Merci à aurelie gummel pour sa review.
Merci pour le favori.
Merci de me suivre.
Bonne lecture.
Partie 5
De retour au poste de police, mon estomac noué recommença à faire des siennes.
Le père d'Alex était là, il le prit à partie et me demanda de patienter. Je restai donc assise à l'accueil, zieutant ma montre, refoulant tout besoin d'aller voir comment allait Caleb. Je devais mettre de la distance entre nous. Et mon père réaliserait un moment ou un autre que nous n'étions plus là. Je ne savais pas où aller mais ce n'est pas ça qui m'arrêterait. Je finis par m'impatienter au bout d'une demi-heure.
Quand Alex revint, il était tout pâle. Il portait ma valise qu'il me tendit en me remerciant pour les informations données et que je ne devais pas quitter la ville pour l'instant.
-Mais pourquoi ?
-Nous devons pouvoir vous joindre rapidement.
-Les téléphones ça existe.
-Je vous conseille de retourner chez vous quelques temps.
-Hors de question que je retourne là-bas !
Je fis volte-face pour m'en aller mais Alex me retint :
-Je vous conseille de ne pas quitter la ville, répéta-t-il.
-Je ne vous serai d'aucune aide, et…
-Vous n'êtes pas encore majeure, vous êtes encore sous la responsabilité de vos parents. Je n'ai qu'un coup de fil à passer…
Je me mordis les lèvres de colère.
-Mêlez-vous de vos affaires et lâchez-moi.
Sa main autour de mon bras n'était pas douloureuse mais plutôt ferme. Cependant, je ne voulais pas qu'il me retienne. Il se pencha vers moi.
-Ne partez pas.
Ce n'était pas un ordre, plutôt une demande que lui-même parut ne pas comprendre car il fronça les sourcils et me lâcha. Je l'observai sans me cacher, intriguée. Un collègue à lui passa, il se gratta la tête puis finalement retourna travailler sans s'assurer que je resterai en ville.
OoooO
Je passai la semaine dans un motel miteux, vu le tarif, je ne pouvais guère demander mieux. Je ne voulais pas dépenser toute ma fortune et une semaine c'était le délai que je m'étais fixée pour voir si Alex me contacterait. J'avais laissé le numéro du motel à l'accueil quand j'étais repassée le lendemain au poste de Police mais Alex n'était pas là.
En lisant le journal du jour, je sus que Caleb avait été transféré à la prison du comté et que John était toujours dans le coma. Je décidai donc de lui rendre visite après avoir déjeuné sur le pouce. Il était temps que je quitte cette ville mais je voulais le voir avant. Au moment de quitter ma chambre, je me heurtai à quelqu'un.
Alex.
Evidemment, souris-je intérieurement. J'étais heureuse de le voir, je n'arrivais pas à l'expliquer mais c'était ainsi. Son air soucieux me déstabilisa.
-Bonjour Norma.
Il me tendit une main amicale, je la serrai en retour, restant un peu plus que nécessaire dans sa chaleur rassurante.
-Je viens vous prévenir : votre père a débarqué, il vous cherche, mon collègue lui a donné vos coordonnées, il ne savait pas, s'excusa-t-il.
Malgré la panique qui me gagnait, je ressentis aussi quelque chose de plus troublant. Quelque chose que j'avais du mal à définir.
-Vous êtes sûr que ce n'est pas vous qui m'avez dénoncée ? Me rembrunis-je pour garder contenance.
-Je n'aurais jamais fait ça, pas sachant comment il vous traite, j'ai proféré cette menace uniquement pour que vous restiez en ville.
J'avais envie de le croire.
- Heureusement, j'avais prévu le coup, j'ai crevé un de ses pneus dès que j'ai compris qui il était et je suis venu pour vous prévenir. Vous avez encore de la marge mais ne trainez pas.
Mon cœur s'emballa de stress. Pourtant je ne pus m'empêcher de remarquer :
-Vous avez crevé un de ses pneus ? Et ce en face même de votre lieu de travail ? Mais pourquoi ?
Il ne répondit pas, me poussa à l'intérieur de la chambre.
-Faites vite.
Il m'aida à tout récupérer et me guida vers l'accueil pour rendre les clefs. Quand tout fut réglé, sous l'œil étonné du gérant face à son uniforme, il m'emmena à sa voiture.
-Vous pouvez m'emmener à la gare ?
-Je n'ai pas vraiment le temps de faire un si grand détour sans éveillé les soupçons, je vous dépose chez moi, je dois retourner travailler.
Passée la surprise, je ne contestai pas et cela m'alarma. Je prenais des risques à rester dans le coin mais son offre me faisait l'effet d'une drogue et même si j'en avais jamais prise, j'avais suffisamment vu Caleb s'envoyer des pétards et cela le rendait heureux, détendu, insouciant. Je ressentais ça, là tout de suite.
Devant sa maison, il me donna ses clefs, m'indiqua une entrée, me demanda de me mettre à mon aise et reparti aussi sec. Je me demandai ce qui m'avait pris en ouvrant la porte d'entrée latérale. Pourquoi cet excès de confiance ? Mais en même temps, lui aussi me faisait confiance en me laissant ses clés. La maison me paraissait bien grande, je compris que nous étions dans la maison familiale. Une belle demeure vue de l'extérieur et qui devait être aussi belle à l'intérieur. Je débouchai sur une petite cuisine et en avançant dans la maison, je me retrouvais dans une chambre. Une chambre d'homme bien rangé, pas très grande, peu éclairée. J'avais l'impression d'être dans une dépendance. Je n'avais aucun accès à la maison principale, compris-je.
Je fis le tour des lieux, incluant un ridicule séjour et une petite salle de bain. Je détaillai son rasoir, son après-rasage, son dentifrice, l'imaginant se préparer le matin. Tout était ordonné, à sa place. Cela démontrait un caractère rigoureux. Dans sa chambre, il y avait que le minimum : un lit, une table de chevet, un valet, une commode. Sur la table de chevet, je reconnus immédiatement sa mère, leurs traits étaient similaires. La direction du cadre m'indiqua de quel côté il dormait, je m'installai à même la couverture et somnolai longuement, baignée dans son odeur. J'étais souvent fatiguée, je me trainais. Peut-être une conséquence de la grossesse ? En rouvrant les yeux, je me sentis nauséeuse et la sensation de faim accentua cet état. Je fouillai dans son frigo peu garni et trouvai de quoi me faire un sandwich. En dévorant le tout, assise à une table en verre, je fixai la fenêtre ornée de rideaux impersonnels, me demandant comment allait réagir son père en me découvrant ici.
Pas très bien à l'évidence…
J'aurais dû partir mais j'avais ses clefs et je me voyais mal les planquer sous un pot de fleur qui n'existait pas de toute façon. Il n'y avait aucune fleur ou plante chez lui ou devant son entrée. Tout était triste, ça manquait de vie. Mon esprit vagabonda, imaginant réaménager cet espace de vie. J'aimais coudre, j'aimais les couleurs, les objets de caractère. Un peu comme cette horloge en cerisier accrochée près du frigo et dont le tic-tac résonnait avec force et tranquillité. Je l'avais remarquée en entrant dans la pièce, c'était bien la seule chose qui me plaisait ici et elle dénotait avec cette cuisine plutôt minimaliste et moderne.
Dans le canapé une place, je m'installai confortablement, allumant la télé. Je zappai sans but sur les quelques chaines existantes. Je me focalisai sur une série quelconque pour faire passer le temps. J'avais hâte qu'il rentre. Ce qu'il fit après une heure. Nous étions déjà en début de soirée quand il toqua à la porte. Je me précipitai pour lui ouvrir, fébrile. Il entra et referma aussitôt derrière lui, en jetant un œil à droite et à gauche. Le pli soucieux au milieu de son front s'évanouit quand il posa les yeux sur moi. Il exprima de la douceur, ou quelque chose qui y ressemblait.
-Ça va ?
Concentrée sur ses yeux noirs, je mis du temps à répondre.
-Oui. J'ai fait une sieste, dis-je en attrapant la veste qu'il enlevait pour l'accrocher à la patère de l'entrée.
Il me regarda faire, surpris, puis défit son ceinturon et se rendit dans sa chambre pour ranger son arme, supposai-je. Quand il revint, après quelques minutes, je constatais qu'il s'était changé. Il arborait un polo sombre et un jean.
-Vous avez pu prendre vos repères ?
-Ce n'était pas compliqué, c'est pas très grand chez vous.
Il sourit sans vraiment le faire, ses yeux restaient sombres.
-Je voulais quitter la maison, ma mère m'a proposé de vivre dans la dépendance pour ne pas trop être loin d'elle et avoir mon intimité.
-Ce n'est pas ce que vous vouliez, compris-je.
-Non mais je n'ai pas eu le choix.
-Parce que vous l'aimiez.
-Parce que je l'adorais, corrigea-t-il en se détournant pour aller dans sa cuisine.
Je le suivis, émue par sa douleur audible. Il fouilla dans son frigo, marmonna quelque chose.
-Vous avez besoin de courses.
-Ça c'est sûr. Je mange pas souvent ici. Je suis désolé de si mal vous recevoir.
-Ne vous excusez pas. Je tenais à vous remercier de m'avoir cachée même si je ne comprends toujours pas pourquoi.
J'espérai une réponse qui ne vint pas.
-Je ne vais pas rester de toute façon.
-Pourquoi ?
J'écarquillai les yeux.
-Et bien déjà, ce n'est pas très convenable de vivre chez un inconnu, et puis je ne veux pas rester cachée, je veux refaire ma vie. Sans compter que ça vous met en défaut.
Il hocha la tête, sembla approuver.
-Ça ne me dit pas ce qu'on va manger, grommela-t-il.
-Je peux vous faire à diner si vous me ramenez quelques courses.
-On va plutôt commander des pizzas.
Il se dirigea vers son séjour, décrocha le combiné de son téléphone et composa un numéro de tête. Il devait souvent les appeler, en déduis-je. Une pizza ? Je n'étais pas très adepte du fast-food, car c'en était pour moi. Je ferai exception pour une fois.
-Vous préférez quoi comme pizza Norma ?
-Peu importe, tant qu'il n'y a pas d'anchois ou de thon.
Il revint dans la cuisine après avoir raccroché et mit la table.
-Faudra patienter 45 minutes, ils ont beaucoup de clients ce soir.
Il me proposa de m'asseoir et déposa deux bières sur la table en verre. Je fus tentée, et me laissai convaincre en le voyant se délecter dès la première gorgée.
-C'est rare une fille qui boit de la bière à même la bouteille.
-Ah oui ? Caleb aime la bière, il m'a initiée il y a quelques mois. « Une bonne bière, ça se boit au goulot », disait-il. On se posait derrière la maison, en observant les passants, refaisant le monde.
C'était de bons souvenirs.
-Vous l'aimez.
Je manquai de m'étrangler. Sa façon de le dire avait eu quelque chose de dérangeant. Quand je repris mon souffle, je repoussai la bouteille de bière, soudain dégoûtée.
-Pourquoi vous ne restez pas pour le soutenir ?
-Ça ne vous regarde pas.
-Que vous-a-t-il fait ?
Son intuition commençait à me taper sur les nerfs.
-Rien.
-Et ce gars, Masset, qu'est-il pour vous ?
-Et ce que par hasard, nous serions revenus au poste ? Est-ce un interrogatoire ? C'est pour ça que vous m'avez invitée chez vous ? Pour m'avoir à l'usure ?
Ses traits se durcirent, ce qui me rendit triste.
-Ce n'est pas mon genre.
-Je ne vous connais pas.
-Moi non plus je ne vous connais pas. Ça ne m'a pas empêché de vous accueillir chez moi.
-Je ne vous ai rien demandé !
-De rien, tout le plaisir est pour moi.
-Pardon ?
-Je réponds au « merci » que je n'ai pas eu.
-Je ne vous ai rien demandé ! Répétai-je, furieuse.
Une sonnerie se fit entendre, mais ce n'était pas celle du téléphone du séjour. Il se leva et regagna l'entrée. Je l'entendis parler à quelqu'un. Je me rapprochai pour entendre ce qu'il disait, j'étais une fille curieuse de nature, et ça m'avait déjà joué des tours. Il était de dos.
-Pas ce soir, je suis occupé.
-…
-Je te dis que non, je suis fatigué, on se voit demain soir.
-…
-Ok passe me voir au boulot demain midi, on ira manger un morceau, céda-t-il à contrecœur.
-…
-Moi aussi. A demain.
Il referma le clapet de son téléphone portable. Un objet fascinant, signe d'une nouvelle technologie émergente, qui me faisait envie depuis longtemps. Mais c'était hors de prix, je connaissais peu de gens qui en avait. Il sursauta en remarquant ma présence dans l'angle de la pièce.
-Si vous devez sortir, allez-y, ça ne me dérange pas, mentis-je.
-Non, vous êtes mon invitée, et j'ai commandé notre repas.
-C'était votre copine au téléphone ?
-Oui.
La déception fut rude. Je fis demi-tour et me rassis à ma place initiale. Il en fit de même et nous patientâmes sans un mot. Cela me parut être une éternité avant que l'on ne se fasse livrer. Nous mangeâmes aussi en silence, ce qui termina de me nouer l'estomac. Toute cette situation était étrange. Je me sentis démunie. Oh lala, je n'allais pas me remettre à pleurer devant lui.
-Je reviens, dis-je en me levant.
Je me dirigeai vers la salle de bain quand j'entendis frapper. Mais ce n'était pas à la porte d'entrée.
-Fils, tu es là ?
La voix provenait du fond, je me stoppai net en voyant la poignée de la porte condamnée se baisser.
-Fils ? Insista la voix du Shérif. J'ai besoin de te parler.
Alex surgit de nulle part et me plaqua doucement contre le mur le plus proche en me faisant « chut » du doigt.
-C'est au sujet de l'affaire Calhoun.
Je sursautai, Alex s'en rendit compte, fronça les sourcils. Nous étions dans une pénombre car nous nous trouvions dans un petit couloir mais je parvenais à distinguer son visage.
-Fils ?
Nous restâmes statiques. Le shérif finit par s'en aller. Moi, je tremblais, affolée. De quoi le Shérif voulait-il parler ? Qu'avait-il découvert ?
-Norma ?
Silence.
Il se pencha vers moi.
-Norma ?
-Je dois partir.
Il planta son bras en travers de ma route, je restai donc là, adossée au mur, stressée.
-Parle-moi, Norma.
Cette familiarité nouvelle me déconcerta. Je perçus de l'inquiétude, c'était familier, rassurant. Je m'autorisai à lever la tête vers lui. Cette proximité entre nous me bouleversa.
-Si tu veux que je t'aide, il faut tout me dire.
-M'aider ?
-Je ne sais pas ce que mon père a trouvé mais le connaissant ça ne doit pas être anodin pour qu'il vienne me déranger chez moi.
Je me mordis la lèvre, il caressa ma lèvre de son pouce.
-Parle-moi.
Sa voix se fit pressante. Je perdais pied, submergée par le désir. Un désir intempestif qui sortait de nulle part. Je me sentis honteuse. Sa main caressa ma joue, son visage se rapprocha du mien.
-Norma…
Mon poil se hérissa de plaisir car dans sa voix se reflétait le même désir. Son nez s'accola au mien, sa bouche rencontra la mienne dans un effleurement hésitant. Une bouche dure, chaude, aphrodisiaque. J'eus envie de l'agripper par la nuque, de mordre ses lèvres généreuses et de me coller contre lui. Je réprimai toutes ces idées déplacées, repensant à sa petite-amie, à ma grossesse, à Caleb. Je me détournai de lui, effondrée.
-Non, dis-je simplement.
Il se redressa dans la seconde et ôta son bras pour me laisser partir.
La suite quand je pourrai
