter à son humeur maussade et à sa jalousie.

– Toi... Toi, c'est différent, reprit Lucius. Il t'aime passionnément. Tu es un soleil dans sa vie, quelque chose de flamboyant. Durant la dernière année que vous avez passée à Poudlard, il a senti germer des sentiments, mais c'était trop confus, trop étouffé par la situation. Tu étais à peine majeur, il était ton professeur... Il était attaché à toi, mais d'une façon qu'il ne pouvait pas s'avouer et encore moins t'avouer. Mais depuis ton retour, depuis le premier jour où il t'a croisé dans ma chambre d'hôpital... il t'aime plus que tu ne peux l'imaginer. Et il réduira en cendres quiconque s'approche de toi !

Harry sourit distraitement. Il savait que Severus l'aimait, il le lui avait même dit, ce jour-là, en rentrant de New-York. Étonnamment, son amant avait été le premier à prononcer ces trois mots auxquels Harry n'avait pas répondu. Cet aveu si surprenant l'avait troublé, même s'il en connaissait déjà la réalité. L'entendre, et l'entendre de la bouche de quelqu'un comme Severus, n'était pas rien. Mais cet amour si « flamboyant » supporterait-il la situation actuelle... et le temps ?

– Comme toutes les passions, Severus finira par se lasser. Et il retournera vers vous.

– Je ne sais pas, fit Lucius. Severus t'aime plus profondément que ça. Il est parfois maladroit dans sa façon de le montrer mais il t'aime. Et moi, je l'ai beaucoup déçu...

– Comment ça ? fit Harry en fronçant les sourcils.

– Parce que tu m'attires... et qu'il vit ça comme une trahison. Et pour beaucoup de raisons anciennes... Parce que j'ai toujours refusé de l'épouser, parce que je n'ai jamais fait de lui mon compagnon officiel, parce qu'il n'est rien aux yeux du monde...

– Pourtant, quand Dorléans est venu dîner, il savait et il n'a pas hésité à...

– Francis l'a fait dans un cadre privé. En public, il n'aurait jamais utilisé le mot « mari », ni laissé entendre qu'il y ait une quelconque relation entre Severus et moi. Et je ne suis pas sûr que Severus me pardonne encore longtemps cette situation alors qu'avec toi, il pourrait être libre et vivre au grand jour...

La voix de Lucius était acerbe, laissant transparaître une douleur cuisante qu'il devait soigneusement cacher le reste du temps. L'alcool ou les confidences, l'accumulation d'un certain ressentiment, la lassitude... quelque chose avait fait tomber les masques une fraction de seconde avant que le sourire doux et résigné ne revienne sur son visage, dissimulant la souffrance que Harry venait d'y voir.

– Je suis désolé...

– Ce n'est rien, je suis juste un peu amer, sourit Lucius en se levant. Mais ça passera, ne t'inquiète pas... Allons-y... Avant que nous ne terminions cette bouteille, que l'alcool ne me tourne complètement la tête et que je ne finisse par te sauter dessus.

– Ne vous servez pas du whisky comme prétexte ! ricana Harry en se levant à son tour.

Avec une nouvelle pirouette, Lucius sonnait le départ autant en raison de l'heure que pour fuir la conversation, mais il ne voulait pas l'en blâmer.

Harry suivit Lucius dans la cuisine tandis qu'il nettoyait les verres d'un sortilège et les rangeait soigneusement dans le placard, observant cette distinction et cette élégance qui habitaient l'aristocrate alors même qu'il venait de s'ouvrir et de confier son désarroi. L'instant de l'aveu était passé et la coquille venait de se refermer sur un aperçu furtif de ses faiblesses et de ses blessures, et elle ne se rouvrirait sans doute pas avant très longtemps.

– J'aimerais pouvoir faire plus, murmura Harry.

– Et moi donc, j'aimerais que tu puisses faire plus !

Lucius avait de nouveau un regard malicieux en s'avançant vers lui, s'approchant jusqu'à ce qu'ils ne soient qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, bien trop près pour que ce soit raisonnable. Et il était encore moins raisonnable de rester planté là alors que Lucius refermait ses bras autour de sa taille avec son visage beaucoup trop près du sien.

– Ne t'inquiète pas... Je ne ferai rien que tu ne veuilles pas.

– Eh bien, ça promet ! s'étrangla Harry.

Il avait déjà beaucoup trop chaud alors que Lucius levait lentement la main pour venir caresser son visage et remettre derrière son oreille une mèche de cheveux vagabonde.

– Je n'y peux rien si tes désirs sont contradictoires, rit-il.

La musique de son rire était une douceur aux oreilles de Harry et l'éclat gris de son regard le fascinait. Il rêvait de se fondre dans ces bras qui l'enlaçaient et d'embrasser ces lèvres fines étirées sur un sourire, mais il ne le pouvait pas. Pas plus qu'il ne pouvait caresser ou se donner à ce corps contre lui qu'il avait admiré dans toute sa nudité quelques temps auparavant.

Mais l'étreinte de Lucius était plus tendre que sensuelle et l'aristocrate n'avait visiblement aucune intention de pousser plus loin le contact entre eux. Il en avait simplement assez de cette distance physique qu'ils s'imposaient et qui ne menait à rien. À défaut du reste, il voulait au moins profiter d'un peu de douceur et d'affection.

– Dans tous les cas, Harry... sens-toi libre de vivre. Et aussi de changer d'avis. Si tu souhaites un jour un enfant, il sera toujours le bienvenu, murmura Lucius.

Le changement de sujet était brutal mais il le fit sourire. Lucius était ainsi, réfrénant ses ardeurs par des mots plus solennels, et allégeant les moments de tension par une plaisanterie ou un sous-entendu grivois. Et puis cette générosité, cet acquiescement implicite à tout ce qu'il souhaiterait un jour le comblait de gratitude et il en fut à nouveau ému.

– Allez. Fais-nous transplaner au Manoir, sourit Lucius sans relâcher son étreinte. Que j'aille m'exercer pour satisfaire un jour ton fantasme au sujet de ce piano !

– Ce n'est pas le piano qui me fait fantasmer, ce sont vos mains.

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Lucius riait encore quand ils apparurent dans le couloir du Manoir, à quelques pas de distance de Severus qui descendait l'escalier en colimaçon.

Forcément. Sinon ce n'aurait pas été drôle. Harry riait jaune cependant en voyant le regard noir de Severus et la colère qui déformait son visage.

– Bas les pattes ! gronda-t-il à l'adresse de son compagnon.

Aussitôt, Lucius retira ses bras qui entouraient encore Harry et s'éloigna de lui, se penchant toutefois suffisamment pour lui murmurer à l'oreille.

– Emmène-le donc voir cette bibliothèque ! Il comprendra peut-être et ça nous évitera une crise.

Harry hocha la tête en soupirant tandis que Lucius disparaissait dans son bureau.

– Tu as cinq minutes ? fit-il à Severus.

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oooooo

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– Mandy Woodward. Palais de l'Élysée...

Les flammes tournoyèrent quelques instants, passant du vert à l'orange puis au vert à nouveau tandis qu'il patientait. Assis sur un petit siège bas et penché vers la cheminée, Lucius soupira. Merlin ! Que c'était inconfortable et désagréable, mais au moins, il n'était pas à genoux, la tête dans l'âtre, dans cette position si humiliante qui lui faisait détester ce moyen de communication.

– Qui la demande ? fit un vieil elfe fatigué. Oh ! Lord Malfoy ! Un instant. Je vais me renseigner.

Lucius attendit à nouveau quelques minutes avant de distinguer enfin un joli salon de réception dont un des tableaux de maître accroché au mur lui faisait gentiment de l'œil. Sur le parquet ancien, il entendit claquer les talons hauts de Mandy puis son visage soucieux apparut brusquement dans les flammes.

– Lucius ?! Qu'est-ce qu'il se passe ? Un problème ? Francis est en pleine réception avec des ambassadeurs mais si tu veux, je peux...

– Tout va bien, Mandy, sourit Lucius d'un air rassurant. Et c'est de toi dont j'avais besoin... Je voudrais que tu me rendes un petit service.

– Bien sûr ! Qu'est-ce qu'il te faut ?

La spontanéité de Mandy était rafraîchissante. Rien ne lui semblait impossible ou compliqué ou saugrenu; il suffisait de demander et Mandy faisait en sorte que cela arrive, avec une facilité déconcertante, comme une évidence. Elle savait toujours comment contourner les difficultés, comment prendre les gens ou les situations pour obtenir le résultat qu'elle souhaitait et son aide avait plus d'une fois été précieuse à Lucius. Pour de toutes autres raisons, aujourd'hui ne ferait pas exception à la règle.

– Quand j'ai dormi au Palais l'autre jour, tu m'avais proposé les services des « mignons »... Tu pourrais m'organiser un rendez-vous pour ce soir ?

– Évidemment. Lequel en particulier ?

Son sourire permanent atténuait cet aplomb arrogant avec lequel elle répondait et que d'autres avaient jugé insolent. Lucius, lui, aimait cette fermeté et cette assurance presque masculines.

– Mark, s'il est disponible. Sinon, Antonio...

– Pas au Palais, je suppose ?

– Non. N'importe quelle chambre d'hôtel fera l'affaire.

Mandy savait ce que « n'importe quelle chambre d'hôtel » signifiait et il lui faisait une entière confiance pour obtenir une belle suite dans un hôtel suffisamment garni en étoiles pour lui.

– Je t'organise ça et je te rappelle.

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oooooo

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– Où sommes-nous ?

Severus relâcha son bras et s'éloigna d'un pas, tournant la tête en tous sens pour observer le salon dans lequel volait la poussière soulevée par leur transplanage.

– Dans la maison d'Andromeda et de Tonks, répondit Harry en s'apercevant qu'il avait oublié son coffret sur la table basse en partant. Juste à côté de la bouteille de whisky.

– Et qu'est-ce qu'on fait là ?

Severus restait tendu après les avoir vus ensemble avec Lucius, et sa voix était fermée, presque méfiante. Est-ce qu'il s'attendait vraiment à un piège ou quelque chose du genre ?!

– Je voudrais que tu regardes si certains livres t'intéressent dans la bibliothèque, soupira Harry. Comme tu l'as fait au Manoir Lestrange...

Dans la bibliothèque de Bellatrix, Severus avait récupéré un certain nombre d'ouvrages anciens, voire centenaires, des grimoires ancestraux de la famille Black, des livres de sortilèges plus communs qu'il avait mis en vente à la librairie, et il avait personnellement détruit quelques volumes de magie noire dont il jugeait préférable qu'il ne subsiste aucune trace.

– Tu sens l'alcool...

Les sourcils froncés, il venait d'apercevoir la bouteille sur la table et le reproche était indubitable.

– On a eu besoin d'un petit remontant, avec Lucius. Jouer les pilleurs de tombe n'est pas forcément une partie de plaisir.

– Pourtant vous aviez l'air de bien bonne humeur tout à l'heure !

Sans même prendre la peine de s'en cacher, Harry poussa un soupir résigné.

– C'est de là que vous veniez ?

S'éloignant un peu plus de Severus, Harry se laissa tomber dans le même fauteuil qu'il avait occupé un peu plus tôt, regrettant la conversation de Lucius, même alors qu'elle abordait parfois des sujets sensibles. Regrettant surtout sa légèreté et sa bonne humeur.

– Oui, il m'a accompagné. Je suis censé vider la maison pour pouvoir la vendre. Et avant cela, récupérer tout ce que je ne veux pas jeter.

– Pourquoi tu ne m'as pas demandé de venir avec toi ?

– Mais tu n'es jamais là ! s'exclama Harry. Tu es débordé de travail et tu n'es presque jamais au Manoir !

Il se tut brusquement et se mordit la lèvre pour s'empêcher de parler trop vite. Resté debout depuis leur arrivée, Severus accusait le coup, renfrogné et presque blessé par ses paroles.

– Excuse-moi, soupira Harry en baissant la tête. Je ne voulais pas te faire de reproche. Je n'avais pas l'intention de demander à qui que ce soit, de toute façon. Seulement Lucius était là, on en a parlé, il s'est proposé... Il ne s'est rien passé entre nous si c'est ça qui te tracasse autant.

Severus hésita un instant puis vint s'accroupir à côté de son fauteuil afin de capter son regard.

– Je serais venu, tu sais. Je sais que je ne suis pas très présent en ce moment. La Librairie me prend beaucoup de temps et je travaille aussi pour un collectionneur, mais... si tu m'en avais parlé, je serais venu.

– Regarde cette bibliothèque, s'il-te-plaît. Je suis fatigué et je voudrais rentrer.

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Lucius était déjà installé à la table du dîner quand ils rentrèrent et le repas débuta dans un grand silence qui mêlait la circonspection de Severus et la lassitude de Harry. Lucius, lui, profitait de la tranquillité relative, soulagé d'échapper au moins pour l'instant à la jalousie et à la colère de son compagnon. La visite de la maison d'Andromeda l'avait secoué plus qu'il ne voulait bien l'admettre et il n'avait certainement pas envie d'en reparler pour l'instant, et encore moins en présence de Severus.

Le regard baissé sur son assiette, Harry songeait à ces lettres, à ces carnets qu'il allait devoir lire un jour, à ces photos qu'il devrait regarder et aux images que cela allait encore remuer. Tout ce qu'il avait emporté avait un sens pour lui, et s'y associait une émotion parfois bouleversante. Mais comme le lui avait dit Lucius « Cela fait ressurgir de pénibles souvenirs, mais les morts sont morts et enterrés depuis longtemps ». Le deuil était déjà fait et les souvenirs, pour douloureux qu'ils soient, n'étaient que des souvenirs.

Pour l'heure, il aurait sans doute dû avoir une conversation avec Severus sur son comportement envers Lucius. Sur ce mensonge par omission qui avait consisté à lui faire croire qu'il dormait encore parfois avec son compagnon alors qu'il préférait passer des nuits seul dans sa chambre. Mais Harry était fatigué. La journée avait été riche en émotions, bien trop pour une journée ordinaire, et il n'aspirait qu'à un peu de calme et de repos. S'il avait même pu se coucher immédiatement pour fuir une quelconque discussion avec Severus, il l'aurait fait. Mais la correction imposait d'être là.

Sans qu'il n'y prête attention immédiatement, Lucius s'était levé et Harry remarqua soudain que sa tenue était plus apprêtée qu'à l'ordinaire et qu'il avait noué ses cheveux en une longue tresse brillante.

– Bien. Je ne suis pas là ce soir et je ne rentrerai sans doute que demain. Passez une bonne soirée.

Harry lui jeta un regard interrogateur auquel Lucius ne répondit que par un sourire vague. Il ne sortait en général pas plus d'une fois par semaine avec Daphnée et cela avait déjà eu lieu trois jours plus tôt. Severus se contenta de froncer les sourcils, se refusant sans doute à interroger son compagnon sur ses intentions. Au final, quand Lucius sortit de la Salle à Manger, personne ne lui avait répondu et Harry lança un « Bonne soirée » gêné dont il ne sut même pas si Lucius l'avait entendu.

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Ils se couchèrent très tôt ce soir-là, Harry préférant lire un peu au lit plutôt que de traîner sa mélancolie dans le Petit Salon ou devant un film. Au final, il ne comprenait rien à ces mêmes lignes qu'il parcourait depuis dix minutes, l'esprit complètement ailleurs que dans ce roman qui ne le passionnait pas. Tout ce dont il avait envie, c'était de se pelotonner sous une grosse couette avec une tasse de champurrado à portée de main, quelque chose de moelleux et de douillet qui fasse passer cette impression de froid pénétrant que les sortilèges de chaleur ne parvenaient pas à contrer. Peut-être qu'il aurait dû aller dans son bureau, se ressourcer auprès de la forêt et apaiser sa magie en la mêlant à la force de vie qui s'échappait des arbres et des plantes... mais il aurait été étrange et inconvenant de redescendre maintenant. Seul.

Severus, qui l'observait régulièrement à la dérobée, respectait son silence tout en parcourant un livre sur la photo qu'il avait ramené de la maison d'Andromeda. Son mari Ted avait été féru d'art à en croire la bibliothèque et Severus y avait puisé quelques ouvrages pour son plaisir personnel. Malgré un sortilège de révélation, aucun livre de magie n'avait été digne d'intérêt et pour le plus grand soulagement de Harry, il n'avait pas demandé à voir le reste de la maison.

Pendant un long moment, il s'était contenté de le regarder siroter son verre; Harry, perdu dans ses pensées, ne s'était même pas aperçu qu'il avait terminé. Ce ne fut qu'à la dernière gorgée de whisky que le jeune homme, surpris par la vacuité du verre, avait levé les yeux vers la bouteille, puis vers lui.

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ooOOoo

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– Entre, fit Lucius quand Mark se fut détaché de ses bras. Et mets-toi à ton aise.

– Déjà ? Comme ça ? Sans préambule ?

Lucius referma la porte derrière le jeune homme en riant, admirant sans vergogne ce fessier mis en valeur par un pantalon moulant et ravi de retrouver l'énergie enjouée et espiègle de Mark.

Mandy avait admirablement rempli son rôle, comme toujours. Elle s'était débrouillée pour obtenir ce rendez-vous alors même que le jeune homme devait servir d'assistant à un des ambassadeurs en visite au Palais, et la chambre d'hôtel dégotée au pied levé était bien mieux qu'il ne l'espérait.

Débarrassé de sa veste légère qu'il avait jetée sur un fauteuil, Mark s'était allègrement installé sur un des canapés, un sourire immense et radieux sur le visage.

– Tu as dîné ? fit Lucius. Tu veux boire quelque chose ?

– Tu sais ce que je veux boire, s'amusa Mark. Et jusqu'à plus soif !

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Comme il aimait à le faire autrefois, Mark s'installa sur ses cuisses, face à lui, pour l'embrasser à pleine bouche. Lucius sentait les mains du jeune homme caresser sa nuque et ses cheveux. Défaire le nœud du ruban qui les retenait et dénouer adroitement sa tresse. Glisser ses doigts dans sa chevelure pour attirer son visage toujours plus près du sien. Et son bassin ondulait insidieusement contre son bas-ventre.

Quand il fut provisoirement rassasié de baisers, Mark se recula légèrement et commença à défaire la lavallière qui fermait le col de sa chemise, un large sourire illuminant ses traits.

– Merlin, ce que tu m'avais manqué ! Alors ? Il paraît que tu sautes le petit Potter ?!

– J'aimerais bien, fit Lucius avec une grimace désappointée.

Il n'était pas surpris que certaines rumeurs se soient propagées au point de parvenir jusqu'aux oreilles de Mark, mais pour une fois, il aurait tellement aimé qu'elles soient vraies !

– Qu'est-ce qu'il y a mon tout beau ? Tu as l'air bien chagrin.

Le regard de Mark s'était brusquement alarmé, conscient d'avoir touché un point sensible. La façon dont il caressa son visage surprit Lucius tandis qu'il fermait les yeux pour savourer cette douceur. Mark était tendre et délicat, oubliant son envie et les boutons de sa chemise pour sonder prudemment cette douleur insidieuse qu'il avait ressentie chez l'aristocrate.

– Ce n'est pas exactement moi qui saute le petit Potter..., avoua Lucius.

– Oh. C'est ton mari qui l'a mis dans son lit et qui du coup te délaisse ?... Et tu viens chercher du réconfort dans mes bras ?

Lucius sourit. Comme d'autres, peu nombreux malgré tout, Mark savait pour Severus depuis longtemps, depuis toujours sans doute. Il savait son importance, sa vraie place dans la vie de Lucius malgré ces incartades sans conséquence. Cette espèce de présence immuable, au centre, comme un pilier qui soutiendrait l'ensemble d'une voûte sans paraître plus qu'un ornement, jamais vraiment nommé mais indispensable et évident.

Et pour la première fois, Lucius était celui qui était « trompé » et non pas celui qui « trompait », et il se demanda si lui tenait cette même place centrale dans la vie de Severus. Autrefois, certainement, mais maintenant que Harry était là ? Severus reviendrait-il vers lui alors qu'il avait Harry, plus jeune, plus libre, plus libéré des conventions et des renoncements auxquels Lucius l'obligeait trop souvent ? Rien n'était moins sûr.

– Embrasse-moi au lieu de dire des bêtises, fit-il en souriant. Je ne viens pas chercher du réconfort, je viens chercher du sexe.

– Et mes bras...

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Ils firent l'amour rapidement, affamés du plaisir de se revoir et d'un certain besoin mâtiné d'urgence, puis restèrent un long moment sur le canapé, enlacés, recouverts par une couette douillette que Lucius avait fait venir de la chambre.

Mark parlait, léger, futile, commentant les nouvelles du monde et racontant les dernières anecdotes des congrès où il avait traîné, et Lucius riait de ses bons mots et de ses plaisanteries, ravi de cette impression de renouer avec un milieu qu'il avait quitté avec regret.

Entre ses bras, le corps de Mark était fin, et sa peau soyeuse comme il l'aimait. Il savait qu'avant de venir, le jeune homme avait pris soin de se préparer et malgré la précipitation du rendez-vous, il était rasé de près, parfumé et épilé. Lucius n'avait pourtant passé aucune consigne particulière à Mandy, ni à l'Agence pour qui travaillait Mark, mais le jeune homme avait comme toujours pris les devants afin de le satisfaire.

– Comme c'est bon de te retrouver, ronronna Mark allongé contre son torse en frottant son visage dans le creux de sa gorge. Tu sais, Lucius... je serai toujours disponible pour toi. Quel que soit le jour, quelle que soit l'heure. Et c'est valable pour Sean et Antonio également. Oui, oui, tu as bien entendu! Et ne prends pas cet air surpris... À force de jouer les assistants dans les mêmes congrès ou les mêmes sommets politiques, nous nous connaissons bien et il nous arrive fréquemment de nous retrouver pour discuter de nos « messieurs » respectifs. En fait, nous partageons souvent les mêmes clients, alors on compare un peu leur façon de se comporter avec chacun de nous, leurs habitudes, leurs exigences... Mais les hommes comme toi sont rares. Nous t'avons beaucoup regretté quand tu as arrêté la politique...

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Plus tard, ils firent à nouveau l'amour, beaucoup plus lentement, et Lucius s'attacha particulièrement à lui donner du plaisir. À genoux sur le lit, le bassin de Mark sur ses cuisses, il s'employa à le pénétrer tout en caressant son sexe, alternant effleurements légers et masturbation plus intense jusqu'à ce que Mark, au bord de l'orgasme, le supplie de le délivrer d'une manière ou d'une autre, et qu'après de longues minutes de torture, il jouisse enfin dans un cri de libération qui confinait au sanglot.

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– Tu sais, j'aimerais avoir un homme comme toi dans ma vie. Dans la vraie vie. En dehors de tout ce cirque.

Dans l'obscurité, la voix de Mark était tendue, vibrante d'une émotion douloureuse que Lucius tentait d'apaiser par son étreinte et la tendresse de ses mains.

– Un homme respectueux, doux et tendre qui dormirait avec moi toutes les nuits, qui me comprendrait et qui saurait ce que je pense. Et ce dont j'ai besoin...

– Je ne suis pas cet homme-là, murmura Lucius.

– Je sais. Et je le regrette. J'envie ceux que tu aimes, fit Mark d'une voix étranglée.

– Je te souhaite de trouver un homme qui t'aime autant que tu le mérites, fit Lucius en resserrant ses bras autour du frêle jeune homme. Et tu mérites beaucoup...

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Le lendemain matin, et pour la première fois depuis longtemps, Lucius ne se réveilla pas avec une érection douloureuse et exaspérante. Il se sentait repu et enfin rassasié, délivré de ses appétits que la frustration rendait obsédants.

Dans la nuit, il s'était encore réveillé, plein de désir pour le corps tendre qui dormait à ses côtés et qu'il n'osait effleurer de peur de le tirer du sommeil. Il s'était caressé comme cela ne lui était pas arrivé depuis des années, songeant que ce corps à côté de lui était celui de Harry, et la jouissance était venue étonnamment vite, violente. Le cri de surprise qu'il avait laissé échapper avait réveillé Mark et dans un demi-sommeil, le jeune homme était venu lécher sur son ventre cette semence tiède avant de l'embrasser et de se rendormir paisiblement.

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Il faisait jour depuis plusieurs heures et Lucius allait bientôt devoir partir. Ils en avaient conscience l'un et l'autre mais ne voulaient pas en parler, prolongeant le plus possible cette soirée et cette nuit particulières qu'ils ne souhaitaient pas voir finir.

Mark venait de jouir une dernière fois sous la caresse de ses lèvres et de sa langue, épuisé et encore tremblant entre ses bras, baigné d'une sueur qui lui donnait l'air d'un enfant fiévreux que Lucius cajolait avec une tendresse inépuisable. Il glissa ses doigts dans les boucles blondes et humides du jeune homme qui s'abandonnait complètement sous ses mains, embrassa son front et s'imprégna de ce visage si beau, même dans l'épuisement.

– Mark...

– Mmhh ? émit-il sans même ouvrir les yeux.

– Donne-moi ton adresse...

Mark trembla de plus belle entre ses bras puis s'apaisa brutalement tout en restant raide et contracté.

– Non, fit-il au bout d'un long silence. Si tu veux me voir, passe par Mandy ou par l'Agence d'assistants au Palais... Ils sauront toujours où me trouver. Je te l'ai dit, je serai toujours disponible pour toi, mais je ne te donnerai pas mon adresse.

La voix était ferme, définitive et tranchait avec le désarroi que Lucius avait perçu chez le jeune homme dans la soirée.

– Pourquoi ? fit-il, étonné.

– Parce que. Parce que je ne veux pas rêver, je ne veux pas me faire de faux espoirs, je ne veux pas passer ma journée près de la cheminée à attendre ton appel, je ne veux pas me pomponner tous les matins en espérant de tes nouvelles et attendre toute la journée pour rien, je veux pouvoir traîner chez moi en pyjama à dix-huit heures en mangeant de la glace et pas être en train de pleurer parce que tu n'as pas donné signe de vie. Tu n'es pas un homme pour moi, Lucius, et tu le sais. Tu ne seras jamais à moi. Et moi, je ne veux pas me leurrer et attendre en vain.

Mark tremblait à nouveau contre lui et sa voix s'était voilée peu à peu, étranglée d'émotion.

– Tu sais que je pourrais obtenir cette adresse par moi-même sans te la demander, murmura Lucius avec douceur. Personne ne me la refusera, au Palais ou à l'Agence...

– Je sais. Mais tu ne le feras pas, Lucius. Parce que tu sais ce que je veux dire et que tu le respectes. Tu ne le feras pas, n'est-ce pas ? Tu n'es pas pour moi...

Lucius enlaça davantage le corps frémissant qu'il ne savait comment rassurer.

– Promets-moi... Promets-moi que quand tu auras le petit Potter, tu l'aimeras comme tu m'aurais aimé moi. Que tu seras aussi doux et attentionné, aussi généreux que tu l'aurais été avec moi...

Mark s'était mis à sangloter en silence contre son torse et Lucius sentait les larmes qui coulaient sur sa peau et laissaient des sillons humides et frais en roulant le long de ses côtes. La détresse du jeune homme le bouleversait et il se sentait si inutile et désemparé. Il aurait voulu... il aurait voulu pouvoir l'aimer, le garder avec lui, le chérir comme il le méritait, lui donner ce bonheur dont il rêvait et auquel il avait tellement droit...

– Ce n'est rien, fit Mark en reniflant péniblement. Je suis fatigué et... ému et... aucun de nous deux n'est dans son état normal... Non, ne dis pas des choses que tu ne penses pas et que tu regretterais tout à l'heure.

Il avait mis son doigt sur les lèvres de Lucius pour l'empêcher de parler, levant la tête pour affronter enfin le regard trop brillant de l'aristocrate.

– Au moins après ça, je suis sûr que tu ne me rappelleras pas, fit Mark avec un ricanement amer.

– Ne sois pas idiot.

Mark eut un sourire noyé de larmes au son étranglé de la voix de Lucius et du bout des doigts, il essuya une perle de lumière qui débordait de ses yeux gris.

– Haut les cœurs, mon tout beau. Nous sommes de grands garçons.

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Merci à ceux qui lisent, qui commentent ou qui mettent en favori. La situation est un peu compliquée pour nos trois personnages, j'espère que ça ne vous a pas rendus trop mélancoliques. Parfois, on se fait du mal même quand on s'aime...

La semaine prochaine, à défaut de se rapprocher physiquement, Lucius et Harry vont partager émotions et confidences.

Au plaisir

La vieille aux chats