Merci à Mondeparallele pour sa review
En réponse à la tienne chère invitée : merci beaucoup, j'essaie de m'améliorer et j'apprécie de voir que mon travail porte ses fruits. Je kiffe en somme ! lol
Bonne lecture.
Partie 4
Caleb enserra les barreaux de ses mains écorchées et me fixa avec désespoir.
-Je ne pouvais pas y croire, je ne pouvais pas croire que toi et ce type… alors je suis allé demander des comptes à Masset.
Je secouai la tête lentement, l'estomac noué, horrifiée.
-Je ne voulais pas lui faire du mal mais il a refusé de me répondre.
Pourquoi John avait tardé à dire la vérité ? Interdite, j'attendis la suite.
-Je voulais savoir alors je l'ai un peu secoué.
-Il a des côtes cassées !
-Je m'en fous, il t'a touchée !
Il y avait une haine profonde dans ses paroles. Il enfonça son visage à travers les barreaux pour être plus proche de moi.
-Et toi… tu l'as laissé faire.
Le coup fut rude, je me sentie coupable. Je tentai de me reprendre, je n'avais rien à me reprocher.
-Et le pire, c'est que j'avais beau le battre, il se foutait de ma gueule ! Il était content de voir à quel point ça me foutait en l'air !
Je n'étais pas sûre de comprendre.
-Quand l'agent de sécurité et deux internes sont venus me virer de la chambre, j'ai cru devenir fou devant son sourire triomphant, j'ai vu rouge…
-Et maintenant il est dans le coma et tu es en prison.
-Je ne pouvais pas le supporter.
Son regard se détourna. Il était abattu et moi complètement sonnée. Pourquoi John avait menti ? Pourquoi Caleb ne s'était pas contenu ? Pourquoi ma vie avait pris cette tournure irréversible ?
-Tu pourras payer ma caution ?
Je ne répondis pas.
-Ma planque est…
-Je sais où est ta planque, je me suis déjà servie dans tes économies. Et pas sûr que ça suffise pour ta caution.
Il me dévisagea avec stupeur, remarqua enfin ma valise. Il devint tout pâle.
-Où tu vas Norma ?
Je fis demi-tour sans lui répondre. Il m'appela encore et encore. Je fis la sourde oreille.
-Quand je sortirai, je lui réglerai son compte une bonne fois pour toute !
Je fis volte-face et revint au galop pour me planter au plus près de lui, oubliant peur, mal-être, prudence. J'étais furieuse ! John avait couvert mon mensonge mais à quel prix ? Et Caleb n'avait aucun remords, il ne pensait qu'à lui-même !
-Tu devrais parler plus fort, sifflai-je, tu n'es pas déjà assez dans la merde comme ça.
Il soutint mon regard. Je levai mon visage vers lui, hargneuse.
-Je te préviens, si tu lui fais encore du mal jamais je ne te le pardonnerai.
Il m'examina avec tristesse :
-Tu me déteste déjà, ça changerait rien.
-Tu as tout faux.
Malheureusement.
-Tu es la personne que j'aime le plus au monde.
Une constatation douloureuse qui me broyait. J'étais engloutie dans son regard aussi bleu que le mien, nous avions des yeux similaires. Nous étions pourtant si dissemblables et en même temps tellement identique car au fond de nous régnait la souffrance. Il caressa ma joue, je le laissai faire par habitude.
-Je croyais que tu l'aimais, c'était insupportable à imaginer.
-J'ai le droit d'aimer qui je veux.
Je le défiai volontairement, je lui en voulais de cet amour qui nous liait, je lui en voulais de me rendre malheureuse, je lui en voulais d'être mon frère. Il refusa d'entendre et continua de me caresser la joue.
-Je ne peux cautionner ton attitude, Caleb, tu es devenu violent… comme notre père.
Il stoppa net, parut sonné comme un boxeur mit K.O.
-C'est pour ça que je dois partir.
Il tenta d'attraper ma valise, y parvint largement.
-Ne pars pas.
-Arrête, sifflai-je.
Il ne lâcha pas prise alors je dus me résoudre à abandonner mon bien. Je retournai vers l'accueil, tins bon en ignorant ses appels, marchant d'un pas vif. A l'accueil, je me heurtai à quelqu'un.
Alex.
Décidément, j'étais vouée à être sur sa route. Ou lui sur la mienne qui sait. Il portait un uniforme et semblait ailleurs. Il s'excusa vaguement avant de me reconnaitre.
-Norma ?
Tout mon être frémit quand il prononça mon nom. Il n'avait pas oublié. J'entendais encore Caleb m'appeler d'ici.
-Bonjour Alex.
Je le contournai pour sortir.
-Que faites-vous ici ?
La main sur la poignée de la porte, j'hésitai à lui répondre.
-C'est quoi ce bordel ! Entendis-je.
Le shérif mit fin aux jérémiades de mon frère. Je ne voulus pas savoir comment. Il apparut dans mon champ de vision, aussi hostile que la dernière fois.
-Vous comptez aller où comme ça jeune dame ?
-Je ne vois pas en quoi ça vous concerne ?
-Votre frère va être inculpé de coups et blessures et peut-être plus si la victime ne se réveille pas. J'ai quelques questions à vous poser.
Et tout cela semblait le réjouir. Mon cœur tomba au sol.
-Mais comme je dois me rendre à la morgue de l'hôpital, Alexander vous interrogera.
-Je voulais y aller avec toi, s'opposa celui-ci.
-Tu fais ce que j'te dis.
Il lui tendit un dossier et s'éclipsa sans un mot et je me sentis gênée de me trouver ici à contrarier les plans d'Alex.
-Vous devriez aller avec lui.
Il serra les mâchoires, regardant son père partir à travers la vitre de la porte d'entrée.
-Je vous assure, je peux attendre ici si vous voulez.
J'avais un besoin de lui rendre la vie facile, Dieu seul savait pourquoi. Il me jeta un œil si noir que je me sentis me ratatiner sur place.
-Je ne vous connais pas, je n'ai pas pour habitude de faire confiance. Et j'ai un travail à faire, si je veux prendre la relève de mon père je dois faire mes preuves. Venez suivez-moi.
Je faillis refuser mais le bon sens (ou l'intuition) me força à m'exécuter la mort dans l'âme. Heureusement, nous bifurquâmes bien avant les cellules provisoires ce qui m'évita de voir ce qui était arrivé à mon frère. Alex me fit entrer dans une petite pièce et m'invita à m'asseoir.
-Je ne pensais pas vous revoir dans un endroit pareil, murmura-t-il.
-Parce que vous espériez me revoir ?
Il se figea un instant, j'eus l'ébauche d'un sourire que je crus voir aussi apparaitre sur ses lèvres. Mais cela ne dura que l'instant d'un clignement d'œil. Il sortit un bloc note et un stylo de la poche de sa chemise et je sentis la différence quand il parcourut le dossier et commença à me questionner sur Caleb et sur John. Ses sourcils froncés ne me disaient rien qui vaille. Je passai mon temps à éluder, mal à l'aise et il s'agaça franchement :
-Ne jouez pas à ça.
Je sus à ce moment-là que j'étais foutue mais je ne pouvais lui dire la vérité. Il recommença à me poser les mêmes questions, des questions pertinentes, gênantes, troublantes. Je restai silencieuse cette fois.
-Très bien, je pense qu'une petite nuit dans la même cellule que votre frère ça devrait vous aider à parler.
Je me sentis défaillir.
-Pourquoi faites-vous ça ? Je ne vous ai rien fait.
J'étais déçue, et je ne saurais dire pourquoi cela me faisait aussi mal. Il resta de marbre.
-Il y a quelque chose de pas très net dans votre attitude et c'est lié à votre frère.
-Interrogez-le ! Mais laissez-moi en dehors de ça !
-Vous auriez été convoquée au poste dans tous les cas. C'est grave, très grave. Votre frère est majeur, il risque gros. Le Procureur va constituer un dossier contre lui.
-Il lui faut un avocat.
-Il connait ses droits, il a refusé.
Etais-ce pour me punir ? Mes maux de tête refirent leur apparition. J'effleurai machinalement les points de suture sur mon front.
-Vous étiez là ?
-Quand ?
-Quand il a été arrêté ?
-Non, je travaille sur une autre affaire.
Tant mieux. C'était étrange mais j'étais sûre qu'il aurait compris le problème s'il avait été là. Et ça…
Les nausées reprirent brutalement sans que je ne comprenne pourquoi.
-J'ai besoin de vos toilettes.
-Vous ne m'aurez pas.
Je me levai quand même pour rejoindre la porte et au moment où il me rattrapa, je vomis sur sa chemise puis par terre. Mortifiée, je ne pus réagir tellement la peur me tenaillait.
J'avais peur qu'il ne découvre qui j'étais réellement.
Peur qu'il comprenne que j'étais enceinte.
Peur qu'il devine ma relation avec Caleb.
Peur de voir de la répulsion dans son regard.
Il ne broncha pas, s'écarta et ouvrit la porte pour me montrer les toilettes. Son seul regard me déconseilla de tenter une fuite car même si cette fenêtre pouvait sembler ridicule, je pouvais passer au travers car je n'étais pas très épaisse.
-Vous avez cinq minutes.
Je me lavai le visage et je sortis un peu de maquillage de mon sac-à-main pour me rafraichir un peu. Je me rinçai la bouche et avalai un peu d'eau. J'étais nouée, atrocement. J'avais envie de pleurer.
Cinq minutes pile plus tard, Alex revint et me demanda de le suivre. Il avait changé de chemise et enfilé sa veste d'adjoint. Surprise de le voir quitter les lieux, j'hésitai à le suivre. Il regagna sa voiture, il ouvrit la portière passager et s'y accouda.
-Vous comptez camper là ?
Je ne comprenais pas ce qu'il attendait de moi.
-Je vais pas vous kidnapper. Venez !
Ben quand faut y aller.
-On va où ?
-Manger un morceau. Il est midi et j'ai faim. Je vous invite. J'ai juste une petite course à faire juste avant.
OoooO
Je patientai, un peu stressée, assise confortablement sur le siège en cuir. Alex avait une belle voiture d'une gamme au-dessus de la moyenne et qui me laissait perplexe. Comment pouvait-il s'offrir un tel engin ? Les murs de l'hôpital me rappelaient à de mauvais souvenirs. Et savoir John dans le coma à cause de moi ne m'aidait pas. Quand Alex s'était garé ici, bien à l'ombre, j'avais compris qu'il ne se laisserait pas faire par son père. Je l'avais encouragé d'un sourire et il avait encore marqué un temps d'arrêt, me dévisageant sans se cacher avant d'y aller d'un pas décidé.
Il se passa bien vingt minutes avant qu'il ne revienne. Ses poings serrés, son air morne ne présageaient rien de bon. Il démarra en trombe et fila sur la nationale.
-Ralentissez, je ne veux pas avoir un autre accident.
Il s'exécuta en marmonnant des excuses et nous roulâmes jusque la ville voisine où il se gara devant un restau routier. J'observai l'endroit d'un mauvais œil. Il fit le tour et m'ouvrit. Je n'étais pas habituée à la galanterie masculine alors je ne sus comment réagir quand il me tendit la main pour descendre. Je finis par accepter son aide et savourai la chaleur de sa main qui s'enroula avec douceur autour de la mienne contrastant avec son air dur.
A table, il commanda pour nous deux. Je n'avais pas très faim mais je ne voulus pas le contrarier.
-N'y voyez rien de mal si j'ai commandé pour vous, je connais l'endroit et c'est le seul plat qui vaille de venir ici.
Je hochai la tête. Etre ici, en face de lui comme pendant l'interrogatoire mais de manière plus détendue, me parut incongru.
-Je ne voulais pas vous faire peur dans la voiture mais j'étais un peu énervé. Mon père…
Il ne termina pas sa phrase et se frotta les mains.
-Vous vous êtes disputés ?
-Non, mais…
Il continua de triturer ses mains tout en évitant soigneusement de me regarder.
-Il a fait comme si vous ne comptiez pas, il ne vous a pas écouté, terminai-je à sa place.
Il se focalisa sur moi, surpris.
-J'ai un père difficile aussi, vous savez, lui confiai-je.
-Racontez-moi.
Si mon cœur s'emballa ce fut parce qu'il était réellement curieux de savoir mon histoire. Cependant, je ne pouvais oublier son métier.
-Rien de plus que des histoires de famille compliquées.
Il croisa ses mains sur la table, se pencha un peu vers moi, créant une intimité qui me déstabilisa.
-Sous chaque histoire de famille compliquée, il y a de la douleur et de la souffrance et je sais de quoi je parle. Mon père avait la main lourde. Je suppose que le vôtre aussi, sinon pourquoi vous enfuir de chez vous ?
-Je ne m'enfuis pas.
-Pourquoi cette valise alors ?
Mais comment savait-il pour ma valise ? Décontenancée, je me contentai de le regarder sans répondre.
-Vous comptiez aller où ? Insista-t-il.
J'avais l'impression d'être tombée dans un piège. Je me levai d'un coup, fâchée.
-Rasseyez-vous.
Il n'avait pas crié, ni même haussé le ton. Je reconnus la même autorité que son père, le même ton inquiétant. Je me rassis, rageuse. La serveuse vint nous servir, je restai de marbre face au fumet pourtant délicieux. Alex ne se formalisa pas et déjeuna sans plus me prêter attention. Il était ailleurs, très loin, peut-être près de sa mère vu son air triste. Je me radoucis dans l'instant et acceptai de déjeuner. En réalité, j'avais un peu faim.
-Vous avez des frères ou des sœurs ?
-Non.
-Des grands-parents ?
-Non.
-Des oncles, des tantes ?
-Non.
Livré à lui-même comme moi.
-Vous n'avez que votre père, conclus-je avec désolation.
Il ne lui restait qu'un être proche qu'il détestait. La vie ne pouvait se montrer plus cruelle. Il s'essuya la bouche, balança sa serviette et se leva, maussade :
-Je vais fumer, je reviens.
Interloquée, je le regardai partir. Qu'avais-je dit pour susciter son départ ?
La suite quand je pourrai
