Merci à aureliegummel pour son comm.

Quant à toi chère invitée, j'espère que la suite te plaira autant.

Bonne lecture.


Partie 2


Je sonnai avec insistance chez ma copine, ce fut sa mère qui m'ouvrit. Elle ne s'étonna pas de me voir sur son perron et m'invita à entrer.

Assise sur le bord du lit de Bonnie, je lui déballai tout : ma grossesse, ma peur, mes doutes, mes projets de départ…

-C'est qui le père ?

Je tardai à lui répondre.

-Me dis pas que c'est ce puceau de Masset ?

-Oui, mentis-je.

Je n'aimais pas lui mentir mais je n'avais pas le choix, j'étais devenue une experte dans l'art de la dissimulation avec la vie que je menais.

-Avec tous les mecs canons qui ne demandent qu'à te mettre dans leur lit, tu as choisi ce gringalet ?

Elle était effarée.

Je savais que j'étais jolie et convoitée (et souvent le centre de beaucoup d'attention car j'étais la petite sœur de Caleb qui avait marqué l'histoire de mon bahut) mais je ne supportais pas l'idée d'être un trophée pour qui que ce soit, et encore moins de blesser Caleb. Il ne fréquentait personne depuis plusieurs mois alors que les filles lui tournaient autour comme des vautours.

Tu es la plus belle chose sur cette terre, les autres filles ne m'intéressent pas.

Je l'avais cru, il ne me mentait jamais.

-C'est un gentil garçon.

En fait je n'en savais fichtrement rien.

-Mouais.

Elle me dévisagea de la sorte.

-Pourquoi tu ne m'en as pas parlé ?

-Ça s'est pas bien passé. J'avais honte alors j'ai pas voulu m'étaler.

-Tu veux faire quoi ?

-Qu'est-ce que tu veux dire ?

-Tu veux le garder ce bébé ?

-Je ne vois pas comment je pourrais faire autrement.

-Il y a un moyen… mais c'est dangereux.

Je frissonnai, perdue, anxieuse.

-Non, je n'en ai pas les moyens et…

Et quoi ?

-Et ?

-Rien, comme tu l'as dit c'est dangereux. Et ce bébé c'est ma porte de sortie, je veux me barrer d'ici.

Elle soupira, visiblement déçue.

-Tu vas endosser un lourd fardeau, adieu ta liberté.

-Je n'ai jamais été libre.

-Adieu notre amitié, persista-t-elle.

-Je t'écrirai dès que je serai installée, peu importe où j'irai, tu pourras venir me voir.

Elle renifla de dédain.

-Ok, mais t'es sûre de la paternité de ce gars ?

-Je ne suis pas une trainée.

Elle haussa les épaules

-Ok, va falloir que tu ailles le voir.

Je n'en avais pas envie.

-Je sais qu'il traine souvent le soir avec d'autres gars du lycée vers le terrain de foot. Tu veux que je t'accompagne ?

-Non, je vais me débrouiller, merci pour ton aide.

-Comme tu veux. Bonne chance.

OoooO

Vers le terrain de foot, je ralentis. Je tentai d'apercevoir qui était là parmi tous les garçons présents. Il y avait aussi quelque filles… et Caleb. Mon cœur tomba au sol. Je me hâtai de m'éloigner pour ne pas attirer l'attention. Nous étions en fin de journée, en plein été. Ma robe bleue fleurie virevoltait au gré du vent. Je dénotais souvent des autres filles avec mon style un peu rétro. J'aurais pu vivre dans les années cinquante se moquait souvent mon père. J'avais trouvé des trésors dans les cartons du grenier, des reliques de ma grand-mère que j'avais ensuite reproduites. J'étais bonne en couture.

Arrivée rapidement au carrefour, je pris le temps de respirer. Le serrement dans ma poitrine s'estompait mais je me sentais mal, je n'avais rien mangé depuis ce matin, et j'avais encore envie de vomir. Je me pliai en deux, en sueur.

-Norma ? Ça ne va pas ?

Ben ça, si ce n'était pas de la « chance ». John Masset m'observait avec inquiétude. Il était grand, maigre et d'un blond assez fade. Il avait les yeux bleus, tirant un peu vers le gris. Il n'était pas très beau mais il y avait bien pire.

-Je ne me sens pas très bien.

Il regarda au loin vers le terrain de foot puis haussa les épaules.

-Viens je te raccompagne chez toi.

Il me proposa son bras. Je l'attrapai avec reconnaissance. Installée sur le siège de sa Ford, je fis un effort pour lui sourire.

-C'est très gentil de me raccompagner.

-C'est normal.

Une fois devant la maison, il stoppa le moteur. Mon père qui avait émergé je ne sais comment, chantait à tue-tête assis sur la pelouse défraichie, une bouteille à la main. La honte me fit rougir.

-C'est ton père là ? S'étonna le jeune homme.

Je ne répondis pas.

-Ton frère est là ?

-Non.

-Tu es sûre que tu veux rentrer ?

-Non.

La peur du patriarche refaisait surface. Je pouvais me défendre mais il me terrifiait. Il redémarra sans attendre en voyant mon père (qui avait cessé de chanter) venir vers nous en hurlant des insanités.

John eut la sagesse de ne pas me poser de questions.

-Tu veux aller où ?

-Où tu veux.

Il roula un long moment et s'arrêta en hauteur, sur une colline, là où nous avions vue sur les lumières de la ville voisine. La vue était imprenable et déprimante à la fois. J'étais encore sous le coup de l'humiliation. C'était un mode de vie qui ne me convenait plus. D'ailleurs, il ne m'avait jamais convenu.

-Ne pleure pas.

Il caressa mon visage dans un léger effleurement. Il était gentil, je ne m'étais pas trompée.

-Tu veux me raconter ?

Je secouai la tête par la négative. A la place, je l'embrassai. Il se raidit, surpris, mais il se laissa faire. C'était insipide comme contact. Il ne m'inspirait rien. Je me mis en devoir de défaire les boutons de sa chemise pour me motiver. Il me proposa alors de passer à l'arrière. Ce n'était pas l'endroit rêvé mais je ferai avec. Affalée sur le siège arrière, je commençai à avoir des doutes quand il s'étendit sur moi.

Cela me ramena un mois en arrière.

Caleb.

Mes yeux se remplirent de son visage et la répulsion prit le dessus, accentué par les mains de John qui se baladaient partout sous ma robe avec imprécision. Il ne saurait pas s'y prendre, je le devinai facilement. Je n'avais que dix-sept ans mais j'étais déjà rodée sur le plaisir charnel. Et je n'en étais pas fière.

Caleb.

Je sentis les nausées revenir. Je tentai de repousser mon prétendant.

-Non, arrête, je ne peux pas. Pas comme ça.

Il s'exécuta étonnamment vite, se redressa, se rhabilla et retourna à l'avant de la voiture sans un mot. Quand je me réinstallai côté passager, il démarra en trombe et je m'accrochai à mon siège, surprise par cet état de colère que je percevais en lui. Je l'avais blessé à l'évidence.

-Ecoute…

-Tais toi.

Je savais que je devais me taire.

-Je ne voulais pas…

-Tais-toi.

Il roulait de plus en plus vite.

-Je suis désolée, tentai-je

Il accéléra comme un fou.

-Ralentis !

Un cerf traversa, il pila dans un crissement effroyable, déviant de la route, il parvint à l'éviter et tenta de reprendre sa trajectoire mais la voiture glissa et s'encastra dans un arbre côté conducteur.

OoooO

Je repris connaissance au bout de quelques minutes supposai-je. Le moteur fumait, le capot était ouvert. J'avais mal à la tête; je perçus du sang couler le long de ma tempe. A côté de moi, John était inconscient, mort peut-être ? Mon cœur éprouvé se comprima.

Oh non.

Que faire ? J'étais étourdie. Je n'arrivais pas à réfléchir.

Après un long laps de temps, des phares au loin m'éblouirent. Motivée, je parvins à descendre non sans mal pour faire signe au conducteur de s'arrêter…

OooooO

Assise sur une table d'examen, je soupirai de soulagement et de désespoir. Le bébé n'avait rien. Je ne voulais pas de cet enfant qui résistait et en même temps…

C'était le signe que je devais le garder comme je le supposais, il était mon fardeau mais aussi ma porte de sortie. Mon plan avec Masset était fichu. Comment j'allais faire ? L'interne terminait les points de suture :

-Vous êtes en état de rentrer chez vous. Il faudra revenir enlever les fils dans quelques jours. Je vais vous donner une ordonnance pour des antalgiques et des pansements.

Il quitta la pièce, une infirmière d'un certain âge prit le relais au bout de quelques minutes, m'aida à m'habiller et me tendit un formulaire à remplir avant de ressortir. Je notai brièvement les informations demandées en dépit de ce lancinant mal de crâne. Je m'interrogeai sur l'état de santé de John quand l'infirmière refit son apparition. Elle récupéra la fiche et l'examina d'un œil vif.

-Vous n'êtes pas majeure, nous devons contacter vos parents.

-Pour quoi faire ? Paniquai-je.

-C'est la loi. Ils devront régler les soins et il faut bien quelqu'un pour vous ramener.

Nous étions dans l'unique hôpital du comté, à plusieurs kilomètres de chez moi. Je fis une tentative pour qu'elle abandonne l'idée d'appeler mon père sans succès. Malgré l'heure tardive, si je jouais de malchance, il répondrait ou pire, Caleb répondrait. Pourquoi avais-je noté mon vrai numéro de téléphone ?

-Patientez dans la salle d'attente. Nous avons besoin de cette salle pour un autre patient.

Au moment de quitter la pièce, je me tournai vers elle :

-Comment va mon ami ?

Elle prit un temps de réflexion avant de me répondre.

-Il a un traumatisme crânien et plusieurs côtes cassées.

Je fermai les yeux, malmenée.

-Il va s'en sortir ne vous inquiétez pas.

-Je peux le voir ?

-Il est encore en salle de soins.

Elle me poussa gentiment vers l'extérieur.

-Je vais essayer de faire au plus vite. Patientez là.

Elle me montra un siège à l'entrée de la salle d'attente. Je me résolus à m'y rendre, la mort dans l'âme. J'étais fichue…

Je me sentais si fatiguée, j'avais surtout envie de me changer et de dormir. Je m'affalai sur la chaise moyennement rembourrée pour fermer les yeux quelques minutes. Je les rouvris en entendant une altercation non loin de moi. Je me penchai légèrement, intriguée par ce que j'entendais. Un jeune homme se disputait avec quelqu'un qui semblait être son père.

-Pourquoi tu l'as abandonnée ? Elle s'est laissée mourir par ta faute !

Il ne devait pas être tellement plus âgé que moi, peut-être vingt ans. Il était brun, de taille moyenne, plutôt athlétique. Je ne le voyais que de profil mais je devinai un visage typé aux traits très masculins, parfois anguleux. Je n'arrivais pas à me détacher de son visage. Il y avait tellement de désolation en lui. Pourtant il ne pleurait pas. Le chagrin se mélangeait à la colère. Son père restait statique, stoïque, froid.

-Ça suffit Alex.

La voix du père s'éleva froidement, suscitant un froid dans le couloir. Je n'étais pas la seule à les observer.

-Je te le ferai payer, cracha Alex avec douleur.

C'était un contraste assez saisissant. Il faisait face à son père avec rancune, le poussant par à-coup. Je craignais le débordement, l'affrontement physique. Mais rien ne vint. J'aurais aimé tenir tête à mon père ainsi.

-C'est de ta faute, répéta-t-il, tu l'as tuée !

Son père attrapa son bras.

-Tu vas trop loin, siffla-t-il.

Je ne vis que cette agression physique, que sa main sur son bras qu'il serrait très fort. J'étais déjà debout, me dirigeant vers eux sans même le réaliser.

-Lâchez-le !

Ils se tournèrent tous les deux vers moi mais je ne vis que lui.

Alex.

Son regard noir se braqua sur moi, refoulant douleur et peine, ne laissant filtrer que de la colère et de la suspicion. Un regard très dur qui me sonda avec une rare intensité. Je mordis ma lèvre, extrêmement troublée.

-Qui êtes-vous ? Demanda le père en relâchant son fils.

Je ramenai en arrière une des mèches de mes longs cheveux châtains échappée de mon serre-tête, cherchant à reprendre contenance. Nous étions le point de mire de l'assemblée. Je me concentrai sur l'homme trapu qui me dévisageait avec impatience remarquant à quel point son fils et lui était dissemblable physiquement.

-Norma Calhoun.

-Je me fiche de votre nom, mêlez-vous de vos affaires.

Il n'avait même pas haussé le ton, il ne semblait pas être le genre d'homme à être habitué à être contredit ou ennuyé. Cette hauteur qu'il affichait m'horripila. En le regardant de plus près, je réalisai que son visage m'était familier. Et puis je fis enfin attention à sa tenue de Shérif. En me voyant encore plantée devant eux, il fit un pas dans ma direction.

-Laissez-nous mademoiselle.

J'en eus la chair de poule.

-Si vous voulez de l'intimité, ce n'est pas dans ce couloir qu'il faut rester.

Oh la la, qu'est-ce que je n'avais pas dit là !

Je perçus la raideur soudaine d'Alex, et le silence assourdissant qui se fit subitement. Le Shérif ne bougea pas d'un millimètre mais je reculai par prudence mise à mal par le danger qui émanait de cet homme.

Quelqu'un saisit mon bras, je sursautai littéralement. Ce n'était que l'infirmière.

-Votre frère arrive.


La suite quand je pourrai