Bonsoir bonsoiiiir !

Devinez qui a encore écrit pour se détendre ? (j'aime beaucoup trop cette fic, faut croire X)

WARNINGS : Violence intra-familiale, violences sur mineure, tics nerveux et inconscients pouvant s'apparenter à de l'auto-mutilation.

Disclaimer : À part Koumei, l'univers et les personnages appartiennent à Kōhei Horikoshi

Édité le 19/03/21


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4# Glace et flammes

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Le cri qui résonne dans l'appartement réveille Hawks en sursaut. Il saisit une de ses rémiges entre ses doigts, se relève d'un bond. Son t-shirt large, sur lequel est imprimé la tête d'Endeavor, retombe sur ses cuisses, tandis qu'il court jusqu'à la chambre d'ami qu'il a attribuée à Koumei.

Il n'a jamais autant béni la manie de Mirko de s'inviter chez lui quand elle le veut pour discuter, au point qu'il a songé à prendre un appartement avec deux chambres. Les prochaines fois, son amie se contentera du canapé.

Il ne prend même pas la peine de frapper à la porte, la pousse sans ménagement et allume la lumière, avant de s'arrêter brutalement. Il se sent soudain stupide avec sa rémige en main, alors que l'adolescente gémit et se tourne dans son sommeil, la peur marquant son visage. Il relâche sa plume, la laisse reprendre sa place, tandis qu'il s'approche sans trop quoi faire.

Son front est plissé, trempé de sueur, comme les draps qui ont été repoussés au pied du lit. Elle est recroquevillée en position fœtale, ses mains griffant dans son sommeil la peau de son ventre nu, son t-shirt ayant remonté durant son sommeil.

L'estomac de l'adulte se noue alors que le goût âcre de l'hésitation remplit sa bouche. Il a peur d'empirer les choses en voulant la sortir de son cauchemar. Ses yeux tombent soudain sur des tâches rougeâtres ; son cœur manque un battement quand il comprend qu'elle se griffe jusqu'au sang dans son sommeil.

Ne pas intervenir serait pire que mal intervenir.

Il s'approche, pose une main sur son épaule pour la secouer vigoureusement. Les paupières de Koumei s'ouvrent alors qu'elle sursaute. Son premier réflexe est de s'écarter de lui, roulant sur le matelas. Il entend brièvement des excuses balbutiées, avant qu'elle ne tombe du lit, emportée par son élan.

Hawks fait le tour sans plus attendre et s'accroupit devant elle, repliant ses ailes pour paraître moins imposant. Il croise son regard paniqué et embué de sommeil, alors qu'elle se recroqueville contre le mur, haletante.

Elle semble petit à petit le reconnaître et ses joues prennent la couleur des tomates bien mûres. Sans un mot, il ouvre les bras, lui proposant une étreinte qu'elle peut refuser. Il brûle pourtant d'impatience de la serrer dans ses bras pour la rassurer - pour se rassurer - et pouvoir s'enquérir de la gravité des griffures sur son ventre.

Mais il ne la forcera à rien.

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Koumei a encore l'impression de sentir la bombe de son rêve nouée autour d'elle. Cela lui a semblé si réel… La peau de son ventre la brûle sans qu'elle ne sache trop pourquoi, ses fesses la lancent d'être tombée au sol et la peur engourdit son corps, ses griffes acérées plantées dans sa chair.

Mais il y a Hawks devant elle. Hawks qui ne dit rien, qui ne hurle pas d'avoir été réveillé en sursaut, qui ne la menace pas de son poing ou de sa ceinture. Non, il lui ouvre juste les bras, comme s'il s'attend à ce qu'elle s'y réfugie.

Elle hésite, esquisse un geste en sa direction. Il lui sourit doucement, agite les doigts pour l'encourager. Que risque-t-elle, après tout ? Rien de pire que ce qu'elle a déjà vécu. Alors elle rampe jusqu'à lui ; il l'enlace lentement contre son torse dès qu'elle arrive à sa portée. Elle se tend par habitude, avant que les ailes rouges ne l'entourent.

Elle ferme les yeux, calque sa respiration sur les battements de cœur du héros. Le souvenir fugace d'une étreinte tendre de sa mamie remonte, chassant les bribes brumeuses de son cauchemar. Elle lève une main pour chasser une mèche humide de cheveux qui colle contre son front, soulève à nouveau les paupières pour croiser le regard inquiet de l'adulte.

― Je… C'est… Enfin… J'vais bien.

Le mensonge lui vient spontanément. Elle ne sait pas gérer ce qui brille dans le regard du plus vieux, elle veut juste profiter de son étreinte réconfortante, avant d'aller à nouveau chercher le sommeil. Mais le héros ne semble pas de cet avis, désigne son ventre d'un doigt.

― Tu t'es griffée jusqu'au sang.

Il n'y a pas de jugement dans sa voix, juste une simple constatation. Ses joues la brûlent à nouveau et elle baisse les yeux, honteuse. Elle ne peut même pas s'empêcher de déranger Hawks. Elle se sent… Il y a un vide dans son cœur qui se serre, comme un échec gravé au burin.

Une main tendre ébouriffe ses cheveux trempés de sueur.

― Allez viens, on va soigner ça.

Hawks lui sourit, toujours aussi lumineux que le soleil ; elle cligne des yeux, éblouie, et se relève avec une boule au ventre. Elle tire sur le bas de son t-shirt, nerveuse, avant de jeter un coup d'œil à ses draps, tâchés de sang et de sueur. Elle blêmit et commence à trembler, certaine de se faire disputer. Elle n'a plus l'âge d'abîmer ainsi le linge de lit.

Hawks ne passera sans doute pas aussi facilement l'éponge que pour l'avoir réveillé.

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― Va dans le salon, je m'occupe de tes draps.

Hawks pousse gentiment Koumei à quitter la chambre d'une aile dans le dos. Il s'occupe ensuite de tirer les draps pour les enlever, passe par la salle de bains pour mettre celui uniquement trempé par la sueur dans la machine à laver. Il met ensuite le protège-matelas tâché de sang dans l'évier qu'il ferme, avant de le remplir d'eau froide pour le faire tremper. Une astuce de héros essentielle dans la vie de tous les jours.

Il s'inquiète cependant de ne pas avoir d'autres draps de rechange. Il ne la fera pas dormir sur le matelas nu. Peut-être devrait-il lui céder son lit et dormir sur le canapé, mais il soupçonne que cela la ferait culpabiliser. Il a encore le temps de réfléchir à une solution le temps de la soigner, mais il n'a pas intérêt à traîner non plus.

Un soupir lui échappe et il passe une main dans ses cheveux indisciplinés. Il ouvre le placard sous l'évier, sort la trousse à pharmacie avant de rejoindre la plus jeune. Elle est recroquevillée au bout du sofa, comme si prendre toute la place lui vaudrait une punition.

Son estomac se tord et ses doigts nus tremblent légèrement, alors qu'il craint de mal faire. Il a oublié cette sensation avec le temps, prenant de plus en plus d'assurance au fil des ans. Mais il a soudain l'impression d'être de nouveau un gamin paumé, qui blesse l'ego des gens par son ignorance des conventions sociales.

Il frotte le visage d'Endeavor sur son t-shirt, sans savoir si c'est pour se rassurer ou tenter de faire passer le malaise qui oppresse sa poitrine.

Il attend qu'elle remarque sa présence pour se rapprocher ; il vient lui tapoter les genoux avec un sourire bienveillant. Doucement, elle les écarte, pose ses pieds nus au sol. Chaque partie de peau découverte est écarlate, sans doute de honte ; elle détourne le regard. Il ne sait pas quoi dire. Ce n'est pas grave pourtant, il ne peut pas la blâmer de s'être inconsciemment blessée, mais elle ne réfléchit pas comme les gens élevés dans un milieu sain.

Il pose la trousse à pharmacie à côté d'elle, l'ouvre de façon à ce qu'elle puisse voir tout ce qu'il fait. Il ne veut pas la prendre par surprise. Il se saisit de la bouteille de désinfectant, ouvre le paquet de coton pour en prendre un morceau.

― Tu peux relever ton t-shirt, s'il te plaît ? Je vais désinfecter les griffures, puis je mettrai un bandage autour pour éviter les frottements avec tes habits.

Elle hoche la tête doucement, lui obéit sans discuter. Il la soigne en sifflotant, tentant d'éloigner le silence pesant qui règnerait sinon entre eux. C'est presque surnaturel, un tel calme dans son appartement. Il se retient d'aller mettre de la musique ou d'allumer la télé, en simple fond sonore. Il ne sait pas comment Koumei réagirait à ce surplus de stimuli et les médecins lui ont dit qu'elle avait besoin de calme.

Il a l'impression d'être sur un fil, entre en faire trop et pas assez. Il espère qu'il trouvera un équilibre, ou il risque de blesser sa future pupille.

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Koumei a une étrange sensation au creux de son ventre alors que Hawks s'occupe de ses griffures. D'habitude, c'est sa mère qui s'occupe de la soigner après des coups trop violents, la critiquant pour avoir mis en colère son père. Jamais elle ne s'est occupée de ce qu'elle s'inflige en cauchemardant, car ce n'est pas la première fois, ni sans doute la dernière.

Lorsque l'adulte termine, elle rabat son t-shirt doucement, sans oser le regarder dans les yeux. Pourtant, les mots se bousculent sur ses lèvres, brûlent sa langue, mais elle ne se sent pas assez à l'aise dans cet environnement encore inconnu pour elle pour parler aussi facilement qu'à l'hôpital.

― Je… Vous…

― Il n'y a pas de quoi, poussin.

Il lui sourit encore, posant une main douce sur sa tête. Mais elle n'est pas dupe, elle voit la tension dans son corps, la crispation légère de ses lèvres. Il doit détester prendre soin d'elle pour d'aussi petits bobos, de devoir nettoyer ses draps à cause de ses cauchemars. Après tout, elle ne l'a pas prévenu, lorsqu'il a dit qu'il voulait devenir son tuteur.

― Je suis désolée.

L'air surpris qui se peint alors sur le visage de Hawks ne semble pourtant pas feint. Puis il plisse les yeux, avant de claquer sa main sur son visage en se traitant d'imbécile. L'incompréhension la saisit, alors que le blond soupire. Il remet sa main sur sa tête, ébouriffe gentiment ses cheveux.

― Je ne t'en veux pas d'avoir tâché tes draps. Je ne t'en veux pas de m'avoir réveillé. Tu es encore une enfant, c'est mon rôle de m'occuper de toi. Je m'inquiète surtout de ne pas le faire assez bien.

― Vous po-pouvez difficilement faire pi-pire que mes pa-parents, objecte-t-elle en bredouillant.

Elle se sent étrange. Confuse, peut-être ? Elle ne saisit pas comment le héros réfléchit. Il faut croire qu'elle a besoin de temps pour arriver à comprendre comment il fonctionne, comment il réagit selon les situations. Ainsi, elle pourra éviter la plupart des écueils, comme avec son père.

― C'est pas pour autant que je dois pas faire d'efforts, réplique-t-il en retour, riant légèrement.

Il se lève, embarque avec lui la trousse à pharmacie avant de disparaître dans le couloir. Le silence reprend ses droits, presque oppressant. La maison où elle vivait avant était ancienne et craquait de partout ; elle n'a pas l'habitude de la modernité qui transpire des murs.

Ses yeux observent, décortiquent le salon pour comprendre un peu mieux Hawks. L'écran de télé est plutôt grand ; des boîtes de DVD s'empilent au pied du meuble sur lequel il est installé. Il doit y avoir un lecteur à l'intérieur et de la place pour ranger les disques, donc l'adulte est sans doute un peu désordonné.

Elle n'ose se relever pour regarder de quels films il s'agit pour mieux cerner ses goûts. Elle n'ose imaginer sa réaction s'il la surprend en train de fouiller dans ses affaires.

Elle tourne la tête pour observer la table qui se trouve derrière le sofa, et plus loin encore la cuisine ouverte. Un paquet de chips au poulet trône fièrement sur la table, à côté d'une corbeille de fruits à moitié vide. La nappe est froissée, mais propre. Cependant, la vaisselle commence à s'entasser dans l'évier et sur le plan de travail.

Sans doute n'a-t-il pas le temps de s'occuper de choses aussi futiles. Peut-être pourrait-elle proposer de le faire ? Si elle le décharge un peu des tâches ménagères, elle se sentira mieux.

Elle refuse d'être uniquement un poids pour lui.

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Koumei n'a pas bougé depuis que Hawks l'a quittée. Depuis le couloir, il l'observe parcourir du regard la cuisine, sans oser se déplacer. Cela ne l'étonne guère, mais lui tire un soupir. Il toque sur le chambranle de la porte pour la prévenir de sa présence, puis glisse ses mains dans les poches du jogging qu'il a enfilé après avoir rangé la trousse à pharmacie dans le placard.

Elle ne se rendormira sans doute pas de sitôt et lui non plus. Rien que l'idée qu'elle cauchemarde et se griffe jusqu'au sang à nouveau, jusqu'à ce qu'il la réveille, lui donne des frissons. Mais il peut se contenter de peu de sommeil pour la première nuit de la jeune fille chez lui.

― Ça te dit, une glace, pour te remettre de tes émotions ?

Elle cligne des yeux et rougit, baissant la tête au sol en bredouillant. Il plisse les yeux, esquisse un sourire amusé lorsqu'il croit entendre un "si vous vous voulez" au milieu de ses bafouillements. Il passe à côté du canapé, lui tapote au passage la tête avant d'aller ouvrir la partie congélateur de son frigo. Il hésite, avant de sortir une glace à l'eau en bâton pour Koumei - les enfants en sont généralement friands, alors il ne devrait pas se tromper - et un petit pot de glace goût poulet pour lui.

Il se retourne vers l'adolescente, lui montre la glace. Elle hoche la tête et son sourire s'agrandit. Il referme le congélateur en sifflotant gaiement, avant de saisir une cuillère dans le tiroir et de la rejoindre sur le canapé. Il lui tend son dessert, avant de la regarder d'un air éberlué quand un son étrange échappe à la jeune fille.

Il réalise qu'elle a les yeux sur sa glace et qu'elle vient de pouffer de rire. Il lui tire seulement la langue, ouvre son pot sans plus se soucier de son hilarité. Ce n'est pas la première à rire de son amour pour le poulet et cela lui fait plaisir de l'entendre exprimer sa joie, ne serait-ce qu'un peu.

― J'adore le poulet, alors ça ne sera pas la première curiosité que tu verras dans cette cuisine, la prévient-il en riant. Je suis un cannibale, grrr !

Il fait semblant de montrer les dents, son pot de glace et sa cuillère dans les mains. Koumei croise son regard, surprise, puis met brutalement sa main sur sa bouche pour étouffer son rire. Mais ses iris pétillent comme deux étoiles ; il lui sourit en retour et enfin, ses doigts retombent, son rire éclate, haut et clair, quoiqu'un peu étranglé, comme si elle n'a pas l'habitude.

Ses ailes frémissent. Hawks est fier de lui.

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Koumei a mal à la poitrine. Ses poumons brûlent, mais pas à cause de la fumée des cigarettes de son père. Elle rit, elle rit à en perdre le souffle et à en avoir les larmes aux yeux, presque nerveusement.

Mais elle vient de trouver une nouvelle pièce du puzzle qu'est le héros. Il n'est pas susceptible, au contraire, il rit facilement de lui et sa joie est communicative. Elle se sent bien, à côté de lui. Elle se permettrait presque d'espérer que les prochains jours seront aussi joyeux, malgré le risque de voir son âme se briser à ses pieds.

Elle veut presque espérer, malgré sa peur.

Elle défait le plastique autour de sa glace à l'eau, pose ses lèvres autour avec un frisson. La dernière fois qu'elle a eu un dessert identique remonte à un hold-up deux mois plus tôt. Mais le contexte lui permet d'autant plus de l'apprécier. Elle ne l'a pas en récompense d'une mauvaise action menée à bien, elle n'a pas à se presser pour la terminer de peur que son père ne change soudain d'humeur et ne l'en prive.

Hawks ne lui semble pas aussi instable. Pour l'instant, il n'est pas en colère, il y a peu de chances qu'il s'énerve brusquement si elle reste gentille.

Elle croque dans la glace, songeuse, alors qu'un plan pour garder l'adulte de bonne humeur s'établit dans son esprit. Ses yeux se tournent vers lui, alors qu'il apprécie son propre dessert avec le regard émerveillé d'un enfant de cinq ans. Elle inspire tout le courage qu'elle peut, avant de se lancer.

― Je… Je suis mal placée pour rire. Mon parfum préféré, c'est haricots rouges - fraises, souffle-t-elle sur le ton de la confidence.

Elle ne ment pas. Elle se souvient encore du seul jour où elle a eu le droit d'en manger une. Elle devait avoir huit, neuf ans peut-être, et elle a détourné l'attention d'un agent de sécurité avec brio. Son père l'a félicité, sa mère l'a fait tournoyer dans les airs et elle a eu les ailes libres toute la journée. Quelques heures plus heureuses dans les ténèbres

Les autres parfums lui ont tous paru fades, ensuite. Si elle en mangeait maintenant, est-ce qu'elle aimerait toujours ? La question la hante plus qu'elle ne l'avouerait. Peut-être que cela lui rappellerait trop de mauvais souvenirs, que le goût âcre de la peur viendrait gâcher la douceur de la glace.

― J'essayerai d'en acheter au konbini demain, alors.

Koumei se fige, lui adresse un regard étonné. Mais elle se demande pourquoi elle est encore surprise. La générosité et l'altruisme de Hawks font aussi partie des clés pour le comprendre. Elle doit sans doute s'attendre à d'autres gentillesses dans ce genre, surtout quand le moment semblera le moins s'y prêter.

― D'ailleurs, tu sais lire, n'est-ce pas ? Tu as réussi à lire le parfum de ma glace, sur le pot.

Elle tressaille de surprise face au brusque changement de sujet. Elle croque à nouveau dans son bâton d'eau gelée, ignorant quoi répondre. Qu'est-ce que Hawks veut vraiment savoir avec cette question ? Essaye-t-il simplement de tuer le silence ou a-t-il des raisons plus profondes ? Puis d'abord, pourquoi la poser ? Sait-il que ses parents ne l'ont jamais envoyé à l'école, à proprement parler ?

Autant être le plus honnête possible.

― J'ai suivi des cours par correspondance. Ma mère disait que si j'étais stupide, je ne servirais à rien. Quand il n'y avait pas de casse à effectuer, elle me faisait travailler mes leçons.

Koumei n'a pas l'impression d'être mauvaise, à vrai dire, même si elle n'excelle pas spécialement. Elle n'aime simplement pas rester de longues heures, courbée sur un bureau dans une pièce sombre, avec les coups de règle sur ses doigts quand elle se trompe.

D'ailleurs, comment continuera-t-elle les cours ? Hawks compte-t-il l'envoyer à l'école ? Elle déglutit, imaginant devoir côtoyer une trentaine de personnes de son âge, qui se connaissent depuis longtemps. Elle ne serait qu'une pièce rapportée, un objet cassé mis de côté dont personne ne s'approche.

Lorsqu'elle glisse un coup d'œil vers l'adulte pour tenter de deviner ce qu'il répondra, elle le surprend songeur, le poing tenant sa cuillère fermé devant sa bouche. Il se tourne finalement à son tour vers elle, la désigne avec le couvert.

― On va faire un deal. On va continuer les cours par correspondance, parce que je suis à peu près certain que tu nous feras une syncope si tu vas au collège. Par contre, tu travailleras à mon agence, à la fois pour que je puisse veiller sur toi et pour te familiariser au contact avec d'autres personnes, même si ce sont des adultes.

Un soupir lui échappe et elle sent son corps se relâcher. Elle ne s'est même pas aperçue de sa crispation en premier lieu. Une main chaude lui caresse les cheveux, encore, et elle ramène ses genoux contre elle en terminant sa glace. Ses dents mâchonnent alors le bâtonnet, quand elle acquiesce pour montrer qu'elle a compris.

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Hawks se retient de sauter de joie pour avoir deviné ce que préfère Koumei. Puis, comme il l'a mentionné, cela lui permettra de garder un œil sur elle. Vu son passé et ses réactions, il est essentiel de l'intégrer à la société petit à petit, sans la lâcher dans le grand bain tout de suite. Mais ça ne suffira pas, surtout quand elle intégrera le lycée, puis l'université, si elle le souhaite.

― Quand tu seras un peu plus à l'aise, je compte aussi te faire participer aux activités du comité du quartier. Tout le monde est très gentil puis, tu découvriras de nouvelles choses !

Il se doute bien qu'elle n'a jamais dû faire d'activités de groupe, qu'elle n'a jamais eu de loisirs, et c'est une partie essentielle de la vie scolaire. Si elle n'est pas au collège, c'est le seul autre moyen qu'il connaît pour pratiquer des sports collectifs, faire des sorties de quelques jours ou découvrir des jeux comme le shôgi ou le go.

Une moue de dépit lui échappe lorsqu'il s'aperçoit qu'il a terminé son pot. Il soupire, boude un court instant, avant de se lever pour aller jeter le pot à la poubelle et mettre la cuillère dans l'évier. Son regard se pose sur la photo de Mirko et lui aimantée au frigo ; il se rend soudain compte qu'il en sait bien plus sur Koumei que l'inverse. L'adolescente est sans doute bien trop timide et apeurée pour oser faire les premiers pas, il aurait dû y penser !

Il se retourne vers elle, lui adresse un sourire. Elle cesse soudain de mordiller le bâtonnet de bois, penche la tête sur le côté pour mieux l'observer. Ses pieds nus reposent sur la limite de l'assise du fauteuil et il note mentalement de lui acheter des chaussons pour l'intérieur.

― À ton tour de me poser une question, Koumei-chan ! l'invite-il finalement.

Elle écarquille ses yeux verts ; le bâtonnet glisse sur le tissu du sofa, tombe sur le sol. Aussitôt, elle s'excuse en rougissant, se penche pour le ramasser. Ses ailes tremblent. Hawks soupire, se rapproche pour lui caresser les cheveux et la rassurer.

― Ce genre de maladresse arrive à tout le monde, tu n'as pas besoin de te répandre en excuses, surtout avec moi.

Elle redressa la tête, lui offre un regard confus, avant de retourner à sa contemplation. Il enlève sa main et vient de nouveau s'affaler à ses côtés, glissant ses mains dans les poches de son pantalon.

Il espère qu'elle posera une question, qu'elle osera ce premier pas vers lui.

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Koumei ne sait plus où se mettre. Hawks veut qu'elle lui pose une question, mais sur quoi ? S'il veut qu'elle en sache plus sur lui, ne serait-ce pas plus simple de lui dire les choses simplement, ou même petit à petit ? Pourquoi doit-elle s'enquérir elle-même de ces choses-là ? Et elle est censée demander quoi, exactement ? Si elle tombe sur un sujet sensible par mégarde, comment réagira-t-il ?

Son regard accroche le t-shirt que porte le plus vieux. Elle reconnaît vaguement le héros qui se trouve dessus, elle a déjà vu des objets dérivés portant son effigie et son nom. Il doit s'agir d'un sujet sûr, ou l'adulte ne porterait pas un t-shirt pareil pour dormir, ni devant elle.

Elle inspire, expire sa tension et son appréhension. Elle désigne d'un pouce tremblant l'image imprimée, avant de se lancer en priant avoir vu juste.

― P-Pourquoi Endeavor ?

Hawks cligne des yeux et aussitôt elle se recroqueville, ferme les yeux. Elle tremble, jusqu'à ce qu'il pose sa main sur ses cheveux, les caresse doucement. Elle souffle alors, soulagée. Elle a vu juste ; ce n'est pas un sujet sensible.

― C'est un héros que je respecte beaucoup.

Elle soulève à nouveau ses paupières, lui jette un regard en coin, avant de sentir sa mâchoire se décrocher. L'adulte a détourné son visage, qui revêt un air rêveur. Sa bouche devient sèche et elle humidifie ses lèvres, sans cesser d'observer le héros qui semble fasciné par une décoration invisible sur le mur.

― Tout le monde pense que le fossé entre All Might et les autres héros est trop grand pour être comblé. Mais lui, il n'a jamais abandonné, aussi dérisoires ses efforts peuvent-ils sembler.

Koumei écarquille soudain les yeux, assemblant les propos de Hawks et son comportement. Ce n'est pas simplement du respect, il est un fan d'Endeavor. C'est étrange, un héros qui admire un autre héros, mais cela lui permet de comprendre un peu mieux l'homme qui l'a recueillie.

― Vous admirez sa résilience. Vous l'admirez, s'enhardit-elle même, avant de se mordre la langue.

Pourquoi n'a-t-elle pas mieux contrôlé ses propos ? Hawks pourrait se vexer ; il lui fait oublier d'être prudente. Elle est la fleur qui éclot imprudemment sous le soleil pour s'y brûler les pétales. Pourtant, il éclate de rire, lui adresse un sourire toujours aussi lumineux, loin d'être agacé par sa remarque. Ou alors, il le cache bien.

― Oui. Je l'admets, je l'admire, acquiesce-t-il entre deux éclats.

Koumei bascule alors la tête en arrière, observe le plafond. Elle ne peut nier qu'un tel entêtement force le respect. Elle aussi, un fossé la sépare des gens normaux, un fossé qu'elle pense trop grand pour être rebouché un jour. Mais peut-être qu'elle peut, tout comme ce héros, faire des efforts pour tenter de le traverser, même si ce n'est que de quelques pas. Ce ne seront jamais des pas de perdus, qui ne lui serviront à rien.

― Vous croyez… Vous croyez, je peux prendre exemple sur lui ?

L'hilarité de Hawks s'éteint brutalement, comme une lumière dont l'interrupteur se ferme. Mais ce n'est pas de la colère qui transparaît dans sa voix lorsqu'il lui répond. Non, sa voix est plus sérieuse que jamais et souffle sur les braises de son âme presque éteinte.

― Bien sûr. C'est le second rôle des héros, être des modèles à suivre. Tu ne seras jamais comme les autres, parce qu'ils n'ont pas enduré les ténèbres. Mais tu peux rejoindre la lumière, Koumei.

Un instant de silence. Elle ferme les yeux. Même si elle ne dit rien, elle est suspendue à ses lèvres et les braises rougeoient un peu plus fort.

― Ça sera difficile, tu auras sans des rechutes, des doutes, je ne te le cache pas. Mais garde Endeavor comme exemple, accroche-toi à ce rêve. Et si tu trébuches, je te relèverai.

Koumei songe à la précédente promesse de Hawks, aux ramens au poulet qu'ils ont mangés en rentrant, après sa sortie de l'hôpital. Alors elle tend son petit doigt vers lui, sans oser le regarder.

― Promis ?

Il lie son petit doigt avec le sien sans hésiter.

Une minuscule flamme recommence à brûler.

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Quoi, j'ai dis que les choses s'amélioraient petit à petit, pas que ça se ferait en un claquement de doigts XD

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