LE CHIEN DE PAVLOV


Pairing : Ron/Draco

Rating : M (attention changement )

Nombre de mots : 4500 pour ce chap

Auteur : Frudule


Note 1: Cette histoire est vue et racontée par Ron, c'est lui le narrateur. Par contre la partie en italique est en narrateur omniscient. Parce que Ron ne peut pas tout savoir de ce qu'il se trame…

Note 2 :

Personnellement je fais une différence entre « petrificus totalicus » et « stupefix ». Ce dernier permet d'immobiliser quelqu'un complètement, c'est-à-dire autant physiquement que mentalement. Plus qu'une sorte de coma, la personne est comme retenue dans le temps, son cœur ne bat plus, sa conscience est à l'arrêt. Elle ne réalisera son état qu'une fois réveillée par un « ennervate ». « Stupefix » est un sort très puissant.

A l'inverse, le « pétrificus totalicus » est le sort de saucissonnage, il permet d'immobiliser quelqu'un en l'empêchant de se servir de ses muscles. Mais toutes les fonctions vitales ( cœur, poumons, cerveau ) sont actives. La personne est prisonnière de son corps mais pas inconsciente. J'estime aussi que la victime peut se servir de ses paupières, parce que c'est trop douloureux de rester les yeux ouverts ! C'est un sort possible dès une première année de magie, donc je l'estime moins puissant. C'est pourquoi des pensées sont plus que possible dans cette situation, mais pas des paroles.

Je pense que mon interprétation reste fidèle à l'esprit des livres mais on peut certes en discuter longuement. Gardez quand même en tête mon point de vue lors de la lecture de ce chapitre !


« Petrificus Totalicus ! »

Je. Vais. Pulvériser. Hermione.

Comment ose-t-elle me lancer un sort ? En plein bar, devant tout le monde ! Dès que je peux bouger, elle va voir si moi aussi, je ne sais pas me servir de ma baguette !

« Ron, tu commences vraiment à me… Oh ! Tu as de la chance que je ne t'ai lancé que ce sort ! Ta grande bouche et toi mériteriez pire !

- Hermione, arrête. »

Harry joue les grands héros, évidemment. Il ne peut vraiment jamais s'empêcher de jouer les types parfaits !

« Ca ne sert à rien de lui crier dessus alors qu'il est pétrifié, Mione… Par contre, tu peux mettre un glaçon dans son pantalon ! »

Espèce d'enfoiré… Aah ! C'est froid, bordel ! Je haïssais déjà ce bizutage-la à l'Académie d'Auror… Ah non, pas un autre dans le col ! Raaah !

« T'as raison, Harry, ça va beaucoup mieux ! Pourvu que ça refroidisse les velléités de Ron aussi…

- Désolé vieux, mais on a en un peu marre de te servir de défouloir depuis dix jours… Faut bien qu'on te retourne la faveur…

- Oui Ron… Tu es vraiment pénible. Pour ne pas dire insupportable. Et ce n'est pas la peine de me faire ses yeux-la ! Non, je te l'ai déjà dit, on ne te laissera pas ruminer tout seul, sous aucun prétexte. Pas la peine d'insister. Tu deviens affreusement violent dans ce cas…

- Quand je pense que t'as pris George pour taper sur Fred… Héhéhé…

- Harry, ce n'est pas drôle ! Ron, je sais que tu as de quoi être en colère ces temps-ci mais… Il faut que cela cesse… »

Non, tu ne sais rien. Tais-toi. Tais-toi !

Comment tu pourrais savoir ce que ça fait d'être utilisé puis abandonné comme un chien ? Comment tu pourrais savoir ce que ça fait de se retrouver dix jours durant, dix putains de jours à faire bêtement le pied de grue alors que tout te dit que c'est fini ? A envoyer des hiboux retournés aussitôt ? A ne rencontrer qu'une « cheminée en dérangement » ? Et à se faire royalement ignorer quand on vient frapper à sa porte ? Tout ça pour espérer avoir des mots sur une rupture !

Pourtant il avait PROMIS !

Oh mais il y a encore pire… Je dois aussi supporter Harry qui meurt d'envie de crier à quel point il avait raison sur Malfoy depuis le début, à quel point je suis stupide d'avoir pu croire qu'il m'aimait un peu !

Et j'oublie le meilleur ! Les mines condescendantes que laisse échapper la grande Hermione ! La pitié, c'est bien tout ce que j'inspire ! Et je me demande, est-ce que tu vas me proposer de rejoindre la section des Ancres irrécupérables à Sainte-Mangouste une fois encore ? Comme après la guerre ? Oh oui, je serais si à ma place avec les traumatisés de guerre ! On pourrait évoquer ensemble la bonne vieille époque où l'on pouvait trucider autrui en toute liberté et impunité ! Ce qui commence à me manquer sérieusement depuis que je suis pétrifié ! Rhaaa !

Ouais, c'est ça, arrêtez de me regarder, je préfère autant.

« Bonsoir Harry Potter. Bonsoir Hermione Granger. Re-bonsoir, Ronald. »

La voix est rêveuse et je vois du coin de l'œil qu'il s'agit bien de qui je pense. Bon sang, c'est le bouquet. Il fallait que ma patronne vienne aussi ce soir, histoire que le spectacle soit complet !

« Bonsoir Luna. Viens, assieds-toi. Tiens, tu as même droit au verre de Ron, il n' en a plus utilité.

- Vraiment Ronald, je peux ?

- …

- Il ne peut pas te répondre, je l'ai pétrifié…

- Oh. J'avais crû qu'il ne bougeait pas car un Smourziff s'était posé sur lui.

- … Un Smourziff ? Ca paralyse ? »

Luna cligne une fois des paupières puis part soudainement dans une de ses crises de rire phénoménales. Heureusement elle stoppe aussi vite qu'elle a commencé, laissant les deux autres largués.

« Harry Potter tu es très drôle. Un Smourziff qui paralyse. C'est la première fois qu'on me l'a fait !

- …

- …

- …

- Euh, ouais… Mais au fait Luna, c'est rare de te voir ici ! Qu'est-ce qui nous vaut l'honneur ? »

La blonde répond en regardant distraitement le plafond.

« J'étais venu voir Ronald pour lui dire que Colin allait bien. Il n'en te veut pas de l'avoir balancé dans la presse, tu sais. Il reconnaît qu'il n'avait pas à te demander comment tu allais, ce ne sont pas ses affaires. De toutes façons toutes ses blessures sont guéries maintenant. »

…D'accord, j'y ai peut-être été un peu fort avec Crivey… Mais c'est pas la peine non plus de me dévisager avec cet air choqué comme ça… Harry, ferme la bouche. Hermione, ne plisse pas les sourcils, on dirait MacGonagall… C'est rien, c'est que Colin ! Ca lui arrive tout le temps ce genre de choses !

Luna déplie un papier qu'elle vient d'attraper dans sa poche et continue de parler d'une voix absente.

« Par contre, il m'a dit de te passer ce message… « Ron, si jamais tu touches encore une fois à mon appareil photo, je te jure que je vais prendre les clichés qui te traumatiseront à jamais. Crois-moi, personne ne devrait voir ce que je compte bien t'envoyer si tu recommences. Bien à toi, Colin. » »

- …

- Est-ce que tu veux que je le relise Ronald ? Je suis peut-être allée trop vite ? »

Non, non… Par contre avec le bon ton, genre comme un être humain, ça aurait été plus convaincant…

Luna essaye sans conviction de déloger de ses cheveux les gangues de châtaignes qui lui servent de boucles d'oreille puis ajoute le plus banalement du monde :

« Je voulais aussi te dire que comme la presse est cassée, personne ne travaillera cette semaine. Tu es en vacances, Ronald. »

Génial, des vacances à passer tout seul, encore plus de temps libre pour attendre que l'autre morveux daigne me contacter… Fantastique, vraiment !

« Luna… ça ira avec la presse qui ne fonctionne pas ? Comment tu vas faire pour publier le Chicaneur ?

- Il n'y aura pas de numéro cette semaine… Je crois que les lecteurs seront choqués… Mais, du coup, on en profitera pour faire une édition spéciale sur les disparitions étranges et irrésolues la semaine prochaine ! »

L'ironie du sort me donne envie de m'arracher un poumon tellement c'est drôle.

« …C'est très …marketing. Bizarre, mais marketing en un sens.

- N'est-ce pas ? Tu veux participer Hermione ? Je suis sure qu'au Département des Mystères, tu dois avoir rencontré beaucoup de cas de disparitions étranges !

- Je n'ai pas le droit de parler de mon travail mais merci quand même… »

Hermione l'hypocrite, pourquoi tu remercies ? Tu achètes le Chicaneur, soit disant pour me faire plaisir, mais je sais que Pattenrond en a un meilleur usage que toi…

Tiens, Lovegood se met encore à regarder bizarrement dans tous les sens.

« D'ailleurs pourquoi Ginny n'est pas là ? J'espère qu'elle n'a pas disparu mystérieusement elle aussi.

- Non, elle est juste au travail. C'était la pleine lune hier soir et elle est toujours volontaire pour surveiller le repos des loups-garous à Sainte-Mangouste. Elle travaille aussi demain mais après elle est en repos.

- Alors si jamais elle ne s'est pas évaporée de manière inexplicable d'ici là, dis-lui que je viendrai la voir, s'il te plaît Harry. »

Si elle parle encore une fois de « disparition mystérieuse », je vais régurgiter. Et vu que je suis pétrifié, je m'étoufferais avec mon propre vomi. Quelle mort glorieuse. D'ailleurs Hermione me regarde DEJA avec pitié, elle doit avoir deviner mon plan.

« Dis, Luna… Tu ne comptes pas virer Ron, n'est-ce pas ? Tu n'attends pas la fin de la semaine pour lui annoncer ou quelque chose comme ça…

- Non, pourquoi je ferais ça?

- Euh… » Elle se cache derrière ses cheveux frisés et parle plus bas « Parce qu'il a détruit ta presse et blessé un de ses collègues… »

C'est ça, essaye de me faire licencier aussi, traîtresse ! Ma mort ne te suffit pas ! On ne discute jamais de la Raison avec les Serdaigles !

« Colin n'est pas trop fâché et puis… Ronald me rappelle un peu maman. » La blonde dodeline de la tête comme pour faire ressurgir son souvenir « Maman se mettait toujours en colère quand quelque chose lui faisait de la peine. Je me souviens que papa m'avait expliqué que c'est parce que, pour certaines personnes, c'est plus facile d'être en colère que d'être simplement triste… »

Tais-toi… Pitié, que quelqu'un me bouche les oreilles ! Je ne veux pas entendre ces mièvreries stupides, complètement idiotes et sans aucun, aucun fondement ! Je…

« Comme Ronald était très en colère, je suppose qu'il était très triste en fait. Je ne vais pas le licencier pour ça. Même s'il fait beaucoup plus peur que maman dans mes souvenirs. »

Je… Je veux m'en aller…

Ma colère s'est… désenflée comme un ballon crevé, et je déteste, déteste Lovegood pour ça…

Je veux juste m'en aller maintenant…

Ma prière mentale est bien vite entendue, ça se presse pour finir les verres et les salutations de départ avec Luna sont écourtées.

Avant que je me rende bien compte que l'enchantement a disparu et que je puisse à nouveau me mouvoir librement, le transplanage à trois jusqu'à chez moi est déjà réalisé.

Harry à un de mes bras et Hermione à l'autre, ils m'abandonnent finalement devant l'entrée de mon appartement après m'avoir demandé quinze fois chacun si je ne préférais pas dormir chez eux.

Non, je ne veux pas. Je veux rester…

Je me dirige vers la chambre sans faire de détour par la salle de bain, ni même prendre le temps d'allumer la lumière. Cherchant à tâtons mon lit, je finis par m'écrouler dedans. Hélas, je ne tombe pas dans le sommeil…

Mais ce que Ron ignorait, enfermé dans la peine et la noirceur de sa chambre, c'est que ses deux meilleurs amis ne dormaient pas non plus.

Lorsque la porte de l'appartement du roux s'était refermée, Harry était resté un long moment à regarder les veines du bois avec haine. Puis il s'était brusquement détourné et avait dévalé les escaliers à toute vitesse, suivi par Hermione.

Celle-ci l'appela, un peu désespérée :

« Harry… »

Elle descendit un autre étage aussi vite qu'elle pouvait à sa poursuite avant de continuer :

« Si tu me disais maintenant à quoi tu penses au lieu de chercher à me semer ? »

Le survivant s'arrêta brusquement et elle manqua de lui rentrer dedans :

« A quoi je pense ? Mais à la même chose que depuis dix jours ! J'avais raison ! Malfoy est une pourriture et je le déteste !

- Continuons cette discussion dehors, veux-tu… »

Elle poussa un Harry furibond vers l'extérieur. Il explosa peu après, donnant des coups de pied à un réverbère et en hurlant presque :

« Bon sang, moi je croyais que c'était fini cette époque ! Mais regarde-le ! C'est redevenu comme avant ! Un danger public et puis une larve ! Et comme ça sans fin ! Tout ça par la faute de Malfoy ! Il a tout détruit ! »

Le jeune homme continua à balancer insultes sur insultes pendant un long moment – le métier d'auror élargissait beaucoup le champ du vocabulaire à ce niveau.

Hermione attendait, les bras croisés. Lassée, elle finit par l'interrompre d'un ton sec :

« Ca y est, tu as fini ton mea culpa, là ? Je sais que tu enrages de ne pas avoir su « protéger » Ron mais que tu le veuilles ou non, Draco n'est pas un monstre incarné ! Il le rend heureux !

- Parce qu'il a l'air heureux, là !

- Non il ne l'est pas. Mais tu n'y peux rien. Ce ne sont pas tes affaires. C'est leur couple, c'est leur histoire. »

Harry la regarda avec horreur.

« Comment tu peux être aussi indifférente !

- Non, je ne le suis pas… Pas du tout. Ca me crève le cœur de voir Ron dans cet état… Mais pour être honnête… Je trouvais que Ron était trop dépendant de Draco. C'est pour ça que je lui d'abord fait la réflexion sur le chien de Pavlov : j'espérais le faire réagir. Et j'ai bien crû que j'avais réussi, lorsqu'il nous a annoncé qu'ils emménageaient ensemble ! Et puis… » Elle poussa un long soupir à s'en fendre l'âme « …Visiblement je me suis trompée. En fait c'était prétentieux de croire que je pourrais faire quelque chose pour lui. Il n'y a que Ron qui peut organiser des changements dans sa vie… »

Les bras croisés et la tête basse, elle soupira une nouvelle fois face à son impuissance.

« Nous, on peut juste rester à l'épauler dans ces moments-là, Harry. C'est tout. »

Mais le brun refusa net.

« Hors de question de rester sans rien faire cette fois-ci, Hermione. Ron a toujours été là pour moi… Et moi je n'ai pas pu l'aider quand… Après la guerre… Non, non, je vais pas le laisser aller mal cette fois-ci.

- Et qu'est-ce que tu vas faire, par Merlin ! Allez capturer Draco avec ton escouade et le lui ramener dans un beau paquet cadeau ! Tu es un auror, Harry, pas un justicier en cape ! »

Lui ne rit ni ne se vexa à la remarque : ce n'était pas la première fois que l'on se moquait de ses tendances héroïques. Elle, trop énervée, semblait encore plus échevelée qu'à l'habitude.

« Non, Mione, hors de question de ramener la fouine dans la vie de Ron. Finalement tu as raison, c'est mieux comme ça.

- Je n'ai pas dit ça. Et Ron veut de Draco dans sa vie.

- Pour l'instant oui mais… On lui présentera d'autres gens… Il finira par trouver quelqu'un d'autre… Je sais pas moi, je demanderais à Ginny…

- Harry…

- Moi, je m'occupe de Malfoy.

- Harry ! »

L'ancienne préfète le menaça du doigt avec un air terrifiant. Elle semblait sur le point de lui passer le savon de sa vie et pourtant il en voyait de toutes les couleurs avec sa rouquine de femme. Il s'empressa alors d'ajouter :

« Du calme, je vais juste compulser son dossier !

- Pourquoi faire ? Draco a déjà été jugé et acquitté pour ce qui a été fait durant la guerre ! Alors quoi ? Tu vas l'envoyer à Azkaban pour un impôt non payé ? Quelle belle vengeance pas du tout mesquine ! Je suis sure que Ron sera ravi de ton initiative ! »

Hermione, qui crachait presque ses mots, se calma pourtant aussitôt en voyant l'air devenu sombre du garçon. Elle balbutia :

« Harry ?Qu'est-ce qu'il y a ?

- Je ne… parle pas de la guerre. Je ne parle pas de quelque chose de mesquin non plus. »

Elle mit les mains devant sa bouche, simplement choquée d'imaginer ce que l'auror pouvait bien sous-entendre par cela. Encore des ennuis, toujours des ennuis.

« Ce n'est qu'une intuition pour l'instant mais… » La joue du survivant tiqua et il leva le regard pour accrocher le sien « Hermione, je vais avoir besoin de ton aide »

Je suis couché et mes yeux sont grands ouverts en direction de l'horloge. J'ai ma baguette dans la main. Le sort de Lumos est juste assez fort pour me permettre de distinguer les aiguilles. Je regarde les minutes s'écouler : je fais des paris avec moi-même contre le temps.

Avant la demie, il va arriver.

J'en suis certain. D'ailleurs, je mets mon pardon en gage. S'il me contacte dans ce laps de temps, je ne lui demanderais aucune explication.

Evidemment la demie est dépassée depuis longtemps quand je décide d'un nouveau défi.

Et bien puisqu'il ne vient pas, je vais arriver à complètement l'oublier avant que l'heure ne sonne. J'entends mon cœur tambouriner dans mes tympans, marquant le rythme des secondes, me susurrant de me dépêcher de neutraliser chaque souvenir.

C'est l'heure et… j'ai encore perdu.

Puisque je ne peux pas effacer mes sentiments et qu'il ne veut pas arriver, qu'est-ce qu'il me reste à faire ?

Attendre.

Attendre.

Encore… Je l'ai déjà tellement attendu par le passé…

Dès le début…

Après notre « rencontre » en boîte de nuit nous avions passé plusieurs jours enfermés dans l'appartement… Mais quand il était finalement sorti, je ne l'avais plus revu pendant un long moment. Il n'avait pas jugé bon de me donner son adresse de hibou, bien sûr.

Bon sang, je me souviens, j'étais vraiment exaspéré qu'il me plante comme cela. Et en fait c'est une histoire de chance si l'on s'est à nouveau rencontré.

Ah, je peux dire que j'avais sauté sur l'occasion alors… Remarque si je me souviens bien, lui aussi !

En fait, c'est vraiment là que l'attente a commencé. Le jeu de l'horloge par la même occasion. Viendra ? Viendra pas ? Je me demandais chaque nuit si monsieur daignerait transplaner chez moi.

Et jamais je n'avais pu lui refuser ce qu'il attendait de moi…Un séducteur imparable… J'avais toujours accepté, même lorsqu'il venait éméché par l'alcool, même lorsqu'il venait en portant encore le parfum d'autres…

Que je lui dise que je voulais que l'on se voie plus souvent ? Il me répondait que le quotidien tuerait tout ce qui faisait l'exceptionnel de nos moments. Que je lui reproche ses autres partenaires ? Il soufflait que j'aurais dû être heureux qu'il retourne sans cesse à mes côtés. Parce qu'il ne revenait jamais que vers moi… Seulement moi… Et je m'étais accroché à cette idée comme un désespéré.

Draco Malfoy, bâtard manipulateur en chef du crétinisme abyssal de Ron Weasley, voilà comment cette époque pourrait être résumée…

J'éteins la lumière du bout de ma baguette, je la pose sur ma table de nuit et me retourne sur le lit. J'attrape un coussin et l'étreins bêtement comme le ferait une collégienne. J'étouffe, j'enrage contre le tissu.

« Quand je t'ai posé l'ultimatum d'une vraie relation, tu t'es barré Draco ! Comme le Serpentard que tu es, comme un lâche ! Mais t'as fini par revenir… Pourquoi tu reviens pas cette fois-ci… »

Bordel, ça y est, je chiale et je parle à quelqu'un qui n'est pas là, je crois qu'on ne peut pas faire plus pathétique !

Mais… quand je repense à ça… je me dis qu'il va peut-être revenir aussi cette fois-ci… Il a dû flipper pour l'emménagement comme il avait flippé pour une vraie relation, c'est tout, il lui faut du temps…

Peut-être…

J'y crois…

Ca ne peut pas être fini, hein…

Et merde… Voilà que je pleure encore plus… J'enfonce ma tête plus profondément dans l'oreiller, je supporte pas d'entendre mes propres sanglots.

Je pleure parce que je sais.

Je sais pourquoi tu ne reviendras pas cette fois, Draco.

Ce souvenir… Il faut que je le revoie.

J'attrape aussitôt la pensine qui traîne sous le matelas. D'habitude elle est plutôt dédiée aux commémorations salaces mais elle va enfin me servir pour quelque chose de sérieux. A la pointe de la baguette, je tire rapidement de mon crâne la mémoire de cette scène en la forme d'un long fil argenté. Je veux le revoir, l'entendre me le dire à nouveau… Je plonge mon visage dans la bassine et je me fais aspirer vers le souvenir…

Le décor change brusquement et je nous vois, nous deux, passant ensemble avec maladresse le seuil de l'appartement. On sourit, on est collé l'un contre l'autre des pieds aux lèvres, on manque de se vautrer quand je trébuche sur le paillasson. La porte n'est pas encore refermée que les caresses se font moins timides et bientôt les rires étouffés se transforment en soupirs, en gémissements.

C'est si irréel de le voir, de l'entendre… Bouche bée, je regarde et j'ai l'impression de me retrouver devant le miroir de Risèd plutôt que dans un de mes souvenirs. Tout est là de ce que je souhaite sincèrement : lui, heureux, ne désirant que moi… Il y a même mon vieux pull élimé aux couleurs des Canons. Il y a tout, sauf la consistance lorsque je tends la main et que la vision se brouille à cause du contact.

Je regarde et ma gorge se noue, parce qu'on atterrit finalement contre un mur de la pièce, parce que mes doigts gourds de désir et d'empressement pétrissent son dos plus qu'ils ne caressent, parce que lui se cambre trop, pour être près, tout près de moi.

Je sens les larmes couler silencieusement et je renifle en regardant la course de mes mains constellées de tâches de rousseur dans ses cheveux, sur sa nuque, sur ses fesses, maltraitant le tissu encombrant qui les recouvre. Je cligne des yeux et ma bouche s'étire en une grimace douloureuse quand je vois la langue rose du blond attaquer la peau de mon cou.

C'est lorsque le son de ma propre voix dans le souvenir me fait sursauter que je réagis enfin. Je ne suis pas venu dans cette pensine pour m'offrir le plaisir maso de contempler le bonheur passé ! Je suis là pour entendre ce qu'il avait dit.

« Alors tu es vraiment revenu pour moi ? Pour nous deux ? C'est sérieux ?

- Oui ma belette, je t'ai dit que j'avais pris ma décision… »

Je me retourne, je m'accroupis sur le sol, j'écoute et je ne nous regarde plus. C'est déjà assez difficile d'entendre les froissements des vêtements et les respirations si lourdes. Je ne veux pas voir la suite.

« Attends avant de m'embrasser, mmmhh… Je dois encore te dire un truc…

- Draco, tu vas me le dire à genoux ?

- Je suis sûr d'avoir toute ton attention comme ça ! »

Secoué malgré moi par un rire saumâtre, je me fais la terrible réflexion que, même dans les pires ou les meilleurs moments, même en existant que dans un simple souvenir, Draco reste toujours égal à lui-même… et que je l'aime comme ça…

« Tu vois Ron, je sais que tu es plutôt satisfait que j'aie décidé de devenir ton « petit copain » à part entière… Oh très satisfait même apparemment, héhé…

- Mmm…

- Mais tu vois… Si un jour je préfère quelqu'un d'autre à toi, je te larguerai aussi sec…

- Pardon !

- Non je ne te tromperai pas, pas la peine de me repousser d'un coup ! Aieuh ! J'accepte en toute bonne conscience que tu deviennes mon seul amant ! Mon petit copain à part entière, j'ai dit ! Je ne serais pas là, sinon !

- Promis ?

- Oui, je promets ! …Rhaaa, arrête ces gros yeux ! Oui je le jure ! Tu vas me laisser finir, oui ? »

Les bruits deviennent plus que suspects… Si je n'étais pas venu là pour écouter ce qu'il m'avait dit alors, je me boucherais les oreilles. Quelle torture… Je me tiens la tête dans les mains, je ravale un sanglot.

Non, pas encore, je dois tenir.

« Bon ! Je disais donc… Voyons voir… Mmmhhh… Non, c'est pas ça que je disais…. Mmmnnn… Non pas ça non plus… Mmmmnnnhh… Non, c'est pas ça, non…

- Oh bon sang, arrête de parler et continue !

- Ron ! Ne m'appuie pas sur le crâne ! Très bien, je me tais… »

Je coupe ma respiration… C'est maintenant que…

« …mais avant, retiens bien ceci Ronald Weasley : si on est ensemble toi et moi, c'est pour le SEXE. Et rien que ça ! Si jamais l'un de nous deux en venait à aimer l'autre…

- Fous-toi de ma gueule…

- Oh, je crois que tu saisis l'ironie que j'ai mise dans le « nous deux »… En tous cas cet amour-là ne lui donnerait AUCUN droit sur l'autre ! Aucun ! Jamais ! J'espère que je me suis bien fait comprendre car je ne le répèterai pas !

- T'inquiète pas, j'ai compris espèce de sale égoïste sans co… Oooh oui, Draco ! »

Je m'extirpe de la pensine le plus vite possible, je m'écrase contre le lit, j'agrippe les couvertures, les yeux hagards, la bile dans la gorge.

J'ai… affreusement mal.

Il m'avait prévenu, il m'avait prévenu et j'ai tout fait foirer.

C'est ma faute… C'est allé trop loin pour lui…

Il m'avait prévenu…

T'as jamais voulu tout ça, Draco, jamais…

Pas d'emménagement, pas de vie de couple, surtout pas « d'officiel » pour nous deux…

Tu me l'avais dit mais…

Mais pourquoi t'as pas compris qu'avec ou sans ton amour, moi, je voulais juste rester avec toi ? Pourquoi tu m'as fait la promesse si tu ne le voulais pas ?

Je pleure, je pleure, et toute la nuit je me demande pourquoi… Et…

Je me demande aussi…

S'il pense quand même un peu à moi.


Note de l'auteur :

Triste n'est-il pas ? La suite arrivera prochainement :)