Bonne lecture!


Chapitre 9 : Eclats et Souvenirs

Cassandra Cross était penaude.

Elle se tenait devant un jeune homme charmant d'une vingtaine d'années, riche, qui lui parlait avec entrain de son navire : le Titanic. Il était bavard, elle beaucoup moins… La jeune femme n'avait jamais été loquace ni proche des autres. Asociale, plutôt renfermée et introvertie elle ne s'ouvrait qu'à de rares personnes. Aussi, à cet instant, son corps était tendu comme un fil. L'angoisse la paralysait. Elle n'avait vraiment pas l'habitude de se retrouver avec un inconnu. Encore moins une telle célébrité.

Plus tôt, la domestique avait profité du bal des lanternes pour faire connaissance avec Aster Bunnimond, Thiana Tooth et Sandy Mansnoozie. Les trois matelots lui avaient parlé –mimé pour le muet- de leur petite enquête sur le cas de Raiponce, Jack, Astoria et Pitch. Depuis la veille ils les surveillaient et avaient plutôt bien compris la situation. Cassandra put ainsi déverser une bonne couche de haine au sujet de leur bourreau tout en les remerciant pour leur attention. Après tout, rien ne les obligeaient à les protéger ! C'était un acte purement altruiste.

Bien que nerveuse, Cassandra avait passé un agréable moment en leur compagnie. Elle avait pu parler de tout et de rien sans tabou ni manière. Elle avait d'ailleurs trouvé en Thiana une bonne amie ! La seule en dehors de Raiponce, c'était un exploit qui méritait d'être noté. Seulement, Cassandra savait que cela ne durerait que le temps du voyage. Dans deux ou trois jours maximum, elle leur dirait adieu et devrait fuir avec Raiponce et Jack, dieu seul sait comment, vers l'inconnu.

Un frisson l'avait parcourue à y penser puis il y avait eu la déclaration du capitaine et elle était sortie avec ses nouveaux amis sur le pont. Elle avait regardé le lancer de lanternes et couvé du regard le couple Jack-Raiponce tout du long. Leurs baisers l'avait fait chavirer. Puis IL était arrivé. Et depuis elle se triturait les mains contre son verre de Whisky.

- Ah, j'aime vraiment ses courbes ! Conclut Varian, l'ingénieur en chef. Et sa vitesse ! Vous avez vu sa vitesse? Nous avons déployé les moteurs à leur maximum ! Nous voulons arriver un jour en avance pour faire sensation ! Cette bête est puissante et sauvage ! Elle y arrivera !

Toujours avec sa lanterne dans la main, le jeune homme tapotait son navire avec amour. Cassandra avala une gorgée d' alcool pour lui donner du courage. Il reprit en la voyant mal à l'aise.

- Je suis sincèrement navré de vous déranger avec mes verbiages… J'ai tendance à m'emporter dès qu'il s'agit de mes inventions… Il faut dire que personne ne veut jamais m'écouter. A croire que tout le monde aime le Titanic juste pour son luxe.

Il soupira, prêt à repartir chercher une oreille attentive quand Cassandra le regarda enfin.

- Oh… Vous ne me gênez pas du tout, formula-t-elle. Je suis juste un peu surprise de voir un homme tel que vous m'adresser la parole. Je ne suis… qu'une dame de compagnie, vous savez.

L'ingénieur haussa les épaules.

- Je préfère vous parlez à vous qu'à ces dames.

Il désigna les pintades qui gloussaient pour se mousser entre elles. Astoria en faisait partie, cela fit sourire sa fille de sang.

- Elles ne comprennent rien à la machinerie et ne s'y intéressent pas du tout. Je crois que vous êtes la seule à ne pas avoir fui dès le début de mes monologues.

Elle rit, il sourit. Cassandra se détendit puis se posa sur la barrière.

- J'aime beaucoup ce que vous m'apprenez, reprit-elle sincèrement curieuse. Dites m'en plus ! Construire un tel titan, à votre âge, voilà une prouesse digne des plus grands.

Varian se mit à rougir du compliment. Il se posa à ses côtés.

- Avec grand plaisir ! Vous savez, c'est ma passion, les machines ! Je suis fasciné depuis tout petit ! Et vous ? Vous avez des passions ?

- Moi… j'adore le combat et les couteaux, avoua-t-elle un peu honteuse. Je sais cela ne fait pas du tout femme convenable…

- C'est admirable au contraire ! J'aimerais bien voir ca de mes yeux.

Surprise, la domestique le fixa un court instant, cherchant dans son regard de la moquerie. Il n'y avait rien de cela.

- Demain je vous montrerai si vous voulez…

- J'ai fort hâte !

Cassandra prit le temps de le détailler. Il avait de beaux cheveux noirs corbeau avec une mèche qui retombait sur son front. Cela lui donnait beaucoup de charisme. Elle remarqua également une petite queue à l'arrière de sa tête. Puis elle fondit sur ses yeux ciel qui regardaient le Titanic avec tellement d'amour qu'il aurait pu être son fils ! Elle en eut un sourire en coin.

- Vous aimez vraiment votre navire ! N'a-t-il donc aucun défaut à vos yeux ?

- Aucun ! Quoique…

Varian eut un léger soupir tout en tournant la tête vers son interlocutrice.

- Je dois vous avouer que j'aurais voulu mettre plus de canots à son bord et beaucoup moins d'or aussi – Mon navire pèse deux fois plus lourd à cause de ça , humpf-. Mais la Haute m'a bien fait comprendre que je devais avant tout penser aux passagers et à leurs goûts plutôt qu'au mien. Apparemment les embarcations de sauvetage prenaient trop de place sur les ponts, j'ai donc dû en retirer une bonne partie.

Il semblait frustré. Cassandra fit un rapide tour des canots de ses prunelles encre. Elle avait déjà remarqué qu'il y en avait peu à son arrivée. Elle pencha la tête.

- Il y en a combien en tout ?

- Seize, je crois.

- C'est déjà pas mal.

- Non c'est très peu. Par rapport au nombre de passagers cela n'en représente pas la moitié. Mais bon, ce n'est pas comme si ce paquebot pouvait couler de toute manière.

Varian haussa les épaules, fixant d'un œil mauvais les ultra riches et leurs caquètements insupportables. Cassandra fit une fixette sur les canots, soudain moins à l'aise, avant de se rassurer : Oui, ils ne risquaient rien ! Avec un tel ingénieur il n'y avait rien à craindre.

Le jeune homme la scruta en biais, un peu nerveux. Il se racla la gorge.

- J'ai une lanterne qui attend d'être lancée et euh je… Je suis tout seul alors… Si vous en avez envie… Enfin, je ne vais pas vous forcer attention ! On pourrait… lalancerensemble ?

Cassandra n'avait pas compris la fin de sa phrase qui avait été dite d'une vitesse supersonique. Elle haussa un sourcil.

- Comment ?

- On… la lance ensemble ?

Surprise, la domestique dut prendre le temps d'assimiler la demande. Elle se mordit la lèvre tandis que son cœur partait dans les tours. Ce qu'il la rendait nerveuse celui-là ! Heureusement que le Whisky l'aidait à tenir bon !

- Pourquoi pas ? Déclara-t-elle d'un air malicieux. Mais avant je veux que vous m'en disiez plus sur ce paquebot !

- Je suis votre homme !

Heureux comme tous, Varian lui sourit et se mit à parler comme quinze tandis qu'elle allumait la lanterne, les yeux brillant d'une nouvelle flamme posée sur l'ingénieur.


- TADA !

Jack Frost ouvrit la porte de la grande salle des basses classes où un rythme d'enfer vint happer leurs tympans. Raiponce écarquilla les yeux, émerveillée par l'effervescence qui suintait des lieux. Ca hurlait de partout, ça dansait n'importe comment et n'importe où, ça riait fort, ça chantait en cacophonie, ça vivait à cent à l'heure ! Rien à voir avec la Noblesse…

Le contraste la saisit jusqu'au creux de sa poitrine. Le silence bienséant, la retenue, les courbettes, les murmures moqueurs, tout cela ne lui manquait pas le moins du monde !

- Qu'en penses-tu ?! Hurla Jack qui la tira vers le bar.

- C'est magique ! J'ADORE !

- Je te l'avais dit ! C'est un monde pour toi ça !

Elle opina, extatique. Quand elle se mit à sautiller et crier sa joie, quelques personnes la regardèrent non pas pour la juger mais l'enjoindre à continuer. Elle jubilait intérieurement.

Adieux les manières ! Bonjour la liberté !

- Je prendrais un jus de la passion, commanda-t-il. Et toi, mon soleil, tu veux quoi ?

Ce petit surnom combla la blonde qui se dandinait sur place.

- La même chose !

Il faudrait que je lui trouve un surnom aussi, songea-t-elle alors qu'ils prirent place à leur table. Elle caressait son bijou instinctivement.

- Il te plait ? Questionna l'argenté, bienheureux. Le collier.

- Il est parfait !

Elle posa sa main sur la sienne et ils se mirent à siroter en écoutant la musique résonner dans toute la salle. Jamais de sa vie la blonde n'avait participé à une telle débandade et cela lui plut énormément. Elle contemplait la scène où des musiciens de tous genres, de tous horizons et de tout âge jouaient à l'improviste, suivant le rythme et tempo tous ensemble. C'était beaucoup plus harmonieux que les valses codifiées. Plus entrainant, plus créatif ! Tout ce qui plaisait à Mademoiselle Corona.

- Au fait, déclara-t-elle. Je ne t'ai toujours pas demandé, comment as-tu fait pour acheter ce collier ?!

Jack ne l'avait pas entendue, il tendit l'oreille en secouant la tête. Elle répéta plus fort en riant à moitié. C'était tellement indécent de faire ça… Tellement jouissif !

- Ah, ça…

Il rougissait jusqu'au front. La blonde s'avança plus près contre lui pour se faire mieux comprendre.

- Je suis désolée si ça te gêne, je ne voulais pas insinuer que parce que tu es pauvre tu ne pouvais rien faire… !

- Je sais, ne t'en fais pas. En fait… Tu te souviens du jour où tu m'as offert le collier de la lune ?

Elle opina. Il reprit après avoir bu une bonne lampée de jus.

- En retour je voulais à tout prix te remercier. Du coup… Je devais gagner un peu d'argent car je refusais tout net de voler quelque chose pour te l'offrir ! * Raiponce sourit de cette attention *. Alors, j'ai passé la nuit entière à faire des spectacles pour quelques pièces. Des acrobaties, de la jonglerie, je suis très doué pour ça. Je me suis aussi occupé de faire le clown pour les petits, ça a bien plu aux parents. Et comme je trouvais que je n'avais pas assez j'ai fini par offrir mes services aux domestiques, j'ai aidé à récurer les toilettes…

Raiponce fut surprise par la révélation. Il avait fait tant d'efforts pour elle ! Tant d'efforts pour ce simple collier en toc. Elle se mit à rougir de plaisir, amoureuse comme jamais. Il avait tout du prince charmant à ses yeux… Son idéal, son âme sœur. Serrant son collier elle se promit d'en prendre le plus grand soin jusqu'à sa mort !

- Ca explique pourquoi tu étais si fatigué lors de la visite à Queenstone, répliqua-t-elle. Je me rappelle des valises que tu avais sous les yeux.

Il se gratta l'arrière de la tête, un peu gêné de son aveu.

- J'ai dû dormir moins de trois heures cette nuit-là mais cela en valait la peine. Je ne regrette rien.

Il passa son bras autour de ses épaules et elle se glissa contre lui. Ils furent alors rejoints par le jeune couple qui avait sauvé Jack des Stabbington et passèrent un bon moment en leur compagnie. Jack et Raiponce s'amusèrent ensuite à faire rire les plus jeunes en jouant et dansant avec eux. L'argenté était comblé d'avoir trouvé une femme qui adorait les enfants. C'était décidément une perle rare à ses yeux !

- J'aimerais bien un jour en avoir rien qu'à moi, avoua secrètement Jack.

Raiponce le scruta en biais alors qu'elle finissait son tour de piste.

- Un jour, peut-être…

Elle lui fit un clin d'œil et il se mit à rire en la prenant dans ses bras.

- Allez viens ! On y retourne !

- OUIII !

Riant à gorge déployée, Jack fit s'envoler Raiponce dans les airs en la tenant par sa taille gracile. Puis il tourna plusieurs fois avant de la redescendre. Emportée comme si le vent la poussait elle le tira sur la piste centrale et se déhancha comme jamais. Il l'ensuivit avec un désir mordant de s'amuser. La protégeant des mâles en chaleur il la garda rien que pour lui alors qu'elle avait défait ses cheveux et tournoyait dans tous les sens. Ses yeux suivaient le moindre de ses mouvements tandis qu'il la vit monter sur la plus haute estrade avec d'autres filles pour faire le show.

La voir aussi heureuse suffisait à Jack pour vivre une vie entière avec le bonheur aux tripes. Là, si demain il venait à mourir, il n'aurait plus aucun regret, plus aucune raison de se lamenter sur son passé. Son ange, son rayon de soleil, c'était tout ce qui comptait sur ce navire !

Pris dans une fête des diables, la nuit fila à une vitesse ahurissante. Jack et Raiponce avaient fait les fous toute la nuit, ils avaient bu, parfois de l'alcool, parfois du jus. Ils avaient dansé, joué, fait les pitres… ils étaient exténués lorsque l'aube pointa le bout de son nez.

- Je ne veux pas rentrer, bougonna la jeune femme en baillant à s'en décrocher la mâchoire. On ne peut pas aller dans ta cabine ? Personne ne viendra me chercher là-bas de toute façon !

- Non, ton fiancé raté sait où elle est… Pourquoi n'irions-nous pas dans la tienne ? Elle a un loquet au moins…

- Il va falloir semer les deux armoires à glace qui trainent depuis des heures dans ce cas…

- T'en fais pas, je connais ce paquebot comme ma poche maintenant, pouffa Jack.

Prenant la main de sa dulcinée, Jack évita de sortir par la grande porte où rodaient les gorilles épuisés par leur chasse à la soirée. Trop de monde pour enlever le couple au milieu de la foule, impossibilité de les atteindre, puis, ils les avaient perdus de vue. La rage mordait leurs traits. Ils avaient besoin d'une bonne sieste pour se remettre de leur échec.

Se faufilant à travers des couloirs de services, Jack prit les devants. Raiponce pouffa lorsqu'elle croisa des domestiques surpris sur leur route. Elle avait l'impression d'enfreindre toutes les règles depuis son arrivée ici ! Cette intense excitation n'était pas pour lui déplaire. Elle faisait tout ce qu'elle voulait !

- Il faut grimper ?!

- Après toi ! Rit Jack. Je vais t'aider !

Il lui fit la courte échelle. Haussant les épaules, Raiponce, qui avait offert ses escarpins aux poissons à la première occasion, posa son pied nu sur les mains de son compagnon de route. Elle s'agrippa au poteau d'acier pour se hisser tandis qu'il la soulevait avant d'atteindre les planches du pont supérieur. Elle avait l'impression d'être un petit singe. Cela la renvoya en arrière quelques instants. Elle se revoyait, jeune, à monter aux arbres avec Cassandra. Son père inquiet lui hurlait de descendre mais il avait fini par lui faire confiance et lui avait même construit une cabane dans un énorme conifère.

Raiponce et Cassandra avaient vraiment fait les quatre cents coups à l'époque. Avec les autres villageois du coin elles jouaient dans la forêt comme si cela avait été leur maison. C'était fut un temps leur terrain de jeu de prédilection.

Quand Jack se hissa à ses côtés, il admira son sourire perdu.

- Ca va mon soleil ?

- Oui. Je repensais juste au passé. Des instants joyeux que j'avais occulté de ma mémoire. Avec Cassandra.

Elle lui raconta ses aventures pieds nus dans les champs, les rivières, les forêts. Un endroit qu'elle avait bien envie de retrouver un jour. La nostalgie qui se dégageait de ses mots rendit Jack encore plus amoureux. Il lui caressa la joue.

- Je te promets que plus tard, quand on aura réussi à se sortir de tout ça, on aura une maison près des bois !

- Toi et moi, marchant sous la lumière saccadée du soleil. Humant les senteurs de pin, de mousse et d'écorce. Sous le chant des oiseaux et des petits créatures de la forêt ! Oh Jack, ce serait mon plus beau rêve !

Il approuva en lui posant un baiser sur le nez.

- Le paradis n'attend que nous. J'ai hâte ! confia-t-il.

Conquise, Raiponce se lança contre lui pour se blottir. Tant qu'il était là, elle serait la plus heureuse des femmes.

Jack la câlina avant de la guider vers sa chambre. Les insomniaques les regardaient passer. Ils étaient complétement débraillés… Mais personne ne s'arrêta pour leur parler. Jack avait son droit de passage, il n'avait plus besoin de faire le mur ! Il en souriait bêtement avant d'atteindre la fameuse pièce où fleurait bon l'odeur naturelle de Raiponce. Inspection obligatoire mais il n'y avait personne. Ni Gothel, ni Black, ni Cassandra. Fermant tout à double tour, les deux jeunes amoureux se fixèrent un petit moment, soudain très nerveux.

- Je… Commença la blonde qui se triturait les mains.

Il la lui prit et lui sourit.

- Je ne ferai rien. Je ne suis pas lui. Aie confiance en moi.

- J'ai confiance, souffla-t-elle.

Plus détendue, la blonde enleva sa robe pour se mettre à l'aise. Le soleil commençait à se lever, le ciel se couvrait de teintes rose-orangé des plus éclatantes. Jack l'admirait par les hublots et convia sa belle à en faire de même.

- Regarde comme c'est beau ! S'exprima-t-il avec langueur. Aussi beau que toi, mon soleil.

Elle rougit amoureusement tandis qu'il prit sa main dans la sienne. Elle portait désormais une petite nuisette bleue ciel qui lui allait à ravir. Il ne put s'empêcher de la dévorer du regard mais sans air vicieux derrière. Elle le ressentit et admira à son tour le lever du seigneur du ciel.

- J'adore l'aube et le crépuscule, déclara-t-elle après un long silence. C'est le moment où le soleil et la lune partagent le même espace. Où ils sont ensemble.

Elle entrelaça ses doigts et caressa du pouce celui de son amoureux.

- J'aime beaucoup cette idée, souffla Jack.

Ils se regardèrent, remplis de tendresse. Leur cœur ne cessait de cogner contre leur poitrine. Un fort sentiment venu du fin fond de leurs entrailles les dévoraient sans ménagement. C'était douloureux mais si plaisant, énormément plaisant ! Les picotements, le souffle court, l'estomac sans dessus-dessous… Ils étaient au septième ciel.

Détournant les yeux ils reprirent la vue du soleil naissant vers le lointain de l'Est où se situait la cabine de la comtesse. Peu à peu, l'or déblaya l'obscurité pour noyer le monde de sa lumière. Il palpitait de chaleur. Ses courbes aussi rondes que la pleine lune qui la précédait s'envola pour se dévoiler aux yeux de tous.

Une fois le ciel bleu clair, le petit couple tira les rideaux histoire de s'isoler des autres et se glissa dans le lit pour récupérer de leur soirée endiablée. Jack fut très doux. Il la laissa toucher son torse qu'il avait dénudé tout en lui caressant doucement les cheveux. Elle se blottit contre lui, contre son cœur qui battait la chamade et inspira de bien-être. Le son des battements l'apaisait et lui offrait une bouffée de calme bienvenu après ces derniers jours de tourments.

- Tu es si prévenant Jack… Tu n'es pas de la Haute et pourtant je te trouve bien plus noble que la plupart de ceux que j'ai croisés dans cette société de luxe. Je trouve cela admirable, murmura-t-elle d'un souffle contre lui. La plupart des hommes auraient essayé de profiter de moi mais pas toi.

- Jamais je ne te forcerai à quoi que ce soit ! Il faut que le moment soit partagé, et puis, je respecte énormément les sentiments de ceux que j'aime… C'est de penser autrement qui n'est pas normal. Je ne fais rien d'extraordinaire.

- Peut-être mais pour moi c'est une qualité première chez un homme. Je te trouve admirable à bien des égards. Merci d'être patient avec moi.

- Ne me remercie pas voyons… Je n'ai pas besoin de te sauter dessus pour me sentir proche de toi. Juste pouvoir partager ma vie avec la tienne me comble de bonheur.

Raiponce se lova encore plus chaudement avant de lentement s'endormir, apaisée comme jamais depuis la mort de son père. Pour la première fois, elle respirait et fit un rêve lumineux. Jack s'endormit un peu plus tard, profitant du moindre instant où elle était à ses côtés comme d'un miracle.


Dix heures, ce quatorze avril. Le temps était aussi doux et calme que les autres jours.

Des coups sur la porte réveillèrent le petit couple qui émergea lentement de leur coma d'après fête.

- Raiponce. OUVRE CETTE PORTE !

- Une minute, marmonna la comtesse. Cache-toi Jack… Sinon…

- Je sais.

Le jeune homme renfila sa chemise et sa veste blanche avant de se glisser sous le lit en or massif aux boiseries délicatement gravé de fleurs.

Quand la porte s'ouvrit, Gothel entra, la mine affreusement distendue.

- Alors comme ça on s'amuse chez les pauvres maintenant ? Tu touches le fond, ma pauvre fille !

La marâtre voulut la gifler mais la blonde esquiva avant de la pointer à nouveau de la poêle à frire. Jack haussa un sourcil en voyant son « arme » atypique. Il eut un rire nerveux mais se retint de le laisser glisser de sa bouche.

- Je me suis bien amusée hier soir, une belle soirée, répliqua Raiponce d'un sourire désinvolte.

Gothel grogna, les dents dehors.

- Profite ma fille, profite. Bientôt tu devras dire adieu à tout ça. Crois-le ou non, tu ne poseras pas un pied sur le sol américain sans passer par moi ou par Pitch. Tu es piégée comme un rat et tu as beau te débattre, d'ici après-demain, tu ne reverras plus jamais ce traine patin ! Tu es dans une cage flottante et c'est moi qui en ai la clef.

- Nous verrons cela ! Menaça la jeune femme qui repensa au capitaine.

Elle espérait pouvoir trouver de l'aide auprès de lui mais n'était pas sûre de comment s'y prendre. Jack non plus au-dessous du lit. Il sentait la peur lui coller à la peau à imaginer leur fuite échouer.

- Mais je suppose que vous n'êtes pas juste venu pour me dire cela, mère ? Je vous connais trop bien, vous n'auriez fait le déplacement pour si peu.

- Tu me connais bien en effet, enfin presque, gloussa la grande dame aux cheveux parfaitement ébouriffés. Je te rappelle que la chorale du dimanche va commencer et que tu as pour obligation d'y assister. Tu es la soliste. Alors, dépêche-toi de te préparer convenablement! Je t'attends là-bas.

Elle claqua la porte à son départ.

Jack sortit de sous le lit.

- Ca sent le piège à plein nez, grogna-t-il. Il faut que tu restes enfermée ici ! Qui sait ce qu'ils pourraient te faire là-bas ?

- Je sais mais j'ai promis au capitaine que j'irais, le jour du départ. Enfin, ma belle-mère la promis plutôt… Il faut que je trouve un moyen de me défiler juste après. Sinon… Ils seraient capables du pire pour me retenir de force.

- Je vais m'en charger, assura Jack d'une voix sans équivoque. Contente-toi de te montrer sous ton meilleur jour.

Raiponce approuva avant d'aller prendre sa douche.

Deux jours… Le compte à rebours avait commencé. Comment allaient-ils se sortir de là avec tous ces ennemis autour d'eux ? Comment réussir à leur échapper… ? La blonde se mordit la lèvre avec force pour éviter de hurler. Elle laissa l'eau couler sur sa peau de pêche avec quelques larmes en prime. Ses dernières vingt-quatre heures avaient tout changé en elle. Elle ne voulait plus retourner en arrière ! Elle ne supporterait plus de se laisser utiliser comme une marionnette. Les attouchements de Pitch lui effleuraient encore la peau. Ses doigts…

D'un coup de poing sur le carrelage bleu et blanc, Raiponce secoua la tête et se reprit.

- Je DOIS fuir. Peu importe comment, peu importe quand. Je ne suis plus leur jouet ! Tant pis pour l'héritage. Papa, maman, j'espère que vous me pardonnerez… Je sais que vous le ferez.

Dans la chambre, Jack avait buté contre une boite en fer sous le lit qu'il se mit à ouvrir. Dedans il trouva des bibelots anciens. Un vieux carnet appartenant selon toute vraisemblance à Arianna Corona, sa maman défunte. Il y avait aussi un étrange mouchoir violet à l'emblème de famille ainsi qu'un beau collier bleu ciel fort coûteux. Le dernier objet était un album photo de famille que Jack parcourut.

Raiponce le remarqua en sortant de la douche d'où il s'excusa d'avoir fouillé, rouge de gêne. Elle se mit à sourire, rajustant son corset.

- Ce n'est pas grave, je n'ai rien à cacher. Pas à toi en tout cas. Tu me nattes les cheveux ?

Il opina et se servit d'une brosse pour les coiffer doucement. Il adorait ça ! Petit il le faisait avec Emma, il s'en souvenait à présent.

- A qui appartiennent ses reliques ? A toi ? Questionna le jeune homme curieux d'en savoir toujours plus sur son ange.

- Oui… et non. Ce sont… des souvenirs. Ce collier, par exemple, était à mon père. Il est mort si rapidement que je n'ai pas eu le temps de lui dire adieu convenablement mais… la veille de son départ, il me l'a confié.

« - Ma chérie, * tousse* prends-le, il est à toi !

- C'est ton collier papa ! C'est celui que maman t'a confectionné pour votre mariage… Je ne peux pas accepter !

- Je préfère qu'il soit entre tes mains ma puce. Tu le mérites.

- Mais il vaut si cher… Il est si rare…

- Je me fiche bien de son prix. C'est toi qui es mon trésor… J'ai tellement d'effroi à l'idée de ne plus pouvoir admirer ton beau visage… Te voir grandir… T'épanouir sans moi…

Il posa sa grande main sur ses frêles joues rougies et elle pleura.

- Pourquoi tu me dis ça ?! J'ai peur papa… S'il te plait, ne me laisse pas seule ! Ne pars pas !

Frederick Corona eut une grosse quinte de toux. Il se sentait mourir, il SAVAIT. Son corps ne mentait pas. Il fit un sourire et caressa sa petite puce.

- Tu ne seras jamais seule je te le promets. Et, même si je venais à ne plus être à tes côtés, tu trouveras quelqu'un pour combler ce vide. Je suis persuadé que tu le trouveras. Ton cœur est aussi lumineux que ma tendre Arianna, tu n'auras aucun mal à te faire aimer. As-tu seulement pris quelque chose de moi ?

- Ne dis pas ça ! Tu es généreux toi aussi. Gentil, attentionné et respecté… Je voudrais être comme toi plus grande.* gros sanglot*

- Ma puce… Tu es adorable…

Nouvelle quinte de toux, du sang imbiba le mouchoir qu'il tenait en main. Raiponce s'accrocha à son père comme une moule à son rocher. Il était son dernier pilier. Son dernier vrai parent…

En larmes, elle se blottit contre lui tout en tenant le collier dans sa main.

- Sois forte, ma chérie… Tu dois toujours chercher à embellir ton cœur ! Quoi qu'il arrive, moi et ta maman, on veillera sur toi.

La petite Raiponce approuva en répétant frénétiquement qu'elle l'aimait et qu'elle ne voulait pas qu'il meurt comme sa maman… Puis, Gothel l'avait forcée à le quitter pour le laisser dormir.

Le lendemain elle n'avait pas pu le voir à cause de sa marâtre, et alors…, il était parti.

Envolé.

Pour toujours. »

Jack cessa de la brosser après son histoire. Il renifla et commença à natter.

- Je te préviens je suis très nul, déclara-t-il en cachant un trémolo dans sa voix.

Raiponce souriait toujours de dos.

- Je me fiche que ce soit mal fait, je veux juste que ce soit toi qui le fasse.

Il y eu un court silence puis Jack reprit.

- Toi aussi ils te manquent chaque jour. Tes parents…

- C'est une déchirure qui ne guérira jamais… Tu me comprends, n'est-ce pas ?

- Oh que oui. Dis-toi que je ne me souviens même pas du prénom des miens… Heureusement, il me reste Emma… Enfin, je l'espère.

- Et moi Cassandra. On est vraiment mal lotis, hein.

Jack approuva en attachant maladroitement un élastique au bout des cheveux. Il décida de rajouter des fausses fleurs dans sa chevelure d'or, elles trainaient dans sa mallette à chouchous.

Raiponce en profita pour parcourir le carnet de sa maman. Arianna y avait marqué ses pensées et ses aventures de jeunesse à parcourir le monde. Elle avait vécu plusieurs vie en une et sa fille l'enviait sincèrement. Elle raconta quelques passages à Jack qui s'appliquait à embellir la coiffure de son soleil.

- Du cheval, des randonnées en montagne, du camping et du kayak ? Rien que cela ?! Ta maman était du genre audacieuse !

- Oui, rit la blonde dans sa main. Elle n'appartenait pas à la Haute tu sais ? Elle n'était qu'une simple roturière qui cousait des vêtements et qui partait à l'aventure dès qu'elle le pouvait. Elle se fichait bien que certaines activités soit réservées aux hommes, elle faisait ce qu'elle voulait. J'aimerais m'inspirer d'elle désormais. Je veux aussi vivre ma vie à cent à l'heure !

- Tu as bien raison. Tu devrais toi aussi tenir un journal !

- En voilà une bonne idée ! J'y penserai une fois en Amérique !

Jack approuva, terminant son œuvre. Il était fier de lui et Raiponce le remercia d'un baiser.

- Et du coup, tu n'as jamais connu ta mère ?

- Eh non… Décédée le jour où elle m'a donné la vie. Le médecin lui avait demandé de choisir entre elle ou moi. Arianna n'a pas hésité une seule seconde pour me sauver. Elle a fait un sacrifice magnifique que je n'oublierai jamais. Un cadeau pour la vie. Quand papa m'a pris dans ses bras il parait qu'il s'est effondré mais que la simple vue de mon visage l'a sauvé de la folie. Il aimait passionnément ma maman. Au point de l'épouser malgré son rang et contre l'avis de la famille qui l'a renié depuis.

- Je vois ! Comme c'est triste… Et beau, dans un sens. Moi aussi mes parents se sont sacrifiés pour nous sauver, Emma et moi. Ce dévouement pour sa progéniture, n'est pas ce qu'il y a de plus beau à offrir comme preuve d'amour ?

- Je suis on ne peut plus d'accord. On doit leur rendre hommage en étant heureux !

- Bien dit. C'est dingue ce qu'on a en commun.

Il lia ses doigts aux siens et partagea un autre baiser langoureux.

L'heure commençait à tourner. Jack rangea le carnet et le collier dans la boite. Il prit l'album et le rouvrit pour voir la mini Raiponce brandir son plus beau sourire en compagnie de son papounet. Elle semblait vraiment heureuse ! Plus tard, Mini Cassandra apparut. D'abord l'air morose sur les photographies en noir et blanc puis un sourire aux lèvres en compagnie des Corona. De plus vieilles photos trainaient avec Arianna, et même des rares avec la tante Iduna -sœur d'Arianna- lorsqu'elles étaient jeunes. Arianna était une vraie beauté, sa fille avait pris la plupart de ses traits dont sa blondeur de blé. Normal que Frédérick eut succombé à l'époque, se dit-il. Elles avaient le même regard vert à la profondeur lumineuse infinie !

Leur photo de mariage le fit baver. Il s'imaginait déjà en costume avec sa belle Raiponce au bras pour la lier à lui devant l'éternité. Rien ne pourrait l'arrêter dans son rêve, il s'y voyait… La blonde regarda à son tour en commentant chaque photo, chaque jour de bonheur gravé sur du papier glacé. Elle ravivait sa mémoire et cela lui fit du bien.

- Il n'y a aucune photo après la mort de ton père ?

- Non, je n'en prenais plus et cela va sans dire que l'autre sorcière non plus.

- Elle n'apparait jamais d'ailleurs.

- J'ai brûlé les photos que j'avais d'elle sur un coup de folie un jour.

Il rit de bon cœur.

Une fois le carnet parcourut, Jack montra lui aussi le vieux cliché qu'il avait dans sa poche de pantalon.

- Comme ta maman est belle ! On voit bien ses traits Albinos malgré la photographie argentique en noir et blanc!

- Je suis fier d'hériter d'elle tu sais. Du peu de souvenirs que j'ai, elle était douce et si drôle. Papa aussi d'ailleurs. On était vraiment heureux.

- Emma on a envie de la croquer ! Rit la blonde en caressant le papier corné.

- N'est-ce pas ? J'ai tellement hâte de la revoir !

La blonde approuva tandis qu'ils rangeaient leur photo respective.

- Et ce mouchoir, c'est quoi ? Commenta l'argenté.

Raiponce se figea. Son cœur la pinça. Mais… moins qu'elle ne l'avait cru. Elle allait répondre quand Cassandra ouvrit la porte de sa chambrée.

- Je ne voulais pas vous couper – Oui j'écoute depuis un sacré moment, pardon- mais il est la demi, c'est l'heure…

- Déjà, soupira la blonde. J'ai encore tant de choses à te dire Jack. Je veux te raconter toute ma vie. Tous mes rêves.

- Je ne vais pas disparaitre dans l'océan tu sais, tu auras tout le temps de le faire, lui répondit-il.

- C'est vrai… Je dois d'abord m'échapper de la chorale. Ensuite, je te parlerai du mouchoir. Garde-le. D'accord ?

- Comme tu voudras. Je serais là pour t'aider de toute façon !

Cassandra ouvrit grand la bouche de surprise. Raiponce qui DONNAIT son mouchoir à quelqu'un d'autre ? Même elle n'avait jamais eu le droit de le faire. Elle avait totalement tourné la page ! Cela lui offrit un sourire que Jack repéra.

- On se retrouve, miss je vais te tuer si tu t'approches encore !

La domestique lui tira la langue ce qui le fit rire. Puis elle s'assit à ses côtés.

- Justement, je vais avoir besoin de ton aide pour la protéger. On s'y met à deux sur ce coup-là ?

- Avec grand plaisir !

Ils se serrèrent la main devant le regard tendre la comtesse.

- Pas de cachotteries vous deux, je ne partage pas ! Sermonna Raiponce.

- Je suis fidèle voyons !

- Encore heureux, sinon mon couteau est toujours prêt à se planter dans ton cou, ricana Cassandra.

Les trois partirent dans un fou rire.

Raiponce fut alors contrainte de rejoindre les autres nobles pour la messe du jour. Elle se sentit remontée quand elle se rendit vers le dôme de verre pour rejoindre Pitch et Gothel. Ce qu'elle avait raconté à Jack lui avait fourni un courage nouveau. Les paroles de son père et les écrits de sa mère tournaient dans sa tête en boucle. De même que sa soirée et l'odeur entêtante de Jack sur sa peau. Comme une odeur d'hiver permanant !

Elle était prête à parler de LUI. Elle était prête à se livrer et à définitivement tourner la page. Bientôt, quand le Titanic accosterait, elle se débarrasserait de ses poursuivants et vivrait la vie que son cœur désirait vraiment!

Tout du moins, c'est ce qu'elle pensait…

Car, sans le savoir, au loin, la fonte des glaces du printemps anormalement chaud avait décroché un énorme pavé de glace de son domicile qui voguait irrémédiablement vers eux.


Le compte à rebours est lancée ! 14 Avril, LA date fatidique!

J'espère que la suite vous plait toujours autant, n'hésitez pas à laisser un commentaire !

A bientôt ;)