Une bonne lecture à tous!


Chapitre 13 : Négociations

- On t'a enfin retrouvée, petite fleur !

- Tu ne peux plus t'enfuir.

Les jumeaux aux rouflaquettes souriaient de toutes leurs dents, absolument pas inquiétés par ce qu'il se passait autour d'eux. Comme si rien de grave ne se profilait à l'horizon, ils fixaient leur proie avec délectation. Pris au piège entre l'eau mortelle et leurs gros bras, le couple clandestin était acculé.

Ce qui choqua le plus Raiponce en cet instant ne fut pas l'eau qui cherchait à lécher ses pieds nus ni le regard des colosses mais plutôt le fait d'entendre leurs grosses voix graves ! C'était la première fois que cela arrivait en sa présence. La surprise la rendit muette. Jack, en revanche, se posta en face d'elle d'un air protecteur.

- Qu'est-ce que vous fichez encore là ?! Leur Cria-t-il. Vous ne voyez pas que le Titanic est en train de couler ? * Il désigna l'eau derrière lui* Vous n'avez pas mieux à faire que de nous poursuivre ?!

Les roux se lancèrent un regard amusé avant d'appuyer leurs prunelles claires sur la damoiselle.

- Oh ça non, il n'y a rien qui prévaut plus que la récompense de votre capture, balança celui avec le cache œil, le jumeau dominant de ce que présentait le couple. Peu importe que ce navire disparaisse sous l'océan, ou qu'une guerre sanglante éclate juste sous notre nez. Vous valez bien plus que cela à nos yeux !

Raiponce recula d'une marche et sentit l'eau glacée lui mordre les chevilles. Elle regarda l'étage du pont D, inondé, et déglutit. Aucune échappatoire possible…

- A quoi bon recevoir de l'argent si vous mourrez avant même de pouvoir vous en servir? Déclara-t-elle. C'est complétement stupide comme raisonnement !

- Je te retourne la question, s'exprima le second, à quoi bon vivre si on a pas d'argent pour en profiter ? Le monde est cruel, il faut savoir s'adapter et jouer de sa propre vie s'il le faut.

- Nous ne vivons que pour l'argent et la liberté de faire ce que l'on veut, rien de plus.

Le borgne tenta d'attraper Raiponce mais Jack lui donna un coup de bâton avant de redescendre quelques marches et se retrouver dans l'eau à nouveau. Il grimaça. La peur et la douleur s'entremêlaient en lui.

- Je ne savais même pas que vous pouviez parler mais si c'est pour dire autant de bêtises à la minute autant que vous restiez muets comme avant ! Trembla Raiponce de froid. Laissez-nous passer ! Nos vies nous importent bien plus que votre idéal de l'argent !

- Hé, hé ,hé c'est vrai qu'on ne parle que lorsque cela est nécessaire, reprit l'œil unique. Nous ne sommes pas comme vous, à bavasser pour ne rien dire, à pleurer pour un rien, à être sentimentalistes. Cela ne nous regarde pas, vous nous ennuyez.

- En revanche, le prix de la récompense que Pitch nous offre vaut dix fois ce qu'on recevait par le passé ! Alors, non, on ne vous laissera jamais partir !

D'un même ensemble, les jumeaux se jetèrent sur leurs proies qui choisirent la mort plutôt que la capture. La liberté de décider comment vivre ou comment mourir… cela valait bien mieux qu'une vie de souffrance sans fin. Aussi, Jack et Raiponce se retournèrent pour plonger à nouveau dans l'eau à deux degrés tout en laissant le courant les emporter loin de leurs ennemis.

Le borgne en haussa son unique sourcil.

- Alors ça, je ne m'y attendais pas ! Ils ont du cran les jeunots.

- Ils auraient fait de bons mercenaires. Quel gâchis qu'ils soient aussi stupides.

- Entièrement d'accord. Cela dit, ils n'ont vraiment pas compris qu'on se fichait bien de la mort nous aussi.

- Que c'est amusant cette chasse à l'homme. Cela me rappelle la guerre aux Philippines, gloussa celui à la cicatrice sur la joue. Une vraie boucherie que c'était.

- Alors jouons encore un peu. Comme autrefois !

D'un rire commun, les mastodontes plongèrent sans aucune difficulté à leur poursuite et les rattrapèrent en quelques brasses.

Jack les remarqua à l'angle du couloir suivant alors qu'ils tentaient de trouver un autre escalier.

- Les voilà ! Ils nous suivent !

- Ils sont complètement fous !

Jack balança son bâton pour prendre un autre virage et rattraper le sens du courant pour gagner de la vitesse. Ils entendaient, derrière eux, des rires les poursuivre à leur glacer le sang. Bien plus que ce que l'eau leur infligeait déjà. Le couple se lança dans un autre couloir puis sentirent leur corps se faire propulser vers une pièce adjacente. Raiponce continuait de battre des pieds tout en regardant en arrière. Ils étaient encore plus proches qu'avant ! Mais qui étaient-ils donc ? Des machines ? Des suicidaires ? N'avaient-ils donc peur de rien ?!

- Jack, ils sont toujours à nos trousses ! On va finir par retourner vers le pont E si ça continue !

L'eau s'infiltrait toujours plus vite et bientôt les pièces se trouvèrent plus inclinées encore, tirées par l'avant du paquebot. Terrorisé, main dans la main, le couple traversa la pièce à la nage, trempé jusqu'aux os. Jack accéléra en prenant appui sur des meubles immergés. Raiponce balançait de son côté tout ce qu'elle pouvait trouver pour ralentir la progression des jumeaux qui grattaient du terrain. Ils étaient malheureusement excellents à la nage.

Une table en acajou fonça droit vers les mercenaires qu'ils repoussèrent de leurs bras musclés et pleins de vie. A contrario, Jack et Raiponce fatiguaient, épuisés par leur lutte contre le courant, par le froid mordant. La comtesse envoya par la suite des caisses et de la porcelaine qui flottaient, aussi fort qu'elle le put. Jack en profita pour pousser un buffet sur eux de toutes ses forces. De leurs poings, les Stabbington brisèrent les obstacles d'une facilité déconcertante.

- Inutile, vous ne pourrez pas nous échapper, petits rats. On est imbattable à ce jeu !

- Laissez-nous tranquille bon sang !

Ce fut au tour d'un chandelier en cristal brisé de foncer sur le jumeau borgne. Son double le protégea d'un gros bout de bois en main, tel un joueur de baseball.

- Nagez, encore et encore. Epuisez-vous, ricana-t-il.

- Croyez en un espoir qui ne vous sauvera pas !

Jack sortit enfin de la salle qui servait de lingerie et de rangement avant de se sentir aspirer vers les escaliers. Il se retint sur un tuyau grâce à son bâton et lutta pour avancer à contre sens. Tout au fond, l'impasse du pont E les attendaient, le retour à la case départ.

- Jack, il faut remonter ! Vite !

Leur tête touchait à présent le plafond, le pont D se soulevait par une extrémité, les enfermant de l'autre côté.

- Accroche-toi bien !

Raiponce resserra sa prise et suivit son amant qui plongea tête la première dans l'eau. A la seule force de leurs bras et de leurs jambes, ils se débattirent pour aller dans la direction arrière du navire, dans ce long couloir toujours illuminé par les lampadaires en cristaux. Soudain, Raiponce sentit une masse lui attraper la cheville. Elle hurla de surprise, relâchant son air. Jack tira comme un bœuf pour la récupérer tandis qu'elle donna des coups de pieds au hasard pour se délivrer. Quand ils remontèrent à la surface, leurs nez touchaient la paroi du haut, le visage plaqué sur le plafond.

- Ils sont là ! Je les vois !

- Inspire !

A nouveau ils se retrouvèrent sous la froideur de l'océan qui, peu à peu, grignotait leur vie.

Un combat aquatique s'engagea quand le cicatrisé attrapa le bâton que Jack refusait de lâcher par instinct. Cela laissa à son frère la possibilité de fondre sur Raiponce qu'il attrapa par ses cheveux avant de la tirer jusqu'à lui comme si elle n'était qu'une vulgaire poupée de chiffon. La blonde se débattit, en pleine crise d'hystérie. Cela ne semblait en aucun cas gêner la nage du rouquin qui, en quelques brasses, remonta le couloir inondé.

La tête sortie de l'eau il reprit sa respiration alors qu'il était resté plusieurs minutes immergé. Raiponce, elle, était affaiblie et incapable de se dégager d'une telle poigne. Elle cracha et inspira à son tour tout l'air qu'elle put tandis que son ravisseur la ramenait au sec dans cet étroit corridor penché vers l'arrière. A l'aide de sa grosse main il passa de tuyau en tuyau pour aller plus vite. Son frère le suivait, Jack dans une main, le bâton dans l'autre.

- Non, je vous en supplie ! Plutôt mourir que revoir Pitch ! Implorait Raiponce, portée comme un sac à patates sur le dos du mastodonte.

- Ce n'est pas mon problème, trancha son assaillant avec un rire malicieux.

- N'avez-vous donc aucune morale, aucune valeur ? Brailla Jack qui se tortillait sous le bras du jumeau à la cicatrice.

- Aucune, reprit le borgne. On vit avec nos principes uniquement.

- Si vous saviez le nombre de personnes que nous avons torturées, assassinées, dépecées pour l'état américain et l'Allemagne. Ce qu'on fait aujourd'hui c'est une vraie promenade de santé à côté.

Ils riaient, incapables du moindre sentiment. Jack se dit que c'était peine perdue, qu'on ne pouvait pas parler avec ce genre de personne. Raiponce en revanche y vit là une opportunité. Tremblante de la tête aux pieds, elle arrêta de se débattre et reprit ses forces le temps du trajet jusqu'au prochain escalier.

Puis, d'une voix convaincue elle lança :

- Et si on vous paye plus que Pitch ! Vous laisserez-nous partir ?

Cela sembla faire mouche. Au sec à nouveau, les mastodontes s'arrêtèrent avant d'arriver sur le pont C.

- Plus ? Mais tu es plus pauvre que lui, balança le borgne d'un air plus intéressé qu'il ne le prétendait. Quand à ton petit rat, il n'a même pas de quoi se payer un millième de ce qu'il nous offre.

Son frère s'esclaffa tandis que Jack grognait sous son bras nervuré. Raiponce reprit, toujours plus sûre d'elle. Puisque les sentiments ne marchaient pas et que seul l'argent comptait, alors, elle allait jouer à leur jeu et leur offrir ce qu'ils désiraient !

- C'est vrai, ma belle-mère a dilapidé tout l'argent de notre maison, c'est un fait, nous sommes quasiment ruinées. Mais, moi, je possède quelque chose d'une valeur supérieure à ce que Pitch vous a proposé! Quelque chose d'unique au monde qui peut se vendre des milliards aux enchères ! De quoi vous assurer une vie tranquille jusqu'à la fin de vos jours !

- Ta ruse ne marchera pas, petite fleur, je sais que tu bluffes.

- Nous connaissons tout de toi et de tes biens. Il n'y a rien que l'on ait aperçu de cette valeur à la demeure des Corona.

Ils allaient reprendre leur marche quand la prisonnière insista à nouveau :

- Si, il existe ! Je l'ai simplement caché à ma belle-mère pour ne pas qu'elle le vende. C'est un souvenir précieux de mon père… Il est… Il est cher à mon cœur mais… Je préfère vous le donner que de finir avec Pitch et que Jack soit tué ! Non, la vie à bien plus de valeur que ce bijou !

- Non, mon soleil , c'est ton souvenir ! Tu ne peux pas faire ça…

Jack avait compris de quoi elle parlait. Raiponce secoua la tête, les larmes affluant dans ses prunelles émeraude.

- Ce n'est qu'un collier, Jack. Un simple collier ! Il ne m'apportera rien de plus dans la vie. Ils peuvent le prendre ! Comme le disait si bien mon père avant de mourir : « Je me fiche bien de son prix. C'est toi qui es mon trésor ! »

Le borgne fixa son jumeau puis décida de relâcher sa proie en la balançant sur le palier intermédiaire, entre l'eau qui montait et les appartements des plus pauvres du pont C dont on entendait des échos lointain d'agitations.

Jack sentit son cœur cogner fort contre sa poitrine au vu des mots qu'avait prononcés son ange. Lui aussi finit par rencontrer violemment le sol en métal. La douleur ne l'empêcha pourtant guère de ramper jusqu'à sa belle pour la prendre contre lui et faire rempart entre elle et les deux montagnes de muscles qui les dominaient de leur ombres.

- D'accord, admettons qu'il existe, ce bijou, qu'est-ce que c'est exactement ?

- Le bijou en lui-même est une création originale de ma maman, reprit la comtesse en se serrant fort contre son amoureux. Mais la pierre centrale qui l'orne est une pierre précieuse très rare que mon père possède dans sa famille depuis des générations. Il s'appelle : le cœur de l'océan.

- LA PIERRE DES ROIS ? Beugla tout à coup le plus discret des deux.

- Tu plaisantes, c'est ça ? Ce caillou a disparu depuis des lustres après Louis quatorze ! Ce n'est presque plus qu'une légende !

- Non, c'est véridique, mes ancêtres l'ont fait authentifier. Ils l'ont achetés à un certain Hope, un banquier en faillite, dans les années 1800. Mon père m'a raconté son histoire et je l'ai vu sur plusieurs portraits royaux. C'est le même bijou. Avec ça, vous avez de quoi dépasser la fortune de Pitch si vous le voulez…

- Raiponce…

Jack se sentait mal à l'idée qu'elle perde ce trésor familial, sa dernière racine.

- Regardez, je l'ai même dessiné !

La blonde ouvrit son sac imperméable et son carnet bien rangé dans sa pochette plastique. L'eau l'avait épargné grâce à sa prévoyance. Le borgne s'en saisit avec ferveur et tomba sur le dessin de Jack dénudé. Ils pouffèrent -Jack en rougit jusqu'aux oreilles- tout en tournant les pages rapidement. Ce serait le coup du siècle ce bijou ! Une retraite anticipée sur une île à se dorer la pilule sans plus aucune ordre à recevoir jusqu'à leurs derniers jours!

La bonne page fut trouvée, leur sourire s'agrandit et leurs yeux brillèrent d'une ferveur peu connue de leur part. Frédérick Corona se tenait fièrement avec la parure en or et le cœur de l'océan sur le torse. Le dessin était si criant de réalisme qu'on aurait pu croire à une photographie.

- C'est lui ! C'est bien ce bijou ! S'emporta celui à la cicatrice. Mon frère, c'est le paradis !

- Si ce qu'elle dit est vrai, oui ! Où se trouve-t-il ?

- Dans ma cabine, sous le lit, dans une boite métallique ornée de fleurs. Je serai vous je me dépêcherai car l'eau va finir par l'engloutir en premier.

Un regard d'hésitation puis le carnet retomba sur Raiponce qui le rangea rapidement dans sa pochette pour protéger ses œuvres, aussi importantes que si c'étaient des souvenirs impérissables.

Le borgne s'avança vers la comtesse en repoussant Jack d'un geste surpuissant avant de lui attraper le menton.

- Ok, petite fleur, je veux bien te croire. Je vais aller chercher ce bijou avec mon frère mais si jamais tu m'as menti, nous reviendrons te trouver, où que tu sois, et , cette fois-ci, on sera beaucoup moins tendres. Crois-moi, nos victimes s'en souviennent encore après leur mort des tortures que nous leur avons infligées.

- Qui n'est rien en comparaison de ce que vous venez de vivre.

Les deux souriaient méchamment. Raiponce garda sa fierté en ne détournant pas le regard.

- Il est bien là, et il est à vous.

- Dans ce cas, c'est un adieu, commenta le dominant. Bonne chance à vous deux. Black et l'autre tarée ne vous lâcheront jamais, dussent-ils couler avec ce navire.

Ils rirent en les laissant là pour foncer vers le premier ascenseur venu qu'ils prirent en otage pour partir vers les ponts supérieurs.

Jack et Raiponce purent enfin reprendre leur souffle, encore terrifiés par ce qu'ils venaient de vivre. La jeune femme se recroquevilla, amère.

- Ils ont raison, Jack, ils vont continuer à nous chasser jusqu'à ce qu'ils arrivent à se débarrasser de toi et à m'enfermer dans ce mariage pour l'éternité. Naufrage ou pas… Cela ne change rien à notre situation !

Bien qu'angoissé et souffrant, son amoureux lui sourit et replaça une mèche de ses cheveux derrière son oreille pour dévoiler son beau visage à ses yeux.

- Qu'ils essayent, tu sais bien qu'on continuera à leur échapper !

- Mais ils vont profiter du chaos pour t'abattre… Même si les gorilles ne sont plus là ils restent une menace bien plus… perfide ! Maintenant, tous les coups sont permis !

- En effet… Ce qui joue aussi en notre faveur. Nous n'avons plus à nous contenir nous non plus.

L'eau grimpait les marches à toute vitesse, toujours plus inclinées à chaque minute. Raiponce inspira et lui sourit à son tour, les yeux posés sur lui. Elle appuya sur sa main, amoureuse comme au premier de leur regard.

- Ensemble jusqu'à la fin.

- Ensemble jusqu'à la fin, répéta-t-il en l'embrassant.

Le baiser fut d'une intense et profonde tristesse. Comme un baiser d'adieu, ils se laissèrent porter une dernière fois avec passion.

L'eau finit alors par les rattraper.

Raiponce se releva en frissonnant, elle était congelée, faible et si fatiguée…

- Jack, j'ai si froid… Je vais mourir bien avant d'arriver à un des canots de sauvetage…

- Tu as raison, moi aussi je ne me sens pas bien. Il faut à tout prix qu'on remonte se réchauffer avant de trouver un lieu sûr où nous pourrons fuir sans que ni ta marâtre ni ton fiancé de la mort ne te retrouvent. Une embarcation éloignée!

Elle acquiesça en cherchant de la chaleur corporelle contre le corps de Jack. Il la frictionna pour la réchauffer puis marqua un temps de pause tout en commençant à remonter les escaliers du pont C.

- On doit aussi retrouver Cassandra, dit-il d'un ton fort. On ne peut pas l'abandonner avec les autres !

Raiponce sembla soudain émerger d'un songe. Cassandra ! Sa sœur -de cœur ! Comment elle avait pu l'oublier ? Avec tout cela elle n'y pensait même plus…

- Mon dieu, Cass' ! J'espère qu'elle va bien ! Gothel va la prendre en otage, c'est certain… Oh non…

- Dépêchons-nous de la retrouver et de fuir d'ici. Tout va bien se passer maintenant. On prendra un des derniers canots quand tout le monde sera déjà parti et nous nous éloignerons avec ta sœur loiiiiin d'eux!

La blonde fut confiante en opinant. Jack avait raison, ils pouvaient encore le faire ! Se cacher dans la foule, attendre le dernier moment , prendre une des dernières embarcations avec les derniers passagers et espérer que ni Pitch ni Gothel n'auront la même idée.

Pas un seul instant ils ne se doutèrent que les canots étaient limités alors qu'ils marchaient enfin au sec dans le couloir penché où quelques familles portant des gilets blancs de sauvetage se précipitaient en direction des escaliers et des ascenseurs.


Pitch Black arriva, essoufflé, sur le pont extérieur du navire.

Partout, la foule s'agitait calmement, encadrée par le personnel de l'équipage qui donnait leurs consignes. Il aperçut même la décolorée, se tenant en hauteur, expliquer dans un mégaphone qu'ils allaient faire passer les femmes et les enfants d'abord dans les premiers canots. Elle insista sur le fait de porter un gilet de sauvetage pour leur sécurité et de ne pas se bousculer en attendant son tour.

Plus haut, sur le pont supérieur, le capitaine était présent lui aussi, avec une mine que Pitch n'aurait su décrire. Absente ? Morte ? Il semblait complétement hors de son corps. Sûrement le contre coup de son échec de navigation. Aster n'était pas loin avec Sandy à commencer à installer les premiers passagers sur les embarcations. Que des personnes riches de ce qu'il voyait, ce que Pitch approuva d'un hochement de tête. Les pauvres étaient encore dans le bateau ? Il n'en voyait pas pour l'instant et cela le rassura sur sa place de privilégié qu'il aurait dès qu'il serait prêt à embarquer.

Le contre coup avait été dur pour lui.

Descendre sur le pont D l'avait conduit à affronter l'eau qui s'était aussitôt déversée dans son ascenseur à grille. Pris de panique il était remonté aussi sec et avait carrément pris le chemin du pont l'extérieur pour analyser la situation. Il avait alors vu les feux de détresse et les canots se faire accrocher aux rambardes. Il avait compris que le Titanic allait couler et que le contact avec l'Iceberg avait été plus fatal que prévu.

- L'Insubmersible, qu'il disait, grommela le Duc. Dès que je serais à New York je ferai un procès à la White Star line. C'est vraiment un scandale. Construire un navire aussi friable. Ah il pouvait se vanter, ce petit prétentieux de Varian. Au final cela ne reste qu'un gosse incapable. Et que dire de ce Aster, de l'équipage et du capitaine. Tous des beaux parleurs d'une nullité sidérante.

- Je suis bien d'accord. On va les trainer dans la boue jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus s'en relever. Ils payeront pour leurs inaptitudes et cela arrange bien nos affaires !

Le fiancé se retourna vers sa complice qui était la seule du troupeau à être venue vers lui, délaissant sa place dans la file des embarcations.

- Alors, où en est la recherche de ma belle-fille et du rat ?

Directe, poignante. Toujours la même Astoria qu'il avait rencontrée pour la première fois dans une soirée à manipuler tout le monde pour parvenir à ses fins. Comme lui le faisait à son tour. Deux prédateurs qui avaient vite sympathisés et trouvés de quoi enrichir leur avenir personnel. Ils s'étaient si bien trouvés.

- Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, comtesse, le Titanic s'apprête à couler, j'ai eu des inconvenants pendant ma chasse.

- Ben voyons. Dites surtout que vous et vos débiles de serviteurs n'ont pas réussi à les repérer. On se demande qui sont les incapables, ici, finalement.

Gothel se bouffa les cheveux, un toc qu'elle avait depuis toujours quand elle voulait se rassurer et montrer qu'elle était la dominante dans une conversation. Pitch souffla du nez.

- Mais, après vous, ma chère Astoria, allez la chercher. Après tout c'est votre belle-fille, pas la mienne. Je vous signale au passage que le fond du bateau est déjà complétement immergé. Si elle se trouvait là-bas elle doit être morte à l'heure qu'il est.

Ricanement de la part de Gothel.

- Ne jouez pas les dur avec moi, Black. Je sais que sa vie compte plus pour vous que n'importe qui d'autre.

*Silence* Pitch accepta sa défaite. Elle reprit.

- Cela dit, ca m'embêterait aussi qu'elle meure puisque sans elle, plus de mariage. Et qui dit plus de mariage…

- Dit plus de contrat, en effet, reprit le duc d'un sourire malsain. Si vous voulez avoir accès à ma fortune et mon prestige, il me la faut ELLE.

- Donc je ne peux repartir de ce fichu navire sans l'avoir avec moi. Je l'ai bien compris. J'ai même pris mes précautions.

La veuve montra son sac sous sa tunique avec, dans la poche droite, un coutelas en argent de grande qualité.

- Jolie arme, elle vous sied à merveille.

- Merci, elle m'a beaucoup servi déjà. Sa lame doit être imbibée d'âmes.

Elle rit, il la suivit.

- Je vois. Moi aussi j'ai mes propres armes à disposition.

Il tapota dans sa poche où trônait un pistolet dont la poudre même était issue de ses mines à charbon.

- Je l'utilise peu puisque c'est interdit mais maintenant, la donne a changée.

Son sourire s'élargit à la pensée d'un Jack troué par son canon fumant. Il jubilait. Astoria approuva avec bonheur tout en regardant le bateau s'enfoncer légèrement vers l'avant. L'eau était vorace, elle n'avait jamais pensé que tout irait aussi vite en allant chercher ses affaires. Un Steward lui avait même tenu la jambe pour qu'elle prenne un gilet de sauvetage et se rende au plus vite dehors pour prendre un canot. Elle avait refusé de le porter, ce n'était guère esthétique !

- Elle va forcément remonter pour prendre une embarcation, dit la veuve en observant le tout premier des canots descendre avec lenteur. Si elle est vivante elle n'a pas le choix.

- Attendons là dans ce cas. Ah… tiens. Les voilà eux.

Les frères Stabbington sortirent comme si de rien était du pont inférieur, ayant joué de leur force pour avoir le droit de passer malgré l'interdiction des pauvres à sortir avant la fin de l'embarcation des riches -Ordre qu'Edgard Balthazar avait donné à l'insu du capitaine et de ses amis.

- Où étiez-vous passés tous les deux ?! L'avez-vous enfin retrouvée ?!

Ils se stoppèrent à sa hauteur avec un sourire malsain sur le visage.

- Non. Pas vu.

- Ils sont sûrement morts.

Puis ils repartirent.

Pitch agrippa le borgne par sa chemise trempée et l'arrêta.

- EH ! Comment osez-vous me tourner le dos ?! Pourquoi croyez-vous que je vous paie ! Retournez-y et ramenez-les ! Vous savez nager, non ?! Alors allez-y, fouillez le fond du navire, c'est un ordre ! Je suis certain qu'ils sont encore en vie !

Celui à la cicatrice regarda son jumeau empoigner leur ancien patron par le col et le soulever de terre. Astoria cacha un rire sadique dans son manchon.

- Qu… Qu'est-ce qui vous prend ! Relâchez-moi immédiatement !

Les cheveux bien gominés de Pitch partirent dans tous les sens. Le dominant le fixa droit dans les yeux.

- On démissionne, ok ? On n'en a plus rien à foutre de ton histoire de cul. Maintenant on a mieux à faire. On va se tirer de ce navire fissa et tu ne nous reverras plus jamais.

Il le balança plus loin et ricana en repartant. Un déclic le fit se stopper. Pitch pointait son arme sur lui avec une colère noire. Il haletait fortement, son ventre faisant des va et vient puissant dans sa cage thoracique. Des mèches en bataille sur le front il hurla :

- Je vous interdis de partir ! Si vous ne m'obéissez pas je vous fume ! Je peux aussi détruire définitivement toute votre réputation !

Les jumeaux eurent un énorme fou rire avant que le frère dominant s'avance en posant son doigt sur le canon de l'arme.

- Tu crois que ta petite pétoire va nous faire peur ? Soyons un peu sérieux, on a survécu à des mitraillettes et des canons bien plus imposants que ca. Cela dit, si une seule de tes balles venaient à me toucher, moi et mon frère, sois sûr que ta petite tête remplit de gel s'envolerait rapidement par-dessus bord dans un vol plané parfait !

Pitch blanchit, il tremblait à la fois de rage et de peur.

- Personne, jamais, ne me menace, ok ? Termina le borgne.

Le riche duc abdiqua et rangea son arme. Sa fierté venait d'en prendre un coup il grinça des dents, furieux.

- Je ne pensais pas que la perspective d'un naufrage vous faisait si peur, astiqua la veuve avec mépris. L'argent devrait pourtant compter plus que tout pour vous, non ?

- Oh ne t'inquiète pas pour nous ma poulette, l'argent on va en avoir plein.

- On a plus besoin de vous pour en récolter. Si vous saviez sur quoi vous vous êtes assis, vous ne ririez pas de cette manière.

- Comment ?

Ce fut au tour d'Astoria de blêmir. Le borgne ricana.

- Votre belle-fille vous a caché un trésor qui vaut des milliards de dollars. Et ce trésor est maintenant à nous.

- Vous n'êtes finalement pas si maline que ça, conclut le deuxième.

Cette fois ils partirent pour de bon en direction de la cabine de Raiponce, délaissant derrière eux les deux nobles blessés dans leur honneur. Heureux comme tout, ils défoncèrent la porte à coups de pied devant un Steward furieux qu'ils calmèrent d'une claque assommante. Les riches encore présents dans le coin s'enfuirent le plus vite possible d'eux.

- Voilà le lit.

- Et voilà la boite.

Forcer la serrure fut un jeu d'enfant pour eux, ils avaient fait cela toute leur vie. Dedans, le collier était bel et bien là, entouré de fouillis. Le borgne s'empara du bijou tandis que son frère balança le reste sur le lit sans vergogne. Ils admirèrent ensemble le bijou scintillant qui illuminait leurs pupilles couleur ciel.

- Splendide, on est riche. ENFIN RICHE, FREROT !

- Je crois que c'est le plus beau jour de not' ptin de vie !

Ayant fini tout ce qu'ils avaient à faire, les frères Stabbington se préparèrent à chercher un canot pour quitter les lieux et laisser tous ces pauvres gens mourir en paix.


Minuit et demi passé, le temps se refroidissait encore.

Aster observa avec colère le premier des canots partir à l'eau avec seulement une trentaine de passagers à l'intérieur au lieu d'une soixantaine de prévu. Furieux, il descendit pour réprimander les Stewards et les aider dans le remplissage qui commençait, de plus en plus, à se compliquer par le chahut des passagers impatients.

Du regard, Thiana, qui continuait d'offrir ses consignes et ses gilets de sauvetage, cherchait sa nouvelle amie Cassandra. Ne pas la voir lui serrait le cœur, un mauvais pressentiment la happait de plus en plus. Il n'y avait pas non plus de Lady Corona, de monsieur Varian ou de Jack Frost. En revanche, Monsieur Black et Dame Gothel étaient là, eux. Pourquoi était-ce toujours les ordures qui s'en sortaient ? Elle rumina et continua de calmer les passagers tandis que résonna, plus haut, la musique de l'orchestre du bateau.

- Ils jouent de la musique en de telles circonstances… Ils sont complétement fous, marmonna la domestique avec une pointe d'agacement. Ils ne se rendent vraiment pas compte que… Que tout le monde ne pourra pas embraquer…

Elle finit sa phrase dans un murmure coupable. Elle allait tuer des gens. Indirectement, elle les laisserait mourir en ne les faisant pas monter sur un canot. Elle eut soudain envie de pleurer et se laissa choir dans un coin pour cacher son visage. Sandy arriva, l'ayant vu partir de son poste.

« Est-ce que ça va ? »

- Non je… J'ai mal au cœur. Regarde, regarde tous ces gens… La plupart vont mourir et ils ne le savent même pas.

« … C'est vrai. Mais, ce n'est pas de notre faute, on ne peut qu'aider à sauver le plus de vie possible, c'est comme ça. Il faut l'accepter ».

- Je n'y arrive pas…

« Ne t'en fais pas, moi je serais là jusqu'au bout avec toi. On sera ensemble dans la même galère. Je ne te laisse pas tomber, tu es ma meilleur amie ! Ma sœur de cœur »

Son sourire chaleureux la réchauffa. Thiana essuya ses beaux yeux teintés par ses lentilles de contact -Elle préférait largement porter cela à des lunettes et cette nouveauté l'avait tout de suite branchée. Une myope et un muet. Ils faisaient la paire tous les deux, comme elle le disait toujours en riant.

- Merci, Sandy, tu es aussi comme un frère pour moi avec Aster et Nicholas.

Ils se prirent dans les bras avant de se tourner à nouveau vers les passagers.

- Bon, je vais faire mon maximum pour aider.

« Moi aussi, courage ! »

- A toi aussi… Ah, au fait, tu n'as pas vu Cassandra ?

Il secoua la tête.

- Ni Varian ? Ou Raiponce ? Jack ?

A chaque prénom il répondait par la négative.

- Alors… ils sont probablement…

« Possible. Mais, peut-être pas. On ne sait pas. »

- J'aimerai y croire, seulement, je trouve la vie extrêmement impitoyable en ce moment.

D'un sourire triste la membre de l'équipage retourna à l'intérieur pour livrer des gilets aux retardataires et les inciter fortement à sortir prendre un canot rapidement. Sandy la suivait, veillant sur elle d'un œil protecteur.


Plus loin, à l'arrière du bateau qui se soulevait lentement, Edgard faisait passer les hommes en échange d'argent. Seuls les riches étaient présents, bien entendu puisqu'il avait bloqué, avec ses sbires extrémistes, les pauvres gens avec la grille des basses classes, les condamnant ainsi à mort. Il avait comme ça résolu tous ses problèmes en même temps. Il débarrassait le monde de la racaille, laissait les riches survivre sur le peu de canots qu'il y avait puis se faisait de l'argent à côté pour augmenter encore son influence.

Ce naufrage était pour lui du pain béni.

Quand Pitch et Gothel vinrent lui demander une place réservée pour plus tard contre un énorme paquet de billet, Edgard leur assura sans problème leur garder un créneau rien que pour eux. Cela fait, les deux comploteurs étaient assurés de pouvoir repartir quoi qu'il arrive et purent maintenant se concentrer sur leurs proies.


Le pont D se remplit rapidement alors que la première heure du matin était arrivée.

Tout le fond du navire se fit goulument aspirer par l'océan vorace tandis qu'il prenait des vies par la même occasion. Les techniciens coincés à l'intérieur de la salle des machines et de la chaufferie naviguaient calmement dans l'eau troublée par le charbon. Ils semblaient danser gracieusement, entouré de multitude de grains noirs qui partaient rejoindre l'océan par la fissure béante du Titanic.

Déjà, quelques poissons étaient venus inspecter ses corps sans vie qui blanchissaient à vue d'œil. Ces vies fauchées si soudainement se laissaient entrainer avec le reste du mobilier tandis que déjà, des pauvres gens, retardataires, avaient eux aussi fini par les rejoindre, emportés par le courant, la malchance… Le ballet des morts commençait et ce n'était pourtant que le début.

Tandis que l'océan grignotait son repas, un corps immergé se déplaçait à la nage sous l'eau. Un corps encore en vie. Incapable de voir où il allait, il se déplaçait au hasard, à tâtons, cherchant désespérément une poche d'air quelque part. Se cognant contre des objets, il désespérait de pouvoir survivre plus longtemps. Son corps tenait pourtant bien la respiration mais dépassé autant de minutes, il ne pourrait plus y arriver, il allait lâcher.

Les lampes se mirent à vaciller, rajoutant une couche de découragement à la personne dont les larmes rejoignaient le sel de l'océan pour s'y perdre à jamais. La peur de la mort lui prenait tellement aux tripes que l'être de chair continuait à lutter au-delà de ses capacités, au dela même de son envie de mourir après ce qu'il venait de se passer.

Puis, un vide, un espace rempli d'oxygène tant espéré.

Le visage émergea de l'eau en aspirant tout l'air que le pouvait ses poumons tout en vomissant le peu qui restait dans son estomac. Sa tête buta contre un large tuyau qu'il suivit en s'accrochant à lui. Pourquoi continuer à vivre ? Pourquoi s'accrocher comme cela ? La personne n'en savait rien elle-même.

Tout à coup, un espoir. Sous les vacillements des lampes qui semblaient souffrir le martyr elles aussi, la personne gelée et traumatisée se laissa porter par le courant puis agrippa une rampe avant de se hisser, d'une force presque inconnue pour elle jusqu'à un escalier semi-immergé. Comme un robot, elle monta les marches qui l'amenèrent sur le pont C dont le bas du couloir commençait à briller de son eau assassine.

La personne hésita puis s'effondra sur le sol avant de se tenir le corps et de pleurer tout son soul en hurlant. Les pauvres encore présents la regardèrent à peine, remontant vers les ponts B et A.

Sous sa touffe noire, Cassandra Cross cria plus fort encore tout en se tirant les cheveux. Elle revoyait encore le visage de Varian lui sourire en lui hurlant d'être heureuse avant de disparaitre complètement, avalé tout cru par la vague océanique vorace. Tout ce sang qui était remonté juste après…Il n'avait eu aucune chance et il l'avait protégée jusqu'à la dernière minute. Sans lui, elle serait morte, mais… à cause d'elle, il l'était.

Comment continuer à vivre en portant un tel poids sur les épaules ? Alors que son cœur commençait à fleurir pour lui… Pour ce jeune homme passionné et plein d'avenir ?

Elle ne pouvait le supporter et se laisser tomber au sol, détruite.


NDA :

Pardon - ou pas 3:) - pour cette fin de chapitre ! Nihéhéhé!

N'hésitez pas à laisser vos impressions, j'ai fort hâte de vous lire :P

Au passage, aussi étonnée que je sois, j'adore écrire que les frères Stabbington xD Je sais pas pourquoi mais ils me font marrer ses deux tarés!

Ps : Le cœur de l'océan, il me tardait d'écrire sur lui! J'aime beaucoup cette pierre * - *