Merci à Aurélie pour son comm.
J'ai mis du temps à publier. J'étais démotivée par le manque de review.
Bonne lecture.
Partie 19
Alex était descendu voir Bob à l'accueil.
Cette séparation me pesa. Ouvrir les yeux et le découvrir à mes côtés m'avaient procuré une sensation de soulagement inimaginable. Je m'étais tournée sur le lit pour être en face de la porte que je surveillais, guettant son retour. Cette simple action avait généré une souffrance dans tout mon corps. Je fixais cette porte d'un œil voilé de rouge. J'avais le visage en vrac, le corps en miette, le moral en lambeau. Je n'osais même pas me regarder dans la glace. Je me sentais nauséeuse et éreintée. Mais surtout une peur tenace me vrillait l'estomac car je ne pouvais occulter les images de mon agression.
Qui ? Pourquoi ?
La poisse semblait collée à mon karma.
La porte s'ouvrit enfin mais ce n'était que l'infirmière. Elle me posa des questions, me proposa un bassin pour faire pipi et me prévint que le médecin passerait en milieu de matinée. Une jeune dame entra avec un plateau qu'elle posa au-dessus de moi. Il fallait que je prenne mon petit-déjeuner et que j'avale quelques antalgiques. Son regard se fit compatissant, semblait rempli de pitié. Elle voulut m'aider à me redresser.
-Je vais me débrouiller ! Dis-je sèchement.
Elle insista, demandant l'aide de l'infirmière.
-Non ! J'ai dit non !
Elles haussèrent les épaules et quittèrent la pièce. Ne parvenant pas à me mettre à l'aise, je finis par regretter mon accès de colère. Je désespérais quand Alex revint dans la chambre. Il comprit d'un seul regard ce que je tentais de faire et m'aida efficacement.
-C'est bon comme ça ?
-Oui, merci.
Je pris mes cachets et j'entamai mon chocolat chaud et mes biscottes, grimaçai par mon immense difficulté à mâcher et à avaler. Ma mâchoire me lancinait, ma gorge était douloureuse. Et cette minerve ! Je n'en pouvais plus ! Je me sentais prisonnière.
Alex s'installa non loin et patienta.
-Pourquoi Bob n'est pas monté ?
-Ce n'est pas l'heure des visites.
-Je voulais le remercier.
-Je l'ai fait, ne t'inquiète pas.
-Heureusement qu'il était là, frissonnai-je.
-Je lui avais demandé de veiller sur toi, me révéla-t-il.
-Ah oui ? M'étonnai-je.
-Avec tout ce qui s'est passé dernièrement…
J'approuvai silencieusement.
-Merci à toi aussi dans ce cas.
Son visage se crispa, il baissa les yeux, frottant ses mains l'une contre l'autre.
-Alex ?
Il se leva et se posta devant la fenêtre. Il fixa le paysage longuement, ses mains enfoncées dans les poches de son jean. Je terminai mon déjeuner, en silence, anxieuse. Je me laissai glisser sous les draps pour me rallonger un peu. Mon regard se focalisa très longtemps sur son profil renfermé. A quoi pensait-il ? Je n'osai l'imaginer…
-Madame ?
Je rouvris les yeux, l'infirmière me dévisageait sans se cacher.
-La police est là. Ça va aller ? Vous pouvez le recevoir ?
Je fis oui de la tête malgré une migraine intempestive.
-Où est Alex ?
-Qui ?
-Mon fiancé ?
-Parti il y a bien une heure.
Un adjoint entra sans même attendre d'y être invité. L'infirmière râla et nous laissa.
-Quelques minutes, précisa-t-elle avant de disparaitre, je reviendrai lui faire une prise de sang.
L'adjoint l'ignora, et se concentra sur moi. Il avait une quarantaine d'années, il était petit, plutôt trapu et peu avenant. Sur sa chemise figurait sa plaque et son nom.
-Mes condoléances pour Shelby.
Je bafouillai un merci surpris et gêné.
-Racontez-moi ce qui s'est passé.
Ce que je fis en détail tout en frottant mon front.
-Cela corrobore le témoignage de M. Paris. Il n'y a pas eu vol. Cela semble être un acte personnel contre vous. Et un tel acharnement laisse à penser à une vengeance passionnelle.
Cela m'atterra.
-Il s'agirait, continua-t-il, d'une femme rousse d'environ un mètre soixante-dix, de corpulence moyenne, une personne de moins de quarante ans.
-Il a vu son visage ?
-Non. Elle est parvenue à s'enfuir en lui balançant du gaz lacrymo en pleine figure. Avez-vous remarqué d'autres détails qui nous permettraient de l'identifier ?
-Non.
-Avez-vous des ennemis ?
-Non.
-Des problèmes au travail ? Avec votre famille ? Vos amis ? Vos ex ?
-Non.
-Peut-être une ex de Shelby ? Il en avait beaucoup.
Je haussais les épaules, contrariée. Je passais pour quoi ? Une énième conquête qui ne savait pas dans quoi elle avait fourré les pieds ?
-Je vais chercher de ce côté-là. Faites-moi une liste de vos fréquentations.
Il me tendit une feuille et un stylo. En une minute c'était réglé. Il fronça les sourcils en récupérant le feuillet et en le parcourant.
-C'est tout ?
-Je ne suis là que depuis quatre ans. J'ai un enfant en bas âge alors je ne traine pas, je ne sors pas le soir. Et puis j'ai du mal à faire confiance.
-Pas de famille ?
-Mon frère est en prison, ma mère sûrement encore à l'asile et mon père est alcoolique. Ils sont loin d'ici.
Parler d'eux m'écorchait la bouche. Il m'interrogea encore un peu jusqu'à ce que l'infirmière revienne.
-Le docteur est là.
L'adjoint s'éclipsa et le médecin apparut dans mon champ de vision. Nous discutâmes un moment, il me posa plein de questions, prescrivit d'autres examens et d'autres médicaments.
-Vous pouvez vous lever si besoin.
Il s'en alla aussi sec, pressé par d'autres patients à voir, sûrement.
-Ma collègue va vous aider à faire votre toilette et je reviendrai vous faire une prise de sang, me renseigna l'infirmière.
Dans la salle de bain, je me figeai devant mon reflet. J'étais affreuse. L'aide-soignante tenta de me réconforter, essuya mes larmes, retira ma minerve et me fit entrer sous la douche. Quand tout cela fut expédié, il était déjà midi. La gêne d'avoir été assistée persistait, le mal de crâne, le mal-être et l'impuissance aussi. Je déjeunai rapidement puis demandai à récupérer mon portable. Je n'avais plus de batterie à mon plus grand désarroi. Vers une heure et demie, un jeune homme à l'air plutôt fatigué et en tenue blanche entra avec un lit mobile. Il me déplaça avec précaution dessus.
-Nous allons en IRM.
-Pourquoi ?
-Ordre du médecin.
Je me laissai faire, cela dura une bonne heure. En remontant avec l'ascenseur, un homme s'infiltra dans la cabine au rez-de-chaussée. Nous montions au quatrième. Je lui jetai un vague coup d'œil, me figeai de stupeur en reconnaissant Keith. Il avait aussi une minerve et des bleus avancés plein le visage. Il s'accrochait à sa barre de perfusion. Il parut aussi surpris que moi de me voir. Arrivés à destination, le brancardier me fit rouler jusque devant le bureau des infirmiers. Il frappa à la porte et conversa avec ceux qui étaient présents un instant. Keith qui était sorti au même étage, en profita pour venir vers moi.
-Qu'est-ce qui vous est arrivé ?
-Je me suis fait agresser.
Il haussa les sourcils.
-Par qui ?
-J'en sais rien.
Le brancardier me ramena enfin à ma chambre et me réinstalla sur le lit. Il me sourit avec gentillesse avant de s'en aller. J'étais seule encore et cette sensation me faisait paniquer. La porte s'entrebâilla et à mon plus grand malheur, j'aperçus la tête de Keith apparaitre.
-Je vous dérange ?
-Oui.
Il entra quand même, se traina jusqu'à moi. Je me sentais fragilisée dans cet état de faiblesse. Il me détailla avec minutie.
-Il vous a pas raté.
-Elle, corrigeai-je.
-Une femme ? Etrange. Elle vous a piqué votre sac ?
-Non, elle m'a rouée de coups, elle voulait me tuer.
Parler était difficile, et le voir me remplissait de rage.
-Je veux que vous partiez.
Il tira une chaise et s'y installa sous mes yeux excédés.
-Où est Alex ?
-Je ne sais pas.
-J'ai entendu dire que vous étiez fiancés.
Shelly ! Soupirai-je dans ma tête, pas fichue de garder un secret.
-C'est vachement rapide, votre petit-ami vient à peine de mourir.
Quel coup bas !
-Ça vous regarde pas !
-Si ça me regarde ! Vous deux vous me pourrissez la vie !
-Je ne vous ai rien fait !
-Mon boulot que t'essaies de piquer ! Tu te rappelles ?
Cette familiarité nouvelle me piqua au vif.
-Faut arrêter de mettre tous vos échecs et vos erreurs sur le dos des gens. Soyez un homme et assumer au lieu de pleurnicher.
Son regard se fit glacé. C'était tout moi, ça ! Pas fichue de me taire !
-Dommage qu'elle ne vous ait pas achevée, cette femme.
-Dommage que vous ayez pas eu le cran de ne pas vous louper dans cette tentative navrante de suicide.
Il se leva d'un coup, attrapa ma mâchoire et serra très fort. C'était intolérable, une douleur atroce.
-Il faut que tu arrêtes de jaquetter, faut que quelqu'un te ferme définitivement ta grande gueule ! Siffla-t-il, furieux.
Je me débattis avec mes dernières forces. Des larmes coulèrent le long de mes tempes.
-Toi aussi tu pleurniches, dis donc.
Il me relâcha sèchement.
-Je ne sais pas ce qu'il te trouve mais une chose est sûre, s'il continue de se mêler de mes affaires, je me mêlerai des siennes.
Impossible de répliquer.
Son doigt parcourut mon cou, mon épaule, il tira sur ma blouse d'hôpital pour tenter de dénuder ma poitrine, je repoussai son bras avec violence. Il attrapa mon poignet et le tordit. Je retins un gémissement de douleur. Il se pencha vers moi.
-S'il persiste à détruire ma vie, je détruirai la sienne en m'attaquant à toi. Alors essaie de le raisonner. Tiens-le en laisse. Vous êtes bonnes qu'à ça vous les gonzesses.
Quelque chose dans son regard me congela sur place. Il s'en alla enfin et tout mon corps se mit à trembler.
OoooO
En fin de journée, Alex franchit le seuil de la chambre. J'entamais mon insipide diner sans conviction, l'estomac nouée. Je ne m'étais pas remise de la visite de Keith. Il s'était changé, s'était rasé et il arborait le même air que ce matin. Je n'avais pas la force de l'interroger, trop occupée à ne pas lui montrer mon mal-être.
-Je t'ai ramené des produits d'hygiène.
Il se rendit dans la salle de bain pour les y déposer. Ensuite il s'enracina devant moi, les mains derrière le dos, mal à l'aise.
-Dylan est avec Shelly pour la nuit. Je vais rester avec toi cette nuit. Je me suis arrangé avec l'infirmière.
Quel soulagement.
-Mme Summers t'envoies son soutien. Elle va s'arranger pour te remplacer le temps de ton absence.
Cela me contrariait. Je venais à peine de commencer que je lui faisais déjà faux bond.
-J'ai vu le Sherif Walden, j'ai pu négocier une semaine de repos supplémentaire en échange de deux astreintes. C'est un bon compromis. Je veux être présent pour toi et Dylan.
Je hochai la tête et tentai de lui montrer toute ma gratitude.
-J'ai parlé aux infirmiers, si tout va bien tu sortiras lundi.
Vivement lundi.
-Shelly passera te voir demain, elle s'inquiète tu sais.
Je le savais, en effet.
-J'aurai besoin du double des clefs de la maison.
Je lui montrai du doigt le placard où était rangé mon sac. Il me le ramena et patienta le temps que je fouille dedans. Je lui tendis les miennes car les siennes étaient à la maison dans une jolie petite boite cadeau. Il rangea mon sac et continua de me raconter plein de choses. Il débarrassa mon diner et prit place sur le siège en face de moi.
-Pourquoi tu ne dis rien ?
Parce que ça me faisait mal. Keith avait accentué la douleur et malgré les antalgiques, je douillais. Il soupira en ne me voyant pas répondre.
-Tu as raison de m'en vouloir, j'aurais dû être là pour empêcher cette femme de t'agresser.
Je soupirai à mon tour. Il avait tout faux.
-Je t'ai pris la télé.
Il sortit une télécommande de sa poche. Il zappa plusieurs fois et décida de me laisser choisir. Je mis une chaine au hasard. Nous restâmes silencieux une bonne demi-heure avant que je tente de me lever. Il contourna le lit.
-Tu fais quoi ?
-Pipi, parvins-je à articuler.
Il m'y emmena avec précaution. Je m'enfermai dans la salle de bain, me soulageai, me lavai les mains avant de les apposer sur le lavabo. Mon reflet me fixait avec inquiétude. Je fouillai alors dans le sac que m'avait ramené Alex. Gel douche, shampooing, dentifrice, brosse à dents…
Je me saisis de celle-ci et parvins laborieusement à me laver les dents. La minerve me gênait et ma mâchoire se rebellait. La minerve se retrouva par terre. Je rinçai ma bouche et m'essuyai avec la serviette de toilette pliée sur le côté du lavabo. Tous ces efforts m'avaient coûté. J'avais le tournis, encore la nausée.
-Alex, murmurai-je.
Il entra dans la seconde, me souleva du sol et me ramena sur le lit. Je restai agrippée à son cou.
-Reste.
Il s'allongea près de moi avec précaution. Nous étions à l'étroit mais je m'en fichais. Sa main caressait lentement mon dos, calmant mes tremblements. Son visage était à hauteur du mien, ses yeux fermés.
-Je sais que je suis pas belle à voir…, commençai-je.
Ses iris sombres apparurent, brillants comme jamais. Nous nous toisâmes un instant. Tout doucement, l'amour perça les nuages de la culpabilité. Il se rapprocha de mon visage, embrassa délicatement mon œil meurtri, ma pommette recousue, mon nez bleui, ma lèvre coupée. Il s'y attarda avec tendresse.
-Tu m'as manqué, lui confiais-je.
Il ferma les yeux et colla son front au mien.
-Jamais plus je ne te quitterai.
OoooO
Je cherchais à fuir dans ce lieu que je ne connaissais pas, poursuivie par une meute assoiffée. Mais Keith me rattrapa, me fit tomber au sol, arracha mes vêtements et me reluqua avec avidité avant de défaire la ceinture de son pantalon. Il frotta son pénis contre ma figure, chercha à l'enfourner dans ma bouche mais Caleb apparut et le saisis par les testicules et le castra d'un coup net. Son hurlement me vrilla les tympans. Il l'avait empêché de me violer pour mieux en profiter lui-même. Pas moyen de me relever, son corps lourd s'était abattu sur moi. Ses assauts étaient frénétiques, violents mais je ne parvenais pas à crier car il me muselait de sa main. Je brûlais de l'intérieur. La fille rousse sans visage observait en jubilant attendant son tour. Mes parents hurlaient au blasphème et nous vouaient aux enfers tout en nous crachant dessus. Je mordis la main de mon bourreau jusqu'au sang et une fois libérée, j'appelai Alex à l'aide.
-Chut ! Je suis là. Ce n'était qu'un cauchemar.
Il revint s'allonger près de moi alors que j'émergeais lentement. Je l'étreignis avec angoisse, encore immergée dans l'horreur.
-Ne m'abandonne plus.
-Je ne les laisserai plus te faire de mal.
OoooO
Ce dimanche fut interminable. Alex était parti dans la matinée et m'avait prévenue qu'il ne reviendrait que demain. La visite de Shelly aurait pu égayer cette journée morose si elle n'avait pas été suivie par la visite des parents de Zack. Un intermède mortifiant tant ses parents avaient été d'une sincère gentillesse. J'avais toujours aussi mal, aussi peur, autant d'angoisses. Mais je tenais bon. J'attendais avec impatience la visite du médecin le lendemain qui me permettrait de quitter cet endroit. Savoir que Keith était dans les environs ne m'aidait pas à me sentir en sécurité. Je sursautai au moindre bruit, imaginant le pire. L'infirmière avait fini par me donner un calmant après avoir demandé l'avis du médecin de garde et j'ai pu passer une nuit sans cauchemar.
Alex débarqua en début d'après-midi, prévenue par l'hôpital que je pouvais rentrer. Il m'avait emmené des affaires de rechange. Il alla s'entretenir avec l'équipe médicale le temps que je me prépare. Je finis par m'agacer car il tardait à revenir. Il revint avec toutes mes affaires et m'expliqua qu'il avait pris rendez-vous pour la visite de contrôle et avec le psy. Devant mon visage sceptique et contrarié, il insista :
-Juste au cas où. Et j'ai ton arrêt de travail, changea-t-il de sujet.
Je pris sur moi de ne pas râler car j'étais soulagée de partir. En franchissant les murs du bâtiment vers l'extérieur, accrochée à son bras, je me sentis revivre.
-Rentrons chez nous, dit-il avec impatience.
La suite quand je pourrai.
