Résumé: L'anniversaire de Harry, le bal des Malfoy et le premier dîner de Matthieu au Manoir étant derrière eux, Severus, Lucius et Harry sont enfin en vacances. Devant leur attirance manifeste, Severus avait donné à Harry et Lucius son aval pour nouer leur propre relation, mais ils tardent à franchir le pas, par manque d'occasions, mais aussi parce que Harry semble encore réticent à le "trahir" de la sorte. Lucius, lui, vise un but légèrement différent: être trois dans leur couple...

Aujourd'hui, ce sont enfin les vacances! Un chapitre ensoleillé et sucré... Enjoy!


La vie à Torquay était paresseuse et indolente, idéale pour des vacances et du repos. La maison était vaste, suffisamment pour ne pas se marcher dessus, quoique conçue de manière étrange. La déclivité de la colline sur laquelle elle était perchée avait obligé à réserver le rez-de-chaussée aux pièces d'entrée et de rangement, ainsi qu'à une vaste chambre inoccupée donnant à voir sur la ville en contrebas. Le reste des pièces se situait à l'étage, de manière à être au niveau de la terrasse et du petit jardin. Et à quelques mètres de la clôture sécurisée, se jetait l'à-pic de la falaise et les flots bleus sombres de la mer.

La modernité de la maison surprit Harry au premier abord. Habitué au style très classique et précieux du Manoir, aux plafonds et aux portes ornés de moulures savamment travaillées, aux cheminées de marbre et autres lustres anciens, l'ambiance de bois blond et de métal sombre l'avait décontenancé. Mais il s'y fit rapidement et la luminosité extrême du salon lui donnait presque l'impression de vivre dehors, aussi prêt de la mer qu'il était possible de l'être. Les baies vitrées occupaient tout un pan de mur et lorsque la nuit tombait, une mince couche de verre le séparait de cette obscurité bouillonnante où les vagues se mêlaient aux ombres du ciel.

.

Pour soulager l'elfe de maison que Draco avait emprunté à son père, Harry s'était remis en cuisine. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas eu l'occasion de préparer à manger, des semaines au moins, mais le plaisir était toujours là, même si préparer des repas pour sept n'était pas la même chose que pour deux ou trois !

Il y passait une bonne partie de sa matinée, avançant ses préparations pour le dîner, tandis que les parfums des cuissons et des épices embaumaient la maison. Les filles de Draco avaient passé commande de leurs plats préférés mais il parvenait à introduire des saveurs nouvelles et des ingrédients dont elles n'avaient pas l'habitude sans que personne ne fasse la grimace.

Après le déjeuner, il allait souvent dans sa chambre ou sur la terrasse avec un livre, sans se priver de fermer les yeux si le sommeil l'appelait. Il avait rarement le temps de lire et il comptait bien profiter de ces vacances pour savourer la petite liste d'ouvrages que Lucius lui avait recommandée avant de partir.

L'après-midi, les filles demandaient à aller à la plage, se baigner ou jouer dans le sable, accompagnées par Draco et Severus. Harry se joignit à eux une fois ou deux pour permettre à Severus de passer un peu plus de temps avec Lucius, mais il préférait les après-midis tranquilles dans la maison, juste entrecoupées d'une promenade sur la falaise ou de jeux dans le jardin. Même moldue, la foule présente sur la plage ne lui plaisait qu'à moitié.

Le matin après le petit-déjeuner, et parfois le soir après le dîner, les filles réclamaient à faire un jeu de société tous ensemble et il fallait bien que quelques uns se dévouent... Malgré les vacances, Minerva avait également supplié pour des leçons de magie, plus intéressée à profiter de la présence permanente de Harry qu'à s'amuser comme une enfant de son âge. Plutôt que de lui enseigner des sortilèges trop complexes, étant donné qu'elle maîtrisait déjà la plupart de ceux de première et deuxième année, Harry l'avait poussée vers la métamorphose, qu'elle trouvait nettement plus ardue. Cela ne l'étonnait qu'à moitié : ce n'était pas non plus sa spécialité et sa magie avait peu d'affinités vers ce domaine. Mais cela avait le mérite de faire comprendre à Minerva que la magie n'était pas toujours simple et instinctive, et qu'elle nécessitait aussi apprentissage, efforts et persévérance. Et tous les jours, la fillette s'entraînait, essayant de transformer de petits objets ou de métamorphoser des araignées mortes en sauterelles et inversement.

Iris, elle, n'avait d'yeux que pour Severus, comme à l'accoutumée, et peut-être plus encore maintenant qu'il ne restait que quelques semaines avant la naissance du bébé. Elle passait son temps sur ses genoux, dans ses bras ou à jouer non loin de lui, finissant inexorablement par le chercher du regard lorsqu'il allait rejoindre Harry pour la sieste.

Les moments intimes qu'ils partageaient depuis leur arrivée étaient rares : une nuit sur deux, parfois une sieste rapide ou une douche, mais Harry ne se sentait pas privé. Maintenant que les filles étaient au courant, il pouvait à loisir aller quémander un baiser ou profiter d'un câlin lorsque le besoin ou l'envie s'en faisaient sentir.

Lucius semblait presque davantage un obstacle... Était-ce parce qu'il était plus détendu en vacances ? Était-ce le fait qu'ils soient tous les deux plus disponibles l'un à l'autre ? Mais Lucius avait retrouvé avec Severus une complicité flagrante que Harry en venait à jalouser. Même dans les bras de Severus, même à demi allongé sur lui dans un transat, il percevait les regards échangés et la connivence entre les deux hommes, au point de le mettre parfois mal à l'aise. Mais d'autres fois, cela ne faisait qu'augmenter son désir pour Lucius et il devait lutter pour ne pas user de sa magie et l'attirer vers eux.

.

oooooo

.

Lucius s'approcha de Daphnée, allongée sur un transat les yeux mi-clos, et s'assit sur un fauteuil à côté d'elle.

– Comment tu te sens ?

Elle tourna aussitôt vers lui un regard vif, à mi-chemin entre l'amusement et le dépit.

– Je vais parfaitement bien, Lucius. Je n'ai pas de contractions et je suis en pleine forme. Je me sens juste... comme une baleine échouée : énorme, pathétique et inutile.

Il réprima un sourire qu'il savait malvenu et prit dans sa main celle de la jeune femme.

– Tu es magnifique. Énorme, gloussa-t-il, mais magnifique...

Daphnée gloussa à son tour. Il n'y avait peut-être que de lui qu'elle accepterait pareil commentaire, mais elle le connaissait assez pour comprendre où était l'ironie et où était la vérité.

– Tu me manques, avoua-t-elle. Nos sorties me manquent... J'ai l'impression d'être condamnée à rester allongée jusqu'à ce que mort s'ensuive. Je n'en peux plus de cette immobilité !

– C'est pour la bonne cause, ma chérie. Je veux que tu prennes soin de toi et soin de ce bébé jusqu'à ce qu'il naisse et que vous alliez bien tous les deux. Et si pour ça, tu dois rester allongée vingt-quatre heures par jour, je viendrai te masser les pieds et te faire la lecture pour passer le temps...

Daphnée éclata de rire d'un seul coup, saisissant son ventre à deux mains pour éviter la douleur, puis essuya les larmes qui perlaient à ses yeux.

– Mon Dieu, Lucius ! Tu exagères ! Ce n'est pas en disant des bêtises pareilles que je vais réussir à aller au bout de cette grossesse ! Tu vas me faire accoucher sur cette chaise longue !

Lucius tourna la tête pour observer un instant les filles qui jouaient à la balançoire un peu plus loin, puis revint vers Daphnée qui semblait encore prête à pleurer de rire.

– Nos sorties me manquent aussi, avoua-t-il. Mais ça reviendra... Après la naissance, Draco sera ravi de s'occuper du bébé pour te laisser une soirée libre de temps en temps...

– Ravi ? gloussa Daphnée.

– Il le fera, tu le sais très bien. Il l'a toujours fait... Est-ce que toi, tu seras prête à abandonner ce bébé quelques heures avant qu'il ait au moins six mois, c'est une autre histoire...

Ils se sourirent mutuellement, conscients qu'il leur faudrait sans doute patienter bien longtemps avant de reprendre leurs soirées en tête à tête.

– Les filles aussi auront besoin de moi, fit Daphnée pensivement.

– Et nous serons là nous aussi..., souligna Lucius. On prendra les filles quand vous aurez besoin de calme. Et même les trois enfants pour que vous puissiez avoir des soirées tous les deux avec Draco... On sera là. Et n'attends pas d'être épuisée comme avec Iris pour demander de l'aide...

Daphnée grimaça au souvenir de ces moments difficiles après la venue au monde de sa cadette; c'était bien la seule chose qui lui faisait redouter la naissance à venir...

– Je ne sais pas. Pour toi et Severus, je sais que vous le ferez de bon cœur, mais... Je ne veux pas imposer ça à Harry, fit-elle en désignant du regard le jeune homme endormi à l'autre bout de la terrasse. Comment crois-tu qu'il va réagir si on vous confie le bébé de temps en temps... ? Il a déjà refusé d'être le parrain...

– Harry a peur. Il ne veut pas de responsabilités vis à vis d'un enfant, quel qu'il soit. Il voudrait ne pas avoir affaire avec ce bébé... Mais quand il sera né, il fera ce qu'il faut. Naturellement. Peut-être pas sans douleur, mais il sera là lui aussi.

Pensif, Lucius contemplait la silhouette de Harry, à demi-dévoilée par les voilages blancs du baldaquin qui dansaient doucement dans la brise de mer. Là-bas, à l'ombre du treillage de la tonnelle, Harry et Draco avaient transformé un vieux salon de jardin en un lit de repos au matelas moelleux qui avait fait le bonheur des filles et du jeune homme. Sur les draps immaculés, un livre ouvert posé sur son torse, Harry somnolait, la tête calée dans le creux de l'épaule de son amant. Severus leva la tête un instant, sans doute conscient du regard de Lucius sur eux, esquissa un sourire et une caresse sur le ventre de Harry, puis reprit tranquillement sa propre lecture.

– Ils sont très proches..., fit Daphnée.

– Oui, reconnut Lucius.

La voix de la jeune femme ne contenait aucune once de jugement, seulement la constatation d'une évidence, et peut-être la question muette de savoir comment il le vivait...

– Tu es sûr que ça va ?

Lucius pressa doucement la main de Daphnée.

– Ne t'inquiète pas pour moi... Je vais bien. Et Severus et moi allons aussi bien que Severus et Harry. C'est peut-être moins visible, moins expansif, mais c'est le cas. Et j'ai confiance en eux...

.

oooooo

.

La chaleur assommante avait conduit tout le monde à une certaine léthargie et même Lucius paraissait prêt à s'endormir dans le canapé. Depuis la cuisine, Harry se permit un petit sourire en l'observant : les paupières de l'aristocrate se baissaient inexorablement, lentes et lourdes, puis elles se relevaient brusquement dans un sursaut de lucidité avant de reprendre leur course vers les paupières inférieures. Son regard, figé sur le jardin immobile de chaleur, ne voyait plus rien, depuis longtemps perdu dans les brumes de la somnolence.

L'éclat de voix de Draco surprit tout le monde. Harry le premier faillit en lâcher son couteau de cuisine, peinant à comprendre les vociférations surprenantes de son ami. Draco s'en prenait à Minerva, pour une histoire ridicule de pièces de puzzle qui traînaient dans le salon et la fillette qui voulut protester ne fit qu'attiser sa colère. Draco lui ordonna d'aller dans sa chambre, assorti d'une punition qui paraissait aussi disproportionnée que sa fureur.

Retenant ses larmes, Minerva chercha désespérément le regard d'un adulte qui puisse la soutenir. Lucius fit un léger signe de dénégation, qui s'adressait sans doute tout autant à la fillette qu'à son propre fils, mais resta silencieux. Harry vit Minerva se tourner vers lui, désemparée. Dans ses yeux, il lisait un profond sentiment d'injustice et de douleur, mais quoi qu'il en pense, il ne pouvait pas aller contre Draco, et certainement pas devant sa fille. D'un signe du menton, il conseilla à Minerva de faire ce qui lui était demandé et elle partit vers sa chambre, la tête basse et les yeux bien trop brillants.

.

Harry n'avait jamais vu Draco ainsi. Il ne l'avait même jamais vu perdre le contrôle de lui-même, abandonner son sang-froid et sa maîtrise pour ce genre de scène.

Après les cris, il fulminait d'une colère sombre, sans doute davantage dirigée contre lui-même que contre sa fille. Dans le fauteuil où il s'était laissé tomber, les jambes croisées, son pied nerveux battait une mesure saccadée et bien trop rapide.

– Qu'est-ce qui se passe ? s'alarma Daphnée en pénétrant dans le salon.

Le regard de Draco erra dans la pièce, évitant Daphnée, et lorsque Harry croisa les yeux gris acier qu'il n'avait jamais vus aussi durs, il y découvrit également une lueur de culpabilité pesante.

– Quidditch ? proposa sourdement Draco.

Harry fit signe à l'elfe de maison de prendre son relais; il descendit avec Draco vers l'étage inférieur, ils récupèrent de vieux balais et lâchèrent un vif d'or sur la colline.

.

Après une heure de bataille acharnée, ils se posèrent et s'assirent un moment dans l'herbe cuite par le soleil et la chaleur. Leurs cheveux collaient autant sur leurs tempes et dans leurs cous que leurs chemises sur leurs torses. Ils ruisselaient, plus essoufflés qu'après un marathon ou après l'amour, mais l'effort avait calmé Draco.

– Merlin ! Tu aurais vraiment eu ta place dans l'équipe et dans le championnat.

Ils n'avaient pas dit un mot depuis qu'ils avaient quitté la maison; Harry n'avait pas besoin de parler, pas besoin de poser des questions, il n'était pas là pour ça. Draco avait simplement besoin de se défouler, et il était assez grand pour réfléchir tout seul.

La bataille pour le vif avait été âpre, sans un rire, sans un sourire, et ils étaient maintenant vidés. Draco tourna la tête vers la maison, supposant qu'ils étaient observés, mais aucune silhouette n'était visible.

– Je vais devoir aller parler à Minerva...

Il passa sa main dans ses cheveux pour dégager les mèches blondes trop humides qui tombaient sur son front. La lassitude se lisait sur son visage, dans ses gestes, dans son attitude même, et elle n'était pas que physique.

– Je crois, fit Harry. Prends une douche avant...

Draco tourna brusquement la tête vers lui, encore à vif, puis esquissa lentement un sourire. Pâle mais un sourire tout de même.

– Tu pues autant que moi !

– Je ne dis pas le contraire, assura Harry. Mais l'odeur de la sueur excite Severus...

Le sourire de Draco se fit un peu plus franc et son regard moins dur. Harry se redressa péniblement et lui tendit la main pour le relever. Il fallait à présent grimper la moitié de la colline...

Au bout de quelques pas silencieux, Harry passa son bras autour du cou de Draco pour l'attirer vers lui et l'embrasser sur la tempe. Sa peau avait un goût de sel et de sueur. Il laissa traîner sa main sur sa nuque en un geste fraternel, quelques secondes, puis ils repartirent.

– Idiot ! murmura Draco d'une voix étranglée. Merci...

.

oooooo

.

Harry était encore sous la douche quand il entendit la porte de sa chambre s'ouvrir. Sans surprise, Severus pénétra dans la salle de bains quelques secondes plus tard et resta appuyé contre un mur à le regarder se laver, aussi silencieux que l'avait été Draco.

– Tu lui as parlé ?

Severus hocha simplement la tête. Il avait avec son filleul des relations privilégiées; différentes et sans doute moins empruntes de jugement que ne pouvaient l'être celles de Draco avec son père. Il était sans doute aussi le seul à pouvoir lui dire certaines choses sans que Draco ne rue dans les brancards.

– Qu'est-ce qu'il a ? fit Harry en coupant l'eau.

– Il est inquiet... Le bébé. Une femme. Trois enfants. Et par-dessus tout la naissance...

Harry s'enroula dans une serviette et se frictionna rapidement, s'approchant de Severus qui paraissait aussi sombre et tendu que Draco l'avait été après son coup d'éclat.

– Qu'est-ce que tu as ?

Severus resta silencieux. Puis il attira Harry vers lui pour s'emparer de ses lèvres en un baiser qui transpirait l'inquiétude.

.

oooooo

.

Hormis cet incident, les vacances à Torquay étaient paisibles. Harry n'avait pas aussi bien dormi depuis longtemps, malgré des siestes quotidiennes. À croire qu'il rattrapait le sommeil perdu dans les cauchemars et les nuits agitées. Même lorsque Severus dormait avec son compagnon, Harry parvenait à faire des nuits correctes. Il se sentait en paix, comme si quelque chose s'était équilibré en lui, pour il ne savait quelle raison...

Le contact permanent avec Severus le rassurait mais il parvenait malgré tout à s'octroyer des moments de solitude en cuisinant, en lisant, ou bien les nuits où il était seul, qu'il passait le plus souvent sur le lit de repos sur la terrasse. La bruine ou la fraîcheur le surprirent une fois ou deux, vite oubliées derrière un écran de magie et il se rendormit paisiblement.

Parfois Severus le rejoignait le matin, fugacement, avant d'aller nager. Une étreinte, le contact de leurs peaux, la chaleur retrouvée... Et les nuits ensemble, ils se donnaient du plaisir mutuellement, plus pudiques et gênés qu'au Manoir, malgré les sortilèges de silence. L'endroit se prêtait peut-être davantage à l'amour et à la tendresse qu'aux parties de sexe endiablées.

.

Une après-midi, Harry se réveilla de sa sieste dans la chambre seul, les cheveux plus en bataille que d'ordinaire et le visage marqué par les plis de l'oreiller. Même son bras avait pris la marque de la reliure du livre abandonné sur les draps.

Les yeux encore gonflés de sommeil, il s'aventura dans le salon sans croiser personne, puis sur la terrasse. La lumière était éblouissante, presque trop crue pour ses pupilles fatiguées et il mit un moment à distinguer Severus.

Son amant était là, allongé sur une chaise longue, un bras passé sous la tête en guise d'oreiller. Et sur son torse reposait Iris, la bouche entrouverte, plongée dans un profond sommeil. Le visage de l'enfant était complètement détendu, les paupières closes parfaitement immobiles... elle respirait une quiétude évidente.

Severus, lui, ne dormait pas. Sa main dans le dos de la fillette caressait distraitement une mèche de cheveux tandis que son regard fixait l'horizon, ou le ciel pâle, ou rien de particulier. Il savourait simplement l'instant, Iris endormie sur lui comme lorsqu'elle était bébé, ces petits riens si précieux qui devenaient si rares et qui finiraient par disparaître un jour.

Il aimait Iris d'une manière étrange. Absolue. Et il percevait son inquiétude face à l'arrivée du bébé, cette petite chose geignarde qui allait accaparer les adultes autour d'elle. Lui-même ne savait pas comment il allait réagir face à cet enfant et cela commençait à le tourmenter. Il avait beau tenter de se raisonner, se dire qu'il fallait voir le moment venu, il repensait de plus en plus souvent à ces mois passés presque en tête à tête avec Iris. L'intensité de cette relation particulière...

Comment serait ce bébé ? Est-ce que Daphnée et Draco allaient avoir besoin de lui comme pour Iris ? Allait-il s'investir autant auprès de ce bébé, au risque de la perdre ? Allait-il s'y attacher ? L'aimer ?... Et la réaction de Harry était une inconnue. Une inconnue angoissante.

L'image d'un nourrisson minuscule entre ses mains ne cessait de lui faire envie et de l'épouvanter en même temps. Il lui voyait des cheveux noirs. Des yeux sombres aux paupières serrées. Des mains qui pouvaient à peine faire le tour d'un de ses doigts. Et un visage si minuscule qu'il ressemblait à une poupée...

Avec Iris, Severus avait compris beaucoup de choses. Cette dépendance absolue du nourrisson, et plus tard, cette confiance aveugle de l'enfant qui pardonnait tout, mais qui obligeait aussi à une rigueur exemplaire. Le parent devait être un mentor tout autant qu'une figure d'attachement, un condensé entre le modèle qui tire vers le haut et le refuge qui enveloppe et qui rassure. Avec Iris, il avait été tout cela. Et il avait ressenti quelque chose de ce qui liait un parent à son enfant.

Sans doute pas tout. Sans doute pas autant. Mais cet amour absolu, capable de renverser des montagnes, ce morceau de soi dans un corps si petit... Ce lien qui lui faisait percevoir ses pleurs malgré le bruit ambiant, la compréhension intuitive de ses besoins, cette connexion... Cela avait été magique. Effrayant, exigeant, mais magique... Et son souvenir de cette période qui s'étiolait avec le temps était presque nostalgique. Mais Iris ne lui avait jamais appartenu et il le savait.

.

Severus n'avait pas entendu Harry arriver et il frémit lorsque son amant posa ses mains autour de son visage. Douces et caressantes, les mains passaient lentement de sa peau à ses cheveux, encore et encore, dessinant parfois le contour de son menton ou de ses pommettes. Severus avait fermé les yeux, il était loin, ailleurs, bercé dans un monde de sensations, de sentiments et de bonheur. Un monde dont le centre était les lèvres de son amant, posées sur son front.

L'aura de Harry imprégnait l'air, la chair et jusqu'aux objets inanimés. Harry transpirait la magie. Il transpirait l'amour. Immense et absolu. Un amour comme une substance, aussi vitale que l'air que l'on respire, que le sang qui circule dans les veines. Un amour tellement immense que Severus se sentait minuscule, pris, englobé dans cette vague de tendresse et de ferveur qui semblait ne jamais avoir de fin ou de limites. Il était baigné de sentiments et de magie, baigné de la présence de Harry, de celle d'Iris, immergé dans cet attachement démesuré qui le liait à son amant, marqué jusque dans sa chair, dans son cœur par cette magie qui l'appelait. Et Harry donnait tant de cette affection fervente qu'il aurait pu souhaiter que la vie s'arrête là, se suspende, pour ne rien connaître d'autre que cet amour pur et entier.

.

ooOOoo

.

Lucius avait bu un cognac de trop et il le savait. Trop vite, surtout. Il n'allait pas être malade, il n'était même pas saoul à proprement parler mais il ne parviendrait jamais à s'endormir avec une telle sensation ébrieuse et cette impression que le monde bougeait légèrement autour de lui. Et puis il faisait trop chaud dans la chambre, et il ne voulait pas réveiller Severus à force de se tourner et se retourner. Un peu d'air lui ferait sans doute du bien. Et un grand verre d'eau.

Dans la cuisine, Lucius se servit sans un bruit, puis savoura la fraîcheur du liquide devant les baies vitrées du salon. Dehors, l'obscurité entrecoupée par les lueurs de la ville devenait plus sombre du côté de la falaise. Il aimait cette vue, particulièrement à la nuit tombée. Il aurait pu rester ici des heures à contempler les mouvements des ténèbres et tenter de deviner ce qui était des nuages ou des flots.

Le mouvement qui attira son attention n'était de toute évidence ni l'un ni l'autre. Son regard fouilla l'obscurité un instant avant de se souvenir que Harry devait dormir sur la terrasse, emmailloté jusqu'au cou dans les draps du lit de repos à défaut des bras de Severus.

Mais le rire léger qu'il perçut signifiait que Harry ne dormait pas encore. Et qu'il n'était même pas seul !

.

– Que fais-tu là ? gloussa Harry. Je te manquais ?

– Ton accueil chaleureux me va droit au cœur ! Ingrat !

– Allons... Tu n'es jamais là par hasard, Maya. Ces derniers temps, tu rendais plutôt visite à Severus qu'à moi, d'ailleurs. Je pourrais te blâmer pour ton infidélité ! Alors, qu'est-ce que tu as à me dire?

La créature émit un rire qui tenait presque du cri d'un animal et une forme sombre bougea parmi les ombres.

– Tu ne me permets même pas de maintenir un petit suspense dans la conversation. Tu gâches mes effets !

Ce fut au tour de Harry de rire légèrement en retrouvant sa connivence familière avec la créature.

– En réalité, je suis venue t'apporter ceci, fit Maya après un silence.

Dans l'obscurité de la nuit, Lucius vit luire un petit anneau d'or ou de cuivre qu'elle tenait entre ses doigts.

– Oh.

Harry prit l'anneau et le fit rouler dans sa main, pensif et légèrement inquiet.

– Tu reconnais ceci, n'est-ce pas ?

Il acquiesça, levant les yeux vers Maya dont il ne voyait que les dents blanches dévoilées par un sourire carnassier, l'éclat du regard et la lueur des bracelets de cuivre à ses poignets.

– Alors, je suppose que le moment est venu, murmura Harry. Pourquoi... maintenant ? Mon anniversaire est déjà passé, tu es en retard pour les cadeaux !

Il savait bien que son ironie pitoyable n'était là que pour gagner un peu de temps mais il n'avait pas pu s'en empêcher.

– La veille de la deuxième pleine lune après le solstice d'été. Tu ne t'en souviens sans doute pas... C'est le jour où je t'ai trouvé en haut de la montagne. Tu as fait le chemin. Tu maîtrises ta magie jusqu'au bout des ongles. Tu n'as plus besoin de moi...

– Mais je n'ai rien senti ! Es-tu sûre que...

Le silence résonna quelques instants des pulsations de son cœur.

– Je ne suis pas sûr d'être prêt à cela...

– C'est pourtant le moment.

Harry se passa les mains sur le visage puis dans les cheveux.

– Quel est le rituel ? Parce que je suppose qu'il y a un rituel...

– Le tatouage des mains.

– Rien de plus discret ? fit Harry avec un rire nerveux. Severus va me tuer quand il va voir ça !

– C'est un peu douloureux, mais rien à côté de ce que tu as déjà vécu, ricana Maya d'une voix sadique.

– Je n'ai strictement aucune confiance en toi !

Sa phrase contenait autant de vérité que de mensonge et à cet instant présent, il n'aurait su dire quel côté l'emportait.

– Je suppose que je n'ai pas vraiment le choix...

.

Depuis son poste d'observation derrière la baie vitrée, Lucius vit Harry tendre les mains à la créature dont la silhouette devint brusquement plus tangible. Elle prit les mains dans les siennes, sans esquisser un mouvement de plus, sans même réciter une incantation ou un quelconque sortilège. Mais peu à peu émergea de leurs mains jointes une lueur cuivrée mêlée d'émeraude dont les volutes enflaient jusqu'à les englober tous les deux. Malgré la distance, Lucius distinguait sans peine les arabesques d'un vert brillant qui serpentaient sur les mains de Harry comme des incrustations de pierre précieuse à même la chair.

Lorsque la magie eut fini de dessiner ses circonvolutions complexes depuis les poignets jusqu'au bout des doigts, l'aura qui enveloppait Harry et Mayahuel diminua rapidement pour enfin disparaître, ne laissant que les arabesques sur les mains du jeune homme qui luisaient doucement.

.

Harry retira rapidement ses mains et les secoua, chose qu'il n'aurait pas dû faire au vu de son grondement étouffé, puis se plia en deux en les emprisonnant contre lui.

– Bon sang, Maya !

– Attends, il faut encore faire les paumes, maintenant ! jubila-t-elle. Et arrête de geindre. Ce n'est qu'une douleur physique, ça pourrait être pire.

Harry prit quelques secondes avant de tendre à nouveau ses mains à la créature, paumes vers le haut.

– Si tu fais durer le plaisir pour rien, je te jure que je t'arrache la tête !

– N'essaye même pas ! ricana Mayahuel.

Le rituel reprit et l'aura de leurs magies mêlées enfla à nouveau tandis que de nouvelles arabesques émeraudes serpentaient sur les mains du jeune homme.

Lorsque la chair fut ornée jusqu'au bout des doigts, l'aura enfla un peu plus, ses volutes vertes prirent lentement toute la place, étouffant les couleurs cuivrées, puis tout disparut brusquement.

.

Maya était partie, se fondant dans les ombres jusqu'à ce qu'il devienne évident qu'elle avait disparu. Harry restait immobile, assis sur le lit de repos, les mains plaquées sur son ventre et le corps replié sur elles.

Près de la baie vitrée, Lucius frissonnait. Il était à demi nu, à peine vêtu d'un pantalon de pyjama. Severus avait obtenu ce qu'il avait exigé au moment de leur réconciliation et Lucius avait pris l'habitude de dormir nu lorsqu'ils étaient ensemble la nuit. Mais le bas de pyjama enfilé rapidement en se levant pour se déplacer dans la maison ne le protégeait pas de la fraîcheur de la nuit qui filtrait à travers la vitre.

Il hésitait. Il n'était pas censé avoir été témoin de ce qui venait de se passer. Ni de cet échange étrange entre Mayahuel et Harry, et encore moins de sa souffrance. S'il allait le rejoindre... Est-ce que ce serait malvenu ? Est-ce que Harry lui en voudrait d'avoir été spectateur ? Mais Lucius était aussi inquiet. Il voulait comprendre ce qui s'était produit et il voulait surtout savoir si le jeune homme allait bien.

Il n'eut pas à décider quoi que ce soit puisque Harry se leva enfin pour se diriger vers la maison, et vers lui.

.

– Vous devriez dormir..., fit Harry sans même le regarder.

Était-ce une simple constatation ou un reproche d'avoir assisté à quelque chose qui ne le concernait pas ?

– Je n'arrivais pas à trouver le sommeil, fit Lucius en s'approchant doucement. Est-ce que... tu vas bien ?

Dans l'obscurité plus profonde du salon, il ne parvenait pas à distinguer l'expression du visage de Harry, ni son regard. Seules ses mains luisaient à peine de légères volutes vertes qui formaient des motifs presque hypnotiques.

– Oui, ça va. Ça ira mieux demain matin...

Lucius s'approcha, incertain. Puis, sans réfléchir, il posa sa main sur la joue fraîche de Harry. Le jeune homme tremblait comme une feuille et Lucius le prit immédiatement dans ses bras. Harry eut un sursaut et un léger mouvement de recul, mais uniquement pour fuir le contact sur ses mains. Le haut de son corps, au contraire, vint s'abandonner dans l'étreinte, et il nicha son visage dans le creux de son cou.

Ils restèrent un long moment ainsi, jusqu'à ce que les tremblements de Harry finissent par s'estomper. Lucius savourait la présence du jeune homme tout contre lui, la chaleur de son corps contre son torse nu, le souffle de sa respiration sur sa peau... Il avait si rarement l'occasion de le tenir si près de lui... Mais il restait inquiet. Il ne comprenait pas exactement ce qui s'était passé avec Mayahuel, mais Harry semblait malgré tout secoué. Plus calme à présent, mais pas non plus dans son état normal. Et il répugnait à le laisser seul.

– Tu as mal ? fit Lucius.

Harry haussa les épaules et il ajouta :

– Tu veux que j'aille te chercher une potion contre la douleur ?

– Non. Ça va aller, murmura Harry contre sa peau. Je vais aller dormir et ça passera tout seul.

Dormir... Seul. Le besoin affectif de Harry était pourtant criant de vérité, filtrant à travers sa magie au point que Lucius ne pouvait même pas se détacher de lui. Harry avait besoin de présence, de bras, d'un contact qui lui permette de trouver le sommeil et de traverser cette nuit sans cauchemar ou mauvais souvenir supplémentaire. Mais Severus dormait dans leur lit et Lucius n'imaginait pas le réveiller pour qu'il rejoigne son amant.

– Viens.

Il prit Harry par les épaules et l'entraîna hors du salon. Le jeune homme se laissait faire comme une vulgaire poupée de chiffon, étrangement malléable et passif. Ce ne fut qu'une fois dans leur chambre, porte fermée, que Harry eut une faible réaction.

– Non, Lucius ! Ce n'est pas...

– Tais-toi. Tu n'es pas en état de dormir seul. Tu as besoin de Severus et Severus dort ici...

.

Harry secoua légèrement la tête pour essayer de reprendre ses esprits. Dans la pénombre de la chambre, il percevait la respiration lente de Severus et celle, plus rapide, de Lucius qui se tenait devant lui.

– Je ne veux pas...

– Chut ! fit Lucius en posant un doigt autoritaire sur ses lèvres.

Harry ne savait pas au juste ce que l'aristocrate avait l'intention de faire : le faire dormir avec eux ou lui laisser sa place auprès de Severus, mais aucune des deux options ne lui plaisait. Il devait pourtant reconnaître qu'il avait envie de la présence de Severus : elle parvenait à l'apaiser d'une manière qu'il ne s'expliquait pas lui-même et ce soir il en avait particulièrement besoin s'il voulait espérer dormir.

Le mouvement de Lucius pour approcher son visage du sien le surprit. Harry ouvrit de grands yeux sur l'obscurité qu'il referma aussitôt lorsque les lèvres de Lucius se posèrent sur son doigt et les commissures de ses propres lèvres. Une chaleur sucrée émergea dans son ventre et se répandit brusquement dans tout son corps. Il n'avait jamais embrassé Lucius. Il avait senti ses lèvres sur sa peau, dans ses cheveux, contre son oreille... mais jamais sur ses propres lèvres. Et ce doigt entre leurs bouches qui maintenait une distance salutaire était autant un crève-cœur qu'une planche de salut. Ils ne pouvaient pas faire ça maintenant. Pas alors que Severus dormait juste là, à côté d'eux. C'était une trahison encore plus grande que de le faire en son absence !

Mais Lucius avait mis ce doigt entre eux, dérisoire et pourtant symbolique, et Harry pouvait se laisser aller à savourer le peu qui lui était octroyé. La douceur veloutée de ces lèvres, la présence si proche de Lucius, tellement proche que l'aristocrate le retenait d'un bras par la taille et que leurs corps se touchaient presque des pieds à la tête... Le souffle sur la peau sensible de son visage... Et cette envie de l'embrasser, si forte, si puissante, que ses lèvres étaient déjà entrouvertes et sa langue prête à danser dans sa bouche.

Malgré lui, par réflexe, Harry avait passé ses bras autour de la taille de Lucius. Ses mains pendaient, inertes et meurtries, mais il retenait les hanches de l'aristocrate à l'aide de ses poignets. La douleur était intense, entêtante, et contrairement à ce qu'il avait pensé de prime abord, elle ne faisait qu'augmenter. De ses mains, elle remontait très lentement vers les avant-bras, les coudes, déchirant chaque nerf, chaque cellule d'un venin brûlant. Des milliers d'aiguilles venues le transpercer, chauffées à blanc, enduites d'acide, et chaque seconde qui passait ajoutait sa poignée d'aiguilles supplémentaires, toujours plus nombreuses et irradiant une douleur pure vers ses épaules.

Mais au-delà de la douleur, le plaisir et la douceur étaient là, sur ses lèvres, dans cette ébauche de baiser inespéré qui parvenait encore à lui faire oublier la souffrance. Le souffle de Lucius était devenu plus rapide et la pression sur ses lèvres plus intense, mais l'aristocrate se fit violence pour se reculer légèrement.

Lentement, presque à tâtons, Lucius commença à déboutonner la chemise de Harry, seul vestige de tissu qui séparait encore leurs deux torses. Les boutons cédèrent, un à un, puis Lucius glissa ses mains sur sa peau, remontant lentement vers ses épaules. Harry frissonna de plaisir, aussi indécent soit-il. Une chaleur insoupçonnée pétillait dans son ventre à mesure que Lucius effleurait son torse et le caressait.

Les mains firent plusieurs allées et venues sur ses épaules, comme si elles savouraient leur rondeur et rechignaient à les quitter, remontant parfois le long de son cou. Puis Lucius fit glisser sa chemise, déboutonna les boutons à ses poignets et la lui ôta délicatement, prenant garde à ne pas lui faire mal. Dans le silence de la chambre, le vêtement tomba à terre en un bruissement soyeux et délicat.

Il retint son souffle quelques secondes. Les mains de Lucius s'étaient perdues dans ses cheveux et Harry luttait contre l'envie impérieuse de l'embrasser. Il avait mal, il était à demi-nu devant Lucius aussi peu vêtu que lui, il était épuisé au point de rêver s'endormir dans n'importe quels bras accueillants et il ne pouvait se résoudre à franchir ce pas maintenant.

Lorsque les mains de Lucius glissèrent le long de ses hanches, s'insinuant doucement sous le tissu de son pantalon, Harry se remit à trembler.

– Lucius, non...

– Ne t'inquiète pas. Il ne se passera rien...

Le pantalon tomba au sol autour de ses chevilles et Harry se dégagea lentement. Il était maintenant nu dans l'obscurité de la chambre. Lucius ne pouvait sans doute pas voir grand chose de son corps mais il pouvait le toucher à loisir et se délecter enfin de le faire sien. Il n'en fit rien.

L'aristocrate le prit doucement par le bras, le conduisant vers le bord du lit et souleva la couette pour qu'il puisse se glisser dessous.

– Couche-toi...

Harry obtempéra en silence, s'allongea et se coula entre les draps jusqu'au corps brûlant de Severus. Tandis qu'il s'installait contre son amant, un bras sur la peau soyeuse de son torse, la tête dans le creux de son épaule, le calme revint en lui. Harry ne tremblait plus. Il se laissait bercer par la respiration paisible de Severus, par les mouvements de sa poitrine et les battements de son cœur. Et le bras de son amant qui vint machinalement s'enrouler autour de sa taille lui donna l'impression d'être parfaitement à sa place.

Dans la salle de bains attenante, il entendit couler l'eau d'un robinet. Il en avait presque oublié Lucius... La porte se referma en silence, les pas de l'aristocrate chuintèrent doucement sur le parquet puis un courant d'air froid pénétra sous la couette tandis que le lit s'affaissait.

Harry sentit Lucius qui s'approchait de lui, se plaquant peu à peu contre son dos. Il avait gardé son pantalon de pyjama mais Harry percevait nettement son érection, pressée contre ses fesses et le bas de ses reins, longue et vibrante de désir. Il se raidit lorsque Lucius passa un bras autour de sa taille, emprisonnant son corps et le bras de Severus dans une étreinte puissante. Mais l'aristocrate ne se permit aucun autre geste, laissant simplement sa main fraîche et humide sur son ventre et déposant un baiser furtif sur son épaule avant de laisser reposer sa tête sur l'oreiller.

Enserré par les corps de son amant et de Lucius, Harry sombra rapidement dans un sommeil profond et réparateur.

.

oooooo

.

Lorsqu'il se réveilla le lendemain matin, une lumière claire pénétrait dans la chambre de Lucius et le lit était désert.

Harry s'étira voluptueusement, vite rappelé à l'ordre par la douleur dans ses mains, et paressa quelques minutes dans les draps tièdes. S'il s'était laissé aller à son envie, il aurait plongé le nez dans les oreillers pour s'imprégner de l'odeur de Severus et de Lucius, mais le simple souvenir d'avoir dormi avec eux, entouré par eux, par leurs corps, par leurs présences, le fit sourire avec ravissement.

.

– Harry ! cria Minerva en l'apercevant.

Elle lui adressa un signe de la main en guise de bonjour tout en continuant à se balancer aussi haut que pouvait l'entraîner le mouvement de ses jambes. Sur l'autre siège, à côté d'elle, Iris peinait à atteindre les mêmes hauteurs que sa sœur, mais c'était aussi rassurant comme ça.

– Bonjour, fit la voix lente de Lucius derrière lui. Bien dormi ?

Le sourire était discret mais bien présent sur les lèvres de l'aristocrate tandis qu'il se penchait pour déposer un baiser sur sa tempe.

– Comme un loir ! sourit Harry.

Lucius s'assit tout en continuant à le dévisager, puis son regard descendit au niveau de ses mains. La lueur qui en émanait était moins vive, sans doute aussi en raison de la pleine lumière, mais on distinguait très bien les circonvolutions émeraudes qui les ornaient du bout des doigts jusqu'à disparaître sous les manches de sa chemise.

– C'est encore douloureux ?

– C'est... sensible.

Lucius hocha la tête, sans doute conscient de son demi-mensonge, mais n'insista pas davantage. Il n'avait posé aucune question, n'avait exigé aucune explication, pas plus sur la présence de Mayahuel la veille au soir que sur le rituel dont il avait été témoin et Harry lui était reconnaissant de sa pudeur. Pas qu'il aurait refusé de répondre mais il n'aurait pas su quoi en dire. Lui-même, malgré le repos d'une bonne nuit de sommeil, n'avait pas encore réussi à démêler ses pensées et comprendre les tenants et les aboutissants de cette « cérémonie ».

.

Bien entendu, il avait reconnu l'anneau de cuivre que Mayahuel lui avait offert et qu'il avait passé à son doigt. Dans la forêt où il vivait auparavant, les anciens le donnaient à certains adolescents pour signifier l'entrée prochaine dans l'âge adulte et l'imminence des rites de passage qui avaient lieu à cette occasion. L'anneau servait à retenir leurs cheveux ensemble jusqu'à ce qu'ils soient rasés lors du premier rite. L'initiation suivait différentes étapes, la plupart douloureuses ou épuisantes, et lorsque les garçons revenaient dans la tribu, l'anneau à leur doigt, ils étaient devenus des hommes et pouvaient prendre femme.

Dans son cas, il ne s'agissait pas de cela. Mayahuel avait simplement voulu lui faire prendre conscience de la fin de son « apprentissage » à ses côtés et son passage à un autre statut. À présent, il portait sur ses mains les mêmes tatouages qu'elle, si ce n'était la couleur de la pierre à laquelle il était lié et les dessins des arabesques correspondants à sa magie. Mais il avait senti également à la fin du rituel que sa puissance était semblable à celle de la créature, hormis l'expérience qui lui était propre.

Mais Harry ne comprenait pas pourquoi aujourd'hui. Il n'avait pas perçu d'augmentation de sa magie, pas de pouvoir supplémentaire, rien qui ne justifie le passage d'un quelconque palier. Mayahuel avait parlé d'un anniversaire, celui du jour où elle l'avait trouvé en haut de la montagne, prêt à se laisser mourir si le quetzal ne l'avait pas sauvé, mais Harry sentait bien qu'il ne s'agissait pas que de cela. Il percevait la magie du rituel à l'œuvre en lui, bien plus significative que le simple tatouage de ses mains, sans savoir à quoi s'en tenir, ni ce qui l'attendait.

.

La voix traînante de Lucius le tira hors de ses pensées.

– Tu as mangé quelque chose ?

Harry se concentra péniblement sur la réalité et aperçut soudain l'elfe de maison présent à côté d'eux et qui attendait l'ordre de Lucius.

– Non. Mais je n'ai pas très faim...

Au regard de l'aristocrate, l'elfe disparut à l'intérieur de la villa et revint rapidement avec un plateau chargé de tasses, d'une théière et d'une assiette de scones avec de la confiture. Dans la tasse la plus grande et qui lui était visiblement destinée, Harry reconnut son champurrado habituel et il tourna la tête vers Lucius en souriant.

– Tu ne restes pas le ventre vide, fit l'aristocrate avec le même sérieux qu'il aurait mis à gronder ses petites-filles.

.

– Où est Severus ? demanda Harry une fois son rire calmé.

– Parti nager. Et Daphnée et Draco sont partis se promener. Ils avaient besoin de se retrouver tous les deux...

– Et profiter que vous puissiez garder les filles une heure ou deux ? sourit Harry.

– Nous partons demain. Blaise arrive dans quelques jours mais en attendant, ils vont rester seuls avec les filles et Daphnée est vraiment fatiguée. Je leur ai proposé de prendre les filles en vacances avec nous en Provence mais Draco n'a pas voulu.

Lucius esquissa un geste résigné alors que Harry haussait les sourcils de surprise. Depuis le temps que l'aristocrate, et surtout Severus, attendaient ces vacances seuls tous les trois, la proposition de Lucius avait de quoi étonner. Ils étaient déjà restés à Torquay plus longtemps qu'ils ne l'avaient prévu au départ... Harry avait dû manquer une information ou un événement quelque part...

– C'est quoi ça ? fit Iris en désignant ses mains. Tu as fait de la peinture ?

La fillette attrapa un scone sur le plateau qu'elle trempa dans la confiture jusqu'à ce qu'il disparaisse sous l'amas de gelée et l'enfourna dans sa bouche. Harry ne put s'empêcher de pouffer en la comparant mentalement à un hamster, mais il s'obligea à répondre.

– Non. C'est Mayahuel qui s'est amusée à me jeter un sortilège un peu tordu...

– C'est joli quand même, marmonna-t-elle la bouche encore pleine.

.

– Sévie ! Sévie !

Iris partit en courant dans l'escalier en spirale qui descendait vers l'étage inférieur pour rejoindre Severus. Avait-elle entendu le bruit de ses pas, celui de la porte d'entrée de la villa ou tout autre chose, Harry n'aurait su le dire. Il percevait à présent la présence magique de son amant dans la maison mais il n'avait en tout état de cause rien entendu.

– Sévie, viens voir ! Harry il a des tatouages qui brillent sur les mains, c'est trop joli !

Harry et Lucius échangèrent un regard tandis que les pas de Severus grimpaient l'escalier et se rapprochaient. Ils n'avaient pas besoin de dire un mot pour se comprendre mais Harry voyait bien que l'aristocrate redoutait tout autant que lui un coup de sang de son compagnon.

Severus apparut enfin sur la terrasse, portant dans ses bras Iris qu'il déposa au sol à proximité d'eux. Au milieu de son visage fermé, son regard était sombre, déjà orageux.

– Qu'est-ce que c'est que ces conneries ?

Harry ne prit même pas la peine de répondre. L'attitude de son amant et sa vulgarité signifiaient qu'aucune explication ne serait à même de le raisonner tant que la colère ne serait pas passée.

Severus lui prit les mains et les tourna en tous sens pour observer les arabesques qui rayonnaient encore de magie, avant de les rejeter sans ménagement. Harry se mordit la lèvre pour ne pas gémir et camoufla du mieux qu'il put son réflexe de repli pour protéger ses mains. À présent, Severus aurait pu exiger n'importe quelle explication, il aurait été bien en peine de lui répondre tant il avait le souffle coupé.

Il s'autorisa malgré tout à fermer les yeux quelques secondes pour retrouver une contenance. Au pire, cela passerait pour de l'exaspération, mais Lucius n'était pas dupe de son manège.

– Sev. Arrête. Il n'y est pour rien. Maya...

– Oh toi ! Ne va pas te mettre à le défendre hein ! Ça va bien ces conneries de magie que personne ne comprend. Est-ce qu'à un moment donné tu pourrais être un peu plus normal ?!

L'acidité de ces paroles pénétra Harry comme un poignard, fin et insignifiant, et pourtant acéré. Le reproche était ancien, il n'aurait pas dû lui faire tant de mal... Toute son enfance, toute son adolescence, toute sa vie, il avait été « anormal ». Celui qui provoquait des choses bizarres, l'Élu, le Survivant, le pédé, le Sorcier maudit... Il était habitué. Mais dans la bouche de Severus, cela avait une autre portée. Bien plus douloureuse.

.

Harry ne comprenait même pas d'où venait cette colère. Qu'est-ce qui avait fait basculer Severus ainsi, d'un simple agacement à une colère pleine de reproches. Était-ce parce qu'il avait passé la nuit avec eux ? Était-ce parce que Lucius avait jugé bon de s'occuper de lui et de le faire dormir dans leur lit ? Est-ce que Severus s'était senti envahi ? Floué, trahi par son compagnon ? Ou par cette magie qu'il ne comprenait pas ?

En se réveillant, Severus n'avait pu manquer sa présence dans le lit, ni la magie qui émanait de ses mains. Il aurait pu secouer Harry et lui demander des explications mais il avait préféré aller nager au large de la plage...

– Qu'est-ce que tu ne supportes pas dans mon anormalité, Severus... ?

Severus le fusilla du regard et tourna les talons pour rentrer dans la villa. Harry attendit quelques instants que le bruit des pas furieux ne s'éloigne, puis il se laissa tomber contre le dossier de son fauteuil en soupirant, repliant ses mains contre son ventre. Nom d'un chien, qu'il était fatigué !

Les doigts de Lucius sur son menton lui firent tourner la tête et rouvrir les paupières qu'il n'avait même pas conscience d'avoir fermées. Les yeux gris de l'aristocrate le fixaient sans ciller, peinés mais rassurants.

– Je vais lui parler, fit-il en posant ses lèvres sur son front.

.

oooooo

.

– Qu'est-ce qui te prend ? claqua Lucius d'un ton glacial en fermant la porte de la chambre derrière lui. Il est encore secoué par ce qui s'est passé hier soir, il crève de douleur, il a besoin d'un peu de temps pour s'en remettre, et tout ce que tu trouves à faire, c'est de lui dire qu'il est anormal ?! Il t'aime au-delà de tout, il compte sur toi et tu le rejettes ?! Laisse-moi te dire une chose, Severus : j'ai beau t'estimer comme personne, il y a vraiment des moments où tu ne mérites pas Harry !

Severus leva un regard étonné vers son compagnon. La voix polaire de Lucius vibrait d'une menace sourde mais bien réelle. La colère était maîtrisée, contrairement à la sienne, et les mots étaient soigneusement pesés, mais Lucius ne plaisantait pas. Cela faisait bien longtemps, peut-être des années qu'il n'avait pas employé ce ton-là avec lui et c'en était d'autant plus surprenant.

– Parce que toi tu le mérites davantage, peut-être ?! cracha-t-il.

Les yeux gris de Lucius devinrent encore plus acérés et sa voix cinglait de mépris quand il répondit :

– Ne me fais pas le coup de la jalousie mal placée, s'il-te-plaît. Parce qu'il ne s'agit absolument pas de ça. Est-ce que tu n'es même pas capable de voir que Harry ne peut pas être heureux sans ton approbation ?

Severus sentit une immense fatigue s'abattre sur ses épaules et il se laissa tomber assis sur le lit, désemparé. Il y avait le contrecoup de sa séance de natation, certainement. Il avait nagé bien plus longtemps que d'habitude pour oublier ses interrogations sur le bébé de Draco, sur Harry, sur ces étranges tatouages sur les mains... Il y avait eu ce courant qui ne cessait de le déporter vers le large, inexorablement, les vagues, le froid, l'épuisement... Il avait eu presque peur de ne pas réussir à revenir. Ç'aurait été ridicule.

Et puis maintenant cette confrontation avec Harry et Lucius. Les reproches de son compagnon faisaient mal, mais ils étaient légitimes. Severus avait senti la magie gravée dans les mains de son amant. Plus que tout autre peut-être, il avait perçu les charmes, leur sens, leur puissance... il avait même senti le bracelet de Mayahuel à son poignet se mettre à chauffer lorsqu'il avait pris les mains de Harry dans les siennes.

– Je n'aime pas cette magie, avoua-t-il sourdement en passant une main dans ses cheveux humides. Je ne la comprends pas. Il est trop différent de nous... À chaque fois j'ai l'impression que ça l'éloigne de moi.

Lucius s'approcha doucement jusqu'à se tenir devant lui, entre ses jambes, et passa ses bras autour de son cou.

– Cette magie fait partie de lui... Tu ne peux pas lutter contre elle.

Severus appuya son front contre le ventre de son compagnon qui caressait son dos et sa nuque d'une main apaisante. Leurs colères à l'un et à l'autre étaient passées; ne restaient que la fatigue, les interrogations et les erreurs à réparer.

– Ton compagnon a plus de bon sens que toi, Severus, fit la voix aiguë de Mayahuel.

Il grogna sans même tourner la tête vers la créature. Sa présence ne faisait que lui rappeler la différence de Harry et il n'avait pas envie d'entendre ni ses sermons, ni ses moqueries.

– Pourquoi as-tu peur de ce que tu ne comprends pas ? N'as-tu pas confiance en lui ?

– Bien sûr que si, marmonna-t-il, mais...

– Il n'y a pas de « mais ». Tu lui fais confiance et tu l'acceptes tel qu'il est, ou bien tu te battras en vain et tu le verras s'éloigner...

Severus secoua doucement la tête contre le ventre de Lucius.

– Et quelle était la raison de ce rite de passage ? De quoi est-il capable maintenant ? ironisa-t-il. Il peut réveiller les morts ? Il peut commander aux éléments ? Il est immortel ?

– Toi plus que nul autre, tu le sais, Severus, fit Mayahuel d'une voix inhabituellement douce. Tu l'as senti l'autre jour... Maintenant, il peut aimer... À nouveau. Avec toute son âme. Il peut se lier... Il n'a plus peur.

Le souvenir de cette sensation si particulière envahit soudain Severus. L'amour qu'il avait ressenti venant de Harry était si pur, si entier, si absolu... Infini. Il avait même souhaité une seconde que sa vie s'arrête là, tellement l'instant avait été parfait.

– Je ne reviendrai que si vous m'appelez, fit Mayahuel. Prends soin de lui.

Severus tourna la tête mais la créature avait déjà disparu. Quelque chose dans sa façon de parler avait eu un caractère définitif, comme un adieu, mais il était trop tard pour répondre quoi que ce soit. Mayahuel ne reviendrait plus sauf s'ils avaient besoin d'elle. Harry était libre de sa créature. Ou de son créateur.

Inexplicablement, Severus était aussi inquiet que soulagé qu'elle ne vienne plus dans leurs pattes à l'improviste. Harry avait toujours compté sur elle, sur son soutien. Elle avait veillé sur lui de loin, mais constamment. À présent, il avait franchi un seuil et la créature l'avait libéré de son emprise. Ou bien l'avait-elle simplement jugé apte à continuer son chemin sans elle ? Maintenant, il peut aimer. Il peut se lier... De manière aussi intense et absolue qu'il avait aimé Axaya...

Les mains de Lucius qui caressaient ses cheveux le rappelèrent à la réalité. Lucius était là, toujours, tendre et bienveillant comme il ne savait l'être qu'avec lui.

– Aime-le, Severus, murmura-t-il. Aime-le comme il le mérite...

Les bras de Lucius se resserrèrent autour de lui et Severus l'enlaça pour répondre à son étreinte.

.

ooOOoo

.

Deux jours furent nécessaires pour que la douleur disparaisse définitivement. Pour que s'estompe aussi la lueur que ses mains irradiaient et pour que les circonvolutions des arabesques deviennent à peine visibles. Elles réapparaissaient lorsque Harry se servait de sa magie, mais seulement sous la forme d'un liséré d'un vert brillant, bien moins impressionnant que lorsque les dessins s'étaient gravés dans sa chair.

La normalité était revenue. Ils étaient partis tous les trois de Torquay pour passer quelques jours en Provence, dans la maison que Severus affectionnait tant. Harry retrouva avec un bonheur indescriptible la simplicité pleine de charme du mas, les murs de pierre sèche et l'ombre des tonnelles, la chaleur de plomb et l'attitude habituelle de son amant.

Ils n'avaient pas vraiment parlé de ce qui s'était passé. Severus était juste revenu vers lui, il avait pris ses mains avec bien plus de douceur pour les regarder puis il l'avait pris dans ses bras. Le simple contact de Severus avait déjà adouci sa douleur.

.

Ils n'avaient plus dormi tous les trois ensemble depuis cette nuit-là et cela ne paraissait pas approprié. Pourtant les choses changeaient, imperceptiblement. Ils étaient seuls dans cette vaste maison, sans spectateur ou témoin autre qu'un elfe discret qui sortait rarement de la cuisine. Et ils se rapprochaient. Au moins physiquement.

Lorsque Harry lisait tranquillement sur le canapé, à demi allongé contre Severus, Lucius n'hésitait pas à venir s'asseoir lui aussi à côté de son compagnon. Les fauteuils solitaires étaient rarement occupés... Ou bien il venait quémander un baiser. Un vrai baiser. Et Harry, la tête sur les cuisses de Severus, voyait juste au-dessus des pages de son livre, leurs lèvres qui s'emprisonnaient mutuellement, une langue qui s'engouffrait dans la bouche de l'autre, les dents qui venaient mordiller la chair pulpeuse... Parfois, Lucius plaquait simplement Severus contre un mur, l'embrassait à perdre haleine et les deux hommes disparaissaient dans leur chambre. Une heure...

Lui avait Severus une nuit sur deux, comme à l'accoutumée, et parfois le matin. Severus se levait toujours à l'aube, peut-être encore plus tôt ici, en plein été, et après avoir nagé tout son soul sous le ciel rosissant, il rejoignait Harry dans son lit, dans la tiédeur de ses draps et de son corps, pour une simple étreinte ou pour faire l'amour.

La vie ici avait cette chaleur voluptueuse qui plaisait tant à Harry. Une espèce de nonchalance sensuelle, d'érotisme dans l'air qui mettait ses hormones et ses désirs en ébullition. Et passer tout son temps à demi-nu en compagnie de Lucius et de Severus ne faisait qu'amplifier sa soif déjà démesurée.

Ici, il n'y avait pas de travail, pas d'hôpital, pas de Librairie pour les accaparer chacun de leur côté. Pas de dossiers pour Lucius, pas de réunions, pas de congrès ni de patients à sauver. Il n'y avait qu'eux. Eux dans une bulle hors du temps.

.

Le premier soir, ils avaient été dîner dans un restaurant un peu huppé sur la côte. Un repas excellent suivie d'une promenade sur le front de mer à la lueur des étoiles et des lumières de la ville... Une soirée magnifique mais Harry avait été content de rentrer au mas. Il s'y sentait plus libre, moins enclin à surveiller ses paroles et ses gestes, et ce huis-clos tous les trois le ravissait. Une autre fois, ils étaient sortis pour aller au théâtre mais Lucius avait été reconnu et Harry avait dû réfréner son attitude pour éviter les commentaires.

Ici, au moins, ils étaient seuls, à l'abri des regards et il pouvait laisser libre cours à ses envies lascives. Il pouvait toucher Severus aussi souvent qu'il en avait envie, l'embrasser sans arrière-pensée, s'abandonner à cette atmosphère pleine de désir et de sensualité. Il pouvait l'exciter d'un simple regard, d'une attitude provocante, juste pour le plaisir de le sentir vibrer pour lui. Même si Lucius récoltait parfois les fruits de cette excitation et partait s'enfermer avec Severus. La luxure dans l'air n'agissait pas que sur Harry...

Lucius profitait également de ces jours de liberté et de rapprochement. Chaque matin, il avait pris l'habitude de venir le saluer d'un baiser rapide. Sur le front, sur la tempe, sur la joue près de l'oreille... L'endroit variait mais le baiser était devenu rituel. Et chaque soir, en partant se coucher, Lucius posait à nouveau ses lèvres sur lui, sur son visage, furtives mais délicieuses.

Il ne se privait pas non plus de taquiner Harry. De le provoquer même. Jusque devant Severus qui n'y trouvait rien à redire et se contentait de sourire d'un air entendu. Lucius osait des paroles, des allusions... des gestes furtifs parfois dans la piscine, des contacts plus rapprochés qu'autorisaient leurs jeux dans l'eau et leur quasi-nudité.

.

– Tu devrais enlever ce fichu maillot de bain pour bronzer, assura Lucius en s'arrêtant à côté de lui. Si tu continues, tu vas avoir des marques...

Harry n'ouvrit même pas les yeux, il y avait bien trop de soleil pour ça, mais il pouvait deviner la silhouette de Lucius qui le surplombait de toute sa hauteur.

– Des marques qui ne seraient pas de votre fait ? osa-t-il avec un sourire moqueur. Quel dommage...

Il entendit Lucius déglutir ostensiblement à sa suggestion. Cela faisait un certain temps que l'aristocrate n'avait pas pu fréquenter l'antichambre avec Severus et nul doute que cela devait commencer à lui manquer.

Contrairement à ce qu'il sous-entendait, Harry n'était pas franchement attiré par ce genre de pratiques pour lui-même mais la provocation était si délicieuse... Si facile. Et à entendre sa voix grave et vibrante, Lucius ne pouvait s'empêcher de réagir.

– Ne me tente pas, Harry...

Il eut un sourire amusé, presque narquois, tandis qu'une chaleur sourde ondulait dans son ventre. La tentation...

– J'ignorais également que vous vouliez tant me voir nu. La dernière fois que nous sommes venus en Provence, vous teniez plutôt à ce que je me rhabille...

Lucius n'avait pas bougé, sans doute immobile à détailler son corps. Harry pouvait presque sentir le regard descendre le long de ses épaules, de son dos, de ses fesses déjà plus blanches que le reste de son corps mais encore cachées par le maillot de bain. La magie de Lucius en tout cas trahissait son excitation. Et la sienne aurait été visible s'il n'avait pas été à plat ventre.

– Mais je peux rester nu, si vous y tenez vraiment...

– J'y tiens, murmura Lucius d'une voix pas assez ferme à son goût.

Les yeux toujours clos, Harry sourit. Rien qu'avec des paroles, il tenait Lucius dans le creux de sa main, c'était certain. Mais jouer était tellement plus plaisant que franchir les limites...

– C'est un ordre, Lucius ?

L'aristocrate vibra sous la force du mot mais ce n'était rien par rapport à la contraction intense qui naquit dans son propre ventre. Le même plaisir démesuré et coupable que le jour où Lucius l'avait plaqué contre la porte de sa chambre, lorsqu'il l'avait obligé à relever le menton de la pointe de sa baguette. Il aimait aussi cela chez l'aristocrate : la domination, la puissance... l'autorité. Quelque chose qui éveillait en lui un désir aigu et obscène.

C'est un ordre.

Lucius avait compris le jeu. La crispation dans le ventre de Harry fut plus intense encore, au point de devoir se mordre la lèvre pour ne pas gémir. Et il fit aussitôt disparaître par magie son maillot de bain.

La caresse du soleil sur sa peau dévoilée était grisante mais ne parvenait pas à atténuer le frisson qui roulait le long de son corps. Le dominant de toute sa hauteur, Lucius le regardait. Ce n'était pas la première fois qu'il était nu devant l'aristocrate mais pour la première fois, c'était délibéré et non pas fortuit. Enfin, délibéré... sauf si l'on considérait que Lucius lui avait donné un ordre.

Tourne-toi.

Cette fois, l'ordre était clair. Le ton autoritaire. Et il émanait directement de Lucius. Jamais Harry n'aurait pensé que deux simples mots dans un contexte particulier auraient pu le faire réagir autant. Et pourtant, il avait rarement été aussi excité alors même que Lucius ne l'avait pas touché ni embrassé.

Les yeux toujours clos, Harry se tourna lentement sur le dos, dévoilant sans pudeur son érection au regard de Lucius. Il bandait, il vibrait, et sans doute même que son sexe perlait déjà de désir, laissant s'échapper une petite larme translucide qui s'écoulait pour aller se nicher dans les poils crépus de son ventre.

Il brûlait. Il attendait maintenant un geste, une caresse, quelque chose qui l'amène vers le soulagement et la délivrance. Ne serait-ce qu'un ordre de se soulager lui-même. Ou de soulager Lucius.

– Va te rafraîchir les idées !

La voix de Severus fut suivie d'un grand bruit d'éclaboussures et Harry ouvrit brusquement les yeux, distinguant à peine Lucius qui émergeait de la piscine, ruisselant et riant malgré sa déconvenue.

– Quant à toi, monte dans ta chambre ! Je vais te rafraîchir autre chose !

En se redressant, Harry éclata de rire et transplana sans demander son reste. Il ne savait pas ce qui était le plus excitant entre le regard noir de son amant et les yeux gris pleins de luxure de Lucius.

.

Severus l'avait baisé, dans toute sa splendeur. Ivre d'un désir attisé par la jalousie. Et Harry n'avait pas demandé mieux que de se soumettre à la moindre de ses envies.

Il aimait ces moments où il s'abandonnait totalement à Severus. Où il était capable de se donner corps et âme.

Où son comportement en aurait fait rougir plus d'un. Il n'avait honte de rien, ni d'offrir son cul comme une chatte en chaleur, ni de ses paroles qui l'électrisaient tout autant que Severus, ni de faire entendre son plaisir au-delà de la chambre, au-delà des murs de la maison peut-être...

Il aimait faire l'amour avec Severus et il lui tardait de connaître ce même plaisir avec Lucius. Car Harry ne doutait pas que cela arriverait tôt ou tard. Plutôt tôt que tard d'ailleurs. Mais malgré ses provocations, il ne voulait pas précipiter les choses et il était certain que cela n'arriverait pas tant qu'ils seraient en Provence. Faire l'amour avec Lucius alors que Severus était là lui paraissait toujours aussi inconvenant. Comme une trahison. Severus était là en permanence, disponible à la moindre de ses envies, et Harry n'avait pas besoin de Lucius pour trouver du plaisir. Quand ils seraient rentrés au Manoir, en revanche... quand Severus retournerait travailler à la Librairie, prendre du plaisir avec Lucius serait plus acceptable. Son raisonnement était peut-être tordu mais il ne pouvait s'en défaire. En attendant, restaient les paroles, les provocations et Lucius qui frémissait d'impatience... La tentation.

.

oooooo

.

La sieste après le sexe éteignit sa fatigue. Lorsque Harry redescendit, il les trouva sur le canapé de la terrasse, si proches l'un de l'autre qu'il en frémit. Le bras de Lucius autour des épaules de Severus affichait une possessivité certaine qui réveilla aussitôt ses instincts lubriques.

Avec un sourire éclatant, Harry approcha pour venir s'installer à califourchon sur les genoux de son amant, sans égard pour Lucius que sa jambe repoussait délibérément, et passa les bras autour de sa nuque. La chaleur dansait à nouveau dans son ventre et sa position ne lui rappelait que trop bien qu'il venait de s'envoyer en l'air avec Severus une heure plus tôt. Merlin ! Certains endroits inhabituellement sensibles lui signifiaient à quel point il n'y avait pas été de main morte !

Tout en se tortillant, Harry se jeta sur la bouche de son amant, embrassant ses lèvres et sa langue avec la même passion que Severus avait mis à le baiser tout à l'heure. Que Lucius soit présent juste à côté d'eux ne rajoutait pas du tout à son désir, ni à sa ferveur. Et cela ne l'excitait certainement pas davantage !

Severus avait passé ses bras autour de sa taille, mais il se défit du baiser au bout d'une ou deux minutes, grognant son agacement. Harry se recula légèrement pour tomber dans le regard noir de son amant, et celui, franchement amusé, de Lucius.

– Bon sang ! Couchez ensemble tous les deux ! gronda Severus. Mais arrêtez de vous servir de moi pour vous exciter mutuellement!

– Pas sans toi, mon trésor !

Lucius éclata de rire et Harry put apercevoir sa main, glissée dans les cheveux de Severus, qui venait de tirer sa tête en arrière et qui l'obligeait maintenant à se tourner vers lui pour l'embrasser à son tour. En souriant malgré tout, Harry songea que Lucius lui paierait cet affront.

.

oooooo

.

Il était tôt ce matin-là lorsque Harry se réveilla, seul dans son lit et étalé de tout son long dans les draps. Le ciel était encore rose sur l'horizon, bleu-gris du côté opposé au lever du soleil et parsemé des brumes de l'aube. Trop tôt pour que Severus le rejoigne déjà.

Enfilant un des kimonos de soie de son amant qui traînait dans sa chambre, Harry descendit tranquillement dans la cuisine pour préparer le petit-déjeuner. Pour une fois, il avait faim, et pas seulement de sexe.

Sous ses pieds nus, le carrelage de terre cuite était frais, aussi frais que l'air du matin qui pénétrait par la baie vitrée grande ouverte. Trop tôt pour se promener nu; le kimono de Severus était le bienvenu. Et surtout il appréciait délicieusement la caresse de la soie sur sa peau. Une caresse qui portait l'odeur de son amant.

Avec sa tasse de champurrado, il partit s'installer dans un fauteuil sous la tonnelle, s'entourant d'un léger sortilège de chaleur. Quelques mètres plus loin, Severus nageait, solitaire et imperturbable. À chaque mouvement cadencé de ses bras, Harry pouvait apercevoir sa peau hérissée par la fraîcheur de l'eau et, de temps à autre, ses cheveux noirs et blancs qui ruisselaient lorsqu'il tournait la tête sur le côté pour respirer.

Lui était bien. Il avait doucement chaud, les pieds tiédis par un premier rayon de soleil. Entre ses doigts, la tasse rayonnait de chaleur, irradiant peu à peu ses mains, ses poignets et ses bras, et le liquide fumant et parfumé qu'il buvait lentement lui donnait une sensation de confort douillet.

.

Harry resta un moment perdu dans ses pensées tandis que Severus nageait. Il songeait à la nonchalance lascive de ces vacances hors du temps, à ce petit jeu du chat et de la souris avec Lucius, à la façon dont l'aristocrate parvenait à le faire vibrer. Cette parenthèse de luxure était un rêve éveillé, un instant suspendu et voluptueux où seuls importaient le désir, le plaisir, la curiosité et la séduction. Le sexe à fleur de peau...

La vision de Severus à demi-nu juste devant lui fit frissonner Harry d'un désir brûlant. Son amant se frictionnait sommairement, faisant rougir sa peau par endroit tandis que les gouttes d'eau continuaient de s'écouler de ses cheveux pour rouler le long de son torse. Harry connaissait cette peau blanche et si douce. Il connaissait son goût, son parfum, épicé, plus salé pendant qu'ils faisaient l'amour. Ses doigts connaissaient chaque courbe de son corps, le contour de chaque muscle, l'angulation saillante de sa mâchoire comme celle de ses hanches. Sa langue connaissait le dessin de chaque cicatrice, la saillie discrète de sa pomme d'Adam comme la façon dont ses mamelons se contractaient sous la morsure de ses dents. Il connaissait tout du corps de Severus, pourtant il le redécouvrait chaque fois comme si c'était la première fois et il le désirait toujours autant. Toujours plus. Il n'était jamais rassasié.

.

Severus s'approcha pour l'embrasser rapidement puis partit s'allonger sur le canapé en face de lui, soupirant d'aise.

– Je suis claqué !

Harry se leva brusquement pour le rejoindre, promenant ses doigts sur le corps alangui sous ses yeux. Severus ne pouvait pas se pavaner ainsi devant lui puis dire qu'il était trop fatigué. Il ne pouvait pas ne pas assumer les conséquences de ses actes. Pas après avoir allumé dans son ventre un feu dansant.

Harry grimpa sur le canapé et s'installa à califourchon sur le corps de son amant. Sous lui, sous ses fesses nues que n'enveloppait plus le kimono, il sentait le maillot de bain de Severus, humide et frais. Et trop plat à son goût. Son propre sexe qui enflait doucement de sang et de désir cherchait son chemin à travers l'échancrure du vêtement, finissant par se dresser, auréolé de soie noire.

Severus avait fermé les yeux et ne devait percevoir que les mains qui caressaient son corps et la langue qui se glissait entre ses lèvres. Inconscient de son désir lancinant... Ou peut-être pas.

– Ah non ! Pas maintenant ! grogna-t-il. Je suis mort !...

– Pas assez pour te taire, visiblement. Si tu es si fatigué, tu n'es peut-être pas obligé de battre des records de distance dans la piscine tous les matins !

Harry souriait en glissant ses lèvres dans le cou de son amant qui continuait à grogner sans esquisser le moindre geste de réponse. La peau de Severus était encore fraîche mais il la sentait frémir sous la pointe de sa langue. Et ses protestations se transformaient peu à peu en ébauche de gémissements. Severus était toujours particulièrement sensible dans le cou...

– Fais ce que tu veux, finit-il par grogner. Mais ne compte pas sur moi pour faire autre chose que l'étoile de mer !

Harry ricana doucement en glissant sur le corps de son amant. Sa langue traçait un chemin humide et fugace, sur le torse entre les deux mamelons, le long de son ventre, dans les creux soyeux près du pli de l'aine... Et Severus frémissait, délicieusement immobile, totalement abandonné à son bon vouloir. Harry aurait pu croire que ce corps lui appartenait... Sans doute Severus s'imaginait-il qu'il allait prendre possession de lui pour satisfaire son désir. Cela faisait longtemps que ce n'était pas arrivé d'ailleurs... Étrangement longtemps.

Mais Harry avait envie d'autre chose. Severus voulait rester passif ? Qu'à cela ne tienne... Il allait se servir de son corps autrement.

Harry descendit encore davantage pour se glisser entre les jambes de son amant. Le maillot de bain s'évapora comme s'il n'avait jamais existé, dévoilant le sexe lourd et languide de Severus. Il en retraça toute la longueur du regard, conscient de la puissance latente qui sommeillait là, attendant de s'éveiller sous ses attentions, jusqu'à ce bout de chair rosée à peine découvert. Sa langue vint jouer là, sur ce gland si sensible, insistant sur la fente qui le partageait en deux, s'enroulant tout autour jusqu'à ce qu'il soit totalement mis à jour.

Les gémissements de Severus devinrent halètements, et son sexe s'érigea lentement, noble et majestueux, symbole de puissance s'il en était, tandis que Harry continuait de le lécher et de le caresser de sa langue.

Severus disait n'avoir pas envie, mais Severus bandait comme un forcené. Dans son ventre, Harry pouvait sentir danser le feu brûlant du désir. Bientôt ce sexe le pénétrerait, lentement, inexorablement, il serait en lui, enfoui au plus profond de lui, au plus profond de son ventre, comme s'il pouvait éteindre ce feu qui ravageait ses entrailles.

Il murmura un sortilège de lubrification et, posant ses mains sur le torse de son amant, se souleva légèrement pour amener l'entrée de son propre corps à portée de ce sexe. La largeur de Severus paraissait infinie, insurmontable. Harry ferma les yeux pour mieux ressentir. La brûlure du désir dans son ventre. La pression pour entrer dans son corps. L'écartèlement lent de ses chairs. Le plaisir douloureux et la douleur délicieuse.

Severus n'en finissait plus de gémir à mesure qu'il s'empalait sur son sexe. Toujours plus loin, toujours plus profond, jusqu'à ce que Harry soit complètement assis sur le bas-ventre de Severus avec son sexe à l'intérieur de lui. Merlin ! Qu'il était imposant !

Prenant appui sur le torse de son amant, Harry releva lentement son bassin, savourant le soulagement dans son ventre, avant de s'abaisser à nouveau jusqu'à ce que Severus soit totalement enfoui en lui. Puis une fois encore. Et encore...

La brûlure dans son ventre avait migré entre ses fesses, écartelées par les mains de Severus qui cherchait à le pénétrer toujours plus profondément. Il ne voulait pas participer mais le désir était tel qu'il soulevait ses hanches en rythme pour venir à sa rencontre. Et il gémissait tant et plus que ce simple son aurait pu le faire jouir.

Harry avait autant de contrôle que si c'était lui qui baisait Severus, mais la sensation était toute différente. Il maîtrisait la cadence, la profondeur, la montée du plaisir, il maîtrisait aussi sa douleur, étrangement plus lente et plus intense que lorsque Severus le prenait sans ménagement. Mais le plaisir... Merlin ! Ce plaisir !

Il défit fébrilement la ceinture qui retenait les pans du kimono à demi fermés et prit les mains de Severus pour les poser sur son corps. Et les mains s'éparpillèrent pour caresser son ventre, saisir ses hanches et l'accompagner dans ses mouvements, empoigner son sexe dressé qui dansait au rythme auquel il se redressait pour s'enfoncer à nouveau sur le sexe de Severus. Harry renversa la tête en arrière pour gémir sous le plaisir.

Les muscles de ses cuisses, tendus sous l'effort, le brûlaient autant que l'impatience et la passion dans son ventre, autant que son dos cambré à l'extrême pour s'appuyer en arrière sur les jambes de Severus, autant que son besoin de jouir.

Et il allait jouir. Sous la main de Severus qui s'agrippait si fermement à son érection. Sous le sexe de Severus qui s'enfonçait si profondément en lui. Il allait jouir...

Mais quelque chose avait changé et Harry se redressa brusquement en ralentissant le rythme. Il ouvrit les yeux, tous ses sens en alerte. Là. Dans l'encadrement de la porte-fenêtre. Lucius...

– Viens ! gémit Severus arc-bouté dans son désir, les hanches soulevées pour le pénétrer plus avant. Je t'en prie... Viens encore !

Harry abaissa machinalement son bassin, une fois, deux fois, pour satisfaire Severus. Mais là ! Lucius les contemplait, immobile, appuyé contre le mur... Depuis combien de temps ?

– Encore..., supplia Severus.

Harry ne pouvait détacher son regard de ces yeux gris, insondables, si intenses. Lucius ne semblait pas désireux de les rejoindre, mais il regardait. Il les regardait faire l'amour, si intimement perdus dans le désir et le plaisir. Et le propre désir de l'aristocrate déformait son pantalon.

Un mouvement de bassin de Severus rappela Harry à son propre plaisir et il ferma brièvement les yeux.

– Encore..., supplia son amant.

Harry reprit ses mouvements, se relevant et s'empalant lentement sur le sexe de Severus, conscient du regard de Lucius sur eux. Mais il ne pouvait pas s'arrêter si près du plaisir... Il avait trop besoin d'être soulagé et d'éteindre le feu dans son ventre que la présence de l'aristocrate et le ralentissement de son rythme avait rallumé.

Lucius voulait voir ? Il allait voir. Il allait les voir jouir, tous les deux ensemble. Il allait les voir ravagés par le plaisir. Et il allait ressentir lui aussi.

Harry tendit lentement sa magie vers l'aristocrate, s'infiltrant peu à peu dans son corps, vers son désir, vers son bas-ventre. Il vit Lucius sursauter lorsqu'il prit conscience de la présence insidieuse de sa magie. Leurs regards se croisèrent, aussi incandescents l'un que l'autre. Lucius avait déjà ressenti le contact de sa magie, mais jamais . Jamais aussi intimement. Et il se laissait faire...

Harry baissait ses cuisses, se redressait, encore et encore, maîtrisant la montée du plaisir. Il avait posé une main aux arabesques vertes sur la main de Severus, toujours rivée à son sexe, pour en ralentir le rythme. Son amant gémissait à en perdre la tête, ivre de désir, mais Harry voulait leur jouissance à tous les trois en même temps.

S'obligeant à rouvrir les yeux pour l'observer, il fit jouer sa magie dans le corps de Lucius, caressa chaque organe de plaisir, chaque nerf qui le faisait réagir, allumant un feu brûlant partout où la magie pouvait s'infiltrer. Lucius était figé, blême et empourpré en même temps, légèrement courbé, et retenant visiblement sa main d'aller toucher son propre sexe. Retenant son souffle également. Son regard rivé sur leurs corps en sueur.

Harry était tellement concentré sur le plaisir de Lucius qu'il franchit le point de non-retour sans même s'en apercevoir. Et la jouissance monta inexorablement en puissance, immense, renversante. Sous la contraction autour de son sexe, Severus se cambra en atteignant l'orgasme. Là-bas, Lucius blanchit d'un seul coup en fermant les yeux. Et la jouissance recouvrit le monde d'un grand voile blanc ponctué d'étoiles.

.

oooooo

.

Le soir venu, après le dîner sous la tonnelle au son des cigales, ils s'installèrent au salon pour regarder un film. Une histoire romantique et tendre, douce à regarder mais dont l'émotion ne parvint pas à maintenir Severus éveillé. Il s'était allongé entre eux deux, sur le canapé, sa tête sur les cuisses de Lucius et ses pieds sur celles de Harry. Aussi détendu qu'il pouvait l'être en dehors du Manoir. Ici, il était le lien entre eux, mais aussi la séparation.

À présent il avait les yeux clos, le visage tourné vers le ventre de Lucius et sa poitrine se soulevait à un rythme lent et régulier. Severus serait le premier levé demain matin, mais il n'était décidément pas du soir. Et certainement pas ainsi installé entre les deux hommes qu'il aimait, comme dans un cocon douillet. La fatigue l'emportait.

Ils n'avaient pas reparlé de ce qui s'était passé le matin même. Il n'y avait rien à en dire de toute façon : Severus n'avait même pas eu conscience de la présence de Lucius. Il avait simplement remarqué que les mains de Harry avaient retrouvé un temps leurs dessins émeraudes, signe qu'il avait utilisé sa magie, mais l'orgasme avait été si fabuleux qu'il n'avait posé aucune question.

Il avait fallu un moment pour que Harry ait assez de courage pour se lever et monter prendre une douche, mais Lucius avait disparu depuis longtemps. Il était redescendu bien plus tard, frais et habillé de propre, souriant en voyant Severus endormi sur le canapé sous la tonnelle. Mais à le voir maintenant sommeiller sur les cuisses de son compagnon, cette sieste n'avait pas été suffisante.

Et lorsque Harry était redescendu à son tour, la première fois que son regard avait à nouveau croisé celui de l'aristocrate, il avait frémi des pieds à la tête. Dans les yeux gris orage de Lucius, il avait vu une intensité nouvelle, bien au-delà du désir ou de la convoitise.

.

Tandis que l'histoire arrivait peu à peu à son terme sur l'écran, Lucius semblait avoir oublié le film qu'ils regardaient. Ses yeux étaient baissés sur ses cuisses et sur le visage de son compagnon et il paraissait perdu dans sa contemplation. Dans les cheveux de Severus, sa main errait en caressant tantôt les mèches sombres, tantôt les mèches blanches près de ses tempes, se hasardant parfois à retracer ses sourcils ou la ligne de ses pommettes.

Harry ne pouvait s'empêcher d'observer ces gestes, lents, doux et si intimes. Plus intimes quelque part que lorsque Lucius l'avait vu faire l'amour avec Severus le matin même. Ces gestes-là étaient pleins de tendresse, celle qui révèle l'amour mieux que des mots. Celle que Lucius ne montrait jamais.

En public, les deux hommes étaient distants; en famille, ils se rapprochaient un peu; devant lui, ils exprimaient leur désir, leur possessivité. Mais la tendresse et l'amour étaient bien mieux cachés. Presque tabous.

Harry avait pourtant vu une fois Lucius avec ce même regard, un soir, dans le Petit Salon du Manoir. Un regard éperdu qui l'avait lui-même attendri. Mais Severus jamais. Severus cachait son jeu sous des dehors durs et austères. Severus ne montrait aucun besoin, aucune fragilité. Pas à lui en tout cas. Et Severus ne lui donnait de la tendresse que parce que Harry le bousculait pour en obtenir. Severus était peut-être le plus secret d'eux trois... Le plus pudique.

Et finalement Lucius, l'aristocrate élégant et hautain, le mondain plein de suffisance, le sang-pur arrogant et fier, l'homme politique autoritaire, celui-là même que tout le monde craignait et respectait... Lucius était un homme épris dont les gestes montraient une tendresse que nul n'aurait soupçonnée.

À cet instant précis, l'attitude de Lucius transpirait d'amour, d'attachement, de révérence, presque de dévotion. Lucius aimait Severus au-delà de tout. Au-delà de sa possessivité, de sa propre jalousie, il avait admis Harry dans leur vie. Il avait voulu s'effacer, même disparaître pour que Severus puisse aimer celui qu'il voulait. Il avait toléré son comportement indicible sans protester. Et même maintenant que la situation était plus stable, Lucius était sans doute prêt à tout pour le bonheur de son compagnon... Le seul, l'unique point faible de Lucius, c'était Severus...

.

Lucius avait tourné la tête vers lui sans qu'il ne s'en rende compte et ce fut son sourire tranquille qui tira Harry de ses pensées. Lucius savait qu'il avait été observé; il ne s'était pas caché, il ne se cachait pas davantage maintenant. Il n'éprouvait simplement pas le besoin de camoufler cet amour derrière une façade d'indifférence qui n'aurait de toute façon pas trompé Harry. Et dans le regard de l'aristocrate, il lisait la même certitude tranquille et cette envie de tout partager avec lui.

Cela, peut-être, était nouveau depuis ce matin... Depuis que Lucius les avait vus en train de faire l'amour. Cette affirmation dans son regard que Harry faisait partie d'eux, partie de leur couple... Il aurait pu se sentir de trop en étant témoin des gestes de tendresse de Lucius, il aurait pu se sentir indiscret, spectateur de sentiments trop privés pour être vus... Mais le regard de Lucius disait autre chose, il disait qu'il n'était pas contre eux, mais avec eux; qu'il ne s'insinuait pas entre leur couple, mais qu'il l'agrandissait.

Et lorsque Lucius lui tendit sa main qui ne caressait pas Severus, Harry la prit sans même avoir besoin de réfléchir. Merlin qu'il les aimait tous les deux ! D'une manière complètement différente, mais il les aimait. Et il avait beau réfréner sa magie, il sentait que cet amour s'évadait hors de lui avec une force presque effrayante.

.

.

Harry mit quelques longues minutes avant d'apaiser la magie qui filtrait hors de lui, le temps que les arabesques sur ses mains ne s'effacent et que Lucius ne retrouve un souffle plus tranquille. Même Severus dans son sommeil avait frémi et gémi sous cette vague de sentiments.

L'écran de la télévision était sombre depuis un bon moment, sans que ni l'un ni l'autre ne sache à quel moment le film s'était terminé, et au-delà de la baie vitrée, la nuit était noire, sans lune, opaque. Il était assurément bien tard.

Lucius éteignit les différents appareils à l'aide d'une télécommande puis se tourna vers lui. Harry prit à nouveau sa main et les fit transplaner tous les trois dans leur chambre. Sur leur lit.

Il regarda autour de lui, les boiseries patinées par le temps, les draps gris perle et le dais argenté... Il était venu là, une nuit, quelques mois plus tôt; une nuit de migraine pour soulager Severus. Et aujourd'hui Severus, perdu dans son sommeil, dont les jambes étaient toujours sur ses cuisses et sa tête sur celles de Lucius...

– Il dort de ce côté du lit ?

– De l'autre, sourit Lucius.

Harry se dégagea doucement et partit ouvrir les draps de l'autre côté du lit avant de faire transplaner le corps de Severus. Ces petits détails dont il ne savait rien l'amusaient. L'émouvaient, plutôt. À Torquay, Severus dormait du côté droit du lit; au Manoir, dans la chambre de Lucius, il lui semblait que c'était du côté gauche. Comme ici. Et avec lui, du côté gauche... Les choses étaient rituelles, codifiées. Et il en faisait dorénavant partie.

– Nu ?

– Nu... Depuis que tu lui en as donné l'habitude.

Avec un certain plaisir, Harry fit disparaître les vêtements de son amant, dévoilant sa peau blanche si attirante qu'il effleura du bout des doigts avant de le recouvrir à regret de la couette moelleuse.

.

Lucius s'était levé pour venir le rejoindre, son sourire aussi tendre et lumineux que son regard. Il était là, à quelques centimètres de lui, plein d'attentes et d'espoirs. Et comme dans la chambre à Torquay, Lucius leva les mains vers lui pour caresser ses épaules et son cou. Mais cette fois, il n'avait pas promis qu'il ne se passerait rien.

– Non, Lucius...

– Pourquoi ? gémit l'aristocrate.

– Pas aujourd'hui. Pas ici. Pas ce soir... Mais bientôt.

– Mais pourquoi ?

Harry ne savait pas quoi répondre, tout était confus dans son esprit. Il voulait une première fois où ils seraient seuls, mais il ne pouvait se résoudre à faire ça sous le nez de Severus, en profitant de son sommeil comme des voleurs. Lucius, lui, les voulait tous les deux en même temps, mais il était prêt à céder sur la présence de Severus, du moins au début. Mais ce refus le laissait dans l'incompréhension.

En réalité, Harry ne savait pas trop ce qui le retenait, ce qui l'empêchait de se laisser aller, quitte à réveiller Severus pour qu'il se joigne à eux... Il n'était pas certain de vouloir voir Lucius faire l'amour à Severus... et pourtant il avait vu cela dans l'esprit de l'aristocrate un nombre incalculable de fois et dans toutes les positions possibles et imaginables. Il était tout aussi réticent à ce que Severus lui fasse l'amour devant Lucius, et pourtant, c'est ce qui s'était produit le matin même et la situation l'avait plutôt excité... Alors quoi ? Si c'était lui qui baisait Severus devant l'aristocrate, cela ne changeait pas grand chose...

Mais si Lucius lui faisait l'amour devant Severus... En réalité, c'était cette réaction-là qu'il redoutait. La jalousie de Severus. Sa possessivité. Son ingérence au beau milieu d'un moment qu'il attendait depuis aussi longtemps que l'aristocrate... Il n'était pas sûr que Severus soit prêt.

Harry voulait ce moment-là seul avec Lucius, où il pourrait le découvrir tout son soul, sans craindre, sans appréhender le regard de Severus, un moment long et lent, tranquille, qu'il puisse savourer avant de partager leur temps à trois. Et ce ne serait pas ce soir.

.

Lucius, qui avait senti son mouvement de recul, prit son visage entre ses mains et déposa un baiser près de son œil. Sur sa pommette. Sur son front. Sur son menton. Sur sa joue, si près de ses lèvres...

– Reste avec nous. Même si tu ne veux pas qu'il se passe quoi que ce soit, dors avec nous. C'était à ton tour de dormir avec Severus. C'est notre dernière nuit ici, on rentre demain soir... Reste avec nous.

Harry avait frémi sous les baisers, il frémissait maintenant d'hésitation. Dormir, simplement dormir... comme à Torquay, comme à Paris... Lucius saurait se retenir s'il ne souhaitait pas que cela aille plus loin; il l'avait déjà prouvé. Mais comment allait réagir Severus en découvrant Harry dans son lit, avec Lucius ? Que penserait-il qu'ils avaient fait dans son dos ? À Torquay, il n'était même pas resté pour profiter d'eux. À peine réveillé, il avait quitté le lit pour s'éloigner, pour aller nager, encore plus longtemps que d'habitude. Harry ne voulait pas prendre le même risque.

– Pas ce soir, Lucius... Nous aurons tout le temps bientôt. Quand Severus sera prêt...

L'aristocrate n'ajouta pas un mot, mais son regard était voilé de déception et de résignation.

– Bientôt, assura Harry en posant ses lèvres dans le cou de Lucius, sous son oreille, dans ce petit endroit qu'il affectionnait tant et qu'il marqua doucement de ses dents. Bientôt...

Puis il transplana sous la tonnelle pour aller dormir sous la caresse du mistral.

.

oooooo

.

À perte de vue s'étendaient des collines arides, sèches, parsemées d'une végétation ramassée sur elle-même, d'une couleur ocre-brun qui lui rappelait la magie de Mayahuel. Dans le creux de la vallée, en revanche, les rangées de cyprès encadraient les plantations d'oliviers, feuillage vert sur argent. Et comme un dais surplombant le tout, un ciel azur, lumineux, presque éblouissant, alors que le soleil se trouvait dans son dos.

La nature n'était pas sa forêt, mais elle était belle et puissante. Merlin, qu'il aimait cet endroit !

– Harry ! fit Lucius d'une voix soulagée. Je te cherchais partout !

L'aristocrate s'approcha à pas plus mesurés à présent qu'il l'avait trouvé et s'arrêta dans son dos à quelques centimètres de lui.

– Je suis là.

Il savait que Lucius le cherchait, il l'avait perçu hésitant à se servir du médaillon pour le faire venir... Et Harry pouvait maintenant sentir ce petit morceau de sa magie qui palpitait dans la poche de l'aristocrate. La magie n'aimait pas être séparée.

Depuis qu'il lui avait donné ce médaillon, juste avant de partir à Torquay, il savait que Lucius ne s'en séparait jamais. Il l'avait constamment sur lui, dans une poche de sa veste, de son pantalon le plus souvent, et il avait pris l'habitude de l'effleurer machinalement, caressant la pierre bleue jusqu'à ce que sa chaleur grandissante ne le rappelle à l'ordre et qu'il cesse brusquement de la toucher de peur d'activer le médaillon. Mais régulièrement, Harry sentait cette caresse sur sa magie qui se répercutait presque physiquement dans son corps et dont Lucius n'avait sans doute pas conscience.

Jamais jusqu'à présent l'aristocrate n'avait utilisé ce pouvoir de le « convoquer » auprès de lui, mais il avait senti parfois son hésitation à le faire, par jeu ou par curiosité, et en particulier maintenant, où Lucius le cherchait depuis un moment. Et il savait trop bien pourquoi.

Harry ferma les yeux et soupira, les bras croisés sur sa poitrine, tandis que Lucius l'enlaçait lentement, tendrement. Il pouvait sentir contre son dos le torse de l'aristocrate, solide, rassurant, contre lequel il s'appuya sans vergogne alors que les bras se resserraient autour de lui. Le visage de Lucius vint se poser sur son épaule, contemplant le même paysage que lui. Mais voyait-il la même chose que lui ? Voyait-il cette nature sèche et sauvage, unique ? Voyait-il ce moment particulier, hors du temps, qui ne se reproduirait plus ? Voyait-il cette échéance qu'il ressentait jusqu'au plus profond de son être ?

Harry avait l'impression que ce départ sonnait comme un glas. Une tranche de vie arrivait à son terme et après, plus rien ne serait pareil. Il aurait voulu prolonger ce moment, indéfiniment, rester là tous les trois, à n'exister que pour eux, et que rien ne s'arrête. Il avait eu cette même sensation que lorsqu'il avait quitté définitivement Beauxbâtons et l'Europe, cette déchirure irrémédiable qui ne pouvait pas connaître de retour en arrière. Comme lorsqu'il avait quitté le Sarawak pour traverser l'océan, laissant derrière lui un pan de sa vie, des hommes, des femmes qui l'appréciaient, qui comptaient sur lui, des enfants qui l'avaient toujours connu. Toute sa vie, il était parti en laissant des gens derrière lui. Parce que son temps était arrivé à échéance.

Aujourd'hui, il ne laissait personne derrière lui; il quittait simplement la Provence pour retourner au Manoir avec Severus et Lucius. Mais cette impression de la fin d'un cycle était la même. Il quittait un monde connu, familier, codifié, pour autre chose qu'il ne maîtrisait pas encore et c'était comme un deuil à faire.

Là-bas, il savait qu'il allait rapidement céder à Lucius; il le désirait, même, depuis longtemps. Mais les choses allaient changer et il allait falloir tout réinventer. Apprivoiser cette nouvelle situation à trois, les souhaits de l'un, les attentes de l'autre, ce qu'il allait pouvoir donner ou pas... ce dont il aurait besoin...

À chaque fois qu'il était parti, l'excitation de la découverte, l'effervescence l'avaient emporté sur l'inquiétude du changement. Il avait été joyeux, le cœur léger, impatient, avide... Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui il redoutait ce changement... parce qu'il ne voulait rien perdre de ce qu'il avait maintenant.

– Je n'ai pas très envie de partir, avoua-t-il.

– Nous reviendrons, promit Lucius en le serrant un peu plus contre lui. Bientôt. Aussi souvent que tu voudras. Nous reviendrons tous les trois.

Sans doute ils reviendraient. Différents. Ensemble mais de quelle manière ? Allait-il dormir alternativement une nuit avec Lucius et une nuit avec Severus, ou bien tous les trois ensemble ? Aurait-il encore des moments privilégiés avec l'un et avec l'autre, ou bien seraient-ils toujours tous les trois ensemble ? Est-ce que cela sonnait le glas d'une certaine intimité que Harry revendiquait ? De sa complicité particulière avec l'aristocrate ? De son besoin éperdu de Severus ? Est-ce que ce serait mieux que la situation actuelle ?

Différent, assurément. Mais jamais il ne supporterait que ce soit moins bien.

Les bras autour de lui l'enserraient plus fermement encore, et Harry rouvrit les yeux en percevant les lèvres de Lucius sur sa tempe. La lumière était éblouissante. Il en aurait chancelé si son étreinte puissante ne l'avait pas retenu. En réalité, il n'y avait pas deux bras autour de lui, mais quatre. Et Severus qui les enlaçait tous les deux posa ses lèvres sur les siennes.

.


Merci à tous d'être encore là et bienvenue aux nouveaux qui nous rejoignent en cours de route. N'hésitez pas à laisser un avis ou un petit commentaire...

J'espère que ce chapitre un peu plus moelleux que les autres vous a fait du bien... La semaine prochaine, le retour à la vraie vie après les vacances, un stage de potions avec Matthieu, et Lucius et Harry se cherchent encore...

Au plaisir

La vieille aux chats