Merci à Alyaaa pour son comm !
Merci de me suivre
Partie 32
ALEX
- Nous devrions déménager Norma.
Nous petit-déjeunions tranquillement, installés dans le canapé du salon. Dylan dormait toujours, nous étions dimanche, cela faisait une semaine que j'étais rentré. Elle avala son jus d'orange avant de me répondre en fixant la télé. Nous avions mis un vieux film dans le lecteur dvd.
-Non.
Etrangement, je me doutais de cette réponse mais cela me contraria.
-On ne peut pas rester ici. Nous y avons trop de mauvais souvenir.
-C'est notre maison.
-Nous en trouverons une autre.
-Non, il est hors de question de partir d'ici.
-Norma…
-Non !
-On ne mange même plus dans la cuisine.
Silence.
-Dylan a été traumatisé lui aussi avec ce qu'il a dû faire.
-Je lui en ai parlé, il veut rester ici aussi. Il aime cette maison. Nous créerons de nouveaux souvenirs, ce bâtard n'aura pas gain de cause.
Je me tus, anéanti. Il nous avait déjà tout pris. Je perçus sa main se glisser sur la mienne.
-Tu as fait ce qu'il fallait, murmura-t-elle.
Rien n'était plus faux. Je déposai mon plateau sur la table basse et je pris mes distances, regagnant mon bureau. J'avais du temps à perdre et cela m'avait servi à créer un espace à moi afin de m'isoler et de réfléchir. Je ne pouvais pas reprendre le travail avant encore deux semaines. Cela me rendait fou.
Installé sur mon fauteuil, face à la porte-fenêtre qui donnait sur l'arrière de la maison, je ruminais encore. La mort de Keith avait été traitée comme une mort naturelle. John était passé me voir pour m'annoncer la nouvelle, un peu après le passage de Norma. Il avait guetté ma réaction, à l'affut. Je n'avais rien dit, pas réagi, plongé dans un profond malaise. Il avait juste posé sa main sur mon épaule sans un mot avant de me laisser dans cet océan d'incertitudes. Je pensais réellement que je serai puni pour ce que j'avais fait mais rien ne venait. Je vivais ma vie normalement, sans être inquiété. Si au moins je travaillais…
Depuis que j'étais rentré, je ne faisais plus de cauchemars, la présence de Norma m'apaisait, me réconciliait avec moi-même. J'avais pris une terrible décision pour préserver ma famille et cela n'avait pas été en vain au moins en cela j'étais en paix avec ma conscience.
Il y eut des coups portés à la porte.
-Alex ?
Silence.
-Alex chéri ?
Devant mon mutisme, elle abandonna et s'en alla. Je voulais rester seul, je lui en voulais de m'obliger à rester ici, dans cette maison.
-Pourquoi tu fais ça ? Soupirai-je.
Il y eut des coups contre la porte-fenêtre. Je sursautai, stressé. Norma m'observait avec lassitude.
-Ouvre cette porte, cria-t-elle.
Pas le choix, je dus me résoudre à obtempérer. Je vins me rasseoir dans mon fauteuil, peu enclin à me chamailler. Elle s'agenouilla près de moi, levant la tête vers moi.
-Je sais que tu as raison Alex, je le sais.
Je finis par lui accorder mon attention.
-Je suis déraisonnable, pardonne-moi. Je vois bien que tu cherches à nous préserver Dylan et moi.
-Mais…
Elle inspira profondément avant de me répondre :
-J'aime vraiment cette maison, Kate me l'a léguée, je ne peux renier cet héritage.
-Tu peux la laisser à Shelly plus tôt que prévu.
-Je pourrais mais j'aurais l'impression de trahir sa volonté.
-Elle ne t'en voudras pas.
-Je le sais pourtant, elle m'a offert cet endroit par affection. Et je la ressens dans chaque pièce.
-Hormis cette maudite cuisine.
-La cuisine n'est pas maudite, c'est nous qui le sommes.
Pas faux. C'était encore plus déprimant.
-Alors pourquoi tu ne veux plus y entrer ? On ne mange que des plats en livraison depuis que je suis revenu.
-Je vais prendre sur moi, je vais la rénover et réapprendre à m'y sentir bien.
-Norma…
-Je te le promets.
Elle caressa mon bras.
-Et moi tu crois que je pourrai oublier ce qu'il t'a fait dans cette pièce ?
-Non mais nous ne pouvons pas le laisser nous dominer, nous pourrir la vie, nous anéantir plus qu'il ne l'a déjà fait. Nous devons aller de l'avant.
OooooO
Nous étions en route pour le magasin de bricolage, Dylan restait silencieux à l'arrière, peu ravi de venir avec nous mais non décidé à abandonner sa mère. Il lui collait au train en permanence dès qu'il était réveillé. Il n'était pas encore retourné à l'école. Je ne savais pas comment régler ce problème. Norma lui cédait beaucoup de choses, j'étais encore stupéfait par cet état de fait.
Nous parcourions les rayons, cherchant du matériau pour rénover la cuisine. J'avais besoin de m'occuper, j'avais envie d'aider Norma à tourner la page, j'avais pris la décision de suivre son raisonnement, de ne plus me laisser dominer par mon mal-être. Elle y croyait, je voulais y croire aussi.
-Regarde Norma.
Je lui montrais du parquet, elle adhéra immédiatement, me sourit, attrapant mon bras, Dylan toujours agrippé à sa main.
-Oh mais on dirait que le bébé Dylan a besoin de sa maman, ricana un jeune et sa bande qui trainait sans rien à faire un samedi après-midi.
Dylan esquissa un mouvement, sa mère le retint en resserrant sa prise sur sa main. Il regarda vers elle, elle secoua la tête par la négative. Les jeunes ricanèrent de plus belle. Je me décalai pour être dans leur champ de vision, ils cessèrent immédiatement leur jeu stupide. Il faudrait que je parle à leurs parents, ça allait cinq minutes les conneries !
Norma continua d'arpenter les rayons comme si rien ne s'était passé. Je finis par la suivre sinon j'allais mal réagir. Nous choisissions la couleur de la peinture murale quand Dylan exprima son désir de déjeuner.
-On termine ça et nous iront manger un hamburger.
Norma grimaça mais ne fit aucune objection.
OoooO
Nous allions nous installer à une table de quatre, Dylan voulut s'asseoir près de sa mère mais elle prit place à mes côtés. Il me jeta un regard noir et commença à bouder.
-Ne fais pas ta tête de cochon, chéri, rit Norma en caressant sa joue.
Nous mangions tous les quatre quand mon portable sonna, c'était Bob. Il était de passage et il voulait emmener Dylan à la foire cet après-midi.
-Je vois ça et je te rappelle.
J'en fis part à Dylan. Il fronça les sourcils, soucieux.
-Je ne peux pas laisser maman.
-Bien sûr que tu peux.
-Non, je dois être là pour veiller sur elle.
-Je suis là pour ça, Dylan.
-Tu n'es jamais là quand on a besoin de toi, marmonna-t-il.
Je ne l'avais pas vu venir, j'étais complètement sonné. Norma posa sa main sur la mienne pour m'encourager ou me soutenir, je ne savais pas trop. Devant mon manque de réaction, elle s'adressa à Dylan.
-Ton père a fait ce qu'il fallait pour protéger sa famille, ne lui parle plus jamais comme ça.
Elle n'avait pas crié, pourtant il se renfrogna et il ne dit mot jusqu'à la fin du repas.
-Alors tu veux aller avec oncle Bob ? Lui redemanda sa mère.
Il posa à nouveau des yeux inquiets sur elle, rien à faire.
-ça va aller, lui sourit-elle en serrant ma main.
Il observa longuement sa main sur la mienne.
-Ok, capitula-t-il.
Je rappelai Bob, soulagé. Nous arrivions devant chez lui un quart d'heure plus tard. Il sortit de sa maison dans la minute accompagné d'un ado aussi blond que lui. Nous le rejoignîmes devant son 4x4. Je lui donnai une franche accolade qu'il me rendit.
-Je suis content de te voir en forme mon pote. Tu m'as fait une peur bleue. Je suis passé te voir, tu sais. Mais c'était trop dur…
Je lui saisis l'épaule d'une main ferme. C'était un véritable ami, je n'avais pas fait que des mauvais choix dans ma vie.
-Content de te voir aussi, Bob.
-Si j'avais su pour Keith, j'aurais assuré vos arrières.
-Arrête avec ça !
Mieux valait couper court, je sentis la tension soudaine au sein de ma famille.
-Présente-nous ce jeune homme, détournai-je l'attention.
-C'est mon cousin William, il a 13 ans, il passe le mois chez moi, mon oncle est hospitalisé.
-Rien de grave au moins ?
-Non, c'était programmé. Billy viens que je te présente !
-C'est Gunner, pas Billy ! S'agaça le môme.
-Ne dis pas n'importe quoi, Billy.
-Il ne reste pas avec sa mère ? S'enquit Norma sans prévenir.
Bob secoua la tête avec tristesse.
-Elle nous a quitté il y a un an.
Décidément…
Norma fit un pas vers lui, tenta de poser sa main sur son épaule mais il refusa le contact, tête baissée, fixant le sol.
-Et pour l'école ? Insista Norma, un peu blessée par ce rejet.
-Il rattrapera, j'ai prévu aussi des cours particuliers et dans deux semaines il est en vacances.
Le jeune Gunner (quel surnom à la con) paraissait très renfermé. Il observait Dylan avec prudence et méfiance. Celui-ci fit un pas vers Gunner sous nos yeux étonnés.
-Mon papa aussi était à l'hôpital, ça va mieux maintenant, tu verras, tout ira bien pour ton père. Il va vite rentrer à la maison et tu retrouveras tes copains.
-J'ai pas de copains, marmonna-t-il.
-Moi aussi, j'en n'ai pas, se confia Dylan comme si nous n'étions pas là.
Cela me rendit triste de le savoir si solitaire même si ce n'était pas vraiment une surprise. Gunner lui prêta attention.
-Je peux être ton copain si tu veux ? Proposa Dylan.
Surprise générale. Je jetai un œil à Norma puis à Bob, tous les deux affichaient le même air stupéfait que moi.
-T'as quel âge ?
-10 ans.
-T'es un bébé.
-Non, c'est faux ! Se gonfla Dylan. Je suis assez grand pour protéger ma mère, je l'ai fait tu sais ! J'ai pas eu peur !
-Raconte, s'intéressa Gunner.
-Vous verrez ça dans la voiture, coupa court Bob avec ma reconnaissance. Je vous le ramène dans la soirée, m'avertit-il. On mangera un morceau avant, profitez-en !
Nous les regardâmes partir avec appréhension.
-Rentrons à la maison, me proposa Norma.
-Tu ne veux pas qu'on en profite pour faire une balade en forêt ou aller au lac ?
-Je suis fatiguée.
-Sinon, un film ?
J'avais besoin d'air, de me retrouver en extérieur avec elle.
-Ok mais je choisis le film.
-ça marche, mon oiseau.
Une heure plus tard, bras-dessus, bras-dessous, nous entrâmes dans la salle de projection, un pot de pop-corn en main. Il n'y avait pas grand monde. Nous nous installâmes tout en haut dans le coin pour être tranquille. Norma posa sa tête sur mon épaule tout en dévorant le pop-corn.
-C'est ça de manger que de la salade verte au déjeuner.
Elle me fila un coup de coude.
-Aïe ! Ris-je avec bonne humeur. Je peux en avoir un peu quand même ?
-Mouais.
Le film, une romance à la lenteur effarante, me donna envie de lui embrasser le cou, de caresser son bras, de sentir ses cheveux. C'était inespéré, ce moment de pure tendresse. Elle se détourna du film pour m'offrir ses lèvres. Je retrouvais la saveur de sa langue, cela déclencha un désir violent qui me poussa à m'enhardir, à malaxer sa poitrine puis à glisser ma main sous sa robe. Elle bloqua mon poignet de sa main et tout cessa immédiatement.
-Je ne suis pas encore prête.
Douche glacée. Tout me revint en tête. Oppressé, je préférai quitter la salle pour me rafraichir à grande eau dans les toilettes pour hommes. Quand j'en sortis, Norma m'attendait devant, peinée.
-Rentrons, décréta-t-elle.
Dans la voiture, elle m'observa conduire sans un mot. Une fois garés devant la maison, elle m'attira vers le motel.
-Attends-moi.
Elle revint une minute plus tard avec des clefs. Elle ouvrit la porte de la première chambre et me tira à l'intérieur.
-Norma…
-Chuttt !
Elle me déshabilla, entra dans la salle d'eau pour ouvrir la douche et m'appela. Plein d'appréhension, je me rendis auprès d'elle. Elle était nue dans la cabine de douche. Son corps était redevenu longiligne, sans aucune trace de sa grossesse. Cela me rendit triste.
-Viens me faire du bien.
Elle tendit son bras vers moi, pleine de doutes. Cela me rappela une autre vie, quand nous nous étions retrouvés après l'affaire Shelby. C'était symbolique, devinai-je confusément en entrant dans la cabine. Elle avait fermé les yeux, la poitrine se soulevant avec frénésie, ses bras tendus contre les parois. Elle était dans l'attente. Elle se mordit les lèvres quand ma bouche frôla son intimité, gémit quand mon visage s'y enfonça, puis cria sans retenu en atteignant rapidement un orgasme qui la terrassa. Je souffrais le martyr, tendu par un désir non assouvi qui me faisait trembler. Je la voulais ardemment et pourtant je m'y refusais. Elle n'était pas prête, je l'avais entendue, je l'avais assimilé. Elle quitta la cabine d'un pas non assuré. Elle se sécha lentement, augmentant mon agonie devant le spectacle de son corps atrocement désirable. Elle finit par se rendre compte de mon mutisme, de mon immobilité.
-Tu viens chéri ?
-Laisse-moi juste une minute, tu veux ?
Elle acquiesça et regagna la chambre. Il se passa bien dix minutes avant que je la rejoigne à mon tour. Elle était allongée sur la couverture, toujours nue.
Putain…
-Viens.
-Non, Norma, je sais que tu n'es pas prête.
-Je sais que tu en as besoin.
-Je ne suis plus un ado, je peux me contrôler.
Mais ce n'était pas ce que mon corps disait et elle s'en rendit compte.
-Viens, Alex.
Elle écarta ses cuisses, se caressa le corps.
-Ne fais pas ça, mon oiseau.
-Je t'aime tellement.
Elle se leva, tira le rideau, nous plongeant dans une pénombre réconfortante, et saisis ma main.
-Viens.
J'étais passé en mode automatique, je m'allongeai sur elle, tenta de pénétrer dans son antre, je la sentis se crisper, cela coupa un peu mes effets. Elle caressa alors mes parties les plus érogènes, je perdis pied, m'enfonçant en elle malgré moi d'un seul coup et cela décupla mon excitation. Elle agrippa mes épaules, mon cou, mes cheveux. Je la serrai vigoureusement contre moi, j'étais en transe, enfiévré, je ne parvenais pas à retenir mes assauts. Elle se crispa à nouveau, me repoussa mais c'était trop tard, je me répandis en elle dans un dernier coup bien plus rude que je ne le voulais, dans un grognement baigné de larmes. J'enfonçai mon visage dans l'oreiller, malheureux. Je lui avais fait mal je le savais. C'était trop tôt. J'étais vraiment minable. Elle resta là sans bouger, m'écoutant pleurer d'abord silencieusement puis par sanglot. J'étais complètement anéanti. Elle voulut se dégager, je me décalai sur le côté et pris sur moi. La pièce redevint silencieuse. Elle se leva pour se rhabiller.
-Je te demande pardon.
-Ne dis pas de bêtises. Je vais aller faire à manger, repose-toi.
Elle quitta la chambre du motel aussi sec. Faire à manger ? Je me rhabillai illico presto pour la rattraper. Elle était déjà dans la maison et j'entendais des bruits de verre qui se casse. Cela venait de la cuisine. Elle fracassait toute notre vaisselle au sol, enragée. J'esquivai une assiette, me mis à couvert et l'observai avec tristesse exprimer sa colère.
-Je le déteste ! Je le déteste ! Hurlait-elle. Ce gros porc, cet enfoiré, comment a-t-il osé !
Elle finit par se calmer, elle prit place sur une chaise et se plia en deux, en pleurant. Je vins m'agenouiller près d'elle.
-Tu aurais dû être là.
-Je sais.
Je baissai la tête.
-Pourquoi es-tu parti alors ?
-J'étais inquiet, ton frère avait demandé une conditionnelle et il sait où tu vis.
Elle sursauta.
-John m'a prévenu que j'avais reçu une enveloppe de l'avocat de mon père.
-A ton travail ?
-Je voulais pas que tu sois au courant.
Elle fronça les sourcils, contrariée et stressée.
-Mon père a fait ce qu'il fallait pour que ton frère ne sorte pas, la rassurai-je mais maintenant il fait pression sur moi pour l'aider à sortir de prison.
-Ne cède pas.
-Il a encore le bras long malgré le démantèlement de son réseau, je veux pas voir ton frère débarquer sur le pas de notre porte.
-Ne cède pas, Alex. Quoi qu'il arrive, nous ferons face comme nous l'avons toujours fait.
-Mais à quel prix, Norma, soupirai-je.
Elle caressa ma joue.
-Aide-moi à ranger.
-Ok.
-Ensuite je ferai à diner et demain nous irons à la prison voir ton père… et mon frère.
