Pas de reviews ! Allez, un effort !

Bonne lecture.


Partie 18


ALEX

Une semaine que j'étais rentré, et je n'avais toujours pas réglé le plus urgent : le boulot et la maison.

Mon nouveau patron me menait la vie dure, l'arrestation de mon père avait causé beaucoup de désagréments au sein de l'équipe et je ne parvenais pas à trouver ma place ici. Il refusait de me faciliter la tâche. Cependant, je parviendrai à avoir gain de cause. Je n'étais pas du genre à me laisser emmerder. A White Pine Bay, je saurai m'intégrer et j'avais déjà beaucoup de travail qui m'y attendait. Et je devais trouver celui qui avait tué Shelby et cambriolé la maison de Norma.

Norma.

Elle m'attendait, et je tardais. Nous devions nous marier ce weekend. Quoi qu'il arrive, j'y serai. J'avais hâte de vivre ma vie près d'elle, enfin. Nous le méritions tous les deux. Nous méritions notre part de bonheur.

J'avais clôturé toutes mes affaires courantes et transmis le reste aux collègues présents qu'ils soient d'accord ou pas. Je retournai dans le bureau du boss, décidé à en finir. J'avais fait mon décompte d'heures et de congés, je pouvais m'en aller largement malgré le préavis. Je frappai et j'entrai sans attendre qu'il me dise d'entrer. Il releva la tête vers moi, contrarié :

-Oui Romero ?

Je pris place en face de lui et lui balançai tous les papiers à ma disposition.

-Voilà ma démission puisque vous refusez ma mutation. J'ai largement de quoi assurer mon préavis avec les congés que je ne prends jamais.

Il resta stoïque, me dévisageant avec hostilité.

-Vous serez mieux sans moi, je ne comprends pas votre obstination.

-Votre père a causé beaucoup de dégât. Il contenu de semer la terreur même de sa cellule.

-C'est-à-dire ?

-Il renoncera à me pourrir la vie, si je pourris la vôtre.

Je comprenais mieux et cela me révolta.

-Vous ne devriez pas vous laisser intimider.

-Ah oui ? Pas facile quand il s'en prend à ma famille.

J'étais effaré.

-Pourquoi ne m'avoir rien dit ? Au lieu de ça, vous avez fait de ma vie professionnel un enfer et il a eu gain de cause.

-Vous le dire ?

Il ricana.

-Vous êtes comme lui. Je n'ai pas confiance en vous.

-C'est faux ! Tonnai-je. Je ne suis pas comme lui !

-Vos méthodes de travail…commença-t-il.

-J'ai mes méthodes et elles portent leurs fruits mais cela ne concerne que le travail. Dans ma vie privée, je ne suis pas tyrannique et je suis civilisé. Je respecte la loi, les gens, la vie. Si j'ai aidé à le mettre en prison, c'était pour soulager le monde d'une pourriture pareil. Il a tué ma mère, il mérite ce qu'il y a de pire.

Il m'examina d'un air moins colérique.

-Ça ne change rien, je suis coincé.

-Ne vous laissez pas faire, réagissez, coup pour coup. Et moi je vais aller lui rendre une petite visite et démanteler le réseau qui lui sert de main d'œuvre. Et pour cela, j'aurai besoin de votre aide.

Il se redressa, s'adossa au dossier de sa chaise et croisa les bras sur sa poitrine, me jaugeant sans filtre.

-Ok, décida-t-il. Et j'accède à votre mutation avec tous les avantages qui vont avec, que vous y parveniez ou non. Je pensais savoir à qui j'avais affaire, je me trompais visiblement.

Je retournai à mon bureau, satisfait, pris mes affaires et saluai les collègues sans vraiment leur prêter attention. Je ne pensais qu'à mon père. Il était trop tard pour aller le voir mais j'avais quelques visites à faire en attendant.

OooooO

En entrant dans la salle de visite en ce début d'après-midi, je fis un effort pour me détendre. Je ne devais pas lui montrer à quel point j'avais la rage contre lui. Dans mon cerveau embrumé tournait en boucle le fait qu'il était sûrement l'auteur des désagréments de Norma. Tout collait, et Ben, son bras droit, avait laissé entendre des choses quand je lui avais collé mon arme sur son œil il y a quelques heures. J'avais à peine dormi, angoissé à l'idée que je sois responsable du chaos de la vie de Norma et de la mort de Shelby.

Je m'assis sur le siège que me montra le gardien, et je patientai le temps de voir mon père arriver. Je zieutai les alentours sans réellement voir les gens qui discutaient. Il y avait peu de visites mais elles étaient animées. Le gardien intervint sur une des tables. Je l'observai faire machinalement, et mon cœur se compressa en reconnaissant le frère de Norma. C'était lui, pas de doute possible, je l'avais suffisamment vu dans les journaux locaux pour savoir qui il était. Et Dylan lui ressemblait de manière effarante, c'était perturbant. Je me détournai de lui pour éviter de penser à des choses désagréables, des choses auxquelles je me refusais de penser. En face de lui, un homme d'un certain âge gesticulait.

-C'est de ta faute ! Tu l'as tuée ! Cria-t-il.

Cela me ramena à des souvenirs pénibles de mon propre passé. Je me fis violence pour me concentrer sur lui.

-Calmez-vous ! S'écria le gardien, sinon j'écourte la visite.

-Elle est revenue et vous n'étiez plus là, elle est morte de chagrin ! Continua-t-il.

-Mon cul ! Se redressa Caleb, elle se fichait de nous ! Elle était pire que toi, nous maltraitant de la pire manière qui soit ! Elle mérite ce qui lui arrive ! Je ne vais pas pleurer pour cette folle !

La mère de Norma était morte ? Cela me désola. Son père tenta de se jeter sur lui, tanguant dangereusement, mais le gardien l'en empêcha et l'éloigna sans cérémonie.

-Retourne dans ta cellule, Calhoun ! Lui ordonna le gardien.

-J'espère que tu pourriras ici, maudis sois-tu pour ce que tu lui as fait ! Cracha père avant de disparaitre.

J'avais l'impression que ce n'était pas de sa femme dont il parlait.

-Et bien il y en a du grabuge, entendis-je.

J'eus un sursaut malgré moi. Mon père s'installa devant moi, tout sourire.

-Tu ne devrais pas te réjouir de me voir.

-Pourquoi non ? Mon fils unique vient me voir, j'ai de quoi me réjouir.

-Je viens pour obtenir des réponses.

-Vas-y ! Il me tarde de savoir.

-Tu as envoyé un de tes gars chez Norma ?

-Non.

-Tu as fait tuer son petit ami ?

-Je croyais que c'était toi, son mec.

-Nous ne sommes plus ensemble depuis des lustres et ça tu le sais.

-Ça c'est ce que tu racontes mais je vois bien que tu mens.

-Alors… c'était bien toi ? Tu… tu t'en es pris à Norma ?

Ma tension s'envola d'un seul coup, il s'en rendit compte, ôta cet air triomphant de son visage.

-Non, je viens de te le dire.

-Pourquoi je devrais te croire ?

-Parce que si c'était moi, je te l'aurais dit, je regrette de ne pas y être pour quelque chose quand je vois dans quel état ça te met.

Il ne mentait pas. Je le sentais. Cela m'enleva un poids énorme sur le cœur.

-J'étais occupé ailleurs mais je pense que je vais devoir m'y pencher sur le cas de cette fille, tu sembles très intéressé par sa vie alors que soi-disant tu ne la fréquentes plus.

Encore des menaces. Il n'apprenait donc jamais ?

-J'ai une nouvelle à t'annoncer. Je quitte le bureau du shérif, la maison est quasi vendue, et je quitte cette ville.

Il encaissa sans broncher mais il était furieux.

-Alors forcément tu sais où je vais. Mais je m'en fous. Tes trois potes, je suis allé leur rendre visite j'ai eu du mal à trouver Bernie. Je leur ai fait passer un petit message et ils vont passer à table… sauf Bernie qui a préféré se foutre une balle. Mon ex-patron les a mis en garde à vue. Sa femme a reconnu ce matin celui qui l'avait agressée en sortant de son travail. Ils vont te rejoindre ici. Ça va pas être gai car je leur ai expliqué à quel point tu n'avais pas été vigilant et que leur nom apparaissait sur plusieurs documents que j'avais gardé en réserve.

Il me regarda avec des yeux rageurs.

-Tu ne pourras plus régner sur ton petit monde, lui balançai-je avec délectation.

-Ne crois pas que tu m'aies neutralisé. J'ai encore des cartes en réserve.

-Si c'est le cas, le Shérif le fera à ma place, il a de bonnes motivations maintenant.

-Tu le regretteras.

-Peut-être mais je n'ai pas peur. La seule chose de valable que tu m'ais apprise c'est de ne craindre personne ! J'espère que tu vas crever ici. Adieu.

Je fus heureux de quitter cet endroit de malheur. Ça aussi c'était réglé. Je pouvais désormais commencer une nouvelle vie sans l'ombre de mon père au-dessus de ma tête. En rentrant, en début de soirée, je passai à l'agence immobilière. Ça faisait une semaine que je cherchais à voir Rébecca sans succès. Apparemment, elle était malade mais je n'avais pas eu plus d'info pourtant j'étais passé chez ses parents mais ils ne m'avaient pas laissé la voir. Du coup, sa collègue avait repris ses dossiers mais la vente de ma maison avait pris du retard : les entretiens avaient été décalés et certains avaient même abandonné la visite. En poussant la porte de l'agence, je fus surpris de tomber sur Rebecca. Elle me lança un coup d'œil glacé.

-Viens dans mon bureau.

Je la suivis et m'installai en face d'elle. Elle n'avait pas bonne mine.

-Tu vas mieux ?

-Non.

-Tu n'aurais pas dû reprendre le travail.

-J'ai besoin de travailler, sinon je vais devenir folle.

Elle ouvrit le dossier, le parcourut, apposa quelques notes, marmonna un peu.

-Bon, voilà le topo, j'ai deux visites de prévues en fin de semaine et une la semaine prochaine. Il y a une famille qui semble vraiment intéressée. Et le prix proposé se rapproche vraiment de ce que vaut ta maison. Je vais faire au mieux.

-Je le sais. Je te fais confiance. Je déménage demain mais tu as le double des clefs de toute façon.

-Les meubles sont inclus dans le prix de vente ?

-Oui, je ne veux rien emmener.

Elle griffonna quelques petites choses.

-Bien, je peux peut-être en obtenir plus. Je verrai.

-J'apprécie ce que tu fais.

Elle balaya cette remarque de la main.

-J'aurai un plus gros bonus, n'y vois rien d'autre.

Je n'étais pas dupe. Elle se décarcassait pour moi malgré ce que je lui avais fait.

-Je suis désolé pour l'autre fois… J'ai été un peu dur, je n'aurais pas dû te rabrouer comme ça.

Elle darda sur moi un œil étincelant qui me glaça.

-Tu as bien fait, ça m'a ouvert les yeux.

Elle croisa ses jambes :

-Comment va Nathan ?

-Il est chez sa mère, Keith a déconné, j'ai dû intervenir, il va devoir passer devant un juge quand il sera remis de ses blessures.

Etonnamment, elle ne me posa pas de questions.

-Tu vas vivre où ?

-Comment ça ?

-Tu vas bien déménager quelque part non ?

-Ah oui… je retourne aux sources, à White Pine Bay.

Elle blêmit d'un seul coup.

-Rebecca ?

-Tu vas vivre avec « elle » ?

Je n'aimais pas la tournure que prenait notre conversation et le ton qu'elle employait pour la nommer.

-Oui, nous allons nous marier ce weekend, il est logique que l'on s'installe ensemble.

-Vous marier ? carrément ?

Elle repoussa une mèche de cheveux en arrière, ses mains tremblaient. Je ne voulais pas polémiquer là-dessus. Ça ne la concernait pas. Et surtout, je la voyais perdre pied, elle en souffrait et cela me pesait. Quand je serai parti, elle m'oubliera, elle pourra refaire sa vie.

Elle sécha discrètement une larme, referma le dossier et me reconduisit à l'entrée.

-J'ai ton numéro, je te contacterai quand j'aurai une proposition. Je ferai les démarches chez le notaire et tu devras revenir signer le compromis de vente.

-Très bien. Merci.

Je voulus lui dire autre chose mais je me retins. Autant couper court.

OoooO

J'avais réservé les déménageurs pour la fin de matinée, j'avais hâte de rejoindre Norma ce soir. Ils arrivèrent en retard, ce fut laborieux et je perdis beaucoup de temps en paperasse pour organiser l'expédition du piano de ma mère chez Norma. L'heure passait et je dus me résoudre à lui envoyer un message pour lui dire que je serai en retard et que j'arriverai très tard. En regardant le camion partir, j'eus une immense sensation de soulagement. J'avais fait don de la plupart de mes affaires à la croix rouge. J'avais juste conservé la photo et l'alliance de ma mère et quelques rares souvenirs de ma grand-mère. Mieux valait tout laisser derrière moi.

Ce ne fut pas compliqué de dire au revoir à la maison qui avait accueilli toutes nos souffrances. En refermant la porte, je me sentis revigoré. Je me hâtai de rejoindre ma voiture, elle était chargée à bloc. Je fis une longue halte au cimetière. Il fallait que je lui dise au revoir aussi.

OoooO

Tandis que je conduisais, je pensais à Norma. Il y avait tellement de choses à mettre en place, encore des détails à régler mais le bonheur était là. Nous allions nous unir, fonder une famille avec Dylan. J'aimais ce gamin, je me reconnaissais en lui. Je voulais qu'il puisse compter sur moi, qu'il parvienne à grandir dans la confiance. Jamais je ne lui ferai de mal. Je serai un ami, peut-être un père, s'il le voulait, mais je ne savais pas comment procéder. Je n'avais jamais envisagé d'avoir d'enfant, ce n'était pas ce à quoi j'aspirais dans la vie. Cependant, je ne pouvais ignorer son mal-être, je devais agir, le protéger. Ainsi Norma pourrait peut-être se sentir mieux.

Je m'arrêtai pour manger un morceau. J'étais si pressé que je roulais trop vite. Je devais me calmer. Je pris mon portable pour appeler Norma, elle ne répondit pas. Déçu, j'allais raccrocher quand je vis quelle me rappelait.

-Norma, mon amour, j'arrive bientôt.

-Désolé de te décevoir, c'est moi, Bob.

OoooO

Je poussai la porte de l'hôpital vers deux heures du matin.

Hagard.

Je cherchai désespérément le service, l'étage, la chambre où elle se trouvait. L'infirmière me laissa entrer à contre-cœur.

-Elle dort, ne faites pas de bruit.

Elle était dans une chambre simple, pas d'autre patient avec elle. L'infirmière actionna un interrupteur et une légère lumière éclaira la pièce. Le choc me cloua sur place.

-Quelques minutes pas plus, me rappela-t-elle en sortant.

Je ne voyais que le visage martyrisé de Norma. Elle avait un bandage autour de la tête, une minerve. Un œil gonflé et bleui. Des hématomes sur tout le visage.

Pourquoi ? Qui ? Bob n'avait pas su me répondre, l'agresseur l'avait gazé et s'était enfui mais il était persuadé que c'était une femme. Je ne pouvais accuser mon père sur ce coup-là. Mais qui ? Qui ? Bon sang !

Je trouvai le courage de m'approcher. Je pris le dossier médical, examinai le détail de ses blessures, me voutant un peu plus sous la douleur. Je m'assis ensuite sur le rebord du lit et caressai lentement ses cheveux.

Si j'étais rentré plus tôt…

Je m'agenouillai sur le sol et posai mon visage près du sien, sur l'oreiller.

-Norma, pardon.

J'étais complétement broyé. Je parvins à ne pas pleurer. Je me sentais sur le point de commettre un meurtre, je voulais que quelqu'un paie. Je voulais que quelqu'un souffre.

Je dus m'assoupir car en ouvrant les yeux, l'aube pointait. J'étais endolori par cette position inconfortable. Je me redressai et m'étirai dans la douleur. J'appréciai que l'infirmière ne m'ait pas forcé à partir. Il faudrait que je l'en remercie. Je me servis de la salle de bain puis revins la veiller. Je cherchai une chaise pour m'assoir et patientai, les yeux rivés sur elle. Trente minute plus tard, l'infirmière passa pour vérifier la perfusion et je lui souris avec lassitude :

-Merci.

-Je finis ma garde bientôt, je verrai avec ma collègue si vous pouvez rester encore un peu.

Je hochai la tête avec gratitude. Elle me souhaita du courage et quitta la pièce. Mon portable vibra, c'était Bob.

-Oui ?

-Tu es encore à l'hosto ?

-Oui. Tu es tombé du lit ?

-Pas moyen de dormir, je m'en veux si tu savais. Tu m'avais demandé de veiller sur elle et j'ai échoué lamentablement.

-Si t'avais pas été là, elle serait morte. Je te suis reconnaissant Bob.

Il y eut un lourd silence.

-J'arrive, dit-il enfin. Rejoins-moi bas dans quinze minutes.

-Ok.

En raccrochant, mon cœur loupa un battement. Norma avait ouvert les yeux, ou du moins un œil. Un œil rougi par le sang. Elle me sourit, grimaça de douleur.

-Tu es la mon chéri.

Elle essaya de tendre sa main vers moi. Je rapprochai ma chaise et attrapai sa main pour l'embrasser tendrement.

-Dylan, murmura-t-elle.

-Il est avec Nina. J'irai à la maison tout à l'heure et je m'occuperai de lui jusqu'à ton retour.

-Il faut prévenir Mme Summers.

-Je le ferai.

Elle referma les yeux.

-J'ai mal.
Que lui dire ? J'avais envie de mourir.

Une larme coula le long de sa joue.

-J'ai peur Alex, souffla-t-elle dans un sanglot.

J'essuyai cette larme avec précaution.

-Je suis là maintenant. Plus jamais je ne partirai, je te protègerai et je retrouverai celle qui a fait ça.

Et jamais plus elle ne recommencera.


La suite quand je pourrai.