THE chapitre ;)
Bonne lecture! ( Bon courage hihi )
Chapitre 12 : L'impact fatal
Un froid polaire s'empara d'Astoria Gothel qui resserra son manteau noir sur ses épaules, recouvrant sa robe bordeaux élégante qui affinait sa taille gracile. Elle souffla de la buée à travers sa bouche rouge brillante tout en se posant contre la barrière des ponts supérieurs.
Elle ne pouvait aller se coucher. Impossible. Pas tant que sa belle-fille de malheur resterait hors de sa portée. Bien sûr, la marâtre aurait pu aller la chercher elle-même dans les profondeurs du Titanic. Mais cela revêtait bien trop d'efforts alors qu'elle avait un toutou et des sbires prêts à le faire pour elle. Aussi patienterait-elle jusqu'à la capture de sa marchandise et du rat qu'elle prendrait plaisir à torturer jusqu'à plus soif. Enfin… si Pitch lui laissait des restes bien entendu.
Perdue dans ses pensées, la veuve fixa l'horizon d'une mer froide et imperturbable. Ses yeux de glace se perdirent dans le passé…
« Sa naissance non désirée d'une prostituée des bas-fonds qui rejoignit celle de deux autres bébés, une ainée et une benjamine. Trois sœurs utilisées comme domestiques par leur propre mère, forcées à apprendre le métier très jeune, condamnées à se faire frapper par les sautes d'humeurs d'une femme alcoolique et jalouse. Violées dès le plus jeune âge, offertes en sacrifice pour l'argent, utilisées comme des poupées par des hommes âgés et perfides. Des pédophiles qui s'amusaient avec elles et payaient grassement la maman en échange…
Petite Astoria avait vite appris à se forger une carapace. Traumatisée, humiliée, conditionnée, elle s'était construite, dans son esprit, des mécanismes de défense propres à elle-même. Ses sœurs n'avaient malheureusement pas eu les mêmes capacités… Primerose, à bout, s'était suicidée en se jetant d'un immeuble après un énième viol groupé. Hazel, la plus âgée, avait fini par perdre la tête et s'était laissée mourir de faim…
Seule avec sa mère, Astoria n'avait plus supporté la pression. Elle en avait eu assez.
Prise de folie, l'adolescente avait pris un couteau et avait planté sa génitrice à plusieurs reprises pendant une dispute. Sa mort avait été comme une libération pour Astoria qui, bien que totalement seule, avait trouvé un souffle de renouveau bienvenu. Alors, après avoir enterré le corps dans une fosse, elle avait continué à s'offrir aux hommes pour survivre, mais cette fois, c'est elle qui avait pris les choses en main. Elle apprit rapidement le pouvoir des femmes et de la manipulation. Elle comprit ce qu'il fallait faire ou ne pas faire.
Au fil des ans, elle décupla ses forces, ses ruses, ses envies. Elle monta encore et encore. Elle marcha sur les autres, grimpa haut jusqu'à se tenir sur ce navire à contempler son dernier voyage avant d'atteindre le but ultime de son existence : Le luxe et la jeunesse éternelle. Il ne restait plus grand-chose qui la séparait du paradis : Un rat et une gamine entêtée. Rien qui ne pourrait l'arrêter elle. Rien d'insurmontable. Elle avait fait bien pire pour arriver là. Plus que quelques misérables jours, un mariage et enfin, la délivrance ».
- Tu verras maman, tu verras la vie que MOI je vais avoir. Jalouse moi bien depuis la terre que tu nourris de ton corps putride. Contemple ma supériorité, ma vengeance sur la vie ! Ma vengeance sur TOI !
D'un ricanement, Astoria et ses yeux fous se laissèrent envahir de bonheur. Elle tendit sa main en avant comme pour agripper son rêve qu'elle avait durement travaillé pour atteindre quand tout à coup… une forme sombre apparut juste au creux de sa paume.
Le regard surpris, Astoria baissa sa main et plissa ses yeux pour scruter l'océan. Quelle était cette étrange masse qui se dévoilait dans les nappes de brouillard ? Curieuse, l'ancienne prostituée se pencha vers l'avant, son regard se figeant de plus en plus de stupeur en voyant arriver un gigantesque parpaing de glace devant elle.
Un iceberg !
Paniquée, la riche veuve se recula. Le paquebot fonçait droit dessus ! D'apparence, il n'avait pas l'air si gros mais en bas, sous la poche d'eau, devait se trouver un véritable titan, elle le savait. Mais que faisaient donc les Stewards, l'ingénieur et le capitaine ?! Le Titanic se rapprochait inexorablement de sa perte, Astoria sentit la peur monter en flèche quand enfin, le navire vira de bord vers la gauche. Trop lentement, bien trop lentement…
Seule sur le pont supérieur, Astoria sut que c'était trop tard avant même qu'il n'y eut collision. Elle agrippa la barre avec terreur quand l'impact fit secouer tout son être.
* BAM , SCRATCHHHHHHHHHH *
Le Titanic se mit à vibrer avec une force démentielle. Accrochée à sa barrière, Astoria se mit à hurler tandis que l'Iceberg frôlait le paquebot par la droite dans un bruit strident de métal qui frotte. Effrayée, elle observa de la glace tomber sur les ponts inférieurs à cause de la force du choc. L'Iceberg, imperturbable, contempla le bateau lui racler le flan gauche avant qu'il ne glisse plus loin pour s'arrêter complétement quelques minutes après.
Le titan fut totalement immobile sous la lune étincelante.
Astoria put reprendre son souffle et scruta les petites gens et les nobles sortir d'un même ensemble pour aller voir ce qu'il se passait. Pourquoi une telle secousse ? Pourquoi le navire était à l'arrêt ? Un entremêlement de voix surprises s'envola dans les souffles glacés des bouches tandis qu'Astoria sentit son cœur bondir dans sa poitrine.
La collision était-elle grave ? Pouvait-on couler l'insubmersible ? Pouvait-on à nouveau la priver de son but ?
Non, elle ne laisserait pas cela se passer !
Les mains crispées sur le métal froid elle jura tout en se précipitant vers sa cabine. Elle devait se préparer à tout. Son instinct de survie ressurgit, elle le sentait dans ses tripes, il allait se passer quelque chose de grave !
Durant les quelques minutes précédentes, Bunnimond tenait la barre sans le moindre souci à l'horizon. Il pensait à son avenir brillant en tant que capitaine quand il reçut un coup de fil de la tour de guet.
- Un iceberg droit devant ! A TRIBORD, A TRIBORD ! Lui hurla-t-on dans l'oreille.
En quelques secondes à peine, aussi lent que puisse être la perception d'un choc imminent, Aster se bloqua sur place avant de se précipiter vers le téléphone des machinistes. Ses mousses le regardèrent d'un œil surpris tandis qu'il donna l'ordre de reculer de toute la puissance dont la machine était capable. En panique les hommes de machines se mirent à courir dans tous les sens pour arrêter les hélices aussi soudainement qu'ils le pouvaient sans briser les pistons. Ce furent des secondes interminables pour eux ! Le soubresaut de l'arrêt fit grincer les écrous tandis que les pales changèrent de sens dans un brusque mouvement de rotation inverse.
Etaient-ils dans les temps ? La brutale secousse suivante leur donna la réponse.
En haut, Aster tenait la barre à fond dans l'autre sens pour éviter l'impact. Le monstre de glace émergeait seulement depuis sa position, caché par le brouillard glacé épais qui l'avait caché à sa vue de lynx. Le bateau vira.
- Allez, allez, passe, vas-y, passe ! ALLEZ !
Impact, secousse…
Le second crut bien que la barre allait se briser tandis qu'il appuyait dessus pour ne pas qu'elle change de sens. Elle vibrait de part en part dans ses mains moites de terreur. Ce fut trop tard, il vit de la glace tomber en rafales sur le Titanic. Peut-être l'avait-il seulement frôlé ? se rassura-t-il tandis qu'il ordonna l'arrêt complet des machines pour voir les dégâts.
Le capitaine arriva en trombe, en tenue de nuit, pour qu'on lui explique ce qui venait de le réveiller en sursaut ! Aster lui expliqua la situation d'une voix qui trahissait sa peur et sa faiblesse. Nicholas devint blanc comme un linge. Tout comme Aster quelques secondes plus tôt, il changea du tout en tout. Comme il fut surprenant de voir ainsi un homme se décomposer alors que rien n'aurait jamais pu laisser paraître cela quelques minutes plus tôt.
- Je veux un bilan de la situation ! Allez chercher Varian et les techniciens ! ET FERMEZ LES CALES !
Tous s'exécutèrent devant le vieil homme dont la barbe blanche se confondait avec sa peau couleur effroi tandis que son second appuyait sur les boutons fatidiques qui allaient peut-être condamner à mort des dizaines de machinistes…
Lors de la collision, Varian et Cassandra se trouvaient dans la salle des machines. Cherchant sa sœur et son nouvel ami, la dame de compagnie avait été attiré par l'élégance de la machinerie fort complexe et rutilante. Tous ses tuyaux, ses pistons, ses mécanismes ! Varian, euphorique, lui expliquait en long, en large et en travers ce qu'était chaque petit écrou, chaque petit circuit de son inébranlable Titanic !
* BRAAAAAAM *
La surprise les fit hurler tandis que Cassandra chuta dans les bras de son interlocuteur. N'ayant le temps de réaliser ce qu'il se passait elle s'agrippa à lui alors que des bruits assourdissants de métal fissuré chuintèrent à leurs oreilles. Varian connaissait que trop bien ce son… Le métal qui se fait trancher !
- IL FAUT FUIR !
- Quoi ?
- COURS !
La prenant par la main, l'ingénieur fonça vers le fond de la pièce tandis que les énormes pistons s'arrêtèrent de tourner en face d'eux. Une vague de chaleur frappa leur visage tandis que le bruit les rattrapa. Cassandra tourna la tête vers l'arrière, apercevant soudain le métal se couper en deux devant ses yeux encres. L'eau s'engouffra aussitôt comme une conquérante qui tentait de remplir l'espace le plus vite possible. Elle affluait tel un vaisseau sanguin sectionné gonflé de sang.
La jeune femme hurla, effrayée, et se mit à courir aussi vite que son compagnon de route. Varian regarda à son tour l'eau qui leur courrait après dans cette longue pièce mécanique avant qu'il n'entende l'alarme qui signa leur arrêt de mort.
- NOOOON !
Cassandra le vit courir plus vite. Elle le suivait à s'en décrocher les poumons quand elle vit la porte en face d'elle se mettre à descendre. Une lumière vive d'un rouge de lave lui arracha la rétine juste à côté de leur dernière échappatoire tandis qu'elle prévenait de la fermeture des cloisons hermétiques. Pour contenir l'eau ils n'avaient pas le choix… Les grandes huiles d'au-dessus les avaient condamnés.
Varian et Cassandra se prirent la porte fermée de plein fouet, condamnés dans leur tombeau d'eau gelé.
Plus haut, Pitch se retint contre un mur, regardant les lampes vaciller quand arriva l'impact.
Il sentit les parois trembler et se précipita vers les hublots pour regarder ce qu'il se passait à l'extérieur. Il tomba nez à nez avec l'Iceberg qui le salua froidement par la vitre. Perdu vers le pont C, Pitch se recula, soudain peu rassuré par ce qu'il voyait. Des pauvres sortirent de leur cabine, à leur tour inquiets de ce brusque réveil en sursaut. Des enfants pleuraient dont les parents tentaient de les rassurer. Eux-mêmes ne savaient pas ce qu'il se passaient mais ils avaient confiance, ce ne devait être qu'une petite panne, une collision avec un animal marin tout au plus. Ce que les nobles eux aussi pensaient, bientôt ils repartiraient et tout irait bien. La surprise les avaient seulement déroutés.
Dégouté par la présence des petites gens, Pitch Black se trouva un hublot tranquille qu'il ouvrit pour regarder au dehors. Il vit au loin le monstre de glace qui paraissait encore plus gigantesque vu de sa position. Et dire que c'était souvent bien pire en bas, dans l'eau… Le duc se mordit la lèvre tout en constatant qu'ils étaient à l'arrêt.
- Cela me permettra d'avoir plus de temps pour LA trouver, se dit-il soudainement plus optimiste. Je vais pouvoir en profiter pour aller fouiner plus loin.
Souriant, Pitch referma la fenêtre et se précipita vers l'ascenseur pour descendre encore plus bas.
L'impact fut le plus violent dans le pont E, dernier des étages, bas-fond du paquebot.
Jack et Raiponce, couchés ensemble sur leurs sacs de nourriture à parler avenir avaient été arrêtés dans leur élan par la secousse de l'hélice qui change de sens. Ils étaient tombés au sol, soudain effrayés.
- Qu'est-ce que c'était ?! Hurla Raiponce en panique.
Jack la prit contre lui, incapable de lui répondre. Il n'en savait fichtrement rien !
Vingt-trois heures quarante précise, la coque se déchira sur toute sa longueur. Jack voulut rassurer sa chérie quand une explosion d'eau jaillit sur eux. D'un cri commun, le couple s'effondra sur le plancher qui craquela et se gondola en quelques secondes. L'eau afflua en torrents tandis que l'aspiration avalait déjà des boites de conserve.
La terreur, la vraie, enfla en Jack qui se tétanisa. L'eau gelée qui léchait son corps le ramena en arrière, dans ce lac gelé. Il fut incapable de bouger, le corps parcouru de spasmes violents, les larmes bondissant dans ses yeux. Son cerveau ne pouvait pas assimiler la vérité ! Alors qu'il y a peu il avait fait l'amour, avait partagé un instant intense avec sa nouvelle chérie et retrouvé un sens à sa vie… Pouf, on le renvoyait dans le passé et on lui brisait son rêve.
Raiponce fut celle qui garda son sang-froid. Après la surprise puis l'effroi, elle releva Jack et lui hurla de courir. Elle dut le claquer et le secouer pour qu'il reprenne ses esprits.
- Viens avec moi ! Jack, viens ! JE SUIS LA !
A ses mots, l'argenté reprit connaissance et se leva pour courir.
L'eau les attirait à elle et ils durent lutter pour atteindre la sortie de la cale. L'aspiration était de plus en plus forte, elle emportait tout sur son passage et Jack était incapable de savoir quoi faire à part tenir la main de son ange. Celle-ci sentit ses forces la quitter quand l'eau arriva à hauteur de leur ventre. Comment lutter contre un courant pareil ?! En pleine lutte pour leur survie, une idée germa dans son esprit en scrutant dans la salle.
- Jack, Jack écoute-moi ! Il faut lancer le plus de sacs possible ! Il faut bloquer l'arrivée du flux !
- J'y arriverai pas ! J'y arriverai pas !
Il pleurait, en pleine crise d'angoisse. Raiponce le regarda droit dans les yeux et lui prit son visage.
- Tu peux le faire ! Je suis à tes côtés, ensemble rien ne nous est impossible, tu le sais ! Mon astre, aie confiance en nous ! Tu n'es plus celui que tu étais !
Frappé par ses mots, le jeune homme se fit violence pour refouler sa peur et aider son ange à pousser sur une étagère. L'eau montait si vite… Elle était déjà à leur poitrine et les tirait vers elle…
Terrifiés par l'optique de leur mort imminente et de la perte d'un être cher, le couple usa d'une force presque surnaturelle pour balancer les étagères dans l'océan. Tous les produits comestibles foncèrent vers la brèche en quelques fractions de secondes à peine. Les plus petits partirent avec les poissons, les plus gros restèrent bloqués contre le trou et bientôt, une accumulation de caisses et de bocaux bloqua l'aspiration qui provoqua un débit plus faible.
Raiponce et Jack purent ainsi s'extirper de la cale en constatant que l'eau était aussi présente dans les couloirs. Ils étaient faits comme des rats au fond d'une soute immergée. Le courant les attira soudain vers les bas-fonds des autres pièces annexes, ils durent lutter et se retenir aux tuyaux tandis que la lumière vacillait dangereusement.
Puis, une alarme assourdissante retentit en écho jusqu'à eux et des portes se mirent à se fermer.
- AU SECOURS ! Hurla la comtesse ! A L'AIDE ! QUELQU'UN !
Jack, dans une secousse d'adrénaline se mit à lancer son bâton fétiche vers un énorme tuyau et s'y accrocha.
- Prend ma main ! Vite !
Attirée par l'escalier qui menait à la chaufferie, Raiponce était emportée par l'arrière. Ses bras la tiraient affreusement, elle sentait qu'elle allait bientôt lâcher. Et l'eau qui montait encore plus, qui voulait la dévorer. Elle ne prit même pas le temps de remarquer qu'elle était gelée et que l'eau lui mordait la peau comme des lames de rasoir.
- TA MAIN ! MA CHERIE ! ACCROCHE-TOI !
Jack se désarticula pour lui tendre son bras tandis que l'autre tenait toujours son bâton crochu. Heureusement qu'il avait été vernis, cela le rendait plus résistant ! Le E et le J donnaient au jeune argenté un regain de force qu'il n'aurait jamais cru pouvoir sortir en de telles circonstances. La peur sourde de perdre Raiponce et ce qu'il désirait de nouveau le maintenait à flots.
Se faisant violence, la blonde appuya toutes ses forces sur ses mains gelées et coupées pour atteindre celle de Jack. Les doigts s'effleurèrent, ils se cherchèrent, elle n'en pouvait plus…
- Encore un petit effort ! MON ANGE ! MON SOLEIL !
- JACK !
- POUR NOTRE AVENIR !
- JE T'AIME TELLEMENT JACK !
- Ne me dis pas ça ! PRENDS MA PUTAIN DE MAIN !
En larmes, la blonde se remémora les paroles de son père et de sa mère, leur amour, leur espoir pour elle. Celles de Jack, de Cassandra. Allant au dela de ses forces, Raiponce hurla de toutes ses amygdales et se lança vers l'avant en lâchant la barre. Sa main rata celle de Jack de peu, c'était terminé pour elle. Elle n'eut le temps de parler que l'eau l'engloutissait déjà.
D'un cri de pur désespoir, Jack plongea sous l'eau et attrapa sa chérie par le bras avant qu'elle ne disparaisse dans les abysses de la chaufferie. Il se retenait à un extincteur et tirait de toutes ses forces pour qu'elle remonte. Toujours consciente Raiponce sentit le contact de son compagnon sur elle. Les yeux brûlants de sel, la comtesse battit des pieds et se propulsa avec le mur pour le rejoindre. Incapables de remonter, ils restèrent coincés sous l'eau, le manque d'air appuyant sur leurs poumons avec la force d'un marteau. Jack ne lâcherait plus jamais le corps chaud contre lui, il se le refusait catégoriquement ! Pas comme autrefois !
Le débit de l'eau se calma soudain, oh délivrance, d'où ils purent revenir à la surface et respirer à grandes goulées. Les cales fermées leur firent gagner quelques précieuses minutes où Jack récupéra son bâton et où ils nagèrent à contrecourant pendant un long et fastidieux moment. Les cheveux de Raiponce, ballotés par l'eau froide, faisaient de gracieux serpentins indiquant le sens et la force du courant. Ils purent ainsi rapidement constater que le flux se redensifia, de nouvelles cavités ayant percé la coque à cause de la pression. Ils atteignirent presque le coin du couloir quand une table les envoya à nouveau valser vers l'arrière. Raiponce eut la présence d'esprit d'attraper un chandelier qui craquela sous son poids. Jack en profita pour attacher son bâton sur un énorme tuyaux avant qu'ils ne reprennent leur nage, main dans la main.
- Me lâche pas ! Surtout pas !
- Toi non plus !
A grands coups de pied contre les murs, ils réussirent à tourner dans un couloir où le flux fut moins dense. Ils purent ainsi tenter de rejoindre un escalier tandis que l'eau atteignait quasiment le plafond. Paniqués, le couple respirait à grandes goulées le reste de l'air qui était encore présent.
- C'est fermé !
- Ici aussi ! Hurla Raiponce devant une porte hermétiquement close.
- On a été enfermé ! beugla Jack. On est pris au piège !
Le couple se fixa, les larmes aux yeux. Ainsi se terminait leur rêve et leur avenir…
Jack et son amante se prirent dans les bras avant de chercher un maigre et fin espoir. Ils ne voulaient pas abandonner, pas jusqu'à la fin… L'envie de survivre était bien trop forte.
- Je ne veux pas que ça recommence ! Je ne veux pas ! Sanglotait Jack qui frappait sur le plafond pour chercher une issue comme un forcené.
- Pas après tout ce qu'on a vécu… ! Pourquoi Dieu s'acharne-t-il sur nous ? Hurla la blonde à son tour. Pourquoi ?! N'as-t-on donc pas le droit au bonheur nous aussi ?!
L'air manquait, l'eau montait, c'était bientôt terminé.
Refusant la mort, Raiponce se mit à chercher un plan du bateau. Elle inspira et plongea sous l'eau. Bien que le sel lui dévorait ses beaux émeraudes, elle se força à garder les yeux ouverts. Jack n'eut pas le courage de la suivre, tremblant comme un chien aculé.
- Emma, oh Emma pardonne-moi… Pardonne-moi… !
Il continuait de frapper contre les cloisons, dans l'espoir d'un miracle. Le nez en l'air, il prenait ses dernières inspirations en hurlant.
Raiponce trouva une pancarte indicative sur les murs dorés. La brillance se reflétait facilement sur le papier glacé. Les yeux plissés, dans le flou de l'eau, elle essaya de deviner les pièces qui se dessinaient devant elle ainsi que les accès techniques. En manque d'air, elle remonta en battant des pieds. Quand elle sortit de l'eau elle eut tout juste le temps de reprendre de l'air et d'interpeller Jack. Le jeune homme sombra à contre cœur dans le tombeau d'eau avant de nager jusqu'à la blonde. La pièce désormais complétement immergée ils n'avaient plus de porte de sortie. Livrés à l'océan, ils se prirent par la main et frappèrent du pied contre un bloc carré aussi blanc que le mur que Raiponce martelait depuis quelques secondes.
Asphyxiés par le manque d'air, leurs dernières bulles de vie s'échappèrent tandis qu'ils mirent leurs dernières forces dans de gros coups de pied. La cloison céda. L'eau froide s'engouffra à l'intérieur et se déversa dans la plomberie. Ils purent ainsi passer leur tête dedans pour reprendre de l'air vital, les yeux révulsés par la noyade. Crachant ses poumons, Jack se glissa aussitôt dans l'habitacle serré, transi de frayeur. Seule l'adrénaline le maintenait encore en mouvement. Ca et le regard de sa belle, déterminée à vivre. La blonde s'enfila à son tour et ils grimpèrent aux tuyaux, comme des singes, dans l'espoir d'une échappatoire à ce cauchemar.
L'eau montait vite en dessous-d 'eux, l'espace restreint et confiné que c'était était un véritable aspirateur à eau.
- On va s'en sortir, on va s'en sortir ! psalmodia Raiponce pour motiver un Jack toujours en crise d'angoisse.
L'argenté déglutit quand le passage se resserra. Il se tortillait entre les interstices des tuyaux, terrifié à l'idée de finir sa vie coincé et noyé dans ce minuscule clapier sombre. Soudain, une illumination. Il connaissait ce style de passage. Il les empruntait souvent ces derniers jours pour esquiver ses ennemis.
- Par-là ! Je suis sûr qu'on peut trouver un embranchement ici ! Suis-moi !
- Ok !
Pétri de douleur et d'épuisement, le couple glissa entre plusieurs boyaux sombres dont ils ne voyaient absolument rien, se cognant de tous les côtés. Raiponce dut s'arrêter à plusieurs reprises pour retirer ses cheveux coincés dans les interstices tandis que l'eau les rattrapait dans un compte à rebours angoissant. Ils n'avaient droit à aucun moment de répit.
Le jeune homme arriva enfin à destination et se mit à frapper à nouveau avec ses jambes. Une lumière jaillit, telle une lueur divine.
Il se lança aussitôt dans le couloir du pont D dont l'eau était déjà présente jusqu'aux chevilles. Reprenant sa respiration, saccadé, il aida Raiponce à le rejoindre, toute noire de suie et de graisse. A son tour elle se laissa tomber contre le mur.
- On a failli mourir, c'était… à ça, s'exprima la comtesse, morte de peur.
Son amant hocha la tête, à genoux.
- Mais ce n'est pas encore terminé, on doit remonter, pressa-t-elle en le regardant. Si l'eau est montée jusque-là et que les portes sont ouvertes ici, alors… alors le bateau va couler ! On doit rejoindre les canots de sauvetages !
- Tu… Tu crois que le Titanic peut couler ? Questionna-t-il, sonné, perdu.
- Il ne peut pas, il VA couler. Regarde l'eau monte encore !
- Peut-être que ce n'est rien, peut-être que…
Jack regarda dehors par le hublot le plus proche. Il vit l'Iceberg, il vit aussi des couleurs vives exploser dans le ciel. Les fusées de détresse… Le signal d'un naufrage.
- Non… NONNNN ! Ce n'est pas vrai ! Ce n'est pas vrai ! Je vais me réveiller, c'est un cauchemar ! Pourquoi ? Que s'est-il passé ?!
Nouvelle crise, il se griffa la peau jusqu'au sang. Raiponce se précipita vers lui pour l'arrêter et le prit contre elle.
- Ca va aller, ça va aller, je te le promets ! On va s'en sortir !
- Pitié, je ne veux plus aller dans l'eau, par pitié !
Elle lui caressa la nuque alors qu'il la comprimait comme si elle était sa bouée de sauvetage. Raiponce lui reprit le visage pour qu'il la fixe. Elle souriait par dela ses tremblements.
- Jack, tu m'as sauvée tellement de fois… Maintenant, c'est à mon tour de t'aider. Repose-toi sur moi. Même si l'eau nous atteint, elle n'atteindra pas notre vie. Je te promets qu'on va y arriver tous les deux. Parce qu'on est ensemble. Cassandra et les autres viendront nous chercher. N'aie pas peur, ton soleil ne partira jamais.
Elle enlaça ses doigts dans les siens. Il se calma lentement et renifla.
- Je ne veux pas te perdre…
La prenant contre lui, il se gorgea de courage pour faire face à ses phobies et se redressa en souriant. L'eau venait déjà lécher leurs cuisses.
- Merci ma belle, mon rayon de soleil. Toi aussi tu m'as déjà sauvé… Restons ensemble jusqu'au bout. Quoi qu'il arrive. Quoi qu'il se passe dehors… Quoiqu'il nous attende…
Raiponce opina et se blottit un petit moment.
Les amants durent soudain se retenir quand le bateau tangua vers l'arrière.
- Qu'est-ce qu'il se passe ?! On est de travers ! Beugla la blonde qui s'accrocha au bras de Jack dont lui-même était agrippé à un battant de porte.
- Le paquebot… Il commence à couler ! Tu avais raison, l'insubmersible Titanic… fait naufrage !
- J'aurai préférée me tromper, déclara la comtesse avec amertume. Tu crois que c'est à cause de cet Iceberg là-bas ?
- Je pense qu'on a foncé droit dessus oui, répondit Jack.
- Mais que diable faisaient le capitaine et l'équipage ?! Comment cela a-t-il pu arriver ? QUE CE PASSE-T-IL A LA FIN ?!
- Je ne sais pas… Ce qui est sûr c'est qu'on doit remonter à tout prix ou on va finir par boire la tasse ! On doit sortir des ponts inférieurs et trouver de l'aide !
La jeune femme approuva et ils se mirent en route vers les escaliers toujours allumés. Luttant à nouveau contre l'eau qui les ralentissaient, le couple puisa dans leurs forces pour atteindre la rambarde où ils mirent enfin leurs pieds au sec.
C'est alors que deux ombres gigantesques surgirent de nulle part pour leur bloquer le passage. Le couple se retrouva nez à nez avec les frères Stabbington qui souriaient de toutes leurs dents devant la seule issue possible.
Leurs proies étaient ferrées !
Dans le navire, la plupart des passagers se firent rassurer par l'équipage ignorant. Ce n'était qu'une panne d'hélice et tout allait rentrer dans l'ordre sous peu.
On proposa aux nobles d'aller prendre le thé ou de se recoucher. On dit aux pauvres de retourner dans leur cabines en attendant plus d'informations. Les passagers furent ainsi calmes et disciplinés. Ils ne virent pas le danger arriver et se contentèrent de discuter entre eux tout en sirotant tranquillement. Certains retournèrent même au lit tandis que d'autres jouaient avec les enfants pour les calmer.
Seuls ceux qui avaient assistés à la collision sur le pont inférieur étaient sceptiques et parlaient à voix basse. Cela dit, le Titanic ne pouvait pas couler, ils ne risquaient donc rien, non ? Ce n'était pas cette petite glace qui allait ébranler le colosse de fer !
L'ambiance fut moins joviale dans la cabine du capitaine… Nicholas fixait le plan que venaient de déplier Edgard et Aster sans cligner des yeux.
- Où est l'ingénieur ? Où est donc Varian ?! Insista le capitaine rempli de tension.
- Aucune idée, on ne l'a pas trouvé, déclara Thiana tout juste sortie de l'infirmerie. Il n'était pas dans sa cabine, ni dans les ponts supérieurs.
« Espérons qu'il n'était pas en bas… » mima Sandy en langue des signes.
- Je l'espère aussi, s'épongea le capitaine de la main. Bon, faisons un bilan de la situation voulez-vous. Aster, y a-t-il eut infiltration d'eau ? Que disent les machinistes sur les dégâts ?
- Les quelques maigres survivants de l'impact explique que le Titanic est fendu sur toute sa coque basse… Il y a eu beaucoup de leurs collègues morts et coincés en bas… C'était un carnage.
Lourd silence.
- Toutes les cales ont bien été fermées ?
- Oui capitaine, tout le pont E est sous contrôle, déclara Aster. La machinerie, la chaufferie et les soutes inférieurs sont closes.
- Combien il y en a en tout ?
- Six compartiments.
- Six…
Nicholas se souvint de ce que lui avait dit Varian ces derniers jours dans ses bavardement interminables. Un navire, quel qu'il soit, pouvait rester à flots avec cinq compartiments bas immergés et clos mais pas un de plus. Une histoire de poids, de pression et surtout d'infiltration d'eau qui passe de pont en pont jusqu'à couler le derniers pans de métal des titans de fer.
- C'est déjà trop tard… nous ne pouvons plus rien faire… Le Titanic va sombrer, dit-il d'une voix étrangement froide et placide.
- Quoi ? Mais c'est impossible ! IL NE PEUT PAS COULER. Il est insubmersible !
- Ma chère Thiana, les lois de la physique sont implacables. Il est fait de fer, d'or pur, et il est sur l'eau. Il coulera comme n'importe quel autre objet métallique. Et encore plus parce qu'il est lourd comme dix navires… Et que…
C'en était trop, le capitaine dut s'asseoir. Les paroles de Varian résonnaient en lui. L'or trop lourd pour un tel navire et surtout, SURTOUT, les canots de sauvetages en sous nombres. A peine de quoi sauver plus du quart des passagers.
Un sursaut, un espoir.
- Il faut envoyer un message d'alerte au navire le plus proche ! Qu'il vienne nous sauver ! Faites un SOS !
- Vous êtes sûr, c'est… c'est vraiment en train de se produire ? On coule ? Demanda Edgard d'une voix blanche.
- Oui. On ne peut plus l'arrêter. On va couler c'est indéniable. Il faut à tout prix aider les passagers et appeler de l'aide ! TOUT DE SUITE !
Edgard s'exécuta en courant vers l'appareil de transmission. Il tapa son message en morse aussi vite qu'il le put. Aster s'approcha de son ami avec douleur.
- Tout est de ma faute ! Je n'ai pas été assez réactif, pas assez vigilant. Pardonnez-moi capitaine… Je suis… Je demanderai ma démission sans faute quand nous serons à terre ! J'ai tellement honte de moi ! Je suis indigne de vous !
Nicholas leva la main pour le stopper.
- Tu as fait tout ce que tu pouvais Aster. Le fautif c'est moi et uniquement moi. J'étais trop confiant. J'ai ignoré le message d'alerte, j'ai poussé les moteurs à fond alors que cela a toujours été déconseillé en rodage… Je suis le seul coupable, surtout, ne pense pas que c'est toi, je te l'interdis ! Tu m'entends !
Le second resta sans voix, brisé. Thiana vint pour câliner le capitaine et lui assurer que tout irait bien et qu'ils s'en sortiraient. Qu'ils allaient prendre soin des passagers et les aider à fuir le Titanic avant le naufrage. Nicholas resta sans voix, détruit par ses choix, par sa faute la plus grave jamais commise. Juste avant sa retraite. Il se détestait.
- … Capitaine, on a une réponse.
Il leva ses yeux humides vers Edgard qui était aussi pale qu'un linge.
- On a reçu qu'une seule transmission…
- ET ?
Edgard reposa le journal de bord où il avait tout noté avant de soupirer… Ce qu'il avait à dire était peut-être la pire nouvelle qu'il n'eut jamais à apprendre à quelqu'un.
- C'est le Carpathia qui a répondu. Il ne pourra pas être là avant quatre heure capitaine.
- QUATRE HEURES ?
Nicholas fondit comme neige au soleil. Quelques minutes à peine après la collision il était devenu un autre homme. D'un vaillant gaillard il n'était plus qu'un vieil homme miteux qui se rapetissait sur lui-même.
« On peut tenir quatre heures ? » Questionna Sandy
- Je n'en sais rien… Je n'en sais rien du tout mais… Je ne pense pas que nous disposions d'autant de temps… Qu'en est-il de la situation actuelle ? Où en est l'eau ?
Thiana alla appeler les ponts inférieurs avant de revenir vers son mentor. Elle secoua la tête.
- Il n'y a plus de pont E.
Cela fit l'effet d'une bombe. Tout le monde se tut. La réalité les rattrapait. Ils allaient couler et, de surcroît, personne n'aurait le temps de venir les aider. Vu la vitesse à laquelle l'eau montait ils n'en avaient plus que pour une heure tout au plus. Nicholas eut l'impression de quitter son corps. Combien de morts y allait-il avoir avec ce manque de canots de sauvetage ? Plus de la moitié. C'était un fait incontestable. La logique même.
- Capitaine, que fait-on ? Vos ordres… Demanda Aster la gorge serrée par l'émotion retenue.
Le vieil homme se leva comme un automate, il s'approcha de la vitre et vit les passagers marcher tranquillement et discuter comme si de rien était sur les ponts. Dire que des centaines voire des milliers de morts allaient avoir lieu sans que personne ne puisse rien y faire. Il fallait sauver le plus de vie possible… Et eux, en bas, ne s'en rendaient même pas compte.
Qui sauver ? Qui choisir ? Les Hautes classes ? Non… Il ne s'y résoudrait pas.
- Rappelez tout l'équipage, Aster, sans exception. Essayez aussi de trouver Varian s'il peut nous aider. Nous devons impérativement préparer l'évacuation par canots de sauvetages. En priorité… les femmes et les enfants. Oui, nous sauverons les femmes et les enfants d'abord.
- Entendu !
Aster et les autres se dépêchèrent aussitôt de réunir les troupes.
Minuit sonna sur l'horloge du capitaine. Il fit lancer les fusées de détresse, au cas où, dans un ultime espoir, un navire vienne les aider alors qu'il avait raté le message. Il n'y croyait guère trop mais, il fallait tout tenter. Des dizaines de fusées furent lancées sous les yeux soudain fort inquiets des passagers extérieurs. Que se passait-il vraiment sur le Titanic ?
Nicholas prit alors une décision tandis que les troupes commençaient à aller voir les nobles et les pauvres pour leur donner des gilets de sauvetage et leur expliquer la situation dramatique qui arrivait aussi soudainement qu'une attaque cardiaque.
Combien de machinistes déjà morts ? Combien de vies et d'hommes allaient se faire faucher dans quelques heures, quelques minutes… ?
Le capitaine ferma les yeux, laissa rouler une larme puis retourna prendre les commandes de l'opération, le cœur lourd.
Il porterait le poids de toutes ces morts jusqu'à la toute fin.
NDA : Ah quel plaisir d'avoir enfin put écrire sur le moment où ça part en sucette! Je ne sais pas vous mais moi les passages sous l'eau j'oublie toujours de respirer quand je les lis/écris xD
Cela dit, ce n'est que le début, personne n'est encore sortie d'affaire croyez moi!
Qui va mourir, qui va survivre, c'est un régale de vous laissez dans le flou jusqu'au dernier moment, nihéhéhé!
Merci Kim et MHE pour votre fidélité, vous me sauvez * - *
