Merci à Schwips pour sa review.
En réponse à la tienne Aurélie : Tu lis dans mes pensées lol. J'étais déjà sur l'optique de continuer du point de vue d'Alex. J'espère que ça te plaira.
Bonne lecture.
Partie 11
ALEX
Installé sur le tabouret du bar le moins fréquenté de la ville, je ruminais. J'avais l'impression d'avoir tout foiré. J'y étais allé à l'instinct avec Norma car c'était ma seule manière de fonctionner. Toute cette semaine loin d'elle avait confirmé ce que je savais déjà. Elle était celle que ma mère m'avait prédite, celle qui m'accepterait sans jugement. Je le sentais dans mes tripes encore maintenant. Je voulais ne plus être séparé d'elle et lui donner un cadre de vie plus confortable. Elle trimait sans relâche, je respectais cela. J'admirais aussi de la voir donner le meilleur à ce fils qu'elle n'aimait visiblement pas. Un enfant mal-né en quête d'amour qui s'était tourné vers moi. J'avais peut-être fait un parallèle entre eux et ma mère et moi. Je n'en sais rien.
Ce que je savais, c'était que j'avais les nerfs. Je lui ai fait confiance et elle m'a rejeté.
J'en étais à mon troisième scotch quand une fille approcha et entama la conversation.
-Alex, ça fait un bail dis donc.
Apparemment elle me connaissait mais je ne me rappelais pas d'elle. Elle était plutôt mignonne, blonde, pas très grande. Elle arborait un joli décolleté qui attira mon attention. Je n'écoutais rien de ce qu'elle disait. Je m'enfilai encore trois autres verres quand elle s'inquiéta enfin de mon attitude silencieuse.
-Tu n'as pas l'air dans ton assiette.
Le visage de Norma me terrassa à nouveau. Son rejet m'avait foutu en l'air.
-Si tu veux on peut aller discuter ailleurs.
J'avais compris l'allusion. Je payai l'addition et attrapai son bras sans chercher à comprendre.
-Je dois prévenir quelqu'un avant de partir, je te rejoins dehors dans une minute.
-Ok.
Face à la voiture de Norma, j'eus un instant d'arrêt. Je me sentis coupable et je n'aimais vraiment pas ça. Quand la fille se profila à l'horizon, j'eus envie de faire marche arrière.
-On peut aller chez toi, me proposa-t-elle.
Elle m'observait avec un regard doux qui brisa toutes mes réticences, j'avais besoin d'affection ce soir.
-Plutôt chez toi, décrétai-je.
-Disons…, hésita-t-elle.
-Quoi ?
-Je suis un peu mariée et puis j'habite pas tout près, je suis chez ma sœur pour le weekend.
Merde !
-Et ton activité c'est de trainer dans les bars la nuit, lui reprochai-je, contrarié de voir mes plans s'envoler.
-Je suis venue avec elle, c'était surtout pour décompresser. Et quand je t'ai vu rentrer, je n'en ai pas cru mes yeux. Tu n'as pas changé depuis cette fameuse fête organisée chez Bob.
Ça y est, je la remettais il y a deux ans de ça quand Bob avait fêté ses vingt et un an.
-Oui, ça y est, je m'en souviens.
Elle me sourit, soulagée que je me rappelle d'elle. Une gentille fille.
-Marnie ? Minnie ?
-Molly, rectifia-t-elle. Comme tu m'as ignorée je me suis rabattue sur Lenny et puis on s'est marié.
Je perçus le ton de regret dans sa voix.
-Viens monte, dis-je sans plus me prendre la tête.
J'étais à l'ouest. Quand elle vit que je n'arrivais pas à mettre la clef dans le neiman, elle soupira :
-Il vaut mieux que je conduise, je n'ai bu qu'un seul verre.
Je lui cédai le volant sans chercher à polémiquer.
-C'est pas ma voiture, alors fais attention, marmonnai-je.
Nous fîmes le trajet en silence. En entrant dans ma chambre un peu sommaire, elle ne fit aucun commentaire. Elle ôta sa veste et commença rapidement à me travailler au corps. Nos habits atterrirent au sol. Allongés tous les deux en sous-vêtements sur le lit, elle m'embrassait avec passion mais je n'étais pas en capacité de lui donner ce qu'elle voulait. Elle fouilla dans mon boxer, tentant de me ramener à la vie mais c'était peine perdue. J'étais trop fatigué, trop alcoolisé, trop mal. Je saisis son poignet :
-Laisse tomber.
Elle était dépitée. Elle se laissa tomber à côté de moi.
-Comment elle s'appelle ?
Je lui tournai le dos sans lui répondre, et me recouvris avec la couverture. Elle éteignit la lumière et se glissa contre moi. Je fus soulagé qu'elle ne parte pas.
-Ça va s'arranger, me murmura-t-elle avec conviction.
Je me réveillai en sueur, malmené par la vision de ma mère se balançant à cette putain de corde. Une main caressa mon visage.
-Norma ?
Je ne voyais rien, il faisait encore nuit.
-Chut, ce n'était qu'un cauchemar, rendors-toi, entendis-je.
Je fermai les yeux, apaisé.
OoooO
-Qui est Norma ?
J'avais appelé la réception pour qu'on nous serve le petit déjeuner. Il était déjà neuf heures. J'avais mal au crâne. Alors parler de Norma…
Je ne savais pas comment elle connaissait son prénom et cela m'enquiquinait réellement d'être questionné comme ça dès le réveil.
-Personne.
-C'est à cause d'elle que tu es si mal ?
-Non.
-Elle t'a brisé le cœur ? Insista-t-elle.
-Non !
Elle continua de déjeuner, pensive. Et puis elle commença à me parler de son mec. Je découvris à quel point elle aussi souffrait de manque d'affection mais je finis par l'interrompre, je ne voulus pas trop en savoir. J'avalai mon café et me dirigeai vers la salle de bain pour me brosser les dents. Elle se mit à parler de tout et de rien mais je n'entendais pas ce qu'elle disait. Dans la glace au-dessus du lavabo se reflétait mon visage. J'avais une sale gueule et le même air triste que j'avais à la mort de ma mère.
Je finis par m'apercevoir que Molly s'était tut. Je revins dans la chambre et je m'assis près d'elle, stressé de la voir pleurer. Des larmes silencieuses qui coulaient sans s'arrêter. Ma mère pleurait comme ça. Je n'avais jamais réussi à la rendre moins malheureuse. Depuis, je ne supportais plus de voir une femme pleurer. Cela me ramenait à mon incapacité à aider ma mère.
-Ne pleure pas.
Elle essaya de sécher ses larmes.
-Si tu es malheureuse, ne reste pas. Ça n'en vaut pas la peine. Je sais de quoi je parle.
Elle m'observa avec intérêt. Et sans m'en rendre compte, j'évoquai ma mère avant d'enchainer sur Norma. Mes phrases étaient hachées, courtes, douloureuses.
Des coups résonnèrent sur la porte.
-Je n'ai rien commandé d'autres ! M'agaçai-je.
-C'est moi, Norma.
Je fis un bond hors du lit, oubliant tout le reste. Je perçus la fuite de Molly dans la salle de bain au moment où j'ouvris la porte à la volée. Cependant, le bonheur de la voir se mua rapidement en colère.
-Qu'est-ce que tu fais là ?
Norma, les mains dans les poches de son imper, me détailla avec appréhension.
-Je voulais te voir.
-Comment tu m'as trouvé ?
-Il n'y a pas dix mille motels dans le coin.
-Où est Dylan ?
-Avec la nourrice, elle me dépanne pour une heure, je n'ai pas beaucoup de temps.
-Comment tu es arrivée ?
-On s'en fout.
Elle se jeta dans mes bras. Sa tête se posa sur mon épaule.
-Je suis désolée. J'ai mal réagi. Pardonne-moi. Je t'aime aussi Alex. Je t'aime tellement, tu n'as pas idée. J'ai la trouille et je me sens mal mais on va y arriver si tu veux encore de moi.
Je ne pouvais pas aller contre ce que je ressentais, je m'étais reconstruit en quelque secondes, heureux comme je ne l'avais jamais été. Je la serrai fort, la gorge nouée.
Elle se recula un peu, caressa ma joue.
-Tu es d'accord ?
Le bleu lumineux de ses yeux me bouleversait.
-Tu sais bien que oui.
Elle s'illumina, irradiant comme un soleil.
-Viens à la maison, je te ferai un bon déjeuner et on pourra discuter plus tranquillement.
Elle me contourna subitement pour entrer dans la chambre :
-Je range tes affaires, va t'habiller.
Elle avait attrapé mon sac de sport et s'affairait avec enthousiasme tandis que je refermai la porte, anxieux. Je n'avais pas été réactif, plongé dans le bonheur de nos retrouvailles. Elle attrapa les clefs de sa voiture posées sur la table de chevet, elle les rangea dans sa poche.
-Fais vite Alex.
-Laisse je m'en occupe, dis-je en attrapant le sac. Va m'attendre dans la voiture.
Elle ne répondit pas, elle ne me regardait pas, fixé sur autre chose. Je cherchai du regard ce qui la monopolisait : les deux plateaux posés à même le lit. A mesure que je vis son expression changer, mon cœur se serra. Elle fit lentement le tour du lit, se pencha pour sentir les taies d'oreiller.
-Où est-elle ?
-Il ne s'est rien passé Norma.
-Où est-elle ?
Sa voix était anormalement calme. Je lâchai le sac et tentai de venir vers elle. Je devais la rassurer mais je sentais arriver le naufrage. Elle recula jusqu'à la salle de bain. Elle toqua à la porte.
-Sortez de cette salle de bain.
Pas de réaction.
-Fais la sortir ou c'est moi que le fais.
-Norma…
J'étais inquiet par l'éclat dur de son regard. Je ne l'avais jamais vue ainsi, et je devinai sa rage. J'enfilai rapidement mon pantalon.
-Je préfère qu'on règle ça dehors.
-Non.
Elle se tourna vers la porte, je la sentais au bord de la crise de nerfs.
-Ne me forcez pas à me ridiculiser, sortez de cette salle de bain.
Molly déverrouilla la serrure et se montra enfin. Norma l'examina de la tête au pied.
-Je vous remercie de m'avoir montré Alex sous son vrai jour. Dire que j'allais accepter d'être sa femme…
Le choc me cloua sur place. Elle décida de partir mais je parvins à la rattraper à l'extérieur.
-Ne me touche plus jamais !
-Calme-toi. Je ne t'ai pas trompée.
-Tu m'as dit de te faire confiance.
Sa voix s'était brisée.
-Je te le jure sur la mémoire de ma mère.
Je vis son hésitation, je plongeai dans la brèche.
-Je me sentais mal, j'ai un peu picolé et Molly m'a accosté. On a juste discuté.
-Tu as ramené cette fille pour jouer aux cartes peut-être ?
-Norma.
-Non.
Elle ne parvenait pas à retenir ses larmes.
-Je sais que je t'ai blessé mais… je croyais pas que… que tu puisses… me faire ça.
J'en avais marre. Je ne supportais pas l'image qu'elle me renvoyait de moi-même.
-Je ne vais pas me mettre à genou et te supplier de me croire !
-Tu as raison, à quoi bon.
-Tu entends que ce que tu veux entendre ! M'énervai-je.
-Ouais c'est ça, cause toujours !
Elle me planta là.
Je me sentis con.
Je me sentis seul.
Mais je m'en fichais.
J'étais furieux.
oOOOo
Un mois plus tard.
J'étais en pleine paperasse sur un lourd dossier de cambriolage avec agression physique quand mon père entra dans mon bureau. Sa mine sombre ne valait rien qui vaille et je n'avais pas spécialement envie de le voir. Je supportais de moins en moins sa présence et travailler sous ses ordres était un calvaire.
-Quoi ? M'agaçai-je en le voyant se poster près de ma fenêtre, les mains croisées dans son dos, dans une posture rigide.
-Une enquête a été ouverte me concernant. Les Feds sont après moi.
Enfin une bonne nouvelle.
-Tu n'aurais rien avoir avec ça, dis-moi ?
Le ton qu'il employa me hérissa.
-J'aurais bien aimé mais ce n'est pas le cas.
-Tu ne devrais pas prendre ça à la rigolade.
-Crois-moi ce n'est pas le cas.
-Si je tombe, tu n'auras pas ma place tu le sais.
Je le savais effectivement mais depuis peu et le choc avait été rude.
-Tu es trop jeune. Tu n'as que vingt-trois ans.
-Je suis assez mature pour comprendre que je ne suis pas encore prêt.
-Bien. Je ne veux pas de malentendus entre nous.
-Il n'y en a jamais eus.
Il resta silencieux un moment, songeur.
-J'ai besoin de ton aide.
-Non.
Je me raidis sur place tandis qu'il dardait sur moi un regard incisif.
-Si tu m'aides, je reconsidérerai ma décision quant à ma succession en tant que shérif.
Il devait vraiment être acculé pour me solliciter de la sorte.
-J'y arriverai sans ton aide.
-Je te le demande gentiment, ne me force pas à employer les grands moyens.
-Tu n'as plus aucun moyen de pression sur moi.
Et ce depuis le décès de ma mère.
-Détrompe-toi.
Il avança de quelques pas et prit place dans le siège en face de moi. Je sus dès lors que j'étais foutu sans même savoir de quoi il s'agissait.
OoooO
Allongé dans le canapé, je fixais la télé sans la voir. Je me sentais pris au piège et c'était insupportable. Mon portable sonna pour la énième fois. Je ne répondis pas, complètement ailleurs. Je m'endormis sans m'en rendre compte et me réveillai en sueur. Cette fois le cauchemar avait été différent, ce n'était pas ma mère que je voyais pendue au bout de cette corde mais Norma. Je m'assis pour reprendre mes esprits, angoissé, oppressé.
Je devais réagir, je devais la protéger.
Je saisis mon portable pour appeler Bob.
OoooO
Une semaine plus tard.
J'avais fouillé dans toute la maison familiale à la recherche d'indices, revivant sans le vouloir cette horrible journée où j'étais rentré pour annoncer à ma mère fièrement que j'avais clôturé ma première enquête avec succès. Et ne la voyant nulle part, j'avais commencé à paniquer, à fouiller toutes les pièces jusqu'au grenier…
Je manquai de souffle. Il fallait que je sorte de la maison.
Je me morigénai, stressé par cet accès de faiblesse. J'avais pris une décision, je devais m'y tenir. Mon père pensait que je bossais pour lui, pour lui sauver la mise. Il savait que j'étais quelqu'un de loyal et jouait dessus mais il ne me connaissait pas réellement.
S'il me connaissait vraiment, il aurait compris qu'il ne fallait jamais me menacer.
Le visage de Norma flotta devant mes yeux. Elle me souriait, les yeux plein de tendresse.
Peu importait ce qui s'était passé, peu importait qu'on ne soit plus ensemble, peu importait qu'elle soit fâchée après moi.
Je l'aimais.
Le reste je m'en foutais.
Je pris sur moi d'y retourner. J'allais envoyer ce fils de pute en prison et reprendre ma vie en main.
La suite quand je pourrai.
