Voilà la suite dont je me régale à écrire!
J'espère que vous prendrez autant de plaisir à la lire :D
Bonne lecture!
Chapitre 4 : Je veux vous connaitre
Le port de Cherbourg était vaste, presque infini aux yeux de Jack et Raiponce. Ni l'un ni l'autre n'y avaient jamais mis les pieds, ou tout du moins, Jack ne s'en souvenait pas si c'était le cas. Vagabond, il en avait vu des lieux, des places animées. Et pourtant, à chaque fois il s'émerveillait de tout et de rien. A chaque nouvelle ville il redevenait comme un enfant devant ses paquets cadeaux de Noël. Son cœur bondissait de joie, de curiosité et ses yeux filaient de droite à gauche sur tout ce qui pouvait être vu.
En tournant la tête vers son ange, le jeune homme se rendit compte que Raiponce était dans un état similaire si ce n'est encore pire que lui. Était-ce seulement possible ? Il n'en croyait pas ses yeux ! Elle rayonnait, avide de toutes ces nouveautés, le sourire grand, l'air ahuri. Il la trouvait encore plus belle…
- Par où commençons-nous, Jack ? Sautillait-elle comme une folle.
- Où le vent nous portera !
Il avança en même temps que ses mots, emportant dans son sillage sa jeune lady enjouée. Ils admirèrent ainsi, bras-dessus bras-dessous, le quai et ses centaines de bateaux qui s'y entassaient en ballotant lentement sur l'eau calme. Pointant du doigt les navires et leur capitaine, Raiponce s'exaltait en posant mille et une questions ensuivies de remarques sur ce qu'elle connaissait. Jack lui répondait quand il le pouvait et fut heureux d'apprendre à son tour de nouvelles choses. Ils se complétaient l'un l'autre dans leurs connaissances. Au fur et à mesure de leur avancée, les voiliers furent plus sommaires, mis à part des grands navires de luxe dont on apercevait le Titanic depuis leur position pourtant fort lointaine.
Raiponce aimait autant les petits que les grands bateaux. Jack se laissait rêver à emprunter l'une de ses embarcations pour s'enfuir loin avec sa belle blonde, la kidnappant pour lui tout seul. Cette pensée le fit frémir de plaisir avant qu'il ne revienne sur terre. Ils avaient atteint le bout du port où ancres et cordages laissèrent place à l'infini horizon de l'océan Atlantique.
Toujours liés l'un à l'autre par les bras, ils admirèrent avec émerveillement la vue et le balai des mouettes chasseuses de poisson. Leur cri et le goût du sel leur chatouillaient les oreilles et les narines avec délice. Comblés, ils se rendirent ensuite dans la ville qui fourmillait de vie. Entre les trains à vapeurs, les calèches, les voiturettes et la populace, Cherbourg était remplie d'activité. Raiponce admira les cireurs de chaussures où Jack lui avoua avoir souvent fait ce petit job pour remplir son estomac. Elle trouva cela admirable.
Ils se rendirent ensuite dans les boutiques pour voir les produits locaux. Du poisson pour la plupart mais aussi des vêtements, des bijoux, des meubles ainsi que des pâtisseries Françaises que Raiponce acheta pour eux avant de les dévorer sur une terrasse de café. Les deux jeunes avaient l'impression de vivre un rêve éveillé en contemplant le lieu où ils évoluaient seule à seul. Jack était si nerveux qu'il en perdait souvent ses mots mais n'étaient-ils pas futiles en cet instant ? Il préférait la regarder s'amuser. Oublier un instant qu'il n'avait pas un sou pour la contenter et avait dû se faire acheter à manger. Bien que son ego était au plus bas et que la honte lui tordait le cœur, il respirait de bonheur. Elle était là, avec lui, à se promener dans une ville inconnue. Et elle brillait pour lui.
Une question lui brûlait malgré tous les lèvres qu'il retint avec force. Il voyait la bague. Il ne voulait pas la regarder mais c'était plus fort que lui ! Elle était énorme sur son annulaire gauche, en forme de couronne avec des diamants partout dont un rouge en son centre qui luisait sous la lumière du jour. Fiancée ou mariée ? Il ne savait pas bien la différence… Lui, jamais il n'aurait pu lui acheter une aussi belle. Il déglutit.
- Tout va bien, Jack ?
De son petit air inquiet, Raiponce pencha la tête sur le côté. Le cœur de Jack rata quelques battements avant de lui sourire.
- Vous n'imaginez pas comme je suis bien, répondit-il avec le cœur.
- Moi aussi, dit-elle timidement en terminant son thé aux fruits rouges.
Jack joua avec son bâton qu'il avait emporté avant de s'intéresser un peu plus à son ange.
C'était l'occasion rêvée de reprendre la conversation interrompue plus tôt ce matin-là.
- Alors comme ça, vous n'avez pas le droit de sortir dans les ponts inférieurs ? Pourquoi ?
Raiponce soupira en le regardant dans les yeux.
- Vous n'êtes guère familier des premières classes mais sachez une chose, ils détestent les pauvres. Ils détestent tout ce qui se rapproche de près ou de loin à la misère. Ils se prennent pour des êtres supérieurs, des dieux. Ces gens-là ne vivent que pour l'argent, le luxe et le paraitre. Ils ne s'intéressent à RIEN d'autre. Absolument rien. Pour eux, vous n'êtes que des fourmis qui alimentent leur vie. Vous pourriez toujours les supplier en demandant un peu d'eau la plupart riraient en buvant devant vous. Oh, certains auraient pitié mais ce serait juste pour gonfler leur égo. Voilà le monde dans lequel je vis. Que j'exècre au plus haut point. De ce fait, vous pensez bien que ma belle-mère, un exemple parfait de ce mode de vie, refuse que je m'en approche.
Jack hocha la tête. Il n'était pas dupe mais il n'avait pas imaginé que c'était à ce point. Cela le dégoûtait.
- Je vois. Alors vous êtes une exception à la règle ? lui sourit-il en biais.
Elle lui rendit son sourire.
- Peut-être ? Qui sait, d'autres vivent probablement le même enfer que moi. Mais, nous n'avons pas un mot à dire. Nous subissons, c'est tout.
- Mais… Si cela ne vous plait pas. Pourquoi ne pas partir ? Laissez tomber votre belle-mère. En plus, j'ai cru comprendre que vous ne l'appréciez pas beaucoup.
- C'est compliqué. Plus compliqué qu'il n'y parait. Et puis, toute ma jeunesse j'ai grandi avec une amie que je ne veux pas quitter. Je ne veux pas non plus quitter les souvenirs de mes parents dont ma belle-mère s'occupe. Et je… je n'ai pas le courage de partir. Où irais-je ? Que ferais-je ? Je n'ai personne à qui me raccrocher. Je suis complétement seule. A la dérive.
Ses yeux tristes et suppliants brisèrent le cœur de Jack. Il se pencha un peu vers elle.
- Si vous voulez, venez avec moi en Amérique. Moi je ne vous laisserai jamais tomber.
Il était sérieux et elle le regarda avec un air étrange. Il se reprit aussitôt en riant.
- Ah, je sais, c'est stupide, excusez-moi. Un parfait inconnu, pauvre en plus, qui ose vous dire ça. Oubliez !
Elle ne répondit rien et une gêne s'installa. La blonde semblait très triste. Elle pointa alors le bâton de Jack du doigt pour ralimenter la conversation et changer de sujet.
- Vous vous promenez toujours avec ceci. Que représente-t-il pour vous ?
- C'est le dernier cadeau de ma petite sœur. Avant le drame elle me l'avait gravé. Jamais je ne m'en séparerais ! Pas pour tout l'or du monde.
Il souriait tendrement, cela réchauffa le cœur de la blonde.
- Quelle beau souvenir… Dit-elle vaguement. Parlez-moi un peu de votre sœur. Comment est-elle ? Pourquoi vit-elle en Amérique ? Je veux tout savoir !
Jack sembla fort ravi de son attention. Il se leva pour l'inviter à reprendre leur visite et il reprit la parole avec nostalgie.
- Emma… C'était une petite bouille d'amour. Elle était gentille, vive et très souriante à l'époque. Aujourd'hui, je ne sais pas ce qu'elle est devenue. Peut-être belle et gracieuse ? Je l'espère. Qu'elle n'a pas vécu comme moi, qu'elle a un foyer où passer ses jours et ses nuits. Avec l'amour d'une mère et d'un père adoptif. Ce serait mon plus beau rêve. Ah, que je l'aimais ma petite pile électrique.
La blonde admira ses traits doux et tristes à la fois. Perdue entre la peine et la nostalgie, elle connaissait plus que bien ce sentiment. Qu'il était bon de pouvoir le partager avec quelqu'un.
- Je l'espère aussi, réagit-elle avec douceur. Pourquoi avez-vous été séparés ?
- Celui qui a adopté Emma ne voulait pas de moi. Mon apparence devait le repousser. Les futurs parents sont en droit de séparer les familles, s'ils le veulent, moyennant finance. Le jour où Emma est partie… Je n'ai pas pu lui dire au revoir. Ça s'est passé si vite, elle m'avait laissé son bâton sur le lit et… l'homme l'avait tout de suite emmenée quand je me suis réveillé. Où ? Je ne l'ai jamais su. Jusqu'à aujourd'hui, après des années de recherches.
- Comment ? Fut impressionnée la blonde.
Jack sembla réticent à en parler. Elle insista du regard et il osa lui confier son secret bien que la honte le rongeait. La vérité était trop facile à dire à cet ange ! Elle ne le jugeait jamais…
- J'ai volé les documents de l'orphelinat où on avait été placés et j'ai vu le nom de l'adoptant et l'adresse où il l'avait emmené. Bien entendu, ce n'est peut-être plus d'actualité mais c'est tout ce que j'ai…
Raiponce n'aimait guère les voleurs, mais parfois elle comprenait le geste. Ce fut le cas cette fois-ci où elle appuya un peu plus sur la main de son guide touristique. Une part de ses pensées dérivant vers un autre voleur qu'elle avait connu autrefois.
- Je pense que j'aurai fait pareil à votre place, avoua-t-elle avec chaleur. Il est triste que cet orphelinat ne vous les ait pas donnés eux-mêmes. Les avez-vous au moins demandés ?
Elle lui fit un petit regard désapprobateur. Il se gratta la nuque et hocha la tête.
- Oui. Mais ils disaient que le secret professionnel le leur interdisait. Sauf que c'était faux. Ils me détestaient, c'est tout. Comme toutes les familles d'accueil que j'ai eu.
- Mais pourquoi ?!
- Mon apparence. Mes problèmes de peau… tout ça. J'étais un paria. Un être bizarre qui ne rentrait pas dans le moule de la société. Balloté de droite à gauche pendant des années.
Il relâcha le bras de son ange, beaucoup trop honteux pour continuer. « Je ne suis qu'un raté », pensait-il avec douleur. « Un minable. Un déchet de la société dont elle doit avoir pitié !».
- Moi je vous trouve très beau ! Ces personnes étaient stupides de faire une différence. Au contraire d'ailleurs, vous êtes un homme unique, spécial ! Absolument fabuleux et avec un grand cœur !
Il la fixa dans les yeux et elle se rendit compte de ce qu'elle venait de dire. Ses joues s'empourprèrent et elle détourna ses prunelles de l'autre côté, gênée. Jack se mit à sourire bêtement en regardant ses pieds alors qu'ils continuaient de marcher dans les allées vivantes de marchands et d'odeur de poisson frais.
- Je… Merci, répliqua-t-il simplement.
Un silence s'installa recouvert par les cris des vendeurs à la sauvette. Raiponce le regardait en biais, admirant sa peau couleur lait et ses attributs clairsemés.
- Je ne voudrai pas me montrer impolie, reprit-elle en se raclant la gorge. Mais, je me demandais pourquoi vous aviez justement… ah, comment dire cela poliment ?
- Le corps, les yeux et les cheveux clairs ?
- Oui…
- Je suis un Albinos. Mon corps ne produit pas ce qu'il faut pour faire de la couleur, et donc de la protection, ce qui me rend vulnérable à la chaleur comme l'était ma maman. Heureusement pour elle, Emma n'était pas comme ça.
- Ah oui je l'ai lu dans un livre ! Le soleil vous brûle la peau, c'est cela?
- Tout à fait. A contrario j'ai toujours vécu dans le froid et je le supporte super bien. Enfin, jusqu'à une certaine limite.
- C'est ce que je me disais. Brrrr, moi j'ai bien du mal avec le froid !
Raiponce avait bien remarqué qu'il ne tremblait pas alors que le vent soufflait sur eux depuis leur descente tandis qu'elle-même cachait ses frissons dans son petit châle. Sur ce point ils n'étaient malheureusement pas en phase car elle était plutôt frileuse… Mais, cela ne lui posa étrangement aucun soucis.
- Ca n'a pas dû être facile à vivre, conclut-elle les yeux perdus vers le ciel. Je vous trouve vraiment fort Jack.
- Fort ? En quoi ?
- En tout. Même malgré ce que vous venez de me raconter, vous respirez la joie et la liberté. Vous prenez votre destin en main quoiqu'il arrive. Même seul, à la rue, loin du seul être cher qui vous manque… Je vous admire.
Jack fut coupé dans son élan par le tintement du bateau qui prévenait les promeneurs de revenir sous peine de partir sans eux. Les cheminées crachèrent à s'en décrocher les cordes métalliques pour résonner le plus loin possible.
- Déjà …? Je n'ai pas vu le temps passer, soupira la blonde.
Elle repensa à ses propres problèmes qui allaient ressurgir. A côté de Jack elle se trouvait faible… Absolument pathétique.
- Dépêchons-nous de rentrer! Pressa le jeune homme. On pourra remettre ça au prochain arrêt. J'ai cru entendre parler d'une autre escale avant la traversée.
Il lui tendit sa main, presque par réflexe, avant de la retirer. Raiponce lui sourit en tendant son bras qu'il reprit contre lui.
- Je serai enchantée de découvrir notre prochaine destination ensemble.
- Et moi de vous y emmener.
Ils se sourirent avec une grande timidité dans le regard. Le souffle frais du vent accompagna leur retour où Raiponce se blottit un peu contre Jack, recherchant de la chaleur. Il se tendit, aussi heureux que nerveux.
Ils laissèrent derrière eux l'animation de la ville et ses boutiques avant de rejoindre les passerelles et de remonter anonymement parmi la foule des deuxièmes classes. La blonde se dissimula en baissant la tête quand elle aperçut Pitch qui regardait la montée des passagers sur son perchoir. Elle s'éclipsa avec Jack qui avait bien aperçu, du coin de l'œil, le fameux beau-gosse gominé. Ils se retrouvèrent alors devant la porte séparant les classes. Raiponce devait à tout prix rentrer avant qu'ils ne s'aperçoivent de sa disparition.
- J'ai passé un formidable moment, Jack ! Merci pour tout !
Elle lui donna un petit paquet qui surprit le jeune homme. Elle l'avait acheté quand ? Il ne l'avait pas vue faire !
- C'est…
- Merci, vraiment ! J'espère que cela vous plaira, dit-elle en se triturant les doigts. Je… je serai ravi de recommencer demain, si je le peux.
Jack avait peur que ce soit un adieu, il le sentait au fond de lui. Ses tripes se nouèrent. Se quitter comme ça lui serait insupportable.
- Je vous attendrai aussi longtemps qu'il le faudra, dit-il d'un ton presque suppliant. Et c'est à moi de vous remercier. Vous m'avez écouté déblatérer sur mon passé durant tout notre trajet. J'espère ne pas avoir été trop insipide.
Il rit maladroitement. Raiponce rit à son tour dans sa main.
- Au contraire, j'ai vraiment aimé apprendre à vous connaitre. Cela me fait relativiser.
- J'aimerai bien en savoir un peu plus de vous aussi, déclara-t-il sans pouvoir le retenir.
- … Peut-être demain, dit-elle d'un air malicieux avant de rentrer sur son pont en montrant au portier qui elle était car il refusait qu'elle passe.
Jack la regarda partir le cœur serré. Il se mordit la lèvre. Il aurait tellement aimé la suivre. Mais il n'en avait pas le droit alors, il se retourna et flâna un peu parmi ses amis de basses conditions. Il regarda à nouveau en l'air et se dit tout à coup… « Oui, je n'ai pas le droit, et alors ? Je ne respecte pas toujours les règles, non ? ». Sur un coup de tête, Jack prit une décision qui l'amusa.
Cassandra vit revenir son amie avec soulagement. Pitch avait voulu la voir et elle avait dû prétexter un repos puis une douche soudaine pour la couvrir. Deux mensonges qui, bien que dits avec crédibilité, semblaient rendre l'homme suspicieux. Il aimait avoir sa princesse tout près de lui. Et lorsqu'elle disparaissait si longtemps, son instinct possessif reprenait le dessus. C'est dans cet état d'esprit qu'il s'était mis à cogiter, marchant de long en large sur le pont des classes supérieures. Quelque chose le perturbait avec sa belle. Bien que calme en apparence, Pitch s'impatientait d'attendre que Raiponce le rejoigne comme demandé à la « boniche ». Il contemplait le nouveau départ quand elle réapparut, toute apprêtée et souriante. Son cœur se relâcha et il sourit à son tour.
Sa promise avait dû se rhabiller en quatrième vitesse en se couvrant de parfum pour cacher l'odeur de poisson qu'elle dégageait. Cassandra avait tout fait pour la réintégrer aux premières classes avant de l'envoyer fissa rejoindre son fiancé. Cachant son essoufflement, Raiponce s'installa à ses côtés alors qu'il se mit à lui caresser la joue.
- Ma belle, vous avez été absente presque toute l'après-midi. Je me languissais de vous revoir.
Raiponce grogna intérieurement. Ce pot de colle…
- A peine deux ou trois heures. J'ai fini de dessiner ce que je voulais. Vous voulez voir ?
- Pas la peine, je sais que vous avez du talent. Oh, peut-être que la prochaine fois je pourrai servir de modèle ? Vous en pensez quoi ? Pour notre mariage par exemple, on pourrait l'afficher sur les murs de la salle !
Sa fiancée ne l'avait pas vu venir quoique soulagée qu'il ait refusé de voir ses œuvres. Le dernier en date de Cassandra était, il fallait le dire, plutôt laid. La pauvre n'avait pas la fibre artistique.
- Pourquoi pas, nous verrons cela dans votre demeure.
- J'en ai l'eau à la bouche.
Pitch prit sa belle contre lui avant de lui poser un baiser sur la joue. Elle lui sourit faussement et s'accrocha à lui pour le tromper. Elle commençait à bien s'en sortir avec ses manipulations et s'en félicita. Elle se dit que tout irait bien finalement. Que peut-être elle pourrait mener une double vie à l'avenir ?
Non loin de là, Cassandra en soupira de soulagement. Au même moment une main se posa sur elle qui la fit sursauter. Elle se retourna sur sa patronne qui posait ses yeux glacés sur elle avec un air étrange. La servante déglutit.
- On dirait que Raiponce a un peu changé, déclara Gothel, calmement. Je ne sais pas ce que tu lui as fait mais c'est en bonne voie. Pour une fois, je suis fière de toi, Cassandra.
Rassurée, les épaules de la jeune femme se détendirent. Astoria semblait heureuse et c'était toujours bon signe. Enfin… Si elle savait la vérité, ce sourire soudain se transformerait vite en déchainement de haine sur sa personne. Mais ça… Elle espérait que ça ne se produirait jamais.
Aussi, une vague de terreur longea sa colonne vertébrale jusqu'à ses joues quand Astoria lui pressa l'épaule d'un air maternel avant de suivre le couple dans un sourire de triomphe. Un mauvais pressentiment la fit frissonner de haut en bas. Terrifiée par la femme qui se baladait nonchalamment devant elle. Elle ne devait surtout pas découvrir la vérité !
Jack Frost attendit que la lune se lève comme il aimait tant la voir. Il dina rapidement et prit son paquet cadeau pour l'ouvrir là où il avait rencontré Raiponce le matin même. Ses yeux se posèrent sur un collier en forme de croissant de lune qui brillait d'un bleu pâle couleur dragée. Des pierres blanches étaient incrustées à l'intérieur comme si la lune elle-même scintillait d'argent. Les prunelles azur clair de Jack se mirent à vibrer. Il adorait la lune, comment diable l'avait-elle su ?
Songeur, il se rappela qu'elle l'avait vu la veille alors qu'il fixait cet astre et qu'il avait, plusieurs fois durant leur virée, fait mention de celle-ci lorsqu'il regardait les babioles dans les vitrines. Elle avait été perspicace car il ne le lui avait jamais dit directement. Jack n'entendit alors plus que le son de son cœur qui tambourinait. Il était déjà fou d'elle… Pourtant il savait qu'elle était prise et qu'il ne la reverrait plus jamais une fois le Titanic accosté.
Mais c'était plus fort que lui. Il était beaucoup trop épris, beaucoup trop passionné par elle. Il se détestait car au fond il allait souffrir de tout ça… Il était tiraillé entre son cœur et sa raison, et, l'envie de hurler le prit. Il serra le collier avec force, ayant envie de pleurer. Il devait tout arrêter maintenant, avant que son cœur n'explose à New York… Non… NON ! Il ne le pouvait pas… Il devait la revoir ! Autant qu'il le pouvait. Quitte à en souffrir ! Et même s'il se trouvait aussi pathétique qu'un chien errant quémandant sa pitance, il accrocha le collier autour de son cou et se mit en route pour le pont supérieur. L'air déterminé.
Arrivé sous les ponts privés, Jack inspira et expira pour se donner du courage. Il toucha le collier en forme de croissant de lune et se mit à sourire bêtement. Ce serait encore un cadeau qu'il ne vendrait pour rien au monde. Même si cela lui rapporterait gros, il ne le ferait jamais ! Ce serait son deuxième trésor.
Tout à ses pensées, Jack se mit en route. Tout comme il avait volé l'orphelinat et bien d'autres personnes pour survivre, le vagabond grimpa sur les tuyaux et parois du Titanic. Agile, rapide, discret, Jack se hissa de tout son poids vers les barreaux rutilants avant de se glisser chez les nobles. La nuit avait couvert ses acrobaties tandis qu'il se glissa furtivement derrière un divan de soie rouge recouvert d'or. Personne en vue à part quelques promeneurs du soir qui susurraient entre eux. La première partie de son plan s'était plutôt bien déroulée.
* OUAF OUAF *
Jack sursauta. Un chien lui fonçait dessus en grognant. Presque tétanisé il se faufila plus loin vers un renfoncement entre un gros tuyau et une paroi d'acier. Il était coincé et hésita à grimper sur la toiture du Titanic quand le chien s'arrêta à cause de la laisse. Sa maitresse le disputa, passant son chemin sans le voir. Jack tremblait avant de soupirer de soulagement. C'était passé à deux doigts. Il entendait encore le chien aboyer au loin avant qu'il ne s'arrête brusquement. Surpris, le vagabond tendit le cou pour regarder le caniche se prendre un coup de pied par le maitre. Choqué, Jack le regarda se faire disputer par le noble qui le tirait par les oreilles alors qu'il jappait de terreur.
Si son sang ne fit qu'un tour, Jack se retint d'aller lui flanquer une rouste pour son acte de maltraitance envers son animal de compagnie. Il remarqua alors, en reprenant sa route, que tous les chiens présent ne bougeaient pas d'un poil. Ils le regardaient mais se taisaient pour la plupart ou se faisaient reprendre pour d'autres qui tiraient sur les laisses comme des buffles. C'était horrible pour le jeune homme qui adorait les animaux.
- Concentre-toi, tu n'es pas venu ici pour ça, déglutit-il en un murmure.
Une porte ouverte, Jack se glissa à l'intérieur comme un serpent. Il se précipita derrière une plante en observant les alentours. Il était clairement dans un autre monde. Il y avait tellement de dorure qu'il dut plisser les yeux avant que ses prunelles ne s'habituent à autant de brillance. Les beaux costumes, les robes, les bijoux. Jack enviait ceux qui passaient ou plutôt se pavanaient les bras collés les uns aux autres. Mais ce qui impressionna le jeune homme fut l'étrange silence qui régnait ici. Dans les ponts inférieurs on riait, on criait, on parlait à haute voix. Ici, tout n'était que murmures et pas chaloupés.
- Un autre monde, susurra-il circonspect.
Il reprit alors sa route, évitant de justesse quelques regards de la part de nobles qui passaient par là. Il chercha Raiponce dans les couloirs et les grandes pièces. Où pouvait-elle être ? Probablement encore au diner. Il se mit à suivre un couple étrange avec un vieil homme et une jeune femme ayant à peine la trentaine qui se rendaient justement au restaurant. Voir l'homme de quatre-vingts ans embrasser du bout des lèvres sa… femme ? Il en eut un geste de dégoût. L'écart d'âge ne l'avait jamais dérangé mais là… Il aurait presque pu être son grand père, ce qui ne semblait guère étonner les autres bourgeois.
Arrivé dans la vaste salle en dôme, Jack retint un cri d'ébahissement. C'était la plus belle pièce qu'il n'avait jamais vu. Il se laissa un instant porter par ses émotions avant de se reprendre. Il s'approcha d'un serveur qui passait par là et lui donna un puissant coup de bâton sur la tête. L'homme n'eut pas le temps de crier qu'il s'effondra tout net dans les vapes.
- Désolé mon vieux, j'ai besoin de tes vêtements !
Légèrement honteux il le mit en sous vêtement avant de le cacher dans un placard non loin de là et s'habilla en parfait petit serveur. Il en profita pour tirer ses cheveux en arrière avant de pénétrer dans la salle. Deux portiers le regardèrent du coin de l'œil, perplexe. Il leur sourit et entra, le cœur battant à la chamade. S'il se faisait prendre il aurait de graves ennuis ! Il devait faire vite avant que l'autre ne se réveille.
Jack souffla et prit un plateau pour se mêler à la foule assisse. Il se sentait si petit dans ce lieu, comme un cafard qui pénétrait dans une maison. Par chance, personne ne porta attention à lui à part deux trois curieux qui le pointaient du doigt. Sa foutue apparence, encore et toujours ! Il espérait que cela ne lui jouerait pas des tours…
Nerveux au possible, Jack servit une table qui l'avait appelé pour prendre du champagne. Il fit son possible pour paraitre crédible avant de servir un autre groupe qui riait sur les pauvres juste à côté de lui. Ils parlaient de leur maladie contagieuse et de leur horreur à les approcher. Un comble, pensait-il, alors qu'il les servait. Il en eut un rictus malicieux quand soudain, ses yeux se posèrent sur elle. Il la reconnut facilement. Elle brillait plus que les autres. Pour lui en tout cas.
Il s'approcha et la détailla avec un regard tendre. Elle portait une robe mauve fastueuse et rutilante. Aussitôt, son cœur fondit de joie et il resta là à la regarder, dans un petit coin caché, à l'abri des regards entre les feuilles d'un oiseau du paradis. Oh son regard changea bien vite. Il passa de la tendresse à la peine quand il remarqua son visage. Fermé, dur, mort. Où était passé la jeune femme qu'il avait vue plus tôt? Il crut voir sa jumelle déprimée, comme hier. Un tel changement lui bloqua la respiration.
Raiponce se tenait droite et dinait en silence sans bouger – Elle qui était pourtant si agitée, pensa-t-il-, écoutant une femme ricaner et parler de sa nouvelle future paire d'escarpins qui allait la rendre encore plus belle. Jack l'entendit alors qu'il s'avançait lentement vers eux. Il vit alors le gominé qui essuyait sa bouche avec délicatesse avant de parler politique avec les autres hommes. Jack se stoppa et faillit en lâcher son plateau quand il vit la main de l'homme se glisser sous la table, sur la cuisse de Raiponce. La jalousie le broya en mille morceaux. Qu'avait-il cru ?
Il voulut faire demi-tour avant de voir Raiponce repousser sa main et lui murmurer quelque chose. Le regard du gominé sembla s'assombrir et il releva encore plus la robe pour y glisser sa paume et la défier du regard. Raiponce semblait tétanisée. Son sourire, plus faux était impossible, semblait implorer pitié. L'homme susurra à son tour et Raiponce fut forcée d'écarter les cuisses pour qu'il remonte un peu plus. Ce spectacle rendit Jack fou de rage. Était-il en train de la forcer ? De la souiller ? Elle, la pureté incarnée ? Ou alors il se faisait des idées…
Il ne savait pas trop et n'eut guère le temps d'y réfléchir. Plusieurs Stewards entrèrent dans la salle avec le regard mauvais. Il devait s'en aller au plus vite et avait repéré au loin la fenêtre entre ouverte qui lui fit une sortie rapide vers l'extérieur. Il s'enfuit à toutes jambes, le cœur douloureux. Mais il n'avait pas encore envie de repartir, il voulait en voir plus, la comprendre plus !
Il fit alors rapidement le tour des cabines, toujours déguisé en majordome. Il ne savait pas comment trouver sa chambre mais chercha, encore et encore. Regardant par les vitres il trouva son bonheur en reconnaissant la robe du dimanche que portait la blonde plus tôt. Elle était posé nonchalamment sur le lit, en vrac. Le foulard y était aussi. Bingo ! Se dit-il.
Il se cala alors tout contre la paroi et attendit.
Après quelques minutes, elle arriva. Elle n'était pas seule. Une femme l'accompagnait, sa domestique vu son costume. Cheveux noirs en bataille, yeux sombres, mine basse… Raiponce se dépêcha de ranger ses affaires de deuxième classe sous le lit quand une dame n'entre. Elle semblait… glaciale. Elle parla à Raiponce mais Jack n'entendit rien depuis sa position. Ce qu'il vit en revanche lui coupa le souffle quand il passa son petit nez par la fenêtre. Elle lui agrippait le bras avec force et la tirait à elle, la tenant à quelques centimètres de son visage. Elle semblait… il ne savait pas trop ? La menacer ? L'enguirlander ? Elle avait une aura terrifiante qui fit frissonner Jack. Était-ce la fameuse belle-mère ?
Soudain, Jack croisa une paire d'yeux et se cacha. Il avait été vu ! Il retenta quelques secondes après et le regard avait disparu. Il devait vite partir d'ici ! Mais… il regarda encore un peu son ange. La dame glaciale était partie, et elle se coiffait les cheveux en silence, seule devant son miroir. Elle… Elle semblait totalement vide. Comme morte. Il détesta la voir comme ça. Elle était l'inverse de ce qu'il avait vu ce midi… Son antithèse complète. Se mordant la lèvre il voulut frapper sur le carreau et lui parler mais résista à la tentation.
Puis, alors qu'il allait partir, son regard se posa sur son dos qu'elle dénuda. Il en eut le souffle coupé. Ses yeux s'écartèrent d'horreur et il mordit son poing pour ne pas hurler. Il aperçut des traces violacées tout le long de sa colonne vertébrale et sur ses bras. Des traces de coups…
- Voyeur !
Jack sursauta et se mit à courir. La personne qui le suivit courut, à sa grande surprise, encore plus vite que lui et lui barra la route alors qu'il allait sauter vers le pont inférieur quitte à se casser une jambe. Elle le fixait avec profondeur puis s'approcha avant de le coincer contre un mur de métal.
- Jack Frost, c'est bien ça ?
- Je… balbutia-t-il complétement perdu.
- Oui, c'est forcément toi. Je te reconnais. Tu ne passes pas inaperçu. Avec tes cheveux clairs et ta peau pâle. * elle marqua une pause puis reprit en le menaçant d'un couteau sur sa gorge* Je ne sais pas comment tu as réussi à monter jusqu'ici mais… tu ne dois JAMAIS recommencer. Tu m'entends ! Si tu reviens je te plante la nuque !
Tétanisé, Jack avala sa salive avant de lever les mains en l'air
- D'accord, d'accord, je promets de ne plus recommencer ! Je… Je voulais juste…
- Je sais ce que tu voulais mais c'est non. Ta belle tu ne la reverras plus, c'est compris ? Demain je ne la couvrirais pas une seconde fois ! C'est trop dangereux. Tu comprends ça ? Je risque ma peau ! Et elle aussi ! Alors si tu veux son bonheur, ne refais plus jamais ça.
La femme se détacha, prête à partir mais Jack lui attrapa le bras. Elle fut surprise et se bloqua.
- Ses bleus… Ça vient de sa belle-mère ou de lui ?
Il avait un regard noir tout à coup, presque aux bord des larmes. La domestique se détacha d'un coup sec.
- Cela ne te regarde pas…
- Tu en as aussi.
Il remarqua sous son menton une marque étrange, toute fraiche. Cassandra serra les dents et lui agrippa son polaire.
- Arrête ! Ne t'immisce pas dans nos vies ! Tu le regretterais !
Il vit ses yeux. Les mêmes que Raiponce. Remplis de détresse. Alors, il ne se démonta pas et la fixa bien en face.
- Je refuse de la laisser tomber si elle souffre. Je… Je la connais à peine c'est vrai mais… Je tiens à son sourire et à sa bonne humeur. Elle est comme un rayon de soleil. Je déteste la voir comme ça c'est plus fort que moi ! Et… Je déteste la lueur que je vois dans tes yeux !
Elle le relâcha et se recula, perplexe, tout à coup hésitante.
- Je ne sais pas qui tu es mais… si tu veux prendre soin de Raiponce tu dois la protéger. VRAIMENT la protéger. Demain, je la reverrai coûte que coûte. Même si tu veux me trancher la gorge !
Il monta sur les barrières, sans la moindre hésitation, puis se mit à descendre. Il l'entendit alors lui hurler.
- Cassandra. Je m'appelle Cassandra. Et je… Je t'en supplie… Sauve-la, cria-t-elle en lâchant quelques larmes.
La touffe de cheveux noirs disparut aussitôt laissant un Jack empli de doutes cogiter sur place. Il fronça les sourcils et toucha son nouveau collier. Il devait à tout prix la revoir à Queenstone et lui parler…
Il voulait la comprendre.
Mais surtout, il ne voulait pas la voir perdre son si beau sourire !
Raiponce et Jack apprennent à se connaitre durant leurs escapades.
Mais jusqu'à quand cela pourra t'il continuer ? :P
