Bonsoir bonsoiiiir !
Je pense qu'on va arriver à un chapitre toutes les trois semaines désormais, parce que j'essaye d'écrire plus régulièrement et que je tourne avec d'autres fics ^^
WARNINGS : Violence intra-familiale, violences sur mineure, tics nerveux et inconscients pouvant s'apparenter à de l'auto-mutilation.
TW : Crise d'angoisse détaillée
Disclaimer : À part Koumei, l'univers et les personnages appartiennent à Kōhei Horikoshi
Édité le 19/03/21
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5# Un pas en avant, deux en arrière
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Six heures trente s'affichent en chiffres fluorescents sur le réveil de Hawks.
Sous les plumes écarlates et la couverture qui la recouvrent, Koumei fixe le mur d'un agréable bleu clair. La respiration profonde du héros à ses côtés l'empêche de se rendormir depuis des heures, tout comme sa nervosité à occuper ainsi son lit.
Si seulement elle n'avait pas taché ses draps.
Elle aurait très bien pu prendre le canapé, qui a l'avantage certain d'être plus confortable que le futon où elle dormait avant. Mais Hawks a refusé, arguant qu'elle sort de l'hôpital et qu'elle n'a pas besoin d'avoir des courbatures supplémentaires. Il a proposé qu'elle dorme avec lui ; elle pressent qu'il se doutait qu'elle culpabiliserait en lui proposant de prendre son lit et lui le sofa.
Elle aurait bien voulu lui dire non, mais elle n'a pas eu le courage de lui tenir tête. Cela ne lui apporte jamais rien de bon. Puis, il ne saura pas qu'elle n'a pas dormi. S'il lui pose des questions, elle lui dira simplement qu'elle s'est réveillée plus tôt que lui. Elle ne veut pas d'ennuis, elle ne veut pas s'attirer ses foudres. Elle espère simplement que le mensonge passera au besoin.
Elle soupire, avant de sortir doucement du lit, veillant à ne pas réveiller son futur tuteur. Le froid matinal la saisit lorsqu'elle pose les pieds au sol, s'extirpe de la chaleur prodiguée par la couverture et le poids de l'aile vermillon. Elle frissonne, avant de se lever et de sortir de la chambre sans un bruit.
C'est étrange de ne pas sentir les planches plier sous son pied. Elle n'a pas besoin de veiller à éviter les zones vermoulues du parquet pour marcher en silence. Le revêtement est doux, agréable sous ses pieds ; elle a presque l'impression de s'enfoncer dedans. Son corps se détend légèrement, alors qu'elle repousse derrière elle la porte de la chambre de Hawks dans un souffle.
Elle n'ose penser à ce qu'il lui arriverait si elle le réveillait.
À cette réflexion, sa main effleure pensivement les bandages sur son ventre. Chez ses parents, elle aurait terminé sa nuit le ventre couvert de sang séché, la couverture et les doigts poisseux. Elle aurait sans doute eu le droit à une gifle de son père si elle l'avait réveillé. Ses doigts froids effleurent sa joue, qui brûle presque honteusement au souvenir.
Plus jamais elle ne veut subir ça. Hawks semble moins volcanique que son père, plus doux. Peut-être n'est-ce qu'une façade qui s'effacera au fil des jours. Cependant, si elle fait profil bas, si elle reste à la place que lui donnera l'adulte, elle devrait pouvoir s'en sortir mieux qu'avec ses parents.
Elle se claque légèrement les joues pour se reprendre, replie ses orteils dans la moquette du couloir. Elle ne sait pas trop quoi faire. Chez elle, elle aurait sans doute commencé à préparer le petit-déjeuner en silence, mais si elle fait du bruit en cherchant où les ustensiles et les ingrédients dont elle aurait besoin sont rangés ? Elle craint qu'à trop vouloir en faire, elle ne provoque la colère du héros. Puis, elle ne connaît guère ses goûts, à part son amour pour le poulet.
Koumei pousse finalement la porte de la chambre que l'adulte lui a attribuée. Elle est impersonnelle et les trois pauvres cartons contenant ses affaires sont encore intacts au pied du lit. Pourtant, elle ne s'y sent pas mal à l'aise. Il y a un loquet sur la porte, maigre protection si elle doit se réfugier dans la pièce, mais c'est mieux que rien. Chez elle, son père n'avait qu'à tirer un rideau pour lui tomber dessus.
D'ailleurs, en parlant de rideau, une lumière orangée illumine la chambre à travers celui devant la grande fenêtre. Elle se glisse dessous ; le spectacle de la ville rayonnant sous l'aurore matinale se dévoile devant elle. Son souffle se coupe, elle écarquille les yeux alors qu'elle pense n'avoir jamais rien vu d'aussi beau. Le ciel nuageux se part de rose, de vert et de jaune à l'Est, tandis que la nuit sombre disparaît petite à petit. Et les rayons de lumière rebondissent sur les hautes tours de verre et de métal, font chatoyer les vitres comme des milliers d'éclats de diamants.
Elle sent à peine ses larmes glisser sur ses joues, alors qu'elle s'émerveille, s'éveille à la beauté du monde.
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Hawks grogne lorsque son réveil sonne. Il soupire, bâille, encore ensommeillé de sa courte nuit. Ses paupières collent alors qu'il tend par automatisme la main pour éteindre le monstre bruyant. Ses ailes frémissent lorsque ses doigts retombent sans force sur le matelas chaud. Juste cinq minutes de plus…
Il ouvre brutalement les yeux. Koumei est censée dormir à côté de lui ; pourquoi sa place est vide ? Il soupire, enfouit la tête dans son oreiller. La place est encore chaude, elle ne doit pas être loin, bien qu'il soit étrange qu'elle soit déjà levée.
Il espère qu'elle n'est pas allée pendre le linge, ou quelque chose du même genre. Il n'est même pas certain qu'elle a la force de soulever le drap imbibé d'eau qui repose dans l'évier.
Il inspire profondément, se redresse à demi pour passer une main devant ses yeux. Pourquoi pense-t-il directement au plus tordu ?. Elle a dû simplement aller aux toilettes. Même s'il est facile de s'inquiéter pour elle au vu de sa vie, il est censé être l'adulte ; s'il s'angoisse pour un rien, il ne l'aidera pas à remonter la pente.
Il se demande presque pourquoi il s'est proposé, ne s'est jamais occupé de quelqu'un d'autre que de sa propre petite personne. Même son besoin de prendre soin d'elle est égoïste ; il veut simplement ne pas culpabiliser plus tard. Est-ce qu'il est vraiment ce dont elle a besoin ? Est-ce qu'une vraie famille ne serait pas mieux pour elle ? Peut-être que quelqu'un aurait voulu l'adopter, une fois en foyer. Qui est-il pour s'arroger le droit d'être son tuteur sur un coup de tête ?
Il se lève, la tête lourde de toutes ses questions, se traîne jusque dans le couloir. Il se fige cependant lorsqu'il s'aperçoit que la porte de la chambre de Koumei est ouverte. Que fait-elle là-dedans à une heure pareille ? Il n'est même pas sept heures ! Pestant entre ses dents, il passe une main dans ses cheveux en bataille le temps de reprendre contenance. Il doute qu'étaler ses états d'âme sur son visage soit bénéfique.
Hawks toque finalement sur le montant de la porte pour prévenir l'adolescente de sa présence, avant de glisser sa tête à l'intérieur.
Koumei est derrière le rideau. En l'entendant, elle le tire, lui offre un visage radieux, quoique baigné de larmes. Il hausse un sourcil, perplexe. Pourquoi pleure-t-elle, cette fois ? A-t-elle eu un nouveau cauchemar et n'a-t-elle pas voulu le réveiller ?
La jeune fille semble alors se rendre compte du problème et essuie à moitié ses pleurs avec un sourire tremblant, mais lumineux. Il s'approche, le ventre noué par l'inquiétude. Qu'est-ce qu'il lui prend ? C'est bien plus angoissant de la voir sourire que pleurer sans savoir pourquoi. Il suppose mieux les raisons de ses larmes que de ses joies.
― Est-ce qu'il y a un problème ? demande-t-il doucement, se baissant à sa hauteur.
Il hésite à lui proposer une étreinte, tergiverse. Que doit-il faire ? Elle ne semble pas triste, mais bouleversée et joyeuse à la fois. Il espère que Mera lui enverra un guide du bon tuteur ; il a l'impression de voler dans un brouillard épais et de pouvoir se retrouver face à un avion à tout moment.
La pire peur de toute sa foutue vie, à s'en faire des plumes blanches.
― Je ne… J'ne savais pas que la ville pouvait être si belle, chuchote-t-elle à voix basse.
Il cligne des yeux, surpris, avant qu'un petit rire ne lui échappe. Il s'est inquiété pour rien, la boule dans son ventre disparaît. Il lève une main pour ébouriffer ses cheveux blancs, passe ensuite son pouce sur les joues pour enlever les dernières traces humides. Il s'est fait toute une montagne de pas grand-chose, finalement.
Son cœur n'a pas fini de jouer aux montagnes russes avec elle.
― Et si tu me montrais ça ? lui propose-t-il.
Ses yeux se plissent, empreints de méfiance. Il ne cesse de lui sourire, lui tend la main pour qu'elle s'en saisisse. Finalement, elle hoche timidement sa tête et tend la main vers lui, sans trop savoir quoi faire. Avec un sourire, il saisit délicatement son poignet pour la faire saisir sa manche. Elle tremble, lui adresse un regard en coin, comme si elle n'est pas certaine d'avoir le droit malgré tout. Il lui tapote gentiment le crâne, malgré la tension soudaine que cela provoque, avant de poser une main dramatique sur son front.
― À l'aide, je me fais traîner vers le plus beau paysage au monde, mes yeux ne le supporteront pas !
Elle pouffe de rire, plaque sa main libre sur sa bouche, les yeux écarquillés, comme surprise par le son. Il ricane ; elle sourit derrière ses doigts et ses yeux volent les étoiles de la nuit qui s'en va. Finalement, elle le tire légèrement pour l'inciter à se rapprocher de la fenêtre ; ses questions et ses doutes s'envolent vers son placard où gisent déjà d'autres squelettes.
Il doit vraiment cesser de réfléchir avant son café.
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Koumei déteste les regards qui se portent sur elle. Ou plutôt, qui glissent sur elle après s'être portés sur Hawks qui marche à ses côtés. Elle est rassurée de sentir le tissu épais du manteau du héros sous ses doigts, alors qu'elle se colle presque à lui. Tout le monde salue l'adulte avec un sourire et des mots gentils, pose des questions sur sa présence à ses côtés.
Il y a un nœud dans son estomac qui refuse de partir. Elle n'aime pas être le centre de l'attention, cela lui rappelle les hold-ups. Elle frémit, baisse les yeux vers le sol bétonné. Elle veut juste rentrer à l'appartement de Hawks, se tenir loin des regards qui la scrutent comme si elle est un monstre de foire.
― M'sieur Hawks… J'me sens pas bien… murmure-t-elle pour elle-même.
Elle a peur de parler plus fort, de déranger dans son travail le soleil qui brille et éclaire le monde. Alors elle s'accroche un peu plus fort à son manteau, tremble imperceptiblement en ravalant les pleurs qui veulent couler sur ses joues. Elle a l'impression que tous l'observent en chuchotant, masse grouillante qui l'entoure, rétrécit son espace vital.
Puis, alors qu'ils attendent de pouvoir traverser un passage piéton, une main chaude se pose soudain sur sa tête, une aile rouge l'entoure doucement. Elle lève les yeux, croise le regard inquiet de Hawks. Il sait, réalise-t-elle, ou en tout cas, il se doute de son mal-être immédiat. Il fait attention à elle, s'inquiète de son ressenti. Elle rougit sous la reconnaissance qui éclot en elle, cache sa tête contre les côtes de son tuteur pour ne pas avoir à le regarder, ni à avoir sous ses yeux les passants..
― On est bientôt arrivé, je te le promets. T'auras plus à supporter les regards.
Elle se fige, alors qu'elle réalise qu'il devine ce qui la met aussi mal à l'aise. Elle rougit un peu plus contre le manteau, inspire en tremblant l'odeur de café qui s'est accrochée au tissu épais. La fragrance est bien plus agréable que celle de cigarette froide qui règne sur ses vêtements. Malgré les jours passés loin de son père, l'odeur reste, imprégnée dans chaque fibre.
Elle a l'impression de porter son ancienne prison sur elle et n'a qu'une hâte, s'en débarrasser.
― Tu devrais prendre ma main, tu sais, ça serait plus simple que de t'agripper à moi.
Elle a soudain l'impression que de la fumée sort de ses oreilles tellement ses joues chauffent. Alors que le feu passe au rouge pour les voitures, elle relâche sa prise sur le manteau du héros, détourne la tête alors qu'elle laisse sa main libre. Elle n'a plus six ans, elle en a quatorze, elle n'est pas censée tenir la main à son aîné pour traverser la rue !
Mais lorsque Hawks lui tend ses doigts en silence, une fois le passage piéton traversé, elle glisse timidement les siens dedans. Il ne manquerait plus qu'elle se perde dans cette ville qu'elle ne connaît pas. Il ne manquerait plus qu'elle perde son soleil pour sombrer dans les ténèbres qui rôdent, prêtes à l'avaler au moindre relâchement.
Koumei sait pertinemment qu'elle nie la réalité des choses, mais cela lui convient très bien. Au moins, cette réalité-là est bien plus douce et chaleureuse que celle d'avant, alors elle peut nier la raison de ses actions, cela ne la rend pas malade, au contraire.
Hawks serre doucement sa main, lui adresse un petit sourire tranquille qui apaise la nausée au creux de son estomac. Elle ferme les yeux pour ne plus apercevoir les regards curieux, se laisse guider par l'adulte.
Elle ne saurait dire si elle lui fait confiance ou non, ce concept lui paraît bien trop abstrait. Mais elle sent qu'elle peut se fier à lui pour arriver à bon port. Il l'a déjà empêchée de s'écraser sur le bitume sans qu'elle ne soit liée à lui ; elle est presque certaine qu'il ne laissera pas quelque chose lui arriver en public maintenant qu'elle est sous sa garde.
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Hawks souffle de soulagement quand la porte de la petite boutique se referme derrière lui au son du carillon accroché à l'entrée. Il a cru ne jamais voir le bout du trajet. Jamais cela ne lui a paru aussi long. Est-ce la tension de Koumei qui est contagieuse, ou est-ce lui qui n'arrive pas à gérer les questions indiscrètes que ses concitoyens posent ? Il s'en sort à chaque fois avec une blague ou une pirouette, mais il y a un nœud dans son estomac qui ne le quitte pas.
Il n'est pas certain de l'accueil que les habitants feront à l'adolescente quand ils connaîtront toute l'histoire. Il ne se voile pas la face : cela finira par se savoir, un jour ou l'autre. Est-ce qu'elle pourra supporter l'attention qui se portera sur elle, à ce moment-là ? Est-ce qu'il pourra la protéger du pire ?
Pourquoi n'y a-t-il pas pensé avant, franchement ?
Il cache ses inquiétudes derrière un sourire alors qu'il relâche la main froide de l'adolescente. Il l'observe, vérifie qu'elle va à peu près bien, avant d'étouffer un rire en la voyant les yeux fermés. Elle soulève alors ses paupières, rougit de gêne.
― Bonjour ! Monsieur Hawks, c'est un plaisir de vous revoir… Oh, qui est-ce ?
Il lève les yeux vers la propriétaire de la boutique. À peine plus grande que Koumei, elle les observe de ses yeux lie-de-vin derrière ses lunettes rondes, un sourire doux aux lèvres. L'adolescente tressaille, se cache un peu plus sous son aile. Il ne s'en offusque pas et passe une main dans ses cheveux blancs pour tenter de la rassurer.
Si elle fond en larmes maintenant, il n'est pas certain de réussir à gérer la crise. Bon sang, il aurait vraiment dû demander à Mera ce guide du bon tuteur. Ses doigts se posent sur l'épaule de Koumei et un bref instant, il se demande qui des deux soutient le plus l'autre.
― Bonjour, madame Ikeda. Je vous présente ma pupille, Koumei.
― B-bonjour…
La voix de la petite n'est guère assurée, mais la propriétaire ne s'en offusque guère. D'un geste de la main, elle estime la taille de l'adolescente, avant de sourire un peu plus. Hawks relâche sa prise, pousse doucement l'adolescente de l'aile pour la faire avancer. Il ignore s'il fait bien, s'il ne devrait pas au contraire choisir pour elle et abréger le shopping.
― De quoi a-t-elle besoin, exactement ?
― Un peu de tout.
Hawks sait que cela coûtera cher à son compte bancaire, mais il a vu le peu de vêtements qu'elle possède, entassé dans à peine trois cartons avec des livres plus ou moins en bon état. La plupart sont abîmés par le temps, recousus, ou gardent des traces discrètes de sang, de brûlures de cigarettes. Il n'a pas osé dire à la jeune fille qu'il rêve de tous les passer par la fenêtre tellement cela le met en colère. Même lui a eu plus de considération de la part de son père, sur ce point-là.
Au pire, ce n'est pas un drame, il n'a jamais dépensé à outrance en tant que héros. Il peut se permettre cette dépense, en plus des médicaments qu'il doit prendre en charge pour elle. D'ailleurs, au regard que porte madame Ideka sur les ailes de Koumei, elle a deviné qu'elles sont sous-développées. Mais elle ne fait aucun commentaire et il sait qu'elle ne répandra aucun commérage.
Son silence est une des raisons qui lui fait préférer cette boutique à toutes les autres.
― Dans ce cas-là, allez regarder dans le rayon douze ans, elle devrait trouver des choses à sa taille. Je ferais les ajustements ensuite pour qu'elle puisse essayer.
― Les… les ajustements ? murmure en bégayant Koumei.
Hawks lui désigne ses ailes d'un geste du pouce. L'adolescente cache son visage entre ses mains, visiblement honteuse de ne pas y avoir songé. Il laisse un petit rire lui échapper, avant de la pousser dans la direction du rayon du bout de l'aile.
Quelque chose lui dit qu'il n'a pas fini de la voir devenir écarlate.
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Koumei observe les rayonnages sans savoir quoi choisir. Il y a trop de vêtements, elle en a presque le tournis. Jamais elle n'a choisi ses propres habits, alors elle ne sait que prendre. Et elle refuse que cela coûte une fortune, mais les prix ne sont pas indiqués. Elle craint de demander, effleure les portants en réfléchissant. Qu'est-ce qui peut coûter le moins cher ? Elle ne sait même pas sur quoi se baser.
Elle commence à trembler, quand la main de Hawks se pose sur sa tête. Elle prend alors une longue inspiration, essaie de se détendre. Peut-être peut-elle déduire ce qui est à moindre coût en demandant au héros, mine de rien.
― Je… Je ne sais pas quoi choisir… chuchote-t-elle.
― Hum… Je dirais cinq ou six pulls, autant de hauts à manches longues, de pantalons ou jupes, deux paires de chaussures, des chaussons, un ou deux gilets et un manteau. Ça devrait suffire pour l'instant, on complétera au fur et à mesure.
Hawks réfléchit en comptant sur ses doigts, devant ses yeux écarquillés. Autant que ça ? Mais c'est presque l'entièreté de sa garde-robe qu'il propose de refaire ! Et la compléter ?! Est-ce que ça rentre seulement dans le placard de la chambre qu'il lui destine ?
Elle cligne des yeux, comprenant soudain que ce n'est pas de la part de Hawks qu'elle doit s'attendre à de la modération. Sa mère lui a pourtant dit et répété que cela coûtait cher de l'habiller ; elle ne veut pas que son tuteur se ruine. Même si elle veut brûler les vêtements qui lui rappellent sa prison, elle n'a pas le droit de faire la difficile.
Avec un soupir, elle continue ses recherches. Peut-être que les vêtements les plus simples sont aussi les moins chers ? C'est avec cette pensée qu'elle choisit les pièces les plus simples possible, toutes unies. Elle sent le regard de son futur tuteur sur sa nuque, elle sent qu'il se retient de dire quelque chose. Elle frissonne, serre les doigts sur un cintre et les dents. Sans doute fera-t-il une réflection vicieuse derrière les murs de son appartement, mais elle peut encaisser. Comparé à son père, comparé au reste, une petite remarque pour ses choix sera assez légère.
Elle sursaute cependant quand il pose une main sur son épaule. Elle rentre sa tête dedans, inspire difficilement avant de croiser son regard, prête à encaisser. Pourtant, elle a soudain l'impression qu'une remarque acerbe de Hawks serait plus douloureuse que n'importe quel coup de son père. Elle ne veut pas le décevoir, lui faire regretter son choix.
Maintenant qu'elle y pense, les papiers ne sont même pas encore signés, il peut l'abandonner à tout moment si elle l'agace.
― Ne te soucie pas du prix, poussin, j'ai les moyens. Je suis dans le haut du classement, après tout !
Le soleil chasse les ténèbres qui rongent son cœur meurtri, balaye ses doutes d'un sourire, d'un soupir, pour quelques minutes. Comment peut-il savoir comment elle pense, contrer ses craintes sans même qu'elle ne les exprime ? Si son Alter n'était pas lié aux ailes dans son dos, Koumei penserait qu'il peut lire dans les esprits, même ceux aussi chaotiques que le sien.
Elle ne change pas pourtant ses choix actuels. Cela lui convient très bien. Elle ne sait pas vraiment ce qu'elle aime, pour l'instant, alors rester sur des choses simples lui permettra de ne pas acheter quelque chose qu'elle ne voudra plus mettre trop tôt.
Pourtant, lorsque son regard tombe sur un manteau qui ressemble à celui du costume de héros de Hawks, dans le rayonnage garçon, elle est soudain indécise, tend la main pour l'effleurer. La texture est la même que lorsqu'elle s'est accrochée à lui après qu'il l'ait rattrapée ; une sensation de chaleur coule dans ses membres.
Est-ce stupide, de se sentir rassurée par un vêtement qu'elle n'a jamais mis ?
Lorsqu'elle se retourne pour avoir l'avis de Hawks, elle a simplement le droit à son éternel sourire lumineux.
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Hawks a un stupide sourire niais sur son visage ; Koumei, dans la veste qui ressemble à celle de son costume de héros, n'ose pas croiser son regard depuis qu'ils sont sortis du magasin.
Elle a choisi un manteau semblable au sien. Même madame Ikeda a trouvé cela atrocement adorable, il en jurerait, au sourire en coin qu'elle arborait au moment de l'adapter aux ailes de la petite avec son Alter. Et pourtant, ce n'est pas une femme facile à émouvoir.
Il serre un peu plus fort la petite main dans la sienne, sifflote joyeusement. Les rougeurs gagnent en intensité sur le visage de sa pupille, dont la bouche se plisse petit à petit pour se transformer petit à petit en moue boudeuse. Lorsqu'elle ne se pense pas observée, elle est bien plus expressive, presque au point d'avoir un air adorable. Il met sa main devant sa bouche, tente de masquer son rire en toux, en vain.
Lorsque Koumei l'entend, elle dirige son visage vers le sol et un clou de culpabilité s'enfonce dans sa poitrine. Il la sent trembler, grince des dents. Ses parents n'ont toujours pas été retrouvés et, bien qu'il ne puisse pas légalement leur mettre son poing dans la figure s'il ne les attrape pas lui-même, qu'il ne puisse pas légalement se venger, l'envie est là, dévorante, une ombre au creux de son ventre.
Il ne pensait pas pouvoir haïr quelqu'un plus fort que son paternel, mais devoir s'occuper de l'adolescente a changé cela. Comment peut-on détruire un enfant, le jeter dans l'engrenage d'un système où le bonheur, les rires et la liberté de parler, de penser même sont bannis ? Elle n'était pas juste ignorée, une enfant indésirée comme tant d'autres ; elle a été exploitée pour avoir eu la malchance de naître avec un bon Alter.
Et il sait au fond, il sait qu'elle ne pourra jamais être la jeune femme qu'elle aurait dû devenir en vivant chez sa grand-mère. Il est impossible de redresser un arbre déjà courbé ; on peut seulement faire de son mieux pour l'empêcher de se briser sous la gravité.
― Tu as le droit de bouder, tu sais. Comme tu as le droit de me dire non, de dire que je vais trop loin, que ça te blesse ou que ça te met mal à l'aise, soliloque-t-il. Tu as le droit à la parole avec moi.
Il ne s'attend pas à ce qu'elle lui réponde. Il n'est même pas certain d'avoir réussi à la rassurer. Sa petite main cesse de trembler dans la sienne ; elle redresse la tête, lui adresse un regard en coin, apeurée. Elle semble craindre un coup, réalise-t-il finalement. Comme si ses mots ne sont que de la poudre devant ses yeux pour masquer la violence qu'elle recevra plus tard, et que trembler aggraverait sa punition.
Il a envie de la serrer dans ses bras, en pleine rue, pour lui jurer que jamais il ne lèvera la main sur elle. Mais d'un, elle n'apprécierait sans doute pas une telle effusion en public. De deux, elle ne le croira sûrement pas. Il soupire, passe sa main libre devant ses yeux, serre un peu plus fort ses doigts sur les siens.
À l'abri derrière les murs de l'agence, il pourrait la rassurer. Mais même là encore, il n'est pas certain qu'elle l'accepte, sous les yeux de ses deux acolytes. Elle risque déjà d'être tendue comme un élastique tout le reste de la journée ; il ne veut pas lui infliger une dose supplémentaire de malaise.
Lorsqu'il pousse la porte de son agence, elle se cache derrière lui, sous son aile écarlate. Gravitron et Lady Wild sont assis à leur bureau, tapant les rapports pour la Commission. ils relèvent la tête en entendant claquer la porte, écarquillent tous deux les yeux. Hawks sait que c'est à lui d'introduire Koumei, mais elle ne lui facilite pas la tâche.
Il n'a pas réalisé l'ampleur du travail qui l'attendait au moment de se laisser emporter par ses émotions. Mais il refuse de baisser les bras si vite, ce n'est que le premier jour. Cela ne peut pas être facile dès les premières heures.
― Tu veux bien sortir de là-dessous ? Ils ne te mangeront pas, promis.
Elle finit par accepter de mauvaise grâce, se plaçant devant lui. Il pose une main réconfortante sur sa tête, sourit à ses deux acolytes qui semblent flairer une entourloupe.
Peut-être aurait-il dû les prévenir. Mais il a eu autre chose à penser hier soir, ou même ce matin. Il a juste envoyé un message comme quoi il serait en retard. Il n'a pas donné plus de détails et il est en train de le regretter. Il déglutit, la boule au ventre, prie pour que tout se passe au mieux.
À nouveau, il se cache derrière un sourire
― Lady Wild, Gravitron, je vous présente Koumei ! Elle va être ma pupille et, comme il nous semble à tous deux précipité de la faire intégrer le collège tout de suite, elle restera à l'agence durant la journée !
Le silence qui suit est à couper au couteau. Il sourit largement, comme indifférent au malaise qui pèse sur la pièce, tandis qu'il sent les doigts de Koumei s'accrocher à sa veste. Il ne retire pas la main de ses cheveux, prie pour qu'un de ses acolytes ouvre la bouche, et vite.
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Personne ne brise le silence ; Koumei tremble. Des gouttes de sueur coulent le long de sa nuque et ses mains agrippent avec force la veste de Hawks derrière elle. La femme que son futur tuteur a présentée comme Lady Wild est une femme-guépard, dont les oreilles rondes sont tournées dans sa direction. De son museau, elle renifle l'air, tandis que sa queue tachetée se balance dans son dos comme un balancier d'horloge ; ses yeux dorés sont braqués sur elle.
Derrière le casque qui masque le visage de Gravitron, elle ne peut que supposer que son regard est tout autant braqué sur elle. Elle le sent et son cœur bat la chamade entre ses côtes ; elle le sent et son œsophage brûle de la nausée acide qui remonte.
Elle pressent qu'ils l'ont reconnue, qu'ils ont reconnu la petite braqueuse de banques à la bombe. Elle n'en peut juste plus de ces trop nombreux regards sur elle, de cette curiosité maladive et déplacée. Elle veut disparaître sous terre, loin des yeux lourds de jugement qui l'oppressent.
Ses poumons s'embrasent, sa respiration s'accélère. Même le poids de la main de Hawks sur son crâne ne la calme plus. Qu'est-ce qu'elle leur a fait pour mériter cette condamnation à vue ? Ne peuvent-ils comprendre qu'elle n'a pas eu le choix, qu'elle aurait préféré ne jamais avoir à porter ce fichu engin de morts, à avoir la vie d'autrui entre ses fils ?
Puis, une aile rouge la couvre, la coupe du monde. Elle baisse la tête, alors que le bras de Hawks l'entoure doucement, la pousse à se reposer contre son torse. Elle inspire, expire en tremblant dans la foulée ; l'air semble refuser de rester dans ses poumons. Ses mains tirent sur le manteau de l'adulte, seul repère pour ne pas perdre pied.
― Tout va bien se passer, Koumei, ils ne peuvent rien te faire, je te le promets.
Il y a un tremolo d'angoisse dans la voix de Hawks, alors qu'il resserre son étreinte. Il a perdu son assurance ; est-ce parce qu'il craint la réaction de ses deux acolytes ? Si même lui a peur, comment peut-elle le croire ? Comment peut-elle se calmer en sachant que les deux adultes en face d'elle ne lui veulent pas du bien ?
Elle inspire difficilement, pose une main sur son ventre, sous le bras de l'adulte. Elle serre le tissu de son propre blouson, halète, cherche de l'air, les larmes aux yeux. Elle a l'impression de sombrer, des taches floues devant les yeux.
― Vous l'aidez pas en paniquant, Hawks ! Allongez-la sur le canapé du coin de repos avant qu'elle fasse une syncope !
― Je vais chercher ma couverture !
Les voix se mélangent, semblent lointaines. Elle vacille, avant d'être soulevée du sol. Un vertige la saisit ; elle plaque par réflexe une main sur sa bouche alors que son estomac semble être une mer déchaînée. Elle ferme les yeux, ballotée, avant d'être déposée sur une surface rugueuse.
Puis soudain, un poids la couvre, la plaque sur le canapé, comme si elle ne peut pas tomber. Une inspiration irrégulière emplit ses poumons, elle tousse, alors que son corps se réchauffe. Elle tâtonne, de crainte de rouvrir les yeux. La nausée lui brûle toujours l'estomac et si elle soulève les paupières, si les silhouettes dansent devant ses yeux, elle sait qu'elle ne pourra pas se contenir plus longtemps.
Elle veut juste que ça s'arrête. Elle veut juste cesser de souffrir.
Est-ce que ça aurait fait mal, de s'écraser sur le béton ?
Une inspiration, lorsqu'une main chaude se pose à nouveau dans ses cheveux. Un fugu semble s'être logé dans sa gorge, les piques frottent contre ses voies respiratoires, elle veut juste que ça s'arrête.
Une autre et ses doigts se referment sur du tissu ; elle l'agrippe, de toutes ses forces. Une ancre dans la mer qui secoue son ventre, une ancre dans le typhon qui balaye son corps.
― Koumei, tu m'entends ? Concentre-toi sur ma voix.
Une nouvelle inspiration. Elle tousse, tente d'expulser le poisson-globe qui gonfle un peu plus dans sa trachée. Une alarme se met soudain à résonner dans la pièce, suraiguë. La jeune femme plaque ses mains sur ses oreilles, se recroqueville, alors que sa poitrine se serre, brûle pour se briser. Pourquoi c'est si douloureux de respirer ?
Pourquoi c'est si douloureux d'être en vie ?
La main sur sa tête s'enlève rageusement ; le son de la sirène est brutalement coupé, mais elle a l'impression de sombrer un peu plus dans les flots. Elle peine à remplir ses poumons écrasés par un poids invisible, elle a l'impression que sa gorge se resserre. Est-ce que c'est ça, mourir ? Être torpillée par la douleur jusqu'à ne plus le supporter ?
Des mains rêches éloignent soudain de force ses doigts de ses oreilles, serrent ses poignets pour l'empêcher de recommencer. Elle n'a même pas la force de se débattre, elle n'a plus qu'à attendre le coup qui l'achèvera enfin et mettra fin à son supplice.
― Koumei, c'est une crise de panique. Tu n'es pas en danger. Tout va bien se passer. Essaye de caler ta respiration sur la mienne.
La voix est plus grave que celle de Hawks, plus posée. Elle entend la respiration que la voix force, s'y accroche comme à une bouée de sauvetage. Elle tente d'inspirer, tousse, s'étouffe ; le poisson-globe est toujours là, ses pics dans ses muqueuses.
Elle ne sait même pas pourquoi elle fait l'effort si c'est pour souffrir d'autant plus. La voix doit être mensongère, langue de serpent, comme la plupart des gens qu'elle connaît.
Ses poignets retrouvent soudain leur liberté, tandis qu'une des mains se pose sur sa poitrine. Elle veut reculer, mais elle se retrouve acculée contre le dossier du canapé. Elle est prisonnière, encore, elle ne peut pas s'échapper, à quoi pense-t-elle ?
Elle ne peut pas se soustraire à la chute.
― Suis les mouvements de ma main pour respirer. Tu ne vas pas mourir, Koumei. Tu es allongée sur un sofa, dans l'une des meilleures agences de héros du pays. Tout va bien se passer si tu suis ma consigne.
La main appuie sur sa cage thoracique ; elle expire, puis inspire quand la pression se relâche. Un trait acide remonte le long de sa gorge serrée, qui laisse à peine passer l'air, mais la main continue son va-et-vient implacable, à un rythme régulier. Et elle finit par chasser le poisson-globe, rassembler les éclats de sa poitrine, calmer la mer déchaînée dans son estomac, tandis que sa respiration s'amplifie et s'apaise, lentement, au rythme imposé. La douleur se dissipe enfin, emmenant avec elle ses idées noires.
Koumei tremble toujours, mais elle n'a plus l'impression de sombrer.
― Tu vois, il s'agissait d'une simple crise de panique. Tout va bien.
La main se retire de sa poitrine, maintenant que sa respiration est stabilisée. Koumei est cependant encore secouée de la violence de la crise. Elle a cru, elle a voulu mourir pour abréger ses souffrances. Elle a encore mal à la poitrine, tiraillée sans savoir par quel mécanisme.
Timidement, elle ouvre les yeux, croise un regard aussi vert que le sien. Elle se raidit devant le visage inconnu, serre les doigts sur ce qu'elle reconnaît finalement être une couverture, bien plus lourde que celles qu'elle connaît. Est-ce lui qui lui a parlé pendant sa crise, qui l'a calmé ? Qui est-il ? Où est Hawks, et les deux acolytes ? Qu'était-ce que cette alarme ?
Elle lève la main pour poser ses doigts froids sur sa tempe alors que le flot de questions noie son esprit. Elle inspire doucement, observe du coin de l'œil l'inconnu. Il paraît jeune, mais elle est soudain frappée par la couleur sombre de sa peau, qui contraste avec ses cheveux violets.
― Un métisse ? se murmure-t-elle pour elle-même.
Il hausse un sourcil. Elle hoquète en comprenant qu'il l'a entendu, se détourne pour enfouir sa tête dans le revêtement du sofa tellement elle est honteuse. Elle imagine bien que ce n'est pas le genre de remarque à faire. Ses tremblements s'intensifient. Où est Hawks ? Au moins, elle sait à peu près ce qui l'attend avec l'adulte qu'elle connaît à ses côtés, pour l'instant ; c'est bien mieux que quelqu'un dont elle ne peut prévoir les agissements.
Elle entend l'adulte se relever sans un mot. Et toujours aucun signe de Hawks. L'a-t-il laissé tomber, agacé à l'idée de calmer sa crise ? L'a-t-il laissé dans un tel état de panique sans même un regard en arrière ?
― Je te demande pardon si Lady Wild et moi t'avons fait peur. Hawks ne nous a pas prévenus et la surprise a été grande.
Koumei cligne des yeux, avant de se redresser brutalement en comprenant ce que sous-entend l'homme. Il est Gravitron, l'un des deux acolytes. Pourquoi est-il aussi gentil avec elle alors qu'il la jugeait tout à l'heure ? Et où est son casque, dans ce cas-là ? A-t-elle mal compris ?
Son regard tombe finalement sur la table qui se trouve devant le sofa. Le casque noir et violet s'y trouve, répondant à l'une de ses nombreuses questions. Sa tête lui semble soudain trop lourde à porter, elle dodeline. Ses doigts se posent à nouveau sur ses tempes, tandis qu'elle garde le héros dans son champ de vision.
Il est devant ce qui ressemble à un coin cuisine, remplissant une bouilloire qu'il met en route. Le bruit de la résistance qui chauffe résonne dans la pièce, remplace le silence étrange qui règne entre lui et elle. Elle ne comprend pas son comportement, décidément.
Et, malgré ses œillades frénétiques dans la pièce, toujours aucune trace de Hawks. Alors il l'a abandonnée. Il n'a même pas essayé. Elle n'est même pas déçue, à vrai dire, même si un goût amer persiste dans sa bouche. À quoi devait-elle s'attendre d'autre ? Elle n'est qu'une gêne, lorsqu'elle n'est pas utilisée, et cette crise de panique n'en est qu'une preuve de plus.
Elle peut s'estimer chanceuse si cela ne fait pas revenir le héros sur sa décision.
― Tu devrais rester allongée, je pense. C'est ce que je faisais après une crise. Et si tu cherches Hawks, il est en intervention avec Wild.
Koumei sursaute, tourne la tête vers Gravitron en plissant les yeux. Est-elle si aisément déchiffrable ? Cependant, elle comprend ce que l'homme ne dit pas explicitement. Il a été sujet à des crises de panique comme la sienne, ce pourquoi sans doute il a été chargé de la calmer.
Et si Hawks est en intervention… Était-ce ça, l'alarme de tout à l'heure ? Est-ce qu'il n'est pas resté par obligation, finalement ? Elle ne sait que penser, mais elle n'aura sans doute pas sa réponse avant son retour, si ce n'est jamais. Ce n'est sans doute pas le genre de choses que le héros avoue à haute voix.
― Je l'ai rarement vu aussi inquiet, il est plutôt indolent, d'habitude. Si ce n'était pas parce que tu faisais une crise d'angoisse, ç'aurait été très drôle.
Un rire à moitié étouffé échappe au métisse, alors que la bouilloire siffle. Il l'éteint en riant toujours, tandis que Koumei penche la tête sans comprendre. Même s'il semble simplement exprimer ses pensées dans le vide, elle est presque certaine que ses propos lui sont destinés. Elle n'est cependant pas certaine de saisir ce qu'ils signifient. Se moque-t-il d'elle ou de Hawks ?
Elle lui adresse un regard méfiant lorsqu'il pose une tasse sur la table, devant elle, comme s'il s'attend à ce qu'elle la boive. C'est un héros, tout comme son futur tuteur, mais son comportement la laisse trop perplexe pour qu'elle se détende. Pourquoi n'a-t-elle pas pris Monsieur Finchu avec elle ? Le poids de sa peluche sur son ventre lui manque. Peut-être qu'elle n'aurait pas paniqué si elle avait eu son réconfort sous la main.
― C'est de la tisane, tu sais, ça ne va pas te mordre. Et tu as perdu ta langue ? Je t'ai pas entendu dire un mot depuis tout à l'heure.
Koumei rougit jusqu'à ses oreilles au rappel de sa maladresse , planque son visage derrière ses mains. Gravitron retourne sans égard le couteau dans la plaie. Il n'a visiblement pas apprécié sa remarque, à la limite de l'insulte. Il ne voudra jamais croire qu'elle n'a pas eu l'intention de le blesser, qu'elle ne pensait pas qu'il l'entendrait.
― Attends… Tu crois quand même pas que tu m'as vexé ?
Le rire franc qui éclate ensuite la fait tressaillir. Elle laisse ses mains retomber sur la couverture, qu'elle serre pour tenter de calmer son cœur qui recommence à battre trop rapidement. Elle ne comprend pas ce que Gravitron trouve drôle et son ventre se tord. Elle ramène ses genoux contre son torse pour les serrer, lui adresse un regard en coin plus apeuré qu'elle ne le veut vraiment.
Les hommes sont des animaux comme les autres ; s'il sent sa peur, il s'en repaîtra d'autant plus.
Pourtant, quand ses yeux croisent les siens, son visage se ferme ; il ne semble pas se réjouir de son malaise. En soupirant, il passe une main derrière sa tête, dévoile le bas de son crâne rasé et une boucle dorée sur le lobe de l'oreille gauche. Il frotte son pied droit derrière sa cheville gauche, presque nerveusement, et l'adolescente se demande soudain si elle n'a pas mal interprété quelque chose. Il ne ressemble pas à un prédateur, prêt à la déchiqueter sous la culpabilité et les coups.
― Je sais faire la part des choses, tu sais, j'ai bien compris que tu n'avais pas l'intention de me blesser. Et je suis désolé si je l'ai fait par inadvertance. T'as le droit de pas vouloir parler, j'suis juste censé garder un oeil sur toi et sur l'alarme, et d'accord, j'en fais p'tes un peu trop, mais je sais pas sur quel pied danser ! Je veux pas redéclencher une crise de panique par inadvertance, je sais à quel point c'est terrible et...
Le débit de l'homme est impressionnant et casse totalement l'image première que Koumei s'est faite de lui. Il n'a plus l'air si effrayant, même si ce n'est peut-être qu'un air qu'il se donne. Elle est cependant profondément soulagée de ne pas l'avoir blessé. Ses épaules se décrispent ; elle relâche ses genoux pour poser les pieds au sol. Son regard tombe sur la tasse encore fumante sur la table, où trempe un sachet, maintenant qu'elle y fait plus attention.
― Pa-Pardon, bégaye-t-elle finalement. Pour le dé-dérangement.
Elle ne sait pas quoi dire d'autre. Déjà ces quelques mots lui donnent envie de se gratter la gorge, sans savoir pourquoi. Et si Gravitron refuse ses excuses ? Si elle n'est pas censée s'excuser, en fait, dans cette situation ? Qu'est-ce qu'elle doit faire ? Sa bouche se tord, alors qu'elle commence à jouer avec ses doigts en réfléchissant. C'était plus simple d'interagir avec ses parents, il lui suffisait d'acquiescer et de filer droit.
― Pas besoin de t'excuser, tu n'as rien fait de mal. Allez, bois ta tisane et repose-toi, Hawks devrait plus tarder, avec sa vitesse.
Koumei hoche la tête, avant de se baisser pour saisir la tasse par l'anse. Elle entend bien l'ordre sous-jacent et elle n'a guère envie de tenter les yokai. Puis, elle a sans doute déjà bien entamé sa patience, elle refuse de jouer avec le feu. Elle ne sait pas ce qu'elle risque, avec Gravitron.
Elle souffle sur le liquide, y trempe timidement les lèvres. La chaleur se répand dans son corps et elle souffle de bien-être. C'est agréable, réconfortant même, et elle rencogne contre le sofa en buvant sa tisane, tandis que Gravitron chantonne en arrière-fond sonore.
Petit à petit, ses paupières se font plus lourdes, sa respiration s'approfondit. Ses doigts finissent par se détendre ; la tasse désormais vide roule sur son ventre, se coince entre elle et le dossier, tandis qu'elle s'endort, rattrapant sa courte nuit.
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... Oupsie ? Faut croire que j'aime enfoncer les personnages avant de les faire remonter XD
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