Merci à Kimblette pour la reprise des corrections :D
Bonne lecture!
Chapitre 3 : Escapades
Le réveil à bord du paquebot de rêve fut difficile pour Raiponce Corona ce matin-là. Elle n'avait pas fermé l'œil de la nuit. Hantée par son désespoir, sa solitude, son avenir brisé. Elle avait mal de perdre son amie, mal de subir les colères de sa mère, mal de devoir épouser un être qu'elle abhorrait… Elle aurait bien voulu rester dans son lit, pour toujours.
Mais elle fut contrainte de se lever bien malgré elle. Des cernes jusqu'en bas des yeux, elle s'étira et contempla longuement la vue depuis sa fenêtre. L'eau était si calme, le soleil si doux sur sa peau. Elle prit l'air sur son pont privé pour se recharger en énergie positive avant que Cassandra ne lui demande de se préparer. La blonde s'enferma à nouveau dans ses vêtements serrés avant que sa dame de compagnie ne lui fasse un beau maquillage. Elle fit tout pour cacher son air pâle et déprimé. Elle devait à tout prix éviter que Gothel ne pique une autre crise, pour elle et surtout pour Raiponce. Car elle avait bien remarqué les marques de doigts sur son bras, sous l'étole en lin. Elle connaissait ses méthodes.
Sans échanger un seul mot ni un seul regard, les deux filles se rendirent dans la salle centrale pour rejoindre les autres. Astoria semblait de bonne humeur entourée de ses amies. Elles parlaient potins. Les ragots allaient bon train sur les autres femmes et les pauvres. La rengaine habituelle. Cassandra et les frères Stabbington partirent déjeuner dans une salle pour les domestiques tandis que Pitch invita sa belle pour un déjeuner en tête à tête sur leur terrasse privée. Ne pouvant refuser la blonde se retrouva seule à seul avec lui, mal à l'aise.
- Avez-vous bien dormi, ma belle princesse ?
- Comme un bébé, mentit-elle en buvant son thé chaud.
Il la jaugea avant d'approuver. Le maquillage avait fait son petit effet.
- Fort bien, moi j'ai passé une agréable nuit même si votre présence me manquait.
Il appuya son regard, elle détourna les yeux vers ses tartines sans un mot. Il reprit.
- Vous avoir à mes côtés serait pour moi un grand honneur. Surtout ici, sur le grand Titanic. Imaginez la nuit de rêve, un souvenir impérissable pour nos futurs enfants.
A l'évocation d'enfants, la blonde s'étouffa discrètement dans un mouchoir. Il sourit de tant de pudeur. Elle avala son morceau de pain avec lenteur.
- Mais, mon cher, normalement il est interdit de passer une nuit hors mariage. Il vous faudra patienter jusqu'en Amérique, se sauva-t-elle.
- Il est vrai que c'est la coutume… grimaça Pitch contrarié. Enfin, tôt ou tard nous pourrons profiter de nos soirées rien que tous les deux.
Pitch posa la main sur la sienne. Il sentit aussitôt le recul et appuya plus fort pour l'agripper. Il la fixa avec le regard de celui qui possédait et qui ne laisserait jamais sa proie s'enfuir. Raiponce se laissa faire, n'osant pas le regarder dans les yeux. Il lui sourit avec cet air qu'elle détestait le plus. Celui d'un prédateur, celui d'un amoureux transi qui jouait avec elle. Ils finirent ainsi leur petit-déjeuner avant qu'il ne se lève pour la prendre tout contre lui. Il posa un doigt sur ses lèvres et les attrapa sans qu'elle ne puisse redire quoi que ce soit.
Ce baiser l'écœura. Elle sentit des frissons de dégout lui parcourir le dos. Ce n'était pourtant qu'un simple baiser. Mais elle n'arrivait pas à apprécier l'instant. Elle détestait cette sensation. Ce n'était pas comme avant, pas comme les premiers baisers qu'elle avait connus en tant qu'adolescente. Il n'y avait aucune passion, aucune envie, juste une paire de lèvres qui osait agripper les siennes. Quand la langue arriva, Raiponce lui mordit par reflexe. Surpris, Pitch se recula, en se tenant la bouche.
- Ne recommence plus jamais ça ! Tonna-t-il de son regard noir.
Il lui prit violemment le poignet et plongea ses prunelles dans les siennes.
- Je ne sais pas quand ça rentrera dans ton petit crâne mais TU ES à moi. Tu es MA fiancée ! Je t'interdis de me défier ou de me repousser tu m'entends !
Il commença à la secouer. Raiponce se mit à trembler.
- J'ai compris ! J'ai compris ! Excusez-moi, par pitié !
Il la relâcha et elle s'étala sur le sol. D'un soupir il rajusta sa veste noire et la regarda de haut.
- Bien. J'espère que vous avez compris votre place. Maintenant, allons rejoindre votre mère.
Replaçant ses cheveux gominés, Pitch regarda sa future femme se relever avant qu'il ne la prenne par le bras pour la diriger vers le salon. Astoria les attendait avec ses amies, une ombrelle en guise de pare-soleil.
- Votre fille est intenable, ass3na Pitch qui sentait encore le goût du sang dans sa bouche.
- Et je m'en excuse, répliqua la belle-mère les yeux remplis de fureur. Mais elle va bien se tenir, hein, RAIPONCE ?
- Oui mère, je… je m'excuse pour mon comportement insolent envers mon fiancé.
- J'espère bien oui.
Cassandra était tout proche d'eux, elle se tendit. Les yeux de glace de son employeur étaient mauvais signe.
Pitch en profita pour murmurer à sa future belle-mère :
- Si vous tenez vraiment à mon argent et à la vie qui va avec, il va falloir qu'elle se dévoue à moi, sinon, vous pourrez faire une croix dessus, menaça-t-il.
- Elle vous obéira, je vous le promets. Peu importe si vous la violentez ou la prenez de force, elle est tout à vous.
- Je vois qu'on se comprend, sourit-il.
La femme lui sourit en retour avant de prendre la blonde par le bras et de l'approcher d'elle.
- Je ne suis pas sûre que tu es bien compris l'enjeu qui pèse sur toi. Sur nous deux. Vais-je encore devoir te le rappeler ?
- Non mère, j'ai compris… Je sais ce que je dois faire. Je sais où est ma place.
- … Il y a intérêt. Car tu sais, ma fille, j'ai de quoi te faire passer l'envie de te rebeller une nouvelle fois.
Gothel appuya dans son dos en serrant sur la peau de sa belle-fille. Les larmes aux yeux, Raiponce retint son cri tandis que son épiderme se tordit sous les doigts de la marâtre. Elle pinça du plus fort qu'elle le put, deux, trois fois.
Une fois qu'elle fut sûre de la dévotion de Raiponce, Astoria reprit contenance et retourna avec ses amies pour la promenade du matin. De son air narquois, Pitch prit part à la conversation des hommes et Raiponce les suivit, comme un pantin sans âme. Cassandra voulut la rassurer mais un regard vers Gothel la contraint à se retenir. Elle se mordit la lèvre jusqu'au sang pour rester à sa place pendant que sa meilleure amie marchait sans un mot.
Dans ces moments-là, Raiponce s'évadait dans ses souvenirs. Avec son père qu'elle aimait tant. Dans son joyeux passé avec Cassandra à jouer comme des folles toute la journée, entre les leçons des tuteurs et les soirées pyjamas. Elle se rappelait de ses après-midis d'été à la ville où elle s'amusait avec des jeunes de son âge au bord de l'eau ou dans en forêt. Elle aurait tout donné pour retourner à cette époque. Avant que le drame n'arrive et que son père disparaisse, la laissant seule aux prises avec sa belle-mère qui avait tout à coup changé de visage. Oh comme il lui manquait, son papounet adoré. Fichue maladie…
Toute à ses pensées, Raiponce remarqua que les chiens de première classe descendaient se faire promener chez les troisièmes classes. Ils urinaient et déféquaient là-bas. Outrée, la blonde revint sur terre. Certes les déchets étaient nettoyés après mais le principe même l'écœurait. Elle ne comprenait pas cette odieuse différence entre les riches et les pauvres. Son père ne l'avait pas éduquée ainsi. Bien au contraire il avait toujours prôné l'égalité et le respect envers tout être humain. Cela allait de sens pour elle. Tout le monde était égal. Pourquoi ces différences ? Pourquoi cette haine ? Cela la dépassait tout simplement. Le comportement des nobles, de sa mère, de Pitch envers les autres. Elle détestait ça.
Ses yeux se posèrent longuement vers les pauvres gens plus bas. Elle enviait leur simplicité et leur joie de vivre. Ce qu'elle rêvait de descendre là tout de suite. Une idée émergea. Une idée folle. Elle s'effondra alors sur le sol, tout de suite rejointe par Cassandra.
- Mademoiselle !
La troupe se retourna vers elle. Pitch se rapprocha.
- Vous allez bien, ma chère et tendre ?
- Je … J'ai eu un vertige. Je me sens un peu… étourdie, mentit-elle sans remords.
Elle se tint le ventre et se mit à trembler. Les nobles eurent faussement de la peine pour elle, lui offrant des mots de réconfort. Pitch la redressa et lui toucha le front.
- Peut-être avez-vous besoin d'un peu de repos. Ce matin a été un peu houleux j'en conviens.
- Oui je me sens faible, je vais aller m'allonger jusqu'au déjeuner, je m'excuse de vous laisser ainsi.
- Ce n'est pas grave, se radoucit Pitch devant l'air mielleux de sa promise. Reprenez des forces, * il murmura * je m'excuse pour vous avoir autant malmenée ce matin. Mais comprenez-moi, je vous aime tellement.
- Je… comprends, susurra-t-elle à son tour.
Puis elle lui posa un petit baiser sur la joue avant de s'en aller en s'excusant à nouveau. Pitch se mit à sourire de cette victoire et Astoria s'en félicita. Ils reprirent leur route de bonne humeur tandis que Raiponce fit semblant d'aller se coucher.
Cassandra put se reposer dans sa chambre à son tour en se livrant à un de ses passe-temps secret préféré, « l'entrainement à l'épée ». Elle admirait les talents des épéistes aussi utilisait-elle ses couteaux fétiches pour s'entrainer en se prenant pour une guerrière, ce qui, pour une femme, était impossible à concevoir en temps normal.
Raiponce la vit faire et en profita pour lui voler une robe du dimanche et un bandeau pour se changer en deuxième classe. Discrètement, elle décida de fuir par la fenêtre de sa chambrée avant de se dépêcher de rejoindre la grille. Elle savait qu'elle risquait gros… Elle savait qu'elle subirait un châtiment pire que la mort si on la voyait mais là, tout de suite, elle avait besoin de s'échapper ne serait-ce que quelques minutes, de sa condition. Juste respirer. Voir ce qu'elle n'aurait jamais. Au moins une fois. Car les pensées noires, lancinantes, continuaient de la poursuivre.
Arrivée devant la grille, un portier la dévisagea et lui ouvrit pour qu'elle rejoigne – de ce qu'il pensait – sa vraie place. Il ne savait pas comment elle avait atterri ici mais était content de la renvoyer plus bas. Raiponce jubilait intérieurement de son déguisement. Une simple robe bleu pâle avec un foulard floral sur les cheveux faisait l'affaire. Pieds nus, il allait de soi pour elle, elle se rendit enfin sur le pont inférieur. Libérée d'un poids elle se mit à virevolter sur elle-même en dansant sur place. Quelques enfants la rejoignirent pour danser aussi et elle se mit à rire avec eux. Elle les prit par les bras et fit la folle. Elle ne s'était plus amusée autant depuis son enfance et cela lui fit pousser des ailes.
Toute folle elle partit à la découverte du paquebot, montant sur les barrières, sautant sur des plateformes de bois. Elle respirait à pleins poumons et monta sur un cordage pour regarder l'horizon. Puis elle se rendit dans les bas-fonds du bateau pour admirer les cabines des autres classes, les salles, les gens qui y vivaient. Beaucoup lui sourirent et la saluèrent comme une amie. Elle se sentait à sa place ici. Délivrée.
En remontant sur le pont après sa promenade des salles inférieures, elle vit au loin ses proches qui s'étaient arrêtés sous un porche pour fumer et commérer. Elle se surprit à leur tirer la langue avant de rire et de retourner à son exploration. Elle se rendit vers le devant du bateau où elle monta sur une barrière pour profiter de la brise. Elle en détacha ses cheveux, les laissant librement se laisser porter.
- C'est dangereux de monter sur les barrières, vous savez ?
La blonde tourna ses prunelles émeraudes vers son interlocuteur qui souriait. Elle le regarda avec profondeur. Il s'avança vers elle pour se poser sur le rebord, intimidé dans son regard, incapable de détacher ses yeux d'elle.
- Je vous dis ça parce qu'hier on m'a reproché de l'avoir fait, rit-il timidement.
Raiponce lui sourit à son tour. Le fameux jeune homme argenté qu'elle admirait de loin… Son cœur commençait à s'emballer tout seul. Elle descendit lentement des grilles tandis qu'il ne cessait de la regarder.
Quelques minutes plus tôt, Jack l'avait aperçue alors qu'il vagabondait sur le pont en pensant à sa sœur. Il l'avait tout de suite reconnue. Ses cheveux, sa beauté, son innocence. Il n'aurait jamais pu passer à côté de son ange blond. Et elle était encore plus belle de près ! Si belle qu'il l'avait admirée pendant cinq minutes avant d'oser lui adresser la parole. Cela était plus fort que lui, il devait lui parler, au moins une fois ! C'était sa chance, sûrement la seule d'ailleurs. Il ne comprenait pas ce qu'elle faisait là ni pourquoi elle portait des vêtements de basse condition mais il s'en fichait. Elle était là. C'est tout ce qui comptait à ses yeux !
Son ange avait un air doux sur le visage en cet instant, un air qui lui allait bien mieux que la veille. Elle ouvrit alors la bouche et sa voix, sybillique, l'envoutait déjà :
- Vous avez raison, je suis souvent imprudente ! C'est dans ma nature. Mais, dites-moi, nous nous sommes déjà vus, n'est-ce pas ?
Elle souriait en se penchant un peu vers lui, les mains dans le dos, l'air malicieux. Il rougissait sans s'en rendre compte, absorbé. Elle venait de lui parler. Dans son cerveau c'était l'alerte rouge ! Il explosait ! Surtout qu'elle se rappelait de lui, quel miracle ! Après un long silence de détresse il reprit la parole, l'air joueur à son tour pour tenir le change.
- Je crois oui. Mais vous aviez plus de hauteur les deux dernières fois.
Elle rit dans sa main, il la suivit. Un étrange regard fut échangé, plein de timidité, de nervosité mais aussi d'un étrange sentiment de gentillesse partagée. Raiponce se retourna vers la mer, les yeux brillants.
- Vous savez donc que je suis une lady. Je ne pourrais pas le cacher en votre présence. Mais, ne vous formalisez pas je vous en conjure, je… Je préfère être traitée comme une femme normale. S'il vous plaít.
Jack se posa à son tour sur la barrière, la regardant en biais. Son cœur était si heureux, il frappait fort dans sa poitrine. Il discutait avec elle et elle était encore plus incroyable qu'il n'y pensait. Elle se fichait des classes ! Qui l'aurait-cru d'une telle princesse ?
- Je ne comptais pas vous traiter différemment des autres, répondit-il calmement, le vent s'engouffrant dans ses cheveux clairs. Je suis plutôt surpris que ce soit vous qui… heum… qui me parliez normalement. A moi, un pauvre sans le sou.
Elle tourna ses prunelles sur lui, un sourire en coin.
- Pour moi tout le monde est égal. Je me fiche bien du reste.
Jack resta sans voix, partagé entre crier de joie ou hurler d'euphorie. Il garda contenance malgré tout avant de la contempler à nouveau et de sourire de plus belle.
- Vous ne portez pas de chaussures ? Taquina-t-il. Voilà un fait bien étrange. Je pensais être le seul fou qui adorait marcher pieds nus.
- Oh, tiens, je n'avais pas fait attention, dit-elle en fixant les pieds de son interlocuteur. En effet je préfère sentir le sol sous mes pieds. Surtout la nature. J'adore la nature !
- Moi aussi, avoua Jack, ému. Attendez, venez !
- Comment ?
Il la tira aussitôt par la main. Raiponce se laissa entrainer en riant et le suivit alors qu'ils montaient vers la proue du paquebot. Elle avait tout à coup l'impression de voler. Accrochée à cette main pâle qu'elle n'avait pas envie de lâcher contrairement à celle de Pitch. Jack la guida vers le bord et l'invita à monter sur la barrière. Elle s'exécuta tandis qu'il pointait l'océan du doigt. Elle se pencha pour regarder et les vit. Des dauphins ! Ils sautaient en suivant le bateau, effectuant des roulades gracieuses vers eux.
Raiponce eut les yeux qui s'écarquillèrent de joie et hurla en les désignant. Jack fut fier de son petit effet alors qu'il les avait contemplés ce matin après le petit déjeuner.
- C'est là qu'ils se réunissent à ce que j'ai remarqué et ils adorent suivre l'élan du bateau. Regardez !
Deux dauphins soufflèrent de l'eau par leurs narines avant de sauter comme des torpilles dans un cri qui leur était propre.
- C'est splendide ! Ils sont trop beaux !
Heureuse, la jeune femme se pencha plus en avant. Jack la retint en effleurant son ventre qui le rendit toute chose. Elle ne s'en était même pas aperçu tant elle s'amusait. Ses yeux brillaient de bonheur.
- Merci infiniment ! Euh… Je ne connais même pas votre nom…
Elle se releva en admirant son nouvel ami s'asseoir sur la barrière avec son bâton en main.
- Jack Frost ! Appelez-moi juste Jack. Et… vous ?
- Enchantée, Jack. Moi c'est Raiponce Corona.
- Raiponce… C'est la première fois que j'entends un tel prénom, il est… magnifique.
Il détourna les yeux, gêné par son aveu. Raiponce apprécia sa franchise et sa simplicité. Elle s'assit à son tour en face de lui, les yeux posés vers l'horizon infini baigné d'un soleil brillant faisant miroiter la surface. La brise envoûtait ses cheveux comme des fils d'or. Il ne pouvait détacher ses yeux de ce spectacle.
- Je vous remercie du compliment, Jack. Je… Mon prénom provient d'une fleur rare. Une fleur qui est utilisée en médecine pour soigner les malades. C'est mon père qui me l'a donné quand ma mère est morte en couches. Il m'a dit que j'étais son remède contre la douleur et que ma tendre maman aurait voulu que j'ai le nom d'une fleur.
- Ils ont eu raison, cela vous va à ravir. Je suis cependant triste d'apprendre que votre mère n'est plus.
Les yeux de la jeune femme se remplirent de peine. Il s'en voulut aussitôt mais elle sembla bien le prendre et continua de lui sourire.
- Mon père aussi est mort quand j'avais une douzaine d'années. De maladie. Je… Je suis orpheline. Je vis uniquement avec ma belle-mère. Une horrible femme, avoua-t-elle.
- Oh mais c'est horrible… Je compatis… Moi aussi je suis orphelin. Il ne me reste que ma petite sœur mais nous avons grandi séparément.
- Ah bon ? Vous aussi ?! Me voilà moins seule !
- Entièrement d'accord, approuva Jack d'un sourire naturel. Je ne pensais pas que vous étiez comme moi.
- Si ce n'est pas indiscret… De quoi sont décédés vos parents ?
- Accident de voiture… Nous étions en route pour les montagnes quand nous avons glissé et sommes sortis de la route. Je ne me souviens plus trop de mon âge mais Emma, ma petite sœur, était encore très jeune. Nous avons atterri sur un lac gelé et… Il s'est brisé sous notre poids.
- C'est tout bonnement affreux !
Raiponce était sincèrement affligée par son récit. Elle se sentit tout à coup très compatissante et beaucoup moins seule à souffrir. Il reprit en hochant la tête.
- Je me souviens assez peu de ce qui s'est passé. C'était si rapide. Mon père et ma mère nous ont sortis de la voiture et nous ont aidés à remonter à la surface. J'étais gelé… J'ai cru mourir, je me débattais pour survivre mais j'avais Emma à côté de moi, alors, je l'ai prise dans mes bras et j'ai tout fait pour la sauver. On s'en est sortis mais, nos parents ne sont jamais remontés… Et nous avons attendu de l'aide… pendant plusieurs heures.
Raiponce se rapprocha et posa une main sur la sienne pour apporter son réconfort. Il fut surpris, les traits rougissants. Il inspira pour ignorer les larmes qui voulaient sortir et reprit son sourire.
- Un passé pas joyeux mais c'est comme ça. Je vais justement retrouver ma sœur en Amérique. J'ai enfin retrouvé sa trace et je désire plus que tout la revoir !
- J'espère sincèrement que vous la retrouverez !
Ils se regardèrent et avant qu'elle ne puisse rajouter quelque chose, des trompettes sonnèrent tout près d'eux. L'annonce du repas. Raiponce se releva d'un coup.
- Oh non ! Déjà midi ?! Il faut que je rentre avant qu'ils ne s'aperçoivent de mon absence !
Elle partait déjà. Jack courut derrière elle en l'interpellant.
- Attendez ! Attendez ! Je…, on peut se revoir ?
Elle se stoppa, moitié paniquée, moitié intéressée.
- Je ne sais pas… Je n'ai pas le droit de venir sur ce pont. Ce pourquoi je suis déguisée de la sorte. Vous savez je ne suis pas libre de faire ce que je veux là-haut…
- Ah bon ?!… Mince alors. J'aurais bien aimé qu'on puisse discuter encore un peu plus. Surtout que cette après-midi, le bateau s'arrête en France pour une heure. On aurait pu aller visiter…
Le cerveau de Raiponce salivait déjà d'envie ! Voyager était un de ses péchés mignons. Elle adorait découvrir de nouvelles choses. Mais depuis la mort de son père, elle n'avait plus jamais quitté le domaine… C'était tellement tentant.
- Je vais essayer, mais je ne vous promets rien.
Elle se retourna pour aller vers la grille avant de se stopper à nouveau. Elle regarda son nouvel ami et lui sourit.
- J'ai été très heureuse de faire votre connaissance, Jack. J'espère moi aussi vous revoir.
Puis elle partit en courant dans une dernière gerbe de lumière dorée offerte par les rayons du soleil sur ses cheveux d'ange. Echappant au Steward qui croyait qu'une inférieure tentait de passer en force.
Jack resta probablement une bonne quinzaine de minutes à ne plus bouger. Il n'en croyait toujours pas ses yeux ni ses oreilles. Assis sur une cale, il se mit à contempler le ciel, le cœur infatigable qui frappait fort contre sa poitrine. Elle était tellement… incroyable. Ils avaient beaucoup en commun de surcroît. Il n'en revenait pas. Elle hantait ses pensées et il en vint à prier le ciel pour qu'elle puisse le rejoindre une nouvelle fois. Il voulait la revoir !
- Mais où étais-tu passée ?! Hurla Cassandra qui agrippa Raiponce dans un couloir. Je t'ai cherchée partout ! Mon dieu s'ils venaient à apprendre que tu t'étais vêtue ainsi ! TU ES FOLLE !
Raiponce se fit ramener dans la cabine et changer par sa dame de compagnie. La blonde était sur son nuage et n'entendait pas les reproches de Cassandra.
- Je viens de passer un instant des plus merveilleux, balança la comtesse d'un air béat. Depuis tellement longtemps je n'avais pas été aussi heureuse. Même si ca n'a duré qu'un court moment, même si ca ne se reproduit plus j'ai ressenti de la joie. C'était magique !
Cassandra qui terminait de coiffer sa maîtresse stoppa ses reproches. Elle la regarda de plus près. Elle brillait de mille feux. Depuis quand ne l'avait-elle pas vue ainsi ? Depuis Eugène probablement… Elle reposa la brosse et s'assit à ses côtés.
- Qu'as-tu fait ? Demanda-t-elle tendrement.
Raiponce ne put s'empêcher de lui raconter son escapade dans les ponts inférieurs et la rencontre avec ce Jack Frost qu'elle avait déjà aperçu hier. Cassandra était partagée entre la joie ultime de voir Raiponce ainsi et l'horreur de ce qui les attendaient si Astoria ou Pitch apprenait la vérité.
- Raiponce, tu n'aurais jamais dû faire ça ! Sermonna-t-elle. Mais… Je suis contente que tu… Que vous ayez été heureuse.
La blonde regarda son amie qui semblait confuse, profondément partagée par une immense douleur. Une légère panique l'envahit d'où elle prit les mains de Cassandra et la regarda avec profondeur.
- Je t'en prie, Cass', ne dit rien à ma mère par pitié !
- Non ! Bien sûr que non ! Je ne pourrais jamais faire ça…
- Pourtant hier tu…
Cassandra se releva, balayant les mots d'un geste de la main.
- Ce sont des menaces. Juste des menaces, avoua-t-elle. Je ne veux que ton bonheur tu le sais.
- Mais alors pourquoi tu m'abandonnes si tu veux que je sois heureuse ? Pourquoi tu es comme ça aujourd'hui… ? Alors que je souffre le martyre !
La dame de compagnie secoua la tête, bouche cousue. Elle ne pouvait pas parler, elle ne le devait pas ! Raiponce ne comprenait rien mais préféra abdiquer. Elle n'obtiendrait rien d'elle, elle la connaissait très têtue.
- Si tu ne veux rien me dire tant pis mais sache-le, je compte le revoir. Je compte retourner en bas.
- TU N'ES PAS BIEN ! Une fois passe mais deux ! Tu vas… NON, nous allons avoir de graves ennuis !
- Je préfère tenter le coup que de me laisser mourir à petit feu. Ce sera probablement la dernière fois que je vivrais. Laisse-moi juste encore quelques minutes de bonheur. Une fois mariée je… ce sera terminé.
- Bon sang, Raip' ! C'est n'importe quoi !
L'utilisation de son ancien surnom fit sourire la blonde qui implora du regard. Cassandra s'en tirait les cheveux.
- Tu ne me rends pas la tâche facile ! Grogna son amie. Très bien je t'aiderai mais… Si ca finit par se savoir… Tu pourras dire adieu à ce qu'il te reste de liberté. Et moi avec.
- Je sais… Je sais mais c'est plus fort que moi…
Cassandra se massa le front, désabusée. Comment lui refuser ça ? Elle ne le pouvait pas. La discussion prit fin quand Astoria et Pitch arrivèrent. La bonne mine de Raiponce les rassura et la blonde retourna dans le monde de la noblesse. Son air joyeux fit plaisir à son fiancé qui fut surpris de ne pas la voir le repousser quand il la serra contre lui. Elle devait avoir compris le message et il en fut fort satisfait. La jeune femme dîna, toujours dans le plus grand des silences, mais son esprit était ailleurs. Probablement déjà avec Jack et sa future virée en France. Elle ne savait pas comment elle allait réussi à s'enfuir mais elle ferait tout pour le rejoindre ! Elle le devait même si cela lui coûtait la vie.
Jack Frost contempla la photo de sa famille sur sa couchette, le cœur toujours festif. Il parla à ses parents dans un murmure. Leur racontant ce qui lui était arrivé de bien. Avoir pensé à nouveau à leur mort lui avait fait tout drôle mais il s'était un peu libéré en se confiant. Il espérait que c'était pareil pour son ange blond qui devait souffrir de la perte de ses parents. Elle avait aussi mentionné une horrible belle-mère, elle n'était pas gâtée. Cela expliquait sûrement son état d'hier…
Soudain, il se rappela le beau gosse gominé qui était avec elle. Était-elle mariée? Il ne le savait pas mais… il sentait qu'elle n'était pas libre et qu'il s'emballait tout seul pour rien. Sa joie redescendit mais pas assez pour le miner. Il gardait de l'espoir dans son cœur. Tout comme le fait de revoir sa sœur, il ne vivait plus que pour ça. L'espoir de jours meilleurs.
D'un coup de fouet intérieur, Jack se releva pour aller déjeuner avant de se laver et de se préparer à descendre du bateau. Il priait tellement qu'il s'en donnait mal à la tête. Allait-il la revoir ? Allait-elle venir ? Impatient, il tourna en rond alors que le bateau s'approchait de la côte. Il en profita pour regarder le Titanic amerrir à Cherbourg, grande ville portuaire de France. La deuxième étape du bateau avec de nouveaux arrivants à embarquer.
Les passerelles furent posées, les premiers passagers montèrent tandis que d'autres descendirent voir la ville. Jack regardait de tous les côtés pour la voir. Elle n'arriva pas. Il fit grise mine et se dit que ce matin était peut-être la seule fois où il la verrait. Accoudé aux barrières il fit rouler son bâton dans ses mains, triste. Il s'était fait un peu trop d'idées. Il le regrettait. Au bout de dix minutes, il abandonna et se mit à prendre la passerelle des deuxièmes classes.
- Jack ! Attendez-moi !
Essoufflée, la blonde arriva et regonfla d'espoir le cœur du jeune homme qui sentait des larmes de bonheur monter en lui. L'ange se stoppa pour reprendre son souffle. Elle était habillée comme ce matin mais avait un sac violet sur les épaules.
- Désolée du retard, j'ai eu du mal à m'enfuir. Il a fallu que j'invente une excuse bidon sur le besoin de dessiner en paix. En espérant que Cassandra imite bien mon style…
- Vous dessinez ? Se surprit à dire Jack.
- Oui ! J'adore cela.
- J'adorerai voir vos œuvres, avoua ce dernier d'un sourire en coin.
- Je… Je les prendrai la prochaine fois, rougit-elle un peu. Bon, on y va !
Elle sautillait comme une enfant d'où Jack l'admira encore plus et l'accompagna dans sa joie. Elle se sentait tellement bien qu'il ne la juge pas pour ça. Et lui qu'elle ne lui dise jamais rien sur son apparence et son statut.
D'un regard déjà complice, Jack s'amusa à lui tendre la main comme un gentleman.
- Milady, la France vous attend.
Elle rit de ce petit jeu et lui offrit sa main. Ils descendirent ainsi alors qu'elle lui montra comment les nobles se tenaient par les bras et il s'exécuta.
Elle revivait, il revivait.
Et Cassandra, au loin, les regardait, en espérant du plus profond de son cœur que jamais Pitch ne l'apprendrait…
Raiponce joue à un jeu dangereux n'est ce pas? :P
Mais elle est si heureuse que ca se comprend totalement!
N'hésitez pas à laisser un petit commentaire que je puise avoir votre avis * - *
