Tout de suite, la suite! J'imagine que vous n'avez pas besoin de résumé! ^^
à Guest: Merci beaucoup de ton commentaire, ça fait plaisir de voir que l'histoire plaît! N'hésite pas à te créer un compte sur FF, c'est plus pratique pour suivre et moi pour te répondre... J'espère que le reste de la fic te plaira tout autant!
Bonne lecture
– Allez, Harry ! Viens te baigner !
– J'arrive, j'arrive ! Je le tartine de crème solaire et on vient !
Le rire clair de Daphnée se fit entendre, un peu plus loin, une des rares à comprendre le sens de sa réponse. Elle ne savait certainement pas ce qu'était l'onguent qu'il venait d'appliquer sur la peau de Severus, et encore moins, pourquoi il l'avait fait, mais elle savait en tout état de cause que ce n'était qu'une excuse bancale pour ne pas dire la vérité et qu'il se moquait ainsi à la fois de tous ces sangs-purs qui ne connaissaient pas la crème solaire, et à la fois de Severus à la peau si blanche.
Harry perçut des murmures d'incompréhension de ceux qui ne connaissaient que les sortilèges de protection de la peau, puis il vit Daphnée se pencher vers Blaise, Georges et quelques autres pour expliquer ce qu'était la crème solaire et son utilité chez les non-sorciers.
– C'est sûr qu'à force de traîner au fin fond des cachots de Poudlard, ça aide pas à bronzer !
La réflexion moqueuse leur était parvenue, malgré le bruit ambiant, les rires un peu plus loin et le bruit des éclaboussures d'eau. La réaction de Severus ne se fit pas attendre : il se redressa brusquement avec le regard le plus sombre et menaçant dont il était capable.
– Un commentaire, Monsieur Weasley ? fit-il avec une voix fielleuse à souhait.
Même Harry ne put s'empêcher de frémir sous le venin de cette voix qui lui rappelait tant de punitions; il s'attendait presque à entendre tomber la sanction de deux heures de retenue ou dix points en moins pour Gryffondor. Mais la façon dont Georges bredouilla sans parvenir à répliquer ou même s'excuser le fit éclater de rire.
Retrouvant un semblant de maîtrise, Harry se rendit compte que son amant était toujours à demi-habillé et pas encore prêt à finir dans la piscine. D'un geste de magie, il fit disparaître le pantalon de Severus, transformant par là-même son sous-vêtement en maillot de bain. Derrière eux, Lucius pouffa discrètement; pas assez cependant pour passer inaperçu. Ce fut cette réaction, associée aux rires un peu plus loin, qui incita Severus à baisser les yeux pour découvrir le charmant motif de canards jaunes poussin sur un fond rose fuchsia. Il gronda furieusement, fusillant Harry du regard, tandis que Lucius, pris de pitié, lui tendait sa baguette pour qu'il puisse redonner un aspect plus digne à son maillot.
Harry se leva rapidement, attrapant la main de son amant dont les yeux lançaient encore des éclairs, pour le tirer à sa suite.
– Le moindre commentaire d'un de ces cornichons et il finit avec les elfes de maison, à nettoyer la fiente de hibou dans le colombier, gronda Severus tandis qu'ils s'approchaient de la piscine. Et je connais de très bons sortilèges de noyade pour les récalcitrants...
Autour d'eux, les murmures se turent un instant, hormis le sourire entendu de Draco qui se délectait de la situation autant que son père.
– Cesse de terroriser mes amis ou je me verrais dans l'obligation d'utiliser la magie pour briser cette image de tyran, ricana Harry.
– Ce sont des menaces, Monsieur Potter ? fit Severus en l'arrêtant et le faisant pivoter vers lui. Puis il murmura pour lui seul, avec un regard brûlant : Dois-je sévir ?
Le sourire machiavélique de son amant fit frissonner Harry des pieds à la tête. Pas de peur, mais de désir. Il n'y aurait pas eu tout ce public, ils auraient certainement continué ce petit jeu inédit et si sulfureux jusqu'à ce qu'il provoque assez Severus pour que celui-ci finisse par lui sauter dessus. Ce qui n'aurait pas duré longtemps.
Harry ne protesta même pas quand Severus le poussa dans l'eau, il n'essaya même pas de se retenir à lui. À vrai dire, il avait grand besoin d'un bon bain pour se rafraîchir un peu les idées. Et pour cacher également sa réaction naissante aux paroles et aux suggestions de son amant.
– Trop d'insubordination, ricana Severus avant de plonger à son tour avec un style et une facilité qui firent lever quelques sourcils étonnés.
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Plein d'entrain pour Harry et vaguement contraint pour Severus, ils rejoignirent les mini-olympiades qui se disputaient dans la piscine. Les autres furent d'abord surpris et mal à l'aise de la présence de leur ancien professeur, mais Severus ne faisait plus preuve d'animosité et sa simplicité en étonna plus d'un.
Après le concours de plongeon, les longueurs de bassin s'enchaînaient, les meilleurs de chaque binôme s'affrontant à leur tour sous les encouragements des perdants. Severus observait sans mot dire, s'attardant longuement sur Alicia qui remportait une nouvelle série contre Georges, jusqu'à ce que celui-ci, aussi bravache qu'agacé de sa défaite, lui propose de participer.
– Si vous y tenez, acquiesça-t-il lentement avec un sourire retors.
Severus relâcha Harry qu'il tenait enlacé contre lui, avant de se diriger en nageant tranquillement vers l'extrémité de la piscine.
Au signal du départ, il ne lui fallut que quelques mouvements de bras pour mettre plusieurs mètres de distance entre Georges et lui et gagner lentement le bord opposé. Essoufflé et pestant à nouveau en rejoignant Severus, Georges laissa à son frère la mission de sauver l'honneur des Weasley, arguant qu'il venait d'enchaîner deux séries et que c'était là la raison de sa défaite.
Severus gagna peu à peu des regards admiratifs en battant successivement Fred, Neville, Alicia qui voulut également tenter sa chance, Sam, Blaise, Matthieu et même Draco. Le tout avec une facilité déconcertante et sans répit entre les longueurs de bassin.
Quelle que soit la nage, même en pratiquant celle qu'il affectionnait le moins : sur le dos, quand les autres nageaient le crawl, même avec le gage supplémentaire de ne se servir que de ses bras, Severus les battait tous, les uns après les autres.
Harry, se délectant des commentaires de plus en plus flatteurs autour de lui, jubilait intérieurement. Severus venait de gagner un respect nouveau tandis que lui se rinçait l'œil à loisirs. Il avait rarement vu son amant nager le papillon et c'était vraiment dommage : la simple vue du dos et des épaules de Severus pendant les millisecondes où il remontait à la surface, ce mouvement de bras si puissant qui le propulsait bien plus vite que n'importe lequel de ses adversaires, cette peau laiteuse qui scintillait à la lumière du soleil... Merlin ! Que c'était dur de résister !
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Harry s'était fait battre lui aussi, bien moins valeureusement que Matthieu ou Draco, mais il savait depuis longtemps que Severus était bien meilleur nageur que lui. La seule série qu'il fut capable de remporter était l'apnée, où personne ne put lui faire concurrence. Sa longue habitude de flotter entre deux eaux en se laissant porter par le courant et les remous portait ses fruits mais il n'y avait pas grande gloire à en tirer. D'une manière ou d'une autre, et sans même qu'il le veuille ou puisse l'empêcher, il savait que sa magie était partie prenante là-dedans.
Quand chacun eut bien compris que Severus, quel que soit son âge, était largement meilleur que n'importe lequel d'entre eux, les filles proposèrent un match de water-polo. Draco se chargea de faire apparaître des buts à chaque extrémité de la piscine, ainsi qu'un ballon rouge bien voyant, tandis que les équipes se constituaient rapidement.
Étonnamment et malgré leur animosité passée, les jumeaux choisirent de se mettre dans l'équipe de Severus, tout comme Katie et Angie qui ne voyaient là que la victoire possible. Matthieu les rejoignit après une hésitation et l'équipe fut déclarée complète.
En face, Harry, Draco et Alicia formaient le noyau dur, entourés par Blaise, Sam, Deirdre et Neville. Ils avaient beau être supérieurs en nombre, Harry savait qu'à partir du moment où Severus était dans l'équipe adverse, la sienne était certaine de perdre.
Leur stratégie – qu'il avait initié en toute innocence – était simple : tous jouaient de leur mieux tandis que Harry disparaissait sous l'eau en profitant de ses capacités en apnée pour aller distraire son amant. « Troubler » ou « perturber » auraient sans doute été des mots plus adéquats au vu des mains baladeuses et indécentes qu'il laissait traîner sur son corps et une certaine partie de son anatomie.
À tel point que Severus profita de la brève pause d'un quart-temps pour venir plaquer Harry contre le bord du bassin en maugréant :
– Encore un geste déplacé pendant le match et tu écoperas d'une sanction à la hauteur de ton effronterie.
– Tu me priveras de dessert ? ricana Harry.
– Te priver de sexe pendant quelques jours me semble plus approprié...
Le sourire moqueur qu'affichait Harry disparut aussitôt alors que Severus se collait un peu plus contre lui, l'échauffant volontairement tout en le menaçant des pires tourments.
– Ce serait te priver aussi, protesta-t-il sans conviction.
– Merlin merci, il se trouve que Lucius m'attend tous les soirs. Toi, tu pourras de nouveau sympathiser avec ta main droite...
Sa grimace désappointée n'échappa à personne, ni à Severus qui savourait sa vengeance, ni aux joueurs alentours. Si Severus avait parlé suffisamment bas pour sembler faire preuve de discrétion, il n'avait pas non plus été assez silencieux pour que les oreilles des autres ne profitent pas de leur bref échange. Et les sourires narquois sur les visages de ses amis en disaient long sur leurs pensées.
– Très bien, très bien, abdiqua-t-il en repoussant légèrement Severus dont le corps trop proche l'échauffait plus qu'il n'était raisonnable. Je serai sage pour le reste du match...
– Et après ? ricana son amant.
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Ils avaient joué comme des gosses, bu plus que de raison – beaucoup d'eau de la piscine, un peu de champagne et des jus de fruits en abondance – et mangé quelques douceurs... À présent, l'ambiance était plus calme. La plupart étaient sortis de l'eau pour se reposer un peu, certains discutaient en petit comité, d'autres, étalés sur des chaises longues, accusaient la fatigue du quidditch et de la piscine, et sommeillaient tranquillement sous la chaleur accablante.
Severus avait continué à nager un long moment, seul, pour le plaisir. Puis il était sorti à son tour de la piscine pour aller rejoindre Lucius. À présent, il était assis non loin de son compagnon, sous les voiles d'ombrage du salon de jardin, sa peau blanche encore humide luisant doucement sous la lumière du soleil. De temps à autre, une goutte tombait de ses cheveux imprégnés d'eau, atterrissait sur l'épaule ou la clavicule, et après une hésitation, dévalait la peau pour courir le long du torse, laissant pendant quelques secondes un sillon brillant au milieu des pectoraux ou sur la crête d'un mamelon.
Accoudé au rebord, Harry barbotait encore dans l'eau, pour le simple plaisir d'être immergé en pleine chaleur et de se laisser porter mollement par le courant. À côté de lui, Alicia promenait son regard autour de la piscine, observant les personnes présentes d'un œil attentif.
– Qui aurait jamais cru, commença-t-elle lentement, que sous ses austères robes noires, Rogue cachait un corps pareil ?!
Surpris un instant, Harry finit par éclater de rire, vite rejoint par la jeune femme qui ne cachait plus son regard appréciateur.
– Ali ! Tu es en train de baver sur mon amant ! fit Harry en lui donnant un léger coup de coude.
Malgré tout, il ne pouvait que lui donner raison : Severus avait un corps à se damner, y compris certaines parties de son anatomie qu'il avait tenues cachées aujourd'hui et qui n'étaient destinées qu'à Harry et Lucius. Un étrange et léger sentiment de fierté traversa brusquement le jeune homme : quelque part, il avait l'impression d'être un privilégié.
– Trop vieux ! grimaça-t-elle en secouant la tête.
– Hey ! protesta Harry avant de rire à nouveau devant son impertinence.
– Il a quel âge, en fait, Rogue ? demanda Alicia d'un ton curieux.
– Vingt ans de plus que moi. Fais le calcul...
– Ah ouais !
Un nouveau coup de coude échappa à Harry tandis qu'Alicia ricanait avant de redevenir plus sérieuse, son regard toujours rivé sur l'ancien professeur de potions.
– En tout cas, il est dingue de toi, ça crève les yeux !
Il haussa les épaules sans répondre, observant à son tour Severus qui discutait tranquillement avec Lucius en remettant son pantalon et sa chemise. L'envie soudaine de se rapprocher de son amant pour lui faire quitter de nouveau ses vêtements traversa Harry, mais ce n'était pas le moment.
Il ne savait pas ce que les autres avaient compris ou deviné de leurs sentiments, mais de toute évidence et malgré la présence de ses amis, Severus s'était montré aussi tendre et démonstratif qu'il l'était habituellement. Il n'avait fait preuve d'aucune gêne pour l'enlacer ou l'embrasser devant eux, même si cela s'était limité à de rapides baisers, répondant à chaque geste de Harry sans hésitation.
Le jeune homme se rendait compte qu'il avait initié quasiment tous les contacts avec son amant, allant chercher spontanément la tendresse dont il avait besoin, mais Severus ne s'était pas défilé. Au contraire. Sans pudeur, sans tergiverser et sans honte, il lui avait donné cette douceur que Harry réclamait régulièrement, quels que soient les regards qui pesaient sur eux.
– Tu devras trouver autre chose à te mettre sous la dent pour ce soir ! fit Harry en souriant. Je l'ai, je le garde !
Elle le regarda un instant, surprise, avant de comprendre à quoi il faisait allusion.
– Pff, je ne suis pas venue là pour ça ! ricana-t-elle en jetant un regard circulaire sur l'ensemble des invités. De toute façon, il n'y a rien d'intéressant !
– À ce point ?
Alicia haussa les épaules en souriant tandis que Harry parcourait à son tour l'assemblée du regard.
– Draco est pris. Matthieu, Georges et Neville aussi. Sam ?
– Non merci.
– Fred ?
– Non plus. En dehors du boulot, je n'ai pas l'âme d'une infirmière, Harry, fit-elle en le regardant pesamment. Je ne suis pas là pour soigner les cœurs brisés.
– Ah. Tu sais des choses que j'ignore, alors...
Harry savait que Fred sortait d'une rupture difficile mais il n'avait pas plus de détails. La façon dont Alicia avait parlé de cœur brisé, en revanche, paraissait réelle et expliquait peut-être son air taciturne et sombre.
– Il te reste Blaise...
– Blaise et moi, on se connaît déjà, fit Alicia avec une grimace.
Harry haussa un sourcil surpris devant la confidence.
– … Et ce n'est pas définitivement pas mon genre. Trop... hautain, superficiel et vaniteux.
– Je ne sais pas, fit Harry pensivement. Les quelques fois où je l'ai vu, il m'a paru plutôt accessible et... simple.
Enfin... Après cette première fois dans la loge au match où Blaise l'avait bousculé verbalement avant de lui souhaiter la bienvenue dans la « famille ». Depuis, il avait toujours été courtois et chaleureux, même amical.
– Draco dit qu'il faut gratter un peu sous la surface pour découvrir son côté humain et sa fidélité...
– Je n'ai pas de temps à perdre à chercher sous les apparences, fit Alicia. Et Blaise ne m'a jamais donné envie de découvrir quoi que ce soit. Je veux du plaisir immédiat, facile et sans engagement.
– Tu es dure ! fit Harry en riant. Mais j'aime ta franchise. Si j'avais aimé les femmes, je crois que tu m'aurais plu !
Alicia le jaugea avec un regard sombre et un rictus digne des bons jours de Severus.
– Désolée, mais l'inverse n'est pas vrai.
Harry fronça les sourcils, interloqué.
– Je te l'ai dit : je n'ai pas vocation à panser les plaies des uns et des autres.
Le jugement était sévère. Peut-être pas tout à fait dénué de fondement, mais cela le mit mal à l'aise malgré tout. En agitant vaguement les jambes dans l'eau, Harry repensa à ses nuits agitées, ses cauchemars, ses souvenirs qui le hantaient... Était-ce cela qu'il demandait à Severus ? « Panser ses plaies » ? Dit ainsi, cela lui semblait ingrat. Et ça ne révélait pas la juste valeur des sentiments qu'il portait à son amant.
– J'ai entendu parler de ton dernier patient, dit Alicia d'une voix plus douce.
– Et ? fit Harry sur la défensive.
Avec un peu de recul, il savait qu'il avait un peu « craqué » sur ce cas et qu'il n'aurait jamais dû engager une telle dépense de magie pour le maintenir en stase jusqu'à le sauver.
– Ça jase un peu, répondit Alicia en haussant les épaules. La rumeur a parcouru tous les étages, je crois. Personnellement, je ne connais aucun médicomage dans cet hôpital qui aurait pu faire ce que tu as fait...
Harry haussa les épaules à son tour. Il savait ses torts, Severus s'était déjà chargé de les lui faire comprendre. Mais il savait aussi que le patient était sauvé et au final, c'était la seule chose qui comptait. Il redoutait toujours le jour où il n'arriverait pas au même résultat, le jour où malgré tous ses efforts, il ne parviendrait pas à guérir un patient et qu'il finirait par mourir, mais il remisait cette angoisse dans un endroit reculé de son esprit, loin en-dessous de la présence de ses amis, de son amant, de Lucius, loin sous les monceaux de tendresse et d'amour qui baignaient son quotidien.
– Ne t'y perds pas, Harry..., murmura Alicia. Ne reste pas à nouveau prisonnier de cette image de Sauveur, comme autrefois...
Le temps que ces paroles pénètrent son cerveau et fassent sens, Alicia avait déjà tourné la tête et ricanait en voyant Georges et Angie se disputer encore, comme deux grands enfants qu'ils n'étaient plus censés être.
Un instant, Harry crut avoir rêvé ou imaginé ces mots. Mais la justesse du message qui cheminait encore en lui, et cette petite phrase délivrée entre deux plaisanteries... c'était bien quelque chose du genre d'Alicia.
Il hocha simplement la tête pour signifier qu'il avait entendu. Il n'y avait pas de réponse à apporter, et certainement pas à se défendre de cette vérité.
– Tu ne travailles pas ce soir, j'espère, fit-il en souriant. Que je puisse te faire danser jusqu'au bout de la nuit !
Sans doute rassurée de sa réaction, Alicia se permit un petit rire avant de répondre :
– Je me suis arrangée, même si ça devient difficile d'échanger mes tours de garde.
Devant le regard interrogateur de Harry, elle ajouta :
– Mes collègues sont un peu blasées. À force de leur demander de changer leur planning pour que je puisse aller aux entraînements de quidditch... Ça râle.
– Tu n'as jamais pu t'arranger avec Draco pour que les entraînements aient lieu à un autre moment ? Ou partir un peu plus tôt pour pouvoir aller travailler après ?
– Je ne parle pas de ce genre de choses avec Draco, fit-elle en haussant les épaules. C'est mon problème, pas le sien. Je suis là aux entraînements, aux matchs, je fais le job, le reste ne regarde que moi.
Harry fronça les sourcils, surpris une fois encore par le ton dur et définitif de la jeune femme.
– Il sait que tu as un travail en dehors du quidditch ? Et les filles ?
Alicia haussa à nouveau les épaules sans affronter son regard.
– Draco le sait. Je crois... Les filles non. Enfin... certaines dans l'équipe s'en doutent peut-être. Celles qui, comme moi, travaillent en dehors. Mais Katie et Angie n'ont certainement pas besoin de ça ! ricana-t-elle durement avant d'expliquer : Katie était la vedette de l'équipe, elle a toujours su négocier les choses à son avantage, des contrats de publicité, des articles dans la presse, des interviews... Elle croule sous les offres financières. Et Angie, avec le magasin de Georges... ils sont à l'abri de tout problème d'argent. Le quidditch, c'est de l'argent de poche pour elle ! Pour moi, et d'autres dans l'équipe, c'est différent. Le quidditch ne paye pas tout. Et puis, il n'y a pas que ça dans ma vie. J'ai besoin d'avoir un vrai métier, quelque chose d'un peu moins superficiel que de jouer à la balle sur un balai... De toute façon, ce sera ma dernière saison. Je fais encore un an, maintenant que Katie a arrêté, pour voir ce que ça donne sans elle, mais après c'est terminé, je tourne la page.
– Pourquoi ? hésita Harry un instant, surpris de tant d'informations et tant de dureté dans les propos. Pourquoi arrêter ? Pourquoi tu ne leur dis pas, tout simplement ? Ce n'est pas une honte d'avoir besoin ou envie de travailler... même si tu devrais pouvoir vivre du quidditch sans avoir besoin d'autre chose.
– C'est comme ça, fit Alicia avec un sourire fermé.
Harry devinait qu'il n'en tirerait rien de plus. Alicia était ainsi : elle lâchait de temps à autre des bribes de vérité, dures, âpres, sur elle ou sur les autres, puis elle se taisait pour n'être plus que la fille sportive, enjouée, toujours pleine d'entrain que tout le monde connaissait. Celle qui était toujours partante pour un défi improbable, celle qui ne tenait pas en place, celle qui ne s'avouait jamais battue tant que le vif n'était pas attrapé. Au final, personne ne semblait pourtant la connaître réellement, jusqu'à ses propres coéquipières qui ne savaient même pas qu'elle travaillait à Sainte-Mangouste.
Harry trouvait cela dommage, même s'il comprenait cette envie de cloisonner sa vie. Il avait fait pareil autrefois, et même encore récemment, lorsqu'il avait délibérément voulu garder des barrières entre ses amis, sa vie amoureuse et ce qu'il avait pu vivre dans le passé, au Sarawak, dans sa forêt ou bien avec Axaya... Aujourd'hui, il baissait peu à peu ces barrières, en tentant de faire cohabiter tous ces aspects de lui-même, mais ce n'était pas sans mal, ni sans un sentiment d'étrangeté qu'il avait du mal à dépasser.
Harry passa un bras autour des épaules d'Alicia et déposa un baiser sur sa joue, s'attirant un regard étonné, presque méfiant.
– Je sais, je ne suis pas ton genre de mec, gloussa-t-il. Trop fragile !
– J'ai surtout peur de faire face à une crise de jalousie de ton mec ! ricana-t-elle. J'ai pas envie de me prendre un sortilège dans le dos ou de finir avec les elfes de maison !
Severus était bien en train de les observer mais Harry n'avait aucun doute sur la confiance que son amant avait envers lui et sur ce qu'il comprenait de la situation. Simplement, Alicia l'émouvait et il ne savait pas lui manifester autrement sa tendresse...
– Il n'oserait pas, affirma Harry avec un air bravache qui le faisait rire lui-même. Sinon il sait très bien quelle serait la punition.
– Oui, enfin... C'est plutôt toi qui avais l'air effrayé quand il t'a menacé d'une grève de sexe !
Leur éclat de rire fit tourner quelques têtes autour de la piscine, jusqu'à Lucius dont le sourire doux réveilla quelque chose de tendre dans son ventre. Harry préféra se concentrer sur Alicia qui avait retrouvé son insouciance apparente et qui souriait à nouveau.
– Si tu veux tout savoir... Le seul aujourd'hui que j'aurais bien mis dans mon lit, c'est ton ami Matthieu...
Le changement brusque de sujet le fit sourire tandis qu'Alicia désignait du menton le jeune homme à l'autre bout de la piscine. Matthieu était assurément un beau parti.
– … mais tu as dit qu'il était déjà pris. Et vu son air, m'est avis qu'il a d'autres chats à fouetter !
Le sourire de Harry s'effaça lentement tandis que son regard s'attardait sur la silhouette de Matthieu, assis seul sur le bord du bassin, les jambes croisées allongées loin devant lui et appuyé en arrière sur ses bras tendus. Sa pose aurait pu passer pour nonchalante, mais son visage et son regard tristes démentaient cette désinvolture feinte.
Harry se tourna vers Alicia qui avait déjà anticipé sa réaction et lui donnait son assentiment d'un signe de tête. Avant même de lui signaler l'attitude de Matthieu, elle savait sans doute ce qui allait advenir.
– Va..., sourit-elle alors qu'il ouvrait à peine la bouche pour parler.
Il se tut, fronçant les sourcils, hésitant entre plusieurs sentiments contraires, puis finit par se hisser hors de l'eau sur la margelle de la piscine.
– À plus tard...
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Frissonnant de la sensation de l'air sur sa peau mouillée, Harry fit le tour de la piscine pour rejoindre Matthieu qu'il n'avait pas revu depuis bien trop longtemps.
– Hey ! fit-il en s'asseyant à ses côtés.
– Hey...
– Est-ce que ça va ?
– Pourquoi ça n'irait pas ? fit Matthieu un peu trop rapidement. Et toi ? Satisfait de ta petite surprise ?
Le ton était un poil trop abrupt et cassant pour ne pas dévoiler l'exact contraire de ce que prétendait Matthieu. Quelque chose n'allait pas et c'était flagrant.
Harry préféra ne pas répondre et se contenta de bousculer très légèrement son ami d'un coup d'épaule.
– Qu'est-ce qui ne va pas ?
Matthieu haussa les épaules, choisissant à son tour le silence que Harry rompit à nouveau.
– Tu n'es pas venu avec ton cher et tendre ? Il aurait été le bienvenu, tu sais... J'aurais été ravi de faire sa connaissance.
Matthieu ricana sèchement avant de lâcher :
– Je ne crois pas que le moment aurait été très opportun.
– Pourquoi ? fit Harry en fronçant les sourcils. Ça ne va plus entre vous ? Vous n'êtes plus ensemble ?
– Si tant est qu'on le soit réellement, murmura Matthieu, comme pour lui-même.
– Si tu me disais ce qui se passe...
Harry passa furtivement un bras autour des épaules du jeune homme qui vint brièvement y appuyer sa tête avant de se redresser. Matthieu détestait ses propres instants de faiblesse et s'apitoyer sur lui-même. Mais il en avait sans doute assez gros sur le cœur pour parler à demi-mots.
– Rien. Je ne suis pas... très à l'aise ici.
– Ici ? répéta Harry sans comprendre le lien avec celui dont Matthieu était épris.
– C'est... bizarre d'être là. Depuis qu'on est arrivé, il m'a à peine regardé ou adressé la parole. Il n'est même pas venu me saluer personnellement ! Je pensais... que les choses avaient un peu évolué entre nous. Ces derniers temps, on avait eu une ou deux conversations qui m'avaient donné l'impression qu'on était plus proches. Mais là, je suis aussi inexistant qu'un elfe de maison. Dire... dire qu'il aura fallu que tu sois là pour que je mette enfin un pied dans cette maison ! ricana Matthieu d'un air dur. Ça fait juste quinze ou vingt ans qu'il vit ici en permanence, et jamais il ne m'a invité ! Il a toujours fallu se voir en dehors, à l'extérieur, comme s'il avait honte de moi ! Jamais il n'a voulu me faire entrer dans sa vie... ce qui ne m'a pas empêché d'espérer toutes ces années. Et aujourd'hui que j'ai enfin un aperçu de ce qu'est ce fichu Manoir... ça a un sacré goût d'amertume !
Au fil du monologue de son ami, Harry avait brusquement compris que Matthieu parlait de Severus et non plus de son cher et tendre, et qu'il lui reprochait sa froideur et sa distance. À juste titre d'ailleurs; Severus n'avait effectivement eu aucune attention particulière pour son ancien pupille. Harry avait trouvé cela injuste pour Matthieu, tout en se sentant coupable d'avoir peut-être accaparé son amant. Il baissa la tête pour cacher son trouble.
– Je crois...
– Matthieu ! claqua une voix sèche derrière eux. Viens avec moi !
L'un comme l'autre, ils sursautèrent sous la surprise, avant de réaliser que Severus se tenait quelques pas en arrière, sombre et raide comme autrefois, apparu brusquement devant une jardinière de fleurs sans qu'ils ne l'aient entendu arriver.
Harry et Matthieu se dévisagèrent un instant, le second plus blême que l'autre. Depuis combien de temps était-il là ? Et qu'avait-il donc perçu de leur conversation ?!
– Dépêche-toi ! gronda Severus tandis que Matthieu se levait précipitamment.
Harry se leva à sa suite, comme s'il se sentait le devoir de protéger son ami d'une colère qu'il ne comprenait pas. Des rires de l'autre côté de la piscine attirèrent son attention : Fred et Georges ricanaient de concert après une première plaisanterie qu'il n'avait pas entendue.
– Courage, Matt ! fit le premier. On compatit ! Si tu veux, on connaît une bonne astuce pour récurer plus vite les fonds de chaudrons et les joints de carrelage !
– La force de l'habitude ! ajouta Georges avec un sourire moqueur.
Autour d'eux, la blague avait éveillé l'attention et la plupart des personnes présentes les regardaient en souriant. Matthieu, lui, ignorant ce qu'avaient pu être ces punitions d'un autre temps que Severus ne pratiquait plus à son époque, fronça les sourcils sans comprendre, hésitant à suivre son mentor dont l'humeur semblait encore s'assombrir.
– Demande à Harry ! Il t'expliquera, sinon ! gloussa Georges. Il a bien connu lui aussi !
Pris à partie, Harry ne put s'empêcher de sourire à son tour tandis que le regard de son amant se faisait encore plus noir et menaçant. Il était partagé entre l'humour ravageur et justifié des jumeaux et l'envie de défendre Severus. Et le désir de l'apaiser aussi, avant une confrontation avec Matthieu dont Harry redoutait ce qui pouvait sortir; il ne voulait pas que son ami soit davantage blessé, simplement parce qu'une moquerie avait agacé Severus.
– Ouais, enfin... M'est avis que Harry astique autre chose que des chaudrons, aujourd'hui !
Ce fut la réflexion de trop. Drôle, impertinente, mais totalement déplacée. Harry pouffa tout en incitant son amant à avancer et à s'éloigner avant qu'un des jumeaux n'ouvre encore la bouche. Dans le même temps, il leva un bras en arrière tout en déployant une brève volute de magie. Étonnamment, ce fut cet instant précis que choisit un petit oiseau chamarré pour venir lâcher ses fientes en voletant autour de Fred et Georges. Leurs jurons et les rires des autres s'élevèrent ensemble, rapidement suivis par la voix glaciale de Lucius.
– Je lance un Doloris au premier qui ose se nettoyer dans la piscine !
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Allongé à plat ventre sur un transat, Harry commençait à accuser à son tour une légère fatigue. Entre le quidditch, la baignade, les conversations avec les uns et les autres et les quelques coupes de champagne qu'il avait bues, il se sentait vidé. Vaguement inquiet de savoir ce qui se passait entre Severus et Matthieu, aussi...
Avant que les deux hommes ne disparaissent à l'intérieur du Manoir, Harry avait échangé un long regard avec son amant. Severus lui avait clairement fait comprendre qu'il ne souhaitait pas sa présence, et même si Harry avait lu dans ses yeux quelque chose comme de la réassurance, il n'était pas tranquille. Matthieu avait paru si amer et si douloureux en évoquant cette première fois au Manoir...
Harry ne comprenait clairement pas cette attitude de Severus qui avait consisté, des années durant, à maintenir Matthieu à l'écart de sa vie privée. Le jeune professeur de potions n'en parlait pas souvent, et quand il le faisait, toujours à demi-mots. Mais après la mort de son père et la quasi-disparition de sa mère, Severus était ce qui s'apparentait le plus à une figure parentale dans sa vie. Et cette mise à distance lui avait toujours pesé.
Pourtant, Harry ne doutait pas de l'attachement de Severus envers son pupille. Même Draco et Lucius avaient évoqué l'importance qu'il accordait au jeune homme, et la place qu'il tenait dans son cœur, même si rien n'était jamais dit ou avoué. Severus n'était pas du genre à exprimer clairement ses sentiments... Mais il changeait peu à peu. Et Harry le premier reconnaissait qu'il devenait plus ouvert.
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– Tu as l'air si préoccupé qu'on a envie de te réveiller pour te tirer de ces mauvais rêves, murmura une voix douce qui vint s'asseoir près de lui.
– Je ne dors pas, sourit-il en entrouvrant à peine les yeux, ébloui par la lumière. Et je ne suis pas préoccupé, Luna. Au contraire, je savoure cette journée à sa juste valeur : quelque chose de rare et de précieux; un beau cadeau, assurément...
– Je suis contente que tu sois content. Draco et Matthieu étaient si enthousiastes à l'idée de réunir tout le monde pour ton anniversaire...
Harry se contenta de sourire tranquillement. Il ne pouvait que les remercier de cette attention touchante, tout comme il avait remercié Lucius d'avoir accepté de réunir tout ce petit monde au Manoir.
– Je suppose que je dois te remercier également, fit-il en ouvrant lentement les yeux.
Jamais il n'avait remarqué à quel point Luna était blonde, mais là, sous le soleil de l'été, la jeune femme avait les mêmes cheveux d'or que Draco, éclatants de lumière. Côte à côte, on aurait pu les prendre pour des frères et sœurs.
– Je n'y suis pas pour grand chose. J'avais... « vu » cette journée. Enfin... juste quelques images furtives.
La mention des dons de divination de Luna mit Harry mal à l'aise. Il ne doutait pas qu'elle soit capable d'avoir des aperçus de l'avenir mais cela lui laissait à chaque fois l'impression qu'il n'était pas maître de son destin et qu'il ne faisait qu'accomplir ce pour quoi il était prédestiné. Et cette sensation de n'être qu'un pantin le révulsait.
– Et est-ce que... tout correspond bien à ce que tu avais vu ? lâcha-t-il amèrement.
– Ce que je « vois » n'est qu'une trame, Harry, fit-elle d'un ton apaisant en percevant son malaise. Juste des impressions de quelques personnes ensemble à un moment donné... Et rien n'est jamais figé. La réalité est souvent bien plus complexe et plus riche que ce que j'en vois. Ce ne sont que des esquisses face à un tableau plus abouti.
Même ainsi atténuée, Harry n'aimait pas cette idée que quelqu'un puisse prévoir ce qu'il allait faire. Et il n'oubliait pas que quelques mois plus tôt, Luna l'avait plus ou moins manipulé pour qu'il accepte l'offre de Lucius de séjourner au Manoir. Il n'allait certainement pas se plaindre du résultat aujourd'hui : la présence de Severus dans sa vie valait bien quelques encoches à sa fierté, mais il ne pouvait s'empêcher de se demander quels autres petits secrets Luna avait dans son sac.
– Tout est donc... « normal » ?
– En matière de magie, rien n'est tout à fait normal, Harry. Mais les chemins des possibles suivent leur cours principal, fit Luna d'une voix songeuse. Il reste... un embranchement qui n'a été ni suivi, ni purgé, mais ça viendra.
– Quelque chose qui me concerne ? murmura Harry avec appréhension.
Luna tourna la tête vers lui avec un sourire contrit.
–Tout te concerne, Harry. Tu es au centre de tout ce que je vois...
Il grimaça un instant, agacé malgré sa résignation, puis soupira en s'avouant qu'il devait son bonheur actuel avec Severus à l'insistance de la jeune femme.
– Tu ne me diras pas de quoi il s'agit, je suppose... C'est à propos de Lucius ?
– Pas vraiment, fit-elle, surprise. Lucius fait partie d'autres équations, mais pas celle-là. Il s'agit d'une autre personne et tant que tu n'auras pas fait la paix avec elle, cela freinera la bonne mise en place de chacun...
– Je déteste cette sensation de n'être qu'un pion sur un jeu d'échec, maugréa-t-il. Ceci dit, j'aimerais bien savoir contre qui tu joues...
Et qui était cette personne avec qui il devait faire la paix, si ce n'était pas Lucius ? Il n'y avait personne avec qui il demeurait « fâché ». Excepté Molly ?
– Ce n'est pas moi qui joue... C'est la vie, le destin, le bien contre le mal... J'essaye seulement d'aiguiller les choses dans le bon sens.
Malgré lui, Harry laissa échapper un gémissement. Il ne savait pas ce que l'avenir lui réservait mais il ne voulait pas être pris au piège comme autrefois avec Dumbledore.
– Tranquillise-toi, fit Luna qui avait saisi son trouble. Ce ne sont que des futurs possibles, pas probables... Pour l'instant, tout ce que tu as à faire, c'est de profiter de ta vie, de tes amis et surtout de Severus. Votre bonheur fait plaisir à voir... Et je reste surprise de voir à quel point... Je n'aurais jamais cru Severus si... démonstratif.
– Il ne l'est pas spontanément, avoua-t-il en songeant à nouveau aux récriminations de Matthieu envers son mentor. Seulement parce que... j'ai besoin qu'il le soit. Et toi ? Qu'as-tu fait de ta femme ?
Luna eut un sourire furtif en désignant du regard Padma, assise à l'autre bout de la terrasse, en grande conversation avec Daphnée et Angelina.
– Elle discute couches, bébé et grossesse...
Harry leva un œil soucieux sur le visage à la fois proche et lointain de Luna. Ce n'était pas une façon détournée d'annoncer un heureux événement. Juste la constatation légèrement amère d'un désir d'enfant non résolu.
– Je suis désolé... que ce ne soit pas plus simple pour vous.
– Tu n'y es pour rien, sourit Luna sans quitter des yeux la silhouette de Padma. Tu voudrais un enfant avec Severus, tu serais dans la même situation que nous... Tu voudrais un enfant avec Severus ?
Harry grimaça à nouveau; même en essayant de changer de conversation, parler avec Luna demeurait difficile. Le moindre sujet pouvait porter à des questions étranges ou dérangeantes.
– Je ne veux pas d'enfant.
Pour l'instant... acheva une petite voix dans sa tête.
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oooooo
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– Assieds-toi, fit la voix sourde de Severus.
Matthieu hésita et finit par se laisser tomber dans un fauteuil de l'autre côté du bureau. À vrai dire, il aurait préféré rester debout. Pour pouvoir fureter du regard dans la pièce, détailler les photos sur les murs et s'attarder sur les étagères couvertes de livres et d'objets divers. Pour pouvoir cacher son trouble, également, et échapper au regard sombre de son mentor.
Severus l'avait traîné manu militari à travers les couloirs du Manoir, comme un élève récalcitrant qu'il aurait emmené pour une retenue. Son attitude fermée et pleine de colère était celle de l'ancien professeur, celui qu'il n'avait jamais connu, et la raideur de ses gestes l'effrayait presque. Severus était tout en tension, comme une bombe à retardement qui menaçait d'exploser, jusqu'à ce qu'il finisse par soupirer en passant une main lasse sur son visage.
– Excuse-moi...
Ce n'était pas non plus cet homme-là que connaissait Matthieu; ni le professeur tyrannique et imbuvable, ni l'homme capable de s'excuser, celui qui montrait ses faiblesses et ses défauts. Il connaissait au contraire un homme solide, fiable, qui l'avait épaulé dans ses années difficiles d'adolescence, qui lui avait inspiré confiance et sur qui il avait pu se reposer... Avant de le voir s'éloigner au fil du temps sans avoir jamais réussi à pénétrer complètement dans sa vie.
Quoi qu'ait pu entendre Severus, Matthieu ne se sentait pas coupable. Il n'avait fait qu'exprimer son ressenti, aussi amer et blessant que l'était la réalité de ce qu'il avait vécu. Mais il ne voulait pas paraître supplier pour un peu de considération. Peu importait la douleur sourde qui battait dans son cœur, ou le manque insidieux qu'il ressentait, il ne voulait plus rien attendre de Severus.
– Je suis désolé. Je crois que je te dois des excuses... même si rien ne pourra jamais rattraper le temps perdu. Harry a raison, j'ai agi comme un idiot et je ne trouve aucune bonne raison qui puisse justifier ce que j'ai fait. Juste, sans doute, de l'égoïsme et une fierté mal placée, un certain aveuglement dans lequel je me suis complu et tout un tas de choses que j'ai refusées de voir, à commencer par ce dont tu avais envie, et même besoin... Je me rends bien compte que je n'ai pas été celui qu'il fallait pour toi. Il est temps de réparer tout ça, même si je ne sais pas bien comment faire... Peut-être qu'une présentation en bonne et due forme serait un début nécessaire, tu ne crois pas ? Viens, suis-moi.
Tout le temps de ce petit monologue, Matthieu était resté muet, abasourdi de tant de contrition si improbable, cherchant sans le trouver le regard sombre de Severus. Pour le coup, il aurait bien voulu rester assis à présent, le temps de digérer ces excuses inattendues, mais Severus l'attendait déjà près de la porte et Matthieu se leva d'un bond pour le rejoindre.
– Bon. Mon bureau, tu as compris... Ici, c'est la Bibliothèque.
Matthieu pénétra à la suite de Severus dans la pièce remplie de livres du sol au plafond, mais que les canapés de cuir sombre et les différents espaces de travail rendaient accueillante. Presque chaleureuse.
– Madame Pince en serait jalouse, sourit-il.
– Sans doute, bougonna Severus. Et encore davantage si elle savait la valeur des livres qu'elle contient. N'importe quel collectionneur tuerait pour certains de ces ouvrages... C'est là que je travaille lorsque je fais des traductions, plus que dans mon bureau. Une de mes pièces préférées dans le Manoir, sans doute...
Matthieu hocha la tête, surpris de ces considérations plus personnelles, avant de suivre Severus dans une autre pièce, juste en face, qui pouvait accueillir au moins une vingtaine de personnes à dîner sur une vaste table de bois précieux.
– La Salle à Manger...
Aussi clinquante et fastueuse que la Bibliothèque était agréable et chaleureuse. Lustres, miroirs dorés, tableaux de famille ou de maître, vases de porcelaine sur des meubles de marqueterie, sculptures sur la cheminée de marbre... Le Manoir tel qu'il se l'imaginait dans toute sa splendeur. Luxe et vanité.
– Le Grand Salon, quand Lucius reçoit du monde...
Du même acabit que la Salle à Manger.
– Le Petit Salon... celui que l'on fréquente au quotidien pour passer la soirée après le dîner, boire un verre ou prendre le thé dans la journée.
L'endroit était plus petit que le Grand Salon, et plus intime. Un canapé et quelques fauteuils autour d'une cheminée, des tissus précieux, une table basse sur un tapis de soie, un secrétaire contre un mur et une table de travail avec ses chaises ouvragées. Quelques bibelots et tableaux qui valaient chacun sans doute plusieurs mois de son salaire, mais dans l'ensemble, la pièce donnait un sentiment de réconfort et de cocon qui ne lui déplaisait pas.
Severus ne s'attarda pas sur l'escalier en colimaçon, ni sur la pièce qui faisait le pendant de son propre bureau, de l'autre côté de l'escalier:
– Le bureau de Lucius...
Après une hésitation, Severus ouvrit malgré tout la porte que ne protégeait aucun sortilège, et si Matthieu avait trouvé la Salle à Manger luxueuse, ce n'était rien par rapport au bureau du maître de maison. Le coup d'œil ne dura qu'une fraction de seconde mais il en garda une impression de lumière et de dorures qui lui rappela la Galerie des Glaces du château de Versailles. Il avait tendance à oublier trop souvent que Severus vivait avec un homme de pouvoir qui avait été rien de moins que Ministre de la Magie et certainement la plus grosse fortune du Royaume-Uni.
Severus avait déjà ouvert la porte en face du bureau sur une pièce qui chassait aussitôt cette impression de puissance pour un sentiment de tendresse. Un vaste circuit de bois dessinait ses courbes à travers la pièce, promenant un train et ses nombreux wagons emplis de peluches, tandis qu'une multitude de personnages et d'animaux de toutes tailles les regardaient passer. Assises contre le mur, une rangée de poupées contemplait la scène, indifférentes aux petits soldats qui montaient à l'assaut de leurs robes de soie et de dentelles.
– La salle de jeux des filles de Draco... Évidemment, elles sont parties un peu à la va-vite et elles n'ont rien rangé, grimaça Severus. Et comme d'habitude, les elfes de maison vont les couvrir pour que ni Lucius, ni Draco ne soient au courant...
– Mais toi, tu l'es, sourit Matthieu, amusé de cette tranche de vie impromptue au milieu des dorures.
Severus le toisa d'un regard sombre.
– Comme si j'allais les dénoncer ! gronda-t-il en haussant les épaules avant de se détourner vers la pièce suivante : La salle de cinéma, qui sert aussi bien aux filles qu'à nous... Lucius est un grand amateur de cinéma moldu.
De peinture également, au vu des tableaux que Matthieu avait pu reconnaître dans les autres pièces. Il n'était pas un fin connaisseur d'art, mais il avouait un péché mignon pour les impressionnistes français et les estampes japonaises.
D'emblée, il avait pensé que ce n'était que des copies, mais il en doutait de plus en plus. Et vu la fortune de Lucius, il pouvait largement se le permettre. Combien se vendait un Pissaro ou un Monet de nos jours... ? L'imaginer lui donnait le tournis...
Severus hésita devant la porte située en face de la salle de cinéma, que rien ne distinguait des autres, excepté la sourde pulsation de magie qui filtrait à travers le bois orné de moulures.
– Lucius te dirait que c'est le bureau de Harry... mais ça ne ressemble en rien à un bureau. Ni même à quoi que ce soit de l'intérieur d'une maison. Disons que Harry y a installé un bout de sa forêt...
Matthieu hocha la tête en souriant. Harry lui avait plus ou moins parlé de son antre où il lui arrivait de dormir pour se ressourcer...
Il fut plus surpris en revanche de voir que Severus n'ouvrait pas cette porte, comme s'il respectait le domaine privé de son amant, alors qu'il avait ouvert même le bureau de Lucius, puis s'éloignait rapidement vers le fond du couloir.
– Il y a là quelques pièces qu'on n'utilise pas vraiment, des salons, des pièces à recevoir, l'ancien bureau de Draco quand il était enfant... Et puis ces deux vérandas. Celle-là donne sur l'est, on la fréquente moins, mais Harry et Lucius aiment particulièrement celle-ci. Elle est plus verdoyante et agréable, la vue sur les jardins est magnifique et les couchers de soleil y sont...
Quelque chose d'un peu ému transparaissait dans la voix de Severus et Matthieu pouvait sentir les souvenirs qui se bousculaient chez son mentor.
Severus vivait là, dans ces murs, dans ces pièces, entre ces tableaux de maître; il y buvait le thé, il y travaillait, il s'y détendait après ses journées à la Librairie, il y discutait avec Lucius ou Harry;peut-être même qu'il y avait déjà embrassé l'un ou l'autre, ou qu'il s'était disputé avec eux... C'était étrange de pénétrer ainsi dans son quotidien, dans cette intimité à laquelle Matthieu n'avait jamais eu accès depuis que Severus avait quitté Poudlard.
Au château, il avait souvent pénétré dans les quartiers privés de l'ancien professeur, il avait même dormi sur son canapé les soirs d'épuisement après de longues discussions. Mais depuis que Severus avait démissionné de ses fonctions, il n'avait plus jamais touché du doigt à cette intimité, à cette humanité de son mentor.
Un instant, Matthieu se demanda ce qui, dans la décoration du Manoir, tenait de Severus. Pas grand chose, sans doute, hormis peut-être dans son bureau où il aurait apprécié s'attarder plus longuement pour s'imprégner de la personnalité de cet homme qui lui manquait étrangement...
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– Là, ce sont les cuisines du Manoir, fit Severus au pied de l'escalier en colimaçon.
Il poussa la lourde porte de chêne apparue au contact de sa main, dévoilant d'immenses cuisines où s'affairaient une ribambelle d'elfes de maison qui se figèrent instantanément à leur présence.
– Faites monter un thé pour deux dans mon bureau dans dix minutes.
Un minuscule elfe s'inclina devant eux en tremblant alors que Severus laissait déjà retomber la porte.
– Ici, eh bien... Tu devines ce que c'est, j'imagine...
Cette fois, Severus souriait franchement en pénétrant dans l'immense laboratoire du Manoir.
Matthieu ouvrit des yeux émerveillés sur les voûtes de pierres anciennes, les paillasses de bois précieux et les imposantes armoires d'ingrédients ou de potions, toutes garnies de rangées de fioles et de bocaux qui lui mettaient l'eau à la bouche.
Sous le regard amusé de Severus, il s'avança vers les étagères, penchant la tête de côté pour lire les étiquettes de tous ces produits dont il rêvait. Ce laboratoire, qui ne devait jamais servir ou presque, était mieux garni que ceux de Poudlard où il travaillait tous les jours. Harry devait s'éclater, ici !
– Viens. Tu auras l'occasion d'y revenir et d'y passer plus de temps...
Une excitation émue parcourut son ventre et son cœur, dont Matthieu essaya de ne rien laisser paraître. Est-ce que Severus envisageait de l'inviter à nouveau au Manoir ? Est-ce qu'il envisageait même de le laisser travailler dans ce laboratoire ? Ses mots sonnaient comme une promesse mais il ne voulait pas encore trop y croire.
Matthieu rejoignit Severus en baissant la tête, cachant ses yeux sans doute trop brillants, qui menacèrent de déborder intempestivement lorsqu'il sentit la main réconfortante de son mentor sur son épaule.
– La salle de duel...
Matthieu frémit à la mention de cette pièce où il savait que Severus avait été enfermé le temps de son sevrage, des années auparavant, mais celui-ci poursuivait déjà :
– On s'en servait régulièrement avec Lucius pour s'entraîner et conserver quelques réflexes, mais il y a sans doute un peu de laisser-aller depuis que Harry est là... Ce foutu gamin à tendance à nous rendre un peu trop oisifs !
– C'est ce que je me disais aussi ! se moqua-t-il en recevant une légère bourrade de Severus. J'ai trouvé la Librairie fermée plus d'une fois en allant te voir !
– Ici, eh bien, un de mes endroits préférés, avoua Severus en pénétrant dans la rotonde. Tu peux passer sans souci, le rideau de magie ne sert qu'à empêcher les filles de Draco de rentrer sans adulte avec elles... Je viens nager là tous les jours avant de partir à la Librairie, souvent très tôt le matin, quand le jour n'est pas encore levé. J'y reste une heure... parfois davantage si j'ai besoin de me détendre.
– Ce qui explique que tu aies battu tout le monde dans la piscine tout à l'heure, murmura Matthieu qui découvrait cette passion pour la première fois.
– J'ai toujours aimé nager, répondit Severus en haussant les épaules. Mais l'eau du lac de Poudlard était un peu fraîche !
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Severus poursuivit la visite du Manoir par l'étage des chambres où Matthieu se sentit presque de trop, même si son mentor ne faisait que désigner les occupants sans ouvrir les portes.
– La chambre de Draco. Celle d'Iris et en face, celle de Minerva. La chambre de Harry... Là-bas, celle de Lucius. Et celle-ci est la mienne...
Matthieu haussa un sourcil surpris qui fit légèrement rougir Severus. Harry lui avait vaguement expliqué que Severus conservait une chambre même s'il dormait avec lui ou avec Lucius, mais le fait que l'ancien professeur désignait sa chambre conjugale comme la chambre « de Lucius » en disait sans doute plus long qu'il ne l'imaginait.
Et Severus qui ouvrait la porte de sa chambre sans arrière-pensée rougit encore davantage au léger détail qu'il avait visiblement oublié. Matthieu sourit devant le lit en bataille dont les draps sens dessus-dessous témoignaient d'une occupation agitée. Et si cela n'avait pas suffi, l'odeur un peu lourde de la pièce signait une utilisation récente et peu chaste.
Severus maugréa en s'approchant de la table de nuit pour récupérer sa baguette, l'agita vaguement pour refaire le lit d'un sortilège avant de la glisser dans son étui le long de sa cuisse.
– Il y a plus loin quelques chambres d'invités et au bout du couloir, l'ancienne chambre de Narcissa et son salon personnel. Luce et Draco n'ont jamais voulu y toucher depuis sa mort, alors les pièces sont restées en l'état... Je sais qu'ils aiment parfois aller dans ce boudoir, comme pour s'y recueillir... J'appréciais Narcissa, mais... je ne suis pas très sentimental. Certainement pas au point d'apprécier cet endroit.
Matthieu pouffa à l'évocation de la froideur de Severus. Il n'était certes pas très expansif, et Matthieu était le premier à en souffrir, mais il savait aussi que Severus cachait son jeu derrière une insensibilité souvent feinte. L'utilisation de ce petit nom qui servait de diminutif au maître de maison, aussi spontanée que charmante, en témoignait.
Cette familiarité, ainsi que les confidences distillées peu à peu par Severus, le surprenaient. Jamais celui-ci ne s'était ouvert de cette manière : autant en si peu de temps. C'était agréable et un peu dérangeant en même temps; Matthieu n'en avait surtout pas l'habitude et cela le désarçonnait.
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Ils parcoururent rapidement l'aile opposée du Manoir où se trouvaient les suites et les grandes salles de réception, avant de traverser le fastueux hall d'entrée que Matthieu avait aperçu à son arrivée, et de retourner dans le bureau de Severus.
À peine entrés, une elfe de maison rondelette se matérialisa en portant un plateau d'argent chargé de tasses, de théières et de mignardises à grignoter. Elle posa le plateau sur la table basse près de la fenêtre avant de s'incliner devant Severus.
– Autre chose, Monsieur ?
– Merci, ça ira, fit négligemment Severus avant de se raviser et de s'adresser à Matthieu. Je te présente Sky, la responsable des cuisines. Et l'âme damnée de Harry...
Se courbant un peu plus tout en se tournant vers le jeune homme, la créature rougit jusqu'à la pointe de ses oreilles, oscillant entre gêne et fierté.
– Monsieur Matthieu... Soyez le bienvenue au Manoir, Monsieur. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à m'appeler.
Severus grommela tandis que l'elfe disparaissait avec un sourire presque effronté à son encontre.
– Pourquoi... pourquoi « l'âme damnée de Harry » ?
– Tu comprendras vite. Assieds-toi.
Matthieu rejoignit Severus sur le sofa au fond du bureau, l'observant servir le thé avec un sentiment fébrile au creux du ventre. L'attitude accueillante de l'elfe de maison, les multiples allusions de Severus à son retour probable et rapide au Manoir, ce premier pas inespéré dans l'intimité de son mentor lui faisaient chaud au cœur d'une manière qu'il n'avait jamais voulu envisager.
C'était trop d'informations et d'émotions d'un seul coup, toutes ces confidences et cette vie dévoilée à ses yeux... Matthieu se sentait submergé au point de sentir sa gorge se nouer sans parvenir à se défaire de son trouble.
Brusquement Severus agita sa baguette pour faire venir une liasse de parchemins jusqu'à lui, sortie d'un quelconque tiroir de son bureau.
– Je sais bien que je n'ai pas souvent été à la hauteur de ce que tu attendais de moi, fit-il sans préambule, en gardant les yeux baissés sur les papiers dans ses mains. Je suis loin d'être parfait, je ne prétends même pas essayer de l'être... Mais même si je n'ai jamais su te l'exprimer clairement, tu as toujours compté dans ma vie. Tu as toujours fait partie de ma vie. Et j'ai toujours été fier de toi. Je ne sais juste pas dire ces choses-là. Ni les montrer. J'aurais dû... j'aurais dû t'inviter ici il y a bien longtemps. T'inviter à dîner, à passer une soirée, un week-end... les fêtes de fin d'année... toutes ces choses qu'on fait habituellement en famille. Et que je n'ai pas faites. J'espère... j'espère qu'un jour, tu pourras me pardonner. Et qu'il n'est pas trop tard pour rattraper tout ce temps perdu. Je voudrais déjà que tu prennes ceci...
La gorge de plus en plus douloureuse, Matthieu ouvrit la main pour prendre la liasse de parchemins et les déroula lentement. Il était incapable de dire un mot, ou même de simplement tourner la tête pour croiser le regard de Severus. Son ventre se tordait violemment et même respirer devenait difficile.
À travers ses yeux voilés de larmes, quelques mots épars lui sautèrent aux yeux. « Je soussigné Severus Junius Rogue... », « Par la présente... », « Le Manoir Blacklake, dit Manoir des Prince, sis à Dalness, Scottish Highlands; la maison sise 9, Impasse du Tisseur, Cokeworth; un cottage, dit la Maison Rouge, sis à Llewellyn, Pays de Galles; ainsi que l'ensemble de mes biens meubles, coffres et possessions diverses... » et son nom, quelques lignes plus bas...
– Qu'est-ce que...
– C'est une copie certifiée conforme. L'original est conservé chez l'homme de loi de Lucius et enregistré au Ministère.
Matthieu essuya une larme traîtresse, échappée sans son autorisation, tandis que son regard se fixait sur d'autres mots qui, à présent qu'il les avait vus, paraissaient écrits à l'encre rouge : « mon fils spirituel ».
– Est-ce que... Est-ce que tu es atteint d'une quelconque maladie ? parvint-il à articuler.
Avec une spontanéité désarmante, Severus éclata de rire en reposant sa tasse de thé.
– Non ! Bien sûr que non ! Sinon je serais mort depuis un moment déjà !
Matthieu resta un instant sans comprendre avant de tourner la page et de voir la date d'établissement de l'acte, lâchant de nouvelles larmes, plus nombreuses et moins discrètes que les précédentes.
Cinq octobre deux mille quatre. Le testament avait presque sept ans. Sept ans de silence et de distance alors que depuis tout ce temps, Severus avait fait de lui son héritier et son légataire universel. Quel gâchis !
– Et Harry ?
– Tu ne le connais pas encore assez pour savoir que Harry n'a que faire de tout ça ? sourit Severus avec un geste évasif. Harry n'a pas besoin de moi. De rien de ce que je possède, en tout cas.
La nuance était de taille. Lui non plus n'avait pas besoin de ce que possédait Severus, mais comme Harry, il avait besoin de lui. Comme d'un père spirituel. Et ce geste était un pas plus que symbolique dans cette direction, dont Matthieu n'arrivait pas à se remettre.
Les mots s'inscrivaient en rouge sur sa rétine, indélébiles et douloureux de bonheur. De soulagement aussi, après tant d'interrogations, de doutes et de questionnements, et de nouvelles larmes s'échappèrent de ses yeux, émotion pure qu'il n'arrivait plus à contenir. « Mon fils »...
– D'autres papiers t'attendent un jour, chez l'avocat de Lucius... si tu veux finaliser une réelle adoption...
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oooooo
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– Junius ? Vraiment ? ricana Matthieu alors qu'ils traversaient le Hall pour rejoindre la terrasse sur les jardins.
– J'ai pas choisi mon deuxième prénom, hein ! grogna Severus. Rappelle-moi le tien pour voir...
Matthieu secoua la tête en souriant, tentant d'effacer du plat de la main les traces de larmes qui avaient pu lui échapper. Il avait sans doute encore les yeux rouges et un peu trop brillants mais à moins de rester enfermé les deux prochaines heures, il ne pouvait rien y faire. Il se recoiffa vaguement, songeant à l'étreinte prolongée qu'il venait de vivre dans les bras de Severus et à sa main moqueuse qui avait ébouriffé ses cheveux. En fait, il valait mieux ne pas penser à ça, s'il ne voulait pas larmoyer à nouveau. Il en avait un peu honte mais il avait bel et bien craqué dans les bras de son... futur père adoptif ? Comme autrefois, quand il n'était qu'un adolescent paumé, mais pas pour les mêmes raisons... les larmes avaient débordé, intarissables et bouleversées. Et comme autrefois, Severus l'avait laissé se vider de son émotion avec patience et bienveillance. Une fois tous les dix ans, ce n'était peut-être pas trop lui demander non plus.
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Sur la terrasse, les invités discutaient par deux ou trois, éparpillés autour de la piscine et dans les différents salons de jardin qui l'entouraient. La chaleur était toujours étouffante, même si le soleil avait légèrement baissé dans le ciel, au point que quelques uns étaient retournés barboter dans la piscine avec bonheur.
De manière surprenante, il aperçut Fred discuter avec Daphnée, un peu à l'écart. Plus loin, Sam semblait comploter avec Georges tandis que Luna, Padma et Neville buvaient un verre ensemble.
Severus se dirigeait vers son compagnon qui plaisantait avec Blaise, l'air plus détendu et abordable que Matthieu ne l'aurait jamais pensé. Lucius gardait son élégance habituelle, mélange de de noblesse et de dédain aristocratique, mais le voir rire avec le jeune galeriste lui ôtait un peu de sa froideur.
Matthieu avait déjà croisé Lucius au décours d'une réception à l'Institut de Potions ou à sa remise de diplôme, mais pas en personne. S'il appréhendait cette première vraie rencontre, il n'avait pourtant pas vraiment le choix : cela paraissait une étape nécessaire à son retour au Manoir, et même Harry, qui couchait pourtant avec Severus, ne s'était pas fait dévorer par le Lord.
La main que posa Severus sur son épaule alors qu'ils se présentaient devant Lucius lui assurait son soutien. Matthieu aurait préféré un peu moins de familiarité pour cette première rencontre officielle, mais il apprécia sans honte le contact rassurant de la main de Severus. Elle valait aussi tout un discours aux yeux de l'aristocrate qui se leva élégamment avec un étrange sourire aux lèvres.
– Matthieu..., fit-il en lui tendant une main ferme et souple à la fois. Soyez enfin le bienvenu au Manoir...
Le sourire ironique se tourna vers Severus qui grogna son mécontentement devant la moquerie silencieuse de son compagnon.
– Lord Malfoy...
– Allons, trêve de plaisanterie, appelez-moi Lucius. Nous serons amenés à nous revoir régulièrement à présent, nous n'allons pas nous embarrasser de formalités d'un autre temps.
Matthieu rougit légèrement à la mention de son retour futur au Manoir; mention faite par le maître de maison lui-même et de manière complètement explicite. Les choses semblaient évidentes, alors même que Severus n'avait pas prononcé un mot pour expliquer quoi que ce soit, signe s'il en était, que Lucius était au courant depuis longtemps de son existence et des projets de son compagnon, et que son introduction officielle n'était qu'un aboutissement logique et qui n'avait que trop tardé.
Matthieu sourit, étouffant un soupir à cette acceptation tardive et résistant à l'envie de se jeter à nouveau dans les bras de Severus. Il se sentait aussi paumé que le gamin qu'il était autrefois, et une pause aurait été la bienvenue, le temps qu'il assimile tous ces changements dans sa vie, et tous les sentiments que cela entraînait.
Blaise se leva à son tour et l'étreignit avant même que Matthieu n'ait eu le temps de comprendre ce qu'il faisait.
– Bienvenue dans la famille, Matt ! Je pense que Severus entendra encore parler de ça dans bon nombre d'années et qu'il n'a pas fini de s'en mordre les doigts !
Il ne savait même pas quelle place avait Blaise dans cette étrange famille mais le sourire de connivence des deux hommes derrière lui était rassurant.
– J'ai invité Blaise à dîner vendredi soir, fit Lucius à son compagnon avant de se tourner vers Matthieu : Vous vous joindrez à nous, j'espère ?
Il bafouilla un instant, pris par la surprise, avant d'acquiescer, une douce sensation de chaleur naissant dans sa poitrine.
– Avec plaisir...
– Tu peux venir avec ton ami, si tu le souhaites, ajouta Severus. Je serais ravi de faire sa connaissance...
Un frisson glacial fit redescendre Matthieu de son petit nuage et il secoua la tête de manière véhémente.
– Je... Je ne crois pas, non, murmura-t-il. Ce n'est pas prêt d'arriver.
Les trois hommes en face de lui froncèrent les sourcils en même temps, surpris par sa réaction vive et douloureuse.
– Pourquoi ? Qu'est-ce qui ne va pas ? s'inquiéta Severus.
Le regard gris de Lucius ne le quittait pas des yeux, semblant fouiller au fond de son âme pour chercher des réponses.
– Je vais m'occuper de ça, affirma l'aristocrate.
Matthieu n'eut pas le temps de s'appesantir sur le sens de ces mots qu'une paire de bras se referma brusquement autour de lui, le faisant pivoter jusqu'à ce que le visage inquiet de Harry ne se trouve en face de lui.
– Bon sang ! Où étiez-vous passés, tous les deux ?! fit le jeune homme avant de s'attarder sur ses traits soucieux et ses yeux encore trop rouges de toutes les larmes qu'il avait versées. Est-ce que ça va ? murmura-t-il à son oreille. Qu'est-ce qui s'est passé ? Il a été odieux avec toi ?
Matthieu lui rendit une étreinte brutale et désordonnée, à nouveau submergé de sentiments contraires. Il était heureux de la sollicitude de Harry, heureux de le voir, de le sentir concerné, il aurait voulu lui affirmer son bonheur de cette nouvelle relation avec Severus, son bonheur à cette future adoption, cette ultime reconnaissance, et il ne pouvait que rester muet sous peine que tout cela ne déborde en larmes bouillonnantes, entraînées par la douleur de cet autre bonheur que Harry empêchait sans même le savoir.
– Ça va, ça va. Je t'expliquerai plus tard, bredouilla-t-il.
Les mains autour de son visage, Harry effaça du pouce l'humidité de ses paupières en souriant tendrement avant de le reprendre dans ses bras.
– Tu peux tout me dire. Si je dois me priver de sexe pendant une semaine pour le punir de son attitude avec toi, je le ferai !
Matthieu gloussa en se reculant doucement, souriant à ces yeux verts déjà rassurés de sa réaction et d'avoir croisé le regard de Severus. Harry était si... humain et généreux que c'en était bouleversant.
– Tu n'auras pas besoin de ça, assura Matthieu. Au contraire. Je te dois beaucoup, je crois. Même s'il m'en coûtera de te considérer comme un... beau-père ?
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Matthieu s'était éloigné vers le chapiteau pour souffler un peu et en quête de quelque chose d'un peu plus fort qu'un thé; Blaise et Lucius s'étaient éclipsés également en toute discrétion, le premier pour rejoindre Draco, et le second, étonnamment, pour aller parler avec Luna.
Harry se fit une place entre les jambes de Severus pour s'asseoir sur la chaise longue, s'adossant contre son torse avec un soupir de délectation. Le simple contact de son amant lui faisait oublier ses inquiétudes d'une manière que n'égalaient ni l'alcool, ni le sommeil, ni le temps passant.
– Qu'est-ce qui s'est passé avec Matthieu pour qu'il soit si bouleversé ?
– Il t'en parlera lui-même quand il sera prêt à le faire, répondit Severus en refermant ses bras autour de lui. Pour une fois, je t'ai écouté et j'ai fait ce que j'aurais dû faire il y a longtemps.
Harry sourit doucement, autant de l'étreinte tendre de Severus, que de ce qu'il avouait à demi-mots. Il était heureux, pour son ami et pour son amant. Heureux de les avoir tous autour de lui.
Il renversa la tête en arrière, contre l'épaule de Severus, en quête d'un baiser qui ne tarda pas à venir. Harry ferma les yeux, s'abandonnant à ces lèvres et à ces bras qui le serraient un peu plus contre le torse de l'homme qu'il aimait.
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La soirée fut longue, une éternité de petits instants qu'il savoura les uns après les autres, avec chacun, avec plusieurs, avec tous...
Lucius et Severus partirent avant le dîner, profiter d'une soirée en tête à tête au restaurant après un concert de musique qui ne servait que de prétexte au temps passé ensemble.
Les elfes dressèrent la table dehors, sur la terrasse supérieure, sur une belle nappe blanche que doraient les rayons du soleil couchant et les lumignons volants. Le repas fut somptueux, bien trop copieux pour le nombre qu'ils étaient, mais Sky n'avait pu s'empêcher de mettre les petits plats dans les grands.
Entre les plaisanteries et les rires qui fusaient autour de la table, Harry ouvrit ses cadeaux en souriant de bonheur : le Kamasutra entre hommes, le vif d'or de la victoire des Harpies, des ingrédients de potions d'une rareté inestimable, un bracelet incrusté d'une malachite aux mêmes nuances que son pendentif, un pull en cachemire et plusieurs chemises très chics, le dernier gadget sexuel que venaient d'élaborer les jumeaux et qui le fit rougir tandis qu'ils expliquaient devant toute l'assemblée le fonctionnement des anneaux péniens et les différents sortilèges qui pouvaient s'y appliquer.
Harry évita soigneusement le regard effaré de Matthieu qui semblait brusquement aussi gêné que lui et se concentra sur la photo d'art représentant un nu masculin que lui avait offerte Blaise et qui ressemblait à s'y méprendre au dos et aux épaules de Severus. Sans pouvoir empêcher un sourire gourmand, il découvrit ensuite avec émotion un album photo, assorti de quelques coupures de presse, que lui avaient préparé Luna et Padma et qui retraçait toutes les années qu'il avait manquées. Les larmes aux yeux, Harry avala rapidement une coupe de champagne pour tenter de se remettre de ses émotions, avant de faire le tour de la table pour embrasser et remercier chacun.
Il n'avait rien vu qui vienne de Severus ou de Lucius, mais il se doutait que, s'ils avaient quelque présent pour lui, les deux hommes préféreraient les lui offrir en main propre et en privé. Un peu plus tôt, il avait à nouveau refusé la proposition de Daphnée de devenir le parrain de son enfant à naître, tout comme celle de Draco d'intégrer l'équipe des Harpies pour la saison prochaine, ce dont ni l'un, ni l'autre ne s'étaient formalisés, au contraire d'Alicia, Angie et Katie qui, toutes trois et comme le reste de l'équipe, avaient voté pour ouvrir les Harpies à la mixité rien que pour lui. Les deux propositions l'avaient touché malgré tout, et Harry en gardait un souvenir ému.
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Plus tard, la musique s'éleva dans la petite salle de réception qui donnait sur la terrasse. À travers les tentures des portes fenêtres grandes ouvertes sur la douceur de la nuit ne filtraient qu'une lumière tamisée et une musique endiablée qui fit bondir Deirdre et les Harpies. À leur suite, tiré par le bras comme un vulgaire paquet de linge sale, elles entraînèrent Harry, captif consentant pour danser jusqu'au bout de la nuit.
Rapidement, Matthieu les rejoignit, puis quelques autres, ivres d'alcool et de musique, qui se déhanchaient comme des débauchés. Un jour... un jour, il aimerait danser comme ça avec Severus. Comme il dansait dans les boîtes gay quand il avait dix-huit ans. Cette ivresse de corps, de sueur et de chaleur, les corps qui se frôlent, qui se cherchent, qui se frottent, les caresses lascives des mains abandonnées, les sourires aguicheurs et les invitations muettes... Les jeux de regards qui finissaient les yeux clos dans les salles obscures, les bouches avides qui suçaient des sexes lourds et les gémissements qui s'élevaient dans la pénombre.
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Le soleil se levait doucement de l'autre côté des jardins tandis que Harry partageait une cigarette avec Alicia, la dernière entre toutes, comme toujours. Tous étaient partis, les uns après les autres, épuisés ou emportés par le désir impérieux qui avait baigné la piste de danse pendant quelques heures. Il se demandait même si Georges et Angie ne s'étaient pas réfugiés dans une alcôve à un moment donné pour se donner du plaisir... Peu importait, chacun était parti le sourire aux lèvres, même Fred qui s'était lâché au fur et à mesure de la journée.
À l'heure des premiers rayons du soleil, Severus n'allait sans doute pas tarder à se lever. Lucius et lui étaient certainement rentrés depuis longtemps de leur soirée, mais ils n'avaient pas reparu à la fête. Heureusement, sans quoi, au vu de son propre désir, Harry aurait été incapable de ne pas finir dans un lit en position allongée avec Severus. Ou à quatre pattes. Ou n'importe où ailleurs.
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Le matin était frais et l'humidité qui remontait des marches de la terrasse sur lesquelles ils étaient assis les fit frissonner. Harry raviva le sortilège de chaleur qui le maintenait au chaud et passa un bras autour des épaules d'Alicia pour l'en envelopper également, s'attirant un soupir de satisfaction.
– Bon. J'avais tort et tu avais raison. Ce fut Blaise finalement.
– Blaise ? Oh... Mais ? balbutia-t-il devant le regard moqueur d'Alicia.
Elle gloussa devant sa surprise, ravie de son effet, tandis qu'il repassait dans son esprit le fil de la soirée, à la recherche d'un moment où Alicia avait disparu de son champ de vision.
– Et toi ? le taquina-t-elle. J'ai bien cru qu'à un moment donné, tu allais sauter sur Draco !
– Non ! se récria-t-il en riant. Draco et moi... Il n'y a rien du tout. Mais on a longtemps joué à ce petit jeu en dernière année... Il m'a beaucoup accompagné dans les boîtes gays et... on s'amusait à s'allumer l'un l'autre et ça provoquait souvent pas mal de réactions. Draco avait un succès fou, même s'il n'a jamais voulu en profiter. Mais tout ça n'est qu'un jeu. Et aujourd'hui, je serais bien incapable de tromper Severus...
– Même avec Lucius ? fit Alicia après un silence.
Harry tourna brusquement la tête vers elle, surpris de ce qu'elle avait pu entrevoir.
– Tu es trop observatrice... Lucius est un autre problème.
– Qu'est-ce que tu vas faire ? demanda-t-elle en écrasant sa cigarette sur le marbre des marches.
– Pour l'heure, je vais aller dormir une heure avant d'aller à Sainte-Mangouste. Et avant ça, voir si Severus est déjà levé pour profiter un peu de lui...
– Tu es dingue de lui, n'est-ce pas ? fit Alicia en se levant et en époussetant son pantalon.
Sa silhouette se découpait sur le ciel encore sombre de ce côté du Manoir, mais son sourire lumineux répondait au sien.
– À peu près...
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Merci à tous, à ceux qui lisent, à ceux qui mettent en favori, à ceux qui rejoignent en cours de route et un merci tout particulier à ceux qui commentent de temps en temps ou très régulièrement. C'est toujours important pour un auteur d'avoir un retour...
Aujourd'hui, nous sommes au chapitre 24 et à peu près à 400.000 mots... Il ne vous reste plus à découvrir que 10 chapitres (dont certains seront plus courts que d'habitude, comme celui de la semaine prochaine, en rapport avec le timing de la fic) et deux épilogues. Alors, profitez et savourez!
La semaine prochaine, Harry et Lucius vont évoquer brièvement leur attirance mutuelle et leur relation, mais on commencera sans doute avec un petit mouchoir...
Au plaisir
La vieille aux chats
