Merci à MondeParallèle pour sa review.
Merci pour les alertes.
Bonne lecture.
Partie 3
Complètement ébranlée, je suivis l'infirmière qui cherchait réellement à m'éloigner du Shérif. Je me laissai faire, oubliant les deux hommes qui me regardèrent partir sans un mot. Elle m'emmena à l'accueil et demanda à sa collègue de jeter un œil sur moi le temps que mon frère arrive. Il y avait une rangée de sièges juste en face, elle m'installa sur une place libre et s'éloigna sans cérémonie. Je savais que je devrais aller voir John mais mon esprit était focalisé sur l'arrivée imminente de Caleb. Je sentais la sueur perler sur mon dos. Mon mal de crâne lancinant devint de plus en plus présent. Mon regard se porta sur les toilettes non loin. Il y eut un déclic.
Il y avait peut-être une fenêtre.
Je fixai la porte avec insistance, stressée, avant de me décider enfin. Je fis mine de me lever.
-Où allez-vous ? Me demanda l'agent d'accueil.
-Aux toilettes.
Elle m'examina d'un air méfiant et puis, remarquant mon air dansant, m'autorisa à y aller. Une fois à l'intérieur, je me permis une petite pause pipi, tant qu'à faire. Comme je l'avais deviné, il y avait bien une fenêtre. Soulagée, je tentai de l'ouvrir avec frénésie, ce ne fut pas simple mais après plusieurs tentatives, je parvins à me faufiler à l'extérieur du bâtiment. Je réajustai mes habits quand une ombre apparut devant moi. Je poussai un hurlement, une main m'entrava. Je me débattis comme une furie, revenue un mois en arrière, convaincue que Caleb allait encore me faire du mal ici dans ce coin sombre.
-Calmez-vous, bordel !
Confusément, je reconnus la voix de cet homme. Ma peur retomba étrangement aussitôt et je cessai de me débattre. Alex enleva sa main et recula dans un renfoncement jusqu'à un mur en béton. Impossible d'être vus de nulle part, une bonne planque en somme. Je ne pouvais le voir mais sa présence était palpable, je ne ressentais plus aucune peur. Au contraire, une sensation de sécurité m'enveloppa et je me détendis. Il fumait tranquillement. Je vins m'adosser au muret non loin de lui. J'eus envie de lui demander une cigarette mais je pris sur moi de ne pas le faire. Il se passa une bonne minute avant que je n'entende le son de sa voix.
-Je viens fumer ici quand je rends visite à ma mère. Ça m'évite de me prendre la tête avec mon père, me confia-t-il.
Je ne pus m'empêcher de le regarder, je ne voyais que le contour de son visage et la lumière incandescente de la cigarette en combustion.
-Je suis désolée pour votre mère.
Il balança le mégot au sol et l'écrasa avec un mouvement d'humeur.
-Vous avez eu raison de tenir tête à votre père, insistai-je.
Il resta silencieux un long moment.
-Que vous fuyez ? Me questionna-t-il soudainement.
Je ne voulais pas répondre à cette question. Je fixai le mur d'en face, Caleb allait arriver et ne pas me trouver. Il deviendrait fou et serait capable de fouiller tout l'hôpital, tout le quartier, toute la ville. Je ne devrais pas rester là.
-Je dois partir.
Je fis quelques pas vers la lumière avant de reculer. Il arrivait, j'aurais reconnu entre mille la voiture de mon père. Prise de panique, je me ré-adossai au mur, incapable de respirer correctement. Alex apparut devant moi :
-Ça ne va pas ?
-Il est là, il est déjà là, bafouillai-je difficilement.
Je m'agitai, marchant de long en large, me cachant le visage.
-Qu'est-ce que je vais faire ?
J'étais incapable de réfléchir. Des mains me saisirent les épaules.
-Calmez-vous.
Je perçus de l'inquiétude dans sa voix. A moins que ce ne soit un effet de mon imagination. Je n'eus qu'une envie, me cacher. Je me blottis contre lui contre toute logique, cherchant refuge auprès de lui. Le visage toujours planquée derrière mes mains, je sentais tout mon corps trembler. Tout était amplifié, je ne gérais plus rien. Et j'étais si fatiguée. Ses bras m'enveloppèrent comme je l'espérais. Peut-être qu'ici, enfouie dans l'étreinte sécurisante d'Alex, Caleb ne me trouverait pas.
Tout cela n'avait pas de sens.
Mais je ne voulais pas être ailleurs. Les minutes s'étirèrent, sa respiration lente me calma. Je reprenais le dessus.
-Norma !
La voix était proche, elle provenait des toilettes. Je sursautai violemment. Caleb me cherchait déjà.
-Il arrive. Il arrive, chuchotai-je.
Je m'effondrai littéralement. Alex m'emmena loin de la voix de mon frère, un bras toujours autour de mon épaule. Je le suivis sans poser de questions.
-Qui est-ce ?
Je pleurais trop pour lui répondre.
-Je ne pourrai pas vous aider si vous ne me dites rien.
Je fis un effort pour reprendre mes esprits. Je n'aimais pas cet accès de faiblesse, que m'arrivait-il ?
-Je dois partir.
-Où ça ?
-J'en sais rien.
Je m'extirpai de ses bras avec regret et pris un mouchoir dans mon sac pour essuyer mes larmes.
-Voulez-vous que je vous ramène quelque part ?
J'étais dos à lui, valait mieux. J'aurais été capable d'accepter son offre. Ou pire, de lui demander de m'emmener loin d'ici. Il n'avait rien à voir avec moi, avec ma vie, avec mes problèmes. La voix de Caleb s'éloignait, je devais saisir ma chance et fuir.
-Merci Alex, dis-je simplement avant de m'en aller.
Mes pas m'emmenèrent loin d'Alex, loin de Caleb, loin de cet hôpital. Il faisait froid, je n'avais pas de manteau. J'entamai une longue procession sur la nationale. Transie, je persévérai malgré tout car peut-être qu'une voiture passerait par là. Effectivement, quelques minutes plus tard, un véhicule ralentit en voyant mon pouce tendu vers le haut en signe d'auto-stop. La vitre se baissa et un homme d'un certain âge, l'air plutôt avenant, me demanda où je me rendais. J'allais lui répondre quand d'autres phares m'éblouirent. Je mis du temps à reconnaitre Caleb. Il avait pilé et laissé la voiture de mon père en plein milieu de la route. Il fonça droit sur la voiture et en sortit brutalement le conducteur sous mes cris effarés. Il secouait le pauvre homme tout maigrichon qui ne comprenait pas ce qui lui arrivait.
-Arrête Caleb ! Paniquai-je.
Je tentai de m'interposer, je me retrouvai au sol. Une vive douleur au bras m'extirpa un gémissement. Il cessa immédiatement de molester le pauvre homme et se pencha pour m'examiner sous toutes les coutures.
-Pardon, pardon, pardon ...
Il s'excusait sans relâche.
-Je ne sais plus ce que je fais.
Il semblait dépassé. Je m'adoucis fatalement en croisant son regard inquiet.
-Je vais bien.
-Je vais te ramener à l'hôpital.
-Non, ramène-moi à la maison.
J'étais trop fatiguée pour lutter. Il me souleva avec précaution :
-Tu es glacée !
Il me serra très fort contre lui et m'emmena jusqu'à la voiture familiale. L'homme était parti sans demander son reste. Il m'installa à l'arrière. Dire qu'à quelques minutes près, j'aurais pu être loin. Je soupirai, lasse, déçue, inquiète… Il me parla pendant tout le trajet. Je ne fis pas attention à lui, je pensais à John… et mes pensées dévièrent vers Alex. Je me rappelai de cette sensation de bien-être à ses côtés …
Je m'endormis.
Quand j'ouvris les yeux, le jour était déjà bien installé. J'étais dans mon lit, bien au chaud. Je me raidis en percevant la présence de quelqu'un derrière moi. L'engourdissement du sommeil s'estompa brutalement. Depuis combien de temps était-il là ? Avait-il passé la nuit ici ? Il n'avait jamais osé du plus loin que je me souvienne et pourtant il était là.
Son bras s'enroula autour de moi, enserrant ma taille, m'incitant à me tourner vers lui. Je me raidis, refusant d'obtempérer. Il n'insista pas, à la place sa main se centra sur mon ventre et là mon estomac se tordit. Je fermai les yeux, au supplice.
Il savait.
-Je vais m'occuper de vous. On va partir d'ici.
-Non.
-Je vais trouver un travail, on s'installera loin d'ici. Personne ne saura.
-Non.
Mais il ne m'écoutait toujours pas.
-J'ai un peu d'argent de côté, tous mes jobs au black m'ont bien rapporté, j'ai économisé pour qu'on se barre.
Mon cœur se compressa.
-Non.
-J'y ai réfléchi toute la nuit, j'ai tout planifié.
A quoi bon lui répondre.
Il se serra contre moi.
-Je vous protègerai.
Comment osait-il ? Son contact était insupportable. Alors pourquoi je restais là, amorphe ?
-Si c'est une fille on l'appellera Lucy et si c'est un garçon on l'appellera Dylan.
Je me braquai d'un seul coup, c'était comme si dix mille volts étaient passés dans mon corps. Je sortis du lit pour aller à la salle de bain. Je m'enfermai à l'intérieur avant de courir vers le lavabo.
J'avais tenté de vomir sans succès, c'était une sensation abominable. Je me dévisageai à travers le miroir, invectivant cette femme lâche qui se reflétait à travers. Je me dégoutais. Je ne voulais pas retourner dans la chambre. J'entendis mon père y entrer et commencer à hurler, je revins à la hâte et le vis brandir une ceinture sur Caleb qui se levait du lit. Il ne comprenait pas ce que mon frère foutait dans mon lit. Il lui hurlait de sortir. Caleb devint rouge, devinant que mon père était en fait venu me faire du mal à moi. Il le repoussa violemment contre un pan de mur tandis que mon père m'insultait de trainée, se rappelant très bien m'avoir vue partir avec un homme dans une voiture. Caleb arracha sa ceinture de ses mains et l'enroula autour de son cou pour l'étrangler.
-Tu mens ! Je t'interdis de parler de Norma !
Mon père gargouilla quelques mots, devint rouge, ses yeux s'exorbitèrent. Caleb allait le tuer. Je devais l'en empêcher, je ne voulais pas être la cause de sang sur ses mains.
-Il ne ment pas Caleb ! Je suis bien partie avec un homme hier soir.
-Je sais que c'est faux, grogna-t-il.
-C'est lui le père de mon enfant.
Il relâcha la pression sur la ceinture, mon père tomba lentement au sol, évanoui. Caleb se tourna lentement vers moi. Je devais tenir bon, je devais tenir bon face à cette désolation qu'il affichait.
-Norma…
-Tu n'es pas le père de cet enfant.
Je craignis le pire, voyant cette veine battre sur sa tempe et le long de son cou.
-Ne dis pas ça.
-Je fréquente quelqu'un.
-Tu mens.
-Tu avais bien deviné la dernière fois.
Il serra ses mains en forme de poing. Je reculai, sentant le danger. Il s'éloigna et tapa dans le mur d'en face à maintes reprises. Il revint vers moi tout blême. Il ne semblait même pas sentir la douleur, ses mains ensanglantées devaient générer une douleur effroyable pourtant.
-Son nom ?
Ça n'allait pas recommencer ! Son air enragé me dissuada de continuer à me taire.
-John Masset.
-Tu plaisantes ! Aboya-t-il.
-Pas la peine d'aller chez lui, il est à l'hôpital, j'étais avec lui quand j'ai eu l'accident.
Il se mit à tourner en rond, buta sur notre père, le tira hors de la pièce et referma la porte derrière lui. Je l'entendis revenir mais il n'entra pas. Il se laissa glisser au sol contre la porte supposai-je. J'y accolai mon oreille, inquiète. Je l'entendis pleurer. Lui qui ne pleurait jamais, je l'avais brisé par deux fois en l'espace d'un mois, le plongeant dans le mal-être et la confusion qui l'avait rendu violent. Je n'étais pas bonne pour lui. J'étais aussi nocive pour lui qu'il l'était pour moi. Je reculai loin de ce son destructeur pour regagner mon lit mais je m'effondrai bien avant d'y arriver, m'agenouillant au sol, serrant mon ventre. Sa douleur me percutait, m'engloutissait, m'étouffait. Je poussai un hurlement déchirant avant de fondre en larmes, submergée de chagrin.
Il se passa un long moment avant que j'émerge de cet état dépressif. Je sortis de ma chambre pour aller à la rencontre de mon frère mais Caleb n'était plus là. Mon père était allongé sur son lit. Je pris le temps de vérifier s'il n'était pas mort puis me rendis dans la cuisine pour manger quelque chose. Ma tête me tournait et je devais retrouver des forces pour agir. Nous avions atteint un point de non-retour et désormais notre vie n'était plus dans cette maison.
Après un bref déjeuner, je rangeai la cuisine sans réfléchir, affligée par la vie. J'avais peur d'affronter Caleb. Je me rendis compte que la voiture n'était plus là en passant devant la fenêtre.
Où était-il parti ? Un mauvais pressentiment me força à appeler l'hôpital du comté.
OoooO
J'avais trouvé la planque de Caleb, je piochai dans ses économies avant d'appeler un taxi de la ville voisine. Cela me laissa vingt minutes pour me prendre une douche et m'habiller. J'attrapai la première valise dispo et j'y fourrai tout ce que je pouvais. Le klaxon du taxi m'alerta de son arrivée et je me dépêchai de quitter cette maison de malheur sans un dernier regard.
En entrant au sein de la police du comté, une valise à la main, je perdis confiance. Pourquoi n'étais-je pas partie directement ? Je me présentai à l'accueil et l'on me conduisit auprès de mon frère. Le voir enfermé comme une bête me révolta au premier abord mais ensuite un sentiment de soulagement prit le relais. Il se leva dès qu'il m'aperçut, même les barreaux entre nous ne me parurent pas suffisant pour me protéger, je reculai quand je le vis s'approcher.
Il était méconnaissable.
-Caleb, qu'est-ce que tu as fait ?
La suite quand je pourrai
