Bonne lecture.
Partie 21
ALEX
Nous roulions en direction de notre point de chute pour notre lune de miel. Nous n'avions que deux jours mais c'était suffisant selon Norma. Nous devions chacun reprendre le travail et Dylan nous attendait chez Shelly. Il avait exprimé beaucoup de tristesse en nous voyant partir. Cela m'avait serré le cœur. Je m'étais penché vers lui.
-Nous serons de retour demain soir. Ensuite nous ne serons jamais plus séparés.
Il m'avait dévisagé longuement avant d'accepter d'un hochement de tête et de rentrer à l'intérieur jouer avec les enfants de Shelly. Elle était la seule à savoir que nous nous étions mariés. Elle nous avait félicités chaudement mais j'avais décelé de l'inquiétude en elle.
-Profitez-en, les gars ! Nous avait-elle souri malgré tout.
Maintenant, j'observai la route, soucieux. Entre Keith et ma future convocation au tribunal, l'enquête sur l'agression de Norma et la mort de Zack qui piétinait, l'animosité de certains depuis que je vivais avec Norma, et ma maison qui se vendait pas, j'avais de quoi être contrarié. Norma était silencieuse à mes côtés, jetant vers moi des coups d'œil répétés. Je m'en voulais de ne pas être plus enjoué mais la vie nous avait fait tellement de mal que je craignais d'être trop heureux. Nous unir avait été un grand moment dans ma vie, un moment hors du temps et plein de bonheur. Je devrais en profiter et mettre mes soucis de côté.
Après une heure de trajet, je fis une halte sur une aire pour un pique-nique improvisé. Je mourrais de faim et je supposai que Norma aussi.
-Pourquoi on s'arrête ?
-Viens.
Je récupérai un panier dans le coffre ainsi qu'une nappe et des fleurs. Cela me ramena à d'autres souvenirs un peu similaires près du lac. Elle sourit à pleine dent en découvrant mes bras chargés. Elle me suivit avec entrain et quand tout fut installé, je lui offris les fleurs : des roses rouges. Elle m'enlaça et m'embrassa.
-Tu vois que j'ai fini par arriver à mes fins, Norma Romero.
-C'est vrai, rit-elle.
Elle était merveilleusement belle et elle illuminait cette journée particulière.
-Assieds-toi, mon amour.
Le temps était doux, ensoleillé. Nous mangeâmes tranquillement, elle sourit tristement en ouvrant sa bière qu'elle but à même le goulot. J'imaginai qu'elle pensait à son frère. Je ne savais toujours pas comment gérer ça mais je savais que jamais ça ne m'empêcherait de l'aimer. Nous parlâmes d'avenir et certains sujets arrivèrent sur le tapis.
-Je ne souhaite pas avoir d'autres enfants, me confia-t-elle, mal à l'aise.
-Je le sais.
-Comment ça, tu le sais ? S'étonna-t-elle.
-Je l'avais deviné. Et ce n'est pas mon souhait non plus, rassure-toi. Nous avons Dylan. Nous serons bien tous les trois.
Elle en parut très soulagée.
Je repensai à Dylan. Norma avait discuté avec lui, cherchant à déterminer s'il était heureux de la famille que nous formions et s'il aimerait que je sois son père. Il avait dit oui, mais je n'étais pas sûr qu'il ait bien saisi ce que cela impliquait. Il n'avait que trois ans même s'il semblait bien plus grand. De plus, nous nous voyions peu avec mon travail mais dès que j'étais à la maison, je me rendais disponible. Je tâtonnais, j'expérimentais, je devinais comment agir. Avec le temps, je ne doutais plus de réussir à l'aimer comme mon propre enfant. Son attachement envers moi commençait à se voir, un attachement sincère et sans malice comme seuls les enfants savent le faire. J'étais entouré d'amour, de l'amour sans condition, ça me faisait du bien.
-Alex ?
-Oui ?
-Tu ne m'écoutes pas.
-Désolé, j'étais ailleurs.
-Il est temps d'y aller. J'ai hâte de voir où tu m'emmènes.
OooooO
Nous dinions en ville, dans un petit restau italien. Nous étions arrivés il y a une heure, nous avions posé nos bagages et nos provisions dans notre cottage et nous nous étions changés. Je n'étais pas déçu de l'environnement en pleine nature et cela avait aussi emballé Norma.
-J'adore la cuisine italienne, s'enthousiasma Norma, pleine d'appétit.
-Cela me rappelle la cuisine de ma mère, lui confiai-je.
-Je vais apprendre à cuisiner tes plats préférés.
-Je vais devenir obèse, dis-je pour masquer ma gêne.
Elle voulait tout le temps me faire plaisir. Elle s'esclaffa, les yeux pétillants.
-Je t'aimerais quand même, ne t'en fais pas.
En quittant le restaurant, je lui proposai d'aller danser. Elle examina sa robe jaune pâle fleurie, son boléro et ses sandales plates.
-Je ne suis pas habillée pour l'occasion.
Elle m'examina aussi. J'étais en jean, chemise, perfecto et chaussures de ville.
-Mais si, allez, profitons de notre jeunesse pour une fois.
Elle céda avec réticence. En nous garant sur le parking déjà bondé, elle eut une hésitation.
-On va s'amuser, t'inquiète.
Nous pûmes rentrer sans souci dans la boite de nuit. Elle se crispa au son assourdissant de la musique. Beaucoup de regards se posèrent sur nous à notre entrée mais ce fut temporaire. Accoudés au bar, nous primes un mojito. Elle le dégusta avec délectation puis commença à se détendre et à battre en rythme du pied. Je lui tendis la main pour aller danser. Au milieu de la foule gesticulante, nous étions plutôt rigides. L'alcool aidant, nous finîmes par lâcher prise. Après un énième morceau, elle fit une pause. Elle voulait boire un autre verre. Je ne la suivis pas, je devais conduire et je voulais rester maitre de mes actions. A la place, je la contemplais. Elle dénotait ici, elle était différente des autres filles, et bien plus sexy dans cette robe qui ne dévoilait pas toute son anatomie. Je me sentais fébrile, impatient, j'avais envie de coller mon corps au sien. J'avais envie d'elle, tellement…
Elle croisa mon regard, se figea un instant.
-Viens allons danser.
Je voulais rentrer surtout mais je la suivis pour lui faire plaisir. Elle m'enlaça et se serra contre moi. La musique ne prêtait pas au slow mais elle s'en fichait. Nous progressions lentement, yeux dans les yeux. Elle caressa mes cheveux et posa son front contre le mien. Mes mains la parcouraient, s'attardèrent sur ses fesses. Elle ne pouvait que savoir que j'étais en transe.
-Rentrons, me murmura-t-elle à l'oreille.
Fallait pas me le dire deux fois. Sur le parking, je courrais presque. Elle me tenait la main, suivant le rythme en riant. Arrivés à la voiture, je la plaquai contre la portière passager pour l'embrasser furieusement. Tout ce temps à attendre, à être un gentleman parce que je sentais qu'il le fallait, je n'avais provoqué que des frustrations qui me brulaient de l'intérieur. Je voulais prendre possession d'elle, maintenant, je perdais le contrôle ce qui ne me ressemblait pas du tout. Au plus profond de mon esprit voilé, je l'entendis m'appeler. Je parvins à me réfréner. Elle dardait sur moi des yeux inquiets. Ce fut comme une douche froide. Je repris contenance tout en m'excusant. Je m'éloignai d'elle et contournai la voiture pour m'installer au volant. Je me concentrai sur la route pour ne pas ruminer, le trajet fut d'un silence de plomb.
Nous remontâmes à pied la longue allée éclairée qui menait à notre cottage, sans un mot. Elle attrapa ma main pour recréer un lien.
-Alex ?
Je respirai un grand coup avant de l'affronter. Il n'y avait pas de reproche, plus d'inquiétude, juste beaucoup d'affection au fond de ses yeux. En franchissant le seuil de la maison, elle prit congés pour aller se mettre à l'aise.
Il était plus de minuit, je me servis un grand verre d'eau avant de regagner la chambre. Elle était spacieuse, agréable et fraiche. Il y avait deux bougies un peu parfumées qui brûlaient : une sur chaque table de chevet. J'ouvris la fenêtre, la vue était belle, les étoiles brillaient au-dessus des séquoias. J'entendais Norma chantonner dans la salle de bain. Je refermai les volets et la fenêtre en souriant.
La minute suivante, j'étais allongé sous les draps, nu, et je patientai observant les ombres au plafond créées par les bougies pour ne pas penser à la suite. Elle apparut enfin, appétissante dans une nuisette aussi bleu que ses yeux. A peine fut-elle à côté de moi que je m'embrasai de nouveau. Je la serrai fort contre moi sans brusquerie cette fois, embrassant sa gorge, mordant son épaule, humant son odeur aphrodisiaque. Mon cœur battait à tout rompre affolé par notre union imminente. Mon regard se riva au sien, plein d'amour et de désir. Elle chercha mes lèvres, les trouvèrent, les enveloppèrent des siennes avec passion. Son corps tremblait contre le mien, sa peau était douce, mes doigts glissaient sous sa nuisette avec impatience, cherchant le contact de ses parties généreuses. Je me retrouvai sur elle aussi sec, incapable d'attendre plus longtemps comme un ado en pleine explosion hormonale. J'avais mal, je devais relâcher la pression mais pas moyen. Elle se languissait, impatiente aussi, frottant ses hanches contre les miennes. Elle agrippa mes épaules, mes cheveux, écarta ses cuisses. Elle s'offrait à moi, sans retenue. Mon cerveau cessa de fonctionner, j'étais en mode automatique. La pénétration fut rapide, facilité par son désir aussi puissant que le mien. Elle se cambrait à chacun de mes mouvements, s'ouvrant encore plus, me laissant rentrer profondément. J'étais tenté d'accélérer mais je devais tenir bon. Je fis un effort pour ralentir, pour qu'elle me presse contre elle afin que je revienne en elle au rythme qu'elle souhaitait. Je tenais fermement ses cuisses, je les malaxais sans relâche. Ses gémissements me rendaient fou, elle m'appelait d'une voix rauque et à ce rythme-là, je ne ferai pas long feu. Elle se mordait la lèvre inférieure par à-coup, les yeux clos, les traits altérés par un plaisir démentiel. Je n'avais rien vu de plus beau ni de plus excitant. Je lui faisais du bien et elle me le rendait.
-Regarde-moi, murmurai-je dans un souffle.
Je voulais partager mon émoi avec elle tandis que je me sentais prêt à partir. J'espérai qu'elle aussi partirait avec moi. Elle m'accorda un accès sur son âme dès qu'elle ouvrit les yeux.
Nous ne faisions plus qu'un.
OooooO
J'ouvris un œil, un peu hagard. Allongé sur le ventre, mon bras était posé sur la taille de Norma. Elle était tournée vers moi, à peine couverte. Il faisait jour, la lumière perçait au travers des volets. Je refermai l'œil, assommé de fatigue. Je m'éveillai bien plus tard, tenaillé par la faim. Norma n'avait pas bougé mais ses yeux étaient grands ouverts. Je pris la même position qu'elle et face à face, nous nous dispensions de l'amour visuellement. C'était un amour différent d'hier, empreint de quelque chose d'inédit. Une confiance absolue, un bien-être total.
-Tu as faim ? Me demanda-t-elle.
Nos mains se frôlèrent, nos doigts s'entremêlèrent.
-Oui.
-Viens, allons déjeuner.
Il n'était pas loin de midi. J'avais revêtu mon boxer et un t-shirt. Elle s'affairait dans un peignoir assorti à sa nuisette. Je dressai la table sur la terrasse. Le temps était au beau fixe, tout était parfait. A l'abri des regards, nous pouvions pleinement profiter de la vue montagneuse. Je vins derrière elle pour l'enlacer, elle râla pour la forme quand je lui mordillai l'oreille. Si je n'avais pas autant la dalle, j'aurais essayé de remettre ça. Il me faudrait plus qu'une nuit pour soulager cette faim insatiable que j'avais d'elle.
Après une heure, elle décida d'aller se doucher et devant mon air malheureux, elle me proposa de venir avec elle. Elle ne regretta pas son choix.
Nous avions entamé notre promenade jusqu'au lac juste après ce merveilleux intermède. Il y avait bien une demi-heure de marche. Il y avait du monde aux abords mais cela nous était égal, nous fumes en maillot de bain en moins de deux. L'eau était fraiche mais après quelques brasses elle fut bonne. Norma me suivait de près, étonnamment. Après quelques batailles d'eau, nous nous retrouvâmes dans les bras l'un de l'autre. Les gouttes d'eau brillaient dans ses cheveux. Elle était comme une nymphe venue du fond des océans. Ce moment idyllique se grava dans ma mémoire quand nos bouches se soudèrent sans se soucier d'être le point de mire des environs.
Difficile de partir.
Difficile de revenir à la réalité.
Difficile de ne pas rebrousser chemin pour lui faire l'amour encore une fois dans notre cocon en pleine nature.
Le retour fut tout aussi silencieux mais d'une manière plus naturelle. Nous étions pensifs, nostalgiques et sa main posée sur ma cuisse me rappelait notre nouvelle intimité. Devant chez Shelly, je lui proposai d'aller chercher Dylan. Norma ne s'y opposa pas, somnolente. Quand Dylan m'aperçut, son visage s'éclaira, et là, la nostalgie s'envola d'un seul coup.
Une nouvelle page s'ouvrait.
OooooO
Après trois mois sans nouvelle pour la vente de la maison, je finis par contacter Rebecca à l'agence. Elle ne travaillait pas aujourd'hui. Agacé, je questionnai sa collègue sur ce qui me préoccupait. Elle récupéra le dossier et là ce fut le choc.
-Vous avez eu deux acquéreurs à un mois d'intervalle mais comme vous ne répondiez pas à ses appels, elle n'a pas pu finaliser la vente.
-Elle ne m'a jamais appelé !
Elle me donna le détail des appels, avec les horaires et les messages laissés.
-Je n'ai jamais eu ces messages !
-Vous avez changé de numéro ?
-Mais non !
-Je ne comprends pas ce qui s'est passé. Je lui demanderai demain et elle vous appellera. Redonnez-moi votre numéro.
-Pas la peine, je serai là après-demain. Nous allons régler ça de visu.
Je raccrochai, furieux… et inquiet. Accoudé à la balustrade du balcon, je peinais à comprendre.
-Tu pars ?
Dylan était apparu sur le seuil de la porte-fenêtre.
-Je vais y être obligé.
-Tu avais promis que tu nous laisserais plus, se bouleversa-t-il.
Réfléchir, vite.
-Tu viendras avec moi.
-Et maman ? Elle peut pas rester seule.
-Elle viendra aussi.
-Où est-ce que j'irai ? Demanda l'intéressée en me rejoignant sur le balcon.
-Je dois retourner m'occuper de la vente de la maison. Il y a un problème apparemment.
-Tu sais que j'ai un travail. Et Dylan a école.
-Nous ferons un aller-retour sur ton jour de congé, je m'arrangerai avec la maitresse de Dylan et avec mon boulot.
-C'est un long trajet pour un enfant.
-C'est pas grave, je veux y aller !
Il tapa du pied, contrarié. Oh la la. Norma lui offrit un regard dur comme l'acier.
-Ce n'est pas à toi de décider, tu vas dans ta chambre !
-Non, s'obstina Dylan en croisant les bras.
-Comment ça non ? Se gonfla Norma d'un ton sifflant.
-Je veux pas quitter Alex.
Je me penchai vers lui pour apaiser les tensions.
-Laisse-nous quelques minutes, nous allons régler ça avec maman et nous viendrons te voir.
Il obtempéra sous les yeux courroucés de Norma. Dès qu'il disparut elle me fit face, l'air féroce.
-Il me tient tête, il ne m'écoute plus, c'est de ta faute !
-Je suis désolé.
Désolé de quoi ? Je ne savais pas trop.
-Il faut que tu arrêtes de tout lui céder.
-Je ne lui cède pas tout, me rebiffai-je.
-Tu passes ton temps à lui dire oui, à lui acheter tout ce qu'il veut.
-Je…
-Tu dois lui mettre des limites, Alex !
J'avais besoin de réfléchir mais elle ne m'en laissait pas le temps. Finalement, je fis ce que je savais faire pour la stopper, je l'enlaçai pour l'embrasser. Ça marchait à tous les coups. Et cette fois ne fit pas exception. Elle s'enhardit même un peu trop. Si j'étais demandeur, elle l'était encore plus, me sollicitant quasiment tous les soirs.
-Je dois aller bosser, mon cœur.
Elle recula, dépitée un instant avant de se reprendre.
-Nous devons discuter avec Dylan.
-Allons-y.
La sonnette du bas retentit. C'était le facteur. Je descendis récupérer le courrier à mon nom contre signature et le reste de notre correspondance. Je ne pus résister à l'idée d'ouvrir le pli. Mon cœur loupa un battement. Je remontai illico, et franchis le seuil en appelant Norma à tue-tête. Elle accourut vers moi.
-Ça y est.
Je lui tendis le pli qu'elle parcourut. Ses traits se transformèrent, ses yeux brillèrent. Elle me sauta au cou puis attrapa ma main et me tira vers la chambre de Dylan. Il patientait assis sur le bord de son lit, toujours renfrogné. Norma me poussa vers lui. Assis près de lui, je lui montrai le courrier.
-C'est quoi ?
-Regarde, ici il y a ton prénom, et à côté il y a mon nom.
Il y jeta un œil sans rien y comprendre forcément.
-Tu portes mon nom, continuai-je, tu es mon fils.
-Je vais partir avec toi alors ? Pour le long voyage ?
Je jetai un œil à Norma, indécis. Ce n'était pas la réaction à laquelle je m'attendais. Dylan suivit mon regard et vrilla sa mère des yeux.
-Nous verrons. Ton père va aller travailler. Dis-lui au revoir.
Elle quitta la pièce en trombe.
-Reviens vite, me supplia Dylan en m'étreignant.
-J'essaierai.
J'avais la gorge noué. Un poids immense sur les épaules. A l'entrée, je revêtis ma veste d'adjoint et Norma débarqua avec une gamelle. Elle arrangea ma veste et m'embrassa.
-A ce soir.
-Viens avec moi, insistai-je, tu en profiteras pour aller voir ta mère et moi la mienne.
-Je ne sais pas si j'ai envie de me recueillir auprès d'elle.
-Tu feras comme tu le sens mais viens avec moi, je ne veux pas vous laisser seuls ici et je dois y aller pour régler cette histoire. Plus vite elle sera vendue, plus vite on pourra déménager et trouver notre chez-nous.
Elle céda enfin.
Je pus partir l'esprit tranquille.
La suite quand je pourrai.
