Je vous souhaite une bonne lecture :3
Chapitre 5 : Solitude et Adieux
Des cernes comme des valises sous les yeux, Jack se réveilla aux alentours de midi, ce douze avril.
Tout embrumé par son nouveau rêve il se tourna vers la photo d'Emma qu'il avait accrochée sur un barreau de son lit. Il se plongea dans son visage enfantin, se demandant à quoi elle ressemblait aujourd'hui. Agité par les souvenirs de ce fameux accident, des flash-back remontaient de temps à autre pendant ses nuits…
… Aujourd'hui, dans son rêve, il se rappelait. Les yeux mi-clos, rougis de fatigue et de larmes.
Sa mère. Ses derniers mots. Elle serrait Emma et Jack tout contre elle alors que la voiture sombrait dans l'eau gelée du lac. La lumière disparaissait, offrant des ombres comme seule compagnie tout autour d'eux, les dévorant de peur. Sa petite sœur hurlait, pleurait, s'agrippait à leur mère dont il avait oublié le nom… Jack tremblait, tétanisé, les yeux grands ouverts. Leur père, anonyme lui aussi, frappait contre la vitre pour les faire sortir. Alors, d'une main plus calme que la situation le voulait, leur mère leur avait caressé la tête. Jack, yeux dans les yeux, l'avait fixée. Et alors elle leur avait dit…
« Tout va bien, ne vous en faites pas ! On va se sortir de là, je vous le promets ! Je vous protègerais ! On va rentrer chez nous, tous ensemble ! Je suis là, faites-moi confiance ! »
Puis la vitre s'était brisée. Puis la mère avait crié. Le père avait pris Jack par la main.
« Prends ta sœur, bats des jambes ! Surtout ne t'arrête pas ! BATS JUSQU'A LA LUMIERE, MON FILS ! JE CROIS EN TOI ! »
Tout était allé si vite. Jack avait été agrippé par son père et sa mère qui le poussaient vers la surface pour contrer l'aspiration de la voiture. Il sentait leur poids contre lui, il sentait leurs mains l'empoigner avec une force surhumaine. Lui tenait la petite main d'Emma qui retenait sa respiration, tout comme lui. Alors il nageait, nageait, encore et encore, de toutes ses forces malgré le froid mordant qui le tétanisait.
Soudain, le poids disparu. Jack avait perdu la chaleur de leurs mains, de leur amour. Il était seul avec Emma, désespéré ! Il montait toujours ! Il le devait ! Puis, la délivrance, l'air entrant dans les poumons, la morsure du vent sur ses joues. Il grelotta et regarda Emma crier de terreur, s'accrochant à lui comme à une bouée de sauvetage. Seuls, au milieu de ce lac. Sonné, Jack avait nagé jusqu'à la rive gelée en trainant sa sœur, incapable de dire autre chose que « ça va aller, ça va aller ». Et puis, tombant sur la neige il avait fixé le lac, longtemps, trop longtemps… Il avait compris. Ils ne reviendraient pas…
Les lèvres tremblantes, Jack se souleva, essuyant ses yeux avec force. Pourquoi maintenant ? Pourquoi ce souvenir aussi précisément de tout ça ? Il pensait qu'il avait tout refoulé… Mais sa discussion de la veille avait ranimé le passé. Elle avait fait remonter tellement de choses en lui, tellement de sensations, de douleur… Il aurait voulu tout effacer de sa tête !
Accablé, Jack se ressaisit en voyant l'heure sur l'horloge de la cabine. De son hublot il voyait l'eau, toute proche, qui dansait calmement contre la coque. Un frisson le parcourut l'espace d'un instant. Mais, il était sur le Titanic, l'insubmersible, et, il avait un objectif en tête ! Il revint au présent et décida de tout mettre dans un côté de sa tête, de porter tous ses espoirs sur Emma en Amérique. Remis sur pied, Jack se lava, s'habilla et déjeuna avec un cœur de plomb. Entre son rêve et ce qu'il avait vu la veille chez les nobles, il avait perdu toute sa joie de vivre.
- Raiponce…, susurra-t-il.
Il désirait tellement l'aider. Elle et cette Cassandra aussi. Mais que pouvait-il faire à son niveau ? Rien, comme d'habitude, comme toujours. Il était inutile, incapable de sauver qui que ce soit. Broyant du noir, seul à sa table, Jack se laissa envahir par le doute. Sans sa sœur il aurait… Comme par le passé… Oui, il l'aurait sûrement fait. L'acte fatal, l'acte interdit. Il se sentait si seul dans la vie.
Déprimé, Jack remonta à la surface, inspirant l'air marin avec force. Sa détermination de la veille n'avait pas changée et il reprit courage en contemplant la haute société, vers les cieux. Il toucha doucement le collier en forme de lune avant de s'approcher des barrières et de voir au loin les courbes de L'Irlande apparaitre. Lui était peut-être triste mais elle, son ange, devait être heureuse !
Il priait pour la revoir.
Elle avait rêvé de lui toute la nuit.
Incapable d'ôter Jack de son esprit, Raiponce repensait en boucle à sa virée à Cherbourg. Le bras doux de son compagnon de route contre le sien. Son sourire indéfectible d'une gentillesse sincère. Son regard clair à la profondeur enivrante. Elle sentait des papillons dans son ventre quand elle y repensait… Ses joues se chauffaient et elle souriait bêtement à certains souvenirs. Sa balade avait été si belle qu'elle ne pouvait se résoudre à refuser d'y retourner, comme une droguée en manque elle ne pensa qu'à ça toute la matinée.
Cassandra – qui cacha qu'elle avait discuté avec Jack- l'avait sermonnée mais Raiponce l'avait totalement ignorée. Inquiète, sa dame de compagnie l'implora de ne pas y retourner ce que sa maitresse refusa sans une once d'hésitation. Elle irait, point barre. La servante soupira, ne pouvant la retenir. Ce Jack Forst était un type bien, elle l'avait tout de suite senti. Et justement, il allait en souffrir davantage s'ils se faisaient prendre ! Qui sait ce que Pitch ou Gothel lui feraient… Elle frissonna, terrifiée à l'idée de passer sous le joug de la marâtre. Pourtant, tout au fond de son cœur, un maigre espoir avait germé la nuit dernière. Elle ne savait l'expliquer mais… Ce Jack l'avait réchauffée. Elle avait si peur d'espérer qu'elle se laissa envahir par la morsure de l'angoisse qui la dévora petit morceau par petit morceau tandis que son amie inventait un nouveau mensonge.
Pitch regarda Raiponce en biais, le cerveau carburant à tout allure. Sa tendre moitié avait la tête dans les nuages, c'était étrange. Elle ne l'avait pas repoussé quand il l'avait taquinée et embrassée au petit déjeuner mais elle l'avait aussi ignoré, dans la lune. De même que les remarques d'Astoria qu'elle avait écoutées sans vraiment les entendre. Depuis la veille il pressentait quelque chose qui le tracassait. Incapable de mettre le doigt dessus il lui dit :
- Pas de soucis, ma princesse. Si vous avez envie de lire je ne vous retiendrais pas. Nous nous reverrons par la suite pour terminer les préparatifs du mariage. D'accord ?
- Bien sûr, j'ai fort hâte !
- Me voilà comblé !
Il sourit et lui baisa la main. Raiponce ne le regardait pas. Elle fixait par dela sa personne. Il se releva et se rapprocha doucement, la faisant se coller au mur.
- Vous allez vraiment lire, n'est-ce pas ?
Il utilisa son doigt pour jouer dans son cou. Elle se raidit.
- Que voulez-vous que je fasse d'autre ?
- Je ne sais pas… Mais, je vous préviens, je déteste qu'on me mente.
Son ton était sans appel. La blonde lui offrit un de ses plus beaux sourires de circonstance.
- Jamais je ne mentirais à mon fiancé ! Je vous aime bien trop pour cela. N'ayez donc aucune crainte.
Pitch la jaugea. Il finit par sourire et approcha son long nez aquilin vers son décolleté. Il inspira son odeur avec délice, se mordant la lèvre. Il se releva en la fixant tel un lion.
- J'ai hâte de vous cueillir, susurra-t-il.
Puis il se décala pour la laisser passer tandis que trois nobles les regardaient. Il prit un air de riche dominant pour les faire tourner la tête. Il offrit alors un énorme bouquet de roses à sa promise et s'en alla nonchalamment.
Soulagée, Raiponce posa le bouquet dans le premier vase qu'elle trouva en demandant à Cassandra de s'en occuper et de le mettre dans les toilettes. Son amie avait les traits tirés par l'angoisse tandis qu'elle regardait sa lady se changer.
- Je t'en supplie Raip'… N'y va pas… Implora-t-elle une dernière fois.
Raiponce la regarda dans les yeux alors qu'elle attachait son foulard.
- N'essaye pas de m'avoir par les sentiments, assena-t-elle sèchement. Je n'ai plus confiance en toi de toute manière.
- Mais je…
Elle se tut et la regarda partir par la fenêtre. D'un long, très long soupir, la servante s'occupa du bouquet et ferma la porte à clefs. Elle se posa ensuite contre la balustrade qui plongeait vers les ponts inférieurs avant de contempler l'océan infini qui reluisait sous le soleil du printemps. Elle commençait déjà à se ronger les ongles, incapable de faire taire une petite voix dans sa tête qui lui assurait qu'elle était une ratée incapable de protéger sa seule et meilleure amie. Elle refoula des larmes, ne sachant plus quoi faire, quoi penser tandis que son mauvais pressentiment faisait trembler ses mains.
Queenstown, en bordure de l'Irlande. Dernier escale avant la grande traversée jusqu'à New York. Jack Frost songeait à l'Amérique en attendant désespérément son ange. Il n'y avait jamais mis les pieds et selon les dires d'hier de la blonde, elle non plus. Il se demandait à quoi pouvait ressembler cet ensemble d'états aussi différents et réputés les uns que les autres.
Elle arriva pile à l'heure cette fois-ci, son beau sourire lumineux aux lèvres. Ah, il oublia toutes ses peines en une fraction de seconde. Emma, l'Amérique, l'accident, ses parents, ses peurs, sa solitude… Tout fut relégué comme un mirage lointain. Flou et presque inexistant. Alors il sourit de toutes ses dents et la salua de la main. Elle s'arrêta tout juste devant lui, impatiente dans son regard.
- Nous y allons ?!
- Avec joie ! J'avais vraiment peur de ne pas pouvoir vous revoir aujourd'hui.
- Moi aussi, avoua cette dernière. Mais… Ce sera probablement la dernière…
Jack sentit son cœur se tordre. Puis il lui tendit sa main sans hésiter.
- Nous verrons le moment venu. Allons visiter l'Irlande tout d'abord. Je… J'ai envie qu'on se balade tous les deux comme hier.
Elle sembla rougir et attrapa sa main comme le faisaient les personnes proches de basse classe. Elle fut surprise par la sensation de ce simple contact sur sa peau. Elle sentait son cœur vriller et son souffle lui manquer.
- Vous avez raison, finit-elle par dire, les yeux évasifs. Moi aussi j'ai très envie de me promener avec vous.
Ce fut à lui d'être nerveux, sa main semblait soudain moite et collante. Elle avait accepté de la lui prendre, c'était comme un feu d'artifice sous son crâne. D'un sourire maladroit il la guida sur la passerelle avant de poser pied à terre pour admirer le quai aussi semblable que différent de Cherbourg.
- Au fait, merci beaucoup pour le cadeau ! Vous avez visé juste, je suis fan de la lune ! C'est… C'est un très beau présent.
Jack n'osait pas la regarder dans les yeux. Elle non plus. Elle souriait en se rapprochant un peu.
- Je suis ravie que cela vous ait convenu. J'ai cherché longtemps avant de me décider.
- Et vous avez parfaitement choisi. Je le garderais pour toujours.
Il la regarda enfin, elle tourna ses yeux et ils se croisèrent. Un courant électrique les submergea. Ils finirent par se détourner pour regarder les bateaux dans un silence étrange, naïf.
Ils se rendirent ensuite dans la ville pour admirer les nombreux ornements en forme de trèfles et de harpes qui symbolisaient l'essence du pays. Les tenues du peuple Irlandais étaient d'une grande beauté, ce qui plut à Raiponce. C'était une ville tournée sur l'art, la musique, la littérature et la cuisine. Autant dire un paradis pour la jeune femme qui apprit plein de choses à Jack, fasciné par ce qu'il ne connaissait pas. Ce fut le Folklore d'Irlande qui attira le regard du jeune homme. Ils échangèrent beaucoup d'anecdotes sur le sujet avec qu'elle ne se mette à frissonner.
- Vous avez froid ?!
Il chercha quoi lui donner pour la draper mais il n'avait rien. Il serra ses poings de frustration. Elle secoua la tête.
- Ce n'est pas grave, je vais le supporter.
- Mais vous allez tomber malade ! C'est hors de question, on ferait mieux de remonter. Le climat ici est très bas.
- NON ! JE NE VEUX PAS RENTRER !
Elle avait hurlé puis se mit à rougir. On la fixait et la pointait du doigt. Jack les regarda méchamment pour qu'ils passent leur chemin puis il la contempla. Elle semblait apeurée comme un lapereau qui avait vu un renard. Était-ce du gominé qu'elle avait peur ? Ou de sa belle-mère ? Ou juste de rentrer… ?
- D'accord… Restons encore.
Jack n'aimait pas la voir ainsi, elle grelottait et regardait ses pieds en reniflant. Son cœur souffrait alors il posa délicatement ses mains sur elle pour la rapprocher. Surprise, Raiponce ouvrit grand les yeux et se laissa guider sans une once de résistance. En une seconde elle fut dans ses bras qui la serraient avec force. Il lui frotta le dos, rougissant jusqu'aux oreilles.
- Je vais vous réchauffer un peu, osa-t-il prononcer dans son oreille. Ensuite, nous irons boire quelque chose de chaud. Je ne veux vraiment pas que vous…
Coupé dans son élan, il se tut. Elle venait de s'agripper à lui. Ses deux bras tout contre lui elle se lova en absorbant sa chaleur corporelle, sa douceur, son odeur… Tout son corps était devenu aussi mou qu'un mollusque. Elle se sentait toute chose, comme brûlante d'un feu ardent malgré le froid autour d'elle. Enfiévrée, elle posa sa tête contre son torse et ferma les yeux. Elle se laissa aller un petit instant à rêver d'une autre vie que la sienne. Avec ses parents en vie, Cassandra sa meilleure amie qui jouerait toujours avec elle et se confierait, et elle-même avec… Jack. Ses yeux se rouvrirent. En général ce rêve revêtait une autre personne à ses côtés. Alors elle comprit. Et elle en eut les larmes aux yeux qu'elle retint fortement. C'était encore pire qu'avant. Encore pire que l'homme qu'elle avait aimé autrefois. Encore plus intense et plus… tragique !
Jack la sentit fébrile et il se détacha. Elle n'osait pas le regarder dans un premier temps puis se reprit, en fixant ses yeux aussi clairs que le ciel d'hiver.
- Merci Jack, ca va beaucoup mieux maintenant. Vous êtes vraiment quelqu'un… de formidable.
Elle posa une main sur le cœur de son compagnon de route qui avança la sienne vers elle. Mais elle se recula tout doucement.
- Allons prendre un bon chocolat chaud ! Ca nous fera du bien !
Jack reprit sa main puis lui sourit tristement avant de la suivre dans un café où on jouait de la musique celtique.
Ils s'assirent contre la vitre du pub en se faisant servir leur chocolat fumant recouvert de chantilly et de copeaux de chocolat. Le silence qui les enveloppait cette fois ci était plus douloureux. Comme un prémices aux aurevoirs. Jack tourna sa cuillère en regardant par la fenêtre les enfants qui jouaient dans la rue. Il croisa le regard de deux hommes qui le fixaient, des type du pays à n'en pas douter avec leurs cheveux carottes et leurs rouflaquettes. Ils ne détournèrent pas une seul fois leur regard avant tout à coup de disparaitre. Jack fut perplexe en retournant ses yeux en direction de son ange. Elle était distante et silencieuse à laper dans son breuvage.
Jack souffla puis posa ses mains autour de sa tasse brûlante. La morsure chaude lui donna un coup de fouet.
- Vous êtes mariée, n'est-ce pas ?
La question fit se bloquer Raiponce qui reposa sa tasse, les yeux évasifs vers les choppes de bières qui coulaient à flots pendant que dansaient des hommes sur la piste.
- Pas encore, souffla-t-elle à demi-mot.
Elle regarda ses mains ou trônait la bague gigantesque. Sa gorge était serrée.
- Mais c'est pour bientôt. Dès que j'accosterai en Amérique, je serai Madame Black.
Jack réprima une grimace. Il serrait ses doigts tout contre la porcelaine.
- Je vois. Mes félicitations.
- …
- Vous l'aimez au moins ?
- Pardon ?
- Désolé, c'était indiscret…
Raiponce eut envie de s'enfuir en hurlant. Elle continua de jouer avec sa bague.
- Je n'ai pas choisi ce mariage, avoua-t-elle après un temps. C'est une union d'intérêt que ma belle-mère a organisé. Pour renflouer nos caisses vides et notre prestige. Pitch Black est millionnaire.
- Quoi ?! Et vous avez acceptez ça ?!
- Oui. Que pouvais-je faire d'autre ?
- Refuser pardi !
Elle eut un rictus amer.
- Tout n'est pas si simple Jack, pas dans mon monde en tout cas. Astoria a toute autorité sur moi et si je veux garder l'héritage familial je n'ai pas le choix. Et puis, de toute manière, à l'époque, j'avais perdu… celui que j'aimais. Je… Je dois le faire, c'est tout.
Jack commençait à mieux la comprendre. Orpheline avec une belle-mère abusive, un mari et une vie imposée, une Raiponce livrée à elle-même. Elle en souffrait, ca ne faisait pas un pli ! C'était de la torture psychologique qu'on lui faisait… Et pas que.
- Elle vous bat aussi, n'est-ce pas ?
Raiponce claqua sa tasse après avoir bu une gorgée.
- J'ai vu les bleus sur votre bras, répliqua aussitôt le jeune homme. J'ai l'impression que vous êtes victime de…
- TAISEZ-VOUS ! Hurla-t-elle avant de se reprendre moins fortement. Je ne vous permets pas de me parler ainsi !
Jack la sentait à bout, il leva les mains.
- Désolé, je n'aurais pas dû m'immiscer dans ce qui ne me regardait pas. Je… J'étais juste inquiet pour vous.
- Là n'est pas votre place.
La blonde cacha ses larmes de honte dans son chocolat qu'elle engloutit d'une traite. Jack s'en voulut d'avoir abordé le sujet et d'avoir été aussi loin. Il n'était qu'un pauvre inconnu pour elle. Pourtant, ses mots… Il en eut mal au cœur. Toute sa peine remonta à la surface qu'il tenta de refouler comme un bouchon qu'on plonge sous l'eau.
- Nous devrions rentrer, rétorqua la blonde. Nous allons rater le retour.
Jack hocha simplement de la tête et la regarda payer leur consommation. A la sortie ils ne se prirent pas la main, une grande distance les entourant.
Alors, c'était terminé ? Leur court moment ensemble allait se finir comme ça… ? Jack se mit à fermer les yeux en songeant à quel point la vie était cruelle avec lui. A quel point la solitude le pesait. Quand il rouvrit ses prunelles, il se stoppa et attrapa le bras de la blonde.
- Vous permettez quelque instants ? J'ai oublié quelque chose ! Je reviens.
- Euh… D'accord.
Raiponce se pelotonna dans son châle tout en regardant les gens autour d'elle qui semblaient heureux de vivre. Elle resserrera ses doigts sur ses bras. Il avait vu les bleus, il avait vu à quel point elle était pathétique… Elle se détestait tellement qu'elle voulait disparaitre ! Il méritait d'être heureux, il méritait de trouver le bonheur en Amérique et pour ça… Elle devait s'en aller de sa vie rapidement car sinon, elle le ferait souffrir, elle en était consciente.
Ses pensées se tournèrent vers un autre homme l'espace de quelques minutes. Son premier amour, celui qu'elle avait aimé avec passion dans sa jeunesse. A l'époque, son père était mort il y a peu, sa belle-mère dilapidait tout leur argent en stupidité et elle se retrouvait seule dans sa tour. Cassandra l'épaulait mais parfois elle n'était pas là. La solitude mordait Raiponce, elle ne savait plus à quoi se raccrocher quand tout à coup… Un homme était entré par effraction dans sa chambre. Un voleur. Un homme qui allait changer sa vie.
- Me revoilà ! Je n'ai pas été trop long ?
Une larme avait coulé le long de la joue de Raiponce. Elle l'essuya et se tourna vers Jack en portant un masque de calme.
- Non, tout va bien.
- Super, bon… euh… voilà. C'est pour vous !
- Qu'est-ce que… ?
Jack déposa un paquet dans ses mains, les joues rouges.
- Moi aussi je voulais vous remercier pour… Pour hier et aujourd'hui. J'ai passé un si bon moment en votre compagnie. Je ne l'oublierai jamais et je… Je voulais que vous sachiez que tout ça a compté pour moi. Plus que vous ne l'imaginez. Alors peut-être que parfois vous penserez à moi…
Il osa lui pendre la main puis lui sourit maladroitement.
- J'ai été ravi de vous connaitre… Merci pour votre magnifique sourire, Ange du soleil.
Il lâcha ensuite sa main et l'enjoignit à revenir sur le Titanic. Raiponce resta bloquée avant de serrer le paquet tout contre son cœur. Elle le suivit, incapable d'ouvrir la bouche ni de le regarder. Jack en faisait de même, il venait de lui dire adieu et ça lui coûtait énormément. Il avait envie de pleurer comme un bébé.
En remontant sur le bateau, Raiponce regarda une dernière fois Queenstown et sentit quelque chose se briser en elle. Dire adieu à Jack et à sa liberté signait la fin de sa vie. La blonde sentit son cœur se tordre une nouvelle fois. Elle se blottit dans le dos de Jack lorsque celui-ci se stoppa au niveau des barrières. Il n'osa pas se retourner et sentit simplement sa tête contre lui avant que des bras viennent l'enserrer. Elle murmura.
- Merci du fond du cœur pour le cadeau, et pour… tout le reste. Je… Pardonne-moi. Je suis sincèrement désolée… Jack. Je ne t'oublierai jamais moi non plus.
Puis les bras disparurent, tout comme lorsque Jack avait perdu ses parents. La présence chaude, l'amour… Envolé à nouveau. Quand il se retourna, elle avait déjà disparu sur le pont supérieur et il se mit à pleurer sincèrement, en silence. Cette morsure au niveau de la poitrine. Emma, l'ange, sa famille… Il ne pouvait atteindre personne, comme dans son rêve.
Il ne pouvait que regarder et souffrir.
Raiponce courut jusqu'à la fenêtre de sa chambre. Elle fit un arrêt juste avant de retourner de là où elle « venait ». Elle se mit à sangloter et se laissa tomber à genoux. Le paquet craquela dans sa main et elle décida d'ouvrir son cadeau d'adieu. Comment diable Jack avait-il réussi à payer quelque chose ? Vu le sac il ne l'avait pas volé, non, il n'aurait jamais osé lui offrir un présent de cette manière. Elle le connaissait assez pour savoir ses valeurs. Alors, ses yeux tombèrent sur un magnifique pendentif où trônait un soleil brillant probablement en faux or. Un collier en toc mais… un objet magnifique aux yeux de la blonde. Il avait compris lui aussi qu'elle adorait le soleil et que c'est pour ça qu'elle avait aimé son rapprochement avec la lune.
Leur lien étroit rempli d'autant de similitudes la faisant d'autant plus souffrir que son cœur venait de s'ouvrir pour la deuxième et probablement dernière fois. Pourquoi maintenant ? Pourquoi aussi violemment alors qu'elle s'était résolue à survivre à son pseudo mariage… ?
Les yeux profondément posés sur le collier, elle l'accrocha autour de son cou, le toucha, et sentit qu'on la martelait à coups de poing. C'était juste dans sa tête et pourtant elle avait l'impression que quelqu'un, en face d'elle, riait avec sadisme en la broyant de coups sur le moindre centimètre de sa peau. Qu'à l'intérieur on la tordait, la tirait, la dévorait.
Raiponce se releva comme un automate pour se rendre dans sa chambre, elle ne pouvait pas faire marche arrière… non ? Elle ne pouvait pas… Quoi que ? Elle hésita en regardant la barrière des pauvres. Et si elle s'enfuyait pour se donner une chance? Pour le retrouver !
Soudain, ses yeux s'agrandirent. Elle tourna lentement la tête vers sa cabine, ouvrit la bouche puis la referma.
Elle vit les yeux brûlants de haine de Pitch, entouré des frères Stabbington, qui n'avait qu'une envie, détruire la jeune femme.
Plus tôt, Pitch, qui n'avait pas la moindre confiance en sa lady, avait confié l'ordre à ses gardes du corps de la suivre en cachette si elle sortait de sa chambre. La porte fermée à clefs, les jumeaux se séparèrent pour que l'un aille près de la fenêtre de la blonde, seul accès pour sortir. Celui à qui il manquait un œil sourit jusqu'aux rouflaquettes quand il la vit filer, en tenue modeste, vers les ponts inférieurs. Il jubilait déjà de la réaction de son maitre ! Sadique dans l'âme il partit chercher son frère et se rendirent en bas où ils trouvèrent la blonde en compagnie d'un autre homme, main dans la main comme un petit couple.
L'extase brillait dans leurs yeux !
Ils la filèrent pendant leur ballade et constatèrent à quel point ils étaient proches. Un amant… Le pire cauchemar de Pitch ! Le régal délectait les lèvres des frères Stabbington. D'un rire de concert, les jumeaux regardèrent une dernière fois le petit couple au café du coin avant de retourner sur le bateau prévenir le bourreau. Quand Pitch l'apprit, assis à sa table, il devint fou de rage. Il se mit à briser tout ce qu'il avait sous la main, les yeux exorbités de haine, les cheveux partant dans tous les sens. Il avait tout cassé puis avait hurlé avant de se rendre vers les barrières qui donnaient sur le port. Les Stabbington suivaient, ricanaient sous cape.
- ELLE EST A MOI ! A MOI !
Les dents ressortaient de ses babines comme un chien enragé, il envoya alors ses gardes prévenir Gothel avant de chercher SA fiancée des yeux. Il la repéra quelques minutes plus tard tandis qu'il se calmait pour une colère encore plus froide et vicieuse. Jamais au grand jamais il n'aurait pu la reconnaitre sans la chercher. Elle ressemblait à une souillon. Mais… une belle et magnifique souillon malgré tout. LA SIENNE !
Il assista à l'échange entre Jack et Raiponce, quand elle le serra dans ses bras. Sa haine monta d'un niveau et il décida de l'attendre à son retour. L'effet de surprise, c'était important. Gothel était présente, si furieuse que ses joues étaient rouges et ses yeux minuscules sous son mascara. Elle tenait Cassandra par les cheveux qui criait de douleur, se repentant d'excuses inutiles.
- Laissez-moi seul avec elle, ordonna Pitch à la marâtre. Je vais lui apprendre une leçon qu'elle n'est pas prête d'oublier.
- Comme il vous plaira, déclara-t-elle les ongles plantés dans les joues de la servante qui saignait. Moi je vais m'occuper de la petite catin ici présente qui a osé me berner ! L'autre attendra son tour.
- Je vous en supplie… Pitié… Ne touchez pas à Raiponce…
- FERME LA !
- NOOOOON !
Une énorme claque s'éclata sur sa joue avant qu'elle ne soit tirée par sa patronne par la porte. On l'entendit brailler avant que le son ne se disperse.
Pitch attendit alors que sa proie arrive, la main droite tremblant de fureur.
Jack n'avait plus goût à rien au diner. Il préféra faire la diète pour retourner dans sa cabine. Il joua un long moment avec son collier, hésitant à le retirer pour le jeter dans la mer. Il savait qu'il ne le ferait pas et que c'était encore plus pathétique de s'y accrocher. C'était fini. Il restait tout de même Emma mais… Au final, avait-elle envie de le revoir ? Était-elle-même encore en vie ? Pire, était-elle, comme Raiponce, attachée à une condition qui ne lui plaisait pas et qui l'empêcherait de l'atteindre ? Il ruminait et conclut qu'il n'arriverait jamais à se rapprocher d'Emma. Oh bien sûr il essayerait, mais, le résultat, il n'en doutait pas, serait aussi pourri que cette soirée.
Trop triste pour fermer l'œil, Jack sortit prendre l'air glacé pour contempler sa lune presque ronde. Il ne tenait pas en place, il marchait, de long en large, usant les planches du bateau avec ses pieds nus. Il était presque tout seul cette nuit. Tout le monde avait assisté au départ pour la grande traversée de l'atlantique avant de faire la fête et d'aller au lit. Lui, âme en peine, errait çà et là. Il avait fait ça toute sa vie, cela ne lui changeait pas beaucoup.
Il décida de se rendre à la poupe du bateau pour se poser tranquillement toute la nuit à la belle étoile car, ce soir-là, il n'y eut pas un nuage dans le ciel. Le nez en l'air, Jack conversait silencieusement avec la lune. Il lui demandait de l'aide, il lui parlait de tout et de rien. C'était stupide il le savait mais c'était malheureusement sa seule et unique confidente. Celle qui la suivait nuit après nuit depuis sa naissance.
Cela le ramena en arrière, où, dans les rues, abandonné par une des nombreuses familles d'accueil qui ne voulait plus de lui -car il avait osé se rebeller contre l'injustice de son traitement-, il devait dormir dans le froid. Sans domicile fixe il avait longtemps vécu sous les ponts quand il avait eu la quinzaine. Pendant quatre années il avait appris à s'adapter à la rue. Mentir, voler, tromper, se cacher. Une vie misérable comparé à… à ELLE. Il se dit en riant qu'il en avait trop demandé. Que rien que l'approcher avait été une bénédiction pour le rat des rues qu'il était.
Ah, l'amertume qu'il ressentait ne se calmait pas. Rien ne pouvait calmer son cœur passionné. Encore moins depuis qu'il avait appris les malheurs de son ange. Désemparé, Jack baissa les yeux en entendant des gémissements de douleur.
Ciel ! Jack vit quelqu'un monter par-dessus les barrières !
Sans hésiter il se mit à courir vers l'ombre qui peu à peu se dévoila à lui. Devant ses yeux ébahis, Raiponce Corona, habits déchirés, cheveux en bataille dénoués, maquillage dégoulinant, allait se jeter dans le ventre de l'océan glacée pour en finir à tout jamais avec la vie.
Elle lâcha alors les barreaux, basculant dans le vide pour accueillir avec délivrance le baiser de la mort.
Oui j'ai osé finir le chapitre comme ça et j'en suis particulièrement fière xD
Serait-ce la fin pour Punzie? Que lui est-il arrivée...?
Réponse dans le chapitre suivant! 3:)
