En guise de résumé, je vous remets la fin du chapitre précédent, même si je me doute que la plupart d'entre vous s'en souviennent très bien! ^^

Mais comme vous allez le voir, l'attente valait le coup! Du moins, je l'espère ;) Bonne lecture...

à Elnath: Merci d'avoir rejoint cette histoire, j'espère que tu continueras à apprécier jusqu'à la fin :)


Lorsque la magie s'agita, Harry était près de la table de travail de James, en train d'expliquer à Deirdre et un autre stagiaire les différents usages du poisson-ciguë. La sensation était hésitante, floue et il mit un instant à la reconnaître, s'interrompant bouche bée au milieu d'une phrase pour se concentrer... Le médaillon qu'il avait confié à Lucius ! Que se passait-il ?

Cette impression de caresse dans son corps même, l'appel qu'il sentait, cette nécessité de rejoindre ce morceau de sa magie, enfermé si loin de lui... Ce ne pouvait être que Lucius. Il avait récupéré l'autre médaillon qu'il avait confié à Sam pendant ses vacances.

– Deirdre, je dois... je dois partir. Surveille... les gamins.

Harry se tendit vers la sensation, vers cette partie de lui, mais elle était loin, si loin... Comment était-il même possible qu'elle soit si loin ? Par delà un océan... et même si loin du monde magique ordinaire... Une bouffée d'angoisse l'étreignit violemment. Que se passait-il pour que Lucius ait besoin de lui, si loin de tout qu'il peinait à le localiser de manière précise ?!

Harry perçut vaguement les murmures autour de lui. Sans doute son image devait être en train de se dédoubler ou d'onduler, mais il se fichait de ce qui se passait là. Il voulait atteindre Lucius, où qu'il soit, Lucius qui l'appelait, qui avait besoin de lui. Pour lui-même ? Pour Severus ? Pour quel problème ?

Tandis que la sensation se faisait lentement plus précise, Harry se surpris à trembler. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas connu la peur. Et aujourd'hui, il frissonnait d'appréhension, de crainte à l'idée de ce qu'il allait trouver et d'une inquiétude épouvantée pour Lucius et Severus. Pourquoi avait-il tant de mal à rejoindre le médaillon ? Ce n'était pas logique. Ce n'était pas normal. Où était Lucius ?!

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Quand il parvint enfin à transplaner, la transition entre l'ici et l'ailleurs fut longue, étonnamment longue, et la sensation d'écrasement bien plus intense qu'à l'ordinaire. Harry arriva juste à côté de Lucius, lui tourna aussitôt le dos pour guetter les alentours et se ramassa sur lui-même, prêt à se défendre, tandis que sa magie enflait brutalement dans un grand souffle pour créer une bulle de protection autour d'eux.

Une bulle si impénétrable qu'il n'entendait plus aucun bruit, ni ne percevait aucun mouvement. Le moindre son était filtré par la magie et tenu à l'extérieur de sa zone de défense. Le réflexe avait été instinctif : se méfier du danger.

D'un regard lent qui fouillait les fourrés et l'obscurité des arbres, Harry étudiait les lieux autour de lui : une forêt dense, luxuriante, la chaleur et l'humidité d'une jungle foisonnante d'animaux dont plus aucun n'osait approcher. Presque sa forêt.

Derrière lui, Lucius se racla la gorge d'une manière un peu gênée à laquelle il ne prêta pas attention. L'aristocrate allait bien, il le savait. Sa magie l'avait traversé des pieds à la tête avant de s'enrouler autour d'eux pour les protéger, et il n'avait rien. Il n'était pas blessé, ni malade, pas plus que Severus qui n'était même pas là. Le seul sentiment qu'il dégageait était une gêne un peu confuse.

Quand son sentiment de danger fut complètement écarté, Harry se redressa, brusquement conscient de la tension dans tout son corps, et se tourna vers Lucius qui l'observait avec un sourire mi-amusé, mi-coupable. Par réflexe encore, il prit l'aristocrate dans ses bras, dans une étreinte puissante à la mesure de l'angoisse qu'il avait ressentie et de son soulagement, avant de le relâcher lentement.

– Vous m'avez fait peur. Qu'est-ce qui s'est passé ?

Dans la bulle de silence que la magie maintenait autour d'eux, sa voix résonnait étrangement, plus vibrante et tendue qu'il ne l'aurait souhaité.

– Harry, je suis désolé, fit Lucius avec un geste d'excuse. Je sais bien que je t'avais promis de ne pas utiliser le médaillon pour rien mais... C'est idiot... Mais la magie de cet endroit me dépasse et...

Entendre Lucius s'excuser et presque bafouiller dans la même phrase était en soit plus surprenant que tout le reste.

– Qu'est-ce qui s'est passé ?

– Je... j'étais dans le Petit Salon quand j'ai entendu un bruit : j'ai cru que tu étais rentré et la porte de ton « bureau » était entrouverte... Seulement, quand je ne t'ai pas vu à l'intérieur, j'ai fait quelques pas sur un des sentiers qui s'enfonçait entre les arbres, et... C'est idiot, mais quand j'ai voulu faire demi-tour, il m'était impossible de reconnaître le chemin. Et plus j'allais dans la direction que me paraissait probable, plus la forêt s'épaississait, et... Bref. Ce n'était pas logique s'il n'y avait pas quelque chose de magique là-dessous. Ça fait bien deux heures que j'essaye tous les sortilèges que je connais, mais ma magie ne semble pas très efficace ici. J'ai fini par me résoudre à t'appeler...

Harry finit par éclater de rire devant la moue contrite de Lucius. Cela faisait sans doute bien plus de deux heures que l'aristocrate devait tourner en rond dans la forêt ! Mais l'aveu de son impuissance avait quelque chose de touchant qui souleva une vague de tendresse dans son ventre. Posant une main compatissante sur le bras de Lucius, Harry rappela sa magie en lui, complètement rassuré.

Aussitôt, la forêt parut revenir à la vie, les bruits, les sons, les chants des oiseaux, les cris des singes, le feulement d'un animal un peu plus gros mais lointain, le bruissement des arbres et les crissements de tous les insectes invisibles à leurs yeux. L'odeur revint aussi : riche, chaude et humide, le parfum discret des fleurs et celui plus lourd des plantes en décomposition dans l'humus qui couvrait les creux du sol. Harry ferma les yeux une seconde pour s'imprégner de cet univers. C'était bon d'être ici !

– Peut-être que tu vas pouvoir me dire où nous sommes, maintenant que tu as fini de ricaner.

Harry rouvrit les yeux sur la grimace contrariée de Lucius et sourit. Tout s'expliquait maintenant : la difficulté à le rejoindre, la distance et la faiblesse du signal... Il était même étonnant que l'appel de Lucius ait pu le toucher. Et il ne voulait surtout pas penser à ce qui se serait produit dans le cas contraire.

Harry regarda à nouveau autour de lui pour chercher le début d'un sentier et fit signe à Lucius de le suivre.

– Nous sommes... quelque part dans les ombres. Ce que vous appelez mon « bureau », fit Harry en souriant, c'est un petit morceau de la forêt que j'ai ramené vers le Manoir. Et en suivant le bon chemin entre les ombres, on accède à la vraie... C'est une espèce de passage entre la forêt où j'ai vécu et le Manoir. Comme si l'espace était plissé pour rapprocher les deux endroits...

– J'ai du mal à croire que le Manoir soit si près et que je n'ai simplement pas retrouvé le bon chemin, bougonna Lucius derrière lui.

– Ce n'est pas aussi simple que cela. Si vous laissez les ombres vous guider, elles vous mèneront à votre perte. Il faut les obliger, les plier à votre volonté pour qu'elles vous amènent où vous le souhaitez...

D'ailleurs, cette plante n'existait pas dans sa forêt à lui, et Harry bifurqua vers la droite. Ces fleurs, en revanche, étaient typiques de sa région.

– … Mais c'est une magie qui n'est pas accessible aux sorciers... Aux créatures comme Maya, oui. Aux vampires, aux elfes de maison dans une moindre mesure...

Harry leva la tête pour observer les frondaisons des arbres et la lumière qui filtrait au travers. Ils n'étaient pas très loin.

– Et toi, quelle créature es-tu donc, dans tout cela ? railla Lucius.

Harry se retourna brusquement, et son regard tomba dans les yeux gris lumineux de l'aristocrate.

– Une créature de perdition, assurément ! fit-il avec un sourire gourmand.

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oooooo

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– Nous y sommes. Regardez...

Au détour d'un rocher insignifiant, une trouée dans la végétation surgit brusquement. D'abord simple manque d'arbres et de fougères, un gouffre naturel creusé dans la roche se dévoila lentement à mesure qu'ils s'approchaient, partiellement recouvert d'un dôme de pierres. Une cavité, comme un affaissement d'une partie du sol de la forêt, mais une cavité bleue, remplie d'une eau si claire et si limpide qu'elle paraissait lumineuse.

À quelques pas d'eux, une courte volée de marches taillées à même la roche descendaient vers cette piscine naturelle, tandis qu'un peu plus loin, les lianes et les racines des arbres plongeaient directement dans l'eau cristalline. Au fond, sous le couvert de l'arche massive de calcaire partiellement effondrée, des stalactites pendaient du toit de cette caverne qui s'enfonçait sous terre plus loin que la vue ne parvenait à le distinguer.

Lucius s'approcha du bord de la source d'eau douce, fasciné par ce bleu miroitant qui dansait sous ses yeux et que les rayons du soleil éclairaient par endroit de turquoise ou de vert émeraude.

– C'est magnifique... Où...

Il tourna un regard interrogateur vers Harry qui finissait de se dévêtir, comme si c'était la chose la plus naturelle à faire ici.

– Où sommes-nous ? C'est un vrai endroit ou c'est encore ce que tu appelles une « ombre » ?

– C'est un vrai endroit, fit Harry en souriant tout en faisant glisser son boxer au sol. Nous sommes au Mexique, péninsule du Yucatán, quelque part dans la forêt, à quelques dizaines de kilomètres de là où je vivais... Vous venez ? Elle est un peu fraîche par rapport à la piscine du Manoir mais on s'habitue vite.

Le regard de Lucius n'eut pas le temps de s'attarder longtemps sur le corps nu qui lui faisait face, que Harry avait déjà plongé dans l'eau émeraude à quelques mètres en contrebas. Au bout de quelques secondes, il regagna la surface, radieux, et passa sa main sur son visage et dans ses cheveux pour en chasser l'eau.

– Allez, venez ! Je suis sûr que vous mourrez de chaud avec votre chemise et votre veste !

Lucius avait chaud, oui, mais ce n'était pas seulement dû à la chaleur caniculaire et humide de la jungle. Il se sentait... étrange, un peu sidéré, émerveillé par le lieu et si dépaysé par la situation... Est-ce qu'il allait vraiment faire ce qu'il croyait ? Et en même temps, rejoindre Harry, là, maintenant, dans cette tenue et dans cet endroit, était plus qu'attrayant. Comme une occasion à ne pas laisser passer.

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Harry regardait Lucius hésiter, au bord du cénote et quelques mètres au-dessus de lui. Mais quelque chose lui disait que l'aristocrate allait finir par se laisser convaincre. Malgré sa distinction et son raffinement. Malgré l'étrangeté de l'endroit et sa simplicité. Est-ce qu'il sentait, comme lui, que c'était le moment ? Le moment juste... Et le lieu. Autrefois, ce cénote était sacré pour les indiens. Une porte ouverte sur l'inframonde, endroit de cérémonies et de rituels, d'offrandes et de prières. Aujourd'hui, Harry allait offrir autre chose à Lucius : son corps. Et ses lèvres.

Lentement, il vit Lucius quitter sa veste, puis déboutonner sa chemise, dévoilant cette peau blanche qu'il avait caressée dans les jardins du Manoir deux jours auparavant. Et même léchée. L'aristocrate avait une peau parsemée de taches de sons très claires, la faisant paraître moins laiteuse que celle de Severus, mais tout aussi douce. Et qu'il lui tardait d'avoir à nouveau sous les mains.

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Là-haut, Lucius n'en finissait plus de se déshabiller tandis que Harry se maintenait à la surface en nageant doucement. L'eau était fraîche, mais pas assez pour être désagréable. Et il avait ainsi le temps de détailler l'aristocrate à loisirs; aussi bien son corps, plus rempli et plus alléchant qu'il y a quelques mois, que son regard gris si particulier.

Quand enfin Lucius ne fut plus vêtu que de son boxer, il descendit prudemment les quelques marches grossièrement taillées dans la roche. Sur la peau blanche, le tissu sombre semblait une anomalie choquante, presque une hérésie, que Harry avait hâte de retirer ou de faire disparaître. Pour avoir vu Lucius nu quelques fois, il savait ce qui se cachait dessous : cette peau glabre et douce, ce sexe moins épais que celui de Severus mais dont la longueur le laissait vaguement inquiet, et ce qui se nichait entre les fesses de l'aristocrate et qui ne lui serait sans doute jamais accessible.

Perdu dans ses ravissantes pensées, Harry ne réalisa même pas que Lucius avait plongé avant de sentir sur son visage des éclaboussures d'eau. Il sentit des mains se promener sur lui, remontant lentement le long de son corps jusqu'à ce que l'aristocrate n'émerge contre lui, l'enlaçant aussitôt.

Souriant, Harry posa à son tour ses mains sur le corps de Lucius, parcourant ses reins, son dos, ses bras, avant de venir s'enrouler autour de ses épaules et de sa nuque. Les yeux gris le fixaient, attentifs et solennels. Si lumineux qu'ils en paraissaient argentés.

Ils bougeaient à peine, se contentant de quelques mouvements de jambes pour se maintenir à la surface. Contre son corps, et malgré la fraîcheur de l'eau, Harry pouvait sentir la chaleur de l'aristocrate, la fermeté de son torse, le tissu qui cachait encore son entrejambe et les bras plaqués autour de sa taille qui lui faisaient creuser les reins. Et à l'intérieur de son corps, comme un feu d'artifice enfin libéré, dansaient des crépitements, des frissons, des vagues de désir et des courants électriques qui lui donnaient l'impression d'un brasier.

Harry parcourut du regard le visage de Lucius, les quelques rides qui le marquaient, les longs cheveux blonds ruisselants, le front altier, cette bouche aux lèvres fines qui savait être si autoritaire, ce nez droit, aristocratique, pour revenir vers ces yeux gris qui n'avaient pas cillé, presque hypnotiques.

Enfin, il approcha ses lèvres de celles de Lucius, d'abord légères, puis plus appuyées, sur cette chair si douce qui s'ouvrait spontanément pour venir l'embrasser à son tour, et leurs langues se mêlèrent, enfin, dansantes, virevoltantes, d'une bouche à l'autre, et leurs lèvres s'emprisonnaient chacune leur tour, et ses dents venaient retenir la lèvre de Lucius pour plonger à nouveau sa langue dans sa bouche, dans un tumulte désordonné, de plus en plus fiévreux, tandis que leurs mains s'égaraient, pressant sa nuque, glissant jusqu'à ses reins, puis ses fesses, leurs corps se pressant l'un contre l'autre, et leurs bouches se pressant l'une contre l'autre, et leurs langues valsant l'une avec l'autre, et sa main dans les cheveux de Lucius, puis ses ongles sur son dos, laissant une trace vermeille qui ferait sourire Severus, et les mains de Lucius sur lui, sur ses tétons, le faisant gémir sans retenue, puis sur son sexe, qui n'avait pas besoin de ça pour être déjà tendu et dressé, et ses lèvres, fiévreuses, qui quittaient sa bouche pour aller découvrir et mordiller son cou, et sa bouche, près de l'oreille, dans ce creux qu'il aimait tant, laissant une autre trace vermeille, et la main impatiente de Lucius, qui venait saisir son visage, pour le redresser, et lui faire face, et l'embrasser encore...

Sans même l'avoir réfléchi, sa magie seule agissant spontanément, Harry les fit transplaner dans sa maison, celle de la forêt, à quelques kilomètres de là, les laissant secs et allongés sur le lit, au milieu des draps rapidement défaits par leurs mouvements. Lucius était sous lui, mais rapidement il fut au-dessus, goûtant avidement le corps que Harry lui offrait, son torse, son cou, ses lèvres, son ventre, ses tétons, sa bouche, caressant de ses mains ce que sa langue ne caressait pas, assoiffé de ce qu'il avait trop longtemps désiré et affamé de plaisir.

Harry se laissa caresser à loisirs, tendu, vibrant, soulevé vers ces mains ou cette bouche qui le chérissaient si bien, gémissant sous les attentions divines, puis il retourna lentement Lucius sur le lit, l'immobilisa de tout son poids, plongeant son regard dans les yeux cendrés, assombris par le désir, puis il glissa le long de son corps, parsemant son torse et son ventre de morsures délicates, avant de venir lécher le tissu qui emprisonnait encore le sexe tendu de l'aristocrate, largement déformé par son érection, et sa langue se promena sur toute cette longueur captive, vibrante, finit par se glisser sous le rebord du sous-vêtement, effleurant une chair tendre, déjà parfumée d'une goutte de sperme, et qui tressaillit sous le contact.

Le boxer disparut et la verge de Lucius se redressa, droite, fière d'être libre, frémissante d'impatience à la moindre caresse de ses lèvres, et quand Harry enroula sa langue autour d'elle, elle suffoqua en un gémissement étouffé, tandis que la main de Lucius venait accompagner le mouvement de sa tête, insistante, et ce sexe dans sa bouche, plus long que tout ce qu'il pourrait jamais prendre, sa langue qui jouait, qui caressait, s'attardant sur les reliefs, sur les rebords, sur la fente, puis qui s'effaçait pour simplement sucer, longuement, goulûment, aussi goulûment qu'il avait embrassé Lucius, tandis que sa main caressait la peau douce autour de ce sexe, puis s'enroulait autour de la partie qu'il n'avait pas dans la bouche, et la main de Lucius, fourrageait dans ses cheveux, jusqu'à ce qu'il s'y agrippe pour lui faire relever la tête.

– Tourne-toi, ordonna-t-il.

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oooooo

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Le souffle court et les yeux clos, Harry souriait, sans doute bêtement, mais qu'importe. Lucius se souleva et se dégagea lentement, avant de se rallonger à côté de lui, sur le dos, mais sa jambe encore entremêlée aux siennes. Harry se tourna sur le côté pour l'observer, amusé, puis s'empressa de se lover contre l'aristocrate, comme il le faisait avec Severus après l'amour. Il aimait la tendresse après le sexe, cette façon de prolonger l'étreinte, il n'en avait pas honte et ne comptait pas s'en priver.

Le bras de Lucius, enroulé autour de lui, ferme et possessif, lui rappelait celui de Severus et Harry ne pouvait s'empêcher de comparer les deux hommes. Leur façon d'embrasser, leur façon de le caresser, de le prendre, de lui faire l'amour... Ils étaient semblables sur bien des points : fougueux, passionnés, et le sexe avec eux était intense. Mais là où Severus se montrait son égal – peut-être parce que leurs rôles étaient parfois inversés, peut-être parce qu'ils se connaissaient mieux et que les choses se faisaient d'un accord tacite –, Lucius était lui plus directif. Autoritaire, si le mot n'avait pas été trop fort pour la situation.

L'aristocrate n'avait pas hésité à ordonner, à exiger, à prendre ce qu'il désirait, sa bouche ou son cul, de la façon qui lui convenait. Harry gloussa silencieusement contre le torse de Lucius. Il avait presque l'impression que l'aristocrate avait essayé avec lui toutes les positions qui lui passaient par la tête, comme une façon de tester un nouveau jouet pour voir ce qu'il valait, réclamant qu'il se mette un coup sur le dos, un coup sur le ventre, à quatre pattes, sur le côté ou les fesses au bord du lit, avant de finalement venir sur lui en lui remontant largement les jambes, ne le quittant pas des yeux jusqu'à ce que Harry finisse par jouir à en perdre la tête.

Pour autant, Lucius avait toujours été respectueux, directif sans s'imposer, prenant son plaisir de la façon qu'il désirait tout en restant extrêmement attentif à ses réactions, à son ressenti, à son plaisir. À son consentement muet.

Quand Harry avait éjaculé sur son propre ventre et sur le torse de Lucius, il avait fermé les yeux par réflexe, incapable de soutenir le regard de l'aristocrate et de ne pas s'abandonner à la volupté. Comme cette « vraie » première fois où il avait fait l'amour avec Severus dans son bureau, où son amant avait tenu à le regarder droit dans les yeux tandis que le plaisir l'envahissait.

Cette fois encore, il n'avait pas vu le visage de Lucius perdu dans la jouissance, il avait seulement senti sa tension soudaine, sa crispation, tandis qu'il se déversait dans son ventre, aussi loin qu'il le pouvait, aussi loin que Harry le tolérait, avec ce gémissement qui tenait presque du soupir, tellement couvert par ses propres vocalises qu'il l'avait à peine perçu.

Harry gloussa plus franchement contre le torse de Lucius. Il les avait déjà entendus, pourtant, tous les deux, dans leur chambre au Manoir, faisant suffisamment de bruit pour que cela parvienne jusqu'à sa chambre... Est-ce que Lucius avait volontairement amplifié les sons qu'ils produisaient ? Il en était capable. Ou bien était-ce lui qui était trop expressif ? Il s'en fichait au fond; c'était ainsi et les sortilèges de silence n'étaient pas fait pour les chiens lorsque des invités étaient présents au Manoir.

– Qu'est-ce qui te fait rire ainsi ? marmonna Lucius.

– Rien..., sourit Harry. Tout... Ça fait du bien...

Lucius poussa un soupir exaspéré, sans doute en levant les yeux au ciel. Il n'était peut-être pas du genre à discuter après le sexe ? Plutôt du genre à s'endormir tout de suite, épuisé par l'effort ? Après tout il était le plus vieux d'eux trois ! Cette idée fit glousser Harry à nouveau, convaincu que l'aristocrate l'aurait écorché vif s'il avait perçu la moindre de ses pensées. Peut-être qu'il ne pourrait jamais, comme cela arrivait de temps en temps avec Severus, le faire une fois, deux fois, trois fois d'affilée, jusqu'à être complètement rassasié ? Bah, Severus serait là pour satisfaire le reste de ses envies.

Harry promena sa main sur le corps de Lucius, de son torse à son ventre creux, glissant jusqu'à son entrejambe si doux. Le sexe de l'aristocrate, enfin au repos, était alangui sur son ventre et Harry l'effleura doucement, guettant la réaction ou le frémissement.

– Tu n'en as pas eu assez ? grogna Lucius.

– Jamais ! gloussa-t-il tout en retirant sa main, de peur de le vexer.

Comme avec Severus, il faudrait sans doute un long moment à Harry avant de s'estimer repu de ce feu qui l'avait dévoré des semaines durant. Il n'aurait jamais qu'une seule façon de faire l'amour avec Lucius, et ce déséquilibre le gênait un peu, alors qu'il pouvait rendre la pareille à Severus. Et il se doutait déjà que savoir que chaque relation sexuelle avec Lucius se terminerait de la même manière : lui sous les coups de reins de l'aristocrate, lui pèserait malgré tout. Cela finissait souvent ainsi avec Severus également, mais c'était un choix; souvent le sien d'ailleurs, Severus ne lui mettait aucune pression dans ce sens. Harry aimait la pénétration et il l'assumait parfaitement. Mais avec Lucius, il n'était pas question de choix, et au vu de son comportement directif, Harry était plus que certain qu'il serait toujours le passif de l'histoire.

Il lui faudrait s'en accommoder mais Lucius avait d'autres charmes. Son côté autoritaire en était un – qui le faisait fondre – tout comme cette façon de changer souvent de position, pas que Harry y tenait tant, mais ce léger temps mort lui permettait de redescendre un peu pour faire durer le plaisir plus longtemps. Et puis surtout, Lucius avait des gestes érotiques qui le liquéfiaient instantanément. La façon dont ses mains imposaient parfois une position, un mouvement... Ou ce geste après avoir joui tous les deux : Lucius était venu recueillir de deux doigts le sperme que Harry avait éjaculé sur son torse, et sans quitter son regard de ses yeux gris, il avait enfoncé ces doigts dans sa bouche jusqu'à ce que Harry les ait consciencieusement sucés et nettoyés. Il n'avait jamais goûté son propre sperme, il n'aimait pas particulièrement le goût de quelque sperme que ce soit, mais ainsi imposé dans sa bouche par les doigts de Lucius, il aurait pu en sucer et en avaler n'importe quelle quantité. Et le souvenir de ce geste faisait encore frémir le désir dans son ventre.

Son seul regret était qu'à aucun moment, Lucius ne l'ait sucé à son tour. Après en avoir entendu tant de louanges par Severus, il en ressentait une frustration, légère, mais tout de même présente, qui serait sans doute comblée une autre fois. Une autre fois pas si lointaine si Harry en jugeait par l'état de son désir.

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– C'est chez toi ? murmura Lucius.

Les paroles de l'aristocrate le firent redescendre sur terre, légèrement inconfortable à l'idée de ce qui allait suivre.

– Ça l'était. Ce n'est plus qu'une coquille vide.

Lucius avait les yeux grands ouverts, observant attentivement autour de lui. L'espace d'un battement de cœur, Harry eut honte de ce qu'avait été sa vie, de ce que Lucius devait voir à l'aune de la sienne : une cabane misérable de rondins de bois et de feuilles, un lit qui tenait plus de la paillasse au sol, même si Harry avait toujours conservé de vrais draps de coton, l'emplacement protégé destiné à accueillir le feu et l'orifice du toit pour évacuer les fumées, quelques gamelles et ustensiles pour cuisiner, des livres qui étaient restés empilés dans un coin, une lance et une machette près de la porte sans porte qui donnait sur la clairière.

Lui, il voyait autre chose : la simplicité et le dépouillement, la vie nue, sans artifices, les nattes de coton autrefois posées au sol, les odeurs épicées quand il cuisinait du singe ou du serpent, les rires d'Axaya qui emplissaient la pièce et résonnaient même à l'autre bout de la clairière, ses dessins dans le sable ou parfois sur les pages des livres, avec un bâton noirci au feu, les fruits accrochés aux poutres du toit et qui finissaient de mûrir, juste à côté des outres de réserve qu'il allait remplir d'eau douce au cénote tous les deux jours... Rangés dans un coin étaient autrefois ses ingrédients pour les potions, dans de petits sacs de jute ou dans des pots de terre cuite, fermés par un bouchon de cire. Sa malle de l'école, contre le mur, contenait tous ses souvenirs de sa vie passée, mais il ne l'ouvrait jamais; recouverte d'une natte, elle servait le plus souvent de siège à Axaya, qui dormait parfois dessus, quand il n'était pas dans le lit avec lui, ce même lit où était Lucius aujourd'hui, silencieux et attentif.

Harry se décala légèrement pour croiser le regard de l'aristocrate, plus doux qu'il ne l'aurait songé à l'entendre grogner tout à l'heure. Lucius l'observait puis glissa une main sur son visage jusqu'à lui faire lever le menton pour pouvoir l'embrasser, son bras resserrant son étreinte autour de ses reins.

– J'ai vu cet endroit dans tes souvenirs... Comme il était quand tu y vivais. Je sais que tu y as été heureux. Que vous y avez été heureux, tous les deux... N'aie honte de rien.

Harry fronça les sourcils avec un sursaut de surprise. Cela ne faisait pas partie des souvenirs qu'il avait montrés à Lucius.

– Ce jour-là, tu m'as montré bien plus que tu ne le voulais, fit l'aristocrate comme s'il avait deviné ses pensées. Ou bien c'est le fait de m'avoir soigné à l'hôpital qui a fait que j'ai perçu plus que ce que tu souhaitais... Je ne sais pas. Tu dis parfois que nos magies sont en partie liées depuis ce jour-là. C'est peut-être plus vrai que tu ne le crois. Et encore plus aujourd'hui.

– Qu'est-ce que vous avez perçu ?! fit Harry interloqué.

Le sourire que Lucius lui adressa était à croquer.

– Tu vas peut-être cesser de me vouvoyer après ce que nous venons de faire, non ?

D'abord surpris, Harry sourit à son tour et répliqua en gloussant :

– Ça ne va pas être simple ! Et certainement pas spontané ! Mais ça ne répond pas à ma question... qu'est-ce que tu as senti à propos de la magie ?

Étonnant comme le tu passait difficilement, écorchant sa bouche comme une étrangeté presque insolente, incongrue. Il mettrait certainement du temps à s'y habituer.

– Je ne saurais pas l'expliquer, répondit Lucius. Quelque chose comme un lien discret, qui se serait légèrement amplifié parce que nous nous sommes unis d'une autre manière... Une connexion. Et je commence à croire que le désir que je ressentais pour toi n'était pas exempt d'une certaine magie...

– Ressentais ?

– Ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit, Harry, fit Lucius en souriant. Ce n'est pas parce que nous avons enfin couché ensemble que les choses vont s'arrêter là.

– Je suis soulagé de l'entendre, ricana-t-il discrètement.

Mais Lucius avait raison sur le fond : la magie n'était certainement pas étrangère à tout cela. Bien plus que l'aristocrate, qui l'avait pourtant perçu lui aussi, Harry avait senti le lien puissant qui achevait de se mettre en place alors qu'ils faisaient l'amour. Un lien créé à Sainte-Mangouste, fortuitement, et renforcé par les nombreuses fois où Harry avait pris soin de Lucius, par leurs discussions, leur connivence, leur désir, et enfin le sexe. Il n'y avait pas prêté attention à ce moment-là, mais il n'aurait pas été surpris que les tatouages de ses mains se soient illuminés pendant qu'ils faisaient l'amour... Tout comme il commençait à croire que son envie d'emmener Lucius voir le cénote était liée à tout cela : cet endroit sacré et consacré était le lieu idéal pour compléter leur union et bénir le lien entre eux. La magie l'avait déjà lié à Severus lors de la nuit des sept unions, elle le liait maintenant à Lucius d'une autre manière, mais il ne pouvait leur avouer cela.

Toujours est-il que Harry n'était pas rassasié, et si cela se passait comme cette fameuse nuit avec Severus, Lucius allait sans doute lui claquer entre les mains !

Souriant pour lui-même, Harry traçait des lignes courbes sur le torse et le ventre de Lucius, éveillant des frissons sur son passage, puis son doigt se plaça au-dessus du sexe de l'aristocrate et se mit à dessiner en l'air de petits cercles concentriques. Lucius leva brusquement la tête sous la sensation, voyant avec effarement son sexe se gorger peu à peu de sang jusqu'à se dresser fièrement.

– Merlin ! Qu'est-ce que ?

– Sortilège d'attraction, ricana Harry dont la main brillait d'une belle lueur émeraude.

– Il va falloir cesser d'utiliser la magie pendant le sexe, Harry ! fit Lucius avec ce qui ressemblait presque à un gémissement.

Comme pour fuir la magie de sa main, l'aristocrate avait brusquement creusé le bassin, mais son sexe, tendu et turgescent, était à point pour ce que Harry souhaitait.

– Pourquoi donc ? Il me semble qu'en Provence, vous ne vous en êtes pas plaint, quand je vous ai fait jouir alors que vous nous regardiez ! Et vu votre grand âge, il vous faut bien un petit coup de pouce !

Lucius ne s'était même pas aperçu du vouvoiement que Harry avait repris instinctivement, ou du moins, ce n'était pas le plus important... En revanche, il avait bien entendu ses paroles et son regard colérique et offensé valait son pesant d'or ! D'un coup de rein, il se retourna pour plaquer Harry sur le lit et le surplomber de tout son long.

– Espèce de sale gosse ! Tu vas voir si j'ai besoin d'un coup de pouce !

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Cette fois, Lucius n'avait pas joué avec lui comme avant; Harry ne pouvait pas dire non plus que Lucius lui avait fait l'amour. Il l'avait baisé, comme il aimait parfois que Severus le fasse, puissamment et presque violemment. Il avait même eu mal, fuyant sous les coups de reins lorsque Lucius le pénétrait trop profondément. Jusqu'à ce que l'aristocrate s'en aperçoive et qu'il le fasse changer de position tout en modérant ses mouvements. Puis Lucius s'était adouci à nouveau et lui avait véritablement fait l'amour, à genoux, prenant son bassin sur ses cuisses pour le pénétrer tout en le masturbant, et il l'avait fait venir de la plus merveilleuse des manières, de dedans et de dehors en même temps.

À présent, Lucius était derrière lui, allongé sur le côté, et Harry pouvait sentir son corps pressé contre le sien, le bras enroulé autour de son ventre, et surtout le souffle lent et régulier de l'aristocrate sur son épaule, juste au-dessus des lèvres simplement posées sur sa peau. Il lui semblait que Lucius s'était assoupi depuis une dizaine de minutes quand son nez se mit à fourrager doucement sous ses cheveux, contre sa nuque, dans un geste parfaitement attendrissant qu'Axaya avait aussi en se réveillant contre lui.

– Nous sommes au Manoir ? hésita-t-il.

La chambre ne devait pas lui être tout à fait familière : le lit avait des draps verts sombres, et non pas gris, une petite bibliothèque que la sienne n'avait pas, pas plus que le bureau encombré de papiers divers, mais il reconnaissait sans doute le vase chinois sur la cheminée de marbre et les tableaux au mur.

– Oui.

– Ce n'était pas un rêve ?

– Non, ce n'était pas un rêve, Lucius, sourit Harry en posant sa main sur celle de l'aristocrate, abandonnée sur son ventre.

– Avec toi, on ne sait plus quelles sont les frontières entre le rêve, la réalité et la magie...

Lucius frotta à nouveau son nez sur son épaule tandis que leurs doigts s'entremêlaient spontanément. Merlin ! Il ne manquait plus que Severus et le bonheur serait à son comble !

À cette idée, Harry déchanta brusquement. Maintenant que c'était fait, qu'il avait couché avec Lucius, comment Severus allait-il réagir vraiment ? Qu'allait-il dire, qu'allait-il penser ? Était-il même déjà rentré au Manoir et susceptible de débarquer dans la chambre de Harry à n'importe quel moment ?

– Qu'est-ce qu'il va se passer, maintenant, Lucius ? fit-il avec une note d'appréhension dans la voix.

L'aristocrate ne sembla pas le remarquer et, encore perdu dans les brumes du sommeil et de la félicité, il répondit sans réfléchir :

– Ils se marièrent, vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants ? fit-il avant de se reprendre immédiatement. Pardon. C'était malvenu.

– Tout va bien, Lucius. Ce n'est plus... c'est un sujet moins douloureux maintenant.

L'aristocrate embrassa son épaule tout en resserrant ses doigts autour des siens.

– Eh bien... Il va nous falloir apprendre à vivre en harmonie tous les trois... Ça t'inquiète ?

Comment dire ce qui l'inquiétait réellement ? La réaction de Severus, malgré ses promesses, restait une inconnue, et Harry redoutait toutes les premières fois à venir : la première fois que Severus les verrait s'embrasser ou faire l'amour, la première fois qu'il verrait Lucius faire l'amour à Severus, la première fois qu'ils passeraient dans l'antichambre en sa présence... Et puis... comment tout cela allait-il fonctionner maintenant ? Allait-il passer toutes ses nuits avec les deux hommes, dans la chambre de Lucius, comme ils le souhaitaient ? Allait-il encore avoir des moments privilégiés avec chacun d'eux, ou passeraient-ils tout leur temps ensemble ? Tous leurs rapports sexuels ensemble ?

Lentement, Harry observa sa chambre, le petit salon où il avait passé tant de temps avec Severus, la vue sur le jardin et les fontaines qu'il aimait tant, ces fichus tableaux auxquels il s'était habitué et pour lesquels il ressentait maintenant une certaine affection et presque un sentiment d'appartenance... Même cette croûte de Monet, depuis qu'il en avait plaisanté avec Blaise, avait pour lui une importance toute particulière. Quitter cette chambre lui serait difficile, assurément.

– Tout va bien se passer, Harry, fit posément Lucius avec une voix qui exprimait toute sa certitude. Je connais parfaitement Severus et je pense te connaître suffisamment pour n'avoir aucune inquiétude à ce sujet.

Il ne savait pas comment faisait Lucius pour être aussi confiant, mais sa conviction était rassurante. Et au fond il la partageait, à présent. Malgré certaines inquiétudes sur des détails du quotidien, Harry ne pouvait ignorer son sentiment de plénitude. Et il n'était pas dû qu'au sexe et à la satisfaction de son désir. Il ressentait une impression plus générale, que les choses étaient enfin en place, entières, complètes, dans un ordre bien défini. Qu'il avait enfin atteint la situation juste, avec les bonnes personnes, au bon endroit, au bon moment, et que cette situation rejoignait enfin ce qui devait être depuis tant d'années.

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ooOOoo

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– Où sont-ils ? fit Severus en pénétrant dans le Hall d'entrée.

– Monsieur Harry n'est pas encore revenu et Maître Lucius s'est absenté, Monsieur.

– Bien. Sers-moi un thé dans le Petit Salon et préviens-moi quand ils rentreront.

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– Le Maître et Monsieur Harry sont revenus depuis dix minutes, Monsieur.

– Où sont-ils ? dit Severus en fronçant les sourcils.

– Dans la chambre de Monsieur Harry, Monsieur.

– Tous les deux ?

– Oui. Et le Maître dort, Monsieur.

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La porte s'ouvrit sur Severus tandis que Harry enfilait un pull léger. Il sortit sa tête ébouriffée de l'encolure, ajusta le vêtement sur son pantalon et sourit à son amant en tentant de cacher son appréhension. Severus avait refermé la porte derrière lui et s'y était adossé, les deux mains derrière le dos. Son regard noir était inexpressif, figé dans une sorte d'attente qui ne le rassurait pas.

C'était une nouvelle première fois, celle où il revoyait Severus pour la première fois après avoir fait l'amour avec Lucius et il fallait glisser au travers de la meilleure des manières.

– Alors, ça y est ? fit Severus. Vous avez couché ensemble...

Harry n'allait pas nier. Ni minimiser les choses. D'une façon ou d'une autre, Severus savait, mais sa manière de le dire lui fit froncer les sourcils. L'impression d'une sentence ou d'un couperet qui tombait jetait un froid sur sa sérénité. Il avait su que Severus ne réagirait pas forcément bien à leur premier rapport sexuel, surtout sans lui. Alors même que dans l'absolu, il aspirait à davantage. Le passage de l'hypothèse à la réalité était déstabilisant, et remettait beaucoup de choses en cause. Et il lui appartenait sans doute de rassurer son amant comme Lucius le rassurerait également.

– Où est-il ?

– Parti s'habiller dans sa chambre, expliqua Harry en s'approchant.

Pour l'instant, il n'allait pas expliquer que les vêtements de l'aristocrate étaient quelque part au pied d'un cénote dans la jungle mexicaine, pas plus dire que Lucius et lui avaient pris leur douche ensemble, et encore moins que Lucius venait de le prendre debout contre le carrelage de la salle de bains quelques minutes auparavant. Harry se sentait enfin rassasié mais il n'était pas certain que Severus puisse lui faire l'amour avant au moins le lendemain.

Parvenu devant son amant, il posa ses mains sur son torse avant de l'enlacer et de l'embrasser doucement. Severus mit quelques secondes avant de répondre à son baiser et à son étreinte, puis relâcha ses lèvres.

– Est-ce que ça va ? demanda-t-il.

Harry ne voulut pas s'étonner de cette interrogation surprenante et se contenta de sourire.

– Parfaitement bien. C'est à toi que je poserais bien la question...

– Ça va aller. C'est juste... un peu étrange.

Merlin ! C'était probablement l'aveu de faiblesse le plus intime que Severus lui ait jamais fait. Ce « ça va aller » était un futur, pas un présent...

– Je t'aime, fit Harry en resserrant son étreinte autour de Severus. C'est au moins une chose qui ne changera pas.

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oooooo

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La soirée fut tout aussi étrange, comme si Severus et Harry progressaient à tâtons dans une obscurité opaque, essayant de deviner ce qu'ils ne pouvaient pas voir. Leur comportement fut aussi hésitant l'un que l'autre. Seul Lucius paraissait naturel, bien qu'il n'essayât pas, pour une fois, de faire vivre une conversation moribonde. Après le dîner, ils s'installèrent au Petit Salon, savourant un verre de cognac qui n'était pas de trop pour les détendre, chacun plongé dans un livre ou un rapport du ministère.

Si l'on en croyait les petits détails, rien n'avait changé : au dîner, chacun s'était assis à sa place habituelle, Lucius en bout de table, Severus à sa gauche et Harry à sa droite; ils avaient conservé l'habitude de la Provence pour s'installer tous les trois sur le même canapé, Severus au milieu et Harry collé contre lui. Lucius n'avait pas cherché à l'embrasser, ni à le toucher devant Severus, il n'avait pas non plus eu un mot différent, une quelconque allusion ou une façon particulière de lui parler. Seul son regard appuyé lorsque Harry le vouvoyait spontanément traduisait l'évolution de leur relation. Mais il n'avait fait aucune réflexion devant Severus...

Plus tôt qu'à l'ordinaire, Lucius se leva pour aller se coucher, embrassant son compagnon comme il avait coutume de le faire, puis il se tourna vers Harry pour effleurer ses lèvres des siennes. Ce n'était rien qu'un baiser rapide, presque innocent au vu de l'après-midi qu'ils avaient passée ensemble, mais avec la présence de Severus juste à côté, qui avait tout vu, c'était comme basculer dans un autre monde et Harry sentit son ventre fourmiller de sensations inédites.

Lucius s'éclipsa sans un mot, sans leur demander de le rejoindre, sans leur souhaiter bonne nuit comme s'il allait dormir seul... il disparut simplement dans l'escalier en colimaçon, les laissant libres de choisir...

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Severus poussa la porte de la chambre de son compagnon, et rejoignit la salle de bains dans l'obscurité pour se déshabiller et se brosser les dents. Il se doutait bien que Lucius ne dormait pas, même s'il était monté depuis plus d'une demi-heure. Et il avait certainement compris qui venait de pénétrer dans la pièce et qu'il était seul.

Il se glissa rapidement dans le lit tiède, retrouvant les bras de son compagnon avec un soupir d'aise. Lucius tourna la tête vers lui pour l'embrasser sur la tempe, et au bout d'un moment de silence, il finit par demander :

– Où est Harry ?

Si Severus ne pouvait pas distinguer son regard dans l'obscurité, il pouvait reconnaître la douceur dans sa voix, loin de toute exigence ou revendication.

– Parti... faire un tour. Dans son « bureau ». Ou sa forêt si tu préfères. Il reviendra plus tard.

– Tu en es sûr ? fit Lucius avec un soupçon d'inquiétude.

– Oui. Je lui fais confiance.

Les bras de Lucius se firent plus présents autour de lui, le pressant contre son torse.

– Pourquoi est-il parti ce soir ?

– Pour nous laisser seuls, j'imagine. Parce qu'il a cru que j'avais besoin de me rassurer...

Le silence était assourdissant, seulement troublé par les battements du sang dans ses oreilles.

– Et tu as besoin d'être rassuré ? fit enfin Lucius.

– Peut-être, oui...

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Merlin ! Depuis toutes ces années qu'il était avec Lucius, Severus avait rarement confié ainsi un besoin, une inquiétude profonde, un désarroi... Car c'était ce qu'il ressentait : un désarroi tel devant cette nouvelle situation que c'en était presque une forme de détresse. Il ne dirait certainement rien de tout cela, mais Lucius le connaissait et il savait lire entre les lignes. Il le connaissait même trop, peut-être, pour que Severus laisse échapper la moindre parole anxieuse sans que son compagnon ne comprenne ce qui se cachait derrière.

Il s'était préparé, pourtant, au fait que Harry et Lucius allaient finir ensemble dans un lit. Il y avait réfléchi, il s'était projeté... ses sentiments, sa réaction... Ou du moins, il avait tenté de se projeter. Parce qu'au bout, il y avait ce joli rêve d'eux, tous les trois ensemble. Pas le sien, au départ, mais Lucius avait fini par le convaincre et Harry aussi, bien qu'involontairement. Seulement, quitter une situation bien établie pour l'inconnu de nouvelles relations à définir, c'était prendre un risque. Et surtout celui de tout perdre.

Si Harry et Lucius finissaient par se lasser ? Par se fâcher ? Par préférer leur relation à autre chose ? Si tout ne se passait pas bien, qu'adviendrait-il de son couple avec Lucius ? De son couple avec Harry ? Est-ce qu'il serait possible de revenir en arrière et de réparer les erreurs ?

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Une main réconfortante caressait son bras depuis quelques instants sans qu'il n'y prête attention.

– Est-ce que... est-ce que tu veux aller à côté ? murmura Lucius d'une voix soucieuse.

Dans l'obscurité de la chambre, Severus sourit. La proposition aurait pu paraître étrange mais elle prouvait seulement à quel point Lucius le connaissait bien. Il ne le lui avait jamais dit ainsi, mais parfois, ce qu'ils pratiquaient dans l'antichambre lui permettait d'évacuer une certaine tension et d'apaiser ses doutes. S'abandonner sous la main de Lucius renouvelait la confiance qu'il y avait entre eux.

– Non. Pas ce soir. J'ai juste... besoin d'être avec toi.

– Je suis là, murmura Lucius. Et je n'ai pas l'intention de partir.

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Le nez dans le creux de l'épaule de Lucius, Severus respirait sa chaleur. Son odeur. Un parfum suave de santal et de vanille qui lui mettait presque l'eau à la bouche. Il n'y avait pourtant aucune tension sexuelle entre eux à cet instant précis; il avait simplement besoin de s'imprégner de son compagnon, de couvrir la plus grande partie de son corps avec le sien, de se l'approprier, de le faire sien...

En règle générale, Lucius n'aimait pas trop qu'il soit allongé de cette façon sur lui. Parce que Severus était plus lourd, parce qu'un vieux réflexe faisait qu'il n'aimait pas être dominé, en n'importe quelle situation... Mais cette fois-ci, Lucius le laissait faire, conscient qu'il en avait besoin. Et Severus ne se gênait pas pour peser de tout son poids sur son compagnon, le nez sur sa peau, comme si, à force de recouvrir le corps de Lucius, il allait finir par l'englober et l'incorporer dans le sien.

Quelle idée ridicule ! Pas plus ridicule cependant que les autres idées qui lui parcouraient la tête : l'envie qu'un jour Lucius le fasse apparaître à son bras lors d'une soirée mondaine, l'envie que ce soir il l'attache et l'immobilise de la plus complète des manières pour ensuite baiser sa bouche. Merlin, qu'il aimait ça autant que Lucius ! En réalité, toutes ses envies se rejoignaient, elles n'étaient que des façons différentes de penser, de montrer, qu'ils s'appartenaient l'un l'autre, et que Harry venait tout bouleverser !

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Severus glissa du corps de son compagnon jusque sur les draps, vaguement frustré et dépité de ce qu'il venait de comprendre. Longtemps, il avait cru qu'il ne voulait pas que Lucius touche à son amant. En réalité, il ne voulait pas plus que Harry touche à Lucius; il avait du mal à supporter l'idée que son compagnon puisse appartenir à quelqu'un d'autre que lui. Sans lui. Alors que Lucius supportait depuis des mois sa relation avec le jeune homme ! Il n'avait jamais craint les amants de passage ou les « mignons », alors qu'à présent il craignait Harry. Et pourtant c'était Harry. Plus honnête et plus intègre que n'importe qui. En qui il avait toute confiance. Et qu'il aimait totalement.

Désappointé, il grogna dans les draps contre ses propres sentiments mal définis tandis que Lucius venait dans son dos pour l'enlacer.

– Qu'est-ce qui t'inquiète tant, Sev ?

– Rien... Tout, soupira-t-il. J'ai peur que ça se passe mal. Que ce ne soit qu'une passade. Que maintenant que tu l'as eu... Que tu finisses par te lasser... De lui. De moi...

Lucius posa ses lèvres sur son épaule tout en secouant doucement la tête.

– Je ne me lasserai pas de toi, Severus. Je te connais depuis que tu as onze ans... Je t'ai toujours aimé – au moins depuis que tu es devenu adulte – et tu as toujours fait partie de ma vie. Jamais je ne me suis lassé.

Les bras enroulés autour de son ventre le serrèrent un peu plus, l'attirant contre le corps de Lucius.

– Jamais, reprit-il. Malgré ton sale caractère, malgré ta jalousie, malgré tes sarcasmes ou tes colères. Malgré tes silences... Tu fais partie de moi.

Severus grogna une satisfaction mal dissimulée aux mots de son compagnon.

– Quant à Harry, ce n'est pas qu'une passade, Sev... Je ne le voulais pas simplement parce que c'était ton amant... Juste pour l'essayer, ou le goûter, ou juste pour te prendre ce que tu avais obtenu... C'est bien plus que ça. Il me fascine, et tu le sais très bien. Sa puissance. Son caractère. Sa simplicité. Et ses faiblesses... Peut-être surtout pour ses faiblesses; tout autant que j'aime les tiennes... Mais il ne viendra pas à ta place. Et il n'est pas là non plus pour te priver de quoi que ce soit. Il ne prend rien, Sev, il vient en plus... Parce qu'il y de la place pour lui avec nous, pas entre nous. Mais dans tous les cas, je n'exige rien de vous deux. Tu sais ce que j'aimerais au final... mais si vous préférez dormir dans la chambre de Harry, si vous préférez qu'il ne se passe rien à trois... je ne vous forcerai pas. Si les choses se font, ce sera si vous en avez envie et à votre rythme. Vous êtes libres de choisir...

Severus se retourna brusquement pour faire face à son compagnon, le serrer dans ses bras et nicher son visage dans son cou.

– Mmhh, grogna-t-il. Parfois je me souviens pourquoi je t'aime autant.

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La question lui brûlait les lèvres mais il rechignait à la poser, doutant même que Lucius ait fini par s'endormir.

– Comment il était ? osa-t-il au bout d'un long moment.

C'était à peine un murmure dans le silence, pourtant aussi indiscret que la demande elle-même, auquel répondit le gloussement de Lucius et son bras qui se raffermit autour de lui.

– Mais c'est très intime, ça ! Pourquoi devrais-je satisfaire ta curiosité ?

Severus n'avait aucun argument à répondre à cela, hormis le fait qu'il était intrigué, qu'il aurait voulu tout savoir de ce qui s'était passé entre Harry et Lucius pour cette première fois : qui avait initié le premier baiser, le premier geste qui dépassait le stade des simples caresses, où est-ce qu'ils avaient fait ça, dans le lit de Harry ou celui-là-même où ils étaient couchés, dans quelle position Lucius avait-il pris son amant... Quelle avait été la réaction de Harry ? Est-ce qu'il avait aimé ? Est-ce qu'il avait joui ? Et en cherchant bien, par-dessous tout cela, il voulait sans doute savoir si Lucius n'avait pas été déçu...

Ce n'était pas qu'une passade, avait-il dit, mais est-ce que cela s'était suffisamment bien passé pour que Lucius ait envie de recommencer ? De construire leur relation plus avant ?

– Il est... très expressif, gloussa Lucius. C'est étonnant. Et puis il est... très étroit. Merlin ! Je ne sais pas comment tu fais pour le pénétrer sans lui faire mal !

Severus grogna. Finalement, il n'avait peut-être pas envie de tout savoir, et encore moins de parler de cela avec son compagnon. Mais les mots sortirent de sa bouche avant même d'être réfléchis.

– Ça m'est arrivé de lui faire mal, avoua-t-il. Notre première fois a été désastreuse, par ma faute. Et je l'ai même vu pleurer, parfois, après lui avoir fait l'amour. Il est parfois... particulier.

Il ne pourrait sans doute pas en dire davantage cette fois-ci, mais Lucius avait bien entendu. Et mettre ces quelques mots sur des situations qu'il n'avait toujours pas digérées était un soulagement. Harry n'était pas que le jeune homme malicieux, avide de sexe et décomplexé qu'ils connaissaient si bien. Les choses étaient parfois plus compliquées que cela et Severus voulait que Lucius en soit bien conscient.

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oooooo

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Avant même d'ouvrir les yeux, Harry sourit largement. Il venait de reconnaître ce qui l'avait réveillé et rien que cela le mettait de bonne humeur malgré son manque de sommeil. Il frotta son nez sur l'oreiller avant de finir par éternuer, et ouvrit les yeux sur une masse de cheveux blonds qui le chatouillaient depuis quelques minutes.

Lucius semblait dormir encore, le visage étrangement apaisé par le sommeil, tandis que dans son dos, Severus venait de l'enlacer en comprenant qu'il était réveillé. Harry se lova un peu plus contre son amant, et pencha la tête en gloussant quand Severus lui mordilla la nuque en guise de bonjour. Ce simple bruit, ou bien son mouvement, initia le réveil de Lucius et bientôt il eut les yeux ouverts lui aussi, les regardant en souriant.

– Finalement, tu es venu nous rejoindre...

– Pas exactement, avoua Harry avec un sourire amusé. Je me suis couché dans le hamac de mon « bureau » mais pendant mon sommeil, la magie en a décidé autrement !

Après un silence, il ressentit le besoin de se justifier.

– Je serais bien venu, mais il était très tard – ou tôt – et je ne voulais pas vous réveiller...

– Tu sens l'alcool, marmonna Severus.

Harry se permit de lever les yeux au ciel puisque son amant ne pouvait pas le voir, ce qui fit sourire Lucius. Étonnant, cette faculté qu'avait Severus de détecter la moindre odeur d'alcool et de lui en faire le reproche comme s'il était rentré ivre mort ! C'était loin d'être le cas, mais l'ancienne addiction de Severus le rendait particulièrement susceptible et ronchon sur le sujet.

– Je suis sorti finalement, hier soir. Avec Alicia. On a été boire un verre...

Et danser. Et ils avaient aussi longuement discuté. Harry n'avait pas pu demander ça à Matthieu, en plein rendez-vous galant avec son amoureux, ni à Draco qui avait sans doute d'autres choses en tête. Et puis il ne pouvait certainement pas parler de leur situation avec lui. Mais Alicia était extérieure à tout ça, elle n'était proche ni de Lucius, ni de Severus, mais toujours prête à sortir et boire un verre. Et par chance, elle ne travaillait pas hier soir.

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Severus grogna pour toute réponse. Harry ne savait pas ce qui contrariait le plus son amant, mais le sourire de Lucius qui levait à son tour les yeux au ciel en toute discrétion le détendit. Il n'allait pas avouer en plus qu'il était passé récupérer les vêtements de l'aristocrate au fin fond de la forêt mexicaine, ce n'était sans doute pas le moment !

– Peu importe, tempéra Lucius. Je suis heureux que tu sois là, et tu aurais pu venir quelle que soit l'heure...

La chaleur de cette affirmation adoucit dans son cœur la réaction contrariée de Severus. Harry caressa avec douceur le bras de son amant autour de sa taille, il ne voulait pas que cette histoire de sortie vienne tout gâcher. Cette première fois était un moment dont il avait rêvé, un de ceux dont il avait eu le plus envie : se réveiller avec ses deux amants autour de lui, pas pour du sexe, mais pour un moment de tendresse et de complicité. Un matin de soleil, avec leurs trois corps nus dans un lit, des sourires lumineux et le bonheur d'être simplement ensemble... Un instant juste.

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Severus se détendit et l'embrassa sur la nuque, soulevant ses cheveux du bout du nez. Au contraire de Lucius, qui n'avait pas esquissé un geste, ni envers son compagnon, ni envers lui, ce qui ne manquait pas de l'étonner. Harry était certain que Lucius ne regrettait rien, bien au contraire. Il avait été le premier à les vouloir tous les deux dans son lit. Était-ce simplement qu'il ne voulait pas précipiter les choses ? Attendait-il un premier pas de lui, ou bien de Severus ?...

Harry aurait aimé que ce geste vienne de son amant, signe qu'il acceptait totalement la situation, mais au bout d'un moment, Severus dégagea doucement son bras et se recula dans le lit.

– Où vas-tu ?

– Nager, fit-il comme une évidence.

– Sev ! gémit Harry. Pas ce matin ! S'il-te-plaît !

– Il y a certaines habitudes qui ne changeront pas, répondit Severus en se levant et en enfilant son kimono de soie. Tu as Luce pour te tenir compagnie.

– S'il-te-plaît. Reste avec nous !

– Il est déjà sept heures trente. C'est bien plus tard que je ne me lève habituellement !

Sous les draps, la main de Lucius se posa sur celle de Harry en une injonction muette, suffisante pour le faire taire tandis que Severus disparaissait dans le couloir.

– Laisse-le. Il a besoin d'un peu de temps pour s'y faire, fit doucement Lucius. Tu avais raison... Je croyais que tu étais celui qui avait le plus de réticences, mais je me trompais. Même s'il ne le dit pas, Severus est bien plus inquiet que toi...

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Merlin sait comment ils en étaient arrivés là, mais tout en parlant, Lucius s'était rapproché de lui, puis leurs mains s'étaient égarées peu à peu, et maintenant, Lucius avait ses lèvres autour de son sexe et ses doigts qui caressaient ses testicules. Et Merlin que c'était bon !

Severus n'avait pas menti. Il avait même été en-dessous de la vérité. Et la frustration que Harry avait ressentie parce qu'il n'avait pas encore eu droit à ce traitement de faveur de la part de l'aristocrate, venait de s'effacer devant le plaisir qu'il ressentait. Les mains crispées sur les draps, les yeux clos, Harry secouait désespérément la tête, épuisé par l'attente et le désir dévorant dans son bas-ventre et ses reins.

Il voulait jouir. Il avait cruellement besoin de jouir avant de devenir fou et Lucius ne semblait pas disposé à cela. Pire, il semblait prendre un malin plaisir à le faire durer le plus longtemps possible. Harry l'avait déjà vu pratiquer ce petit jeu sur Severus, un soir sur le canapé devant un film... le masturbant jusqu'au seuil de l'orgasme avant de brusquement cesser de le toucher. Puis reprendre son mouvement jusqu'à ce Severus soit à nouveau sur le fil...

Seulement là, Harry n'en pouvait plus. Ses muscles tétanisés criaient grâce, son corps luisait de sueur et il parvenait à peine à respirer. Il allait crever. Il allait crever si Lucius ne le soulageait pas dans les secondes qui venaient !

Peut-être que Lucius voulait qu'il le supplie ? Tant pis ! Il n'avait aucune fierté à défendre. Il allait le supplier s'il le fallait, si c'était ce que Lucius voulait, mais il fallait qu'il jouisse ! Qu'il soit enfin libéré de cette torture à petit feu ! Avant de crever sous la langue et la bouche de cet aristocrate de malheur ! Merlin !

Le corps tellement cabré qu'il souleva Lucius appuyé sur lui, Harry éjacula de longs jets de sperme dans la bouche de l'aristocrate, dans un silence qui lui parut assourdissant alors qu'il devait gémir, si ce n'est crier, son plaisir et son soulagement. Et pleurnicher aussi un peu, tellement il était au bout de ce qu'il pouvait endurer.

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Harry traîna au lit le temps que Lucius prenne sa douche, somnolant à demi malgré la lumière qui pénétrait par les rideaux grands ouverts. Les draps étaient doux, le lit tiède à souhait et l'odeur des deux hommes le baignait dans un délicieux parfum. Pour un peu, il aurait frotté son nez sur leurs oreillers pour s'imprégner d'eux le plus possible. Merlin, il était ridicule !

Quand Lucius sortit de la salle de bains, nu comme un ver et pas gêné le moins du monde, Harry émergea de sa torpeur, ravi de pouvoir se rincer l'œil. La beauté de l'aristocrate était bien différente de celle de Severus, mais il était indéniablement beau. Sec, racé, fier quelle que soit sa tenue, Lucius respirait la distinction comme une seconde peau. Le moindre geste, la moindre attitude était d'une élégance irréprochable et quand l'aristocrate lui tournait le dos... Seigneur ! Ces fesses ! Creusées comme une sculpture antique... Et si appétissantes !

Et si vite recouvertes par un boxer, puis le pantalon d'un costume bleu que Lucius venait de choisir dans le dressing attenant à sa chambre. Harry l'observa finir de s'habiller : la chemise blanche, le gilet et la veste assortis à son costume, ainsi qu'une lavallière bordeaux qu'il ajusta soigneusement devant un immense miroir habituellement camouflé par un sortilège.

– Quelle élégance ! fit Harry.

– Rendez-vous au Ministère...

Alors que Lucius reculait d'un pas, visiblement satisfait de l'arrangement de sa cravate, Harry remarqua soudain son léger sourire. Le miroir que Lucius faisait à nouveau disparaître d'un geste de la main donnait exactement sur le vaste lit à baldaquin, et l'aristocrate n'avait pas manqué, en arrière-plan sur le reflet, son regard attentif. En souriant à son tour, Harry songea brusquement à ce que pouvait donner une pareille vision sur le lit en d'autres circonstances.

– Et il y en a d'autres comme ça ? gloussa-t-il.

– C'est possible..., fit Lucius avec un sourire en coin avant de disparaître dans la salle de bains. Il en ressortit avec une brosse à cheveux en ajoutant : C'est toujours important de considérer tous les angles d'une même situation...

Tout en regardant Lucius se coiffer avec des gestes précis et presque féminins, Harry tendit doucement sa magie pour sonder le lit et la chambre. Hormis les sortilèges que Severus avait placés autour de la porte d'entrée et celle de l'antichambre, d'autres charmes se révélaient peu à peu : comme celui qui faisait face au lit, d'autres miroirs magiques étaient camouflés sur le mur de droite, juste à côté de la fenêtre, ainsi que près de la porte, sur le mur de gauche, les trois permettant effectivement de voir ce qui se passait sur le lit sous tous les angles. Il y en avait même un sous le baldaquin de drap gris et Harry imagina un instant la vision qu'il aurait eue s'il avait été activé pendant que Lucius était en train de le sucer tout à l'heure. L'aristocrate installé entre ses jambes, ses cheveux longs répandus sur son ventre tandis que lui était perdu dans l'extase et la souffrance...

Harry songea que Lucius ne l'avait pas laissé le toucher mais il n'en avait pas été surpris : Severus l'avait prévenu que l'aristocrate pouvait être aussi directif et égoïste qu'il était parfois attentif au seul plaisir de son partenaire. De toutes façons, il avait été trop épuisé pour lui rendre la pareille, et ne serait-ce que bouger avant un bon moment !

– Allez ! Debout ! fit justement Lucius dont les cheveux parfaitement lisses brillaient dans la lumière de la fenêtre.

En grognant pour la forme, Harry comprit brusquement pourquoi Severus avait une telle fixation sur les cheveux de son compagnon. Là, tout de suite, dans les rayons du soleil, ils paraissaient si doux et si lumineux qu'on aurait dit de la soie, des fils d'or, un tissu si précieux qu'il attirait immédiatement le regard et la main. Et Harry mourait d'envie de les toucher et encore mieux, de le décoiffer par d'autres activités.

D'un bond, il sauta du lit pour rejoindre Lucius près de la fenêtre et glissa ses bras autour de sa taille pour se serrer contre lui.

– Tu n'es même pas lavé ! ronchonna l'aristocrate. Et moi je suis prêt pour cette maudite réunion ! N'imagine même pas me décoiffer ou me déshabiller à nouveau !

Lucius devinait trop facilement ses pensées depuis quelques temps ! Harry gloussa et se contenta de quémander un baiser qui ne suffirait jamais à le satisfaire. D'autant plus que Severus manquait cruellement pour ce dont il avait envie ! Vivement que tous ces débuts hésitants et ces premières fois soient enfin derrière eux pour qu'ils puissent faire l'amour tous les trois ensemble aussi souvent que possible !

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ooOOoo

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Lucius se servit le dernier, reposa son assiette et resta un long moment songeur, le menton posé sur ses doigts tendus. Depuis son retour de réunion, il gardait un air préoccupé qui ne passait pas et Harry échangea un regard soucieux avec Severus.

– Vous n'aimez pas ?

Il avait pourtant cuisiné de bon cœur ce matin, lassé de lire au bout d'un moment alors qu'il tenait une compagnie silencieuse à Severus qui travaillait dans la Bibliothèque. Lucius aimait pourtant le poisson, Harry l'avait vu en manger à Paris et en Provence, mais peut-être que cette recette ne lui convenait pas. Le lait de coco, le curry, les épices... des saveurs trop différentes qui affolaient pourtant ses propres papilles.

– Je... Je n'ai pas encore goûté, avoua Lucius en levant vers lui un regard lointain. Je suis désolé...

Il les observa tour à tour, l'air visiblement hésitant, puis la résolution se lut sur son visage.

– Je dois vous parler à tous les deux.

Le cœur de Harry manqua un battement tandis qu'une crispation sourde tordait son ventre. Et cette fois, ce n'était pas le désir qui parlait. En un dixième de seconde, il inventoria tous les désastres possibles, le renoncement de Lucius, une séparation, le fait de devoir quitter le Manoir, le retour à la solitude et à la douleur... Merlin ! Il imaginait n'importe quoi alors que Lucius n'avait encore rien dit !

D'un regard, Harry chercha le soutien de Severus, mais son inquiétude était palpable également, même si plus ténue, et sans doute pas pour les mêmes raisons.

– Je sais que le moment est mal choisi, fit Lucius les yeux dans le vague. Très mal choisi au vu de vos appréhensions respectives mais il s'impose à nous et je ne peux rien y faire. J'aurais voulu... autre chose : du calme et de la tranquillité, qu'on ait du temps pour nous, en toute liberté, mais c'est ainsi. Après ma réunion au Ministère, je suis passé chez Draco...

– Chez Draco ? fit Harry, surpris du brusque changement de sujet. Sans nous ?

Sa réaction avait été spontanée, amusante à en croire le sourire soudain sur les lèvres de l'aristocrate. Mais elle traduisait surtout un vague sentiment de culpabilité que Harry reconnaissait bien. Ils étaient rentrés depuis une semaine, après une semaine de vacances en Provence, et il n'avait toujours pas pris de nouvelles de son ami.

– Oui, railla Lucius. Sans vous. Draco est mon fils et il m'arrive de le voir de temps en temps. Seul.

L'ironie cachait mal les atermoiements de l'aristocrate et au bout de quelques secondes, il reprit d'une voix plus douce alors que Harry allait protester :

– Tout comme il est le filleul de Severus et qu'il leur arrive de se voir sans moi, tout comme il est ton ami et il t'arrivera de le voir sans nous... Ce n'est pas parce que nous sommes engagés dans une relation tous les trois que nous devons impérativement tout faire ensemble.

Cette fois, le cœur de Harry fit quelques cabrioles qui tenaient plutôt d'acrobaties, ou bien ce fut plusieurs battements d'affilée qu'il manqua. Il y avait tant de réponses dans ces paroles ! La possibilité de faire des choses sans l'un ou sans l'autre, sans eux, seulement avec l'un ou seulement avec l'autre. Le choix. La liberté.

Et ces quelques mots « engagés dans une relation ». Une circonvolution étonnante pour une situation qui n'avait pas de nom, mais Lucius mettait des mots sur leur relation. Sur un engagement ! Et dire qu'il y a quelques secondes, il craignait tout l'inverse !

– Bref. Là n'est pas la question, reprit l'aristocrate. Je suis allé chez Draco et... Daphnée est à quelques jours ou semaines du terme et elle est extrêmement fatiguée... Et... Je voudrais les inviter à rester ici, au Manoir, jusqu'à l'accouchement. Je sais que vous préféreriez qu'on soit seuls et que je vous demande sans doute beaucoup, mais c'est l'histoire de quelques jours, même s'ils tombent au mauvais moment. Au départ, je voulais ne prendre que les filles, pour les soulager un peu, et parce que, même si elle se ménage, Daphnée est sans cesse sollicitée, pour faire un jeu, attraper un verre dans la cuisine, intervenir si elles se disputent, aller voir ceci ou cela. Draco reste le plus possible à la maison pour la seconder et ne pas la laisser seule avec les deux filles à gérer, mais il a aussi des obligations à respecter, les entraînements de quidditch qui vont bientôt reprendre, et bien des choses à mettre en place auparavant. Et je ne tiens pas à ce que Daphnée reste seule chez elle. S'ils étaient tous les quatre au Manoir, ce serait plus facile pour que Draco puisse s'absenter, et pour que Daphnée soit plus tranquille... Les filles auraient de quoi s'occuper sans la solliciter. Et puis j'avoue qu'avoir tes compétences de médicomage à portée de main m'ôterait un souci de l'esprit.

– Tu es inquiet ? fit Severus en fronçant les sourcils.

Son air sérieux alerta Harry peut-être davantage que le discours de Lucius. Severus connaissait son compagnon bien mieux que lui et cette simple question en disait long sur ce qu'il devinait.

– Je ne suis... pas tranquille, admit Lucius.

Certes, il pouvait soigner, sans doute guérir bien des maladies ou des problèmes de santé... mais un accouchement ?! Là où il avait vécu, les femmes s'accouchaient entre elles il n'intervenait que pour des potions de régénération sanguine ou des onguents de cicatrisation. Des préparations contre les infections. Et parfois quelques soins sur les nouveaux-nés. Il n'était absolument pas compétent pour quoi que ce soit d'autre !

– Évidemment, le moment est mal choisi, fit Severus avec un soupir. Mais je comprends. C'est Draco...

Certes, il avait soigné Lucius plusieurs fois, à Sainte-Mangouste, puis après ce duel avec Severus qui avait failli lui coûter un bras... Lorsqu'il avait fait un malaise dans les jardins également... Et puis cette ancienne blessure magique qui lui avait occasionné tant de cauchemars et d'idées noires... Mais un accouchement ! De la femme de Draco qui plus est ! Et de cet héritier tant attendu par les deux Malfoy ! C'était une responsabilité qu'il ne voulait pas endosser ! Non seulement Lucius lui pensait des compétences qu'il n'avait pas, mais cela mettait sur ses épaules une pression dont il se serait bien passé.

– Harry ? l'interrogea Lucius.

Soudain, il s'aperçut que les deux hommes le regardaient fixement, attendant visiblement sa réaction ou son verdict. Il lui sembla que Severus avait donné son accord tacite pendant que ses pensées se bousculaient dans son esprit... Et maintenant c'était à lui ?!

– Je ne pense pas avoir mon mot à dire sur...

Le soupir exaspéré de Lucius signala aussitôt que sa réponse ne lui plaisait pas. Harry aperçut Severus lever également les yeux au ciel tandis que l'aristocrate répondait presque sèchement :

– Bien sûr que si, tu as ton mot à dire ! Tu vis ici, au même titre que nous. Ton opinion compte tout autant. Arrête de...

– Bien sûr il s'agit de Draco, intervint Harry avec aplomb. Il est évident qu'il sera, qu'ils seront bien mieux ici, et que je serai ravi de les voir venir. Et il est sans doute davantage chez lui ici que moi. Mais vous... Je ne suis pas compétent en matière d'accouchement. Ce n'est pas mon domaine. Et vous ne pouvez pas compter sur moi pour...

– Je ne relèverai pas les bêtises saisissantes que tu viens de dire, gronda Lucius. Et je ne te demande pas de réaliser l'accouchement de Daphnée. Draco lui-même ne le souhaiterait pas. Mais malgré ce que tu prétends, tes réflexes et ta magie sont capables de beaucoup de choses. Ne serait-ce que de me rassurer...

Le regard de Lucius était insistant, et il se dévoilait d'une manière étonnante. Lucius avait confiance en lui. Une confiance peut-être démesurée, ou hors sujet, mais il comptait sur lui pas simplement pour ce qu'il pourrait faire, mais parce que sa présence le tranquillisait et le rassurait. Comme pour les migraines de Severus. C'était là l'aveu d'une faiblesse surprenante...

– Bien sûr, fit Harry beaucoup plus doucement. Draco et Daphnée seront les bienvenus, c'est une évidence.

– Merci, répondit Lucius en les regardant tour à tour. Je ne voulais pas le leur proposer sans votre accord...

– Et tu crois que Draco va accepter ? fit Severus en fronçant les sourcils.

– Ce n'est pas à Draco que je vais proposer cela, mais à Daphnée. Et je suis à peu près certain de sa réponse...

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Ils terminèrent le déjeuner dans un silence relatif, chacun – surtout Harry – plongé dans ses pensées. Dire qu'hier, à cette même heure, il déjeunait sur une terrasse ensoleillée de Bretagne, au bord de l'océan, avec Deirdre, Matthieu et ses deux élèves. Le temps semblait passer trop vite. Ou plutôt trop d'événements se bousculaient en l'espace de si peu de temps. Depuis cette escapade improvisée, il avait été récupérer Lucius au fin fond des ombres et de la forêt, pour ensuite faire l'amour avec lui dans son ancienne maison, passer une partie de la nuit avec Alicia et la finir dans le lit de ses amants. Ses amants...

Ils étaient deux désormais, et ce pluriel avait une consonance très douce en roulant dans son esprit. Ses amants. Merlin ! Il n'aurait jamais songé être à nouveau aussi heureux un jour ! L'amour qu'il ressentait, ce sentiment de plénitude, d'accomplissement, l'emplissait de la tête aux pieds, baignant chaque cellule de son corps dans une impression d'absolu renversante.

Après le déjeuner, il s'était isolé dans son « bureau », pensant puiser dans l'écrin de sa magie pour apaiser ses doutes, mais plus il pensait à eux, à ses amants, plus l'amour infini qu'il ressentait débordait de lui et allait nourrir la magie de sa forêt. Il n'avait plus besoin d'aller se ressourcer où que ce soit; l'amour en lui-même suffisait à régénérer sa magie mieux que n'importe quelle méditation ou communion avec la forêt.

Mais s'il était apaisé, Harry n'était pas pour autant détendu vis à vis de ce qui l'attendait et il quitta son « bureau » pour descendre au laboratoire. Si Daphnée venait terminer sa grossesse au Manoir, il voulait absolument être paré à n'importe quelle éventualité, et pour cela quelques recherches s'imposaient : vérifier les réserves de potions du Manoir et s'assurer que les moins usitées n'étaient pas périmées, mais aussi fouiller les vieux grimoires. Il existait certainement des potions spécifiques pour aider à l'accouchement, l'accélérer si le bébé montrait des signes de souffrance ou bien arrêter une hémorragie. Harry ne pouvait pas se permettre d'être pris au dépourvu, même si cela signifiait passer la nuit à préparer les potions qui lui manquaient.

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ooOOoo

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Lucius traversa le Hall d'entrée et perçut quelques notes de musique en passant devant la Bibliothèque. Intrigué, il poussa la porte entrouverte pour découvrir Severus en train de travailler sur la grande table d'acajou, des parchemins et des dictionnaires éparpillés tout autour de lui. À l'extrémité de la table, à demi vautré sur un confortable matelas de papier, Orion paressait non loin de son maître, le museau entre les pattes, et redressa une oreille alerte à son approche.

Severus, lui, ne l'avait pas entendu, tout entier concentré sur le parchemin qu'il annotait d'une plume trop crissante. Contrairement à lui, Severus rechignait toujours à mettre trop de gallions pour de simples plumes, mais rien qu'à l'oreille, Lucius pouvait dire que le confort d'écriture n'était pas le même. Qu'importe. Il demanderait aux elfes de changer discrètement les plumes de Severus et il ne s'en apercevrait pas...

Parvenu derrière son compagnon, il posa les mains sur ses épaules avant de les croiser sur son torse. Severus se redressa pour appuyer sa tête contre lui, fermant les yeux un instant. Depuis la Provence, et peut-être davantage encore depuis leur retour, Severus était devenu vis à vis de lui, plus tactile, plus tendre, en demande de contacts comme Harry savait si bien le faire également, et Lucius pouvait laisser libre cours à son envie de le toucher, de le caresser et de l'enlacer. Cela changerait par la force des choses dans quelques heures, autant en profiter maintenant !

Severus n'était pas comme ça avec Harry, bien au contraire. Il n'était jamais dans la demande ou la sollicitation, répondant à l'inverse aux envies de tendresse du jeune homme, sans jamais exprimer les siennes. Il était pour Harry cette figure immuable, stable et solide sur laquelle il pouvait s'appuyer. Tandis qu'avec lui, Severus s'ouvrait davantage, dévoilait parfois une faille, une faiblesse et venait s'appuyer sur lui, comme il le faisait en cet instant-même, la tête en arrière contre son torse. Comme s'il avait besoin de ces moments de pause pour être capable ensuite d'étayer Harry et de répondre à son insatiable besoin de tendresse et d'amour... Mais maintenant, ils seraient deux à prendre soin du jeune homme, à être là pour lui, et Severus ne serait plus obligé de porter cette responsabilité sur ses seules épaules.

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Le silence fut à nouveau troublé par la musique, délicate et discrète, et si étonnante. Il était peu habituel que Severus mette de la musique, surtout pour travailler. Il préférait le calme, à peine entrecoupé par les ronronnements sourds d'Orion, pour que rien ne vienne perturber sa concentration. La musique était davantage réservée aux moments de lecture, le soir, et surtout la nuit, quand il descendait dans la Bibliothèque lors d'une insomnie ou d'un réveil trop précoce... Mais aujourd'hui, la musique traduisait surtout une envie de douceur que Severus exprimait également à travers son attitude abandonnée contre lui.

Sa position aurait pu être érotique dans un autre contexte... La tête rejetée en arrière contre son torse, les yeux clos, la gorge offerte... À vrai dire elle l'était. Et Lucius sentit une intense vague de désir parcourir son corps.

– N'essaie pas de m'exciter, sourit Severus, les yeux toujours clos. J'ai du travail...

Souriant également, Lucius se rendit compte que ses mains qui caressaient son compagnon s'étaient égarées d'elles-mêmes dans l'échancrure de sa chemise et sur la peau douce de son cou, résistant à l'envie de faire sienne cette gorge si affriolante.

– Rabat-joie !

– Quand viennent-ils ? fit Severus en caressant ses mains redevenues sages.

– Demain.

– Ça s'est bien passé ?

– Avec Daphnée, oui...

Ce qui voulait tout dire.

Severus ouvrit les yeux et se tourna à demi vers lui, brusquement soucieux. Lucius haussa les épaules devant son regard interrogateur.

– Ne t'inquiète pas de ça, tu as bien assez à faire par ailleurs... C'est mon rôle de père de veiller sur Draco et sur mes petits-enfants. Qu'importe qu'il ne soit pas content.

– Je lui parlerai...

Lucius était certain que Draco écouterait davantage Severus que lui et peut-être même encore davantage Harry que Severus... Mais Harry ne dirait rien, ou sans doute beaucoup moins frontalement qu'eux ne le feraient. Et dans tous les cas, c'était d'abord à lui de parler à son fils.

– Ne t'inquiète pas de ça, assura Lucius. Où est Harry ?

– En bas, au laboratoire.

– Je vais aller le lui dire...

Severus plissa légèrement les yeux, hésitant entre méfiance et jalousie, et passa ses bras autour de ses hanches pour le retenir un instant.

– Mmh, grogna-t-il. Pas de bêtises dans le laboratoire ! Il y a là des produits dangereux et je ne tiens pas à ce que vous fassiez exploser le Manoir !

La protestation de Severus était moins virulente que Lucius ne l'aurait cru. Il commençait sans doute à s'habituer à l'idée de la relation entre Harry et lui, même s'il n'en était pas encore au point de pouvoir les voir s'embrasser ou davantage. Tout ça était trop frais pour lui, et même si Lucius espérait de toute son âme que cette période de transition ne dure pas trop longtemps, il prendrait le temps d'attendre que Harry et Severus soient prêts. Il n'allait pas gâcher tant d'espoirs presque accomplis et tant d'efforts de patience pour quelques désirs.

– Tu n'aimes pas cette maison de toute façon ! sourit-il en caressant la nuque de son compagnon.

– Mais j'y vis ! protesta Severus. Et je tiens à garder un toit sur la tête.

– Et moi à te garder tout court...

Severus grogna sa satisfaction avant de lever les yeux pour croiser longuement son regard.

– Embrasse-moi.

Lucius ne se fit pas prier et se pencha pour saisir les lèvres de son compagnon d'un baiser exigeant et passionné, qu'il dut interrompre trop rapidement à son goût avant de se laisser emporter.

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oooooo

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Harry lui tournait le dos quand Lucius pénétra dans le laboratoire, penché sur sa paillasse et un chaudron fumant. L'endroit, l'attitude, le bruit du léger bouillonnement, le regard attentif à la couleur, aux réactions des ingrédients, tout cela lui rappelait Severus des années auparavant. Avant les migraines et les évanouissements... Cesser de préparer des potions avait été pour son compagnon pire qu'un crève-cœur : une sorte d'amputation d'une partie de lui-même qui avait largement contribué à sa dépression après la guerre. Heureusement, avec le temps, il avait su compenser par les livres, les traductions pour ses clients, la Librairie et il s'était reconstruit une vie sans les potions... Mais son désespoir avait été terrible.

Lucius chassa ses pensées moroses en s'approchant de Harry et glissa ses bras autour de sa taille pour l'attirer contre lui.

– C'est toi, sourit le jeune homme en continuant à tourner une longue cuillère en argent dans son mélange.

Lucius ne savait pas s'il s'agissait d'une question ou d'une affirmation. Ni même si Harry l'avait vraiment reconnu ou s'il pensait encore que c'était Severus... Lui, en tout cas, savait très bien qui il avait entre les bras, et il pencha la tête pour poser un baiser sur l'épaule de Harry. Puis nicha son nez sous les cheveux du jeune homme pour embrasser sa nuque. Il sentait si bon... Et c'était un tel bonheur que de pouvoir enfin le toucher, le serrer dans ses bras, l'embrasser à loisirs. De pouvoir exprimer ses envies si intenses. De ne plus avoir à lutter contre des désirs interdits.

Il avait si longtemps désiré Harry avant de pouvoir enfin avoir ces gestes simples envers lui. Ça avait été si difficile, si frustrant de l'avoir en permanence sous les yeux sans pouvoir le toucher, et de le voir pourtant dans les bras de Severus. Et cette attente pénible l'avait laissé dans une telle insatisfaction et contrariété permanente que Lucius avait parfois préféré s'absenter que d'être confronté au jeune homme, à son sourire trop aguicheur ou à sa nudité décomplexée. Leur premier séjour en Provence avait été une longue torture contre laquelle il avait ragé et souffert en silence.

Mais aujourd'hui, sa patience avait payé et il tenait Harry entre ses bras, sa peau dorée sous ses lèvres, ne pouvant s'empêcher de le goûter et de le mordiller comme un fruit trop longtemps défendu. Et Harry se laissait faire en souriant, penchant la tête de côté pour écarter ses cheveux et dévoiler sa nuque, frémissant sous ses attentions et étouffant un gémissement sous ses morsures. Et le corps du jeune homme se pressait contre le sien comme si sa vie en dépendait, tendu, vibrant, si ardent que Lucius sentait déjà qu'il aurait du mal à se maîtriser.

– Salazar ! Vous allez me rendre fou, tous les deux ! gémit-il dans un souffle.

Il posa son front sur la nuque du jeune homme qui gloussait doucement et tenta de reprendre ses esprits. Il n'était pas venu pour ça, et il n'était pas certain que Severus le prenne très bien. Dans l'idéal, Lucius aurait même souhaité ne coucher ni avec l'un ni avec l'autre jusqu'à ce que leur désir ne les oblige à faire le premier pas et à initier leur premier rapport à trois. Mais il avait déjà craqué le matin même avec Harry. Et faire l'amour avec Severus lui manquait. Il avait promis de ne pas précipiter les choses mais il allait vraiment devenir fou s'ils ne se décidaient pas rapidement !

– Et à part venir me tripoter et m'embrasser partout – ce qui en soit n'est pas du tout déplaisant – vous vouliez quelque chose, Lucius ?

– Je suis loin de t'avoir embrassé partout, grogna-t-il, assailli par la frustration. Mais j'ai promis à Severus de ne pas te déconcentrer et de ne pas faire exploser le laboratoire.

Il allait passer sur le vouvoiement que Harry avait repris spontanément – chaque chose en son temps – pour se concentrer sur l'essentiel.

– J'étais venu te dire que Draco et Daphnée viendraient demain... Pour le déjeuner. Et ils resteront jusqu'à l'accouchement, précisa Lucius pour éviter toute méprise.

Harry hocha simplement la tête, continuant à tourner inlassablement sa cuillère dans le chaudron.

– Tu ne m'en veux pas ? fit Lucius après un silence.

– Non. Bien sûr que non, répondit Harry en tournant vers lui un sourire désarmant. C'est Draco et... il va avoir un bébé ! Je n'étais pas là les autres fois... ça rattrapera peut-être un peu mon absence.

Lucius fronça les sourcils devant cette impression que le jeune homme voulait se rattraper d'une faute passée et qu'il était prêt pour cela à sacrifier ses envies et ses besoins. Mais Harry lâcha son ustensile et se retourna complètement pour se fondre contre lui.

– Nous aurons tout le temps pour nous plus tard, assura-t-il avant de glousser. Ça vous demandera juste un peu plus de patience et de maîtrise...

Si Harry comptait attendre l'accouchement de Daphnée pour qu'il se passe quelque chose entre eux trois, il allait effectivement falloir à Lucius une sacrée dose de maîtrise !

– Nous verrons, grogna-t-il. Mais ne t'attends pas cependant à ce que Draco soit de bonne humeur.

– Oh ! fit Harry en fronçant à son tour les sourcils.

.

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Ce soir-là, devant le film, ils s'installèrent tous les trois sur le même canapé, comme ils le faisaient dans le Petit Salon. Non seulement Harry voyait mieux l'écran, mais il avait surtout le bénéfice indéniable de la présence des deux hommes autour de lui. Cette fois, il s'était mis au milieu, comme dans le lit la nuit précédente, et cette position lui donnait l'impression d'être dans un cocon douillet. Severus d'un côté, contre lequel il pouvait s'appuyer et Lucius de l'autre, légèrement plus distant, mais dont la main jouait dans ses cheveux et sur sa nuque pour leur plus grand bonheur à tous les deux. Pour un peu, il aurait ronronné de bonheur comme Orion.

Au moment de monter se coucher, Harry ne chercha pas d'excuse et suivit les deux hommes dans l'escalier en colimaçon. Arrivé sur le palier de l'étage, cependant, il fit mine de s'éloigner vers sa chambre, rapidement retenu par la main de Severus autour de son poignet.

– Viens avec nous, fit-il avec un regard inquiet tandis que Lucius se dirigeait vers le fond du couloir.

Venant de Severus, cette demande était à la fois surprenante, mais aussi très symbolique et Harry sentit son cœur battre la chamade quelques secondes tandis qu'un désir violent dansait dans son ventre.

– Je vous rejoins, assura-t-il. Laisse-moi cinq minutes pour me préparer...

Severus le relâcha à contrecœur et finit par s'éloigner à la suite de Lucius.

Harry gagna sa propre chambre et ferma la porte derrière lui en gloussant. Il y avait certaines choses qu'il ne voulait pas partager avec les deux hommes et les passages dans la salle de bains en faisaient partie. Il n'était pourtant pas pudique – Lucius lui en avait assez souvent fait le reproche à l'époque où il ne pouvait pas le toucher – mais il ne tenait pas à partager cette intimité-là avec eux. Pas plus qu'il ne tenait à voir Lucius se brosser les dents ou le surprendre assis sur les toilettes. Harry gloussa à nouveau à cette idée. Quand il avait vécu dans la forêt ou au Sarawak, ça ne l'avait jamais gêné pourtant. Les trous d'aisance étaient regroupés par quartiers, ceux des hommes d'un côté et ceux des femmes de l'autre, et c'était souvent l'occasion de se retrouver, d'échanger quelques mots et même de plaisanter. Les besoins du corps étaient quelque chose de naturel que personne ne cherchait à cacher.

Mais là, il était rentré en Angleterre, il s'agissait de ses amants et le désir passait aussi par une certaine forme de pudeur. Le spectacle de l'aristocrate en train de s'habiller et se coiffer le matin même avait déjà été assez déroutant; pas désagréable mais déroutant. Et autant que faire se peut, il avait toujours évité de partager la salle de bains en même temps que Severus. Excepté pour les douches... Mais la douche en commun... Harry s'en serait léché les babines.

Et là, il allait rejoindre les deux hommes pour passer la nuit avec eux ! Leur première et dernière nuit tranquille tous les trois avant que Draco et sa famille ne débarquent pour Merlin sait combien de temps ! Il n'en voulait pas à Lucius, dont il comprenait parfaitement les raisons, et encore moins à Draco, qui n'était pour rien dans cette mauvaise coordination de leurs vies. Mais l'insatisfaction allait sûrement gouverner son humeur ces prochains jours !

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Plus impatient que jamais, Harry s'empressa de se brosser les dents, de faire ses besoins et sa toilette du soir avant de quitter sa chambre. Comment allait-il les trouver tous les deux ? Déjà couchés ? Nus, forcément, puisqu'ils en avaient pris l'habitude l'un et l'autre... En train de se caresser ? ou plus encore ? La fébrilité pétillait en lui comme un feu follet et il avait presque l'impression d'avoir à nouveau quinze ans et d'aller à son premier rendez-vous amoureux. Merlin, qu'il était mièvre !

Il poussa la porte de leur chambre sans même frapper, étouffant son excitation derrière un sourire espiègle, et s'avança vers le lit où ils étaient déjà allongés sous les draps. Ils ne dormaient pas, évidemment, bien que Harry ait traîné à rêvasser dans sa chambre, et leurs regards se tournèrent vers lui en même temps. Deux chandeliers sur la cheminée éclairaient la pièce d'une lueur vacillante, et la vision de ses amants troubla Harry encore davantage. Severus était allongé sur le dos, un bras en arrière glissé sous son oreiller, tandis que Lucius, étendu sur le côté, une main sous la tête, caressait de l'autre le torse de son compagnon. Ou du moins, sa main bougeait sous le drap, sans que Harry sache vraiment jusqu'où elle descendait... Le désir virevolta brusquement dans son ventre, intense et ténébreux.

– Et tu comptes te coucher tout habillé ? ricana Severus.

Il avait sans doute l'air idiot à rester planté là, interdit et admiratif. Mais au-delà de son désir palpitant, Harry était émerveillé de les voir ainsi dans l'intimité, nus, tendres, se touchant sans retenue, loin de la pudeur que leur imposait la société, leur rang, la position politique de Lucius, loin de la pudeur qu'ils s'imposaient eux-mêmes devant leur famille... Lui seul les connaîtrait ainsi, libres de leurs gestes et de leur amour, impudiques, affectueux, lascifs, doux ou voluptueux, lui seul profiterait d'eux, et pas plus tard que maintenant !

– C'était pour le plaisir de me déshabiller devant vous ! sourit-il en s'empressant de se mettre nu lui aussi.

Son excitation commençait sans doute à se voir, mais Merlin ! Ce n'était rien par rapport à l'effervescence qu'il ressentait intérieurement !

À peine dévêtu, il sauta dans le lit comme un gamin espiègle, se retrouvant à califourchon sur le ventre de Severus et ses mains posées sur son torse.

– Et je dors où, moi ? gloussa-t-il.

– Parce que tu as l'intention de dormir, peut-être ? ricana Severus dont le regard s'attardait sur son érection grandissante.

La main puissante de son amant s'enroula lentement autour de son sexe et, tandis que Harry poussait un gémissement extatique, Lucius se redressa à demi et lui fit tourner la tête pour l'embrasser. Un baiser exigeant, ravageur, pour lequel Severus était au premier rang des spectateurs, et qui l'excitait visiblement assez pour que Harry sente son pénis sous ses fesses se gorger de sang et sa main se faire plus pressante autour de son propre sexe. Visiblement, il n'allait pas du tout être question de dormir ! Et il n'en revenait toujours pas d'être en train d'embrasser Lucius devant Severus et que la seule réaction de celui-ci soit de le masturber intensément. Et si Severus continuait à y mettre autant d'entrain, il allait jouir bien avant d'avoir eu le temps de profiter d'eux, tant son excitation était à son comble.

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Sans savoir comment cela s'était produit, Harry se retrouva brusquement entre eux, allongé sur le dos, assailli par quatre mains, deux bouches et ne sachant plus où donner de la tête. L'un des deux était en train de le sucer, et vu les cheveux longs qui chatouillaient son torse, ce devait être Severus. Lucius, donc, oscillait entre ses lèvres, son cou et ses tétons, lui arrachant des gémissements qui devaient empêcher même Orion de dormir. Les morsures autour de ses seins résonnaient de plaisir dans tout son corps et jusque dans son sexe, dans la bouche avide de Severus. Et entre les endroits qui n'étaient pas couverts par leurs lèvres, des mains enfiévrées parcouraient son corps, le caressant, le meurtrissant, le choyant, l'immobilisant lorsqu'il voulait les toucher à son tour ou se soustraire à leur poigne.

Pourquoi avait-il toujours cru – ou toujours craint – que faire l'amour avec eux se résumerait à un duo en action tandis que le troisième serait pur spectateur ? Peut-être parce que c'était ce qu'il avait vu dans les souvenirs de Lucius ? Peut-être parce que c'était ce qu'ils pratiquaient avant, quand le troisième n'était qu'un défouloir pour Severus... Mais jamais il n'avait songé à ça : tous les deux sur lui, en même temps, cette débauche de mains et de bouches qui s'acharnaient sur son corps, s'acharnaient à le rendre fou, à l'étreindre, à l'adorer, et aucun n'était encore en lui !

C'était peut-être mieux, certainement même, qu'ils soient ainsi tous les trois partenaires en même temps. Mais peut-être que c'était pire aussi ! Parce qu'il n'en pouvait déjà plus d'être le centre de toutes les caresses et de toutes les attentions, sans pouvoir bouger, ni satisfaire son désir de les toucher ! C'était une vraie torture, ces mains, ces lèvres, partout sur lui, leurs corps, leurs sexes, juste à portée de main et inaccessibles. Jamais de sa vie il n'avait été aussi tendu, aussi dur et aussi suppliant pour être délivré. Et la bouche de Severus était un puits de plaisir dans lequel ses coups de reins ne parvenaient jamais à le soulager complètement.

Puis Severus se redressa enfin et lança un sourire démoniaque à son compagnon.

– Suce-le.

Lucius ricana et rassembla d'un geste tous ses cheveux sur son épaule avant de se pencher à son tour.

– Oh non ! Non, non, non ! cria Harry.

Hors de question de laisser Lucius jouer avec lui alors qu'il était déjà au bout de sa vie !

– Et pourquoi donc ? fit Severus interloqué avant de lever les yeux vers Lucius. Qu'est-ce que tu lui as fait ?!

– Parce que je sais ce que ça donne ! gémit Harry. Et j'ai cru que j'allais crever !

– Tu as donc déjà eu droit aux faveurs de Luce ?! Et quand donc ?

– Ce matin, ricana l'aristocrate. Pendant que tu as préféré aller nager.

Les deux hommes s'affrontèrent un instant du regard et Severus finit par grogner.

– Et donc tu t'es amusé !...

– Juste un peu, reconnut Lucius avec un sourire goguenard.

Même si Harry ne pouvait toujours pas bouger, maintenu par leur poids et leurs mains, leur confrontation lui offrit un instant de répit salutaire, bien que ce soit une autre torture que d'être ainsi laissé en plan aux portes de l'orgasme.

– Ne t'inquiète pas, ricana Severus en baissant les yeux sur lui. Tu apprendras à aimer ça...

Et d'un signe de tête, il intima à Lucius l'ordre de s'occuper de lui.

.

oooooo

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Severus s'était endormi rapidement après l'orgasme de Harry, une fois que toute tension sexuelle eut disparu. Il n'avait pourtant pas joui mais son désir était retombé de lui-même, tout comme celui de Lucius. Seul avait compté ce soir le plaisir du jeune homme; le leur avait été différent, plus cérébral peut-être, soudés dans une même envie de le mener aux confins de la volupté et de la frustration.

Sans même le pénétrer... Ce genre de pratiques viendrait plus tard, ils avaient tout le temps pour cela, même si la venue de Draco allait décaler cet autre plaisir de quelques jours ou semaines. Ni Severus, ni lui ne voulaient précipiter les choses, au contraire et Lucius était particulièrement heureux que les appréhensions de son compagnon se muent en une envie mutuelle de partage, quitte à ce que ce soit Harry qui en fasse les frais. À ce rythme-là, et dans ce même désir de s'occuper du jeune homme, Severus acceptait sans problème que Lucius le touche, l'embrasse, le caresse, et même le suce... Et rien que cela était déjà beaucoup. Les plaisirs de la pénétration et de pouvoir les baiser l'un après l'autre, ou en enfilade, viendraient plus tard. En leur temps.

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Et maintenant que Severus dormait, Lucius pouvait profiter de Harry, pelotonné contre lui et qui ne dormait pas encore, malgré son orgasme renversant. Et il pouvait, avec un bonheur intense, le tenir contre lui et le caresser tendrement. Ses mains chérissaient inlassablement cette peau douce, chaude, qui frémissait encore sous ses attentions. De temps à autre, il rencontrait la surface plus lisse d'une cicatrice sur son flanc ou son épaule, et s'en éloignait, soucieux de ne pas raviver une douleur ancienne. Mais Harry semblait loin de tout ça, savourant ses caresses innocentes avec des soupirs de plaisir et de contentement, aussi précieux que ses cris de jouissance tout-à-l'heure. Il faisait penser à un gros chat ronronnant dans ses bras et cela le fit sourire dans l'obscurité.

Tout en admirant la présence de Harry contre lui, Lucius se demandait jusqu'où il pourrait amener Harry un jour ? Jusqu'à quelles pratiques ? Jusqu'à quels plaisirs ? Harry était très différent de Severus de ce point de vue-là, mais il semblait réceptif à certaines choses. Il ne rechignait pas à être maintenu, ni à une certaine forme d'autorité pendant le sexe, mais Lucius doutait que ce soit permanent. Harry était aussi fondamentalement libre et très indépendant, et si la contrainte l'excitait par moments, elle pourrait aussi l'effrayer à d'autres. Et pourtant... imaginer le jeune homme dans l'antichambre, immobilisé sur la croix de Saint-André et offert à sa main était diablement excitant.

Est-ce qu'il pourrait aller avec lui aussi loin qu'avec Severus ? L'attacher sous les cordes dans des positions pénibles à soutenir ? Prendre possession de sa gorge, pour le baiser ou pour la comprimer doucement, pour ces asphyxies suaves dont Severus raffolait parfois ? Le marquer sous le fouet, inlassablement, jusqu'au bout de la douleur ?... Lucius en doutait. Et pourtant, il était certain que Harry était capable d'aller beaucoup plus loin que Severus dans la douleur. Le jeune homme pourrait endurer bien plus, il l'avait déjà fait dans d'autres circonstances, mais il n'en tirerait jamais le même plaisir que Severus.

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Severus était un cas particulier, unique, parfois un peu effrayant. C'était lui qui avait initié autrefois la recherche de ces plaisirs-là, si différents des pratiques communes. Lucius ne savait pas exactement d'où venait ce besoin de se confronter aux extrêmes, d'aller au bout de ce qu'il pouvait endurer... Peut-être de son enfance, où Severus s'était fait un devoir de supporter les coups de son père sans montrer le moindre signe de faiblesse, avec un orgueil plein de morgue ? D'autres choses dont il avait été témoin ou victime sans jamais lui en parler ? Qu'est-ce qui avait fait que la douleur était devenue un plaisir, et l'endurance une source de fierté ? Qu'est-ce qui avait fait que cet homme infaillible et inaltérable aimait tant se soumettre à son bon plaisir et abandonner son corps à ses volontés ? Comment pouvait-il passer de cette toute-puissance intransigeante à cette soumission totale ?

Severus restait un mystère. Mais dès qu'il avait quitté Poudlard, le jeune homme qu'il était alors, s'était empressé d'aller découvrir ces bas-fonds de la sexualité, ces endroits, souvent sordides, où douleur, sexe, sang et sperme se donnaient et s'échangeaient dans les cris et les gémissements. Mais la façon de pratiquer convenait mal à Severus, trop de précipitation et de course en avant, les barrières, les limites étaient mal définies, et tout cela se faisait la plupart du temps sans amour, sans affect, sans respect. Et sans confiance. Car quoi qu'on en dise, la confiance et le respect étaient primordiaux dans cette relation particulière, et Lucius doutait que quiconque ait jamais pu obtenir de Severus ce que lui obtenait.

Et c'était Severus qui l'avait poussé peu à peu à assouvir ses désirs différents, qui l'avait initié à toutes ces pratiques, parce que son plaisir passait parfois par ces extrêmes. Lucius avait été réticent au début, tout cela était trop éloigné de ses habitudes, de ce qu'on lui avait inculqué, mais le plaisir de Severus était évident, criant de vérité, et cela rejoignait tant son propre désir de puissance et de pouvoir qu'il y avait rapidement trouvé une source de plaisir. Tout autre que celui de son compagnon, mais non moins intense, et parfois, le simple fait de voir Severus emporté dans un autre monde par les sensations, la douleur, la jouissance de l'abandon, pouvait le conduire à l'orgasme. La confiance indescriptible de Severus, son laisser-aller total, la façon dont il était capable de s'offrir, d'aller toujours plus loin sous le fouet ou les cordes le bouleversait. Jamais Lucius ne lui dirait combien de fois il avait été ému par sa détermination et sa persévérance, mais il n'avait jamais vu Severus aussi magnifique que dans ces moments-là.

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– Qu'est-ce qu'il y a ? murmura Harry dans ses bras. Vous êtes troublé...

– Ce n'est rien, répondit Lucius dans un souffle. Je me souvenais juste... à quel point j'aime Severus. Et à quel point je suis heureux que tu sois avec nous. Mais je t'interdis de le lui dire.

Lucius sentit le sourire de Harry s'étirer sur sa peau tandis que sa main le caressait doucement. Il ne pouvait pas encore parler d'amour à propos du jeune homme; en fait, il n'en savait rien, il ne souhaitait pas interroger ses sentiments, même s'il savait que ce n'était pas la même chose que pour Severus. Est-ce qu'un jour, il aimerait Harry autant qu'il aimait son compagnon ?

Lucius resserra son étreinte autour du jeune homme et le sentit se détendre jusqu'à ce que le sommeil vienne le chercher.

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oooooo

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La sensation d'un corps glacé contre lui réveilla Harry presque en sursaut. La peau de Severus était fraîche, hérissée et vaguement humide.

– Tu es gelé, murmura-t-il. Tu as encore nagé trop longtemps.

– Mais tu vas me réchauffer, sourit Severus, les lèvres sur sa nuque.

Harry activa légèrement son sortilège de chaleur et l'étendit jusqu'à englober son amant qui s'étira dans la tiédeur avec un soupir de contentement.

À côté d'eux, Lucius dormait encore et ils restèrent chastes, simplement enlacés à profiter de la douceur du petit matin sous la couette. Dehors, le jour levé semblait ensoleillé et il lui semblait même entendre le chant de quelques oiseaux. La journée allait être belle, longue sans doute et un peu étrange, et pour l'instant, Harry n'avait pas hâte de quitter le lit et la compagnie de ses amants.

Tout à l'heure, Draco et sa petite famille allaient venir et ils allaient tous reprendre leurs distances, éviter les gestes tendres pour ne se retrouver que la nuit. Et encore ! Harry n'était pas certain que Lucius accepte de partager son lit avec eux en présence des filles. À Torquay, il avait partagé la même chambre que Severus, puisque Minerva et Iris savaient de longue date la relation entre leurs grands-pères, mais maintenant qu'il était là... qu'en serait-il ? Que serait-il ? Et comment Draco allait-il réagir ?

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Harry n'avait pas très envie de penser à tout cela, et il préféra se concentrer sur la sensation de Severus derrière lui et des mains qui caressaient tendrement son corps. Et sur la vision de Lucius qui paraissait si tranquille, simple et accessible dans le sommeil. Sa rigueur et son regard suffisant étaient loin, il semblait plus détendu, plus apaisé et même étrangement plus heureux. Allégé du poids de ses responsabilités et de ses obligations, libre...

Sur l'oreiller, ses longs cheveux répandus en une corolle blonde lui donnaient un air angélique. Parfois, Harry se demandait comment faisait l'aristocrate pour ne pas être gêné en dormant ou pour d'autres activités... Les siens, qui lui arrivaient juste sous les épaules, étaient déjà à la limite de ce qu'il pouvait supporter, et il allait bientôt devoir les raccourcir un peu. Et il hésitait toujours à dormir trop près de l'aristocrate, de peur de lui coincer les cheveux... Mais c'était Lucius et pour rien au monde, Harry ne l'aurait imaginé, ni voulu autrement. Les cheveux longs faisaient partie de lui, autant que son profil droit et fier, autant que ses yeux gris si intransigeants et parfois si doux, autant que sa voix sèche ou voluptueuse... tout cela formait la personnalité de Lord Malfoy, son amant.

Et les grands yeux gris de Lucius étaient ouverts, tournés vers eux, et son regard était à la fois plein de bonheur et de mélancolie. Harry posa sa main sur celle de l'aristocrate, déjà posée sur son torse, et leurs doigts s'entrelacèrent spontanément. Severus n'avait pas réagi autrement qu'en posant ses lèvres sur son épaule et Harry ferma les yeux en soupirant de quiétude.

Le craquement intempestif du transplanage d'un elfe de maison le fit sursauter et il ouvrit brusquement les yeux sur Lucius qui se redressait dans le lit.

– Maître..., grinça la créature en lui tendant un parchemin.

Au premier coup d'œil, Harry avait reconnu cet elfe de maison, grand, raide et au regard hostile, celui qui l'avait surpris un jour au lit avec Severus, celui qui montait souvent la garde devant la cheminée du bureau de Lucius et le même qui avait expulsé du Manoir le journaliste indélicat lors de la conférence de presse pour son retour à la vie publique. Celui qui semblait aussi dévoué à Lucius que Sky l'était envers lui, mais sans cette servilité commune aux autres. Celui-là ne s'inclinait jamais, n'hésitait pas à interrompre une conversation ou à les fusiller du regard.

Et d'ailleurs son regard peu amène observait lentement le lit, passant du maître de maison au corps de Harry, puis celui de Severus, encore enlacés, avant de revenir vers Lucius.

– Pas de commentaire, je te prie, fit l'aristocrate avec un sourire en coin avant de déplier le message.

Aussitôt, le visage de Lucius se ferma et au bout de quelques secondes, il tendit le parchemin à l'elfe.

– Préviens Sky.

La créature parcourut rapidement le message, hocha la tête et après un dernier regard à son maître, disparut dans un craquement sonore.

Lucius resta quelques instants silencieux, le visage toujours fermé, puis se leva brusquement pour se diriger vers la salle de bains.

– Draco a annulé le déjeuner, fit-il sans se retourner. Ils viendront plus tard dans l'après-midi.

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Dans le lit, Harry pivota brusquement vers Severus en fronçant les sourcils tandis que la porte se refermait sur l'aristocrate.

– Qu'est-ce que ça veut dire ?

– Que Draco n'a pas apprécié la manière de faire de son père et il le lui fait savoir, soupira Severus.

Puis devant le mouvement de Harry pour se redresser, il ajouta en le retenant par le bras :

– Laisse-le. Il est contrarié... Ça ne sert à rien d'aller le voir pour l'instant. Il va être désagréable...

Harry hésitait, tiraillé de sentiments contraires, entre rester avec l'un ou rejoindre l'autre. Il finit par bougonner après le porteur de mauvaises nouvelles qui aurait au moins pu attendre le petit-déjeuner pour délivrer son message.

– Et qu'est-ce que c'est que cet elfe qui se croit tout permis au point de...

– Clay ? fit Severus, surpris de son ignorance, avant de ricaner : Il a effectivement tous les droits. Ne t'oppose pas à lui ou il pourrait te pourrir la vie ! Lucius lui voue une confiance inaltérable.

– À un elfe ?! s'exclama Harry à mi-voix.

Lucius ?! Le Lucius qui méprisait autrefois toutes les créatures magiques, et en particulier les elfes de maison ? Il avait certes changé, mais au point de faire confiance à un elfe ?!

– À celui-là, en tout cas, répondit Severus. Il connaît Luce depuis qu'il est gosse. C'était l'elfe de sa mère...

Sa mère ? Bien sûr, Lucius avait eu une mère, comme tout le monde. Aussi étonnant que cela puisse paraître malgré tout.

– Il n'en parle jamais...

– Pourquoi voudrais-tu qu'il en parle ?! s'étonna Severus. Ça fait plus de cinquante ans ! Sa mère est morte quand il n'avait même pas deux ans ! Il l'a à peine connue...

Sans savoir pourquoi cela l'atteignait autant, Harry déglutit avec peine et fronça les sourcils. Il y avait tant de choses qu'il ignorait sur les deux hommes, et en particulier sur Lucius. Et savoir que Severus possédait bien plus de clefs que lui pour comprendre son compagnon le mettait mal à l'aise.

– Mais évite de lui parler de ça ! reprit Severus en se redressant. Surtout maintenant !

– Où vas-tu? fit Harry, alarmé.

Severus était déjà debout, enfilant son kimono avant de se diriger vers la porte.

– Prendre ma douche. Dans ma chambre, ricana Severus. Ce n'est pas le moment d'aller lui casser les pieds.

Harry étouffa un grognement de dépit. Entre Lucius contrarié par la défection de Draco et Severus qui préférait prendre la poudre d'escampette en attendant que son compagnon se calme, la journée promettait d'être grise et terne. Merlin ! Pour leur premier vrai matin à se réveiller ensemble, et le dernier avant bien longtemps, il aurait vraiment souhaité autre chose !

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Mais Harry ne pouvait pas rester sur cette amertume dans la voix de Lucius sans rien faire. Qu'importent les recommandations de Severus et la façon dont lui se comportait avec son compagnon ! Il se glissa hors du lit pour rejoindre la salle de bains. Il se ferait peut-être sèchement congédié par l'aristocrate, mais au moins il aurait tenté sa chance. Les remords plutôt que les regrets, n'est-ce pas ? Et il avait déjà bien assez de regrets pour toute une vie !

La chaleur et l'humidité l'accueillirent de plein fouet et Harry ne put s'empêcher de sourire en refermant la porte derrière lui. Il avait presque l'impression d'être dans la forêt au moment des pluies du soir, quand le soleil avait régné en maître toute la journée et que la jungle ressemblait à une étuve.

Au-delà des miroirs embués et de la brume qui flottait dans la pièce, il aperçut Lucius, immobile et les yeux clos sous le jet d'eau. Harry s'avança pour pénétrer sous la douche brûlante qui rougissait la peau si blanche de l'aristocrate et l'enlaça doucement.

– Ce n'est vraiment pas le moment, s'il-te-plaît ! fit sèchement Lucius.

– C'est toujours le moment...

Entre ses bras, le corps de Lucius était raide, tendu comme un arc et pas prêt de s'abandonner. Et pourtant c'était le moment. L'eau qui ruisselait sur leurs corps, et ce bruit de cascade qui s'écoulait dans le cénote. Le silence parcouru par leurs respirations, le clapotis de l'eau, le murmure d'une brise dans les arbres. L'odeur d'une orchidée, des mousses vertes et duveteuses qui poussaient dans les creux humides. Le mouvement de l'eau qui serpentait autour d'eux, presque caressante, aussi douce que ses lèvres ce jour-là. Le son clair des gouttes cristallines qui tombaient des stalactites, lentes et hypnotiques, et celui, plus sourd, des battements de son cœur. Le goût de son parfum, de sa peau, et le calme serein d'une étreinte. Le souvenir de ce premier baiser dans l'atmosphère empreinte de magie du cénote...

Lucius avait fini par se relâcher entre ses bras, apaisé par la mémoire partagée d'un simple souvenir. Harry avait toujours le front appuyé contre son épaule, les yeux fermés, profondément relaxé lui aussi par la magie à laquelle il avait fait appel. Ce souvenir avait autant d'effet sur lui que sur Lucius et quelque part, loin, il lui semblait encore entendre le bruissement de la forêt et le clapot de l'eau qui résonnait sous la voûte de la caverne.

Lucius l'enlaça à son tour et vint poser ses lèvres dans son cou, sous son oreille, là où Harry aimait tant l'embrasser.

– Tu ne devrais pas utiliser la magie pour n'importe quoi...

– La magie n'est pas faite que pour se battre ou détruire. Elle est aussi faite pour soigner, guérir, apaiser..., murmura Harry. Je faisais pareil avec Axaya autrefois : l'immerger dans l'atmosphère d'un souvenir apaisant, jusqu'à ce qu'il se calme, et alors ce qui l'avait contrarié paraissait plus facile à vivre, moins douloureux...

L'eau ruisselait toujours sur leurs corps joints, unis dans l'étreinte et dans la magie. La justesse de ce moment qu'ils avaient vécu dans le cénote et qui avait consacré leur lien, se ressentait encore dans la façon dont le souvenir était capable de les apaiser, aussi bien l'un que l'autre et Harry ne pouvait que remercier ce qui l'avait attiré là-bas.

– Je sais que Draco va m'en vouloir, murmura Lucius. Et je comprends ses raisons. Je les aurais partagées dans la même situation... Mais je ne peux pas m'abstenir de faire ce que j'estime nécessaire.

– Et il le comprendra peut-être un jour... quand il fera la même chose pour ses propres enfants. Aujourd'hui, chacun doit simplement jouer son rôle... Toi, le père intransigeant et despotique, et lui, le fils trop fier qui ne veut accepter l'aide de personne, fut-elle utile et appréciable...

Harry passa délicatement sa main sur le visage las de Lucius.

– Despotique et intransigeant ? soupira-t-il.

– Parce que tu ne sais pas lui dire que tu l'aimes et que tu veux le protéger, sourit Harry. Comme avec Severus...

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Malgré cette fin un peu plus mélancolique, j'espère que vous avez tous apprécié de voir enfin(!) Lucius et Harry franchir le pas ensemble et j'imagine que le titre vous avait mis la puce à l'oreille (et le sourire aux lèvres) avant même de commencer à lire ;)

Je vous remercie très sincèrement d'être encore là à ce stade de l'histoire, et quelque part je vous félicite d'avoir tenu les quelques 700 pages de mon fichier LibreOffice jusqu'à ce dénouement que beaucoup d'entre vous attendaient depuis longtemps!

Au jour d'aujourd'hui, il ne reste plus que quatre chapitres et deux épilogues :( mais on a enfin la joie de voir Lucius et Harry ensemble!

La semaine prochaine, on retrouvera Draco et les tensions que l'on préfigure, mais aussi Blaise qui tentera d'apaiser tout ça.

Au plaisir

La vieille aux chats