Résumé: Malgré quelques moments difficiles suite à la lettre de Molly ou au tableau d'Axaya, la relation de Harry avec Severus est devenue plus fluide et sereine. Mais en dépit du consentement de son amant, Harry se refuse encore à franchir le pas avec Lucius, ce qui ne l'empêche pas de le taquiner régulièrement. Le bal des Malfoy a été l'occasion pour celui-ci de revoir Mark, mais aussi de se retrouver face à ses propres insuffisances vis à vis de Severus et de leur relation et tout cela l'incite à réfléchir.
Résumé de piètre qualité ^^ mais vous avez l'essentiel pour reprendre... Bonne lecture.
Contrairement à ce qu'il avait dit à Severus, Harry n'était pas à Sainte-Mangouste. Il n'aimait pas mentir mais il ne voulait pas de questions avant d'y aller, pas d'explications à fournir, pas de conseils, rien. Et il n'en voulait pas non plus après. Du moins pas tout de suite. Il en parlerait à Severus quand il estimerait le moment venu. Ou qu'il en aurait besoin.
Parfois, Harry ressentait confusément la nécessité d'un espace de liberté, quelque chose de complètement privé, des moments qui n'appartenaient qu'à lui et qui semblaient difficiles à trouver. Il avait vécu seul trop longtemps pour s'accommoder en permanence de la présence d'autres personnes. La vie quotidienne ensemble, malgré les moments passés au travail, malgré les nuits que Severus passait avec Lucius, était de temps en temps trop fusionnelle. Parfois pas assez également, mais ça, c'était une autre histoire.
En tout état de cause, il y avait certaines choses dont Harry n'avait pas envie de parler à Severus, et il en ressentait une vague culpabilité tout en essayant de se raisonner. Il était normal de ne pas tout partager, n'est-ce pas ? De garder pour soi certaines pensées, des états d'âme ou des sentiments... En réalité, il en aurait parlé plus facilement avec Lucius, qui avait une compréhension plus intuitive, peut-être moins jalouse, de ce qu'il exprimait. Mais les moments en tête à tête avec l'aristocrate se faisaient plus rares.
Pourtant Lucius était celui qu'il lui fallait pour épurer ses pensées. Il avait l'art de mettre le doigt sur un détail, un parallèle, une façon de présenter une situation qui donnait un éclairage nouveau et surtout matière à réfléchir. À Lucius, Harry aurait pu parler de la lettre de Molly et de ce qu'il en avait ressenti... À Severus, c'était plus compliqué.
Mais après tout, il n'avait pas besoin d'en parler à qui que ce soit. Il avait toujours vécu seul – ou presque – et pris ses décisions seul. Il n'avait pas pour habitude de se confier, excepté à Mayahuel. Mais Mayahuel l'avait sauvé... et elle avait sans doute bien des droits sur lui.
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Le Terrier était droit devant lui, si différent et pourtant le même. Le cœur d'une vie disparue avec les années. Des souvenirs en pagaille et un silence qui contrastait si fortement avec les rires d'autrefois.
Quand il frappa à la porte et que Molly lui ouvrit, Harry soutint son regard quelques instants, difficilement, avant de céder et de détourner les yeux, tandis qu'une larme solitaire roulait sur la joue de la vieille femme. Il n'y eut pas un mot, pas un geste tandis qu'elle sortait sur le perron sans l'inviter à entrer à l'intérieur. Ils s'assirent sur un banc devant la maison, côte à côte sans être proches, fixant le jardin propre et ordonné pour ne pas avoir à se regarder.
Harry leva les yeux vers le ciel limpide, le soleil radieux, fermant ses paupières un instant pour faire taire ses émotions. Il faisait beau et chaud, loin de l'orage de la dernière fois... Il ne croyait pas aux signes, mais c'en était peut-être un.
– Merci. Merci... pour la lettre, les cadeaux, malgré tout. Merci pour tout.
Molly ne répondit pas, se contentant de croiser les jambes et de lisser sa jupe sur ses cuisses une fois ou deux avant de reposer sa main sur le banc, les phalanges légèrement blanchies par la crispation.
Le silence dura assez longtemps pour que la chaleur du soleil se fasse sentir, au point que Harry leva le sortilège permanent de réchauffement autour de lui. Molly n'avait toujours rien dit, ni un mot, ni un geste. Sans doute était-ce à lui de faire le premier pas, mais il n'était pas sûr de pouvoir dire ce qu'elle souhaitait entendre.
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Enfin, peut-être vingt minutes après qu'ils se soient assis ensemble, Molly sortit sa baguette pour faire apparaître une voile d'ombrage et une table basse avec des boissons fraîches. Harry esquissa un sourire discret devant ce qui devait la démanger depuis un moment; Molly était une hôte si merveilleuse qu'elle aurait proposé un thé même à son pire ennemi.
– Je ne peux pas dire que je suis désolé, parce que ce n'est pas vrai. Si je n'étais pas parti, je n'aurais sans doute pas survécu.
Molly hocha simplement la tête, signifiant qu'elle avait entendu.
– Oublier, mettre de la distance était vital. Même si cela a fait de moi un parfait égoïste... Avec le temps, j'ai appris à donner à nouveau. À d'autres. À aider. À secourir. Parfois au risque de m'y perdre.
Dans le ciel, un hibou passa en volant mollement, semblant trop lourd pour ses pauvres ailes. Loutry Ste Chaspoule n'était pas loin à vol d'oiseau et il s'y dirigeait certainement, un parchemin soigneusement enroulé autour de sa patte droite.
– Je ne suis plus celui que j'ai été. Et je ne prétends pas pouvoir être pardonné... Il y a eu d'autres sourires dans ma vie, d'autres rires, des fêtes, des rites, des cérémonies. Des douleurs aussi... Mais je n'ai rien oublié de ce qui s'est passé ici. Et c'est bien pour cela que revenir est difficile. J'aimerais... j'aimerais pouvoir effacer le temps et la distance, gommer les années de silence, mais c'est impossible. Il faut juste assumer les conséquences.
Molly hocha encore la tête, toujours silencieuse. Le temps s'évapora à nouveau tandis que les paroles de Harry semblaient flotter dans l'air en une musique étrange qui revenait sans cesse s'enrouler sur elle-même. « Revenir est difficile »... Ô combien !
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Sur les verres, la condensation formait des gouttes translucides qui ruisselaient peu à peu, s'étalant de petites flaques d'eau sur la table. Ni lui, ni Molly ne s'étaient servis, seulement concentrés sur leurs pensées et leurs sentiments.
– Je n'ai pas beaucoup plus à te dire que dans ma lettre, fit enfin Molly, comme si les premières paroles de Harry avaient validé une forme d'excuses. Tu seras toujours l'orphelin que nous avons accueilli sous notre toit, dans notre famille. Tu seras toujours le huitième enfant. Mais j'ignore s'il est possible de renouer le lien qui a été brisé. Je ne sais même pas si je le souhaite... Il y a trop de colère, trop de rancœur... Ton silence a tout détruit.
Harry se fit violence pour maîtriser sa magie et garder le contrôle de lui-même. Les mots de Molly étaient un poignard qui venait lacérer sa chair pour ensuite se planter dans son cœur. Comme sur les verres glacés, une goutte traîtresse roula le long de sa joue.
– J'ignore... j'ignore qui tu es devenu. Je sais que tu as renoué avec Fred et Georges, ils m'ont parlé de toi. Je sais qu'ils étaient même à ton anniversaire. Bill aussi te défend, il a toujours été le plus posé d'entre nous... Moi, je ne sais pas si j'ai envie de te connaître à nouveau.
Il était venu sans rien attendre de Molly. Le passé ne pourrait plus jamais être; trop nombreux étaient les morts et les disparus. Harry ne savait même pas s'il voulait réellement renouer un lien avec la matriarche Weasley; il avait peur que cela ne devienne qu'un éloge funèbre répété à l'infini. Les morts étaient la seule chose qui les liait encore dans le présent. Ça et un passé révolu.
– Qu'es-tu devenu ? Je sais que tu es potionniste. Et médicomage à Sainte-Mangouste. Je sais que tu as réveillé les Londubat, et sauvé d'autres patients. Je lis les journaux comme tout le monde. Tu es encore plus célèbre qu'autrefois et ton nom s'étale partout. Jusque dans le carnet mondain...
La Gazette du matin-même avait consacré les quatre pages centrales au bal de Lucius et il apparaissait sur au moins trois photos, avec Lucius ou Draco, souriant, plus sobre en compagnie du Ministre... Et son nom était mentionné plusieurs fois. Il avait une vie sociale depuis des mois, et il ne venait qu'aujourd'hui.
– Mais Fred m'a dit que tu avais vécu très loin d'ici pendant des années...
Harry hocha la tête, surpris que ce soit Fred qui ait davantage parlé de lui plutôt que Georges.
– As-tu... une famille ? Des enfants ?
Harry déglutit en détournant le regard vers un massif de fleurs un peu plus loin. Cette obsession de savoir s'il avait des enfants ! Il aimait les hommes depuis toujours, Molly le savait, il n'était pas censé avoir un jour des enfants ! Axaya avait été... un accident de parcours.
– Non.
– As-tu... aimé pendant toutes ces années ?
– Aucun homme si c'est votre question. J'ai vécu seul dans des endroits reculés de nombreuses années... La solitude ne me fait pas peur.
Pourquoi ne répondait-il que sur un plan sentimental, effaçant l'amour bien différent qu'il avait ressenti pour Axaya ? Il répugnait à en parler à Molly pour il ne savait quelle raison... Pourtant elle entre tous savait ce qu'était perdre un enfant...
– Et aujourd'hui tu vis au Manoir ?
– C'est exact, acquiesça-t-il. Severus est mon amant. Et Lucius le sera sans doute un jour...
Pourquoi ? Pourquoi ce besoin d'affirmer cela ? Molly n'avait pas bronché, impassible et le regard fixé sur la barrière à l'entrée du jardin. Mais à mesure des mots, sa voix se faisait plus douce, plus maternelle.
– Tu les aimes ?
Cette obsession pour l'amour, également... Fallait-il qu'il aime quelqu'un, qu'il ait des enfants et un métier sérieux pour que Molly considère qu'il avait une vie rangée et qu'il était tiré d'affaires ?
Harry prit le temps de réfléchir à la question cependant, et finit par répondre.
– Oui. Bien que d'une manière très différente.
– C'est bien. Il n'est pas toujours facile d'aimer les hommes quand on est un homme... Je suis contente que tu aies quelqu'un... avec toi.
Malgré tout, malgré le temps et la distance qui avaient coulé entre eux, Harry sentit comme une douce chaleur enfler dans son cœur et dans son ventre. Un instant, il eut envie de fermer les yeux et de se glisser entre les bras de la matriarche.
Mais Molly restait distante, grave. Il n'était pas le seul gay chez les Weasley.
– Et Charlie ? fit-il.
Molly... Molly devait savoir. Forcément. Il obtiendrait peut-être enfin les réponses qu'il attendait et que Fred et Georges n'avaient pas voulu lui donner.
– Charlie..., soupira-t-elle. Tu lui as brisé le cœur lorsque tu es parti. Il n'a jamais pu... Je voudrais que tu le revoies un jour. Il a besoin d'entendre certaines choses de ta bouche, je crois...
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La porte de la chambre de Severus était entrouverte, dévoilant la lumière éclatante qui pénétrait par les fenêtres. L'elfe de faction dans le Hall avait dit que son amant était là, Harry n'avait pas mis deux minutes à grimper les escaliers et traverser le couloir, le désir chevillé au corps.
Trop longtemps qu'il n'avait pas embrassé Severus, réellement. Trop longtemps que son corps ne lui avait pas fait du bien, qu'il ne l'avait pas tenu avec envie et caressé avec passion. Comment pouvait-on vivre avec quelqu'un, le côtoyer tous les jours, dormir avec lui et éprouver malgré tout un manque de sa présence ?
La réponse tenait en un seul mot : la frustration. Harry n'avait fait l'amour qu'une fois avec Severus depuis plusieurs jours, depuis avant son anniversaire, et il éprouvait un réel manque, presque physique, de n'importe quel contact charnel avec son amant. La simple idée de l'embrasser à pleine bouche, de faire danser ensemble leurs langues et leurs corps, de frotter sa peau nue contre la sienne... sans même parler de pénétration, le faisait saliver comme un affamé.
À peine poussé la porte, Harry vit Severus, à demi nu, une simple serviette de bain nouée autour de la taille et la peau encore humide. Une chaleur familière naquit dans son ventre pour s'épanouir à travers son corps, faisant fourmiller chacun de ses nerfs d'une impatience furieuse.
– Tu tombes bien, gronda Harry. Et je crois que tu n'auras pas besoin de ça tout de suite.
D'un geste, il saisit la chemise que Severus allait enfiler avant de la jeter sur le dossier d'un fauteuil.
– Eh bien ! Quelle entrée en matière !
Severus l'enlaça rapidement, le plaquant contre son corps, et le regarda en souriant. Harry se sentit vibrer au contact de son amant, mais les vêtements étaient de trop et ils disparurent en un tour de main. Il voulait sa peau nue et brûlante contre la peau fraîche de Severus, il ne voulait pas un centimètre entre leurs deux corps, il voulait leurs chaleurs intimement mêlées, et leurs chairs également, il voulait leurs bouches soudées de baisers et sa langue enflammée parcourir son torse, son ventre et descendre jusqu'à son sexe pour soulager enfin cette tension insupportable.
– Tu m'as dit quelque chose ?
Harry ferma les yeux en grognant de dépit. Lucius. Pourquoi fallait-il toujours que Lucius soit dans la salle de bains de Severus quand il arrivait avec l'envie de se faire sauter par son amant ?!
– Oh... Visiblement, ce n'était pas à moi que tu t'adressais...
Le sourire narquois que Harry sentit dans la voix de Lucius lui fit rouvrir les yeux. L'aristocrate les regardait, tous les deux enlacés, en affichant un air amusé et sans rien perdre de leur nudité. Lui-même était à peine vêtu, les jambes nues et une chemise ouverte sur son torse pâle. Visiblement, Lucius se déshabillait pour aller à son tour prendre une douche lorsqu'il avait fait une entrée impromptue.
Hésitant entre le soupir de frustration et le ricanement, Harry se retourna entre les bras de Severus pour faire face à Lucius, étrangement excité de se dévoiler ainsi à son regard.
– De toute évidence !
Il était nu, pourvu d'une érection qui vibrait d'impatience et de désir, dans les bras de Severus qui continuait à le caresser, et il se sentait brûler sous le regard insistant de Lucius.
– Mais je vous en prie, poursuivez... Je ne voudrais pas interrompre quoi que ce soit.
Lucius avait déjà vu Harry dans le plus simple appareil, à Paris, en Provence... Mais il l'avait vu au repos. Là... Ce n'était clairement pas le cas. Sans aucun complexe, Lucius lorgnait la toison de poils noirs crépus qui entourait le sexe du jeune homme, ses proportions généreuses, cette érection fièrement dressée qu'il aurait volontiers soulagée... Harry avait un sexe étrangement beau. Attirant. La tentation de le prendre en bouche le fit frémir et fit réagir son propre membre.
Severus avait grogné à ses paroles, mais il n'avait pas arrêté pour autant de caresser le torse et le ventre de Harry, passant sa main dans le creux des abdominaux, juste en-dessous de cette verge tendue par le désir, l'effleurant à peine pour attiser sa fébrilité. C'était un jeu ancien entre eux : Severus caressant le corps d'un autre sous son regard pour s'exciter mutuellement. Et cela fonctionnait d'autant mieux qu'il s'agissait de Harry et que le jeune homme était aussi excité qu'eux, à la fois d'être touché et d'être vu.
Si Severus continuait ainsi à parcourir de ses mains le corps de Harry, et si Harry continuait ainsi à frissonner et à sembler aussi extatique, Lucius allait finir par céder et se caresser devant les deux hommes comme il le faisait autrefois. Severus le provoquait, et même s'il ne la voyait pas, cachée par le corps du jeune homme, il se doutait que l'érection de son compagnon devait être superbe à voir. Depuis le temps que Lucius rêvait de les voir faire l'amour...
– Ça suffit, fit Harry en brisant le silence lourd de tension sexuelle. Vous n'êtes pas au spectacle et je ne vous offrirai pas de pop-corn. Un peu d'intimité serait la bienvenue. Pour prendre une douche au beau milieu de l'après-midi, j'imagine que vous avez eu votre compte. Alors maintenant, chacun son tour.
La voix de Harry était basse et grondante, pleine de menaces presque érotiques et d'un désir forcené. Lucius se sentit frémir de plus belle devant ce son rauque tandis que la magie du jeune homme dessinait une aura de plus en plus présente autour de lui.
– Je te laisse volontiers la place... Et je promets de rester sage et silencieux, sourit-il.
Harry ne put s'empêcher de gémir de frustration. Il ne voulait pas que Lucius reste là, il ne voulait pas négocier pendant des heures, il voulait se faire baiser comme un malpropre et assouvir le feu qui brûlait en lui. La présence de Lucius était excitante, mais il ne voulait pas que l'aristocrate le voie en train de gémir, de supplier pour que Severus aille plus vite, plus fort, plus loin, il ne voulait que Lucius le voie pleurnicher de désir et de plaisir, ni qu'il l'entende crier sa jouissance sous les coups de reins éperdus de son amant. Et il avait besoin de ça tout de suite.
Mais Severus semblait avoir envie de le torturer encore un peu. Les mains qui le parcouraient s'étaient arrêtées sur ses mamelons, et Severus entreprit de pincer ses tétons, d'abord doucement, puis en augmentant graduellement sa force, jusqu'à ce que Harry finisse par gémir outrageusement, le corps crispé, les yeux clos sous la douleur et la tête renversée en arrière sur l'épaule de son amant.
Lucius avait émis un son plaintif lui aussi, devant ce spectacle fascinant et obscène, plus obscène peut-être que si Severus avait été en train de baiser Harry. L'abandon du jeune homme, et surtout ce feu latent qu'il sentait couler dans ce corps offert et dans sa magie, le fascinaient. À cet instant précis, Lucius aurait donné n'importe quoi pour pouvoir s'approcher des deux hommes enlacés devant ses yeux et poser ses mains sur leurs corps.
Mais Severus avait perçu son gémissement à peine audible et il sonna la fin du jeu avec un large sourire.
– Ça suffit maintenant. Va te laver, Blondie... Je crois que Harry a besoin que je m'occupe de lui...
Sous la surprise, Lucius écarquilla les yeux. Severus osait utiliser ce surnom ! L'agacement et le dépit prirent rapidement la place du désir et Lucius tourna les talons en claquant la porte de la salle de bains.
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– Lucius ? Vous avez quelques minutes ?
L'aristocrate leva un regard surpris vers la porte de son bureau, sa plume suspendue entre ses doigts au-dessus d'un parchemin déjà couvert de son écriture. Les dossiers, les rapports d'activité, les nombreuses lettres auxquelles il devait répondre avant de pouvoir se sentir enfin libre de partir en vacances s'amoncelaient sur son bureau et il n'avait pas encore traité la moitié du travail qu'il avait à faire.
– Qu'est-ce qu'il y a ? Un souci ? Je..., hésita-t-il en jetant un œil sur son courrier en cours.
– Je n'en ai pas pour longtemps, fit Harry en fermant la porte derrière lui.
Il s'avança en souriant, parfaitement conscient que Lucius était débordé de travail, mais il voulait le voir en tête à tête avant leur départ pour Torquay, et l'absence de Severus, parti fermer la Librairie pour les vacances, était l'occasion idéale.
Harry vint s'asseoir dans un des fauteuils en face de Lucius, séparés par cet imposant bureau couvert de paperasse et qui maintenait entre eux une distance bien trop raisonnable. Il aurait voulu une conversation plus intime, plus feutrée, à l'image de celle qu'ils avaient eue quelques jours auparavant, quand Lucius l'avait trouvé en larmes devant le portrait d'Axaya. Le souvenir de ces moments passés dans les bras de Lucius le hantait encore. Une étreinte rare, pleine de tendresse et de douceur, qui ne se renouvellerait pas avant Merlin sait quand ! C'était même Lucius qui avait souhaité le garder dans ses bras plus longtemps, avouant une faiblesse étrange et une répugnance à le laisser s'éloigner qui avaient ému Harry. Et il ne pouvait pas nier avoir apprécié ce moment privilégié.
– Je n'en ai pas pour longtemps, répéta-t-il sous le regard intrigué de l'aristocrate. Je voulais... Le bal des Malfoy, c'était à l'occasion de votre anniversaire, même si vous ne souhaitez pas que l'on mentionne votre âge...
Harry gloussa en se souvenant de la réaction indignée de Lucius. Il avait voulu trinquer à l'anniversaire du Lord et non pas « Aux Malfoy ! », comme il se faisait d'habitude, et la tête de l'aristocrate avait valu son pesant d'or ! Et au vu de son regard glacial à la mention de cet incident, il n'avait pas changé d'avis sur la question.
– Ce n'est pas vraiment un présent, mais je voulais que vous ayez ceci...
Des ombres, Harry sortit un médaillon en argent ciselé et gravé d'une écriture alambiquée qu'il tendit à Lucius. Entre les longs doigts fins de l'aristocrate, le cabochon d'azurite serti dans le talisman luisait sourdement, témoin de la puissance de la magie qu'il contenait.
– Qu'est-ce que... ? fit Lucius en haussant un sourcil.
– Ce médaillon est accordé sur ma magie, sur moi. Si je suis absent et que vous avez besoin de moi, si vous voulez me toucher où que je sois, même à l'autre bout du monde, il vous suffit d'activer le médaillon et je sentirai votre appel. J'ai donné son frère jumeau à Sam à Sainte-Mangouste pour qu'il puisse me joindre en cas d'urgence pendant mes vacances... Vous n'en aurez certainement pas besoin de la même manière, mais... si jamais je ne suis pas là, vous aurez toujours ce moyen de m'appeler.
Spontanément, Lucius repensa aux premières fois où Harry était reparti dans sa forêt, parfois plusieurs jours d'affilée, sans donner aucune nouvelle, sans qu'ils n'aient aucun moyen de le joindre, ni de savoir s'il allait bien, et durant lesquels Severus avait cru devenir fou, terrorisé à l'idée que le jeune homme ne revienne jamais.
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– Pourquoi ? lâcha finalement Lucius. Pourquoi est-ce à moi que tu donnes ceci ? Cela revient plutôt à Severus...
– Parce que je suis certain que vous n'en abuserez pas, répondit rapidement Harry avec un sourire en coin. Je ne veux pas que Severus se laisse tenter, pour se rassurer, ou par jeu... Ce n'est pas un simple médaillon magique; il contient une réelle partie de ma magie. Infime mais une partie tout de même. Et la magie n'aime pas être fractionnée... Lorsque le médaillon est activé, l'attraction entre les deux parties est intense, et il est difficile de lutter contre. Cela m'oblige à revenir, en quelque sorte. Un peu comme un portoloin, mais qui serait relié à une personne, et pas à un endroit. Mais ce n'est pas quelque chose dont il faut abuser...
À mesure des explications de Harry, Lucius écarquilla davantage les yeux. Un tel moyen de contacter le jeune homme où qu'il soit était un présent précieux, et quelque part, une preuve de confiance inestimable qui lui fit chaud au cœur. Même s'il décidait de s'absenter pour n'importe quelle raison, Harry leur donnait la possibilité de le joindre, mais surtout la certitude qu'il reviendrait. Qu'ils pouvaient l'obliger à revenir. Et cela était presque effrayant.
Lucius imaginait bien les craintes de Harry vis à vis de Severus. Ce pouvoir... si jamais Harry décidait de partir trop loin ou trop longtemps, si Severus, dans sa grande jalousie, soupçonnait qu'il voyait un autre homme, s'il avait envie de jouer avec son amant... Ce médaillon était un fil à la patte qui ramènerait inexorablement le jeune homme vers eux. Une laisse sur laquelle ils pouvaient tirer à loisir. Et entre de mauvaises mains, il permettrait à n'importe qui de s'emparer de Harry et de sa magie démesurée.
Lucius leva un regard surpris en saisissant toutes les implications possibles du bijou qu'il tenait entre ses mains. Mais dans les yeux émeraudes de Harry, il ne lisait que de la confiance. Et un léger amusement. « Il est difficile de lutter contre » avait-il dit. Harry devait tout de même avoir les moyens de se protéger. Il pouvait difficilement croire que le jeune homme se livre ainsi pieds et poings liés à eux.
– Et puis il faut une certaine quantité de magie pour l'activer, reprit Harry avec un visage plus sérieux. Et plus je suis loin, plus l'énergie à déployer est importante. Lors de ses migraines, Severus serait incapable de faire appel à moi, même si j'étais dans la pièce à côté. Ce n'est pas un objet à prendre à la légère...
Lucius baissa à nouveau les yeux vers le médaillon et sa pierre bleue, remarquant pour la première fois les inscriptions étranges qui en faisaient le tour. Il n'avait même pas songé à cet aspect pratique des choses : pouvoir appeler Harry pendant les migraines de Severus... C'était la garantie d'un soulagement presque immédiat et la fin de cette inquiétude latente de voir son compagnon souffrir sans solution.
– Comment fonctionne-t-il ?
– Touchez-le simplement et insufflez-y de la magie. La pierre va chauffer peu à peu puis devenir froide d'un seul coup. C'est le signe qu'il est activé. La distance oblige à employer plus d'énergie et ralentit le signal mais...
Lucius sursauta quand Harry se trouva brusquement à ses côtés, puis il eut un sourire gêné en réalisant qu'il avait caressé machinalement la pierre avec un peu de magie pour la tester. La montée en température avait été rapide, peut-être parce que Harry se trouvait à moins d'un mètre de lui, et le « transplanage » avait été immédiat.
– Ce n'est pas quelque chose dont il faut abuser, Lucius, répéta lentement Harry avec un sourire narquois.
Lucius frémit au son de sa voix et à cette présence si proche, vibrante et suave. Merlin ! Pouvoir « convoquer » Harry ainsi... jusque dans son lit s'il le souhaitait. Dans sa douche. Ou bien l'interrompre en plein ébat. Il allait être difficile de résister à la tentation, même pour lui. Surtout pour lui ! Severus avait Harry à portée de main aussi souvent qu'il le voulait, mais lui...
Son désir pour Harry, lancinant au départ, s'amplifiait à mesure que Lucius imaginait toutes les possibilités que lui donnait ce médaillon et il devait bien avouer que l'ensemble de ses rêveries avait trait au sexe. Convoquer Harry pendant qu'il faisait l'amour à Severus, et finir tous les trois ensemble... Convoquer Harry pendant une séance dans l'antichambre...
Il frissonna de plus belle lorsque la main du jeune homme se posa sur la sienne, caressant légèrement la pierre bleue du médaillon, et sa peau par la même occasion. Leurs mains unies luisirent quelques instants d'une aura émeraude, le cabochon devint brûlant, puis la sensation s'atténua rapidement, laissant sa peau seulement avide de davantage de caresses.
– J'ai diminué la sensibilité du médaillon, fit Harry avec un sourire dans la voix. J'ai tendance à oublier que nos magies sont en partie liées depuis votre séjour à Sainte-Mangouste, et il vous est plus facile qu'à n'importe qui d'autre de faire réagir la mienne...
Il n'y avait pas que la magie qui réagissait dans cette histoire ! Lucius sentait son corps en pleine effervescence et il s'en fallait de peu pour qu'il ne se trouve à l'étroit dans son pantalon. Harry aussi semblait vibrer d'un seul coup, la luxure assombrissant son regard vert, tandis qu'il posait ses mains sur les accoudoirs du fauteuil pour se pencher vers lui.
– Ce n'est pas un jeu, Lucius, murmura-t-il avec son visage à quelques centimètres du sien.
Le désir dans son ventre irradiait comme un brasier, immense, insatiable et les mots s'échappèrent de ses lèvres sans aucun contrôle.
– Embrasse-moi.
Un soupçon de culpabilité effleura un instant les rives de son esprit enflammé par le regard envoûtant de Harry, mais il fut rapidement chassé par la vision de ces lèvres entrouvertes à proximité des siennes, par ce demi-sourire qui affleurait sur le visage du jeune homme, et par la chaleur magnétique qui se dégageait de son corps.
Harry se pencha un peu plus, inclina légèrement la tête pour se glisser sous la masse de cheveux blonds, puis ses lèvres se trouvèrent brusquement sur sa peau, à l'angle de sa mâchoire, juste sous son oreille, et Lucius ferma les yeux sous la sensation. Harry resta quelques instants immobile, respirant profondément son odeur tout en frissonnant. Lucius était perdu loin, quelque part dans les confins du plaisir. Il avait demandé un baiser mais ce contact si intime, le visage de Harry dans son cou, dans ses cheveux, inespéré et si précieux, valait presque la sensation d'un orgasme. Il crut même l'atteindre lorsque la langue du jeune homme commença à se promener sur sa peau, puis ses dents qui mordillèrent à peine, puis ses lèvres... Puis Harry se redressa brusquement après un baiser léger sous son oreille, laissant dans son cou une fraîcheur humide qui glaça Lucius aussi vite que l'éloignement du jeune homme.
– Ce n'est pas un jeu, Lucius, répéta Harry d'une voix rauque, son regard intensément plongé dans le sien, avant de disparaître soudainement.
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Ils allaient dîner dehors, comme ils le faisaient régulièrement en ce moment, profitant de l'été tant qu'il se pouvait. La table avait été mise sur la terrasse, devant la grande salle de réception qui avait servi deux jours auparavant pour le bal des Malfoy. Un dîner plus intime que cette soirée-là mais malgré tout plus chic. Les elfes avaient sorti la vaisselle d'apparat et les verres en cristal les plus beaux du Manoir, les plats en argent et les couverts réservés aux occasions importantes. Tout comme Harry, Lucius n'avait pas oublié que c'était la première fois que Matthieu était invité personnellement au Manoir et il avait sans doute voulu lui faire honneur.
Pour l'heure, ils buvaient un verre dans le salon près de la piscine, chacun sirotant un alcool différent tandis que Severus s'était absenté quelques instants pour accueillir Matthieu sur le perron, de l'autre côté de la demeure.
Blaise était arrivé tôt, avant même que Lucius ne mette le nez hors de son bureau, et Harry était resté un long moment à discuter avec lui et Severus. À mesure qu'il fréquentait le jeune homme, il le trouvait de plus en plus agréable, chaleureux et plein d'humour derrière ses apparences superficielles. Puis Draco était arrivé à son tour, seul cette fois; Daphnée avait préféré rester avec les filles à Torquay, pour se reposer et éviter les transplanages répétés qu'elle n'appréciait pas particulièrement. Après tout, ils allaient presque tous les rejoindre là-bas le lendemain...
Il ne manquait plus que l'invité principal, à savoir Matthieu, même si chacun sentait bien qu'il ne fallait pas souligner l'importance de cette première fois pour ne pas froisser la susceptibilité de Severus. Au fil de l'après-midi, Harry avait trouvé son amant de plus en plus nerveux, même s'il le cachait soigneusement, et il avait tenté de le rassurer par un regain de tendresse, ce qui le comblait tout autant.
La semaine avait été éprouvante, entre le cadeau de Severus qui l'avait si profondément remué, la visite à Molly et la soirée du Bal. Harry avait l'impression de n'avoir fait que réagir aux événements sans rien maîtriser. Le portrait d'Axaya l'avait fait une nouvelle fois craquer et il avait fini dans les bras de Lucius les retrouvailles avec Molly l'avaient conduit dans les bras de Severus à la recherche d'amour et de plaisir pour se rassurer, et le bal... Le bal avait été un summum de contraintes et de frustrations : être courtois et agréable avec tous ces gens qu'il ne connaissait même pas, faire bonne figure devant les questions insistantes, les remarques, les félicitations... ne serait-ce qu'être présent avait été un sacrifice. Et surtout devoir rester éloigné de Severus, s'empêcher tous ces gestes et ces frôlements du quotidien devenus si instinctifs, avait été une vraie torture. Harry s'était rattrapé plus tard mais cette retenue imposée était venue gâcher le peu de plaisir qu'il aurait pu prendre à cette réception.
Ce soir encore, il allait sans doute devoir se restreindre mais pour des raisons qui en valaient bien plus la peine. Harry ne voulait pas accaparer Severus au détriment de Matthieu, comme il avait pu le faire lors de sa fête d'anniversaire. Ce jour-là avait été le sien, mais aujourd'hui, Matthieu était l'invité d'honneur et Harry savait combien cette première invitation au Manoir avait de l'importance pour son ami et son amant.
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Les deux hommes arrivèrent tout sourire, plus détendus qu'ils ne devaient l'être en réalité, et chacun se leva pour saluer le protégé de Severus. Matthieu serra les mains qui lui étaient tendues et en dernier celle de Harry qui ne put s'empêcher de le prendre dans une étreinte non dénuée d'émotion.
– Bienvenue chez toi, lui murmura-t-il à l'oreille.
– Idiot ! répliqua Matt en souriant, touché malgré tout par ses mots.
Chacun se rassit et Harry se réinstalla sur son fauteuil entre Blaise et Draco. Il avait pris soin, quand ils étaient venus prendre un verre au bord de la piscine, de se tenir loin de Severus et de laisser la place vacante à ses côtés pour Matthieu, ce que Lucius n'avait pas manqué de remarquer en haussant un sourcil surpris. Harry avait souri sous son regard et Lucius avait sans doute compris ses raisons. Lui aussi marquait l'importance de cette première fois, mais d'une autre façon.
Tandis que la conversation reprenait, Harry observait les deux hommes qu'il connaissait si bien. Matthieu était un peu nerveux mais il se détendit rapidement en discutant avec Blaise et Draco. Celui dont il semblait guetter davantage la réaction et l'approbation était bien évidemment Lucius. Severus, lui, paraissait aux abois, méfiant, prêt à mordre le premier qui oserait attaquer Matthieu ou se moquer de sa propre réaction. Il mettrait certainement longtemps à se détendre, et sans doute même plusieurs visites de Matthieu au Manoir avant de se comporter comme à son habitude.
– Qu'est-ce que tu veux boire ? fit Severus au jeune professeur tandis que Sky, légèrement en retrait, attendait sa commande.
– Peu importe. La même chose que vous, répondit Matthieu en jetant un coup d'œil circulaire sur les verres de chacun.
– Si tu prends tout, ça va faire beaucoup ! ricana Blaise. Tu as le choix entre gin tonic, cosmopolitan, le tord-boyau que boit Harry, ou bien du champagne français, comme Lucius...
– Si vous me prenez par les sentiments, je ne suis pas contre un bon champagne de mon pays natal ! fit Matthieu en souriant.
En quelques secondes, il se trouva pourvu d'une élégante flûte de champagne tandis que Severus ramassait sur le plateau de l'elfe le verre qui lui était destiné. Le temps d'arrêt de Matthieu à la vue de ce verre fut infime mais chacun le remarqua sans cependant s'en formaliser. Ils savaient tous que Severus buvait encore à l'occasion, et parfois plus que de raison, mais ils le connaissaient aussi assez pour savoir qu'il n'aurait jamais pris ce risque-là lors d'une soirée qui comptait autant pour lui.
En hôte avisé, Lucius se chargea de faire repartir la conversation comme il le faisait souvent lorsqu'une parole malheureuse engendrait trop de silence, rapidement suivi par Draco, rompu depuis des années au même exercice, puis par Blaise.
Harry sourit en les observant à leur tour. Ces trois-là se connaissaient sur le bout des doigts et la place de Blaise dans la famille Malfoy ne cessait de l'étonner. Il était un ami étonnamment intime de Draco, le témoin de son mariage, le parrain de ses filles et de son futur bébé, mais aussi un partenaire d'affaires pour Lucius dont il était également très proche, et Harry se souvenait parfaitement d'une allusion de Blaise au fait que Lucius avait essayé quelques fois de le mettre dans son lit.
Ce qui n'empêchait pas l'aristocrate de faire preuve d'une ironie mordante avec lui, en particulier ce soir. Était-ce parce que Lucius voulait délibérément éviter de taquiner Matthieu ou Severus et les mettre mal à l'aise ? En tout état de cause, il réservait visiblement ses piques à son fils, et surtout à Blaise. Quant à lui, Lucius évitait son regard comme la peste.
Harry porta son verre à ses lèvres, songeant à ce qui s'était passé dans le bureau de l'aristocrate quelques heures auparavant. Lucius le désirait, il en était certain, il l'avait même avoué... Et lui éprouvait le même désir pour l'aristocrate. Ils avaient même la bénédiction de Severus, mais aucun n'osait, ou ne souhaitait, franchir le pas. Quelle était cette pudeur, ou cette déférence envers Severus, qui les retenait encore ?
Lucius semblait davantage tendre vers quelque chose qui les réunirait tous les trois, comme dans la chambre de Severus la veille. Harry s'était exposé sous son regard, tandis que Severus le caressait, et il avait bien senti un déclic chez l'aristocrate et cette lutte intérieure pour s'empêcher de les rejoindre. Lucius voulait amener petit à petit Severus à accepter une relation non pas triangulaire, mais commune.
Harry, lui, appréciait ces moments passés avec l'un ou avec l'autre. Sans renier ceux où ils étaient tous les trois – l'exhibition et le voyeurisme avaient leurs charmes – mais il restait avide d'intimité, de ces instants où le regard du troisième ne comptait pas et où il partageait des minutes précieuses parce que rares avec Lucius ou Severus. Ses petites provocations vis à vis de l'aristocrate fonctionnaient très bien, il le savait. Il n'y avait qu'à écouter la respiration hagarde de Lucius lorsqu'il l'embrassait sous l'oreille, et contempler son visage figé dans l'attente... Mais Lucius ne cédait pas. Pas encore...
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– On n'entend même plus ton accent...
– J'ai quasiment vécu aussi longtemps ici qu'en France, ricana Matthieu. C'est lorsque je parle français qu'ils entendent un accent...
– Qu'est-ce qui t'a fait traverser la Manche en réalité ? Le beau temps, la gastronomie et les petites anglaises ? gloussa Blaise.
Harry vit Matthieu hausser les épaules d'un air morne. Les questions sur son passé étaient inévitables, bien qu'il n'aimait pas parler de cette période. Et même si personne ne questionnerait les débuts de sa relation avec Severus, certains événements intriguaient.
– La mort de mon père. Après cela, ma mère a voulu couper les ponts avec son ancienne vie et tout recommencer ailleurs. J'ai suivi le mouvement bon gré mal gré... C'est comme ça que j'ai atterri à Poudlard.
– Tu as encore de la famille en France ?
– Du côté de mon père : des oncles, des tantes, et surtout des cousins avec qui j'ai gardé de bons contacts. J'y retourne plusieurs fois par an faire du bateau, du surf... Profiter du beau temps, de la gastronomie et des petits français !
Blaise gloussa tandis que Harry se permit d'ironiser :
– Du beau temps ? En Bretagne ?!
Matthieu grimaça en retenant une réplique plus acide.
– La dernière fois que j'ai été faire du bateau avec mes cousins, je suis revenu aussi bronzé que toi !
– Et ta mère ? osa doucement Lucius.
– On s'est perdus de vue quelques temps après notre arrivée en Angleterre. J'ai su qu'elle s'était remariée et elle est morte quelques années plus tard. Un jour, j'ai reçu une lettre d'un notaire qui me demandait si j'étais bien son fils, ricana Matthieu en regardant Severus. Tu te souviens ?
Severus hocha la tête sans un mot, l'air sombre et sévère. Il était clairement sur la défensive et son regard noir prévenait chacun de quitter ce terrain glissant. Mais de fait, tout le monde avait compris la façon dont Matthieu avait été quasiment abandonné à Poudlard et pourquoi Severus l'avait pris sous son aile.
Matthieu gloussa à nouveau puis ajouta :
– J'ai produit un faux certificat de naissance en modifiant son nom. Je ne voulais rien avoir à faire avec son héritage et surtout pas récupérer ses dettes éventuelles !
– C'est peut-être ça que je devrais faire avec la mienne, ironisa Blaise. Pas que l'héritage me dérange, bien au contraire, mais la réputation qu'elle me donne... !
L'éclat de rire de Draco et Harry fut spontané, loin de l'incompréhension de Matthieu.
– Ta mère est charmante, Blaise, tempéra Lucius avec un demi-sourire.
– Va dire ça à ceux qui l'ont fréquentée de trop près !
– Sa mère est la veuve Zabini, expliqua Draco mais Matthieu ne semblait pas plus avancé.
– Ma mère a toujours été veuve, renchérit Blaise en riant, mais jamais du même homme !
– Tu en es à combien de beaux-pères ?
– J'ai perdu le fil, avoua Blaise avant d'enchaîner devant le sourire vaguement inquiet de Matthieu. Ma mère n'est pas une meurtrière hein ! C'est juste qu'elle doit avoir un sixième sens pour détecter les vieux riches qui vont bientôt mourir. Elle les épouse et quelques mois après, hop, elle est de nouveau veuve et un peu plus riche.
– Oui, enfin. Une fois, deux fois, passe encore mais au bout d'une dizaine de mariages, ça devient suspect, ricana Draco. Et si un jour elle s'approche de toi, Matt, tu peux t'inquiéter et prendre tes jambes à ton cou !
Blaise se tourna légèrement vers Lucius qui souriait tranquillement devant leur conversation.
– D'ailleurs je m'étonne qu'elle n'ait jamais...
– Elle a essayé, lâcha l'aristocrate. Mais elle n'avait aucune chance de parvenir à ses fins.
– Si elle m'avait envoyé, en revanche...
Lucius sourit de plus belle tandis que Blaise éclatait de rire.
– Tout ça pour récupérer ma collection de tableaux de maître ! C'est petit !
– Collection que j'ai contribué à constituer ! Mais j'avoue que certaines de ces pièces valent bien un peu de prostitution !
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Harry souriait à les entendre plaisanter. Il avait rarement entendu Blaise si dévergondé et provocateur dans une conversation publique avec Lucius – Merlin seul savait ce qui se passait dans le privé – et sans doute que les quelques verres qu'il avait avalés n'y étaient pas pour rien. Mais Lucius ne s'en formalisait pas, malgré le regard sombre de Severus. Draco aussi semblait trouver que les choses allaient un peu loin au vu de la main qu'il posa sur l'avant-bras de son ami. Blaise comprit aussitôt le message tacite et même si ses yeux continuaient à pétiller, il se tut tout en conservant un sourire espiègle. Au moins, le froid qu'avaient amené les questions sur l'enfance de Matthieu avait disparu dans une ambiance beaucoup plus légère.
Tournant légèrement la tête, Harry parvint à croiser les yeux de Lucius et ils se fixèrent un moment d'un regard lourd de sous-entendus. Tout comme Harry qui semblait fasciné, dans une autre vie Lucius aurait bien mis Blaise dans son lit, s'il n'y avait pas eu Severus, et si Blaise n'avait pas été l'ami de Draco. Sa peau noire qui paraissait si soyeuse avait quelque chose d'envoûtant, ses dents blanches que dévoilait un sourire permanent, l'éclat de son regard, sa frivolité sous ses dehors princiers et grandiloquents... Mais pour l'heure, ils avaient Severus comme amant et surtout le désir de se rapprocher l'un de l'autre. Et s'ils avaient été seuls à cet instant précis et que Harry avait osé l'embrasser à l'angle de la mâchoire comme ce matin... il n'aurait pas eu d'autre choix que de finir entre ses bras, et pas seulement pour un câlin.
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– En réalité, j'ai négocié un certain nombre d'œuvres pour Lucius, répondait Blaise. La plupart ne sont même pas passées par ma galerie... Les vendeurs savent que je traite souvent directement avec lui, ce qui lui permet de négocier en "off". Lucius est assez généreux lorsqu'il aime quelque chose...
– J'ai en effet aperçu quelques toiles en visitant le Manoir avec Severus, dit Matthieu avec une grimace ironique. Et même un Monet ?!
– Un seul ?! s'offusqua Blaise en tournant la tête vers Lucius. Tu as vendu des toiles ?! Sans m'en parler ?
Lucius mit quelques secondes à revenir dans la conversation avant d'éclater de rire devant la mine déconfite du marchand d'art.
– Pas de panique. Je n'ai rien vendu du tout. Il y a trois Monet dans le Manoir, un dans mon bureau, un dans la chambre de Draco et un de la série des Parlements de Londres dans la chambre de Harry.
– Cette vieille croûte ? gloussa Harry. C'est un tableau de maître ? J'ai failli la faire disparaître le jour où vous m'avez dit que je pouvais décorer la chambre à mon goût...
Blaise manqua s'étrangler d'indignation devant ses paroles tandis que Lucius poussait un soupir dépité.
– C'est un tableau inestimable, oui, espèce d'inculte ! Et je te prierai de ne pas dilapider ma fortune en détruisant des œuvres d'art !
– À ce point ? gloussa Harry en faisant mine d'essuyer la sueur sur son front. Je l'ai échappé belle !
– À ce point, oui ! grogna Lucius. Et je suis ravi de voir que contrairement à toi, Matthieu semble apprécier un peu plus les belles choses !
– Je suis français, intervint Matthieu en souriant pour détourner la vindicte de l'aristocrate. Les impressionnistes font partie de ma culture... Même si j'avoue une légère préférence pour Pissarro, en particulier ses paysages bucoliques.
– Il y en a un dans la bibliothèque, répondit aussitôt Lucius, ravi. Je ne sais pas si tu l'as vu...
Et tandis que Matthieu répondait par la négative, l'aristocrate s'en prit à son compagnon qui affichait un léger sourire en coin.
– Et toi, tu ne lui as rien montré ?!
Puis il reprit en s'adressant à Matthieu :
– Un jour, je te ferai vraiment visiter le Manoir pendant que ces deux incultes iront s'envoyer en l'air !
Tout en savourant la satisfaction discrète de Severus devant la bonne entente de son protégé et de son compagnon, Harry se pencha vers Blaise.
– Et ça vaut vraiment cher, une croûte de ce Monet ?
– Un chiffre avec sept zéros derrière, fit-il en levant les yeux au ciel.
– Merde ! Lucius m'en aurait vraiment voulu !
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– Au fait, tu as revu ta princesse russe ? fit Draco à Blaise en aparté.
– Demain soir. On doit dîner ensemble...
– Mmh... Je ne sais pas quoi en penser de celle-là.
La moue réprobatrice de Draco en disait en tout cas plus long que ses paroles.
– Demande à Matthieu, gloussa Harry. Il te donnera un témoignage de première main ! Moi je t'ai déjà dit ce que j'en pensais !
– De qui parle-t-on ? fit Matthieu.
– Irina Novietskaya... Quelque chose comme ça. J'arrive jamais à retenir son nom !
– Ça promet ! grogna Draco.
– Novitskaya. Oui, je la connais... C'est une collègue à moi. Pourquoi ?
Matthieu parut songeur un instant tandis que certaines informations se recombinaient dans son esprit.
– Oh. Je vois... Je n'avais pas saisi qu'il s'agissait de toi... Qu'est-ce que tu veux savoir sur elle ?
Blaise fit la grimace, incertain de ce que Matthieu avait pu entendre à son sujet, avant de hausser les épaules.
– Tout ce qu'il faut savoir.
– Je lui ai déjà dit de se méfier d'elle, ricana Harry, alors tu peux tout balancer !
Matthieu esquissa un sourire indulgent. Malgré la façon dont Irina l'avait jeté hors de son lit, ils gardaient de bonnes relations et il n'allait pas lui jeter la pierre.
– Eh bien... C'est un sacré personnage ! Elle a été danseuse pendant des années avant de se tourner vers l'enseignement. Première étoile du Bolchoï. Adulée partout en Russie. Mais elle a préféré s'exiler en Angleterre et enseigner à Poudlard pour je ne sais quelles raisons obscures. Aujourd'hui, elle est prof de métamorphose et elle est plutôt appréciée, et de ses collègues, malgré son snobisme, et de ses élèves. Elle les a conquis le jour où elle s'est transformée dans sa classe en une ravissante peluche toute blanche. C'est une animagus plus ou moins déclarée. À côté de ça, c'est une femme de caractère, aussi attachante qu'elle peut être tempétueuse. Et à mon avis, il vaut mieux ne pas encourir sa colère.
Matthieu hésita un instant puis reprit.
– Ça a l'air sombre, dit comme ça, mais en réalité, elle sait être très agréable quand elle le souhaite. Un peu grandiloquente, un rien d'exubérance, mais elle est d'excellente compagnie. Drôle, insouciante, frivole... Il faut juste ne pas la pousser trop loin.
Un air gêné apparut sur le visage de Matthieu alors que Blaise le regardait de manière insistante.
– Oui, on a eu une... « liaison ». Quelques mois. Avant qu'elle me jette parce que j'avais des vues sur quelqu'un d'autre.
Severus leva les yeux au ciel tandis que Blaise semblait d'un coup plus renfrogné.
– Je veux bien reconnaître qu'elle puisse être sympa, gloussa Harry, mais c'est quand même une fille particulière ! Elle est capable de faire rouler sous la table n'importe qui ! Et elle a de ces fantasmes !
Matthieu éclata de rire au souvenir de cette soirée très arrosée avec Irina et Luna où la belle russe avait dévoilé une certaine imagination en matière de sexe.
– Et je peux t'assurer qu'elle en a déjà testé un certain nombre !
Du visage de Lucius qui ricanait discrètement, ou de celui de Severus qui roulait des yeux, plus offusqué qu'autre chose, Harry n'aurait pas su dire lequel était le plus désopilant.
– Le diable en robe de soie ! fit Matthieu avec un sourire tendre. Quoi qu'il en soit, je te souhaite bien du plaisir si tu te lances dans cette histoire. Ne compte pas qu'elle dure, ce n'est pas son genre, mais il y a de quoi bien s'amuser !
– Tant que ce n'est pas à tes dépens ! grogna Draco, peu convaincu.
– En tout cas, ce n'est pas elle qui y perdra ! gloussa Matthieu. Mais tu verras, elle a une façon bien particulière de te montrer comment elle fait le grand écart quand tu es allongé sur le dos...
C'en était trop pour Severus qui lâcha quelques mots bien sentis à son protégé tandis que tous les autres éclataient de rire.
– Oh, ça va, fit Matthieu avec un air sournois. Je crois que c'est un des rares sujets sur lequel tu ne peux pas me faire la morale...
Harry croisa brièvement le regard de Lucius qui pétillait d'ironie.
– Et encore moins que tu ne le crois ! s'exclama Harry avant d'éclater de rire à nouveau. Et devant l'air surpris des deux autres, il ajouta : Je ne connais pas assez la vie de Blaise, mais à part lui, personne ne peut te faire la morale !
– De quoi parle-t-on au juste ? susurra Lucius en s'attardant sur son fils.
– Je suis marié et je n'ai jamais trompé Daphnée !
– Et avant Daphnée ? suggéra Harry. Les nuits au square Grimmaurd... ?
– Il y a prescription ! se défendit mollement Draco en baissant la tête pour cacher son sourire.
– Il y a surtout que notre dernière année à Poudlard n'a pas été de tout repos ! Comme Severus ne voulait pas de moi à cette époque-là, j'ai été voir ailleurs. Et Draco n'était pas en reste pour m'accompagner !
Lucius avait déjà entendu quelque chose comme cela de la bouche de Harry, mais au vu de son regard noir, ce n'était pas le cas de Severus...
– Les nuits square Grimmaurd ? siffla-t-il.
– Les passages secrets de Poudlard... Tu ne pouvais pas être partout. Et nous, nous n'étions pas toujours où tu le pensais...
– Merde ! s'exclama Blaise. Je savais bien que j'aurais dû faire cette dernière année ! J'ai manqué de ces trucs !
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Ils avaient dîné dehors mais la fraîcheur était rapidement tombée, assortie d'une humidité désagréable et ils étaient rentrés dans le Petit Salon pour boire un digestif, sans Draco qui venait de partir en s'excusant, soucieux de ne pas laisser Daphnée seule trop longtemps.
À présent que l'essentiel de la soirée était passé, et après cette discussion un peu légère, Severus était nettement plus détendu, s'autorisant à sourire et à converser plus librement, et Harry avait l'impression de retrouver chez son amant un comportement presque naturel. Par habitude, et sans même réfléchir, il faillit s'asseoir dans le canapé pour que Severus le rejoigne et profiter enfin de ses bras, mais il se reprit au dernier moment et s'installa dans un fauteuil. Il n'aurait pas été opposé à un baiser ou une caresse furtive, mais il n'osait pas imposer cela à Severus devant Matthieu et le regard insistant de Lucius l'en dissuada définitivement. Son manque de tendresse et de contact commençait à filtrer à travers sa magie et Lucius l'avait perçu le premier, sans pouvoir pour autant le satisfaire.
Harry rejeta la tête en arrière contre le dossier de son fauteuil en soupirant, avant d'avaler d'un trait le fond de son verre de cognac. Il n'était plus tout à fait sobre et ceci expliquait sans doute cela...
Il s'attarda un moment sur Matthieu qui semblait à l'aise comme un poisson dans l'eau, excepté la déférence plus marquée qu'il vouait à Lucius. Envers Severus, en revanche, il se permettait des paroles bien plus libres, tout en évitant d'un accord tacite, tout ce qui avait trait à leur relation. Peu d'anecdotes, ou bien savamment choisies pour n'être pas embarrassantes, une ironie très mesurée et jamais à visée personnelle, hormis la petite pique sur les leçons de morale de Severus... Matthieu ménageait son mentor alors que Harry savait très bien qu'il était ordinairement bien plus vindicatif. Était-ce la présence de Lucius et d'autres témoins qui l'incitait à épargner ainsi Severus ou bien leur relation avait-elle réellement changé récemment ?
Au final, Matthieu n'avait pas eu le temps de lui expliquer ce qui s'était passé le jour de son anniversaire. Il avait eu avec Severus une discussion en aparté dont il était revenu les yeux rougis et visiblement ému, suivi d'une « présentation » officielle, mais Harry n'en savait pas davantage sur ce qu'ils s'étaient dit. Et Severus, comme à son ordinaire, n'avait pas voulu s'étendre sur le sujet...
Le moment était sans doute mal choisi pour poser des questions sur ce brusque changement mais Harry savait apprécier à sa juste valeur cette nouvelle distribution des cartes. La présence de Matthieu parmi eux semblait au final aussi naturelle que si elle avait toujours été. Une situation fluide, simple, presque une évidence. Et sans doute était-ce le cas pour tout le monde, tant le secret de l'attachement filial entre Matthieu et Severus n'avait jamais existé pour personne. Tous attendaient depuis longtemps sa présence physique dans la famille, et non pas simplement son existence cachée.
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La conversation s'était faite plus mesurée, plus basse. Plus lente aussi. Chacun savourant une torpeur tiède due à l'alcool, à la pénombre du salon et au confort chaleureux de la présence des autres.
Harry se languissait d'un contact privilégié avec Severus mais ce n'était pas encore d'actualité. Et si cette sensation de vide ne l'avait pas tant dérangée, il aurait pu s'endormir là, entouré de ces gens qu'il aimait, dans le cocon moelleux de son fauteuil auquel ne manquait que des bras accueillants.
– Les amis, fit Blaise en posant les mains sur les accoudoirs de son siège, ce fut une excellente soirée mais je vais devoir vous laisser. J'ai rendez-vous avec un client à dix heures demain matin. Enfin... tout à l'heure, corrigea-t-il après avoir jeté un œil sur la pendule au-dessus de la cheminée. Et je me dois d'être présentable. C'est une vente avec un peu moins de zéro qu'un Monet mais ça compte tout de même ! Et puis je dois dîner avec Irina ce soir... il faut que j'assure !
Tous se levèrent en souriant pour le saluer.
– Bonne chance pour demain, et tu sais que tu reviens quand tu veux, sourit Lucius en le prenant le dernier dans une étreinte amicale. Je ne te raccompagne pas, tu connais le chemin...
– Je devrais m'en sortir ! gloussa le jeune homme. D'ailleurs, si tu le permets, j'emprunterais bien ta cheminée, ça m'évitera d'attraper froid...
– Va, fit Lucius avec un mouvement du menton en direction de son bureau. Tant que tu ne pars pas avec le Monet !
– Je n'oserais pas ! Parce que je compte bien que tu me couches sur ton testament un jour... À défaut de me coucher sur un lit !
Blaise disparut dans le couloir sur un sourire hilare alors que Severus levait à nouveau les yeux au ciel.
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Depuis un petit moment, Harry avait remarqué le jeu de regards et de demi-sourires entre Severus et Lucius, et une fois encore, il assistait à cette connivence muette entre les deux hommes, qu'il jalousait quelque peu. Une complicité ancienne et étrange où ils paraissaient se comprendre sans même se parler, et au-delà de se comprendre, il lui semblait parfois qu'ils communiquaient l'un avec l'autre, un échange de pensées ou de suggestions qui se passait de mots.
Aussi il ne fut pas surpris lorsque Severus se leva, rapidement imité par son compagnon.
– Nous allons vous laisser, nous aussi, et aller nous coucher. Je pense que vous avez des choses à vous dire tous les deux et que vous n'avez pas besoin de notre présence pour ça...
Ravis de pouvoir discuter tranquillement tous les deux, ni Matthieu, ni Harry ne protestèrent, même s'il semblait étrange que la soirée se termine ainsi. Harry soupira cependant, tandis que Severus étreignait Matthieu : si son amant montait se coucher maintenant, cela signifiait qu'il allait dormir avec Lucius et non pas avec lui.
– Je suis ravi que tu aies enfin pu venir ici, disait Severus. Prends soin de toi... On part en vacances mais on se voit dès notre retour...
Debout derrière son fauteuil, Harry sentit la main familière de Lucius s'attarder quelques instants sur son épaule, onctueuse et appréciable et il l'effleura de ses doigts. Lucius, comme toujours, n'avait pas manqué son soupir résigné. L'envie de passer un moment seul à seul avec Matthieu était là mais Severus lui manquait.
La main de Lucius traîna sur son épaule, presque caressante, puis franchit le col de sa chemise pour s'aventurer dans son cou, appréciant la douceur de sa peau. Harry frémit. La main musardait lentement vers sa gorge, l'incitant à renverser la tête en arrière jusqu'à ce qu'il croise le regard gris et doux de Lucius. Sur le visage de l'aristocrate flottait un sourire tranquille et réconfortant que Harry savoura quelques secondes jusqu'à ce que Lucius ne l'abandonne pour aller à son tour saluer Matthieu.
Pendant ce temps, Severus s'approcha et se pencha vers lui. Harry l'attendait. Les lèvres tendres de son amant lui avaient tellement manqué ! Mais Severus ne s'arrêta pas à un effleurement chaste comme il le faisait habituellement en public. Sa langue s'était déjà faufilée dans sa bouche et Harry ferma les yeux avec bonheur, glissant une main sur la nuque de Severus pour l'attirer un peu plus près.
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– Quelle heure demain ? demanda Harry en songeant à leur départ pour Torquay.
– Ne t'inquiète pas, fit Severus avec un sourire gourmand. Je viendrai te réveiller...
Harry attendit quelques instants que les deux hommes disparaissent dans l'escalier en colimaçon avant de bondir sur le canapé à côté de Matthieu pour discuter à voix basse.
– Alors ? gloussa-t-il. Je crois que tu as beaucoup de choses à me raconter ! Qu'est-ce que vous vous êtes dit le jour de mon anniversaire pour aboutir à cette révolution ?!
– Je crois que tu as aussi quelques petits trucs à me confier, sourit Matthieu. C'était quoi cette caresse de Lucius ?
Severus, qui lui tournait le dos, n'avait rien vu, mais Matthieu, en revanche, n'en avait rien perdu.
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– Qu'est-ce que c'était que ce petit jeu avec Blaise ? grogna Severus depuis la salle de bains. Depuis quand est-il aussi rentre-dedans avec toi ?
En déboutonnant tranquillement sa chemise, Lucius sourit largement. Severus avait toujours eu un peu de mal à apprécier son ancien élève et la liberté que le jeune homme s'était permise ce soir allait bien au-delà de ses paroles habituelles. Pas surprenant que cela réveille la susceptibilité de son compagnon.
Lorsque Severus revint dans la chambre, un air irascible plaqué sur le visage, Lucius se glissa jusqu'à lui, posant un doigt aventureux à la base de son cou.
– Jaloux, Severus ? susurra-t-il avec un regard licencieux.
Severus haussa les épaules en secouant légèrement la tête, sans cependant chercher à s'éloigner. Lentement, Lucius entreprit de défaire un à un les boutons de sa chemise, puis ses mains se faufilèrent sous les pans de tissu pour parcourir la peau blanche de son torse. Ce petit jeu avec Blaise semblait avoir réveillé ses ardeurs, mais Severus n'était pas opposé une petite partie de jambes en l'air si Lucius y mettait les formes.
Et Merlin savait à quel point son compagnon savait ce qui l'excitait ! Sans même prendre la peine de lui ôter sa chemise, abandonnant sa peau hérissée par le froid et le désir, Lucius défit la ceinture de son pantalon pour le laisser glisser sur ses chevilles. Attirant un siège jusqu'à lui d'un sortilège informulé, il s'assit, se penchant juste assez pour pouvoir prendre son sexe encore mou dans sa bouche. Severus avait toujours trouvé amusante cette manie de Lucius de toujours le sucer dignement assis ou allongé. Aristocrate jusqu'au bout des ongles, il ne serait jamais venu à l'idée de son compagnon de s'agenouiller pour le faire !
Réprimant un sourire, Severus revint brusquement à la réalité et ferma les yeux sous le plaisir qui l'envahissait. Lucius avait posé une main sur sa hanche pour le retenir, et l'autre passait entre ses jambes, caressant ses bourses, son périnée et s'immisçait entre ses fesses pour jouer distraitement avec son anus. Écartant instinctivement les jambes encore prisonnières de son pantalon, Severus enfouit ses doigts dans les cheveux blonds. Il était déjà tendu au possible sous les lèvres et la langue expertes de Lucius et s'il continuait encore quelques minutes comme cela, il n'allait pas tarder à venir sans autre formalité.
Mais Lucius avait d'autres projets : il abandonna bientôt l'érection de Severus, se dégagea pour se relever et passer derrière lui. Severus soupira de frustration. De quoi avait-il l'air, la chemise ouverte, le pantalon aux chevilles et le sexe dressé humide de salive ? Dans son dos, il sentit la main ferme de Lucius qui l'incitait à se pencher à son tour vers le fauteuil désormais vide et à prendre appui dessus.
Les bras tendus sur le velours précieux, les fesses en l'air et offertes, Severus se mordit la lèvre, à la fois excité et mortifié par sa position. Est-ce qu'ils allaient vraiment faire l'amour comme ça ? Comme des adolescents impatients ? À demi déshabillés et sans même se traîner jusqu'au lit ? Il fallait le croire à entendre Lucius déboutonner son pantalon pour sortir son sexe qui ne demandait qu'un peu d'espace pour se déployer librement. Et à sentir sa main insistante qui lui faisait cambrer le dos pour s'offrir toujours davantage.
L'autre main de Lucius glissa jusqu'à sa gorge, obligeant Severus à redresser la tête vers l'arrière. Cette contrainte délicieuse l'excitait au plus haut point et Lucius le savait parfaitement. Gémissant son plaisir, il lui fallut à peine quelques minutes et quelques coups de reins bien placés de Lucius pour se répandre sur le tissu précieux du fauteuil. Merlin, il en avait même oublié Matthieu et Harry dans le petit Salon, mais son grondement rauque n'avait pas dû s'entendre jusque là.
Encore dans les brumes du plaisir, Severus s'étonna de sentir Lucius se retirer rapidement pour se finir à la main, étalant son sperme sur la peau rougie de ses fesses. Cela lui arrivait rarement, mais c'était souvent le signe d'une trop grande excitation, où le premier orgasme ne parvenait pas à soulager son désir. Merlin ! La nuit allait être longue !
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Merci à tous de suivre cette histoire et de l'apprécier, du moins je l'espère ^^
La semaine prochaine, enfin les vacances à Torquay!
Au plaisir
La vieille aux chats
