Merci à Alyaaa pour son comm !

J'étais un peu démotivée et je manquais de temps.

Merci de me suivre


Partie 31


ALEX

Quand j'ai repris conscience, j'ai mis du temps à retrouver mes esprits. C'est ce que le chirurgien m'a dit en tout cas. J'ai qu'un vague souvenir de tout ça. Un mois que j'étais dans le coma. J'avais perdu tout ce temps.

La mémoire me revenait pars à-coup. Des sortes de flashs très anxiogènes où Keith apparaissait souvent. Maintenant que j'étais pleinement conscient, je ressentais une panique hors norme.

-Nous avons prévenu votre femme, elle va bientôt arriver, me prévint le médecin de garde.

-Je dois rentrer chez moi, dis-je en tentant de me lever.

-Ne dites pas de bêtises, vous devez rester hospitalisé encore quelques jours, me sermonna-t-il en me forçant à me recoucher.

Il appela une infirmière face à ma réticence. Je reçus un léger sédatif qui me calma. Je finis par m'assoupir malgré moi.

En rouvrant les yeux, j'eus un loupé au cœur en découvrant ma famille devant mes yeux. Norma regardait par la fenêtre, ailleurs. Dylan, lui, fit un bond en s'écriant :

-Papa ! Tu es réveillé !

Il me sauta au cou sous les remontrances de sa mère.

-Tu vas lui faire mal Dylan, attention !

-C'est pas grave, dis-je en grimaçant.

Je caressais ses cheveux, heureux comme jamais. Norma fit le tour du lit pour participer à nos retrouvailles. Des retrouvailles silencieuses. J'étais entier, ils allaient bien, je serai là pour veiller sur eux. Ils ne purent rester longtemps, ordre du médecin. Ils repasseraient le lendemain.

Le lendemain, j'étais déjà debout. J'étais un dur à cuire, je voulais récupérer rapidement. J'étais en pleine séance de kiné quand John débarqua. Il me sourit à pleine dents, soulagé de me voir débout.

-Hey mon pote !

Une franche accolade plus tard, il patienta le temps que je termine ma séance.

-Pourquoi t'es là ? Le questionnai-je en prenant doucement la direction de l'ascenseur avec un fauteuil roulant prêté par le kiné.

-On a du nouveau, du concret. Je voudrais t'en parler mais avant j'ai besoin de prendre ta déposition sur ce qui t'es arrivé.

Je me raidis. Je voulais régler le compte de Keith tout seul cependant…

-A toi l'honneur, dis-je en rentrant dans l'ascenseur.

-On a pu faire correspondre l'Adn de l'agresseur de ta femme.

Je ne répondis pas. Il me poussa vers l'extérieur et dans le hall, je voulus prendre un café au distributeur. John observa mon profil un instant.

-Tu sais déjà qui c'est, rétorqua-t-il avec un soupir.

Silence.

-Tu nous mènes en bateau depuis le début.

Silence.

-Tu voulais te le faire toi-même, avoue ?

J'avalai mon café sans un mot.

-Bref, soupira-t-il. Je suppose que c'est le même gars qui t'a mis une balle ?

-Possible, lâchai-je enfin.

-Si tu l'identifies, il ne fera plus de mal à personne, il ira à l'ombre dès qu'il sera en capacité de quitter son lit d'hôpital.

-Pardon ?

Je balançai mon gobelet dans la poubelle et dévisageai John, interloqué. Celui-ci, surpris, hésita.

-Tu n'étais pas au courant, bien sûr, je suis con.

-Il est à l'hosto ? Ici ?

John devint pâle.

-Il est sous surveillance. N'essaie même pas.

Je parvins à ne pas me laisser submerger par la vengeance et fronçai les sourcils.

-Comment il a atterri ici ?

John se rembrunit.

-Tu le sauras bien assez tôt. Pour l'instant concentre-toi sur ton rétablissement. On a besoin de toi au taf et ta famille aussi a besoin de toi.

Tant pis, je le saurai autrement.

Après son départ, je pris mon portable pour passer quelques appels quand Norma entra dans ma chambre, elle était seule.

-Où est Dylan ? Demandai-je en redéposant mon portable.

-Chez le psy, je dois le récupérer dans 30 minutes.

Je me sentis triste, il avait connu tellement de tragédies dans sa vie, et je n'avais pas su le protéger de ça. Au contraire, j'étais aussi une des tragédies qui l'avait sûrement conduit à aller voir un thérapeute. Je n'imaginais pas son mal-être en découvrant que j'étais entre la vie et la mort alors que sa mère était encore à l'hôpital, victime du même enfoiré qui avait gâché nos vies.

-Je m'en veux tellement, murmurai-je, le regard fuyant.

Norma resta silencieuse. Elle alla s'asseoir sur le fauteuil en face de moi.

-J'ai introduit le malheur dans votre vie, Rebecca, Keith…

-Ne prononce plus jamais ce nom.

Son timbre de voix était dur, intransigeant, implacable. Je gardai le silence pour ne pas la contrarier. Elle frottait ses mains l'une contre l'autre, l'esprit ailleurs. Elle se redressa subitement, ses mains s'enfournèrent dans les poches de son pantalon sombre, elle avança de quelques pas vers moi en soupirant.

-Je suis passée devant sa chambre, le flic qui montait la garde était au distributeur à café pas loin. J'ai vu ce gros porc allongé peinard dans ce putain de lit. J'ai voulu entrer et l'étouffer avec son oreiller.

J'aurais pu m'offusquer de son langage inhabituel mais le contenu de ses paroles m'alerta. Elle dû le remarquer sur l'expression de mon visage car elle se détourna, faisant quelques pas vers les fenêtres.

-S'il n'y avait pas eu Dylan, je serai passée à l'acte. Mais mon fils a besoin de sa mère. Il ne supportera plus un autre abandon.

-Norma, reviens près de moi, il faut qu'on parle.

Elle me donna son dos et fixa l'horizon sans un mot. Alarmé, je fis une tentative pour me lever, j'aperçus son profil et son œil impassible focalisé sur moi. Il y eut quelques coups frappés à la porte, je me rassis, à bout de souffle. Dylan, le visage baissé, entra accompagné par un homme en blouse blanche.

-Je me suis permis de vous le ramener Mme Romero. Nous avions terminé et il exprimait de l'inquiétude de ne pas vous voir.

Norma fixa sa montre.

-Je n'ai pas vu l'heure, pardonne-moi.

Dylan accourut dans les bras ouverts de sa mère, il colla sa joue contre sa poitrine, elle le serra fort, embrassant le sommet de son crâne. C'était un spectacle assez édifiant.

-Tu dois être fatigué, mon chéri. Embrasse ton père et rentrons à la maison.

Il me jeta un coup d'œil, avança en trainant la patte, m'embrassa sur la joue et esquiva mes bras pour retourner dans ceux de sa mère. Que s'était-il passé entre hier et aujourd'hui ?

-J'aimerais m'entretenir avec vous M. Romero.

Le psy nous avait observé tout ce temps, à mon plus grand déplaisir.

-Pourquoi ?

-Accepte ! Décréta Norma en tirant Dylan derrière elle. Nous repasserons ce week-end. Repose-toi.

Dans trois jours ! Je n'eus même pas le temps de répliquer qu'ils étaient déjà partis. Le psy se permit de prendre place sur le même siège que Norma précédemment.

-J'ai eu l'accord de Dylan pour vous faire part de notre discussion de ce jour. De toute façon, vu la gravité des faits, je n'ai d'autres choix que de vous alerter sur l'état d'esprit de votre fils.

-Comment ça ?

-Votre fils fait beaucoup de cauchemars.

Dylan…

-Des cauchemars assez violents concernant l'agresseur de votre femme.

J'attendis la suite, stressé.

-Il rêve qu'il le tue en le poignardant plusieurs fois pour qu'il ne se relève pas.

Mon cœur fit un bond. Effaré, j'observais le thérapeute avec détresse.

-Le fait qu'il soit encore en vie après ce qui s'est passé, le perturbe profondément, comme s'il avait échoué à protéger sa mère.

-De quoi parlez-vous ?

-Je vous parle du fait que votre fils de 10 ans ait dû attenter à la vie de quelqu'un pour protéger sa mère.

Je crus avoir mal entendu.

-En poignardant cet individu, il a perdu a jamais ce qu'il lui restait d'innocence.

-Mais de quoi parlez-vous bon sang !

Alors le psy me relata l'impensable et je crus devenir fou.

-Dylan vous en veut en réalité, il vient seulement de le réaliser.

-Je n'étais pas là, c'est normal, culpabilisai-je.

-Non, ce n'est pas la raison.

J'étais perdu, le thérapeute s'en rendit bien compte.

-Il vous en veut car c'est votre ami qui a fait du mal à sa mère et l'a privé de sa sœur.

Il scruta ma réaction. Il ne fut pas déçu, j'étais proche du néant tel un bateau qui s'abîme en mer.

-Vous devez convaincre votre femme qu'il aura besoin de bien plus qu'une séance par semaine pour arriver à bout de ce traumatisme.

-Y arrivera-t-il seulement ?

-Je le pense, votre famille peut réapprendre à aller de l'avant mais vous devriez déménager pour laisser tout cette violence derrière vous.

-Nous avons déjà déménagé une première fois suite à des évènements difficiles.

Il m'observa avec intensité soudain pris de mutisme.

-Très bien, je ferai le nécessaire.

-Dylan a besoin de comprendre certaines choses, mettez-le en confiance, écoutez-le, rassurez-le. Saurez-vous l'écouter ?

-Je suis son père, me crispai-je devant ce ton plein de reproche.

Il daigna enfin me laisser en paix sans rien rajouter de plus.

OOOO

Deux jours.

Deux jours avant que je ne parvienne à me lever et à rester stable. J'avais besoin de force pour ce que j'avais prévu. J'avais fait plusieurs sorties en fauteuil pour repérer à quelle heure le policier en faction faisait sa pause ou était relayé. Il y avait toujours un battement de 5 mn le temps qu'il aille aux toilettes avant que son collègue de nuit arrive. Je pris le temps de m'habiller pour ne pas attirer l'attention. Dès qu'il quitta son poste, je m'introduisis dans la chambre de Keith. Il était réveillé, une lumière douce baignait son visage démoniaque. Il ne jeta même pas un œil vers moi, pensant peut-être que c'était une aide-soignante qui venait vérifier ses constantes. Il sursauta en me reconnaissant, j'étais debout, le dominant de toute ma stature. Il voulut attraper le bip d'urgence mais je bloquai son poignet d'une poigne de fer. Il grimaça.

-Tu aurais dû vérifier que j'étais mort. Tu aurais dû me tuer Keith, murmurai-je lentement d'un ton glacial.

Je me penchai au-dessus de son visage. Il écarquilla les yeux d'une peur qu'il ne parvenait pas à camoufler.

-Tu m'as tout pris.

Il secoua la tête de façon négative.

-Ils ne me pardonneront jamais de t'avoir introduit dans leur vie. Tu m'as privé de ma femme, de mon fils et de ma fille.

Il fronça les sourcils.

-Ta fille ? Balbutia-t-il.

-Norma était enceinte, tu as tué notre bébé.

Mes yeux se remplirent de larmes. Le chagrin était plus virulent que mon besoin de vengeance en cet instant. La stupeur se peignit sur ses traits.

-Non…

-Je vais finir ce que mon fils à commencer.

Il devint si pâle qu'il en parut exsangue. Il voulut crier, je plaquai ma main sur sa bouche. Il gesticula dans tous les sens mais je tins bon. La rage revenait :

-Tu as osé poser la main sur Norma, sifflai-je, tu lui as fais subir la pire chose au monde, j'aimerais te les couper et te les faire bouffer si tu savais ! Putain ! Mais je n'ai pas le temps.

Je lâchai son poignet et tirai violemment sur l'oreiller en dessous de sa tête. Je le lui plaquai solidement sur le visage. Ses cris furent étouffés immédiatement, son visage devint anonyme, je n'avais plus d'état-d 'âme.

Je devais en finir.

Plus jamais il ne ferait de mal à ma famille. La prison serait un châtiment bien trop doux, il méritait l'enfer de la damnation. Il tenta de m'attraper, ses bras cognant partout mais je parvins à l'esquiver maintes fois. Il manqua rapidement d'air, il n'était pas sportif, c'était juste un gros porc paresseux et indigne du moindre intérêt. J'aurais dû le comprendre bien avant.

J'allais sûrement être pris sur le fait mais je m'en fichais. Je voulais être sûr qu'il soit mort, cet enfoiré. Quand ses bras retombèrent, inanimés, je rangeai l'oreiller sous sa tête dodelinant. Ses yeux injectés de sang faisaient pitié à voir. Je les refermai, le recouvris correctement avec sa couverture et me faufilai vers la porte. J'entrebâillai la porte, le cœur tambourinant, persuadé que la sentinelle était déjà en faction mais non. Sept minutes étaient passée pourtant. Je me glissai le long du couloir, ne croisant personne sur mon chemin. En passant devant le poste de garde, je jetai un rapide coup d'œil vers la femme à l'intérieur, elle était de dos, examinant des écrans. Je me fis violence pour ne pas accélérer et franchis le seuil du service avec soulagement.

oooo

Une fois l'infirmière passée pour me donner mes antalgiques, je m'allongeai avec réticence, conscient des douleurs lancinantes au niveau de mon thorax.

Minuit ! Une heure ! Deux heures ! Pas moyen de dormir, mon cœur battait toujours aussi fort dans ma poitrine, accentuant le mal-être qui m'avait gagné en réalisant que j'avais pris la vie de quelqu'un. J'allais devoir vivre avec ça et je n'étais pas sûr d'y arriver si je ne parvenais pas à reconstruire ma famille.

Aux premières lueurs de l'aube, je parvins à m'endormir moins oppressé car les lueurs du jour levait le voile sur la noirceur de cette nuit.

Norma franchit le seuil vers 11 heures. J'étais encore dans le gaz mais sa présence me procura une dose d'adrénaline qui me réveilla d'un coup. Elle était superbe dans ce tailleur pantalon noir. Un grand col blanc dépassait contrastant avec cette veste sombre. Ce chignon sévère qui coiffait le haut de son crâne amplifiait son air strict. Je me levai pour l'accueillir, l'estomac noué à l'idée qu'elle me rejette. Elle s'approcha lentement, me scrutant au rayon X. Je soutins son regard interrogatif sans ciller mais je bouillais de désespoir. J'étais un assassin. Elle m'enserra brusquement le cou de ses bras graciles, me serrant très fort. Je lui rendis son étreinte, conscient qu'elle savait.

Quelques minutes plus tard, elle s'éloigna pour poser son front contre le mien.

-Il est temps que tu rentres à la maison.