Bonsoir bonsoiiiir !

Ewoui, nouveau mois, nouveau chapitre ! (j'en ai plus qu'un d'avance, va falloir que je me bouge les fesses XD)

WARNINGS : Violence intra-familiale, violences sur mineure, tics nerveux et inconscients pouvant s'apparenter à de l'auto-mutilation.

Disclaimer : À part Koumei, l'univers et les personnages appartiennent à Kōhei Horikoshi


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10# L'Italien de Hakata

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Koumei tourne sur elle-même, se mordillant la lèvre inférieure. La lanière plastique de ses sacs de courses lui rentre dans la main, brûlant sa peau au passage. Elle doit bien se rendre à l'évidence : alors même qu'elle a suivi le plan fait par Hawks, elle a réussi à se perdre dans un quartier inconnu. Dire qu'elle lui a juré que tout se passerait bien !

Il n'y avait personne à l'agence qui pouvait l'accompagner faire les courses et l'adolescente ne voulait pas manger à emporter parce que le réfrigérateur était vide. Elle a pris goût à la cuisine, alors elle a demandé à Hawks de pouvoir aller faire les courses. Bien sûr qu'elle avait peur à l'idée de faire quelque chose seule, mais elle avait un portable avec elle et le plan de son tuteur, rien de terrible n'aurait pu lui arriver, non ?

Pourtant, elle se retrouve les bras ballants, son portable déchargé et avec des traits au crayon sur un bout de papier qu'elle a mal interprétés.

Hawks ne la laissera plus jamais seule. Et ce n'est pas que cela la dérange - elle aime bien la sensation de pouvoir se reposer sur quelqu'un, d'être protégée - et à choisir, elle aurait préféré être accompagnée. Mais elle ne veut pas qu'il se mette à la surprotéger non plus, elle ne le mérite pas.

Un soupir lui échappe, alors qu'une boule se noue dans sa gorge. Qu'est-ce qu'elle fait, maintenant ? Elle attend là, en espérant que Hawks la trouve par le plus grand des hasards ? Elle pourrait demander la direction du poste de police le plus proche, mais elle tremble rien qu'à l'idée de s'adresser à un membre des forces de l'ordre. C'est viscéral ; quand bien même elle sait qu'elle ne risque rien, qu'elle n'est plus une criminelle, qu'elle n'est pas en train de commettre un braquage, elle est terrifiée à l'idée de s'adresser à une personne en uniforme.

― Petite ? Tout va bien ? demande soudain une voix masculine.

Koumei sursaute violemment, alors qu'une main se pose sur son épaule. Elle lâche un cri effrayé, avant de fermer les yeux et de rentrer la tête dans ses épaules. Qui est-ce ? Qu'est-ce qu'il lui veut ? Est-ce qu'elle est en danger ?

― Ah, euh, je, désolé, désolé, je ne voulais pas t'effrayer ! Tu avais l'air paumé, alors je voulais juste t'aider.

Elle ouvre un œil, puis deux, alors que la main s'enlève de son épaule. Elle tourne craintivement la tête derrière elle, un nœud au fond de son ventre, qui s'intensifie alors qu'elle croise le regard d'un adolescent qui la dépasse de trois bonnes têtes. Il a des yeux jaunes et des cheveux d'un rouge assez vif, malgré une touffe rebelle noire sur le haut de son crâne, dont l'arrière et les côtés sont rasés. Son uniforme scolaire lui indique qu'elle a à faire à un collégien ou un lycéen ; il est terreux, un peu, et pas mal froissé. L'adolescent a un pansement sur la joue, aussi, et elle recule d'un pas.

Il n'a pas l'air de lui être hostile, mais son ventre est serré malgré tout et une légère nausée remonte le long de son œsophage.

― Tu as perdu tes parents ? Ou tu t'es perdue ?

Koumei ouvre la bouche, puis la referme, sa voix ayant soudain disparue. Elle se mordille la lèvre inférieure et sa main libre vient se glisser sous sa chemise pour gratter la peau fine de son ventre. Elle tente d'inspirer, mais l'air commence à lui manquer. Elle déteste cette situation, cette impression que le monde tourne devant ses yeux alors que ses poumons lui font mal.

― Hey, hey, respire ! Je sais que je ressemble à un délinquant, mais je ne vais pas te faire de mal ! Tu veux que je t'amène au poste de police le plus proche ? Ils t'aideront à retrouver ton chemin, tu…

― Non !

Ses yeux s'écarquillent sous la terreur qui griffe ses poumons et elle recule d'un pas supplémentaire, prête à fuir, tant pis si elle se perd un peu plus. Elle refuse de mettre les pieds dans un poste de police.

― Okay, okay, pas de poste, d'accord, mais respire ! Je ne vais pas te faire de mal.

― C'est exactement ce que quelqu'un qui voudrait m'en faire dirait.

L'adolescente renifle, tremblante et le souffle court, alors que sa main gratte de plus en plus vite son ventre. La douleur lui permet de garder l'esprit clair et de ne pas céder à la voix dans sa tête qui lui souffle de se recroqueviller sur elle-même en attendant que ça se passe.

― C'est pas faux. Mais si je te voulais du mal, je t'aurais attiré dans une ruelle avec des bonbons.

L'inconnu a un sourire timide, alors qu'il frotte sa main contre l'arrière de son crâne. Il a l'air aussi déboussolé qu'elle, ce qui la calme quelque peu. Elle inspire un peu plus profondément, avant d'essuyer ses yeux. Il y a quelque chose de poisseux sur son ventre et Koumei grimace, devinant qu'elle s'est encore gratté jusqu'au sang. Hawks ne la laissera plus jamais faire les courses seule.

Peut-être n'était-elle pas prête.

― Ça ne marche que sur les enfants, non ? fait remarquer Koumei, essayant de penser à tout, sauf aux réelles intentions de celui qui l'a accosté.

― Tu as quoi, neuf, dix ans ? Ça aurait pu marcher si tu n'étais pas aussi maligne !

Koumei se fige un bref instant, avant d'écarquiller les yeux. Oh. Elle fait si jeune ? Elle sait bien qu'elle est petite pour son âge, mais quand même ! Ce qui semble donc être un compliment pour l'amadouer est ainsi plutôt gênant et elle sent ses joues devenir rouges. Elle se gratte plus fort le ventre, avant de tourner son regard vers ses chaussures.

― J'en ai quatorze...

Il y a un silence presque palpable entre eux pendant plusieurs secondes, avant que l'adolescent roux ne passe une main devant son visage rougissant. Il est presque aussi gêné qu'elle. Il n'a pas l'air méchant. Est-ce une ruse pour l'amadouer ou est-il aussi maladroit qu'elle ? Est-ce qu'elle peut lui demander son téléphone pour appeler son tuteur ? Elle a retenu le numéro de Hawks et de Gravitron par cœur, au cas où elle perdrait son portable.

― Et… Je me suis bien perdue. Mon portable est déchargé, alors je ne peux pas appeler mon tuteur. Est-ce que vous pourriez l'appeler pour moi ?

― Oh oui, bien sûr !

L'adolescent sort son téléphone, avant de jurer en voyant l'heure dessus. Il lui adresse un sourire crispé et désolé, grattant sa joue de sa main libre.

― J'avais pas vu l'heure, un ami avec qui j'ai rendez-vous est en train de s'inquiéter. Écoute, si on allait s'installer à la terrasse du café où je dois le rejoindre ? On appellera ton tuteur là-bas.

Ça pourrait être un piège. Koumei ne peut s'empêcher d'être méfiante, même si le garçon a l'air honnête. Mais s'il en profitait pour la kidnapper, lui faire du mal, ou quoi que ce soit d'autre ? Qu'est-ce qu'elle doit faire ? Elle a besoin d'appeler Keigo, ou il va se faire un sang d'encre !

― Je… Très bien, passez devant !

Comme ça, si jamais elle ne le sent pas, elle pourra toujours faire demi-tour et fuir le plus loin possible de lui. Il hausse un sourcil, avant de se diriger à droite, tenant son cartable par-dessus l'épaule. Est-ce que c'est comme ça qu'il est censé le tenir ? Ça ne lui fait pas mal au bras ? Koumei se permet de se poser des questions, trottinant deux bons mètres derrière l'adolescent. Sa respiration se calme, alors qu'elle a une solution à son problème, pour l'instant.

De temps en temps, l'inconnu se retourne pour voir si elle le suit toujours. Sur son passage, les gens chuchotent et Koumei tend l'oreille, les yeux fixés sur le trottoir. Elle n'ose pas trop redresser la tête, mais pour une fois, cela ne la concerne pas. Ce n'est pas comme lorsqu'elle sort avec Hawks, qui la cache dans son aile pour la protéger de paparazzis trop curieux ; il lui a dit qu'ils n'ont pas le droit de l'exposer, mais certains s'y risqueraient quand même pour avoir un scoop. Les murmures visent le garçon visiblement connu dans le quartier.

Elle se mord la lèvre quand elle entend quelques mots qu'elle ne connaît que trop bien - délinquant, mauvais garçons, insolent - et qu'elle n'aurait pourtant pas associé à l'adolescent qui l'aide. Est-ce qu'il compte lui faire du mal ? Ou est-ce que ces adultes qui passent ont une perception biaisée ? Qu'est-ce qu'eux voient qu'elle ne remarque pas ? Ou au contraire, qu'a-t-elle vu pour ne pas les rejoindre dans leur jugement ?

Elle soupire. Les relations entre les gens sont trop compliquées parfois. À ses yeux, soit ils sont bienveillants - comme Hawks, comme Hitoshi, comme Mirko, comme Gravitron - soit ils sont mauvais. Pourquoi alors cracher dans le dos de quelqu'un de gentil ?

Koumei, perdue dans ses pensées, manque de rentrer dans le dos de l'adolescent, qui s'est brusquement arrêté. Ce dernier rit gentiment, avant de lui désigner du pouce un restaurant sur leur gauche. Elle cligne des yeux devant l'enseigne, plutôt sobre, avec un drapeau qu'elle ne connaît pas dans le coin droit. D'ailleurs, elle a du mal à lire les katakanas de l'enseigne. Elle plisse les yeux, avant que son sauveur ne lui épelle le nom.

― Ko-ro-se-o. Le Colisée, en italien, parce que c'est un resto italien. Il est tenu par un natif et c'est le meilleur de la ville !

― Tes compliments ne te feront pas pardonner ton retard, Daisuke-kun ! Je peux savoir ce que tu… Oh, bonjour petite.

Koumei reste un instant silencieuse alors qu'un homme aux cheveux verts lissés en arrière, en tablier, sort de la boutique. Il a un torchon sur l'épaule alors qu'il croise les bras, les observant tour à tour. Elle tressaille en se rendant compte de son impolitesse et s'incline profondément, avant de lui rendre timidement son bonjour, le rouge aux joues.

Un étranger de plus, un étranger de trop pour elle qui n'est pas habituée à tant de nouvelles têtes sans s'y être préparée.

― Tu ne l'as pas kidnappé, j'espère ?

― Mais bien sûr que non, Moretti-san ! Elle était perdue dans la rue et son portable est déchargé, comme j'étais déjà en retard, je l'ai embarquée avec moi !

― Allez, entre, sale gosse, et va mettre ton uniforme, la sortie des cours est pour bientôt !

Koumei fronce les sourcils, alors que l'adolescent hoche la tête et s'engouffre dans le restaurant. La sortie des classes ? Mais son camarade lui-même ne devrait-il pas être en cours, alors ? À moins qu'il ait terminé plus tôt, exceptionnellement ? L'adulte ne lui laisse pas le temps de réfléchir plus, alors qu'il se baisse à sa hauteur.

Bon sang, elle fait quand même un mètre quarante, c'est assez pour ne pas ressembler à une enfant, non ?

― Je suis Luciano Moretti, le propriétaire de ce restaurant. Je suis désolé si Daisuke t'a paru un peu brusque. Tu as besoin de recharger ton portable pour appeler tes parents, c'est ça ?

Le commerçant a un drôle d'accent chantant. Il lui sourit, accentuant les cernes sous ses yeux, alors qu'elle hoche doucement la tête, la bouche soudain sèche. Qu'est-elle censée dire, dans ce genre de situation ? Elle est censée se présenter, ou s'excuser pour la gêne occasionnée, ou…

― Ton t-shirt est taché, non ? Tu es tombée ? Tu as mal quelque part ?

― Non. Ça ira. J'ai dû le tacher à la maison.

Le mensonge sort spontanément. Koumei sent pourtant le sang qui poisse légèrement sa peau, mais elle peut faire avec. Cela s'arrêtera bien tout seul, non ? Ça s'est toujours arrêté tout seul, jusque-là. L'adulte plisse les yeux, visiblement peu convaincu, avant de se relever sans pourtant dire quoi que ce soit. Est-il en colère ou a-t-il décidé que ce n'est pas de son ressort ?

― Daisuke ne m'a pas donné ton nom, au fait, ajoute-t-il simplement en rentrant dans son commerce.

― Je ne le lui ai pas donné… M'appelle Koumei Inoue, marmonne-t-elle en triturant la lanière de son sac de courses.

Elle hésite un bref instant, avant d'entrer à la suite de l'adulte. À l'intérieur, un simple comptoir en bois et plusieurs chaises devant. Le restaurateur lui désigne la chaise la plus éloignée de l'entrée, tandis qu'il passe derrière le comptoir, où Daisuke est nonchalamment accoudé. Il y a une lueur d'agacement qui passe dans le regard fatigué de Moretti, alors qu'il reprend son torchon entre ses mains.

― Trouve-moi le chargeur au lieu de bâiller aux corneilles !

L'adolescent tressaille avant de s'exécuter, courant presque à la porte à l'autre bout de la pièce. Koumei s'installe prudemment sur le siège que lui a désigné le patron de l'établissement, qui grommelle entre ses dents en accrochant le torchon à un portant.

Che cavolo !

Elle cligne des yeux aux mots à la sonorité étrange. Daisuke lui a dit que le restaurant italien était tenu par un natif… Vient-il de jurer dans sa langue ? C'est presque joli à entendre, même si le sens doit être aussi violent que ce que son père pouvait dire à son encontre.

― Est-ce que tu aimes la fraise ? demande soudain Moretti, avec un sourire doux.

― Moui, pourquoi ?

Ses jambes se balancent nerveusement dans le vide, alors que l'adulte se contente de sourire un peu plus largement pour toute réponse. Il sort un verre, remplit le fond de sirop avant d'ajouter quelque chose d'une bouteille transparente. Elle tressaille lorsqu'il le dépose devant lui, alors que Daisuke revient avec le chargeur, qu'il connecte à la prise sur le mur à côté d'elle.

Sa gorge devient sèche, alors qu'elle secoue la tête et repousse doucement le verre. Ce n'est pas qu'elle n'a pas soif, mais elle ne peut pas se permettre de prendre sur la monnaie qui lui reste des courses pour quelque chose dont elle peut bien se passer.

― C'est offert par la maison, ne t'inquiète pas.

― Mais ça vous fait perdre de l'argent, non ?

Koumoi n'arrive pas à comprendre la logique, alors qu'elle sort son portable pour le brancher et le rallumer. Elle espère que Hawks n'a pas cherché à la joindre, ou il a dû paniquer en n'y arrivant pas.

― Je ne vais pas faire faillite avec quelques centilitres de sirop et un peu de limonade.

― De la limo-quoi ?

L'adolescente cligne des yeux, observant le verre avec réluctance. Elle sait ce qu'est un sirop de fraise, mais elle n'est pas certaine de savoir ce qu'est la limonade. Si Hawks fait tout son possible pour combler sa culture culinaire quelque peu défaillante - surtout au niveau des pâtisseries, comme s'il essayait de la remplumer - elle n'est pas certaine d'en avoir déjà goûté. Et si elle n'aime pas ? Le restaurateur aura gaspillé ses produits pour rien, il aura perdu de l'argent par sa faute.

― Tu n'as jamais bu de limonade ? Mamma mia, quelle indignité !

― Au moins des parents qui s'inquiètent pour les dents de leur enfant, réplique Daisuke.

Koumei tressaille et baisse la tête à la mention de ses parents, alors qu'elle récupère son téléphone. Elle le déverrouille, se demandant un bref instant si ce point faisait de ses parents de meilleurs parents que Hawks. Son tuteur semble ne pas se soucier de ses dents, comme s'il s'agissait du dernier de ses problèmes. Elle cherche dans son peu de contacts ce dernier, les mains légèrement tremblantes, avant de démarrer l'appel.

Hawks répond dans la foulée, toujours plus rapide que l'éclair.

― Poussin, que puis-je pour toi ? Tout va bien ? Tu ne trouves pas quelque chose en particulier ? C'est pas grave, tu sais, on peut toujours faire ce que tu voulais une autre fois !

Un maigre sourire étire ses lèvres. Elle se sent un peu mieux en entendant la voix chaleureuse de son tuteur et elle peut presque sentir son aile sur ses épaules pour la rassurer. Elle ferme les yeux alors que Gravitron demande au loin où elle se trouve exactement, se collant contre le mur pour ne pas avoir son propre poids à supporter. Est-ce que Hawks sera en colère ou inquiet de savoir qu'elle s'est perdue ? Hum, inquiet est plus probable. Depuis qu'elle est avec lui, jamais il ne s'est mis en colère après elle, alors la crainte dans le creux de son ventre se délite un peu.

― Hum… En fait, je me suis perdue, Hawks.

― Pardon ?! Tu vas bien, poussin ? Est-ce que tu peux me décrire où tu es ? Je viens te…

Koumei sursaute alors l'alarme indiquant que l'intervention des héros de l'agence est nécessaire retentit à travers le téléphone. Hawks tente d'étouffer un juron qu'elle perçoit quand même, mais elle ne lui en fait pas la remarque ; elle ne veut pas qu'il culpabilise pour quelque chose d'aussi peu d'importance.

― Quelqu'un m'a aidé, je suis dans un petit café. Tout ira bien pour moi, d'accord, alors va sauver le monde sans te préoccuper de moi, d'accord ?

― Mei-chan, tu peux me passer le gérant ? Je ne serais pas tranquille si je ne te sais pas réellement en sécurité et bien installée.

― Mais tu vas…

― Je peux téléphoner en volant, ma grande, alors passe-moi le gérant.

L'adolescente se pince les lèvres, avant de redresser la tête. Elle tressaille en remarquant que le gérant ne se tient pas bien loin. Quand bien même le café n'est pas bien grand, elle est surprise de sa proximité. Elle sent ses joues rougir et elle détourne le regard en lui tendant le portable, incapable de formuler une question à haute voix.

Heureusement, Moretti saisit le téléphone avec un sourire doux et prend l'appel avec calme. Koumei l'observe avec une certaine curiosité perdre son air affable, ses lèvres se pinçant et son nez se fronçant comme s'il sentait une mauvaise odeur. N'apprécie-t-il pas Hawks en tant que héros ? Pourtant, son tuteur est un des meilleurs héros du Japon, elle a appris qu'il a atteint le top dix dès sa première année en tant que pro, c'est impressionnant !

― Alors comme ça, vous laissez votre pupille sans surveillance. C'est du propre.

― Pourquoi de tous les restaurateurs du coin, elle devait atterrir chez toi, Moretti ? Enfin. Vous pouvez prendre soin d'elle jusqu'à ce que je vienne la chercher ? Essayez de la nourrir et de la faire boire, je payerais pour tout.

Koumei tressaille et écarquille les yeux, surprise d'entendre la voix de Hawks alors même qu'elle n'a pas l'appareil en main. Moretti lui fait un clin d'œil, l'air un peu plus doux alors qu'il se tourne vers elle. Il a sans doute mis sur haut-parleur, même si elle ne comprend pas trop pourquoi. Elle n'est pas censée entendre ce que dit son tuteur, après tout.

Elle n'est pas censée avoir remarqué qu'il s'adresse à lui avec peu de politesse ; Hawks semble ne pas apprécier l'homme. Est-ce qu'il lui en veut pour quelque chose ? Ou est-ce à elle qu'il en voudra de ne pas avoir évité quelqu'un qu'il n'apprécie pas ?

― On dirait qu'elle a trois ans, pas quatorze.

― Elle aura sans doute la trouille de te demander quoi que ce soit, Moretti. Et je tiens pas à ce qu'elle se prive par peur. S'il vous plaît ?

― Comme si c'était mon genre. J'ai une seule question : est-ce que son t-shirt était taché la dernière fois que tu l'as vue ?

― … Laisse-moi deviner, elle a une tache sombre au niveau du ventre ?

Koumei se fige, rabattant la capuche de son haut sur son crâne pour masquer sa gêne. Hawks sera déçu. Elle s'est encore grattée jusqu'au sang à cause de son angoisse. Elle veut se rouler en boule dans un coin en attendant que son tuteur vienne le chercher. Peut-être qu'il se sera calmé d'ici là ? Peut-être qu'il se contentera de soupirer et de la soigner une fois rentrés à la maison ?

Elle ne se rend compte qu'elle tremble que lorsque Moretti tapote doucement le dos de sa main pour attirer son attention. Il a toujours le téléphone dans la main, qu'il a descendu à la hauteur de sa tête. La voix de Keigo s'élève à nouveau et il y a un poids dans sa gorge qui ne veut pas vraiment partir.

― Hey, poussin, ne te fais pas des nœuds au cerveau, ce n'est pas grave, je ne t'en veux pas. Mais je ne voudrais pas que ça s'infecte. Moretti a des défauts, mais il sait s'occuper des enfants. Tu veux bien le laisser te soigner ?

Aussitôt, Koumei secoue la tête, oubliant un bref instant que Keigo ne peut pas la voir. Elle resserre ses bras sur elle, avec l'étrange impression d'être frigorifiée alors que la température de ce début de septembre est des plus clémente. Comment peut-il laisser quelqu'un qu'il n'aime pas l'approcher ? Comment peut-il espérer qu'elle accepte de laisser un inconnu la soigner s'il ne l'estime pas ?

― Tu ne l'aimes pas, pointe-t-elle d'une voix étranglée.

Peut-être que Hawks n'appréciera pas qu'elle la contredise sur ce point ? Le rire de ce dernier la détrompe cependant et un soupir soulagé lui échappe, alors qu'elle a un peu moins froid. Peut-être leur relation n'est-elle pas si mauvaise qu'elle l'a envisagé au premier abord ?

― Moretti et moi avons des différents, certes, mais il est incapable de faire du mal à un enfant. Et il a un diplôme de médecin italien, même s'il n'est pas reconnu au Japon. Je lui fais confiance pour te soigner et prendre soin de toi jusqu'à ce que j'arrive.

― Je…

― S'il te plaît, Mei-chan. Est-ce que j'ai déjà pris des décisions qui n'étaient pas pour ton bien ?

L'adolescente est bien obligée de le reconnaître. Jamais encore Hawks ne lui a volontairement infligé une situation qui la mettait mal à l'aise. Elle tire sur les cordons de son sweat, avant d'acquiescer d'une toute petite voix.

― Je vais y aller, d'accord ? Tu as le droit de manger et boire ce que tu veux, fais attention à toi, je t'aime.

L'appel se coupe alors ; Koumei reste figée devant le portable, alors que Moretti le met en veille et le pose sur le comptoir. Est-ce que Keigo vient de lui dire qu'il l'aime ? Elle sait qu'il tient à elle, qu'il aime prendre soin d'elle, mais jamais il ne le lui a dit avec aussi peu d'artifices et de détours.

Il l'aime. Ni plus, ni moins. Est-ce qu'il l'a lâché machinalement parce qu'il le dit à chacun de ses appels, ou est-ce qu'il lui a menti pour la rassurer, ou est-ce qu'il était sincère ? Est-ce qu'il tient vraiment à ce point à elle, et pas seulement parce qu'il s'est revu en elle, parce qu'un sceau sur un morceau de papier le relie à elle ?

Elle sort de ses pensées lorsque Moretti se penche par-dessus le comptoir pour récupérer un tabouret et le faire passer de l'autre côté. Il redresse ensuite la tête pour lui sourire, une mèche rebelle venant s'échouer devant ses yeux. Il la rabat sur son crâne d'un geste vif d'une main, tapotant l'assise de l'autre.

― Comme tu risques de rester un moment, pulcino, passe derrière le comptoir pour ne pas être embêtée !

― Moretti-san, elle a rien d'un poussin, sans vouloir vous vexer.

― Si, le duvet ! rétorque l'adulte en désignant les cheveux blancs de l'adolescente.

Koumei esquisse un petit sourire, un peu amusée par la réflexion. Elle hoche la tête, avant de lui obéir. C'est étrange de voir le café de cet angle de vue. Elle voit parfaitement les quelques tables vides, l'entrée et le premier consommateur qui entre depuis qu'elle est là. Daisuke s'empresse d'ailleurs d'aller à sa rencontre, un air un peu moins renfrogné sur le visage que tout à l'heure.

Il a enfilé le même genre de tablier que Moretti et a enlevé sa veste d'uniforme pour n'en garder que la chemise et le pantalon. Il a l'air presque respectable, malgré ses cheveux en pétard. En quelle classe est-il ? Et pourquoi n'est-il pas en cours à cette heure ? Même si l'adolescente sait qu'elle ne serait pas assez à l'aise dans une vraie salle de classe, elle l'envie d'avoir cette normalité qui lui est pour l'instant inaccessible. Pourquoi marche-t-il alors dessus comme si de rien n'était ?

Peut-être est-ce pour ça que les gens le regardaient de travers dans la rue ?

― Koumei-chan, est-ce que tu peux me suivre à l'arrière-boutique ? Je soigne ton ventre et après je te laisse en paix, d'accord ?

― Bien, Moretti-san.

Koumei délaisse son observation pour suivre l'adulte. Ce dernier passe par la porte menant aux cuisines, qu'ils traversent jusqu'à une autre porte, qu'il ouvre pour dévoiler un escalier. Malgré elle, elle se tend un peu plus à chaque seconde. Quand bien même Keigo lui a assuré qu'elle ne risque rien, elle se sent tout de même mal, comme si son père risquait à tout moment de surgir derrière elle.

― Tu sais, je ne compte pas t'assassiner façon Barbe-Bleue. Ton tuteur me connaît et sait que tu es chez moi. S'il t'arrive quelque chose, je pense qu'il me fera disparaître avant de balancer mon cadavre à la flotte !

― Les héros ne font pas ce genre de choses !

― Mais les gens, si, surtout quand on touche à quelqu'un à qui ils tiennent. Les héros ne sont que des êtres humains avec les mêmes défauts.

Elle cligne des yeux alors que la gravité dans ses paroles tranche avec l'humeur qu'il affiche. Elle n'ose cependant pas poser de questions et le suit dans l'escalier de bois, qui grince sinistrement sous leurs pieds. Elle a envie de faire demi-tour et de retourner auprès de Daisuke ; au moins, elle sait à quoi s'attendre avec lui. Pourtant, l'idée que Keigo sera déçu si elle n'est pas soignée lorsqu'il arrivera l'empêche de prendre ses jambes à son cou.

― T'es donc la petite que Hawks a pris en tutelle ?

― Comment vous êtes au courant ? Il a dit que je serais pas médiatisée.

Koumei est bien consciente que ce genre de promesses est difficile à tenir, parce qu'elle ne dépend pas de la personne qui la fait, mais tout de même. Elle ne peut s'empêcher de se sentir mal à l'idée d'être déjà médiatisée.

Parce que si elle l'est déjà, Hitoshi prend sur lui pour rien.

― C'est le cas. Pour une enfant de héros, t'as été très peu médiatisé, il a dû effrayer les journalistes. T'as eu le droit à une ligne dans les tabloïds et pas un détail. Ni photo floue, ni âge, ni même ton prénom ou ton genre.

― Les autres le sont souvent ?

― Hum… Pas trop, quand même, mais ils sont plus souvent affichés en tant que « enfant de » quand ils font quelque chose de remarquable. Je crois que le dernier en date…

Moretti s'arrête sur le palier, se figeant un bref instant, avant de se décaler pour qu'elle puisse mettre un pied sur le palier à son tour. Il a l'air triste et Koumei ne peut s'empêcher de se demander pourquoi. Elle hésite, déplaçant son équilibre d'un pied à l'autre, avant d'oser d'une voix faible :

― Le dernier en date ?

― Le dernier en date, je crois que c'était un gamin d'Endeavor. Tué par son propre Alter. Ç'avait fait grand bruit, à l'époque. Mais tu devais pas être plus haute que trois pommes, c'est pas étonnant que t'en ais pas entendu parler.

La douleur perce dans sa voix. À l'entendre, c'est comme s'il avait perdu lui-même cet enfant. Koumei se tait alors, parce qu'elle sait qu'il y a des sujets qu'elle ne doit pas aborder et elle pressent que cela en fait partie. C'est trop intime, c'est comme si on lui demandait de raconter ses bribes de souvenirs avec sa grand-mère.

Devant eux, un petit couloir. Elle estime qu'il fait la longueur de la cuisine et du bar en bas ; elle comprend qu'il vit sans doute au-dessus de son commerce. Il s'avance vers la deuxième porte à leur gauche, la poussant avant de se pousser pour la laisser entrer.

― Installe-toi sur le lit, je vais chercher la trousse à pharmacie.

Elle hoche la tête et se glisse dans la pièce sans un bruit. Elle est immédiatement frappée par l'accumulation d'objets dans la pièce. Une commode supporte une lampe et une représentation réduite d'une tour penchée ; au-dessus de l'armoire, des maquettes de bateaux vernissés brillent légèrement sous les rayons du soleil qui traversent la fenêtre. Elle enjambe des livres posés en vrac sur le sol, alors qu'elle a un peu plus de mal à respirer.

Koumei se sent un peu à l'étroit. Elle est plus à l'aise dans les vastes pièces de sa maison, où elle peut étendre et laisser traîner ses ailes. Là, elle est obligée de les ramener contre elle et c'est légèrement douloureux. Les médecins ont dit que la douleur serait peut-être toujours là, avec ce qu'elle a vécu. Elle ne pourra peut-être même pas revoler un jour, mais elle s'est faite à cette idée.

C'est toujours mieux que la prison.

Elle s'assoit sur le bord du lit simple et tressaille alors que son regard tombe sur une photographie encadrée, sur une petite table de chevet contre le mur. Elle détourne les yeux, mais ses pensées restent fixées sur l'image qu'elle vient d'apercevoir. Une femme aux cheveux blancs, qui tient son chapeau d'une main, et un petit garçon à la peau d'un noir absolu, que Moretti enlace par derrière, le visage rieur. Ça doit être sa famille. Mais pourquoi ne sont-ils pas avec lui, alors ?

Il y a des questions comme ça, dont l'absence de réponse la hante et qui la pousse à imaginer plusieurs scénarios. Mais elle se sent mal de le faire sur la vie d'un homme, cette fois. Aussi, elle ferme les yeux et tente de concentrer son esprit sur autre chose. Elle hume finalement l'une des chansons que Mirko lui a fait écouter, avec Hitoshi. Le souvenir doux la fait sourire et l'aide à se détendre, lui évitant ainsi de sursauter brutalement lorsque Moretti rentre dans la chambre à son tour, la trousse à pharmacie sous le bras.

― Ah, je suis désolé pour le rangement, je ne suis pas très ordonné hors de mon travail. Tu peux relever ton t-shirt ? Ça ne sera pas long.

Koumei hoche la tête, gardant les yeux fermés. Mais elle est surprise lorsque Moretti est efficace et silencieux pour la soigner. En quelques minutes à peine, il a nettoyé et désinfecté la plaie, y appliquant un pansement de gaze par-dessus ensuite, sans faire le moindre commentaire. Elle soupire de soulagement, alors qu'il se redresse avec un sourire, rangeant le matériel qu'il a utilisé.

― Tu peux redescendre et demander à Daisuke un dessert, tu l'as mérité !

― Mais je me suis contentée d'attendre en silence, non ?

― J'ai vu des enfants bien plus terribles que toi en consultation et Hawks me transformera en cible de fléchettes si je ne te nourris pas !

― … Un jour, vous me direz pourquoi vous êtes aussi certain de la violence de mon tuteur ?

Koumei n'aime pas le goût bizarre à l'arrière de sa bouche. La question n'a même pas été réfléchie, ni le terrain préparé, mais elle n'aime pas l'idée que son tuteur puisse être aussi violent envers quelqu'un. Et si un jour, c'est elle ? Si un jour, il devient agressif avec elle ?

Le rire de Moretti la surprend, tout autant qu'il la rassure un peu. Peut-être a-t-elle mal compris ?

Mamma mia, je ne voulais pas te faire peur ! J'exagère, colombella, tu n'as pas à t'inquiéter ! Allez, file !

Elle lui obéit sans plus insister, redescendant auprès de Daisuke. Ce dernier semble avoir géré les clients sans peine, puisqu'ils sont plusieurs assis aux tables en discutant joyeusement. Ce sont des élèves et des étudiants de tout âge ; elle se fige en les voyant, avant de s'installer le plus discrètement possible sur son tabouret. Elle saisit la limonade au sirop pour s'occuper les doigts, alors que certains consommateurs tournent leur regard vers elle.

Elle baisse la tête vers le comptoir, tirant sur sa capuche pour les éviter, alors qu'une sueur glacée coule le long de sa colonne vertébrale. Pourquoi doivent-ils la fixer ? Ressemble-t-elle à un animal de cirque ou quelque chose du genre ?

― Hey, vous allez encore l'observer longtemps comme ça ? Vous connaissez la règle, pourtant !

Daisuke râle, frappant d'un coup sec le comptoir, avant de désigner une pancarte sur le mur derrière lui, entre deux étagères de bouteilles et de verres. Koumei suit le geste timidement, avant de la lire. Tout le monde a sa place ici, pas d'indiscrétion, ni de mauvais comportements. Elle aime bien cette règle, surtout lorsque les adolescents retournent à leurs discussions en grommelant.

Au moins, elle ne se sent plus oppressée par leur attention.

― Excuse-les, c'est la première fois qu'ils voient quelqu'un d'autre que moi avec Moretti-san. Tu veux quelque chose à manger ?

L'estomac de la jeune fille grogne soudain et elle plaque sa tête contre la table, les joues écarlates. Daisuke ricane, lui tapotant le crâne sans se soucier de sa gêne.

― Tu as des allergies ?

Elle nie d'un mouvement de tête, avant que l'adolescent passe derrière elle pour rejoindre la cuisine. Elle a à peine le temps de s'en remettre qu'il est déjà de retour, déposant devant elle un étrange gâteau, qui ressemble à une tranche de crème entre deux couches de fruits secs. Des pistaches, peut-être ?

― Et un parfait, un ! Mange avant que ça ne se réchauffe, c'est un dessert glacé.

Koumei hésite, avant de prendre une cuillerée du parfait. C'est froid, à la fois doux et croquant, sucré. Son sourire s'agrandit alors qu'elle lèche la cuillère et le rire discret de Moretti lui parvient, alors qu'il rejoint Daisuke pour s'occuper des autres commandes.

Les gens se suivent sans se ressembler. Aux étudiants succèdent les mères de famille qui viennent discuter un peu avant de rentrer préparer le dîner, puis les premiers travailleurs. L'adolescente est plus fascinée qu'elle ne l'avoue en mangeant son parfait, ouvrant ses oreilles alors que les consommateurs échangent quelques mots avec le propriétaire.

Daisuke lui jette des coups d'œil de temps à autre ; il a même rempli de nouveau son verre lorsqu'elle l'a terminé, veillant sur elle.

Koumei décide qu'il est vraiment gentil, que le parfait est désormais son dessert préféré et qu'elle fera les yeux doux à Hawks pour acheter de la limonade. Elle se sent presque bien, malgré le brouhaha ambiant, assise derrière le comptoir. Daisuke et Moretti vont et viennent derrière elle, servant commande sur commande jusqu'à ce que dix-huit heures s'affiche en lettres blanches sur l'écran de son portable.

Cela fait plus de trois heures qu'elle a appelé Hawks. Elle n'ose pas aller regarder sur internet ce qui peut bien le retenir aussi longtemps, alors que Daisuke s'affale sur un tabouret de bar à ses côtés. Il lui sourit un peu étrangement, comme s'il ignorait comment faire, frottant une main derrière sa nuque.

― Tu vas bien ? Pas trop inquiète ?

Elle n'a pas envie de répondre à la question. Elle connaît à peine le collégien ou lycéen à ses côtés, elle ne va pas lui dire tout ce qui lui pèse sur le cœur, c'est logique. Alors pourquoi a-t-il l'air triste lorsqu'elle secoue la tête pour refuser ? Quel drôle de garçon, vraiment. Elle a envie d'envoyer un SMS à Hitoshi pour lui en parler. Son cousin est meilleur juge de la nature humaine qu'elle, sans doute pourra-t-il lui offrir des éclaircissements ?

Elle préfère lui poser une autre question à la place.

― Pourquoi tu n'étais pas à l'école ?

― Je me suis fait virer de cours. Du coup, je viens ici plutôt que de traîner dans les rues. Et la règle s'applique à toi aussi, fais attention.

Son ton est légèrement taquin alors qu'il désigne la pancarte derrière eux du pouce, comme lorsque Hawks plaisante ; Koumei devine qu'il ne cherche pas à la réprimander. Elle secoue la tête, tout de même, pointant l'illogisme derrière sa blague.

― Dans ce cas-là, me demander comment je vais est aussi une faute, non ?

― Non, ça s'appelle une discussion de politesse.

― C'est pas pour autant que ça peut pas être indiscret, remarque-t-elle en plissant les yeux.

― Inoue-chan, tu marques un point !

Daisuke rit légèrement ; il a l'air moins nerveux que lorsqu'il l'a approchée dans la rue. Cependant, elle est surprise qu'il se soit fait expulser de cours. Elle a cru comprendre que ça ne pouvait être que pour des choses très très graves, vu que les harceleurs de son cousin n'ont jamais été exclus. Elle se mord la lèvre inférieure. Peut-elle lui demander plus de détails, ou cela enfreindrait la règle de l'établissement ?

― Mais du coup, qu'est-ce qu'on considère comme indiscret ?

― Ça dépend des gens. Mais t'inquiète pas, va, je te dirais si tu commences à mettre un pied sur mes limites.

Il lui sourit doucement, quoi qu'un peu crispé. Il a l'air un peu mal à l'aise, comme paumé maintenant qu'il ne fait plus le service. Cela convient à Koumei ; au moins ne se moquera-t-il pas d'elle pour sa timidité et sa maladresse lorsqu'elle formule ses phrases.

― Est-ce que… Est-ce que je peux te demander pourquoi tu as été expulsé ?

― Je me suis battu.

― Pourquoi ?

― Je pourrais m'être battu sans raison, tu sais.

Koumei cligne des yeux et penche la tête vers son épaule, perplexe. Comment peut-il dire ça et penser qu'elle le prendrait au sérieux ? Il n'a pas l'aura qui accompagne les gens violents. Il n'a pas l'air perturbé ou soupe-au-lait ; elle n'y croit pas un seul instant. Elle hésite à creuser un peu plus loin, mais il lui a promis qu'il l'arrêterait si elle dépassait les bornes. Aussi, elle souffle, triturant entre ses doigts une serviette qu'elle se retient de déchiqueter.

― Je… Ça m'étonnerait. Tu n'en as pas le caractère.

― … Je suis considéré comme un délinquant dans mon collège.

― Tu n'en as pas le caractère, s'entête-t-elle, les larmes aux yeux.

Il n'a pas le temps de répondre que la porte d'entrée grince sur ses gonds et que la silhouette de son tuteur se découpe sur le paysage de la ruelle auréolée des rougeurs du soleil couchant. Aussitôt, elle délaisse Daisuke, sautant sur ses pieds pour courir jusqu'à lui. Il ouvre les bras pour l'accueillir et il l'étreint avec force, sous le regard éberlué des quelques consommateurs présents. Mais Koumei s'en fiche bien ; elle ne se sent nulle part mieux que dans les bras de Keigo.

― Enfin ! Tu en as mis du temps !

― Chuuut, Mei-chan, on va penser que je ne mérite pas le titre de héros plus rapide que son ombre, sinon !

Hawks rit et amène sur le visage de Koumei un sourire joyeux, alors qu'elle enfouit son visage dans son torse. La veste est humide et sent encore la lessive ; l'a-t-il nettoyé juste avant de venir pour ne pas l'incommoder par une autre odeur ou pire ?

― Allez, va chercher tes affaires et dis au revoir, poussin, on va rentrer.

Koumei acquiesce vigoureusement, avant de retourner vers le bar. Moretti lui tend son portable et son sac de courses ; elle le salue d'un sourire, avant de se tourner vers Daisuke, dont l'air est morose. Elle a sans doute amené un sujet qu'il n'aimait pas sur la table, mais elle est contente de l'avoir fait. Il n'a rien d'un criminel en devenir ; c'est elle dans cette pièce qui devrait être derrière les barreaux, pas lui, alors elle doit lui secouer les puces et lui ouvrir les yeux.

― Tu n'es pas un délinquant et je le prouverai !

Elle tourne les talons sous le regard éberlué de Daisuke, le rire de Moretti et le sourire fier de Keigo. Ce dernier l'entoure d'une de ses ailes, posant sa main gantée sur son crâne sans un mot. Pourtant, elle ressent toute la fierté qui exulte de lui, tout son orgueil de parent, peut-être ? Hitoshi lui a dit ça, une fois, que Hawks s'enorgueille qu'elle soit sa pupille.

Elle ne voit pas pourquoi, mais la sensation de chaleur dans son ventre est trop précieuse pour qu'elle s'en prive, alors qu'elle glisse sa main dans celle de Keigo pour rentrer à la maison.

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