En guise de résumé, je vous remets la fin du chapitre précédent.

A savoir que je réponds (sauf oubli éventuel) à toutes les reviews... Pour ceux qui n'auraient rien et qui ont des soucis pour recevoir les notifications de FFnet, n'hésitez pas à fouiller dans votre boîte de messages privés...

J'imagine que vous êtes pressés de savoir la suite, alors place à l'histoire... Bonne lecture!


Charlie Weasley était professeur à Poudlard.

Inlassablement, Harry répétait cette phrase dans sa tête comme une litanie amère. Charlie était prof à Poudlard. Charlie. Son Charlie. Le Weasley, le roux, le dragonnier. Il n'y avait aucun doute possible.

Charlie était l'amoureux de Matthieu, qu'il rechignait tant à nommer et à lui présenter depuis des semaines.

Charlie était professeur à Poudlard, collègue de travail de Luna, de Padma, de Neville, d'Irina... Et pas une fois son nom n'avait été mentionné devant lui.

En rentrant en Angleterre, Harry avait vécu à Poudlard quelques temps, dans les anciens appartements de Severus. Il avait vécu dans le château, parcouru ses couloirs, pris ses repas dans la Grande Salle, il s'était promené dans le parc, et pas une fois il n'avait aperçu Charlie.

Il avait parlé de lui à Fred, à Georges, à Molly et aucun n'avait avoué où il travaillait.

Le silence était plus qu'intentionnel, il était collectif. Tout le monde lui avait menti. Charlie n'avait pas voulu le revoir, et tout le monde lui avait menti. Et dès qu'ils avaient pu, ils l'avaient évincé de Poudlard pour plus de sûreté.

Avant de perdre le contrôle de sa magie qui s'emballait, Harry transplana. Loin.

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Quand il eut un peu épuisé sa colère, il revint. Parce qu'il n'en avait pas fini avec eux. Sa première visite fut pour Neville, parce qu'en tant que directeur, il avait été le premier à lui mentir, ou au moins à se taire. Charlie était son employé, Neville l'avait sciemment couvert.

La discussion fut orageuse, bien plus que Harry ne l'aurait cru face à son ancien ami. Il avait trop le souvenir du garçon pusillanime de leur adolescence, discret, effacé, manquant de confiance. Aujourd'hui, il avait face à lui un homme, directeur depuis des années, rompu à imposer sa volonté au sujet de l'école dans les réunions et les comités directeurs, et cet homme-là ne se laissait plus faire.

Bec et ongles et avec une fermeté insoupçonnée, Neville défendait sa position. Charlie lui avait demandé de taire sa présence et il avait accepté. Parce qu'il tenait à préserver plus que tout la vie privée de ses employés; d'autant plus qu'ils vivaient au château toute l'année. Et même si Charlie était souvent absent en raison de ses missions, il avait droit à toute l'intimité qu'il souhaitait dans l'endroit où il habitait. Harry était supposé n'être que de passage, cela ne devait pas venir bouleverser la vie des employés de Poudlard.

– Je suis navré que tu prennes ça si mal mais je suis directeur de cette école, et à ce titre, responsable aussi bien des élèves que de tous ceux qui y vivent. Charlie travaille pour moi et je tiens à le garder à ce poste. Et quelle que soit l'amitié qui nous lie, toi et moi, et même si j'ai essayé de le faire changer d'avis, je trouvais sa requête légitime. Tu devrais plutôt te demander pour quelle raison il ne voulait pas te revoir !

Ulcéré et furieux, Harry partit en claquant la porte, traversant les couloirs de Poudlard d'un pas rageur pour rejoindre les appartements de Luna.

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– Toi ! Toi plus que tous les autres, tu m'as menti ! cria-t-il quand elle ouvrit la porte. Pourquoi ?!

Dans la cheminée de l'appartement palpitaient encore des flammèches verdâtres et Luna ne semblait pas surprise par son irruption. Le temps que Harry descende, Neville avait dû la prévenir du différend qui venait d'avoir lieu dans son bureau.

– Entre, je t'en prie, ironisa la jeune femme en refermant la porte derrière lui pour étouffer les cris.

– Tu m'as menti, gronda-t-il sourdement. Je te faisais confiance et tu m'as menti.

– J'ai respecté la volonté de Charlie, répondit-elle en croisant les bras.

– Au point de me mener en bateau ? Au point de me jeter dans les bras de Severus ? Au point de m'éloigner du château volontairement ?

Plein de furie, Harry ne pouvait s'empêcher de crier, prêchant le faux pour savoir le vrai, balançant tous les soupçons qui étaient nés peu à peu dans son esprit.

Fermement campée sur ses deux pieds et le toisant du regard, Luna parut malgré tout légèrement ébranlée par ses paroles et secoua la tête avant de répondre.

– Tu n'as eu besoin de personne pour te jeter dans les bras de Severus. Tu en rêvais depuis tellement d'années...

– Mais tu m'as poussé sur ce chemin-là ! vociféra Harry. Tu m'as manipulé !

– Moins que tu ne le crois, Harry, fit Luna plus doucement. Tu étais fait pour Severus...

– Mais si j'avais su que Charlie était là, ça aurait pu tout changer !

– Charlie ne le souhaitait pas. Et moi non plus. Ton avenir passait par Severus. Il n'était pas souhaitable que tu revoies Charlie à ce moment-là. Ce que j'ai vu...

Souhaitable ?! Tu te fous de moi ?! Bordel, je ne suis pas un putain de pantin ! Et tu n'es pas là pour tirer les ficelles de ma vie ! Je fais ce que je veux ! Et avec qui je veux ! Et toi, tu m'as menti sciemment ! Tu m'as induit en erreur pour me coller dans les bras de Severus et me faire quitter le château ! Et je me fous de tes raisons ! Je me fous de l'avenir et de tes putains de vision ! Je ne suis pas ta marionnette !

Plus il criait et plus l'attitude de Luna s'adoucissait, s'arrondissait et elle paraissait de nouveau avoir dix-sept ans et des rêves plein la tête.

– Dans une certaine mesure, il est souhaitable de respecter l'avenir, Harry, expliqua-t-elle en allant tranquillement s'asseoir sur le canapé. Charlie ne voulait pas te revoir et moi je devais faire en sorte de te rapprocher de Severus. Parce que toutes les lignes de l'avenir passent par cette configuration. Il fallait que tu suives ce chemin. Severus est ta destinée, et le préalable nécessaire à ce qui va se passer dans les mois et les années qui viennent... Lucius l'a bien compris quand il t'a invité au Manoir...

Harry avait verdi au fur et à mesure de ses paroles et il manqua de s'étrangler sur ses derniers mots.

– Tu veux dire qu'il était au courant ?! Qu'il ne m'a fait venir au Manoir que parce que tes visions le disaient ? Pour m'éloigner de Charlie et me mettre dans les bras de Severus ?!

– Assieds-toi, je t'en prie, murmura Luna en tapotant le canapé à côté d'elle. Lucius savait mais il visait essentiellement le bonheur de Severus. Quand je lui ai demandé de te faire venir au Manoir, il n'a accepté que pour cette raison-là...

De stupeur et de confusion, Harry resta muet quelques secondes. Ce secret au sujet de Charlie recouvrait bien plus de mensonges qu'il ne le croyait. Cela remettait tout en question. Qui avait été sincère dans tout ce merdier ?! Quels mots avaient été sincères et lesquels n'avaient été que manipulation pour le faire obéir comme un gentil chien ?!

– Non je me m'assoirai pas ! cria-t-il de plus belle. Et je me fous de vos plans à la con ! Je ne veux pas accomplir vos quatre volontés ! Tout le monde m'a menti dans cette histoire ! Toi, Neville, Lucius ! Et Severus aussi, il joue la comédie ?! Tout le monde fait semblant d'être gentil avec moi pour me manipuler ?! Et vous voulez quoi au juste ? Le pouvoir ? La puissance ? Je suis de nouveau l'Élu ? Il faut que je sauve qui cette fois-ci ?!

– Personne n'attend rien de toi, Harry, tempéra Luna en levant ses yeux troublés vers lui. J'ai juste donné un petit coup de pouce dans le bon sens. Pour respecter ce que voulait Charlie, et parce que ça correspondait à l'avenir... Rien de plus. Est-ce que tu n'es pas heureux avec Severus et Lucius ?

– Mais je me fous d'être heureux ! hurla-t-il. Je ne suis pas un jouet ! J'ai juste envie de...

La porte de la chambre s'ouvrit brusquement, révélant Padma qui devait écouter la dispute depuis le début. Elle s'approcha à grands pas, s'interposant physiquement entre Harry debout dans toute sa colère et Luna, assise sur le canapé, qui le regardait d'un air triste et compatissant.

– Ça suffit maintenant, fit-elle imperturbable. Tu vas arrêter de hurler, tu vas t'en aller et tu reviendras quand tu seras plus calme.

Froidement et le regard dur, Padma bravait l'aura de Harry qu'il avait complètement négligée et qui bouillonnait en tous sens, aussi furieuse et déchaînée que lui. La magie était si violente qu'elle fut obligée de reculer d'un pas, conservant pourtant son aplomb face à sa colère, les bras croisés et stoïque.

Harry était fou de rage mais il ne voulait pas leur faire de mal. Et s'il restait là plus longtemps, cela allait mal finir. Il était bouleversé, ivre de colère, blessé, trahi mais il n'allait certainement pas se laisser déborder par sa magie et risquer de commettre les mêmes atrocités que par le passé. Padma avait raison : il allait partir.

– Tu sais quoi ? fit-il d'un ton glacial. Je m'en vais. Et vous allez tous aller vous faire foutre avec mon avenir, vos conneries de visions et de destinée. Mais ne comptez plus sur moi pour jouer votre jeu et faire ce dont vous avez envie. Je ne suis pas à votre service. Vous vous trouverez un autre joli petit pantin à manipuler. Et je vous souhaite bien du plaisir !

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En haussant un sourcil fatigué, Lucius appuya son menton sur ses mains jointes, écoutant d'une oreille distraite les doléances et les récriminations des elfes de maison. De temps à autre, il fallait bien tenir cette petite réunion des domestiques, attribuer les tâches aux uns et aux autres, donner des directives et parfois déminer les conflits larvés. Même ces créatures étaient capables de disputes et de mésententes alors qu'ils étaient tous là pour servir le Manoir et la famille Malfoy.

En règle générale, ce n'était quand même pas très intéressant, et cette fois ne faisait pas exception à la règle. Il lui tardait plutôt que Severus rentre de son rendez-vous à la Librairie et que Harry rentre de... Il ne savait même pas où était Harry, mais peu importait, il avait hâte de retrouver ses deux amants et de se coller sous une couette avec eux pour savourer leur présence et leur tendresse. Si tout allait bien, il avait même prévu de passer un peu de temps dans l'antichambre... avec Harry s'il le souhaitait. Et Lucius espérait bien le convaincre.

Depuis leur escapade d'une nuit en Provence et leur première fois à faire réellement l'amour tous les trois, Lucius avait l'impression de flotter sur un petit nuage rose, si cette image n'avait pas eu un côté irrémédiablement Poufsouffle. Severus était toujours un peu méfiant depuis qu'il avait employé ce mot de « compagnon » mais Lucius s'employait à lui démontrer sa sincérité et cela payait peu à peu. Il l'avait rarement vu aussi serein et souriant. Harry, lui, rayonnait de bonheur de les avoir enfin tous les deux auprès de lui, et cela semblait décupler ses appétits sexuels. Et enfin il dormait bien toutes les nuits. Quant à lui, Lucius avait l'impression d'avoir une chance inouïe, d'avoir gagné une fortune au casino ou d'avoir enfin trouvé le Graal. Tout était parfait dans sa vie, et il ne manquait plus que la naissance du fils de Draco pour qu'il puisse se déclarer irrémédiablement heureux.

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Le gémissement inquiet d'un des elfes de maison le tira brusquement de ses rêveries et Lucius fronça les sourcils. Une fraction de seconde plus tard, Harry était au beau milieu de son bureau, enveloppé de volutes de magie tempétueuses et vibrant d'une colère éclatante.

– Dehors ! aboya-t-il aux elfes de maison terrorisés. Tous ! Foutez-moi le camp !

Lucius haussa les sourcils face à cet éclat de colère incongru et vit disparaître un à un les elfes, jusqu'à ce qu'il ne reste plus dans la pièce que Sky, inquiète et ratatinée sur elle-même, et Clay qui au contraire vint se dresser entre Harry et le bureau derrière lequel il était assis. Pour qu'il en vienne à s'interposer ainsi, c'est qu'il estimait que la menace était sérieuse, mais Lucius avait toute confiance en Harry.

– Tous ! rugit-il.

– Je m'en occupe, Clay, fit Lucius posément. Tu peux partir.

L'elfe hésita un instant, jetant à Harry un regard lourd de sens, avant de transplaner à son tour, quelques secondes après Sky.

– Vous ! hurla Harry tandis que sa magie semblait déferler dans la pièce. Vous m'avez menti !

Jamais auparavant, Lucius n'avait entendu le jeune homme crier, ni même hausser le ton. Parfois il râlait modérément, plus pour la forme qu'autre chose, mais les éclats de voix dans sa bouche semblaient aussi surréalistes que s'il était soudain devenu hétérosexuel. Un non-sens. Et plus que cela, le vouvoiement de retour dans ses paroles était inquiétant, signe immanquable de sa colère et d'une distance soudaine.

– Vous vous êtes foutu de moi et vous m'avez manipulé ! Comme les autres ! Toutes vos belles paroles n'étaient que des mensonges !

Lucius fronça les sourcils de plus belle. Il ne comprenait rien aux reproches de Harry, mais il n'allait certainement pas se laisser parler sur ce ton par qui que ce soit. Pas même par l'homme qui partageait sa vie et qu'il avait passionnément tenu dans ses bras le matin même.

– Qu'est-ce que c'est que ce cirque ? fit-il d'une voix polaire. Maintenant tu vas te calmer et m'expliquer pourquoi tu hurles ainsi au beau milieu de mon bureau !

Sa froideur eut au moins le mérite de stopper Harry dans sa vindicte et de le figer quelques instants. Mais le ton glacial dont il usa pour répliquer était peut-être pire que sa colère.

– Alors, c'était comment de me baiser ? Maintenant que vous avez eu ce que vous vouliez, vous pouvez le dire. Ça fait quoi de baiser le Survivant comme une chienne ? C'était bien ? Vous avez pris votre pied ? Faut croire en tout cas que ça plaît à Severus puisqu'il en redemande... Je vous décerne au moins l'oscar du meilleur acteur ! Tous ces mensonges savamment ficelés pour réussir à me coller dans votre lit à tous les deux ! Et de mon plein gré en plus ! Je n'en reviens pas comment vous avez réussi à tisser votre toile jusqu'à m'inviter ici. Jusqu'à me proposer de vivre au Manoir. En distribuant des paroles affectueuses comme des friandises. Tout ça pour « le bonheur de Severus » ou pour m'éloigner de Poudlard ?! Comment ça se fait que vous obéissiez ainsi à Luna ? Qu'est-ce qu'elle vous a fait pour obtenir ça de vous ?

L'aura de Harry était immense et tumultueuse, faisant trembler les bibelots et les vases sur la cheminée, agitée de courants d'air comme de vraies bourrasques, et Lucius n'aurait pas été surpris de voir se briser les miroirs et les vitres. Il avait déjà vu de quoi était capable la magie de Harry lorsque le Manoir avait scintillé pendant plusieurs jours comme un palais des glaces, ou lorsqu'il s'était battu en duel contre lui, et il ne souhaitait certainement pas recommencer !

– Silence ! tonna-t-il. Je ne comprends strictement rien à tes accusations !

– Vous saviez pour Charlie ! hurla Harry avec un regard insensé. Vous saviez et vous ne m'avez rien dit !

Une lueur de compréhension éclaira peu à peu Lucius et son agacement fit place à la surprise.

– Charlie Weasley ? Oui je savais. Luna m'en avait parlé et je l'ai même croisé le jour où je suis allé t'inviter à passer quelques temps au Manoir. Et c'est ça qui me vaut tous ces hurlements ?!

Le mépris de ses derniers mots ne fit que rajouter à la dureté froide de Harry.

– Vous préfériez sciemment me jeter dans les bras de Severus plutôt que je retrouve à nouveau Charlie ?

– Je me fous éperdument de Charlie. En revanche le bonheur de Severus m'importe. Alors oui, je n'ai pas jugé utile de te parler de lui.

– Et si mon bonheur passait par Charlie ? claqua la voix glaciale de Harry. Vous ne vous êtes même pas posé la question. Ça vous a paru normal de choisir à ma place... D'offrir un jouet à Severus que vous pourriez aussi mettre dans votre lit plus tard... avoir une petite pute à disposition que vous pourriez vous partager.

– Arrête de dire n'importe quoi ! cingla Lucius, excédé. Ce matin, je n'ai pas eu l'impression que tu te plaignais beaucoup de partager notre lit !

Aussitôt dites, il regretta ses paroles plus maladroites qu'autre chose. L'agacement, la colère... Ses mots avaient toujours été trop vindicatifs sous la colère. Pas assez réfléchis. Draco en avait assez fait les frais. Lucius se laissait rarement déborder mais les dégâts étaient toujours plus vastes qu'il ne le pensait et le souhaitait. Et au vu des yeux brusquement rétrécis de Harry, ses mots n'étaient pas les bons.

– C'est ça ! Et gardez-en un bon souvenir, hein !

Le bruit du verre brisé accompagna le craquement retentissant du transplanage et lorsque Lucius rouvrit les yeux, il ne restait plus dans la pièce qu'un brouillard émeraude, rapidement chassé par une brise d'été.

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Tandis que Clay apparaissait brusquement dans la pièce et, après un regard en tous sens, entreprenait déjà de réparer les vitres des fenêtres, Lucius se prit la tête entre les mains. Sans savoir pourquoi, il pressentait la catastrophe. La colère de Harry avait été immense, irraisonnée, et dans son aura avaient filtré tant de déception, de souffrance et un tel sentiment de trahison qu'il se doutait que cette dispute n'allait pas se résoudre comme ça. Et lui il avait réagi complètement de travers, avec des mots qui n'étaient certainement pas les bons. Malgré sa propension au sarcasme, Severus aurait certainement mieux su gérer la fureur du jeune homme...

En songeant à son compagnon, une vague de culpabilité traversa Lucius. Il ne voulait pas être responsable d'une mésentente ou d'un froid entre eux, il ne voulait pas être responsable de la perte de ce bonheur chèrement acquis et tout détruire en un clin d'œil. Et pourtant la faute était la sienne. Involontaire, ancienne et surgissant au beau milieu d'une situation encore fragile, mais la sienne.

– Mon manteau ! fit-il à Clay qui œuvrait toujours à réparer les dégâts du départ de Harry. Je sors.

Il devait aller voir Severus. Maintenant. Il avait besoin de lui dire ce qui venait de se passer, besoin de son avis, besoin de se rassurer et d'espérer un instant qu'il n'avait pas commis quelque chose d'irrémédiable.

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– Qu'est-ce que tu fais là ? s'étonna Severus en venant voir qui était ce client qui pénétrait dans la boutique malgré le panonceau "Fermé". Il y a un problème ?

Lucius n'était pas venu à la Librairie depuis des années et il fut surpris de redécouvrir le repaire de son compagnon, ses rayonnages méthodiques et ordonnés qui, à mesure que l'on s'enfonçait dans le magasin, croulaient peu à peu sous les livres pour finir par des empilements d'ouvrages jusque sur le sol. Et cette odeur de vieux papier qui baignait les lieux en faisait vraiment l'antre de Severus.

Mais le visage méfiant qui lui faisait face ramena brusquement Lucius à la réalité.

– Je crois que j'ai fait une connerie, lâcha-t-il en fronçant les sourcils.

– Tu as fait un mauvais placement et tu es ruiné ? ricana Severus.

– Ce n'est pas le moment de plaisanter, Sev. J'ai fait une connerie avec Harry.

Severus se donna une seconde pour fermer les yeux et retrouver toute sa contenance, avant de croiser les bras et d'interroger Lucius.

– Qu'est-ce qui s'est passé ?

– Je... Il a débarqué dans mon bureau en hurlant de colère et...

– Hurler ? Harry ?!

– Oui, en hurlant, s'agaça Lucius. Mais ce n'est pas le problème. C'est surtout que... c'est Harry, et tu ne peux pas lui dire les choses comme à n'importe qui. Il prend tout bien trop à cœur. Et je crois qu'il a très mal pris ma façon de lui répondre...

– Quelles choses ? s'agaça à son tour Severus. Si tu commençais par le début !

Lucius plongea un instant dans les yeux noirs de son compagnon : deux puits sombres et obscurs, noyés d'irritation, et qui semblaient promettre bien des tourments si cela menaçait sa relation avec Harry.

– Tu te souviens de Charlie Weasley ?

– Un des fils de Molly, oui.

– Il est professeur à Poudlard...

Severus haussa les épaules. Cette information ne le concernait en rien et n'expliquait rien non plus.

– Avant d'être professeur à Poudlard, il a longtemps travaillé dans une réserve de dragons en Roumanie.

Le brusque froncement de sourcils de Severus, plus encore qu'ils ne l'étaient déjà, témoignait de son début de compréhension.

– C'est chez lui que Harry est parti en quittant Poudlard il y a douze ans, expliqua Lucius. Ils ont été amants. Et Harry est parti... Quand il est revenu en début d'année à Poudlard, Charlie a fait en sorte que Harry ne sache pas qu'il vivait là. Il voulait surtout ne pas le revoir. Toi en revanche, tu avais commencé à revoir Harry. Et tu avais de nouveau des sentiments pour lui...

Si c'était possible, le regard de Severus était devenu encore plus sombre, presque sépulcral.

– Luna était au courant de tout. Moi, je voulais que tu sois heureux, fit Lucius en détournant brusquement le regard. Quand elle m'a contacté pour me demander d'inviter Harry au Manoir, j'ai accepté tout de suite. Ça vous permettait de passer du temps ensemble, et puis je trouvais Harry attachant. Je me fichais de Charlie ! Je ne savais même pas qu'ils avaient été amants... C'est Luna qui me l'a appris. Elle, elle voulait éloigner Harry de Charlie. Tu sais qu'elle a ces espèces de visions de l'avenir... D'après elle, Harry ne devait surtout pas revoir Charlie à ce moment-là. Il devait construire sa vie avec toi, et pas risquer de renouer avec son ex. Ça rejoignait ce que je voulais, je ne me suis même pas posé de questions...

Lucius soupira, soudain conscient que ses décisions d'alors avaient été purement égoïstes et motivées par ses seules envies vis à vis de Severus. Les envies de Harry n'avaient pas pesé bien lourd dans la balance... Mais il avait eu l'air heureux...

– Aujourd'hui, Harry vient d'apprendre tout ça... Il me reproche de l'avoir manipulé pour l'éloigner de Charlie, le coller dans ton lit et dans le mien. Il était hors de lui !

– Et il a raison. Toi et Luna, vous l'avez manipulé pour l'éloigner de Charlie, le coller dans mon lit et dans le tien ! reprit froidement Severus. Je ne me plains pas du résultat final mais je doute qu'il apprécie la méthode !

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La main levée, le poing serré, Harry hésitait. Il avait pris le temps de laisser jaillir sa colère et sa douleur dans des endroits où l'explosion de sa magie paraîtrait insignifiante. Il avait pris le temps de réfléchir, si on pouvait appeler « réfléchir » le tournoiement incessant de pensées dans son esprit. Il avait pris le temps de se calmer; du moins, il l'espérait. Il avait pris du temps avant de se retrouver là, le poing serré, figé et nerveux.

Au bout d'une éternité de secondes indécises, par agacement, lassitude ou dépit, il laissa sa main s'abattre sur le montant de bois. Le coup porté sur la porte des appartements de Matthieu résonna le long du couloir, réveillant les personnages dans les tableaux et secouant la poussière qui volait dans la lumière.

– Harry ?! fit Matthieu en ouvrant la porte à la volée. Qu'est-ce que tu fais là ? Je t'ai cherché partout dans le parc cette après-midi et impossible de te trouver. Je...

La surprise de Matthieu, sincère, le troubla légèrement. Un instant, il eut envie, profondément envie d'être ailleurs, mais il devait savoir, il avait besoin de savoir. Et les réponses devaient d'abord venir du principal concerné.

– Je peux entrer ?

Matthieu hésita un instant avant de s'effacer pour le laisser pénétrer dans son salon. Harry fit quelques pas vers le canapé, jetant un coup d'œil circulaire qui lui permit d'apprécier à nouveau la décoration moderne et raffinée des appartements de son ami. Derrière lui, il entendit la porte se refermer et sans même se retourner, il attaqua :

– Dis-moi comment s'appelle ton cher et tendre, Matthieu.

La formule les avait longtemps fait sourire; elle avait ce côté ancien, suranné mais délicieux, des petits noms que l'on donne avec plaisir dans l'intimité. De la même façon que Mark avait appelé son ambassadeur « mon chat », l'amoureux mystérieux de Matthieu n'avait pas de nom mais il était son « cher et tendre ».

Un silence de plomb résonnait dans la pièce. Un vide assourdissant que le mutisme de Matthieu remplissait de culpabilité et de regrets.

– Non. Ne dis rien..., fit Harry immobile et impassible.

Avait-il besoin de réponses, à présent que le silence de Matthieu en était une à lui seul ?

– Admettons... admettons que je sache qui il est, et que je devine en partie pourquoi tu ne me l'as jamais dit... Est-ce que tu as quelque chose à ajouter ?

Les secondes passèrent. S'alourdissant en minutes lentes et laborieuses. Matthieu, dans son dos, n'avait toujours pas bougé, et encore moins ouvert la bouche pour lui répondre. Harry baissa lentement la tête. Tout ça ne servait à rien. Il allait partir, il n'y avait rien de mieux à faire, transplaner n'importe où, loin, longtemps, ailleurs et tenter de panser les plaies de la trahison.

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– Assieds-toi...

Comme un ressort qui se serait détendu brusquement, Harry se laissa tomber dans le canapé. Matthieu bougea enfin et traversa la pièce pour sortir une bouteille de whisky et deux verres du fond d'un placard. Il revint vers le salon, s'assit lourdement et les servit avant de s'enfoncer dans les coussins et le dossier du canapé. Harry hocha vaguement la tête en guise de remerciement, refusant de croiser le regard de Matthieu qui, de toute façon, fuyait tout autant le sien.

– Je suis désolé, lâcha Matthieu avant d'avaler d'un trait son verre.

Sa voix transpirait la résignation et la lassitude, plus que la sincérité. Il passa une main sur son visage puis dans ses cheveux, soupira et tourna le regard le plus loin possible de lui. Ses atermoiements allaient finir par l'agacer et Harry songea une nouvelle fois à partir.

– Je n'ai jamais voulu de ça. Je n'ai jamais voulu te mentir, ou te cacher quoi que ce soit. Au contraire. J'aurais voulu pouvoir en parler avec toi... Parce que cette situation de non-dit me faisait chier. Parce que j'aurais voulu partager mes sentiments pour lui avec toi, aussi bien mes hésitations que mes joies, les progrès pas à pas, avoir ton avis, pouvoir vider mon sac quand j'en avais besoin, pouvoir te parler comme à un ami...

– J'ai cru l'être.

– Tu l'es. Mais j'étais lié par une promesse... Que je n'ai même pas comprise au départ. Je croyais qu'il ne voulait pas te revoir simplement parce que ça lui rappelait de mauvais souvenirs. Parce que tu avais été l'ami de son frère, l'amant de sa sœur...

– Je n'ai jamais couché avec Ginny.

– … presque un membre de sa famille. Et que tu étais parti sans donner de nouvelles et que toute la famille avait vécu ça comme une trahison... Tu ne devais pas entendre parler de lui, tu ne devais pas savoir qu'il vivait à Poudlard, qu'il était prof ici... ça n'était pas mon problème. Comme tous les autres, je n'ai rien dit. Même si les autres devaient davantage deviner les raisons de cette mascarade...

Harry s'obligeait à garder le silence. Matthieu parlait enfin, il voulait visiblement vider son sac, il n'allait pas l'interrompre.

– Toi et moi, on a commencé à s'apprécier, à passer des soirées ensemble. Ce secret me faisait chier et je n'en comprenais surtout pas l'utilité. Je crois que j'ai compris le jour où je t'ai emmené au magasin de Fred et Georges... Dans leur façon de ne pas te répondre au sujet de Charlie, j'ai compris qu'il y avait plus que cette absence entre vous.

À la seconde où Matthieu prononça le prénom de Charlie, Harry fut pris d'un long frisson. C'était la première fois qu'il entendait ce nom dans la bouche de son « ami », aussi poignant et aussi crucial qu'un aveu.

– J'ai mis ça en parallèle avec ce que Charlie me confiait, tant bien que mal, sur son passé. Au milieu des silences et des blessures, il y avait toi... Celui qui l'avait quitté du jour au lendemain, sans un mot, sans une explication. Celui grâce à qui il refusait de s'engager à nouveau. Celui à cause de qui il refusait de faire à nouveau confiance... Je t'en ai voulu de ce que tu avais fait autrefois. De la douleur que tu avais causée en le quittant, et des répercussions que ça avait sur mon histoire avec lui. Je t'ai jalousé aussi. Autant que je t'avais jalousé autrefois de cette relation étrange avec Severus. J'avais l'impression de passer toujours derrière toi, d'être toujours le second, le laissé-pour-compte. De ramasser sans cesse les pots cassés que tu avais laissés derrière toi... J'avais l'impression de payer pour tes conneries. Et ce n'était pas juste.

Sans même s'en rendre compte, Harry grimaçait sous les reproches de Matthieu. Ils étaient légitimes en partie, mais pas faciles à entendre.

– C'était pas juste, et pourtant je t'appréciais. Beaucoup. J'appréciais celui que tu es aujourd'hui, j'aimais nos soirées à discuter, à picoler, j'aimais ta joie de vivre, ta spontanéité, mais aussi ce que tu étais au fond. Et je me retrouvais pris entre deux feux. Toi qui étais dans l'ignorance la plus complète et que j'avais l'impression de trahir à chaque fois que je parlais de ma relation naissante avec Charlie. Et lui, qui m'avait demandé le secret et qui te reprochait en silence tellement de choses, et parfois jusqu'aux soirées que je passais avec toi...

Matthieu marqua une pause et s'éclaircit la gorge rapidement, reprenant la parole sans tarder, de peur de ne pas réussir à aller au bout de ce qu'il avait à dire.

– Je n'ai pas voulu choisir entre vous deux. Plusieurs fois, j'ai essayé... j'ai voulu te parler, te dire toute la vérité, mais ce n'était jamais le bon moment, ou bien je n'avais pas envie de gâcher une bonne soirée, ou bien nous n'étions pas seuls... C'était difficile. Je ne voulais pas te mentir mais j'étais piégé depuis longtemps et je ne savais pas comment sortir de ce bourbier. J'ai essayé de le convaincre lui aussi mais c'était peine perdue.

La tête baissée vers la bouteille sur la table basse, Matthieu se tut enfin, soulagé de cette confession tardive tout en redoutant ses conséquences. Lentement, Harry se leva, jeta un regard sur le corps presque avachi du jeune professeur, puis vers la table. Il n'avait même pas bu son verre.

– Et aujourd'hui, vous en êtes où ?

Matthieu sursauta, piqué par sa question, et leva les yeux vers lui. Des yeux tristes, d'un bleu délavé et fatigué.

– On... « se voit ». De temps en temps. On couche parfois ensemble. C'est tout ce que j'obtiens de lui.

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Les aveux de Matthieu avaient bouleversé Harry, plus qu'il n'aurait su l'exprimer. Il peinait encore à comprendre l'enchaînement de mensonges autour de lui qui avait à ce point régi sa vie ces derniers mois, mais il avait bien entendu les confessions et les regrets de Matthieu. Ce piège lentement refermé autour de son ami qui l'avait contraint au silence. Cette façon dont il avait été pris entre deux feux sans parvenir à en sortir. Et avec le recul, Harry comprenait mieux certaines hésitations, des petites phrases passées inaperçues dans les conversations et qui prenaient aujourd'hui tout leur sens.

Il se souvenait en particulier de son anniversaire où Lucius avait invité Matthieu à venir dîner quelques jours plus tard avec son amoureux... Il avait eu cette petite phrase, à peine un murmure, amer et résigné : « Ce n'est pas prêt d'arriver ». Et Lucius avait promis à mi-voix de s'occuper de cela. Avait-il eu l'intention de lui avouer le mensonge... ?

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Ce silence était pour Matthieu une vraie prison qui l'empêchait de vivre sa relation au grand jour, vis à vis de Harry, mais aussi vis à vis de Severus. Comment pourrait-il présenter son ami à son père adoptif s'il ne pouvait dévoiler son identité ? Comment pourrait-il le faire venir au Manoir un jour pour un dîner de famille s'il y avait un tel déni autour de lui ?

Si Charlie acceptait un jour cette éventualité... Non seulement il n'avait jamais voulu revoir Harry ni être confronté à lui, mais aux dires de Matthieu, son ex amant semblait encore profondément blessé de leur ancienne histoire. Incapable de faire confiance et de se laisser aller à ses sentiments. Lui avait-il fait tant de mal ?...

Harry secoua la tête avec désespoir. Luna et Lucius lui avaient menti pour le manipuler et obtenir de lui ce qu'ils souhaitaient. Peut-être Severus également. Mais il croyait aux explications de Matthieu et à sa sincérité. Son ami regrettait profondément ce mensonge qui l'avait enfermé dans le silence. Et qui l'empêchait de vivre certaines choses.

Pour Matthieu, Harry pouvait au moins essayer de réparer les dégâts qu'il avait commis autrefois. Il le méritait. Matthieu était une belle personne et il ne voulait surtout pas qu'il ait à souffrir encore de ses erreurs de jeunesse. Comme il l'avait dit, ce n'était pas juste. Et puis Harry voulait être sûr que Charlie allait bien...

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Il rebroussa lentement chemin à travers le parc et regagna le château. Harry ne savait pas où se trouvaient les appartements de Charlie mais les elfes de maison, eux, devaient le savoir. Et Kreattur serait ravi de le renseigner.

Silencieusement, l'elfe le fit transplaner dans un couloir désert du cinquième étage dont les fenêtres sombres donnaient sur l'ouest et un joli coucher de soleil. L'heure du dîner était passée depuis un moment et Harry se demanda brusquement ce qui se passait au Manoir. Lucius avait-il avoué à Severus et Draco pourquoi il n'était pas là ? Et ce qui s'était passé dans son bureau plus tôt dans l'après-midi ? De quoi au juste était au courant son amant ? Et Draco ? Il était le meilleur ami de Luna... Avait-il aidé à faire pression pour que Harry vienne au Manoir ? En se souvenant de leur premières retrouvailles, il en doutait. Au départ, Draco n'avait pas été franchement ravi de le revoir : il avait lui aussi son lot de reproches à lui faire...

Brusquement, Harry eut le sentiment de toujours avoir déçu tout le monde. Il avait déçu Severus en quittant Poudlard sur un coup de tête autrefois. Il avait déçu Charlie en quittant la Roumanie et en l'abandonnant. Il avait déçu Molly et tous les Weasley en disparaissant comme s'ils n'avaient jamais compté. Il avait déçu Draco pour les mêmes raisons... Et aujourd'hui Matthieu qui ne pouvait pas être heureux à cause de lui... Il n'était sans doute pas doué pour les relations humaines; la solitude lui convenait mieux, au moins il ne risquait de blesser personne. Mais avant de partir, il pouvait essayer de réparer quelques dégâts dont il était responsable.

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Bien plus doucement qu'il ne l'avait fait chez Matthieu, Harry frappa à la porte des appartements de Charlie tandis que Kreattur disparaissait en silence.

Les secondes s'écoulèrent, hésitantes, nombreuses, avant que la porte ne s'ouvre enfin sur la silhouette massive de Charlie, lui coupant plus efficacement le souffle qu'un coup de poing dans l'estomac.

Avec une émotion indicible, Harry retrouvait ce visage qu'il avait embrassé il y a si longtemps, ces yeux bleus si émouvants, cette peau couverte de taches de sons, ces cheveux roux, plus creusés sur les tempes que dans son souvenir, attachés en queue de cheval dans son dos. Cette même carrure, trapue, plus carrée peut-être qu'autrefois, dont il connaissait si bien la force et la puissance de l'étreinte.

Une fraction de seconde, il eut envie de se jeter au cou de Charlie et de l'envelopper de tendresse, mais il se retint en baissant pudiquement la tête devant le regard dur qui lui faisait face.

– Qu'est-ce que tu veux ? demanda une voix fermée qui lui arracha un long frisson.

– Est-ce que... je peux entrer ? fit Harry doucement.

Charlie hésita longuement puis lui tourna le dos pour s'en aller s'appuyer contre le manteau de la cheminée, les bras croisés et aussi distant qu'il lui était possible. Harry referma la porte derrière lui et devant le silence de Charlie, alla s'asseoir sur un bout de canapé, les fesses à peine posées sur le coussin. Il n'avait pas l'intention de rester longtemps de toute façon.

Malgré son envie, il s'empêcha de détailler l'intérieur des appartements de Charlie, mais sa première impression lui donnait le même sentiment que le Terrier autrefois : une pièce petite, légèrement encombrée de meubles, de souvenirs et de bibelots, mais qui semblait si vivante et chaleureuse qu'il eut de nouveau l'impression d'être en Roumanie.

Charlie avait conservé certains objets qu'il reconnut au premier coup d'œil : les chandeliers sur la cheminée, à côté de cette vieille pendule qui ne fonctionnait déjà plus à l'époque mais dont les rouages apparents fascinaient par leur complexité et leur esthétisme. Le tapis de fourrure sous la table basse était autrefois devant la cheminée et Harry se souvenait même avoir fait l'amour dessus... Deux tableaux modernes sur les murs... Et puis Charlie avait conservé certaines habitudes qui le firent sourire : les plaids jetés sur les dossiers des canapés et dans lesquels il aimait s'enrouler malgré les flammes toujours présentes dans l'âtre; la pile de livres à lire sur le meuble de l'entrée, à côté du vide-poche où il posait ses clefs et sa monnaie en rentrant chez lui tous les soirs; les chaussures soigneusement rangées par paires sous le porte-manteau alors que Harry les abandonnaient souvent en vrac à côté de la porte. Déjà, il aimait être pieds nus...

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Il aurait pu rester longtemps dans ce silence presque confortable, avec ce sentiment doux de pénétrer dans un intérieur qui n'était pas le sien tout en étant familier malgré tout. Mais le visage fermé de Charlie et son regard dur, amer, attendaient qu'il s'exprime.

– Pourquoi est-ce que tu ne voulais pas me revoir ? demanda doucement Harry. Est-ce que... je t'ai fait tant de mal ?

Charlie haussa les épaules avec un grognement qui pouvait signifier tout et n'importe quoi.

– Tu es parti, finit-il par lâcher. Tu n'avais pas à revenir dix ans après.

Cela valait sans doute toutes les explications possibles. À l'époque, il n'avait pas eu conscience des sentiments du dragonnier envers lui. Ou il n'avait pas voulu en avoir conscience...

– Tu es parti sans un mot et sans une explication, ajouta Charlie durement.

– Je sais, admit Harry en secouant la tête. Et je le regrette. Je n'ai jamais été très doué pour les adieux.

– J'étais en train de tomber amoureux de toi. Et tu as disparu.

Harry baissa la tête pour se perdre dans la contemplation de ses mains. Severus lui avait fait sensiblement les mêmes reproches. Il fallait croire qu'il n'était bon qu'à faire souffrir les hommes qui l'aimaient.

– L'absence, c'est lâche.

Le ton définitif de Charlie signifiait la fin du temps qu'il était prêt à lui accorder et Harry se leva comme un automate avant de se diriger vers la porte. Sur son dos, il sentait le regard de son ancien amant, lourd de reproches et de déceptions jamais complètement digérées.

– L'absence, c'est parfois salutaire pourtant, osa Harry, la main sur la poignée de la porte. J'ai eu besoin d'être seul, d'être loin, pour pouvoir me reconstruire. Mais j'étais trop enfermé dans ma propre douleur et ma propre souffrance pour réaliser la douleur et la souffrance que je causais autour de moi. Je n'ai pas su voir ni comprendre tes sentiments. Même si ça ne change rien à ce que j'ai fait... je suis désolé, Charlie. Je n'ai jamais eu l'intention de te faire du mal. Jamais. Surtout pas à toi...

– Tu n'en avais rien à faire. Rien de ce qui s'est passé n'avait d'importance pour toi.

– Ce n'est pas vrai, murmura Harry sans se retourner. Je ne saurais pas dire ce que tu as été pour moi, mais tu as compté... Bien plus que tu ne le crois. Mais peu importe que tu me crois. Je ne suis pas là pour me faire pardonner ou me trouver des excuses. Je suis là pour Matthieu. Parce qu'il tient à toi... Je voudrais... je voudrais que tu lui laisses une chance. Parce qu'il le mérite, et toi aussi. Je le connais, et je t'ai connu. Vous pourriez être heureux ensemble. Si tu le veux bien...

Harry leva un instant le regard sur la porte tout en fermant les yeux. De toute façon, il ne voyait rien à travers ce brouillard d'humidité qui noyait ses pupilles. Derrière lui, Charlie n'avait pas bougé, inflexible, fixant son dos sans même ciller.

– Je te promets de ne pas empiéter sur votre vie, sur votre relation. Je te promets de ne pas être là, de ne jamais interférer entre vous, de près ou de loin. De ne plus revoir Matthieu si tu ne le souhaites pas... Mais s'il-te-plaît, laisse-lui dans ta vie la place qu'il mérite... Et soyez heureux.

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– Il est parti ? murmura Matthieu en ouvrant la porte de l'appartement.

Le bruit du transplanage avait été plus discret que celui d'un elfe mais il avait nettement perçu un craquement. À moins que ce ne soit Charlie qui ait cassé un objet.

Mais dans le salon, il n'y avait plus qu'une seule personne, bouleversée et abasourdie.

– Je ne sais même pas comment, avoua Charlie d'une voix étrange.

– Ne cherche pas à comprendre ce dont il est capable, fit Matthieu en le rejoignant pour l'enlacer. Il a changé.

– Tu as tout entendu, n'est-ce pas ?

– En grande partie...

De l'autre côté de la porte, il avait nettement reconnu la voix de Harry et perçu toutes ses paroles. Poignantes au point de laisser Charlie avec un léger voile sur la voix.

Les bras autour des épaules du dragonnier, Matthieu sourit à ces yeux bleus incertains qui le fixaient sans le voir. Charlie était perdu dans ses pensées, si loin de lui et de ses attentions... Si bouleversé par cette confrontation inattendue avec son ancien amant... Fugacement, Matthieu glissa ses lèvres sur celles de Charlie sans rien attendre en retour. En être réduit à manifester ainsi ses sentiments alors qu'il pensait à un autre...

Matthieu relâcha son étreinte pour s'en aller, mais les bras de Charlie le retinrent, brusquement enserrés autour de sa taille. Et ses sourcils froncés au-dessus d'un regard bien plus présent le considérait avec une sorte de tristesse qui lui fit étrangement mal au cœur.

– Je ne te mérite pas, murmura Charlie.

– Je suis là parce que je t'aime...

– Je ne le mérite pas. Je ne suis qu'un imbécile, amer, aigri, parce qu'il n'a jamais réussi à faire le deuil d'une vieille histoire et que depuis, il est incapable de se lier à quelqu'un, de faire confiance et de vivre une histoire d'amour sans la saborder au bout de quelques mois. Je suis pitoyable et je n'arrive même plus à lui en vouloir...

– Tu vaux beaucoup mieux que ça, Charlie. Et tu mérites amplement d'être aimé.

Pour appuyer ses paroles si sincères que sa voix tremblait légèrement, Matthieu caressa doucement le visage de son amoureux avant de laisser glisser sa main le long de son cou et de son épaule, pour finir par l'embrasser à nouveau.

– Pourquoi est-ce que tu attends encore après moi, Matt ? Tu pourrais trouver quelqu'un de tellement mieux, quelqu'un qui puisse t'aimer à ta juste valeur... Tu es tellement doux et attentionné, si attachant, si tendre... Je suis un rustre tout juste bon à fréquenter des dragons alors que tu es une vraie perle...

Sans pouvoir se retenir, Matthieu laissa échapper un ricanement moqueur qu'il étouffa en baissant la tête.

– Pardon. J'ai failli être vulgaire.

Charlie lui jeta un regard plein d'incompréhension qui le fit sourire de plus belle.

– J'allais dire « Enfile-moi ! », mais ça gâche un peu l'instant ! gloussa Matthieu.

Charlie mit quelques secondes à comprendre son mauvais jeu de mot avant d'éclater de rire comme il ne l'avait pas entendu depuis longtemps.

– C'est donc tout ce que tu attends de moi : du sexe et encore du sexe ?

– Je te veux toi. Toi tout entier et tu le sais très bien, affirma Matthieu avant d'esquisser un demi-sourire. Mais je ne suis pas contre un peu de sexe à l'occasion !

– Embrasse-moi, murmura Charlie.

Matthieu secoua légèrement la tête et se défit de l'étreinte du dragonnier en reculant d'un pas. C'était un crève-cœur mais c'était mieux ainsi.

– Bonne nuit, Charlie...

– Qu'est-ce que ? fit-il en le voyant s'éloigner vers la porte. Pourquoi pars-tu maintenant ?

– J'ai envie de toi, Charlie. Je t'aime et j'ai envie de toi. Et je ne veux pas profiter de la situation ce soir. Je ne veux pas faire, ni que tu fasses, quelque chose dont tu n'as pas envie. Et encore moins que tu puisses dire des paroles que tu regretteras demain...

Charlie leva les yeux au ciel, l'attrapa par le poignet et l'attira vers lui jusqu'à ce qu'il soit à nouveau dans ses bras.

– Je ne t'ai jamais rien promis et je ne te promets rien de plus, mais je sais encore ce dont j'ai envie. Et tu fais partie de tous les désirs qui me viennent en tête ! Je ne sais pas si je suis capable d'aimer autant que toi, mais je peux essayer... Je veux essayer.

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Draco jeta un regard sombre à Iris qui essayait comme chaque matin de donner discrètement son bol de lait à un elfe de maison. Et quand ce n'était pas les elfes qu'elle essayait d'amadouer, c'était à Severus qu'elle s'attaquait et il se laissait mener par le bout du nez avec une complicité évidente. Vivre au Manoir n'était pas une mince affaire en matière d'éducation, mais ce bébé allait bien finir par naître et ils pourraient un jour rentrer chez eux.

– Où est Harry ? fit brusquement Draco. Il dort encore ?

Il n'avait pas été présent au dîner la veille au soir, sorti avec des amis selon Lucius, et il avait dû rentrer tard de toute évidence. Mais le regard embarrassé de son père, et celui, furieux, que Severus lança à son compagnon, alerta Draco comme une sonnette d'alarme.

– Où est Harry ? répéta-t-il avec méfiance.

Avec une insistance à la limite de l'effronterie, il affronta le regard de son père qui lui enjoignait silencieusement de changer de sujet.

– Je ne sais pas. Il n'est pas rentré cette nuit, finit par admettre Lucius.

– Qu'est-ce qui s'est passé ? interrogea Draco avec une voix vibrante d'exaspération.

Il sentait bien à l'attitude des deux hommes, et en particulier celle de son père, que cette absence n'était pas anodine, et que tous deux savaient très bien quel point épineux en était la cause.

– Pas maintenant ! gronda Lucius en survolant la table du regard.

C'était la présence des filles et de Daphnée qui l'empêchait de s'expliquer ?! Qu'à cela ne tienne, ils allaient aller ailleurs !

– Dans ton bureau ! ordonna Draco en se levant. Et maintenant !

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– Qu'est ce qui s'est passé ? questionna-t-il à peine son père se fut-il assis derrière son bureau.

Lui était resté debout, les deux mains appuyées sur le dossier d'un fauteuil. Cela valait mieux que de défouler sa colère naissante à coup de baguette sur n'importe quel objet.

– Nous nous sommes disputés.

– Il faut aller loin pour se disputer avec Harry ! souligna Draco. Qu'est-ce que tu as encore fait ?

Le regard glacial que lui envoya Lucius l'aurait fait trembler pendant bien des années, mais aujourd'hui, il avait passé l'âge d'être impressionné par son père.

– Je lui ai caché certaines informations.

Draco serra les dents devant ces aveux distillés au compte-goutte.

– À quel sujet au juste ? Raconte-moi toute l'histoire.

Sans savoir pourquoi il obéissait ainsi à son fils, Lucius reprit la même explication que la veille à Severus, les mensonges, les reproches, la fureur irraisonnée et la confiance perdue. Sans doute avait-il besoin d'évacuer encore sa culpabilité, et puis Draco connaissait Harry mieux que lui. Son avis – et son aide, si besoin était – pouvaient être précieux.

– Tu n'es qu'un sombre idiot ! claqua froidement Draco quand il eut fini.

– Je ne te permets pas de me parler de cette façon ! s'emporta Lucius.

Draco eut un temps d'arrêt avant de le considérer avec des yeux rétrécis emplis de ce qui ressemblait à du mépris.

– J'imagine bien que tu l'as pris sur ce ton, n'est-ce pas ? Au lieu de lui dire que tu l'aimais et que tu regrettais ce qui s'est passé, tu l'as pris de haut, sur ce ton arrogant et hautain que tu sais si bien utiliser. Bravo ! Félicitations ! Tu as tout fait pour le perdre !

Sous les paroles humiliantes de son fils, Lucius grimaça en se retenant de répliquer. Il n'allait pas se battre contre Draco alors qu'il avait déjà perdu Harry de cette manière.

– Tu sais ce qui le plus traumatisé Harry à la fin de la guerre, à part d'avoir dû tuer Voldemort et d'avoir perdu tous ses proches ?

– J'ai passé l'âge des devinettes !

– C'est d'avoir été utilisé et manipulé contre son gré. D'avoir été une marionnette. Tout le monde s'est servi de lui pendant la guerre... Dumbledore voulait qu'il retrouve les horcruxes, le Ministre voulait qu'il tue Voldemort, la prophétie voulait qu'il soit l'Élu... Le monde sorcier attendait de lui qu'il les sauve... Il n'a eu le choix de rien. Et tous ils ont œuvré en silence pour obtenir de lui ce qu'ils voulaient ! Toi et Luna, vous avez fait exactement la même chose !

– Mais je n'avais aucune intention de lui nuire ! se défendit Lucius.

– Mais vous ne vous êtes même pas posés la question des conséquences ! s'exclama Draco. Vous ne lui avez laissé aucun libre arbitre ! Comment veux-tu qu'il te fasse confiance après ça ?! Comment veux-tu qu'il sache à quel moment tu l'as manipulé et à quel moment tu as été sincère ?!

Draco se tut brusquement et considéra son père, étonnamment tassé sur lui-même. Il n'avait plus face à lui Lord Malfoy, avec toute la noblesse et la fierté qui faisaient la réputation de sa famille, mais simplement Lucius, l'homme, avec ses failles et ses faiblesses.

– Vous vous êtes foutus dans un sacré merdier ! souffla Draco en secouant la tête. Et je ne sais même pas comment vous allez en sortir...

Son père passa une main lasse sur son visage en fermant brièvement les yeux.

– J'ai assez à faire avec les reproches de Severus, s'il-te-plaît. Bien entendu, tu ne sais pas où il est ni comment le joindre ?

– Non, fit Draco en haussant les épaules. Et j'ose espérer que Severus n'était pas au courant de tout cela ?

– Non il ne l'était pas, fit Lucius en s'appuyant contre le dossier de son fauteuil et en détournant le regard vers la fenêtre.

La confrontation était visiblement terminée. Draco soupira en se dirigeant vers la porte. Son père s'était mis tout seul dans de sales draps mais il en allait de l'unité de toute la famille.

– Essaye de contacter Alicia Spinnet. Quand il a besoin de se défouler ou de se vider la tête, Harry aime bien aller danser avec elle. Et ils discutent pas mal...

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– Tiens. Je m'attendais à recevoir un appel du Manoir Malfoy, mais je pensais qu'il viendrait de Severus, pas de vous...

– Épargne-moi tes sarcasmes, Alicia. Si tu attendais un appel, j'imagine que tu sais pourquoi...

Au milieu des flammes verdâtres, la jeune femme eut un sourire sarcastique que Severus n'aurait pas renié.

– J'ignorais que nous étions devenus familiers au point de nous tutoyer...

Lucius retint in extremis un claquement de langue exaspéré. Il avait besoin des réponses d'Alicia, il était bien obligé de composer avec cette arrogance inédite.

– Bien. Est-ce que vous auriez vu Harry depuis hier ? Ou est-ce que vous lui avez parlé ? Il n'est pas rentré au Manoir et...

S'étendre sur ses raisons de chercher Harry n'était peut-être pas nécessaire... Surtout s'il en était réduit à appeler chacun de ses amis. Mais la grimace désabusée d'Alicia était déjà une réponse en soi, et malgré tout, Lucius fut soulagé de ce début d'information.

– Oui, je l'ai vu. Nous sommes sortis hier soir... Il avait besoin de danser et de boire. Et d'oublier. Je l'ai ramené chez moi vers trois heures du matin, à peu près ivre mort. Et Merlin sait qu'il en faut avant de le saouler ! Il a dormi sur mon canapé, mais quand je me suis réveillée ce matin, il était parti. Je n'en sais pas plus.

Avec un pincement au cœur, Lucius soupira.

– Vous ne savez pas où il est parti ? Il n'a pas laissé de message, rien ?

– Un simple « Merci » griffonné sur un bout de parchemin. Rien d'autre.

Évanoui dans la nature. À nouveau. Comme lorsqu'il avait disparu dans sa forêt il y avait des semaines de cela. Si jamais Harry était là-bas, Lucius savait qu'il pouvait y accéder en passant par son « bureau », mais le chemin était périlleux et le retour impossible sans lui. Et il n'était pas sûr, étant donné le contexte, qu'il accepte de venir à son secours une deuxième fois.

– Je... Merci... pour ces informations. Est-ce que... vous pourriez me prévenir s'il vous contacte à nouveau ? Au moins lui dire que je souhaiterais lui parler ?...

Alicia hocha simplement la tête, mais juste avant que Lucius ne mette fin à la conversation, elle le rappela :

– Lord Malfoy ?... Je ne sais pas ce qui s'est passé, ce que vous lui avez dit ou ce que vous avez fait... mais vous lui avez fait mal.

– Il était encore en colère ?

– En colère, non. Mais blessé. Et triste. Vraiment triste.

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Harry avait disparu depuis plus de quatre jours, aussi bien à Sainte-Mangouste où il avait fait parvenir un message d'excuses qu'au Manoir, et chacun s'efforçait de ne pas relever son absence. Les seules qui avaient osé poser des questions étaient Iris et Minerva, auxquelles Lucius avait répondu que Harry s'était absenté quelques jours. « Mais alors, il ne va pas être là pour la naissance du bébé ! » s'était exclamée Iris en toute innocence.

Severus était d'une humeur exécrable, fermé et silencieux comme ça ne lui était pas arrivé depuis longtemps. Lucius avait les traits tirés et gardait en permanence un visage soucieux que même les pitreries des filles ne parvenaient pas à dérider. Et Draco contenait tant bien que mal son exaspération pour préserver la quiétude du Manoir, et surtout la tranquillité de Daphnée.

Après les explications de son père, il était passé voir Luna à Poudlard pour obtenir une deuxième version de l'histoire. Et elle avait été pire que la première ! Au moins Lucius avait caché des informations à Harry pour préserver son idylle naissante avec Severus, mais il n'avait même pas su que Harry et Charlie avaient été amants autrefois. Enfin, il l'avait su après l'avoir invité au Manoir...

Mais Luna avait souhaité éloigner Harry de Poudlard simplement pour que la réalité corresponde à ses visions... Et Draco avait beau être son ami depuis plus de dix ans, elle avait beau être la marraine de ses filles, il en avait foutrement assez de ces histoires de visions qui devaient régir le monde ! Même si, au final, Luna avait toujours eu raison en affirmant que Minerva irait un jour à Poudlard...

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– Lucius ? murmura Daphnée en s'approchant doucement.

L'aristocrate était posté devant la baie vitrée de la véranda, les mains croisées derrière son dos et perdu dans ses pensées. Elle posa une main délicate sur son épaule pour signaler sa présence, mais le geste le fit sursauter malgré tout.

– Daphnée ! Tu devrais aller t'asseoir...

– Je passe ma vie assise, Lucius ! sourit-elle. Au point d'en avoir mal aux fesses ! J'aimerais qu'il sorte, maintenant, ce bébé. Et si pour ça je dois rester debout toute la journée, ça ne me fait pas peur.

Le sourire de l'aristocrate était pâle, trop discret pour être vraiment sincère.

– Est-ce que ça va ?

– Comment ça pourrait aller ? murmura-t-il. J'avais l'impression d'avoir atteint... je ne sais pas, une situation idéale, quelque chose qui ressemble au bonheur... et regarde où j'en suis aujourd'hui : Harry a disparu et Severus me parle à peine. Il a raison de m'en vouloir, ceci dit... Tout est de ma faute.

Avec tendresse, Daphnée passa son bras autour des épaules de Lucius avant de poser sa tête sur son épaule.

– Essaye de garder espoir... Harry n'a pas l'âme à garder rancune... Et son amour était sincère.

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Harry s'arrêta quelques instants pour reprendre son souffle et contempla le panorama autour de lui. La vue était superbe sur les pentes rocheuses alentours et le fond de la vallée noyée d'une jungle qui s'étendait à perte de vue. Et ce ciel magnifique et lumineux, même si un orage se profilait au loin.

Frissonnant malgré le soleil, Harry augmenta légèrement son sortilège de chaleur. L'effort de l'ascension lui avait donné chaud mais la sueur sur son torse nu combinée au petit vent frais de l'altitude lui donnait déjà envie de remettre sa chemise. Ce qu'il fit en finissant par s'asseoir un moment sur un rocher pour se reposer.

Il n'avait plus l'habitude de ça. La vie en Angleterre avait été trop oisive, trop confortable... Dormir sur un matelas moelleux, manger chaque jour plus qu'à sa faim... et même trois fois par jour ! Sans même l'effort de chasser ou de chercher sa nourriture, pas plus que de la cuisiner. C'était presque trop facile.

Reprendre sa lance et son couteau pour aller chasser avait été étrange, incongru, et il n'avait pas pu abattre le premier animal qu'il avait vu... Saisi d'une pudeur qu'il ne se connaissait pas, avant que la faim, deux jours plus tard, ne lui ôte toute pitié. Mais il avait oublié combien cette vie-là était rude. Elle avait pourtant été la sienne des années durant, presque une évidence...

Et puis, étrangement, la solitude lui pesait. Il connaissait l'isolement, celui qu'il avait longtemps choisi, le confort de ne dépendre de personne, de ne rendre de compte à personne... Mais là, il se sentait seul, comme amputé d'une partie de lui qui lui manquait déraisonnablement. Et ça n'avait rien de confortable. Severus lui manquait. Ses bras, son regard, sa présence... Sa tendresse et son amour.

Il aurait été entre quatre murs, Harry aurait tourné en rond dans la pièce, nerveusement et incapable de se fixer sur quoi que ce soit. Comme si l'absence de Severus était une abstinence douloureuse, le sevrage d'une drogue qui lui était nécessaire pour vivre... Il était dans la forêt, alors il était parti marcher. Avaler des kilomètres de jungle et de sentiers empruntés par les animaux, jusqu'à grimper les premiers contreforts vers les plateaux qui marquaient la frontière. Là où Maya l'avait trouvé il y a des années...

Lucius aussi lui manquait, à tout bien réfléchir. Malgré le dépit et la tristesse que Harry ressentait encore envers ce qu'il avait fait. L'humanité particulière de Lucius, cachée sous l'arrogance de son attitude, lui faisait étrangement défaut. Cette perception infime et intime de ses états d'âme... Il avait même encore du mal à croire que Lucius ait pu se servir ainsi de lui comme d'un jouet, le plaçant où bon lui semblait, dans le lit de Severus ou dans le sien. Lui, comme il l'avait dit un jour à Lucius, il n'avait jamais triché. Il s'était mis à nu devant eux, ses blessures comme ses sentiments, en toute confiance... et cela faisait d'autant plus mal.

Il ne fallait pas penser à ça ! Harry se releva brusquement, légèrement étourdi par l'altitude, avant de sentir confusément le contact d'un des médaillons. Malgré son absence, Lucius n'avait pas utilisé le sien, devinant sans doute que ce serait une mauvaise entrée en matière que de « l'obliger » à revenir. Mais celui-là était le deuxième, que Harry avait confié à Sam pendant ses vacances, et qu'il avait, avant de partir, donné à Matthieu, pour il ne savait quelles raisons. Il était moins puissant, ne pouvant pas l'obliger à se déplacer, mais il était capable de transmettre un message, d'un morceau de sa magie à sa magie toute entière. Et ce qu'il percevait le surprit : « Charlie souhaite te parler. »

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Harry était à nouveau devant cette porte du cinquième étage de Poudlard, là où il se trouvait déjà quelques jours auparavant. Il avait pris le temps de manger un peu tout en réfléchissant à ce qu'il allait faire, puis de trouver un ruisseau pour faire un brin de toilette et rafraîchir ses vêtements. Certes, il n'était pas tout à fait présentable, avec ses sandales de corde, sa chemise usée et son pantalon de lin, mais il avait vécu ainsi des années. Et puis ce n'était que Charlie, qui l'avait vu nu en son temps.

Harry ne savait pas trop à quoi s'attendre. Principalement à une déferlante de reproches sans doute, mais il ne pouvait pas refuser cette espèce de main tendue. Pas après que Charlie ait si longtemps refusé de le voir. Et la formulation que Matthieu avait employée : « Charlie souhaite te parler » lui laissait assez de liberté de refuser, pour qu'il se sente paradoxalement obligé d'accepter. Ses raisonnements trop tortueux pour être logiques le firent sourire devant la porte des appartements de ancien amant avant que Harry ne se décide à frapper.

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– Salut. Entre...

Il ne pouvait pas exiger un sourire ou une poignée de main de Charlie, mais déjà l'accueil était moins froid et distant que l'autre jour. Et puis une poignée de main aurait été trop étrange. Mieux valait rien du tout.

– Assieds-toi...

Harry s'installa où le lui indiquait Charlie, dans un fauteuil confortable, tandis que le dragonnier s'asseyait sur le canapé non loin, suffisamment tourné vers lui pour pouvoir l'observer.

– Tu veux boire quelque chose ? Une bière ?

– Avec plaisir, fit-il en hochant la tête.

Charlie se leva quelques instants pour fouiller dans un coffre au fond de la pièce et revint avec deux bouteilles qu'il déposa sur la table basse. Avant même de remercier Charlie, Harry avait le ventre noué. Entre mille, il aurait pu reconnaître cette étiquette, brune avec une tête d'aigle, la couleur de cette bière, et... se souvenait-il encore de son goût ?

– Zăganu (1) ? murmura-t-il.

– Oui, fit Charlie avec un premier vrai sourire. Je les fais venir directement de Roumanie. Mon petit plaisir...

Sans prêter attention à ses paroles, Harry prit la bouteille, la sentit quelques secondes et avala une longue gorgée de souvenirs. Merlin ! C'était une vraie madeleine de Proust ! La bière qu'ils buvaient au bar après la journée de travail, avec le reste de l'équipe. Ou celles qu'ils savouraient le soir, devant les flammes de la cheminée de Charlie, chacun sur son canapé, enroulé dans un plaid, avant qu'ils n'en viennent à faire plaid commun. Toujours, quelle que soit la saison, Harry avait vu un feu brûler dans cette cheminée, les tenant au chaud quand ils n'avaient pas envie de sortir dans le froid et parfois la neige. Charlie n'aimait pas les cheminées éteintes, et cela semblait encore vrai aujourd'hui, comme en témoignaient les flammes dansant dans l'âtre qui captaient son regard.

La bière avait ce goût des soirées devant la cheminée, l'odeur du feu et le son du bois qui crépite, la chaleur de cette maison dans laquelle Harry avait vécu quelques mois... Un simple chalet de rondins de bois, presque sommaire, mais dans lequel il s'était senti si bien, aussi chaleureux et douillet que le confort d'un plaid. Il ferma les yeux pour savourer une nouvelle gorgée, souriant sous le long frisson qui le parcourut. Matthieu aimerait sûrement, s'il ne la connaissait pas déjà.

Harry tourna le regard vers Charlie qui n'avait pas cessé de l'observer. Il n'était pas là pour se délecter de vieux souvenirs, mais parce que Charlie voulait lui parler... et malgré son accueil plus amical, il devait bien s'attendre à des paroles dérangeantes.

– Où étais-tu pendant ces quelques jours ? Tu es presque aussi brun que la bière...

Harry sourit en regardant ses mains. Ce n'était pas faux... Sa peau qui prenait si bien le soleil avait changé de couleur, exceptées les traces discrètes des arabesques sur ses mains.

– Au soleil...

Il ne savait pas si Charlie lui faisait simplement la conversation ou s'il cherchait à lui tirer les vers du nez, mais ce n'était certainement pas le sujet pour lequel il était venu.

– Je te dois sans doute des excuses, finit par soupirer Charlie, avant d'ajouter devant son regard surpris : Quand tu es revenu en Angleterre, et encore plus à Poudlard, j'ai eu une réaction puérile. Je ne voulais surtout pas avoir affaire à toi... J'ai fait en sorte que tu ne saches pas que j'étais là, de ne pas te croiser... Et j'ai demandé aux autres professeurs de taire ma présence, ce qui a mis tout le monde dans une situation inconfortable. Et en premier lieu, Matt...

Harry hocha la tête pour signifier qu'il avait entendu. Ce n'était pas ce à quoi il s'attendait et il ne savait pas trop quoi en penser.

– Pourquoi... est-ce que tu ne voulais pas me revoir ?

– Je ne savais pas quelles étaient tes intentions. Je ne voulais pas... souffrir à nouveau, ni me bercer d'illusions. Je commençais à me rapprocher de Matt... Je ne voulais pas revivre un souvenir douloureux en te laissant pénétrer dans ma vie.

Merlin ! Harry ne pouvait pas lui en vouloir. Si Charlie n'avait pas réagi ainsi, rien ne serait arrivé, ni ce mensonge, ni les manipulations de Lucius et de Luna, mais comment aurait-il réagi, lui ? Est-ce qu'il n'aurait pas essayé de s'immiscer entre Charlie et Matthieu ? Est-ce qu'il aurait laissé cette place dans sa vie à Severus ? Il y avait des choses qu'il ne pouvait décemment pas regretter...

– Je suis désolé que mon comportement autrefois t'ait conduit à préférer te cacher de moi... Je n'ai jamais souhaité te faire du mal.

– Peu importe, fit Charlie en haussant les épaules d'un air résigné. J'étais en train de tomber amoureux de toi. Tu étais fou et j'aimais tes faiblesses... J'aurais dû comprendre que mes sentiments n'étaient pas partagés et que tout ça n'avait pas d'importance pour toi.

Harry s'agita sur son siège, mal à l'aise et profondément dérangé par les paroles du dragonnier. Ce déni de ce qu'il avait pu ressentir, de ce que Charlie avait fait pour lui, n'était pas juste, et éveillait une douleur sourde dans sa poitrine.

– Ne crois pas ça, fit-il doucement. Je garde un souvenir très doux de ce qu'on a vécu ensemble, Charlie. C'est quelque chose de précieux, qui m'a beaucoup aidé à traverser certaines périodes difficiles de ma vie... Le souvenir de la tendresse et de la douceur qu'il y avait entre nous... C'est la seule chose qui m'est restée à certains moments... Je regrette tellement... Je regrette de n'avoir pas su voir ce que tu ressentais, je regrette de n'avoir pas été disponible, d'avoir été si plein de colère, aveugle et incapable de t'aimer. Je regrette beaucoup de choses, Charlie, mais certainement pas les moments qu'on a passés ensemble. Sans toi... je n'aurais pas trouvé la force de remonter la pente. Et je n'ai certainement pas voulu te faire subir ce dont tu m'as aidé à sortir.

Il avait soigné les blessures physiques de Charlie, les coups de griffes de dragon, les brûlures... mais Charlie avait soigné les blessures de son âme.

Harry brida sa magie bien serrée pour ne rien laisser filtrer de ses émotions. Il était trop pudique pour dire ce genre de choses sans que ça ne lui coûte beaucoup, mais c'était sans doute nécessaire. Pour lui et pour Charlie.

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– Pourquoi as-tu quitté la Roumanie ? fit Harry après un long silence partagé.

– Parce que... j'étais devenu ce que tu étais autrefois : une tête brûlée. Je ne faisais plus attention à rien, je ne prenais plus les précautions d'usage, je me fichais éperdument de ma sécurité... J'avais fait mon temps sans doute, et j'avais besoin de prendre le large.

– Je peux comprendre ça, admit Harry avec un sourire.

– Revenir en Angleterre m'a fait du bien. J'ai pris le temps de me poser un peu, et de vivre pour autre chose que le boulot...

Charlie semblait bien plus détendu maintenant. Parce qu'ils avaient apuré le passé entre eux ou parce qu'ils parlaient d'autre chose ? Harry n'aurait pas su le dire, mais l'attitude de Charlie, les bras écartés posés sur le dossier du canapé de part et d'autre de lui, témoignait de son ouverture de façon littérale.

– Tu aimes enseigner ?

– J'aime transmettre. Et puis, je participe à de nombreux programmes de sauvegarde animale... ça me permet de sortir d'ici quand j'étouffe, fit Charlie en souriant. Luna et moi, on se partage les sujets plutôt que les classes. J'enseigne tout ce qui a trait aux créatures magiques les plus dangereuses et elle se charge du reste : les elfes, les licornes, les joncheruines et ce genre de créatures... Quand j'ai fini d'aborder un sujet avec toutes les classes, ça me laisse le temps de voyager...

– Je n'aurais jamais cru que tu puisses un jour quitter tes dragons, fit Harry, sceptique.

– Ils ne me manquent pas encore trop, ça viendra peut-être un jour... J'ai bien essayé de convaincre Neville d'installer une réserve sur les terres du Château, mais il n'est pas très chaud...

Harry gloussa en avalant une gorgée de bière. Il imaginait mal Neville accepter ce genre de proposition !

– Et toi et Severus, alors ? Je n'aurais jamais cru voir ça un jour...

– Ne parlons pas de ça, s'il-te-plaît, fit Harry avec un sourire contrit. Pas plus que nous ne parlerons de toi et Matthieu...

Charlie hocha la tête sans se formaliser, plongeant son regard dans les flammes rougeâtres de la cheminée. Harry l'imaginait bien en train de résister à l'envie de s'allonger sur le canapé avec sa bière, et de se rouler dans un plaid.

– Et toi ? gloussa-t-il. Ça te fait quel effet d'avoir Severus pour beau-père ?

Avec un sursaut d'inquiétude, Harry tenta de se reprendre mais le sourire indulgent de Charlie le rassura.

– Ne t'inquiète pas. Je suis au courant de ce lien particulier entre Matt et Severus... Et je sais même qu'il va finaliser la procédure d'adoption.

– C'est vrai ?! s'exclama Harry, ravi. Severus sera tellement heureux ! Ça compte beaucoup pour lui...

– Il a l'air de compter pour toi...

Harry détourna le regard vers la fenêtre sombre. Il ne voulait pas parler de Severus, il lui manquait bien trop pour ça ! Là, tout de suite, il aurait eu besoin d'un câlin, de pouvoir se réfugier dans les bras de son amant et de profiter de son étreinte hors du temps. Mais au lieu de ça, il brida un peu plus fermement sa magie pour ne pas laisser deviner ses états d'âme. Charlie n'avait pas besoin de savoir, et encore moins de mal interpréter ses émotions.

– Je n'ai rien contre Severus, reprit Charlie posément. Il a été un professeur détestable mais pendant la guerre, il a beaucoup œuvré pour l'Ordre. C'est une personne respectable... Et puis il est important pour Matt. J'ai plus de mal en revanche à imaginer côtoyer Lucius Malfoy.

Encore une fois, les paroles de Charlie lui firent étrangement mal.

– Il n'est plus celui que tu crois, Charlie, murmura Harry.

– Il a tout de même été le bras droit de Voldemort ! Et celui qui avait conduit Ginny droit dans la Chambre des Secrets !

Le pincement au cœur fut violent. Il n'aimait pas se souvenir de cette période-là, et puis Lucius était tellement différent aujourd'hui.

– Il n'est plus cet homme-là... Si tu fais abstraction de la surface arrogante, il est bien plus humain et chaleureux que tu ne le penses. Tu pourras demander à Matthieu : il l'a toujours bien accueilli au Manoir... C'est quelqu'un... de bienveillant et de généreux.

Charlie écarquilla légèrement les yeux, surpris de sa sincérité presque émue.

– Tu le défends...

Ça n'était même pas une question, tout juste une constatation, mais oui, il le défendait. Malgré les mensonges et la trahison.

– Il a changé, Charlie...

– Toi aussi.

Harry poussa un soupir résigné. C'était vrai, certainement...

– Je ne sais pas si c'est un compliment ou son exact contraire.

– Ce n'est certainement pas une critique, s'empressa de répondre Charlie pour expliquer sa pensée. Mais tu es tellement plus... posé et serein que j'ai du mal à croire que c'est toi. Autrefois, tu bouillonnais, tu étais plein de fureur, de colère et de douleur... Inconscient. Et là, j'ai l'impression d'avoir affaire à un vieux lama qui revient de sa retraite au Bhoutan !

Harry ne put s'empêcher de rire; cela ne lui était pas arrivé depuis plusieurs jours et ça faisait un bien fou.

– Pourquoi tu ne l'as jamais fait réparer ? fit-il en apercevant soudain la pendule aux rouages immobiles sur la cheminée.

Charlie haussa les épaules, aussi surpris par son changement brusque de sujet que par l'étrangeté de sa question.

– À l'époque, je n'avais pas franchement les moyens. Et puis elle s'est arrêtée le jour où tu es arrivé chez moi. C'était un signe ! fit-il en souriant.

– Un jour, je te la ferai réparer, gloussa Harry avant de croiser le regard bleu de Charlie.

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Le calme revenu entre eux était apaisant et cela faisait du bien de retrouver cette relation amicale telle qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être : sans enjeux, sans envies, juste bienveillante.

– Je vais te laisser, je ne voudrais pas que Matthieu attende trop longtemps devant ta porte, pouffa-t-il.

– Tu savais l'autre jour qu'il était là, n'est-ce pas ?

Harry acquiesça en cachant son sourire. Ses paroles s'étaient adressées aux deux hommes, même si Charlie avait été son interlocuteur principal.

– Il t'apprécie beaucoup...

– C'est réciproque, sourit Harry.

– … et je comprends mieux pourquoi.

Pour un peu, il aurait rougi. Un tel pardon venant de Charlie signifiait tellement...

– Où vas-tu aller maintenant ? demanda Charlie comme s'il avait du mal à le laisser partir.

– Je vais... finir de grimper cette montagne, gloussa Harry en se levant. J'en ai encore pour un jour ou deux de marche. Ce n'est pas le Bhoutan, mais tout de même...

– Dans cette tenue ?

Charlie se leva à son tour tout en considérant ses vêtements légers et ses sandales poussiéreuses.

– C'est la mienne, sourit Harry en haussant les épaules. Sois heureux que j'ai remis une chemise pour être plus présentable. Sinon, j'étais torse nu !... Au fait, tu as toujours tes piercings ?

Surpris, Charlie éclata de rire avec une fraîcheur et une sincérité désarmantes.

– Ça ne te regarde plus !

À croire que ni l'un ni l'autre n'aimaient les adieux, ni ne savaient comment se quitter. Debout l'un en face de l'autre à se regarder dans le blanc des yeux... Mais la douceur de Charlie était pleine de tendresse.

– Ne sois pas absent trop longtemps. Severus ne cesse de harceler Matt et il ne sait pas quoi lui répondre... Tu leur manques.

Il ne savait pas qui était inclus dans ce « leur », hormis Severus. S'agissait-il de Matthieu ou bien de Lucius ?

Harry esquissa un sourire résigné puis lança un clin d'œil à Charlie.

– Le bonjour à ton cher et tendre ! gloussa-t-il avant de transplaner.

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(1) Pour les puristes, la brasserie n'a été créée qu'en 2013, mais on fait comme si... ;)

Et voici enfin Charlie...

Merci à tous pour votre fidélité. La semaine prochaine, pour les vacances de Pâques, ce sera déjà le dernier chapitre, mais vous aurez les deux épilogues rapidement après...

Au plaisir

La vieille aux chats