Le soir de son réveil, Lucius n'était pas venu dormir dans son lit. Il ne s'en sentait peut-être pas le droit... Mais il vint lui parler le lendemain. Présenter ses excuses, une nouvelle fois. Avec une humilité que Harry n'aurait pas cru possible de sa part, et des regrets criants de vérité.

– Je n'ai jamais voulu te nuire...

– Ne pas nuire, c'est aussi laisser à l'autre la liberté de faire ses propres choix... Même s'il doit se tromper.

Mais Harry ne pouvait pas regretter sa vie, même si Lucius avait choisi pour lui de qui il allait se rapprocher... Il lui fallait seulement du temps, peut-être beaucoup de temps, pour le laisser à nouveau s'approcher de lui en toute confiance. Et retrouver le chemin de ses bras et de son lit.


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Il fallut quelques semaines à tout le moins... Et de la part de Lucius, bien de la patience et de la tendresse avant que Harry ne parvienne à se laisser aller.

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Il y eut cette fois dans la véranda où Lucius vint dans son dos, les bras croisés sur son torse tandis qu'il observait la pluie froide tomber sur les jardins, une fois encore. Harry releva la tête en arrière pour la poser contre l'épaule de l'aristocrate et sans même y réfléchir, il déposa un baiser dans son cou qui le fit longuement frémir. Relâchant son étreinte, Lucius le fit pivoter face à lui.

– Embrasse-moi. S'il-te-plaît...

Harry ferma les yeux et se perdit dans un long baiser voluptueux.

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Quelques jours plus tard, Harry revint de lui-même dans le lit de l'aristocrate. Bon gré mal gré, Severus avait repris l'habitude, depuis son réveil, de dormir avec lui une nuit sur deux, et l'autre avec son compagnon. Mais la situation lui pesait de manière évidente et Harry regrettait peu à peu leurs nuits communes. Ils avaient déjà repris la plupart du temps leur position tous les trois sur le canapé... le lit était la suite logique.

Lucius et Severus étaient montés se coucher depuis une demi-heure quand il décida de les rejoindre. Il enfila un kimono de son amant qui traînait dans sa chambre et traversa le couloir de l'étage, pieds nus sur les tapis moelleux. Parvenu à leur porte, il frappa, de peur de les surprendre en train de faire l'amour. Ou tenait-il plutôt à les interrompre si c'était le cas ?

C'était ridicule. Il avait bien repris une vie sexuelle avec Severus depuis son réveil – et même avant ! Il se doutait bien que les deux hommes n'avaient jamais interrompu la leur... L'odeur, en tout cas, quand il pénétra dans la chambre, était lourde, et leurs peaux bien humides quand il se glissa entre eux avec un petit sourire.

Pourtant, ils ne firent rien ce soir-là, ni la nuit suivante. Si Harry acceptait les caresses et la tendresse de Lucius, il refusait encore que celui-ci le touche de manière plus équivoque. Il ne se sentait pas encore prêt à s'abandonner complètement à l'aristocrate. L'angoisse latente que Lucius se serve de lui, qu'il ne soit pas sincère, faisait encore obstacle à ses désirs.

Mais déjà dormir tous les trois était agréable, il se sentait bien entre eux, même s'il ne se passait rien de plus que des caresses tendres. Harry trouvait d'autres moments pour faire l'amour avec Severus, le matin dans la piscine ou sous la douche, dans le lit de sa chambre parfois quand ils remontaient de la rotonde et que Lucius dormait encore... Si Lucius était en manque, il n'avait qu'à trouver des moments, lui aussi, pour s'envoyer en l'air avec Severus !

Il ne doutait pas que les deux hommes en trouvaient parfois, mais sans doute de manière trop rare, et Lucius – et même Severus – devenaient de plus en plus pressants le soir en se couchant et Harry ne pouvait pas résister trop longtemps à son amant.

Mais un soir, trop rapidement à son goût, ils le mirent au pied du mur, de la plus provocante des façons.

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Harry n'aimait toujours pas utiliser la salle de bains de Lucius le soir avant de se coucher. Mais quand il voulut les rejoindre en revenant de sa chambre, il ne les trouva pas dans leur lit... En revanche, la porte de l'antichambre était grande ouverte.

Il s'immobilisa un instant, incertain, guettant le moindre bruit. Et dans ce temps suspendu entre l'avant et l'après, la bouffée d'excitation qui vrilla ses reins et son bas-ventre valait bien la puissance d'un orgasme.

Severus savait très bien qu'il ne pourrait pas résister... Ils lui avaient tendu le plus délicieux des pièges ! Et en s'avançant lentement, Harry ne put s'empêcher de sourire.

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Il conservait un soupçon d'appréhension néanmoins, ne sachant pas ce qu'il allait trouver dans la pièce. Il était certain que Lucius ne lui demanderait pas de prendre la place de Severus; pas pour une entrée en matière, pas pour cette première fois où il réinvitait la sexualité entre eux de manière évidente. Mais sans même participer, serait-il capable d'assister à ça ? Le résultat l'excitait, les marques laissées sur le corps de Severus, toutes ces rougeurs sur une peau qui avait souffert pour du plaisir, toutes ces traces de son abandon, de sa soumission, le fascinaient; mais y assister ? Supporterait-il de voir cette douleur volontairement infligée ? À l'homme qu'il aimait ?

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La pièce était sombre, drapée de noir sur tous les murs, et la première chose qu'il vit et qui fit battre son cœur à la chamade, fut les corps de Lucius et de Severus l'un contre l'autre, peau contre peau, debout à l'autre extrémité de l'antichambre. Et à mesure que son esprit comprenait ce qu'il voyait, Harry distingua une grande croix de Saint-André debout contre le mur, la position de Severus, jambes écartées et bras levés, debout face à la croix, et celle de Lucius, debout contre Severus, et qui achevait, tout en caressant et en embrassant le corps nu de son compagnon, de l'attacher.

Une superposition de matière et de couleur, drap noir, le bois miel de la croix, et leurs peaux si blanches... pour l'instant. Des sensations qui parcouraient déjà son corps. Et l'excitation, encore, de voir ces liens noirs, lentement noués autour des poignets de Severus, pour le maintenir bras écartés, tandis que rougissait déjà la peau autour de ses chevilles, sous ces mêmes liens noirs.

Les mains de Lucius parcouraient de manière indécente ce corps immobile et offert, caressant la peau, massant les épaules tandis que Severus baissait la tête sous le plaisir du geste, pétrissant les fesses et les écartant sans délicatesse comme si les doigts voulaient déjà se glisser entre elles...

Harry s'aperçut qu'il frissonnait de désir quand le regard de Lucius se posa sur lui. Un regard plein de lubricité mais aussi d'invitation et la main tendue de l'aristocrate le poussa à avancer.

Brusquement, il réalisa que Severus était le seul à être nu. Entièrement dévoilé à leurs yeux. Harry portait encore son kimono. Et si Lucius était pieds nus et torse nu, il avait gardé son pantalon noir... Parce que la sexualité n'était pas au cœur de l'instant. Il s'agissait de confiance et d'abandon; de la solidité des liens, qui n'étaient pas que physiques et de se laisser aller aux sensations et aux désirs...

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La main de Lucius sur sa main, et son corps derrière le sien, Harry toucha Severus. Effleurant cette peau, ces reliefs, ces muscles qu'il connaissait tant et qui lui appartenaient pour la première fois de cette façon, sans échappatoire, sans possibilité de renverser le pouvoir... Offerts en toute confiance. En toute conscience.

Severus était beau. Il était magnifique. Il était splendide. Nu et maintenu. Immobile et contraint. La peau frissonnante sous les caresses et l'excitation, sous l'impatience de la première morsure du fouet, de la première douleur qui le renverserait de plaisir. Et de savoir que Harry était là, qu'il le voyait, ainsi attaché, ainsi soumis, rajoutait à sa fébrilité qui devenait un plaisir en soi.

Le désir qui flottait dans la pièce était immense; lancinant et douloureux. Il déformait déjà le pantalon de Lucius, qui ne l'avait sans doute gardé que pour mieux le maîtriser. Il avait saisi Harry de plein fouet, et son érection pointait largement à travers les pans de son kimono. Et il ne doutait pas que Severus soit dans le même état. Mais le désir allait devoir attendre.

La sensation de fraîcheur dans son dos lui signala que Lucius s'était éloigné quelques secondes. Lorsqu'il revint se coller contre lui, Harry sentit contre sa jambe la caresse fugace de longues lanières de cuir. Et le frisson qui le parcourut était à la mesure de sa brusque angoisse. Il n'était pas sûr de vouloir voir ça.

– Regarde, murmura Lucius.

Levant le bras, Lucius promena lentement les lanières du fouet contre la peau de Severus. Si noires sur sa peau si blanche. Si lourdes, si imposantes. Et la réaction de Severus fut immédiate : frémissant de désir, il creusa les reins et baissa la tête pour offrir ses épaules. Tout son corps était crispé dans l'attente et dans l'excitation, impatient, appelant la morsure et la douleur. Et tandis que le cuir ne faisait encore qu'effleurer sa peau, Harry percevait la lente torture de cette fébrilité qui montait chez son amant, et qui semblait ne jamais vouloir s'arrêter. Sauf lorsque Lucius le déciderait.

– Il n'entend pas, il ne voit pas, souligna Lucius à mi-voix. Privation sensorielle... Mais il sait que tu es là. Il le sent... Et ça l'excite encore davantage.

Et Merlin ! Ça l'excitait lui aussi ! Severus... attaché. Si puissant et pourtant à leur merci. Incapable de voir ou d'entendre ce qu'ils pouvaient dire ou faire dans son dos. Si impuissant et pourtant si confiant. Avide de ce qui allait advenir.

– Il croit qu'il a aussi un sortilège de mutisme, ajouta Lucius avec un léger sourire dans la voix. Il ne va rien cacher de son plaisir...

Harry ne s'était pas touché, il avait à peine touché Severus, mais il sentait déjà le désir perler au sommet de son érection. Les gémissements de Severus avaient toujours un effet dévastateur sur lui...

Lucius n'était pas mécontent de sa mise en scène. Il n'utilisait quasiment jamais ce faux sortilège de mutisme, parce qu'il aimait bien au contraire cette maîtrise chez Severus, qui se contraignait à n'émettre aucune plainte, aucun son, à peine un souffle exhalé plus fortement après avoir été retenu sous la douleur. Mais permettre à Severus de se laisser aller à gémir autant qu'il en avait envie, c'était aussi permettre à Harry de mesurer le plaisir qu'il y prenait. Et le jeune homme avait besoin de cette certitude.

– Ferme les yeux...

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Le premier coup était de la main de Harry, presque une caresse sur sa peau encore pâle, mais il fit frémir Severus rien que de savoir qui était au bout du fouet. Perdu dans son monde sans bruit et sans lumière, il attendait. Sans possibilité de savoir où ils étaient et quand ils allaient frapper. Les secondes s'égrenaient, plus lentes que les battements impatients de son cœur qui résonnaient à ses oreilles. Il guettait la morsure soudaine, le fouet qui viendrait s'abattre sans s'annoncer, mordant la peau, la chair, laissant sa trace écarlate ou vermeille et réveillant ses sensations...

Le second coup, bien plus puissant, portait l'empreinte de Lucius. Après l'aiguillon vif de la morsure, la douleur était sourde, profonde, irradiant autour de l'endroit de l'impact et se répandant lentement dans tout son corps. Elle deviendrait de plus en plus intense et lancinante à mesure des coups. Severus étouffa un ronronnement de satisfaction et baissa la tête dans l'attente de la suite, son sexe vibrant de désir.

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Lucius avait pris la main de Harry dans la sienne et il impulsait la force et la régularité de la morsure du fouet. Des coups lents, espacés, pour prendre le temps de savourer leur effet, pour écouter les bruits dans le silence : le claquement sec et sonore du cuir sur la peau et le souffle de Severus, bloqué dans sa gorge sous la douleur, puis relâché sourdement. Les yeux fermés, Harry écoutait. Et il se surprenait à compter...

– Regarde, murmura Lucius alors qu'il arrivait à dix.

Harry ouvrit brusquement les yeux sur le corps immobile de son amant. Là, sur les épaules, les omoplates, le haut du dos... la peau avait rougi, violemment, comme sous l'effet du soleil. Uniformément, elle virait à l'écarlate, affichant une ou deux traces à peine plus soutenues et Harry frémit tout aussi violemment. Dans son sexe et dans ses reins, le désir pulsait, aussi vital que son cœur battant la chamade et instinctivement, il lâcha le fouet et leva la main.

– Touche-le, acquiesça Lucius.

Lentement, Harry s'approcha d'un pas et posa le bout de ses doigts sur la peau rougie. Elle était chaude, presque brûlante sous sa main fraîche, et Severus remua légèrement la tête comme un chat que l'on caresse, avec un ronronnement de plaisir qui effaça chez Harry tout sentiment de culpabilité. Cédant à son envie, il laissa ses deux mains parcourir le dos meurtri de son amant, savourant la chaleur de son corps.

Severus était superbe, les bras levés, tendus dans une position qui contraignait ses muscles saillants et soulignait la puissance de ses épaules. La tête baissée, offrant sa nuque à la caresse... se coulant sous ses doigts pour apprécier la douceur avec laquelle il le touchait. Harry avait toujours été fasciné par le dos et surtout les épaules de son amant, sculpturales et envoûtantes... La position les sublimait, tout autant que cette rougeur qui rayonnait de chaleur.

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La main de Lucius sur son bras l'incita à reculer et à reprendre le fouet. Il avait oublié son poids et sa fermeté en quelques secondes, la capacité de cet instrument à faire mal... ou à faire paradoxalement du bien. Guidé par la main de Lucius sur la sienne, Harry se reprit à compter, comme Severus devait compter lui aussi, dans sa bulle de silence. Cette fois, il ne faisait pas que ressentir, il voyait aussi l'impact. L'endroit où le cuir s'abattait sur la peau et cette peau qui rosissait en quelques secondes, avant le coup suivant. Qui devenait écarlate là où les coups avaient été plus nombreux.

Et puis il observait la réaction de Severus. Cette surprise, ce léger sursaut sous la morsure aiguë, suivie par les muscles qui se contractaient puissamment, et puis le relâchement, quand le corps acceptait la douleur et la laissait se répandre sans plus résister. Et ce gémissement de contentement quand Severus relâchait son souffle... Sans même y faire attention, Harry glissa sa main vers son sexe pour soulager son désir, rapidement stoppé par la main de Lucius.

– Continue, murmura-t-il alors que Harry s'était arrêté spontanément au bout de dix coups.

Sous la nouvelle série de coups, légèrement plus rapide que la précédente, la réaction de Severus était plus marquée. Son corps avait ce mouvement vers l'avant qui accompagnait le fouet, avant de revenir dans sa position initiale, cette contraction intense et parfois, même entre deux coups, ses muscles frémissaient sous la douleur. Et les gémissement, eux, devenaient plus rauques et plus sonores à mesure que la nouvelle dizaine s'égrenait peu à peu.

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Harry relâcha le fouet tandis que Severus soupirait plus longuement, trahissant par sa respiration rapide son soulagement et le contrôle qu'il reprenait sur lui-même. Mais lorsque Harry posa ses mains sur la peau cuisante, son amant frissonna aussi violemment que pendant un orgasme.

Avidement, il parcourut les épaules, les muscles tressaillants, remontant ses mains le long des bras tendus jusqu'à épouser la même position que Severus, son corps collé contre le sien et son érection tendue contre ses fesses nues. Merlin ! Il posa même ses lèvres sur la peau de Severus pour l'embrasser : le dos, l'épaule, la nuque... Le mordre, une fois, lentement et le son rauque et plaintif qu'il émit faillit faire jouir Harry sans même se toucher.

Severus se coulait contre lui, sous ses mains, cherchant le contact, cherchant la caresse qui saurait le tranquilliser et l'apaiser, et il ne retenait plus ses gémissements suppliants pour être touché ailleurs et enfin soulagé.

En caressant le corps de son amant, Harry s'apaisa peu à peu, recouvrant sa lucidité diluée dans le désir, et il finit par se reculer pour retrouver le contact du corps de Lucius. Les bras de l'aristocrate l'enveloppèrent quelques instants et il l'embrassa dans le cou, puis la séance reprit, faisant rougir les fesses de Severus cette fois-ci...

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Harry avait perdu le fil des dizaines, obnubilé par la couleur de la peau de Severus, et en particulier par cette trace violacée sur la hanche, causée par une lanière moins bien dosée que les autres. Il comprenait peu à peu tout ce que Lucius voulait lui montrer : la force, l'impact, la régularité, l'alternance... savoir prêter attention au souffle, au mouvement qui fuit imperceptiblement la souffrance, savoir s'arrêter et rendre en caresses apaisantes tout ce que Severus donnait de son corps, mesurer son plaisir et pousser un peu plus loin la douleur... jusqu'à cet état particulier où Severus supportait tout sans presque frémir, sans plus gémir... perdu dans le silence et les sensations, la douleur partout sur sa peau et cette impression étrange d'ailleurs et de paix.

– Il est loin, maintenant, murmura Lucius. Arrête...

L'aristocrate relâcha sa main et s'approcha doucement de Severus, posa des mains enveloppantes sur son corps et l'enlaça avec une tendresse sans fin.

L'instant était silencieux et étrangement émouvant tandis que Severus se relâchait complètement dans la douceur des bras de son compagnon. Ils restèrent un long moment ainsi, immobiles, les lèvres de Lucius se posant parfois sur la peau de Severus dans un remerciement muet.

Harry se faisait l'effet d'être un témoin indécent de cet instant de tendresse qui couronnait l'abandon et la confiance de Severus, et même temps, il mourrait d'envie de les rejoindre et de partager ce moment de communion.

Mais Lucius se recula doucement et d'un mouvement de baguette, leva les sortilèges d'aveuglement et de surdité. Puis avec des gestes calmes et mesurés, il défit les liens qui retenaient encore Severus avant de le conduire lentement vers la chambre, entraînant au passage Harry qui n'avait pas bougé.

Ils s'allongèrent tous les trois dans ce grand lit redevenu le leur, Severus au milieu pour une fois, totalement abandonné dans l'étreinte enveloppante de son compagnon. Lucius le tenait contre lui comme le plus précieux des trésors, murmurant parfois des paroles que Harry ne percevait même pas. Avec une douceur surprenante, il le cajolait et l'embrassait tandis que Severus se laissait complètement aller, remuant à peine une fois ou deux pour apprécier la caresse d'une main.

Puis Lucius cessa de bouger, et avec Harry qui avait enlacé Severus de son côté, ils restèrent simplement là, un long moment, savourant ce calme revenu et cette impression de satiété et de paix.

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– Est-ce que ça va ? murmura Lucius longtemps après.

La tête posée sur son torse, Severus esquissa un sourire puis hocha la tête, avant de pousser un grognement de satisfaction.

– Tu n'as pas froid ?

– Non...

– Je ne pensais pas que tu partirais si loin...

Severus sourit à nouveau et frotta un instant sa joue et son nez contre la peau de Lucius.

– Ça faisait longtemps... Pas de bruit, pas d'image...

Puis il tourna la tête vers Harry, ouvrit une seconde les yeux pour croiser son regard et les referma aussitôt en grommelant :

– Maintenant, tu vas vraiment me prendre pour un fou !

Et il attrapa le poignet du jeune homme et le tira vers son torse pour que Harry se colle un peu plus contre lui.

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À vrai dire, Harry ne savait qu'en penser... Rien ne correspondait à ce qu'il en pensait auparavant.

Il était venu plein de désir, plein d'enjeux sexuels... Au final, aucun d'eux n'avait joui et pourtant il n'était pas frustré. Son érection était retombée, sans qu'il ne ressente l'absence d'orgasme comme un manque... avec pourtant cette même sensation de sérénité que s'il avait eu lieu.

Il avait trouvé Severus sublime, magnifié par la contrainte et la maîtrise de la douleur, plus que par les marques sur sa peau, et cela l'étonnait aussi. Auparavant les rougeurs, les traces que laissait Lucius étaient ce qui l'excitait le plus. Là, ça n'avait pas été le cas. Mais l'abandon de Severus, cette espèce d'offrande de son corps, l'avait ému au-delà de toute raison.

Ce qu'il avait cru savoir de sa douleur n'était pas totalement vrai. Severus avait mal, indéniablement, mais il en faisait quelque chose qui dépassait Harry... Cette sensation cuisante, parfois cruelle, qui réveillait sa peau, ses muscles, ses nerfs, qui le faisait se sentir vivant... il la transformait en plaisir, celui de savoir la maîtriser, passer outre, et celui du calme qui revenait après...

Sur le moment, Harry aurait été obligé d'avouer qu'il avait aimé infliger cette douleur. Surtout en raison de la réaction de Severus... son souffle retenu et relâché, ses grondements sur certains endroits plus sensibles, ses gémissements étouffés... Mais après coup, il n'était tout de même pas très à l'aise avec ce qu'il avait fait. Même si la sérénité étonnante que dégageait Severus à présent lui prouvait tout le plaisir qu'il en avait tiré.

De manière étonnante, cela avait en revanche attisé sa curiosité. Comment réagirait-il à la place de son amant ? Était-il capable de supporter la même douleur ? De s'abandonner à ce point ? Attaché ? Privé de tout : de sa liberté, de la vue, de l'ouïe ?... Était-il capable d'atteindre ce même état second dans lequel Severus était parti, ce monde où n'existaient que les sensations, la douleur, la douceur, le plaisir, la jouissance d'une caresse et le bien-être qu'apportait leur présence... ?

Et plus déroutant que tout le reste, il venait de découvrir une autre facette de Lucius, qu'il comprenait encore moins. Harry avait déjà vu Lucius se montrer tendre et attentionné, en particulier avec lui, à l'époque où ils n'étaient pas si distants. Quand il l'avait trouvé en pleurs devant le portrait de son bureau, quand il avait été plus qu'ému en visitant la maison d'Andromeda, pendant ses cauchemars parfois... Il avait vu Lucius bouleversé le jour où Severus avait voulu aller trop loin dans l'antichambre... Mais jamais il n'avait assisté à ce qui venait de se passer...

La tendresse de Lucius était étonnante, sa bienveillance dépassait ses propres désirs... La séance ne s'était visiblement pas passée comme il l'avait escompté, mais cela lui importait peu. Harry savait que la plupart du temps, cela se terminait par un rapport sexuel, à l'initiative de Lucius. Mais Severus était parti si loin qu'il n'en avait plus été question, et l'aristocrate avait oublié son désir et ses envies pour veiller sur son compagnon. Pour prendre soin de lui. Parce qu'il appartenait à celui qui avait la main libre, celui qui avait le pouvoir, de veiller sur celui qui s'offrait en toute confiance. Et la confiance de Severus était totale. Et c'était pour cela qu'il s'abandonnait si aisément... Il mettait son corps, son bien-être entre les mains de son compagnon, et même aussi sa sécurité. Et Lucius venait de prouver à quel point il était digne de cette confiance et à quel point il l'honorait.

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– Je t'aime, murmura Lucius en embrassant doucement le front de son compagnon, lové entre ses bras.

Harry leva les yeux vers l'aristocrate, avec le sentiment, encore, de n'être pas à sa place.

– Je t'aime aussi, sourit Lucius en croisant son regard, même si tu es en colère contre moi...

– Je ne suis pas en colère...

Le sourire de l'aristocrate se fit plus brillant.

– Chut... Il dort, murmura-t-il.

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ooOOoo

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Harry retira le kimono de Severus et le posa au pied du lit avant de se glisser dans les draps. Dans ce lit trop grand pour deux, il rejoignit Lucius et se lova contre son torse, le bras de l'aristocrate autour de ses épaules. Il glissa même sa jambe par-dessus la sienne pour être le plus collé possible contre lui. Severus n'était pas là et il lui manquait. Ce n'était pas que Lucius était un pis-aller, mais il manquait une partie de leur couple et Harry dormait toujours moins bien lorsqu'il n'étaient pas tous les trois.

Mais c'était aussi l'occasion d'un moment privilégié avec Lucius et parfois de conversations qui n'avaient pas lieu à d'autres moments.

– J'ai une question...

Lucius laissa passer un silence avant de répondre avec un sourire dans la voix :

– Je t'écoute...

– Quand tu mets un sortilège de mutisme à Severus, comment peut-il faire pour interrompre une séance ?

Il sentit le sourire de Lucius s'agrandir. Pour il ne savait quelle raison, ils n'avaient jamais reparlé de ce passage dans l'antichambre quelques semaines auparavant. Harry n'était pourtant pas pudique mais son rôle dans cette séance lui avait laissé un arrière-goût amer qu'il ne savait pas interpréter. Lucius et Severus y étaient retournés mais sans lui, ce qui l'avait un peu décontenancé; mais il aurait sans doute refusé d'y retourner pour l'instant.

– J'imagine que tu fais référence aux mots de sécurité et ce genre de choses... du fait qu'il ne puisse pas parler. Au début de nos... expérimentations dans l'antichambre, Severus avait une petite balle rouge dans la main qu'il pouvait lâcher pour tout arrêter immédiatement... Il ne s'en est jamais servi et en réalité, il aurait préféré devoir l'avaler plutôt que de la lâcher ! Aujourd'hui, je préfère... observer son comportement, sa façon de bouger, de réagir... Je le connais suffisamment pour que ce soit un bon indicateur. Et en cas de doute, je lui demande si tout va bien...

– Mais la fois où c'est allé trop loin, est-ce qu'il ne s'en serait pas servi ?

– Non, fit Lucius en secouant doucement la tête sur les cheveux de Harry. Ce jour-là, c'est allé trop loin parce qu'il me l'a demandé. Il était parfaitement conscient et c'est lui qui insistait pour continuer. Il n'aurait certainement jamais lâché la balle... J'ai mis un terme à la séance parce que ce jour-là, il a franchi mes limites. Il était parti trop loin, dans une recherche de la douleur qui devenait morbide. Et j'ai eu beaucoup de mal à lui refaire confiance après, à être sûr qu'il était capable de s'arrêter sans franchir la frontière de l'excès...

– Et le jour où je suis venu dans l'antichambre, pourquoi étais-tu sûr que tout irait bien ? Tu m'as dit toi-même que tu n'utilisais presque jamais les sortilèges de privation sensorielle... il aurait pu paniquer ou je ne sais pas...

Lucius caressa distraitement son bras, songeant à ce jour particulier qui ne s'était encore jamais reproduit, à son grand regret...

– Tout était réuni pour que cela se passe bien. Les sortilèges t'étaient plutôt destinés en réalité... Pour que Severus lâche prise plus facilement et que tu perçoives davantage son plaisir... Et pour que ni lui, ni toi ne vous sentiez jugés sur vos réactions ou vos paroles. Si quelque chose t'avait déplu... ou dégoûté, il n'en aurait pas été affecté, par exemple. Et puis j'ai choisi de faire ce qu'il aime le plus, la croix et le fouet, celui-là en particulier... Et il y avait ta présence qui couronnait le tout.

– Il y en a d'autres ? gloussa doucement Harry. Fouets ?

– Bien sûr, sourit Lucius. Tout comme il y a bien d'autres instruments, et bien d'autres façons de procéder... Mais Severus a ses préférences, tout comme j'ai les miennes...

– Et quelles sont tes préférences ?

Lucius s'arrêta un instant, décontenancé, et resserra son étreinte autour du jeune homme. Il ne savait pas où Harry voulait en venir mais cette conversation le surprenait. Il n'avait jamais voulu en reparler, fuyant les allusions qui se présentaient parfois dans leurs discussions et s'esquivant à point nommé quand ils étaient retournés dans l'antichambre en prétextant s'être endormi sur son livre ou être redescendu en cuisine pour se chercher son champurrado.

– Nous avons expérimenté beaucoup de choses autrefois, dont beaucoup que nous ne pratiquons plus aujourd'hui... Pour ma part, je n'aime pas tant le fouet... S'il s'agit de porter des coups, je préfère une simple canne en rotin ou en osier. Mais je préfère de loin les douleurs plus insidieuses, celles qui mettent du temps à monter... les positions contraignantes, et puis attacher en règle générale...

– Qu'est ce que... tu entends par position contraignante ? hésita Harry.

– Je te montre ? suggéra Lucius en souriant.

Bien qu'il n'en montrât rien, il fut étonné de sentir le jeune homme acquiescer contre son torse. Harry le surprenait tous les jours !

– Me fais-tu confiance ? demanda-t-il.

– Oui...

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Lucius se redressa lentement, ébahi de ce qui allait suivre et qu'il n'avait jamais osé espérer. Mais tout compte fait, c'était peut-être davantage dans le caractère de Harry, plutôt que d'être celui qui donnait la douleur.

– Reste allongé. Mets-toi sur le ventre...

Lucius prit sa baguette sur la table de nuit et lança quelques sortilèges pour faire apparaître deux longues cordes et écarter le drap tendu sur la structure du baldaquin.

– Mets les oreillers sous ton ventre, fit-il en se levant pour aller au pied du lit. Veux-tu définir un mot de sécurité si ça te met plus à l'aise ? Je te promets de ne pas faire durer les choses. Je te montre simplement ce que cela peut être...

À la lueur de la faible lumière qu'il avait allumée dans la chambre, Lucius vit Harry secouer la tête mais le nom « Maya » s'échappa distinctement de ses lèvres, le faisant sourire discrètement. Avec la rapidité d'une longue pratique, il lia ensemble les deux chevilles du jeune homme avant de les attacher au montant du lit.

– Est-ce que ça va ?

Sans le regarder, Harry acquiesça.

– Allonge les bras au-dessus de ta tête.

Harry s'exécuta sans mot dire, et rapidement Lucius lia ensemble ses deux poignets avec la corde la plus longue, avant de la passer par-dessus une poutre du baldaquin pour la faire retomber sur le lit. Le jeune homme était à présent allongé de tout son long, le ventre soulevé par deux oreillers et attaché par les chevilles et les poignets à deux extrémités presque opposées du lit.

Puis lentement, Lucius tira sur la corde libre, hissant peu à peu Harry par les bras jusqu'à ce que son torse soit largement soulevé du lit. Seules ses jambes reposaient sur les draps, et son ventre était supporté par les deux oreillers empilés.

– Une position contraignante n'a l'air de rien au départ, murmura Lucius en tirant un peu plus sur la corde. Mais c'est une position de stress pour le corps... Le poids de la moitié de ton corps est supporté par tes poignets et tes épaules. Pour soulager la tension, tu peux contracter les muscles de tes bras, ou de ton dos... Mais tu ne fais que déporter la douleur. À la longue, les muscles se tétanisent et il n'y a aucun soulagement possible... Est-ce que tu sens déjà l'inconfort monter ?

Appuyé sur le ventre et les muscles de ses bras bandés, Harry tentait visiblement de soulager la tension de ses épaules, son dos formant une jolie courbe inversée et ses fesses creusées par la crispation. C'était du plus bel effet et Lucius apprécia goulûment le spectacle.

– Oui, souffla Harry qui tentait de trouver une meilleure position pour fuir la tension.

– C'est encore pire si je fais ça ? demanda Lucius en retirant un oreiller.

Moins soutenu, Harry creusa un peu plus les reins, grimaçant en contractant les biceps pour soulager son dos. Et ce qu'il parvenait à soulager ne faisait qu'ajouter de la tension ailleurs...

– Et si j'enlève le deuxième ?...

Lucius attendit une dizaine de secondes avant de relâcher lentement la corde pour rallonger Harry sur le lit. Puis d'un coup de baguette, il fit disparaître les cordes et remit le baldaquin à son état normal.

Harry se massait encore les poignets, étendu sur le côté quand Lucius se rallongea tranquillement dans le lit, attendant sa réaction. À aucun moment, il n'avait croisé son regard, ce qui ne l'étonnait pas outre mesure, mais il guettait tout de même le commentaire à venir. Circonspect à en croire le silence de Harry.

Au bout de quelques secondes, le jeune homme vint se rallonger contre lui, retrouvant sa position initiale dans ses bras.

– Alors, qu'est-ce que tu en penses ? fit Lucius après un long silence.

Il était surpris que Harry ait même accepté cette simple démonstration, mais son mutisme montrait son recul évident face à ce qu'il venait d'expérimenter.

– Quel est le but ?

– Tenir... Tenir et obtenir. Ta propre satisfaction personnelle, la fierté de dépasser la douleur, d'être capable de tenir cinq, dix, quinze minutes... Ou obtenir... je ne sais pas, la réalisation d'un souhait comme lors de tes duels, fit Lucius en souriant.

C'est ainsi que Harry avait obtenu sa première nuit avec Severus, pensa-t-il. Quant à lui, il n'avait jamais prétendu à son gain lorsqu'il avait vaincu Harry... il faudrait peut-être y songer.

– J'aimerais essayer, fit simplement le jeune homme en revenant à sa question précédente. Un jour, j'aimerais essayer vraiment... pour voir. Essayer le fouet ou la canne aussi, pour voir ce que représente cette douleur. Je n'ai aucune idée de ce que ça peut être...

Merlin ! Lucius déglutit péniblement en chassant les images licencieuses qui se présentaient dans son esprit. Harry était surprenant, mais jamais il n'aurait imaginé cela possible ! L'entendre dire clairement qu'il était prêt à essayer... Son sang n'avait fait qu'un tour, et en particulier dans son bas-ventre !

– Avec ou sans Severus ? demanda Lucius en se maîtrisant.

– Sans.

La réponse était claire et ne le surprenait pas outre mesure.

– Tu ne me demandes pas pourquoi ?

– Non. Je n'ai pas besoin de savoir, répondit Lucius. Si cela fait partie de tes limites, elles sont à respecter telles quelles...

– Je ne veux pas..., hésita Harry, je ne veux pas de Severus, au moins au début... C'est... trop intime.

Lucius serra longuement le jeune homme dans ses bras et embrassa ses cheveux. Il y avait tant d'implications dans ses paroles... Des doutes, des hésitations, mais aussi bon nombre de promesses qui l'émouvaient particulièrement.

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– Mais toi, quel est ton plaisir dans ce genre de scène ? S'il n'y a rien de sexuel ?

– Le sexe peut faire partie de la mise en scène, ou pas, il n'y a rien d'obligatoire... Là, j'aurais pu t'attacher les jambes de façon plus écartée et te faire l'amour en même temps... Ou modifier légèrement ta position et te sucer...

Était-ce une idée ou il avait senti Harry frémir et se contracter légèrement à ses mots ?

– Mais le sexe n'est pas forcément systématique, reprit Lucius. Quand nous sommes allés tous les trois dans l'antichambre, il n'y a rien eu de sexuel, hormis quelques caresses, et pourtant un certain plaisir était là. Bien sûr la plupart du temps, nos séances avec Severus se terminent par un rapport sexuel... je peux difficilement rester longtemps à le regarder nu et attaché sans éprouver de désir pour lui ! Mais le plaisir que je prends est aussi très différent, plus cérébral... Le voir attaché, le voir maîtriser sa douleur, son courage et son obstination... J'ai beaucoup d'admiration et de fascination pour ce qu'il est capable de faire... Attacher quelqu'un dans une position contraignante, c'est un peu la même chose, regarder l'autre lutter contre sa douleur, garder ou perdre le contrôle... Et être celui qui délivre et qui prend soin est aussi très valorisant. J'aime beaucoup ces moments après...

Harry resta silencieux un long moment, réfléchissant sans doute à ses paroles... Puis il se réinstalla mieux contre lui, la tête dans le creux de son épaule et demanda :

– Tu as dit que vous ne faisiez plus certaines choses... ?

– Oui, certains instruments, certaines pratiques... Des concepts qui nous ont moins plu ou auxquels nous n'avons pas adhéré. Tout ce qui a trait à la domination et à l'obéissance par exemple... Severus est purement masochiste. Il aime la douleur. Il cherche la sensation, pas la soumission. Il accepte d'être attaché parce qu'il aime la sensation des cordes, la contrainte, pas parce qu'il fait de moi son maître ou je ne sais quoi. Et encore, j'aimerais pouvoir l'attacher davantage, mais ce n'est pas ce qu'il préfère, alors ça reste une pratique exceptionnelle. Nous avons abandonné également le Doloris, comme tu le sais, mais aussi en grande partie tout ce qui est pinces, poids... sondes... ou les jouets à insérer...

Lucius souriait en songeant à l'imagination de Harry qui devait travailler à plein régime.

– Les jouets à insérer ? gloussa le jeune homme.

– Oui... Imagine-toi avec un jouet entre les fesses en plein dîner de famille !

– Ah non ! réagit aussitôt Harry en riant doucement. Certainement pas !

– Ça peut se concevoir pourtant, sourit Lucius. Chacun a ses préférences... Aujourd'hui, nous avons une pratique assez codifiée, avec Severus. Peut-être trop d'ailleurs... Nous n'avons conservé que ce que nous aimions l'un et l'autre réellement. Mais Severus a été beaucoup plus loin que moi dans ses explorations... Dans sa jeunesse, il a beaucoup testé, des pratiques parfois extrêmes. Trop, à mon goût. Il était dans une recherche un peu effrénée de ses limites... Au point que, parfois, il refusait de me voir pendant des jours, le temps que les marques disparaissent un peu ! Mais ce monde-là ne correspondait pas à ce qu'il voulait. C'était trop... brutal, paradoxalement. Sordide. Les limites étaient mal définies, parfois pas respectées. Certains dominants ne tenaient même pas compte des mots de sécurité ! Et puis tout cet aspect de soumission qu'exigent la plupart des dominants ne lui correspondait pas. Ce n'est pas dans le caractère de Severus que de se soumettre de cette façon-là. Ce qu'il accepte avec moi est très différent... c'est un échange de plaisir. Et parfois, celui qui détient le pouvoir n'est pas celui qu'on croit...

Lucius laissa filer un silence en jouant de ses doigts dans les cheveux de Harry. C'était étrange de parler de tout cela avec le jeune homme mais ce n'était pas dérangeant. Juste... inédit et très surprenant.

– Et il n'y avait pas ce qu'il cherchait aussi et qui reste fondamental : la confiance et le respect. Ce qui lui permet de se laisser aller si loin et sans craintes, c'est parce qu'il est absolument certain que je respecterai le moindre signal s'il veut tout arrêter. Et que je ne chercherai jamais à l'humilier ou le rabaisser. Je peux parfois essayer de repousser ses limites, jouer avec la frontière pour le pousser à se dépasser... mais rien ne se fait sans son consentement.

– Et avec lui, tu fais aussi ce que tu viens de me montrer ?

– Les positions de stress ? Parfois, mais pas souvent. Ou dans un contexte particulier, sourit Lucius en se remémorant certaines soirées. La plupart du temps, cela sollicite beaucoup les épaules et Severus m'en voudrait beaucoup s'il n'était pas capable d'aller nager le lendemain matin !

Harry releva légèrement la tête et posa son menton sur ses mains jointes pour le regarder. Lucius n'avait pas croisé son regard depuis qu'il avait allumé quelques bougies dans la chambre avant de l'attacher, et il était surpris de n'y découvrir que de la curiosité.

– Et ça a toujours existé entre vous? Je vous avais trouvé une fois ensemble à Poudlard mais...

Lucius ricana un instant à cette conversation ancienne avec le jeune homme. Déjà à l'époque, il avait implicitement admis qu'ils partageaient le même homme.

– Ça a toujours existé pour Severus en tout cas. Dès qu'il a quitté Poudlard pour l'Institut de Potions, il a profité de sa liberté pour explorer ce monde parallèle... Je n'y suis venu que plus tard, et à sa demande... Mais j'ai toujours aimé exercé le pouvoir et le contrôle. C'est une seconde nature ! Ou même la première !

Harry gloussa en confirmation de ses propos puis, sans quitter son regard, il demanda plus sérieusement :

– C'est à cause de Voldemort que Severus a appris à aimer autant la douleur ?

– Non, ça n'a rien à voir, affirma Lucius. Severus n'a jamais pris aucun plaisir à recevoir un Doloris de sa part ou quelque autre punition. C'est toute la différence entre la douleur subie et la douleur librement consentie dans un contexte particulier. Voldemort l'a peut-être entraîné à son insu à tolérer davantage, mais c'est tout. Le plaisir de Severus vient d'ailleurs, de plus loin... et je ne suis pas sûr qu'il soit nécessaire de comprendre pourquoi. Chacun a ses raisons particulières... ou même aucune, de rentrer dans ce genre de pratiques. Ça n'a pas beaucoup d'importance tant que ce n'est pas délétère.

– Et toi ? Qu'est-ce que tu aimes d'autre, à part la canne et attacher ?

Lucius esquissa un sourire amusé devant l'insistance du jeune homme. Sa curiosité semblait inépuisable...

– J'aime par-dessus tout attacher. Je trouve ça très érotique... les cordes sur une peau nue... C'est fascinant. Ça a un côté graphique presque artistique... La symétrie, les marques... les zones de pression... Et puis j'aime voir. J'aime jouer avec le corps. Faire durer le plaisir...

– Comme le soir où je t'ai vu le masturber dans la salle de cinéma sans le laisser jouir ? ricana Harry.

– Exactement. Ou faire la même chose en vous suçant l'un et l'autre, sourit Lucius. J'aime aussi... baiser sa bouche comme tu m'as vu faire en Provence la première fois qu'on a fait l'amour tous les trois. La sensation est très particulière et puis... ce qu'il offre de lui est extraordinaire...

– Je ne sais pas comment il fait, marmonna Harry. Ça doit être intolérable !

– Il aime ça aussi. Severus aime la douleur des coups, quel que soit l'instrument, même s'il a une prédilection pour les martinets à la française ou le fouet... mais il aime aussi tout ce qui concerne les jeux de respiration, l'asphyxie, l'étranglement...

Les yeux de Harry se firent brusquement plus ronds et son regard sidéré.

– Ne juge pas ce qu'il aime. Personne n'a à juger les préférences des uns et des autres. Chaque... envie, chaque désir est respectable tant qu'il se fait dans un consentement mutuel. Et avec des précautions, bien sûr... mais il ne t'appartient pas de juger quoi que ce soit.

Harry acquiesça lentement avant d'ajouter :

– C'est arrivé une fois ou deux, en faisant l'amour, qu'il mette une main sur ma gorge...

– Il reproduit aussi ce qu'il aime, fit Lucius en souriant.

La question lui piquait les lèvres, mais il hésitait à la poser, de peur que Harry ne se retranche derrière une certaine pudeur... Tout ça était nouveau pour lui et Lucius ne souhaitait pas le brusquer. Mais après tout, le jeune homme avait été le premier à aborder le sujet !

– Et toi, dans tout ça ? Qu'est-ce qui t'intéresse ou te fascine ?... Qu'est-ce que tu voudrais essayer ? Hormis la canne, le fouet et les positions de stress ?

Harry le regarda longuement puis détourna les yeux, comme s'il n'osait pas faire face à ses propres fantasmes.

– Tu n'es pas obligé de...

– J'aimerais... J'aimerais un jour que tu me fasses l'amour en étant complètement attaché. Je veux dire... pas étalé comme ça, allongé, mais dans une position plus ramassée, plus... Je ne sais pas comment dire...

– Je crois que je vois, fit simplement Lucius.

Une part de son esprit imaginait déjà les multiples possibilités pour attacher le jeune homme et lui faire l'amour en même temps, mais il la mit de côté pour se concentrer sur la conversation.

– Est-ce que... c'est quelque chose qui s'est déjà produit ? Que quelqu'un te fasse l'amour attaché ?

Même dans la demie-obscurité de la chambre, il vit Harry rougir et ricaner en même temps.

– Ça ne me regarde pas, ceci dit, fit Lucius précipitamment. Ce que je veux dire, c'est qu'il ne faut pas que ce soit une façon de revivre ou « d'expier » une scène traumatisante... Tout est possible, mais il ne faut pas le faire pour de mauvaises raisons...

Harry eut un air gêné quand il comprit réellement à quoi il faisait allusion, mais il secoua la tête avec véhémence et aplomb, ce qui rassura partiellement Lucius.

– Bon, je prends note, reprit-il plus légèrement. La canne, le fouet, les positions contraignantes, le sexe associé au fait d'être attaché... Tu es plus curieux que je ne l'aurais cru...

– Et toi, je suis sûr que tu as déjà plein d'idées en tête ! gloussa Harry en recouvrant son sourire habituel.

– Je ne nie pas, admit Lucius. Il y a de multiples façons d'attacher, et de multiples endroits du corps que l'on peut attacher... Il faut seulement faire preuve d'imagination !

– Et Severus dit que tu n'en manques pas !

– Je ne veux même pas savoir à quel propos vous avez eu cette conversation ! ricana-t-il. En tout cas, cela fait déjà pas mal de choses à explorer... Même si tu n' en as pas cité certaines qui, je suis sûr, te feraient de l'effet...

Harry se tourna un peu plus pour être quasiment allongé sur lui, les sourcils froncés et interloqué.

– De quoi est-ce que tu parles ?

– J'ai souvenir, le taquina lentement Lucius, de t'avoir vu une fois ou deux, particulièrement sensible à mes ordres...

D'abord surpris, Harry se mit à rire doucement, à mesure qu'il se souvenait de ce moment mémorable, au bord de la piscine en Provence, où il avait lui-même initié ce petit jeu. Incitant Lucius à lui donner l'ordre de se déshabiller, il avait fini nu sous ses yeux en pleine érection.

– J'ai le souvenir aussi de t'avoir vu particulièrement excité, reprit Lucius, en suçant simplement mes doigts alors que j'embrassais Severus...

Merlin ! C'était lui qui commençait à être diablement excité à force de parler de sexe et d'imaginer toutes les nouvelles possibilités qui s'offraient à lui !

– Tu es horrible à te souvenir de tout ça ! s'exclama Harry en riant.

– Il n'y a pas de honte à avoir... Chacun est excité ou désire faire des choses différentes... C'est très personnel.

– Je n'ai pas honte, affirma Harry en se redressant à demi pour le toiser. Je sais que la façon dont j'aime me faire baiser en choquerait plus d'un... et je n'ai honte de rien. Mais tu n'es pas obligé de te souvenir de tout ce que je peux dire ou faire ! ajouta-t-il en riant. J'ai l'impression de passer pour un pervers !

– Plus que Severus qui aime se faire fouetter jusqu'au sang ? sourit Lucius. Ou plus que moi qui aimerait tant t'attacher dans des positions improbables ?!

– Peut-être pas alors, admit Harry. Mais si je te laisse me faire tout ce que tu as envie, je risque de vous rattraper !

– Commençons tout de suite, dans ce cas... Suce-moi.

Les yeux flamboyants, Harry le considéra longuement, bien conscient de l'ordre donné et hésitant à commencer un jeu dont il ne savait pas l'issue. Puis lentement, il se souleva et recula un genou pour descendre le long de son corps.

– Non. Pas comme ça, l'interrompit Lucius. Tourne-toi et reste à quatre pattes. Je veux voir ton cul pendant que tu me suces...

Avec une lenteur effroyable, Harry se retourna, les bras posés de part et d'autre de ses hanches, et les genoux de chaque côté de ses épaules. Fasciné par cette vue en contre-plongée sur les fesses et le sexe brusquement érigé du jeune homme, Lucius ne prêta presque pas attention au moment où Harry le prit dans sa bouche avec une excitation évidente. En revanche, il mit deux doigts dans la sienne avant de les introduire lentement dans l'anus du jeune homme, subjugué par le gémissement indécent qu'il poussa.

– Mieux que ça sinon je rajoute un doigt...

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Allez... faites-vous un petit plaisir en solitaire pour faire redescendre la pression et on se retrouve tout de suite pour le deuxième épilogue, bien plus sobre et plus moelleux à la fois...

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