Merci à Alyaaa pour son comm !

Merci pour ton soutien !

J'ai modifié le lieu de la prison et donc du lieu de la jeunesse de Norma. Je m'étais plantée au départ niveau distance, c'est pas faisable en voiture à moins de rouler des jours.

Merci de me suivre


Partie 33


Nous étions partis très tôt en direction de Carson City.

Dylan était finalement resté dormir chez Bob, il avait bien sympathisé avec le jeune William et cela nous arrangeait. Nous nous étions organisés avec Bob, nous allions le récupérer ce soir à notre retour.

Nous étions silencieux, fixés sur la route déserte en ce beau dimanche ensoleillé, stressés par l'imminence de notre confrontation avec notre passé. Quel choix avions-nous ? Ces deux personnes menaçaient notre avenir, notre sérénité à peine retrouvée. J'observai de temps à autre le profil fermé d'Alex. Il était inquiet c'était évident. Quand je lui avais annoncé que nous irions à la prison, il avait émis quelques réserves. Cependant, je n'avais pas flanché. Il était hors de question de laisser encore qui que ce soit me pourrir la vie. Je m'étais faite cette promesse et désormais j'allais m'y tenir.

Nous nous garâmes vers midi et demi sur le parking visiteurs. Je lissai ma jupe crayon grise motif prince de galle et réajustai ma veste noire sur mon chemisier en satin gris lui aussi avant de franchir le seuil de l'accueil. Alex, habillé plus sobrement d'un jean sombre, d'un polo bordeaux et de sa veste en cuir noir, se présenta au gars de l'accueil.

-L'heure des visites est terminée, revenez à quinze heures.

Alex s'agaça :

-Nous avons fait une longue route.

-Désolé mais…

-Appelez ce numéro, vous…

-Revenez à quinze heures, le coupa l'agent.

-Appelez ce numéro ! Insista Alex en lui posant une carte de visite sur son espace de travail, c'est mon chef, le shérif de White pine bay, qui vous répondra. Il est ami avec le directeur de cette prison et l'a prévenu de mon arrivée.

L'agent décrocha le combiné de son téléphone sous mes yeux contrariés et inquiets. Il conversa avec quelqu'un mais certainement pas le shérif Walden puis raccrocha.

-C'est bon. Vous pouvez voir le détenu Romero.

-Et Calhoun Caleb, rajoutai-je.

L'agent fronça les sourcils :

-Je n'ai pas eu cette information et ce détenu est en isolement.

-Nous le savons mais je suis sa sœur. Je suis sa seule famille et j'ai fait une longue route pour le voir.

Il hésita de nouveau.

-S'il vous plait.

-Je dois repasser un appel, patientez.

Après une longue minute, il revint vers nous.

-Deux visites séparées ?

-Oui, commença Alex

-Non, le contredis-je. Nous verrons ces deux personnes ensemble mon mari et moi mais chacune leur tour.

Je perçus le regard d'Alex sur moi.

-Très bien. Vous n'aurez pas plus de dix minutes par visite dans ce cas. Patientez là !

Il nous montra des sièges un peu plus loin.

-Je viendrai vous chercher.

-Merci, répondis-je, soulagée.

Tandis que nous patientions, je croisai et décroisai les jambes, frottant mes mains l'une contre l'autre jusqu'à ce qu'Alex pose sa main sur la mienne.

-Calme toi.

Je ne savais pas comment il faisait pour tenir le coup.

-Mais que fait-il ? M'impatientai-je.

Après vingt minutes, il vint enfin nous chercher.

-Je connais le chemin, le prévint Alex.

-Très bien, mon collègue vous y attend avec le détenu.

-Lequel est-ce ? le questionnai-je

-Romero.

L'utilisation de ce patronyme de façon si dédaigneuse m'outra. Je suivis Alex qui avançait vite. Les talons de mes bottes en cuir noir claquaient contre le sol, en rythme avec les battements de mon cœur. En entrant dans la salle de visite, je ralentis de la même manière qu'Alex. Il alla s'asseoir en face d'un homme qui ne lui ressemblait pas vraiment. Il avait le crâne dégarni, une barbe mal rasée poivre et sel, des yeux marron foncé, de l'embonpoint, des traits durs, un air fermé. Cette tenue orange, lui donnait un teint maladif. Il se leva et m'adressa un œil étonné. Et j'étais sûre que peu de choses devaient l'étonner.

-Ça alors, je rencontre enfin ma belle-fille.

-Nous nous sommes déjà vus.

-Oui brièvement, il y a plus de dix ans et pas dans de bonnes conditions. Vous avez bien changé. Vous êtes une très belle femme.

-Si vous le dites, écourtai-je ses flatteries mal venues.

-Que me vaut l'honneur de votre visite ?

Il se rassit en me voyant prendre place au côté d'Alex.

-Ça va être rapide, l'informa Alex. Je ne t'aiderai pas à sortir de cette prison.

Il se détourna de mon visage brusquement.

-Quoi ?

-Tu as bien entendu. Ton chantage odieux cesse aujourd'hui. Norma est au courant de tout.

Il posa sur moi des yeux plissés moins chaleureux. Je frissonnai, cet homme connaissait mes secrets et ravivait ma honte. Je me redressai, « plus personne » j'avais dit. Forte de cette conviction, je le fixai à mon tour.

-C'est grâce à moi si vous vivez peinards votre petite romance.

-Nous ne vous avons rien demandé.

-Je l'ai fait pour mon fils.

-Arrête ton baratin, répliqua Alex. Tu l'as fait pour avoir un moyen de pression sur moi. Et je ne suis plus ton fils. Tu m'as transmis un nom plein de déshonneur mais je vais le réhabiliter pour que mon fils n'en ait pas honte.

-Tout de suite les grands mots. On est en famille, je veille sur les miens même sur ton soi-disant fils.

-Dylan est mon fils, tu entends ! Tu n'as jamais pensé qu'à toi-même alors tu ne peux pas comprendre, siffla Alex. Et Maman en est morte de chagrin et de honte.

-Arrête de me mettre ça sur le dos, s'énerva-t-il, ta mère est morte parce qu'elle était faible.

Je saisis le bras d'Alex avant qu'il ne se jette sur son père.

-Comment osez-vous ?

Mon regard se fit étincelant de colère. Il me rappelait horriblement Keith. Je me redressai lentement posant mes deux mains sur la table ronde qui nous séparait lui et moi. Il m'observa, perplexe.

-Alex est le père de Dylan, il n'a pas besoin d'être de son sang pour être un bon père, ce qui rend votre attitude d'autant plus détestable. Vous n'avez jamais été un bon père pour mon mari, vous l'avez violenté et accablé en lui arrachant sa mère, en lui infligeant le traumatisme de l'avoir découverte dans ce grenier. Je vous interdis de salir sa mémoire, de la critiquer, de la dénigrer. Grâce à elle, Alex est quelqu'un de bien, elle est la meilleure part de lui-même et celle que j'aime. C'est un être exceptionnel, d'une grande tolérance et d'une grande bonté mais vous faites ressortir en lui ce qu'il y a de pire, ce qu'il a hérité de vous.

Il voulut intervenir, colérique mais je ne lui en laissai pas le temps :

-Ne vous avisez plus jamais de le menacer, de l'appeler, de vous mêler de nos affaires sinon vous le regretterez.

Il ricana :

-Une créature si frêle, vous croyez vraiment m'impressionner ?

Je fis le tour pour lui murmurer quelque chose à l'oreille avant que le gardien n'intervienne. Il eut un bref instant de stupeur avant de devenir blanc comme un linge.

-Partons, décrétai-je à Alex qui ne se fit pas prier.

CALEB

J'allais devenir fou. Cet isolement était interminable. Je ne voyais plus personne, je mangeais seul, il y avait une toute petite fenêtre qui donnait sur un coin désert. J'avais droit à une heure de sortie par jour, seul bien sûr et je m'entrainais sur le sac de boxe. Je ne pensais pas que ce serait si dur. Je n'avais rien fait pour mériter ça, une simple bagarre n'aurait pas dû m'envoyer au trou. Je ne savais pas qui m'en voulait mais cette personne avait le bras long. J'y avait réfléchi depuis deux mois que j'étais isolé, j'avais à peine demandé ma liberté conditionnelle que je me retrouvais impliqué dans une sale histoire qui avait réduit à néant tout espoir de l'obtenir. J'allais devoir attendre encore un an.

Putain !

Je voulais voir Norma. Je voulais voir mon fils. Et oui j'avais un fils, Dylan. Je souris en y pensant car si je n'avais pas su qu'il s'appelait Dylan, j'aurais continué de croire qu'il était le fils de Masset mais elle lui avait donné le prénom que j'avais choisi. Si c'était pas une preuve, ça ! Un vieux pote du lycée était passé me voir, le seul d'ailleurs. Il avait fini par accepter de chercher Norma pour moi et l'avait retrouvé non sans mal après presqu'un an de recherches. Elle vivait seule dans un appart avec le petit. Il avait quoi ? 2 ans à l'époque. Maintenant, il devait être un ado blond aux yeux bleus comme Norma et moi. Cet enfant était notre lien, la preuve que nous étions proches au-delà de toute raison. Si je n'avais pas déconné…

Pas un jour ne passait sans que je ne m'en veuille. Pas pour Masset (il l'avait bien cherché cet enfoiré !) mais pour la peine que j'avais causé à Norma. Je lui avais fait tant de mal qu'elle avait fui. Dix ans que j'étais là, dix longues années sans Norma…

J'avais fini de déjeuner, enfin si on pouvait appeler de la bouffe de merde « déjeuner » quand un gardien vint m'annoncer que j'avais une visite.

-Qui ça ?

-Tu verras.

-Allez… s'te plait !

Il ne répondit pas, me demanda de tendre mes poignets pour qu'il me menotte et je le suivis lentement, essayant de deviner qui pouvait vouloir me voir. Mon pote n'était pas revenu depuis deux ans et à part mon père qui était venu deux fois, je n'avais jamais vu personne. En entrant dans la salle de visite, il me détacha, je pris place sur un siège et patientai, le gardien en retrait mais sur le qui-vive. Je me mis à rêver que Norma me rendait visite avec Dylan quand la porte s'ouvrit. Je crus avoir la berlue. Si je n'étais pas assis, je serais tombé tant mes jambes était en coton comme tout mon corps d'ailleurs.

-Norma, murmurai-je, le souffle court. Tu es venue.

Elle eut un instant d'arrêt ce qui me permit de la contempler de la tête au pied. Elle avait changé, dégageant une confiance et une maturité que je ne lui connaissais pas. Ses cheveux étaient d'un blond plus prononcé, plus courts et ondulés. Elle approcha lentement et prit place en face de moi. Son regard croisa le mien, me planta un couteau dans le cœur tant il affichait une douleur sans nom, un supplice qui la rongeait de l'intérieur. J'étais à l'origine de tout ça, me rendis-je compte

-Pardonne-moi, Norma-Louise.

Ses yeux se remplirent de larmes peut être parce que les miens aussi s'étaient remplis de larmes.

-Pardonne-moi, je m'en veux si tu savais.

Je posai mes bras sur la table, les paumes vers le ciel dans un geste vers elle. Elle fixa mes mains, hésitante.

-J'aurais dû te protéger, te protéger de moi. J'ai failli dans mon rôle de grand frère, je le sais. Tout est ma faute, je t'ai blessée alors que c'était la dernière chose que je voulais.

Je baissai la tête, accablé. J''aurais voulu me jeter à ses pieds, c'est pour ça que je voulais sortir d'ici pour lui dire combien je regrettais. Je perçus un effleurement sur mes paumes, elle avait fait un pas vers moi. Ses mains se glissèrent dans les miennes mais avant que je n'ai pu les serrer, elle les avait retiré car quelqu'un venait d'entrer.

Un homme, il me semblait familier. Je lui en voulus d'avoir rompu ce lien qui se recréait entre ma sœur et moi. Norma se leva, il se posta à ses côtés.

-Vous êtes qui ?

-Alex, son mari.

Je crus avoir reçu un coup de massue. Ma bouche devint sèche tandis que je voyais la main de Norma se glisser dans la sienne.

-Non…

Je secouai la tête avec véhémence, rejetant ce que je voyais. Je me redressai d'un seul coup :

-Norma, dis-je en avançant vers elle.

L'intrus se mit en travers, ses yeux noirs plein de reproches et de je ne sais quoi de dérangeant me transpercèrent.

-Ne la touchez plus jamais.

Je fus piqué au vif et mal à l'aise. Cela accentua ma colère :

-Vous vous prenez pour qui ? Je suis son frère, je lui ferai pas de mal alors poussez-vous !

Je le dégageai violemment pour atteindre Norma. Ce fut le chaos jusqu'à ce que Norma parvienne à calmer tout le monde, y compris le gardien.

-Alex, laisse-nous.

- Non.

-S'il te plait, mon chéri.

Cette affection manifeste me tua. Elle posa une main sur sa poitrine qui se soulevait de façon frénétique comme la mienne. Je remarquai enfin son alliance. Terrassé, je fis volte-face :

-Gardien, je veux retourner en cellule !

Jamais je n'aurais cru dire ça, mais je sentais un truc moche monter en moi et je voulais être loin de Norma pour l'exprimer.

-Caleb, non attends ! s'affola-t-elle. Je dois te parler.

-Je n'ai rien à te dire, va-t'en !

-C'est au sujet de mon fils, ton neveu.

Et merde…

Je perçus le départ de l'intrus, elle me proposa de me rasseoir et je ne pus que céder.

-C'est quoi le souci avec mon fils, murmurai-je

Elle tressaillit, troublée.

-Il ne fallait pas l'appeler Dylan si tu voulais que je continue de croire qu'il était le fils de Masset.

-Dylan n'est plus ton fils, riposta-t-elle en murmurant elle aussi, c'est celui d'Alex

Je serrai le poing de rage :

-Pourquoi tu me fais ça ? Je sais que je t'ai fait souffrir mais je ne mérite pas pareille punition.

-Ce n'est pas une punition. Dylan ne doit rien savoir, il pense que John est son père biologique et je veux que ça reste comme ça.

-Tu peux pas me demander ça !

-Je le peux et tu me le dois !

J'étais perdu, où était ma petite sœur si timide ? Ses traits s'étaient durcis et son regard se fit glacial.

-Je t'ai perdue Norma, Dylan est tout ce qu'il me reste, tu me détestes tellement que tu veux me bannir de sa vie ?

-Je te déteste tellement, tellement Caleb, tu n'as pas idée mais je t'aime aussi.

Je la dévisageai avec stupeur, bouleversé.

-Je peux reconsidérer que tu fasses partie de sa vie en tant qu'oncle mais j'aurais besoin d'un service.

-Lequel ? Sautai-je sur cette occasion inespérée.

-Tu te rappelles du shérif Romero ?

-Oui, je risque pas de l'oublier. Ce fils de pute a tout fait pour m'enfoncer et j'ai eu la peine la plus lourde.

-Alex est son fils.

-Norma à quoi tu joues ? Fulminai-je.

Je serrai le poing, elle posa une main extrêmement douce par-dessus ce qui eut le don de me calmer instantanément.

-Alex déteste son père. C'est une ordure de la pire espèce qui nous a menacés, Dylan et moi pour l'atteindre.

-L'atteindre ? Comment ça ?

-Pour lui forcer la main afin qu'il l'aide à sortir de prison.

-Je sais qu'il est ici mais il est en quartier sécurisé, cet enfoiré !

Elle se pencha vers moi si près que je sentis son parfum.

-Ils nous a menacés Caleb, tu entends, chuchota-t-elle. Et il vient de recommencer. Nous l'avons vu juste avant toi pour lui dire d'arrêter de nous harceler mais il est rancunier car Alex refuse de l'aider à sortir. C'est un meurtrier et un criminel. Il me fait peur.

J'aurais voulu lui dire que son mari n'avait qu'à gérer son paternel mais l'idée qu'il ait menacé ma famille me bousillait. Je posai ma main sur la sienne toujours en faction sur mon poing. Elle n'eut pas de mouvement de rejet. Elle patientait, le regard interrogatif, pleine de doutes. Je ne pus rien dire d'autre que :

-Je trouverai un moyen de m'occuper de son cas, je te le promets. Il ne vous menacera plus jamais Dylan et toi.

Elle hocha la tête, esquissant même un léger sourire qui me chavira le cœur, me ramenant dix ans en arrière.

-Merci Caleb.