Bonsoir bonsoiiiir !
Pendant mon temps de détente, un nouveau chapitre est né ^^
WARNINGS : Violence intra-familiale, violences sur mineure
Disclaimer : À part Koumei, l'univers et les personnages appartiennent à Kōhei Horikoshi
Édité le 19/03/21
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3# Ombre et Lumière
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Hawks a les yeux fixés sur le SMS de son amie à la Commission, qui semble le narguer. Ses doigts sont serrés sur l'écran, alors qu'il se dépêche de se rendre en volant à l'hôpital. S'il n'arrive ne serait-ce qu'une minute trop tard, il ne pourra plus voir la petite Koumei.
Il sait très bien qu'il ne doit pas s'attacher aux gens qu'il sauve. Il le sait pertinemment. Mais il ne cesse de se rappeler de sa frêle carrure sur le lit blanc, sans personne pour la soutenir, sans personne pour la réconforter alors qu'elle a sauté droit vers la mort. Il n'arrive pas à rester à l'écart, pas alors que ses yeux s'illuminent lorsqu'il arrive avec des anpans, lorsqu'il arrive à lui tirer un timide sourire en faisant le clown. Il ne supporte pas de la voir de plus en plus fatiguée lorsqu'il vient, comme si elle se dessèche sur pied entre quatre murs.
Elle est toujours l'oisillon seule dans sa cage. Et si désormais la porte est grande ouverte, elle se laisse dépérir, ignorant comment voler.
Il a pensé que la Commission lui tendrait la main. Son Alter peut devenir un atout de taille pour sauver des vies, il le pressent, pour le peu qu'il a vu. Elle a un cœur altruiste, malgré ses épaules frêles. Bien des adolescents auraient sans doute laissé les choses suivre leur cours plutôt que d'intervenir, apeurés par la mort autour de leur ventre.
Son téléphone semble lui brûler les doigts. La petite n'a aucune famille qui veut d'elle, alors la Commission s'en débarrasse, l'envoie dans un centre d'accueil pour mineurs. Elle sera baladée de foyer en foyer, oisillon qui n'a jamais connu le monde.
Elle y sera mangée toute crue, broyée, détruite. Elle retombera dans les ténèbres qu'elle a toujours connues. Il est si facile de se laisser tenter par le poison présenté comme remède au vide qui ronge l'âme. Peut-il seulement convaincre la Commission de revenir sur leur décision, de la prendre sous leur aile ? Ce sera éprouvant, difficile, mais au moins, elle ne retournerait pas dans les ombres qu'elle a fuies.
Il est censé être un héros. Il ne s'imagine pas comme All Might, il sait qu'il ne peut pas sauver tout le monde. Il le sait et pourtant, sa poitrine le brûle à l'idée de voir les yeux verts s'éteindrent un peu plus, ou est-ce son vol effréné pour rejoindre l'hôpital ? Il ne peut pas sauver tout le monde, mais il ne peut pas laisser le poussin s'écraser au sol après l'avoir rattrapée une première fois. Ou alors, il aurait mieux fait d'abréger ses souffrances en la laissant embrasser le béton.
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Koumei a un nœud dans le ventre. Monsieur Finchu est serré contre elle, de toutes ses maigres forces, mais cela ne lui réchauffe pas l'âme. Elle se sent en sécurité entre les murs de sa chambre, malgré ses parents en fuite, malgré son avenir incertain.
Mais aujourd'hui, elle doit passer le seuil de la porte blanche. La nausée bien connue qui remonte le long de son œsophage brûle et elle tire sur son t-shirt préféré. Rouge, avec une pastèque souriante dessus, sourire qu'elle a souvent tenté d'imiter, en vain.
Il porte encore l'odeur infâme de la cigarette froide.
Elle sait pourtant qu'elle a de la chance que la police n'ait pas saisi ses maigres affaires, lorsqu'ils ont trouvé la planque déserte de ses parents. Pourtant, elle a envie de voir partir en cendres ces vêtements qu'elle n'a la plupart du temps pas choisis, qui puent la fumée et les mauvais souvenirs.
Elle baisse la tête vers le sol, retient les larmes amères qui menacent de couler au bord de ses yeux. Elle veut hurler, se défaire de la pression sur sa poitrine, mais elle n'y arrive pas. Tout s'accumule en elle, comme des déchets qui dégoulinent, s'entassent sur son âme, et la poubelle de ses émotions n'est pas encore assez pleine pour être vidée
Comme un condamné à mort, elle avance lentement vers son échafaud, tend une main tremblante vers la poignée. Ses jambes peinent à la porter ; elle peut s'effondrer à tout moment, mais elle résiste. Elle refuse de paraître faible quand elle l'ouvrira, quand bien même seul l'inconnu l'attend derrière.
Personne ne lui a dit exactement où elle serait emmenée. L'assistante sociale qui suit son dossier lui a pourtant expliqué ce qui lui arriverait, mais elle ne peut empêcher le doute et la crainte de l'étreindre, d'enfoncer leurs doigts gelés dans son corps. Koumei a appris qu'elle avait une autre famille, qui refuse cependant d'avoir quoi que ce soit à faire avec elle. Et elle ne veut pas être rejetée encore et encore, où qu'elle aille.
Elle regrette presque d'avoir pris son envol, là-haut sur le building, de ne pas avoir fait confiance à Hawks pour rattraper le gardien. Si le quotidien avec ses parents est un enfer, au moins, elle le connaît.
Qui sait si elle n'a pas quitté sa cage de rouille et de sang pour une autre bien plus terrible encore ?
Puis soudain, des éclats de voix derrière le panneau de bois. Elle hésite, tangue d'un pied sur l'autre. Prise d'un sursaut de courage, elle colle l'oreille à la serrure, comme à la maison. Ses doigts se serrent sur sa peluche ; elle expire doucement, avant de stabiliser sa respiration pour ne pas se faire remarquer.
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Hawks toise les deux membres de la Commission devant lui. Il ne se rappelle pas les avoir déjà croisés, ce qui l'agace, fait tambouriner son cœur contre ses côtes. S'il était tombé sur quelqu'un qu'il connaissait, la discussion aurait été plus simple.
― Je…
Son souffle est court, alors que ses pensées virevoltent à une vitesse folle dans sa tête. Pour une fois, il ignore quoi dire pour défendre le cas de Koumei. Il se doute bien qu'il ne gagnera tout au plus qu'un sursis s'il les convainc de ne pas l'emmener. Mais cela lui laissera le temps de plaider sa cause auprès des têtes pensantes, il l'espère.
― Vous ne pouvez pas l'emmener dans un centre d'accueil. Elle a besoin de stabilité ! Si vous l'emmenez, au lieu de la sauver, vous la détruirez.
Il essaye de garder son calme alors que son sang bat contre ses tempes. Il a les mains moites sous ses gants ; ses ailes tremblent presque.
― Les ordres sont les ordres et puis, elle sera bien surveillée, ne vous en faites pas, monsieur Ha-
― Ne pas m'en faire ? C'est vrai que la Commission s'est toujours admirablement débrouillée pour éviter la délinquance juvénile.
Il n'a pas su retenir l'ironie mordante qui lui brûlait la langue. Combien de fois a-t-il entendu parler d'un enfant, d'un adolescent en détresse qui n'a pas pu être sauvé à temps ? Trop de fois. Il refuse que Koumei en fasse partie, un visage de plus sur cette liste anonyme, parce qu'il ne l'a pas défendue. Mais peut-être devrait-il accepter qu'il se débat en vain, qu'elle est déjà condamnée aux terribles mâchoires du système social. Ainsi, il souffrira moins de sa culpabilité s'il échoue.
L'un des deux hommes se crispe, s'apprête à répondre, quand une porte s'ouvre derrière eux. Koumei en sort, serrant son pingouin en peluche contre elle, ses ailes basses traînant presque à terre, comme trop lourdes pour son dos. Elle pourrait ressembler à n'importe quel adolescent, s'il n'y avait pas la peur et la résignation qui remplissaient ses yeux verts. Elle a déjà accepté son sort et l'oisillon ne se débat même pas. Une marionnette aux fils coupés, qui ne sait agir de son propre chef.
Hawks serre les poings et les enfouit dans ses poches, ravale ses sarcasmes pour lui sourire chaleureusement. Et, avec le même geste de la main qu'à travers une fenêtre, une éternité plus tôt, en plein hold-up, il l'incite à venir vers lui. Il veut lui accorder la protection de ses ailes, au moins une dernière fois, pour qu'elle parte avec une sensation de chaleur en son sein s'il ne parvient pas à la sortir de l'engrenage qui la mènera sûrement à sa perte.
Son sourire s'efface lorsqu'elle secoue la tête ; une pierre tombe dans son ventre, lui coupe le souffle, alors qu'elle se met volontairement derrière les deux membres de la Commission.
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Koumei a entendu le héros. Elle peut nier que savoir qu'il s'inquiète de son sort réchauffe sa poitrine si froide et douloureuse, encore marquée par des bleus. Mais quel autre choix a-t-elle, après tout ? Personne ne veut d'elle, même pas sa propre famille éloignée. Au moins, elle aura un toit sur la tête.
Alors, quand Hawks invite à le rejoindre, elle refuse, se met derrière les deux hommes à l'air immense. Elle tremble, s'accroche à Monsieur Finchu comme à une bouée de sauvetage. Leur ombre la recouvre, l'étouffe. Ils sont grands, trop grands, et aussi froids que la glace que sa mère mettait sur ses bosses.
Elle croise le regard surpris du jeune adulte ailé et déglutit. Pourquoi est-il venu aujourd'hui ? Elle a d'autant plus peur de ceux qui doivent l'emmener que le soleil dans ses jours sombres est là. Elle veut le rejoindre, mais elle ne doit pas désobéir. Elle a échappé à la prison, mais peut-être reviendra-t-on sur cette décision si elle ne rentre pas dans le rang.
― To-tout va bi-bien se passer, m'sieur Hawks.
Des perles translucides le long de ses joues. Elle renifle, se mord la lèvre alors qu'elle-même ne croit pas en ses propres mots. Ça n'ira pas. Ça n'ira jamais. Personne ne veut d'elle, elle n'est qu'un pantin jeté aux ordures, désarticulé, sans plus aucune utilité.
Un cri de plus enfoui au fond de son cœur ; la poubelle se remplit vite, trop vite par rapport à d'habitude. Elle a l'impression de brûler de l'intérieur, que le moindre contact la ferait exploser. Mais elle encaisse encore ; larmes ravalées, dont elle essuie les traces. Qui sait comment peuvent réagir ses accompagnateurs ? Elle ne veut pas avoir une dent déchaussée par une claque trop violente pour la faire taire.
― Ça sera toujours mieux qu'avec mes parents, non ?
Un instant, sa voix tremble, suppliante. Hawks ne lui a jamais menti. Alors, s'il lui dit que tout se passera bien, qu'elle sera en effet mieux qu'aux mains de ses parents, elle y croira de toutes ses forces, même si c'est stupide, même si elle doute.
Il n'a pas le droit de lui faire perdre espoir, c'est un héros, après tout, non ?
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Hawks a le ventre tordu depuis que les premières larmes dévalent la peau pâle de la jeune fille. Ce n'est pas parce qu'elle les a effacées que l'ouragan d'émotions qui les a déclenchées a disparu. Il hésite un bref instant, avant de se rapprocher à pas lents d'elle. Il s'accroupit doucement, pose une main sur ses cheveux ternes.
― Oui, ça sera toujours mieux.
Il est sincère. Même si le système ne l'épargnerait pas, elle serait au moins mieux traitée qu'avec ses parents. Mais ça ne suffira pas. Ça ne lui suffit pas, il est trop conscient que s'il la laisse partir aujourd'hui, il s'en mordra les plumes jusqu'à ce qu'il retourne à la poussière. Ses yeux verts lui donnent déjà l'impression de mourir, alors qu'elle a la porte de sa cage grande ouverte.
Ses bras bougent finalement avant même qu'il n'y pense, venant serrer l'enfant contre lui. Il passe ses ailes derrière elle, comme dans un cocon, pour la protéger du monde extérieur. Elle se tend contre lui, lui adresse un regard rempli d'incompréhension.
La solution qui émerge peu à peu dans son esprit lui semble à la fois totalement folle et une évidence. Il peut lui apprendre à voler, il peut l'entourer d'attentions, pour qu'elle puisse s'extirper de sa cage sans peine, qu'elle puisse danser de joie dans les cieux. Il n'est pourtant même pas majeur ; la Commission risque de lui voler dans les plumes. Mais elle mérite d'être plus qu'une marionnette, ne serait-ce qu'un jour.
― Mais ça serait encore mieux si je te prenais sous mon aile, tu en penses quoi ?
Il n'écoute pas les hoquets choqués des deux hommes, il n'écoute pas les murmures de l'hôpital autour de lui. Il observe uniquement Koumei entre ses ailes, qui le fixe avec incrédulité et choc. Elle tremble, les larmes aux yeux, secouant machinalement la tête comme si elle n'ose y croire.
Il hésite, avant de lever sa main avec lenteur, l'approche de son visage. Aussitôt, elle glapit, ferme les yeux, paraît attendre un coup qui ne viendra plus jamais. Il sourit, essuie du bout du pouce les pleurs qui menacent de tomber.
Il ne doit cependant pas lui faire de faux espoirs. La Commission a le pouvoir de refuser, d'allonger inutilement les démarches, de poser des conditions absurdes ; ça serait bien leur genre. Mais, s'il arrivait au bout, il pourrait sauver la petite, l'emmener vers la liberté dont elle a été si longtemps privée.
― La Commission n'acceptera peut-être pas…
Il laisse sa phrase en suspens, cherchant la meilleure manière d'aborder le sujet, quand Koumei soulève ses paupières pour croiser son regard. Elle ouvre ses lèvres dans le vide, les humecte, avant de regarder vers le sol.
― Je… Je peux vous être utile, c'est ça ?
Un coup de poing dans l'estomac de Hawks, qui reste le souffle coupé pendant d'interminables secondes. Puis, il se rappelle comment respirer, inspire un grand coup, avant de la serrer contre lui, glissant une main dans ses cheveux blancs.
Il a envie d'attraper les ordures qui ont brisé ainsi leur enfant, au point qu'elle ne vit que pour son utilité. Mais il s'en fiche, lui ; tout ce qu'il veut, égoïstement presque, c'est de la sauver de son destin tout tracé.
― Non. Je veux juste… Tu… Tu me fais penser à moi quand j'étais petit. Je te tends simplement la main comme on me l'a tendue.
Ce n'est qu'une raison parmi tant d'autres, mais sans doute la seule susceptible d'être acceptée par la plus jeune pour l'instant. Il n'ose penser aux efforts qu'il aura à faire pour lui apprendre à vivre, pour lui montrer la beauté du ciel et de l'horizon infini. Il n'ose penser aux difficultés qui se mettront sur son chemin. Il refuse de reprendre sa main offerte par peur des obstacles.
Si personne ne tend la main à ceux en train de sombrer, ils se vengeront un jour ; ils feront payer au monde le mal qu'ils ont subi, pour qu'il brûle comme leur âme tourmentée. Hawks sait très bien qu'il aurait pu finir vilain au lieu de héros, qu'il aurait pu passer la limite.
Koumei a un pied dessus malgré elle, mais ce n'est pas encore trop tard.
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Koumei ne comprend pas. Si elle ne lui est pas utile, pourquoi le héros veut-il d'elle ? Peut-être pense-t-il devoir l'aider encore plus, peut-être pense-t-il que cela fait partie de son job. Mais elle ne lui est pas liée par le sang, il n'a aucune obligation envers elle. Il l'a déjà sauvé ; il peut se détourner de la petite ombre effacée dans sa cage ouverte et continuer sur son chemin auréolé d'exploits et de gloire.
Le torse musclé contre lequel elle est appuyée est chaud ; elle entend le cœur de Hawks battre rapidement, comme le son puissant d'un taiko. Une sensation réconfortante, comme un chocolat chaud après un hold-up sous la neige, se déploie dans sa poitrine. Elle se mord la lèvre, repousse le héros de ses mains.
Elle ne veut pas ressentir ce genre de choses. Ça lui fera d'autant plus mal ensuite, lorsqu'elle devra s'en passer, comme les pastèques de bonheur de sa grand-mère. Elle ne veut plus souffrir de ce qu'on lui offre pour lui retirer ensuite. Au moins, jamais ses parents ne lui ont donné de faux espoirs : elle a toujours su à quoi s'attendre à chaque geste, à chaque parole.
Pourquoi est-ce si difficile de vivre avec la porte de sa cage ouverte ? Ses repères sont détruits, sa vie est en éclats, comme un miroir fracassé au sol ; elle n'a rien pour recoller ensemble les morceaux. Elle n'en reconnaît même aucun.
Pourquoi ne l'a-t-il pas laissée s'écraser sur le béton ?
Elle étouffe la pensée à peine a-t-elle envahi son esprit, mais trop tard. Les mots restent là, gravés au fer rouge, impossible à déloger. Ses mains agrippent finalement le manteau du héros, alors que ses émotions s'accumulent, frappent sa poitrine par vagues. Elle tremble, à nouveau, tandis que les larmes coulent sur ses joues pâles malgré elle. Soudain, elle se fiche d'être pleurnicharde, de risquer une claque à la volée.
Elle veut juste hurler le mal-être qui lui dévore le cœur et l'estomac, qui la ronge jusqu'à l'os comme une bête affamée.
― Vous… Vous… Ne me faites pas ressentir ça ! Je veux pas d'espoir, putain, ça fait trop mal ! Je veux pas de vos promesses et de votre chaleur, pas si c'est pour rester dans le froid après !
Elle tremble de tous ses membres, s'effondre à genoux sur le sol en lino blanc. Ses sanglots la secouent et elle plaque une main sur sa bouche alors que ses larmes coulent, coulent. La poubelle de ses sentiments déborde, l'engloutit. Elle perd pied, des étoiles devant ses yeux.
Elle se rend compte qu'elle a oublié de respirer lorsque Hawks glisse ses doigts gantés sur les siens pour les tirer loin de ses lèvres. Elle halète, hoquète, alors que les ailes écarlates viennent couvrir son dos, l'enserrant dans un cocon chaleureux qu'elle veut autant fuir qu'apprécier.
Ses yeux croisent le regard d'aigle, plus sérieux qu'elle ne l'a jamais vu. Il pose ses mains sur ses épaules, l'oblige à le fixer. Elle se tortille, elle aimerait échapper aux orbes marron qui semblent lire jusqu'au plus profond d'elle alors que ses pleurs la secouent.
Mais avant qu'il ne prenne la parole, l'un des deux membres de la Commission toussote, tend un téléphone dont Hawks se saisit, sans pour autant la relâcher. Koumei lutte quelques secondes alors que le héros prend l'appel, avant d'oser poser à nouveau sa tête contre son torse.
Elle s'y autorise uniquement parce qu'elle se sent éreintée, encore épuisée de son hospitalisation, et non pas pour le sentiment de sécurité qui se diffuse dans son corps.
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― Tu as un don pour m'attirer du boulot supplémentaire.
Hawks grimace à la voix à l'autre bout du fil, lente, comme vidée de toute énergie. Il la reconnaît cependant comme celle de Yokumiru Mera qui, à défaut d'être un ami, est une connaissance avec qui il sait traiter.
Il resserre son étreinte sur l'adolescente qui vient de poser sa tête contre lui, la cachant dans ses plumes. Ses lèvres s'étirent par habitude, alors qu'il salue l'employé de bureau d'une voix guillerette.
Il sait masquer ses peurs et ses doutes derrière son sourire, depuis le temps.
― Ou peut-être que je t'ôte une future épine du pied, réplique-t-il sans se laisser ébranler.
Yokumiru soupire lourdement et Hawks peut presque le voir menacer de s'endormir sur son bureau. Il retient un ricanement malvenu, alors que le bureaucrate reprend la parole.
― Tu es conscient de ce dans quoi tu t'engages, si tu deviens son tuteur ?
― Oh, pas de "Tu es trop jeune", ou de "C'est totalement irresponsable" ?
― Si ç'avait été un autre jeune héros que toi, Hawks, je l'aurais sans doute dit. Mais…
Mais ses résultats parlent d'eux-mêmes. Il a créé son agence l'année dernière, à dix-huit ans sonnés, juste après son émancipation, et il a déjà atteint le top dix du classement national. Lui dire qu'il n'est pas apte à s'occuper d'une adolescente, ce serait cracher sur son travail et ses efforts ; Yokumiru a un peu plus de tact que ça.
― Elle a besoin d'un suivi psychologique, d'une remise à niveau scolaire, d'un endroit sûr où habiter, Hawks. Est-ce que tu es prêt à sacrifier une partie de ton salaire, de ton temps, de tes loisirs pour t'occuper de cette petite ?
La réponse lui brûle les lèvres avant même qu'il n'y réfléchisse. Oui. Il a assez d'argent pour deux, pour lui assurer plus de perspectives d'avenir que lui-même n'en a eu. Son salaire n'essuiera pas sa culpabilité s'il la laisse retomber dans les ténèbres dont il l'a extirpée. Et il a un cœur assez gros pour lui offrir l'amour et la stabilité dont elle ignore avoir besoin.
Il a la fugace impression que Yokimiru retient un sourire à l'autre bout du fil.
― Je me doutais de cette réponse. Tu devrais pas avoir trop d'mal à obtenir sa tutelle si le reste de sa famille en a pas voulu, ça serait un souci de moins pour le service de l'aide à l'enfance. Et elle en dit quoi, la p'tite ?
Hawks reste silencieux, tend le téléphone portable à l'enfant cachée sous ses ailes. Et si elle refuse son aide ? Si elle décide que ça lui ferait trop de mal d'être avec lui ? Ses mots le hantent encore ; elle pourrait prendre peur qu'il l'abandonne ou la maltraite.
Il ne peut qu'espérer.
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Koumei prend le téléphone sans trembler. Elle se sent soudain vide, libérée d'une partie de son trop-plein d'émotions. Elle a à peine suivi la conversation, évacuant ses dernières larmes douloureuses. Elle hésite un instant, se rappelle la voix de son père passer à travers la petite boîte de métal pour semer le chaos.
Les ailes qui l'entourent lui donnent le courage d'amener le portable à son oreille.
― Monsieur… ?
― Monsieur Mera à l'appareil. Hawks a décidé de se proposer pour être ton tuteur. Qu'est-ce que toi, tu en penses ?
Elle cligne des yeux, surprise que son avis soit pris en compte. Elle se mord la lèvre, incertaine. Elle est pratiquement sûre de ne plus être mêlée à des crimes si Hawks se charge d'elle, mais est-ce qu'il continuera à être aussi gentil et attentionné ? Est-ce qu'elle aura un moyen de partir si les choses dérapent ? Ça serait sa voix contre celle d'un héros important. Elle sait d'avance que personne ne voudra la croire.
― Si ja-jamais ça se pa-passe mal, s'il… enfin… je…
Ses mots lui échappent et elle baisse la tête, honteuse, les doigts serrés. Le poids de Monsieur Finchu contre son ventre l'aide à peine à se calmer. Elle ne veut pas poser sa question devant le concerné. S'il le prend mal et qu'il le lui fasse payer plus tard ? Si cela le pousse à revenir sur sa parole ?
Pourtant, le monsieur au bout du fil semble comprendre.
― Si jamais il te fait du mal, contacte la Commission de Sécurité Publique Héroïque et demande Yokimuri Mera. Je te croirais, je te le promets.
― Alors… Alors je veux bien.
Koumei reste dubitative. L'homme peut toujours lui mentir pour la convaincre et exaucer le vœu de Hawks de la prendre sous sa tutelle. Mais elle est fatiguée pour aujourd'hui de toujours imaginer le pire. Ça ne pourra jamais être un enfer plus insupportable que ses parents. Le héros a une image à garder et il ne prendrait pas le risque de la faire s'effondrer en la maltraitant, enfin, elle l'espère.
Elle sait à quel point l'espoir peut la briser en mille éclats, mais la chaleur dans sa poitrine est beaucoup trop douce pour ne pas y céder.
Elle redonne le téléphone à deux mains à Hawks, qui ébouriffe ses cheveux. Elle se tend, avant que son corps ne se relaxe sous la sensation de bien-être qui la saisit. Elle sait qu'elle ne devrait pas, mais elle en veut encore. Elle veut encore de ces gestes qui la font sentir si bien,puisqu'elle ne semble pas près de les perdre, désormais.
― Du coup, je la prends avec moi tout de suite ! déclare le héros.
― Hawks ! s'indigne Yokimuri.
L'humain ailé raccroche sans attendre, lui sourit. Le soleil vient de quitter le ciel pour illuminer le froid couloir de l'hôpital. Il rend le téléphone à son propriétaire et elle hésite sur ce qu'elle doit faire, ce qu'elle doit dire désormais.
Cependant, sa réflexion s'arrête lorsqu'il l'entoure de ses bras pour la serrer doucement contre lui. Monsieur Finchu est écrasé entre eux, mais elle se sent bien. Elle n'a plus froid depuis longtemps et le soleil continue à briller, à darder son sourire étincelant pour éclipser les ténèbres.
Sous les ailes rouges, Koumei se sent bien mieux que nulle part ailleurs.
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Ouiii, les choses s'améliorent petit à petit !
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