Bonjour
Nous y voilà : après 4 chapitres consacrés essentiellement à des retours en arrière, je reviens enfin à la trame principale.
Petit rappel : au début du chapitre 1, nous avions laissé Zuko et Azula, un peu éméchés, en train d'errer dans les couloirs du palais.
Azula est désormais âgée de 19 ans, Zuko en a 21. Je n'ai pas pu m'empêcher d'insérer d'autres retours en arrière dans ce chapitre, je crois que c'est un peu ma marque de fabrique ! Je vous présente toutes mes excuses d'avance pour ces digressions qui, je l'espère, ne vous ennuient pas.
Bien que le pire ait été révélé, on ne sait pas encore tout sur ce qui est arrivé à Azula le jour du Soleil Noir. J'y reviendrai plus tard, sans aucun doute.
Avant que vous lisiez, j'aimerais faire quelques remarques sur ce qui va suivre: (enfin libre à vous de lire ou pas, hein !)
Ce nouveau chapitre décrit la relation plus qu'ambiguë entre Zuko et sa sœur. Il m'a semblé plus pertinent de raconter cette scène à travers le point de vue de Zuko étant donné que nous avons déjà appris dans le chapitre précédent ce que ressentait Azula pour lui.
J'ai lu beaucoup de fanfictions étiquetées "Zucest" sur le thème de l'inceste entre ces deux personnages (presque exclusivement en anglais). Et quelques excellents textes mis à part, j'ai remarqué que ces histoires se déclinaient en deux catégories : d'abord, et c'est sans doute la plus fréquente, la catégorie "lemon" au contenu explicite. En général, dans ces récits plutôt brefs, le sexe est initié par une Azula perverse et narcissique qui utilise sa sexualité pour corrompre un pauvre Zuko innocent qui n'a rien vu venir mais y trouve finalement son intérêt.
Les émotions sont rarement au centre de ces fanfictions et même si certaines sont bien écrites, elles me donnent un peu l'impression de n'être que l'expression d'un fantasme un peu malsain de la part de certains auteurs. Le scénario est d'ailleurs très pauvre, largement délaissé au profit de scènes très explicites assez perturbantes, qui basculent parfois dans le sadomasochisme, comme si ces deux personnages ne pouvaient pas exprimer leur désir autrement que par la violence. Je trouve cela très réducteur.
L'autre catégorie verse au contraire dans la romance à l'eau de rose qui fait perdre, selon moi, tout son sens à la nature de leur relation et n'a plus grand chose à voir avec la personnalité des personnages. En général, Zuko et Azula abandonnent très vite tout scrupule et leur histoire n'est qu'une idylle comme les autres. L'inceste parait alors un peu gratuit. Dans ces fanfic, le mariage entre le frère et la sœur apparaît comme une issue tout à fait envisageable, ce que je trouve un peu incohérent. L'idée est souvent de créer un arc de rédemption pour Azula et la princesse devient souvent une petite chose faible, vulnérable et romantique qui ne colle pas au personnage.
J'aimerais essayer d'écrire une histoire échappant à ces deux stéréotypes. Je voudrais évoquer le sujet de l'inceste frère-soeur dans toute sa complexité. Je ne veux pas transformer une relation de ce genre en quelque chose de banal car ce n'est en rien une relation normale.
Je tiens à préciser que je ne cautionne pas du tout l'inceste, particulièrement entre ascendants, quelles qu'en soient les circonstances. Je ne souhaite pas m'étendre trop en détails sur ce qu'Ozai a fait à Azula car c'est très très triste et révulsant. J'en reparlerai bien sûr car c'est en grande partie ce qui explique l'état mental d'Azula dans mon histoire mais j'essaierai de rester subtile en évoquant ce qui s'est passé (si j'y arrive !)
En revanche, je trouve que l'inceste frère-soeur "consenti" (si toutefois cela est possible), revêt une véritable dimension tragique que je trouve intéressante d'explorer, surtout entre ces deux personnages extrêmement complexes et torturés que sont Zuko et Azula.
Ce chapitre pose donc les jalons de ce que pourrait devenir leur histoire mais il faudra attendre encore un peu avant que les choses ne se précisent.
Voilà, après ces réflexions qui, je l'espère, vous éclaireront sur mes intentions sans en dire trop, je vous laisse découvrir ce nouveau chapitre.
Bonne lecture !
Chapitre 5 – Brouillard
Maintenant le Seigneur du Feu conduisait sa sœur à travers le labyrinthe du palais, faisant confiance à ses pas plus qu'à son esprit ralenti par l'alcool pour les ramener jusqu'à l'aile où se trouvaient les appartements privés de la famille royale.
Alors qu'il s'apprêtait à ouvrir la grande porte rigoureusement gardée par deux hommes en armure, il se sentit brusquement tiré en arrière et se retourna avec exaspération vers Azula qui s'était immobilisée et lui adressait maintenant un de ces sourires de prédateur qui avaient le don de le mettre mal à l'aise. Ses yeux d'ambre brillaient d'une lueur intense un peu démente qu'il ne lui avait vue que dans des moments de délire, du temps où elle était encore malade.
« Qu'est-ce qui se passe Azula ? »
Sans un mot, elle le tira vers elle, se rapprocha de lui et inclina la tête pour la nicher dans le creux de son épaule.
Il la dépassait maintenant d'une bonne tête.
Depuis la fin de la guerre, alors que lui-même avait connu une poussée de croissance foudroyante, la silhouette d'Azula était restée plus ou moins semblable à celle qui était la sienne quatre ans auparavant. Bien que leurs deux parents fussent grands et élancés, elle-même était plutôt petite et menue pour ses dix-neuf ans. Peut-être était-ce l'héritage génétique d'une partie de la famille incluant Oncle Iroh (dont elle était loin d'avoir la corpulence cependant !)
Même les amis de Zuko avaient fini par la dépasser de plusieurs centimètres, y compris la petite Toph, sans parler d'Aang qui dépassait maintenant largement Zuko et Sokka.
Il se demandait parfois si ce n'était pas là la conséquence de ses années de confinement passées à l'asile, des privations, de carences, des épisodes de malnutrition qu'elle s'était elle-même infligés.
Sa petite taille n'ôtait rien cependant à sa puissance et à ses capacités hors du commun et elle restait la plus redoutable des adversaires quand elle lui demandait de venir s'entraîner avec elle dans la grande cour intérieure. Il trouvait même extraordinaire qu'elle ait pu conserver un tel talent après plus de trois années passées sans pratiquer sa maîtrise du feu (sauf dans ses moments de rage ou de délire où il lui était impossible de le contrôler).
Zuko était le seul adversaire qu'elle estimât digne de la combattre. Les membres de la garde impériale ne constituaient pas un défi à ses yeux et eux-mêmes rechignaient à servir de cobaye à la princesse mortelle aux légendaires flammes azur dont on disait qu'elle avait un temps perdu la raison.
« Zuzu, je me sens toute drôle... » l'entendit-il marmonner dans son épaule tandis qu'il entourait maladroitement de ses bras son dos qu'il tapota légèrement avant de la repousser avec douceur.
Zuko déglutit péniblement et essaya de ne pas prêter attention aux deux gardes postés de chaque côté de la porte qui manifestaient un talent extraordinaire pour rester parfaitement indifférents à cette démonstration de tendresse inhabituelle entre le Seigneur du Feu et sa sœur.
Inhabituelle pour eux.
Azula était devenue de plus en plus affectueuse au cours des derniers mois et il n'était pas rare que Zuko sente son bras se glisser imperceptiblement sous le sien pendant qu'ils se promenaient tous les deux dans le parc, parlant avec animation du prochain sommet politique ou de techniques avancées de maîtrise du feu. Ou qu'elle se lève sur la pointe des pieds pour déposer un léger baiser sur sa joue en allant se coucher.
Traditionnellement, il était strictement interdit de toucher le Seigneur du Feu sans son autorisation. Même Mai évitait au maximum les manifestations de tendresse quand ils étaient entourés de monde. Mais Azula estimait sans doute que les règles communes ne s'appliquaient pas à elle. Le même sang sacré courait dans leurs veines après tout.
Toutefois, la princesse réservait généralement ces gestes pour les moments où ils étaient seuls, à l'abri des regards. Il la connaissait suffisamment pour savoir qu'elle aurait préféré sauter dans un panier plein de serpents plutôt que d'admettre qu'elle pût rechercher l'affection de son frère.
Il pensa avec amertume que ce n'était pas si étrange. Il était le seul au palais à ne pas la regarder avec terreur ou répulsion.
Il avait renoncé à convaincre Mai qu'Azula avait changé et qu'il était en sécurité auprès d'elle. Tout juste avait-elle accepté de vivre sous le même toit qu'elle et d'échanger avec son ancienne amie des banalités sur des sujets divers qui ne les intéressaient ni l'une ni l'autre. Ty Lee assistait parfois à ces échanges avec de grands yeux inquiets, et semblait un peu maussade de constater la froideur de leur relation.
Zuko se demanda ce que dirait Mai si elle voyait la manière dont Azula le prenait par la main et l'entraînait maintenant dans ses appartements en gloussant, marchant à reculons pour lui faire face.
Il jeta un regard dur et froid aux deux gardes, comme pour les mettre au défi de faire un commentaire. Les deux hommes eurent le bon goût de rester parfaitement impassibles et refermèrent doucement la porte derrière le frère et la sœur.
D'un geste de la main, Zuko alluma les torches fixées au mur et une douce atmosphère orangée les enveloppa.
« Un dernier verre ? proposa Azula qui lâcha la main de son frère pour se diriger vers une malle en bois au fond de la pièce.
Elle s'agenouilla devant le coffre et plongea sa main dans le décolleté de sa robe pour en ressortir une petite clé en cuivre pendue au bout d'une longue chaîne en or.
Avec une froncement de sourcils, Zuko s'approcha et s'accroupit à ses côtés. Il posa doucement sa main sur la sienne avant qu'elle n'ait pu soulever le couvercle ouvragé.
« Je pense que tu as bien assez bu pour ce soir », dit-il avec douceur mais fermeté.
– Oh Zuzu ! Ne sois pas rabat-joie ! On ne fête pas tous les jours la signature d'un traité historique pour l'avenir des quatre nations ! »
En effet, l'après-midi même, un traité entre les responsables de chaque nation et les administrateurs des futures ex-colonies avait été signé, désignant la Baie de Yue comme emplacement de la future capitale de la République des Nations unies.
Le rêve qu'il avait fondé avec Aang était sur le point de se réaliser : la création d'une terre où les membres de toutes les nations, maîtres et non-maîtres, vivraient en harmonie, sans distinction.
Une idée utopiste, n'avaient pas manqué de faire remarquer les membres les plus réactionnaires du Conseil, tous des représentants de la Nation du Feu, hostiles à l'idée de sacrifier des colonies aux idéaux farfelus du jeune Seigneur du feu et de l'Avatar.
A l'issue d'un sommet interminable de plus d'une semaine réunissant les représentants des quatre nations – Aang pour les Nomades de l'Air évidemment – et des ambassadeurs et dignitaires venus des quatre coins du monde, après des heures de discussions et de débats sans fin sur l'opportunité de créer un tel état, la proposition avait été votée et avait remporté la majorité des suffrages.
Azula n'avait pas eu le droit de voter. Son retour sur la scène politique était encore un sujet de crispation parmi les membres du Conseil et elle-même avait eu la sagesse de ne rien réclamer, conseillant à Zuko d'être patient. Savoir que son frère soutenait ses idées semblait la satisfaire pour le moment.
Elle était autorisée à siéger au Conseil en temps que membre honoraire mais n'avait pas voix au chapitre.
Cependant, le discours qu'elle avait prononcé ce matin-là en faveur du projet de Zuko et d'Aang, devant l'Assemblée au complet, avait fait forte impression et Zuko était convaincu qu'elle avait su faire pencher la balance de son côté parmi les rangs d'indécis.
La proposition l'avait après tout emporté d'une courte majorité.
A la fin du meeting, il avait attendu que tout le monde, excepté ses amis, quitte la salle du Conseil et après s'être assuré qu'ils étaient seuls, il s'était avancé vers Azula et l'avait serrée dans ses bras sous les yeux attendris de l'équipe de l'Avatar.
Elle avait poussé une petit cri de surprise et s'était figée dans ses bras sur le moment mais quand il l'avait relâchée pour étreindre ses amis qui se ruaient vers lui à grand renfort d'exclamations enthousiastes, il l'avait vu du coin de l'œil épousseter sa robe d'un air confus, les yeux résolument fixés sur ses pieds, et replacer ses cheveux avec des mains tremblantes. Son visage arborait un rose soutenu et un petit sourire recourbait ses lèvres rubis.
Elle avait rapidement repris sa contenance cependant et avait courtoisement remercié Katara et Suki qui s'étaient approchées d'elle et l'avaient chaleureusement félicitée pour son éloquence.
L'avoir de son côté dans ce projet, probablement le plus important de tout son règne, était inestimable.
Une chose, cependant, continuait de le chiffonner.
– Trois nations, pas quatre… », corrigea-t-il d'un air sombre.
Le destin du peuple de l'Air était une question qui continuait de le préoccuper, presque autant qu'Aang lui-même. Mais il était bien connu que l'Avatar et le Seigneur du Feu, en dépit de leur profonde amitié, ne partageaient pas le même optimisme.
En tant que nouveau Seigneur du Feu et arrière-petit-fils de Sozin, il ne pouvait pas faire autrement que se sentir responsable du génocide du peuple le plus pacifique que le monde eût connu.
Azula ne souffrait pas des mêmes scrupules. Elle avait parfaitement adopté l'idée que n'étant pas née à cet époque, elle n'était pour rien dans l'extinction de toute une nation.
Zuko supposait que cette culpabilité était le fardeau des souverains, plus encore de ceux dont le peuple était responsable de cent années de guerre.
En perdant le titre de Seigneur du Feu, Azula était libre de vivre sans remords sa vie de descendante du plus grand génocidaire de l'histoire.
« Je ne me ferais pas trop de souci à ta place, répondit Azula. L'Avatar et sa paysanne auront tôt fait de peupler la terre d'une ribambelle de petits maîtres de l'air qui viendront bientôt semer le trouble dans le palais et qui utiliseront leur maîtrise pour regarder sous les jupons des domestiques. A voir la manière dont il la regardait ce soir, je ne serais pas étonnée que le premier maître de l'Air de la nouvelle génération soit déjà en route ! »
Penser à ses deux meilleurs amis de cette façon suscita un instant le malaise dans son esprit mais finalement, ce fut un sourire amusé qui s'afficha sur son visage défiguré quand il croisa le regard de sa sœur qui guettait visiblement sa réaction.
Ils se regardèrent et en même temps, éclatèrent de rire.
Lentement, il se redressa en prenant appui sur le coffre, la tête lui tournant encore légèrement. Il tendit une main à Azula qui la prit avec gratitude et il l'aida à se relever. Quand elle fut debout face à lui, il esquissa le geste de lâcher sa main mais elle refusa de la laisser partir et à la place fit glisser ses doigts dans sa paume pour les entrecroiser avec les siens.
Ils restèrent ainsi quelques instants. Lui, fixant le visage à nouveau impassible d'Azula. Elle, captivée par le spectacle de leurs deux mains jointes. Doucement, elle faisait courir son pouce contre la peau de l'index de Zuko.
Ce fut lui qui rompit le silence un peu inconfortable qui s'était installé entre eux.
« J'ignorais que tu cachais du vin dans ta chambre… ». Il n'avait pas voulu donner à ses paroles cette tonalité de reproche, mais il ne pouvait s'en empêcher quand il s'agissait de la santé d'Azula.
« Taïma n'apprécierait pas si elle le découvrait, poursuivit-il… Tu sais que c'est déconseillé avec ton traitement.
– Taïma est la personne la plus ennuyeuse que je connaisse, rétorqua Azula en faisant rouler ses yeux d'un air exaspéré mais sans détourner son attention de leurs doigts entrecroisés. Enfin...après toi. »
Zuko considéra un moment ses paroles. Depuis qu'il avait fait venir la guérisseuse au palais et qu'il l'avait nommée médecin officiel de sa sœur, Azula ne manquait pas une occasion de rappeler à quel point cette dernière l'horripilait.
Il n'était pas rare en effet, lorsqu'on déambulait dans les couloirs du palais, de tomber sur une Azula furieuse qui marchait à grandes enjambées, poursuivie par une Taïma échevelée qui lui criait des recommandations.
Mais il savait que ce n'étaient que des paroles. Il n'ignorait pas que sa sœur était, tout comme lui, profondément reconnaissante à la jeune femme d'avoir trouvé le dosage parfait qui avait à la fois libéré Azula de ses hallucinations et lui avait permis de reprendre contact avec son entourage, aussi réduit soit-il.
Cela n'avait pas été un long fleuve tranquille, se souvint-il. Il avait fallu des mois pour trouver la formule idéale et Azula était passée par des stades difficiles, la conduisant de l'apathie complète, comme lorsqu'elle était rentrée au palais, à des épisodes de psychose si violents que la question s'était posée de la refaire interner.
Finalement, aidée de Katara, Taïma avait réussi et cela faisait presque un an qu'Azula était redevenue un être humain fréquentable grâce au traitement qu'elle prenait consciencieusement chaque jour sous l'œil attentif de la guérisseuse.
Enfin, en quatre ans, elle avait mûri et changé.
Si elle restait fière et charismatique, elle ne manifestait plus cette arrogance dont elle accompagnait chaque parole et chaque geste à l'adolescence. Elle savait feindre la courtoisie à la perfection quand cela était nécessaire et bien que Zuko sût qu'elle n'était pas sincère la plupart du temps, il lui était au moins reconnaissant d'essayer.
Cette nouvelle mouture de sa sœur, qui n'essayait plus de l'humilier ou de le tuer à chaque occasion, était même devenue une compagnie agréable pour le Seigneur du Feu qui n'envisageait plus vraiment sa vie sans elle.
Il savait que les ministres et de nombreux prétendants, affluant des autres nations et des colonies, attendaient de lui qu'il accorde enfin la main de la Princesse, s'assurant ainsi des alliances ou des soutiens politiques solides.
Mais il était encore très réticent à l'idée de la laisser s'éloigner de lui et elle-même ne manifestait aucun désir de se marier. Il n'était pas Ozai. Il ne forcerait pas sa sœur à mener une vie qui ne correspondait pas à celle qu'elle recherchait. Ils n'avaient même pas eu besoin d'en parler.
En revanche, le sujet avait été abordé à de nombreuses reprises avec Mai.
Il était devenu tacite entre eux que Mai gérait le courrier adressé à la famille royale et des propositions de mariage pour la Princesse arrivaient régulièrement.
Zuko s'en était d'abord indigné mais Mai lui avait demandé de reconsidérer la question. Comme il ne pouvait pas lui refuser grand-chose, il accepta de l'écouter.
Sa femme était partagée entre le désir de trouver un prétexte pour se débarrasser d'elle, et la crainte qu'une Azula mariée devînt une menace pour la couronne de son frère.
Une fois devenue l'épouse d'un homme influent et puissant, qui l'empêcherait de le manipuler et de regagner le pouvoir qu'elle avait perdu ? Mieux valait une princesse célibataire disgraciée qu'une reine ambitieuse à la tête par exemple, du Royaume de la Terre.
Zuko devait reconnaître que l'idée était assez effrayante.
Bien qu'Azula ne manifestât ouvertement aucune ambition sur le plan politique, il décelait encore dans son regard cette lueur inquiétante qui brillait au fond de ses pupilles quand elle parvenait à le convaincre de prendre telle ou telle décision pour l'avenir de leur Nation ou qu'il signait un texte de loi qu'elle avait rédigé pour lui dans le plus grand secret.
Pour le moment, ces questions étaient loin de son esprit.
« Alors si tu refuses d'écouter ton médecin, écoute ton Seigneur du Feu. »
Azula lui lança un regard assassin et lâcha sa main.
« Ce serait assez agréable, dit-elle, si quelqu'un dans ce palais pouvait cesser de me materner et de me rappeler à tout moment à quel point je suis folle à lier…
– Arrête Azula, tu sais bien que ce n'est pas ça. Je m'inquiète pour toi. »
Elle haussa les sourcils d'un air sceptique.
C'était toujours la même chose. Chaque fois qu'il exprimait verbalement son attachement pour elle, c'était le même air d'incrédulité qui s'imprimait sur ses traits délicats et bien dessinés.
Il avait fini par penser que c'était devenu une seconde nature chez elle. Au moins, elle n'essayait plus de le blesser quand il essayait de la rassurer sur ses sentiments pour elle. C'était un progrès incontestable.
Inconsciemment, il porta une main sur la petite cicatrice à l'arrière de sa nuque, qui était venue s'ajouter à celle, indélébile, de son visage et à la marque en forme d'étoile qui ornait sa poitrine, autre souvenir laissé par Azula.
Finalement, devant l'air contrit de son frère, elle abdiqua.
« Ah ! Très bien ! Je renonce. Mais d'abord j'ai besoin d'aide avec cette robe.
– Je vais faire appeler ta femme de chambre, annonça-t-il en tournant les talons.
– Non ! Elle l'arrêta d'un geste en posant sa main sur son avant-bras. Je préfère que ce soit toi… »
Cette fois elle avait franchement rougi, mais ses yeux ambrés continuèrent de le fixer sans flancher et la détermination qu'il y lut le mit mal à l'aise.
« Très bien », dit-il avec lenteur.
Elle le prit par la main et le guida jusqu'au miroir devant lequel elle se posta.
« Aide moi avec mes cheveux , ordonna-t-elle.
– Vraiment ? Tu ne peux pas le faire toute seule ? ronchonna-t-il.
– Zuzu !
– Bien, bien ! »
Il se plaça derrière elle et d'un geste précautionneux, il commença à ôter une à une les nombreuses épingles de formes variées qui retenaient ses cheveux en un chignon élaboré.
Les servantes avaient dû mettre des heures à réaliser ce chef-d'œuvre capillaire.
Elle frissonna quand ses doigts effleurèrent sa nuque et il se sentit soudain un peu étourdi. Les effets de l'alcool ne s'étaient pas encore dissipés.
Les cheveux épais retombèrent petit à petit en une cascade sombre sur ses épaules et il l'aida à les replacer.
« Ma robe, Zuzu. »
Elle releva les cheveux qu'ils venaient de défaire pour exposer sa nuque afin qu'il détache le nœud qui retenait sa robe et fut surpris quand le tissu fluide retomba, découvrant brusquement ses épaules satinées et une partie de son dos.
Il déglutit avec difficulté. Il ressentit soudain l'envie de fuir en courant.
Azula ne semblait pas partager son malaise. Tout en retenant la robe d'un bras croisé en travers de sa poitrine, elle se retourna vers lui et murmura, un sourire moqueur sur ses lèvres :
« Merci Zuzu. Tu ferais une excellente femme de chambre si jamais tu envisages une reconversion professionnelle »
Elle lui lança un de ses regards ensorceleurs dont elle avait le secret. Il n'avait pas pu ne pas remarquer le changement de tessiture dans sa voix qui s'était soudain faite plus grave, presque caressante.
Il hocha rapidement la tête de droite à gauche, comme pour reprendre ses esprits.
« Je crois que l'alcool m'est monté à la tête. Si tu n'as plus besoin de moi, je vais aller me coucher. »
– Quoi ? Déjà ? Pour une fois que nous ne sommes que tous les deux, j'espérais qu'on pourrait discuter un peu…
Zuko fronça les sourcils d'un air suspicieux :
« On passe déjà des heures à discuter de politique, de lois et de diplomatie chaque jour !
– J'ai pensé, dit-elle en s'approchant lentement de lui, qu'on pourrait discuter d'autres choses. De quoi un homme qui ne serait pas le Seigneur du Feu pourrait-il bien parler avec sa petite sœur? » La naïveté feinte qu'elle exprimait était parfaitement exaspérante.
C'était nouveau. Depuis quand Azula et lui se conduisaient-ils comme une fratrie normale ? Leur relation ne l'avait jamais été et la manière dont elle se comportait ce soir lui indiquait qu'il y avait décidément quelque chose de profondément troublant dans leur façon d'interagir.
Un vieux ressentiment, qu'il avait toujours associé à la présence d'Azula dans sa vie, refit soudainement surface.
Pourquoi ne se comportait-elle pas normalement ? Qu'attendait-elle de lui ?
Dans sa tête, la voix de la raison, qui prenait les intonations de celle de son oncle, lui disait de fuir en courant, de retourner à ses appartements et de retrouver Mai qui devait être endormie depuis longtemps, d'enfouir sa tête dans ses cheveux et d'oublier tout ce qu'il venait de voir.
Mais pour le moment, l'alcool aidant, il ne pouvait détacher ses yeux de sa sœur quand elle se mut avec une lenteur délibérée vers le paravent, son dos et ses épaules toujours nus, comme une invitation à la suivre.
Il poussa un soupir de soulagement quand elle disparut derrière.
« Donne-moi mon kimono s'il-te-plaît, Zuzu… sur le valet de nuit, près de mon lit.
Il s'exécuta et mit une main devant ses yeux pour ne pas regarder quand il s'approcha d'elle pour lui tendre le vêtement.
« Ne sois pas si prude Zuzu ! lui dit-elle d'un ton amusé en lui arrachant le kimono des mains. Il n'y a rien d'inapproprié à apporter son pyjama à sa sœur... Ce n'est pas comme si je te demandais de m'aider à le mettre...»
Zuko ne répondit pas. Il crut déceler une proposition dans sa dernière phrase.
Il se taisait encore lorsqu'elle sortit de derrière le paravent, vêtue d'un simple kimono rouge bordé d'un liseré d'or à la base de la nuque et qui faisait avantageusement ressortir toutes ses courbes.
Elle se posta à nouveau devant le miroir et leva les bras au-dessus de sa tête dans une gestuelle affectée, étirant ostensiblement son dos et redressant sa poitrine quand elle porta ses mains sur sa tête pour réunir ses cheveux entre ses paumes.
Elle avait une pique à cheveux coincée entre ses dents. Quand elle eut fini de nouer ses cheveux dans un chignon négligé, elle l'y planta consciencieusement, sans lâcher son reflet des yeux.
Zuko se tenait en retrait derrière elle. Son reflet apparaissait dans le miroir et il fut certain qu'elle l'avait regardé un moment, comme pour s'assurer qu'il ne manquait pas une miette du spectacle.
Elle n'avait jamais été très douée pour se coiffer et quand elle plaça la pique dans la nuit de sa chevelure, il nota les quelques mèches rebelles qui parvinrent à s'échapper et qui retombèrent en boucle autour de sa nuque.
En la regardant, il repensa à une nuit en particulier, plus de quatre ans auparavant, quand il était venu la confronter dans cette même chambre après avoir découvert qu'elle avait menti à son père au sujet de la mort présumée de l'Avatar.
Il songea à la manière dont elle avait agi cette nuit-là, dont elle s'était redressée dans son lit, dont elle s'était déplacée dans la pièce, tournant autour de lui, s'étirant d'un air lascif qui l'avait alors choqué. Lorsqu'elle s'était approchée de lui et avait murmuré à son oreille, il avait senti la chaleur de son souffle contre sa joue et un frisson désagréable avait parcouru tout son corps.
Il était ensuite retourné dans sa chambre, profondément troublé par le spectacle qu'elle lui avait offert.
Il ressentait le même malaise ce soir. La tenue qu'elle portait était identique.
Elle quitta le miroir et marcha jusqu'au divan qui trônait au milieu de la pièce et s'y installa confortablement, laissant apparaître deux jambes blanches à la peau parfaitement lisse.
Pendant un instant, il se demanda quel effet cela ferait de les caresser.
Ça ne va pas, non ? Arrête tout de suite de penser à des choses pareilles !
Finalement, il supposa que la fatigue accumulée après une semaine de meetings et de débats virulents l'avait affecté plus qu'il ne le croyait. Sans parler de l'alcool.
« Viens t'asseoir, Zuzu, l'invita-t-elle en tapotant la place à côté d'elle, là où le divan formait un angle.
« Je croyais que tu voulais te coucher, dit-il d'un air un peu renfrogné.
– Oh, tu préfères qu'on aille dans le lit ? Tu as raison, on sera peut-être plus à l'aise. Mais j'ai peur que cela ne soit pas très approprié pour un frère et une sœur... »
Zuko fulminait. Il soupçonnait Azula de beaucoup d'amuser.
– Non, surtout pas ! » Et il traversa la pièce pour la rejoindre sur le divan et s'installer à la place qu'elle lui avait désigné.
Il s'assit et passa ses bras à l'arrière du dossier du divan, dans une position qu'il voulait parfaitement dégagée. C'était sans compter sur les battements précipités de son propre cœur. Celui-ci pompait le sang dans son corps à une vitesse si folle qu'il était certain qu'Azula pouvait l'entendre. Azula ne manquait jamais aucun détail. Elle était les yeux et les oreilles du palais. Rien n'échappait à son esprit vivace, et le Seigneur du Feu n'était pas une exception. Il la soupçonnait souvent de lire en lui comme dans un livre ouvert.
Il s'efforça de paraître parfaitement indifférent quand elle se glissa plus près de lui, les jambes étendues devant elle, ramenées l'une sur l'autre et qu'elle posa la tête dans le creux de son épaule, posant une main sur sa poitrine, juste sous son cœur, à l'endroit où s'étalait sa cicatrice en forme d'étoile.
« Je voulais te dire, commença-t-elle d'une voix caressante, que tu as été formidable aujourd'hui.
– A quel moment ?
– Tout le temps. Tu avais l'attitude d'un parfait Seigneur du Feu : inflexible, autoritaire, confiant mais attentif… Tu as envoyé un message très clair à tes opposants.
Le visage de Zuko s'assombrit.
« Cette bande de vieux débris nous rendra bien service quand ils prendront enfin une retraite prolongée…
– Ils sont élus à vie, lui rappela Azula en levant la tête vers lui. Ses cheveux et le bout de son nez effleurèrent son menton au passage.
– Je pensais à quelque chose de plus définitif en fait, dit-il en serrant les dents, un rictus cruel étirant ses lèvres.
Azula eut un petit rire.
« Tu sais bien qu'on ne peut pas. Je sais que tu les détestes parce qu'ils représentent tout ce que tu cherches à déconstruire.
– Ils sont les reliquats du règne d'Ozai », dit-il. Comme toujours, il sentit le corps de sa sœur se tendre à la mention du nom de leur père. Presque inconsciemment, il ramena ses bras de derrière le divan pour en entourer Azula. Il la sentit frissonner contre lui à ce contact.
« Ils incarnent tout ce que j'ai toujours détesté dans le pouvoir : la corruption, le règne des castes dirigeantes, l'idéologie réactionnaire. Je ne comprends pas pourquoi je m'encombre encore d'eux ! Ils entachent l'image de la nation que j'essaie de construire.
– C'est justement parce qu'ils incarnent une frange non négligeable du peuple que tu prétends diriger que tu dois les maintenir à leur poste. Les partisans de notre père n'ont pas disparu par magie le jour de sa défaite. Toute la nation n'est pas derrière toi Zuko, aussi nobles soient tes idéaux. Tu as des ennemis dans la Nation du Feu. »
Elle dut sentir sa frustration car sa voix s'adoucit après cela :
« Si tu veux être digne de la confiance de ta nation, tu dois prendre en compte la diversité des opinions, même les plus antagonistes et les plus nauséabondes. Du moment qu'ils n'essaient pas de déstabiliser ton pouvoir, tu dois les accepter. Ils doivent se sentir représentés Zuko. C'est à cette condition que tu seras un bon dirigeant. Ce n'est pas en muselant tes opposants que tu atteindras l'idéal de démocratie dont vous rêvez toi et l'Avatar. »
Zuko l'écoutait en caressant son épaule et son bras d'un air absent. Il ne cessait de s'étonner du changement radical qui s'était opéré chez sa sœur en quelques années. Quand la jeune fille mégalomane et fanatique, qui avait un jour suggéré à leur père de raser tout un royaume sans frémir, était-elle devenue cette fine diplomate avisée et tempérée prête à défendre farouchement ses idéaux ?
« Même quand tu es saoule, tu as raison… lui dit-il d'un ton calme où perçait un mélange d'irritation et d'admiration.
– J'ai toujours raison, Zuzu… Tu es juste trop idiot et trop obstiné pour t'en apercevoir.
– Quand je pense que ce sont ces mêmes imbéciles que tu défends qui s'opposent à ton retour sur la scène politique…
– C'est parce qu'ils savent toutes les horribles choses que je leur ferai quand j'aurai usurpé ton trône. »
Il baissa les yeux vers elle. Et malgré le sourire qu'elle lui adressait, la lueur un peu démente était de retour dans ses yeux et il déglutit avec difficulté. Il se demanda quand le doute cesserait de le tarauder au sujet de sa sœur.
« Qui s'occupera de tes cheveux si tu te débarrasses de moi ?
– J'ai parlé d'usurper ton trône, pas de t'éliminer. J'ai honte de l'admettre mais je me suis un peu habituée à toi. Je ferai de toi mon laquais pour te garder auprès de moi. »
Il ne put s'empêcher de sourire et il la tint plus étroitement contre lui dans une étreinte qu'il voulait purement fraternelle.
Un silence plutôt agréable s'installa. Zuko se mit à jouer distraitement avec une des boucles de cheveux à la base de la nuque d'Azula. Il l'enroulait et la déroulait autour de son doigt en réfléchissant à tout ce qu'elle lui avait dit.
Azula avait fermé les yeux et souriait contre son épaule d'un air serein.
L'ébriété lui va bien, pensa-t-il en la regardant.
Il profita qu'elle ne puisse le voir pour étudier son visage : les pommettes légèrement saillantes, la courbe parfaite de ses sourcils bien dessinés, ses lèvres peintes en rouge et l'ourlé de ses lèvres charnues, le teint lumineux et uni, son cou de cygne qui descendait jusqu'à sa gorge découverte. Le décolleté de son kimono entrouvert qui bâillait juste assez pour laisser entrevoir la naissance de ses seins...
Il n'était ni idiot, ni aveugle. Il ne lui avait pas échappé que sa sœur était une très belle femme. Les épreuves qu'elle avait traversées ces dernières années n'avaient rien enlevé à sa grâce et à la délicatesse de ses traits. Il n'aurait pas dû être surpris en découvrant les lettres demandant sa main qui avaient toutes fini en cendres ou chiffonnées en boule dans la corbeille de son cabinet d'étude avant d'atteindre leur réelle destinataire.
Cependant, sa personnalité complexe, son goût pour la domination et pour la cruauté, son machiavélisme, le fait tout simplement qu'elle fût sa sœur, mais plus encore sa folie, le lui avaient fait oublier.
Pour lui, la malice, le mensonge et la perversion avaient toujours eu le visage de l'élégance, de la grâce et de la beauté. Le visage d'Azula.
Mais cette nuit, tout ce qu'il voyait, c'était une fille magnifique, ivre et à moitié endormie dans ses bras et il se demanda si cela faisait de lui un monstre d'avoir imaginé un moment qu'il pût en profiter.
Comme si elle avait lu dans ses pensées, Azula s'étira et se pressa un peu plus contre lui.
Elle commença à promener doucement sa main sur son torse. Ses doigts agiles jouèrent un moment avec le col de la tunique de Zuko, tirant légèrement dessus, comme si elle voulait l'inviter à la retirer.
Elle redressa légèrement la tête et son regard tomba dans les pupilles dorées de son frère dont la poitrine se soulevait rapidement au rythme de sa respiration de plus en plus précipitée.
Doucement, il porta une main au visage d'Azula et frôla du dos de l'index son menton pointu et remonta jusqu'à la mâchoire, puis il laissa lentement redescendre sa main le long de son cou et il finit sa course sur sa gorge où il la reposa à plat, laissant ses doigts se répandre sur toute la surface de sa peau. Les paupières closes, Azula accompagna le geste en renversant sensuellement sa tête en arrière, comme pour mieux apprécier la caresse.
Quand elle rouvrit les yeux, ce fut pour les plonger dans les siens. Son visage était parfaitement impassible, son expression indéchiffrable.
La tension dans la pièce était à son comble et Zuko se rendit compte au bout d'un moment que cela faisait plusieurs secondes déjà qu'il retenait son souffle.
Comme pour justifier son geste inapproprié, il pinça entre ses doigts la fine chaîne en or qui ornait le cou d'Azula et qui plongeait dans son décolleté. Il tira dessus et fit remonter la clé qui y était suspendue et la tint un instant juste devant le nez d'Azula, un sourire rusé sur les lèvres :
« Finalement je prendrai bien un dernier verre...» Et sans attendre, il décrocha la petite clé d'un coup sec.
Azula lui répondit par le même sourire et il fut frappé de leur ressemblance à ce moment-là. Comme s'il s'était agi d'un déclic, cette pensée le motiva à repousser un peu Azula pour s'extraire du divan. Il se leva et se dirigea vers le coffre, la clé dans la main.
Lorsqu'il fut assez loin pour être certain qu'elle ne l'entende pas, il expira enfin l'air qu'il retenait dans sa gorge depuis tout à l'heure, soulagé de s'être enfin éloigné d'elle.
Il jeta un coup d'œil derrière lui et aperçut Azula qui se redressait et se rasseyait en réajustant le col de son kimono, les joues un peu rouges.
Il ouvrit le coffre et regarda son contenu. Plusieurs bouteilles de vin, tous des grands crus d'après les étiquettes, y étaient soigneusement alignées. Il reconnut plusieurs vins de sa réserve personnelle. Certaines étaient largement entamées et la mine de Zuko s'assombrit à ce constat.
Il n'avait pas envie de déclencher une dispute maintenant mais il se promit d'en parler dès le lendemain à Taïma. Qu'Azula lui vole ses affaires était une chose convenue. Il en avait toujours été ainsi et du moment qu'elle n'essayait pas de lui prendre sa couronne, il pensait pouvoir s'en accommoder. Mais la façon dont elle négligeait sa santé le rendait furieux. Il ne laisserait pas les vices d'Azula compromettre trois ans d'efforts.
Il sélectionna une bouteille qui lui parut convenir et referma le coffre. Quand il se releva, il sentit un léger contact dans son dos. Azula se trouvait juste derrière lui, deux verres à pied dans une main, l'autre reposant à plat sur sa colonne vertébrale.
Il se tourna pour lui faire face et déboucha la bouteille de vin. Un claquement sec se fit entendre quand le bouchon sauta. Azula lui tendit les deux coupes sans un mot. Le geste fit remonter sur son coude les manches évasées coupées aux trois-quarts de son kimono, et les yeux de Zuko tombèrent machinalement sur les cicatrices et les anciennes coupures qui marquaient ses avant-bras et ses poignets.
Cette vision lui causa un violent pincement au cœur tandis que des souvenirs douloureux affleuraient à la surface de son esprit.
Azula avait commencé à s'infliger des blessures quelques semaines après sa deuxième visite à l'asile, quand il avait congédié ce tortionnaire de Huan-Li et l'avait remplacé par Taïma et le docteur Tanaka.
Après la crise délirante la plus spectaculaire et la plus violente qu'ait fait Azula depuis son effondrement psychologique le jour de la comète.
Zuko rêvait encore parfois de cette scène terrible. Il n'aurait pas dû la toucher, ni la brusquer comme il l'avait fait, mais le besoin de faire taire ses hurlements insensés, de la raisonner, l'avait poussé à agir.
Il n'oublierait jamais le regard épouvanté qu'elle avait alors posé sur lui, ses mugissements terrifiés et les convulsions qui avaient secoué tout son corps à la fin, le filet de salive qui s'était écoulé de ses lèvres juste avant qu'elle tombe inconsciente dans ses bras et qu'il la relâche sous le coup de la panique, laissant sa tête heurter la tête de son lit.
Il ne sut jamais ce qui avait déclenché cette psychose. Quand il décrivit la scène à Tanaka, ce dernier pensa y reconnaître les symptômes d'un grave épisode de dissociation mentale. En s'en prenant physiquement à elle comme il l'avait fait, il pensait que Zuko avait fait surgir en elle un souvenir profondément traumatisant que son esprit avait dû occulter jusque là.
Ces marques sur ses avant-bras et ses poignets, elle se les était faites à l'aide de sa brosse à dents qu'elle avait réussi à subtiliser à la fin de sa toilette vespérale, profitant d'un moment de distraction de l'infirmier.
Recroquevillée au pied de son lit, une nuit, en secret, elle avait fait fondre la matière dans laquelle était fait le manche à l'aide de sa maîtrise et l'avait modelé jusqu'à ce que la brosse fût aussi pointue qu'une aiguille.
Zuko avait expressément ordonné aux médecins responsables d'elle de ne la contraindre à porter une camisole que dans les situations qui l'exigeaient vraiment. Elle était donc libre de ses mouvements la nuit désormais et pouvait se déplacer dans sa cellule.
C'est ainsi que chaque nuit, une fois livrée à elle-même et soustraite au regard scrutateur des infirmiers et du bataillon de gardes qui la surveillaient constamment, elle sortait précautionneusement l'outil de sous son matelas où elle l'avait dissimulé et se scarifiait méticuleusement, tournée vers le mur afin d'être sûre que personne ne puisse la voir à travers l'orifice aménagé dans la porte.
Ce furent ses infirmiers qui découvrirent les mutilations et qui prévinrent Taïma et Tanaka qui se confondirent en excuses devant un Seigneur du feu très contrarié et lui promirent de ne plus laisser une occasion à la princesse de se faire du mal.
On trouva l'arme dissimulée dans un trou fait dans son matelas et on la lui ôta.
Après cela, malgré ses réticences, il les autorisa à la droguer la nuit et ordonna que l'on redouble de vigilance, à chaque moment de la journée.
Mais Azula trouva d'autre moyens de se blesser : un jour, rapporta l'un des deux infirmiers qui la surveillaient quotidiennement, elle se mit à hurler au beau milieu de sa douche, Encore nue, elle s'était enfuie à l'autre bout de la pièce et avait commencé à frotter son corps et à se griffer avec tant de force que la peau était restée à vif à certains endroit.
Quand Taïma l'interrogea quelques heures plus tard après lui avoir administré un calmant, Azula lui affirma que ce n'était pas de l'eau qui était sorti de la douche, mais des litres de sang. Personne n'avait pu la convaincre du contraire et dans les semaines qui suivirent, elle n'accepta de se laver qu'avec une bassine et un gant de toilette.
Ils lui avaient coupé les ongles à ras après cet incident.
D'autres fois, elle se mordait la peau du poignet jusqu'au sang ou se cognait la tête contre les murs, ou bien refusait toute nourriture pendant des semaines...
Pour être tout à fait honnête, son comportement avait empiré. Sa vie était devenue un véritable enfer malgré les précautions et les efforts entrepris par Zuko pour améliorer son quotidien.
Le fait qu'il lui donne plus de liberté qu'elle n'en avait eu avec Huan-Li n'y faisait rien : son esprit était sa prison. Elle y vivait, enfermée avec ses démons, prisonnière de souvenirs qui la hantaient et dont elle ne parvenait plus à s'extraire.
Six mois après son internement, Azula était au plus bas et Zuko avait dû se résigner à l'idée qu'elle ne guérirait peut-être jamais.
Quand on l'interrogeait sur cette période, Azula affirmait n'en garder aucun souvenir.
Il était rare de toute façon qu'elle accepte d'aborder le sujet brûlant de ces trois années passées à l'asile. Même avec Zuko.
Seuls ses médecins, son oncle et quelques amis de confiance connaissaient la vérité. Des rumeurs circulaient dans le palais et les rues de la Caldera. On chuchotait que la princesse avait perdu la raison. D'autres affirmaient que Zuko l'avait tuée ou fait enfermer dans une prison dont le lieu était tenu secret. D'autres imaginaient qu'elle avait réussi à s'enfuir et qu'elle complotait en secret contre Zuko, préparant un coup d'état pour le renverser avec les fidèles d'Ozai.
Lorsqu'elle était finalement rentrée, Zuko se contenta d'informer ses ministres et le Conseil qu'Azula était de retour au palais, qu'elle avait purgé sa peine et qu'elle était désormais sous sa responsabilité.
Il publia un édit royal stipulant que toute personne qui essaierait d'une manière ou d'une autre d'intenter à la vie de sa sœur serait accusé de haute trahison et de crime de lèse-majesté.
Lorsqu'il repensait à tout cela, il lui paraissait extraordinaire qu'elle ait pu recouvrer sa santé à ce point.
Jamais à cette époque il n'aurait imaginé partager un verre de vin avec elle, encore moins discuter tranquillement avec elle, lovés sur le divan de sa chambre alors que Mai l'attendait dans son lit quelques pièces plus loin.
A l'heure qu'il était, Mai devait être soit profondément endormie, soit furieuse contre lui.
A quoi bon prendre le risque de la réveiller ou de causer une dispute quand il pouvait prolonger sa soirée avec Azula qui semblait rechercher sa compagnie.
Après tout ce qu'elle avait vécu, après les efforts qu'elle avait déployés pour mener à bien son projet de capitale dans la Baie de Yue, il voulait être là pour elle.
Quand les deux coupes furent remplies, elle lui tendit la sienne et d'un mouvement de la tête, l'invita à la suivre. Il s'exécuta mais n'osa pas la rejoindre quand elle s'assit sur le bord de son lit et croisa les jambes l'une sur l'autre, dévoilant au passage une cuisse à la blancheur de porcelaine.
Elle replaça furtivement l'étoffe du kimono sur sa jambe et adressa à Zuko un regard indiquant qu'elle savait qu'il avait remarqué. Elle n'en sembla pas gênée du tout, au contraire.
Se sentant rougir, il détourna les yeux et se cacha dans son verre qu'il but d'un trait.
Le vin avait beau être un grand cru, à cet instant, il lui trouvait un goût de cendres.
Azula le fixait toujours intensément. Il regretta de ne pas être parti quand il en avait encore l'occasion.
Elle n'avait pas encore touché à son verre et le regarda remplir une deuxième fois sa propre coupe avant de tremper tranquillement les lèvres dans le sien.
« Tu ne veux pas venir t'asseoir ? demanda-t-elle avec douceur en désignant la place à côté d'elle.
– Non ça ira, je suis bien comme ça... »
Il avait utilisé le ton le plus ferme dont il fût capable, il tenait à rester maître de la situation. Il était la personne raisonnable ici.
Il vida son deuxième verre tout aussi vite que le précédent.
« Tu as l'air nerveux, Zuzu...
– Je vais très bien, mentit-il.
Et il tourna les talons pour ne pas croiser son regard de braise puis arpenta rapidement l'immense pièce pour mettre le plus de distance possible entre eux. L'esprit totalement embrumé par les deux verres qu'il venait de finir coup sur coup, il se dirigea tant bien que mal vers le bureau d'Azula et fit semblant de s'intéresser au tas de parchemins abandonnés sur la surface en chêne sombre.
Les caractères soigneusement calligraphiés tracés par la main de sa sœur dansèrent devant ses yeux, dépourvus de tout sens.
Il posa les mains sur les deux coins opposés du bureau, dans la pose d'un général qui examine l'avancée de ses troupes sur une carte.
Ses ongles s'enfonçaient furieusement dans le bois tendre et il se concentra pour prendre une profonde inspiration.
Azula le rendait fou. Il ignorait à quel petit jeu elle se livrait avec lui. Ses intentions et ses motivations échappaient complètement à son esprit obscurci par la boisson. Il était profondément irrité contre elle, et furieux contre lui-même d'avoir pu songer un instant que peut-être il pourrait… avec elle…
Il avait failli laisser les choses déraper et il se demanda ce qui n'allait pas chez lui.
Sa tête lui tourna un peu et il se demanda s'il n'allait pas être malade.
Pendant ce temps, Azula s'était approchée de lui, furtivement. Il ne l'avait pas entendue venir mais il eut soudain la sensation d'une présence derrière lui. Bien que ses réflexes fussent émoussés par la boisson, il se retourna vivement et son bras cogna contre la coupe encore à moitié remplie qu'Azula tenait dans sa main.
Tout son contenu se déversa sur lui et sa veste fut trempée. Une tache sombre commença à s'étendre sur le tissu déjà écarlate qu'il portait.
La coupe finit sa chute sur le sol en pierre et un bruit de verre brisé retentit.
Il poussa un juron :
« Bon sang, Azula ! »
Prise au dépourvu, Azula le regarda avec de grands yeux étonnés puis son expression changea et un rictus familier se dessina à la commissure de ses lèvres.
« Moi qui me demandais s'il était judicieux de finir ce verre. Voilà qui règle la question. Merci Zuzu, minauda-t-elle.
Zuko continuait de pester en regardant la tache se répandre sur sa poitrine.
« Cette tenue m'a coûté une fortune !
– C'est embêtant, répliqua-t-elle. Quel dommage que tu ne sois pas le souverain de la Nation la plus prospère du monde et que tu n'aies rien d'autre à te mettre…
Il lui répondit par un grognement inarticulé.
« Allez, viens avec moi dans la salle de bain, imbécile. On va arranger ça. »
Il la suivit docilement, marmonnant toujours des paroles inintelligibles.
Ils traversèrent la pièce et se rendirent dans la salle d'eau adjacente. Là, Azula s'empara d'une serviette propre, se pencha au-dessus de la baignoire et activa la pompe. Une eau fraîche et claire en jaillit aussitôt et elle en imbiba le tissu.
« Retire ta veste, lui intima-t-elle.
Zuko s'exécuta et fit passer le vêtement au-dessus de sa tête en essayant de ne pas salir ses cheveux au passage puis il le jeta négligemment contre le sol en marbre noir.
Azula se retourna et se trouva nez-à-nez avec lui. Visiblement surprise par cette proximité inattendue, elle s'immobilisa, la serviette humide à la main et son regard tomba presque immédiatement sur l'impressionnante cicatrice en forme d'étoile qui ornait sa poitrine, juste sous le cœur.
« Merci, marmonna Zuko en lui prenant la serviette des mains.
Il commença à tamponner sa poitrine à l'endroit où le vin avait dégouliné, conscient du regard d'Azula qui ne pouvait détourner les yeux de l'ancienne blessure dont elle était responsable.
Un peu gêné, il se figea.
Très lentement, Azula approcha sa main et effleura du bout des doigts la cicatrice, exactement à l'endroit où la foudre avait pénétré son corps quatre ans plus tôt. L'expression sur son visage était difficile à interpréter : Zuko hésitait entre la curiosité, le remords et la fascination.
Zuko ne la repoussa pas et consentit même à la laisser enrouler son autre main autour de son poignet.
Azula avait toujours été l'une des rares personnes dont le regard sur la cicatrice qui le défigurait ne le mettait pas mal à l'aise.
Quand ses yeux d'ambre se portaient sur son visage, il n'y lisait ni peur, ni dégoût, ni gêne et encore moins la pitié qu'on lui réservait habituellement. Pour Azula, se cicatrice faisait partie de lui et il se demandait parfois si elle l'aurait regardé de la même manière si elle n'avait pas été là.
Elle était le témoignage de la tyrannie d'Ozai, des abus d'un père sur son enfant. Si Azula n'avait pas de marque visible de cette maltraitance, il savait qu'elle en portait les stigmates. Ozai avait ruiné son âme plus sûrement encore qu'il avait ravagé le visage de son fils.
Parfois, quand ses amis ou quand des personnes qu'il rencontrait manifestaient leur compassion, il se disait qu'il était finalement peut-être plus chanceux que sa sœur. Ses blessures à elle n'étaient pas visibles. Mais elles étaient bien là, en elle, encore ouvertes, aussi indélébiles que sa propre cicatrice. Azula n'en avait sans doute même pas conscience.
Parfois, il était pris d'un frisson désagréable quand il pensait aux années qu'Azula avait dû passer seule avec leur père, loin de leur mère, loin de lui, loin de ses deux seules amies.
Quand il se rappelait qu'il avait autrefois envié la relation qui unissait le père et la fille, il avait envie de se frapper et un profond sentiment de culpabilité lui rongeait les entrailles.
Azula ne parlait guère de cette période de sa vie et il s'était résigné à ne jamais en connaître les déplaisants détails. Tout ce qu'il pouvait affirmer, c'était que quoi qu'ait fait Ozai, il avait une part de responsabilité non négligeable dans la descente inexorable d'Azula vers la folie.
Il songeait, pendant que les doigts d'Azula couraient doucement le long de sa poitrine, qu'elle devait voir dans les blessures de son frère un reflet des siennes. Ses cicatrices étaient le signe bien réel d'un lien indéfectible qui les unissait. Dans la douleur, dans l'amour, dans la haine aussi…
Cette cicatrice sur son torse dont elle ne pouvait détacher le regard, elle en était la cause. Une part d'elle y était entrée en même temps que la foudre qui avait failli lui être fatale. Elle était la preuve de leur rivalité, de leur jalousie, de l'impossible réconciliation de deux êtres nés pour s'aimer et se soutenir mais élevés dans la méfiance et dans le ressentiment.
Ils étaient très proches l'un de l'autre à présent et il pouvait entendre le cœur de sa sœur tambouriner dans sa poitrine, au même rythme effréné que le sien. Sa deuxième main qui tenait toujours son poignet le lâcha et rejoignit sa jumelle. Elle les appliqua toutes deux sur la vieille blessure, comme si elle cherchait à la protéger d'une agression extérieure.
Il n'avait plus du tout l'impression d'être ivre. Au contraire, il s'était rarement senti aussi conscient du monde qui l'entourait. Tous ses sens étaient aiguisés. Le temps semblait s'être figé.
« Est-ce que ça te fait encore mal ? »
La voix d'Azula était à peine plus élevée qu'un murmure. Elle ne le regardait toujours pas dans les yeux.
– Non, répondit-il sur le même ton de confidence qu'elle avait employé.
Il ne s'était pas attendu à ce qu'elle s'effondre en pleurs, mortifiée, rongée par le remords, ni même à ce qu'elle essaie de se justifier, et encore moins à ce qu'elle s'excuse.
Il ne savait pas à quoi il s'était attendu, mais certainement pas à ce qu'elle fit ensuite.
Il fut pétrifié quand elle posa délicatement sa main gauche sur son épaule, pendant que sa main droite continuait de tracer les contours de la cicatrice, et qu'elle se pencha en avant pour presser un baiser furtif dans son cou.
Paralysé, hébété, il ne songea même pas à la repousser quand elle se pressa un peu plus contre lui pour un deuxième baiser, plus insistant qui lui causa un violent frisson.
La serviette qu'il tenait toujours dans sa main pendait inutilement sur le côté. Des perles d'eau tombaient par terre et chaque fois qu'une nouvelle goutte s'écrasait sur le sol en marbre, le son était couvert par celui des lèvres d'Azula qui continuait d'appuyer contre sa peau des baisers de plus en plus hâtifs.
Incapable d'analyser ce qui était en train de se passer, Zuko essaya de réfléchir à toute vitesse. Et s'il ne lui échappait pas que ce que faisait Azula était plus qu'inapproprié, il ne trouvait pas en lui de raison satisfaisante de l'en empêcher.
Zuko sentit son souffle mourir dans sa gorge quand elle plaça ses deux mains autour de sa taille et qu'elle commença lentement à descendre le long de son torse, sans interrompre ses baisers.
« Azula... », expira-t-il dans un murmure presque suppliant qui aurait pu vouloir dire tout autre chose.
Ce fut la seule objection dont il fut capable avant qu'elle s'asseye sur le bord de la baignoire, devant lui, son visage juste à la bonne hauteur pour que ses lèvres se posent délicatement sur la cicatrice où elles s'attardèrent, déposant des baisers humides et brûlants là où les marques étaient les plus profondes.
Zuko songea un moment à la repousser mais ses bras refusèrent de lui obéir. Au lieu de l'écarter de lui, il lâcha sa serviette et glissa ses doigts dans la chevelure d'Azula. D'un geste presque inconscient, il retira la pique qui retenait son chignon. Ses cheveux se déversèrent en cascade sur ses épaules mais elle n'y prêta pas attention et se pressa un peu plus encore contre lui ses ongles pointus entrèrent dans sa chair de chaque côté de sa taille. Chacun de ses baisers paraissait plus brûlant, plus avide que le précédent.
Zuko ferma les yeux et laissa ses doigts courir entre les mèches sombres qu'il emmêlait sans y réfléchir. Il eut vaguement conscience de la bosse qui grossissait dans son pantalon et se demanda avec un mélange de honte et de désir si Azula pouvait la percevoir elle aussi.
Il émit un drôle de bruit entre le grognement et la plainte lorsque les doigts agiles d'Azula glissèrent le long de son ventre et s'accrochèrent à l'ourlet de son pantalon avant de s'attaquer au nœud qui le maintenait autour de sa taille.
Azula se laissa glisser avec grâce du bord de la baignoire et tomba à genoux devant son frère. Elle l'embrassait toujours mais ses lèvres avaient abandonné la cicatrice et avaient continué leur chemin, de plus en plus bas, jusqu'à ce qu'elles arrivent à la hauteur de son nombril, ses doigts s'affairant toujours sur l'ourlet de son pantalon.
Il rouvrit les yeux un instant, comme pour se reconnecter à la réalité et ceux-ci tombèrent accidentellement sur le grand miroir qui se trouvait à sa gauche contre le mur à quelques pas de la baignoire.
La scène qu'il vit se refléter dans la glace fut comme un poignard planté dans le cœur.
La vision obscène que le miroir lui renvoyait l'horrifia. Il était là, debout, les mains empêtrées dans l'épaisse chevelure de sa sœur. Azula était agenouillée à ses pieds, les yeux fermés, les lèvres appuyées contre son ventre, le menton effleurant déjà le dur renflement qui déformait l'entrejambe de son pantalon.
La bouche d'Azula descendit encore d'un cran et c'est sans doute ce qui le poussa à réagir.
Le brouillard où flottait son cerveau depuis l'instant où elle l'avait invité à entrer dans sa chambre se dissipa instantanément. Les yeux écarquillés, il recula tout en repoussant brutalement Azula dont le crâne heurta la baignoire.
Avec une exclamation de surprise indignée, Azula rouvrit les yeux, passa une main à l'arrière de sa tête pour masser l'endroit où son crâne avait cogné le bord de la baignoire et leva deux grands yeux étonnés en direction du visage de son frère.
Il devina derrière la surprise, la blessure et la déception. Il aurait pu se sentir coupable. Mais pour le moment, le dégoût qu'il éprouvait pour elle et envers lui-même excluait tout autre sentiment.
Azula restait là, par terre, semblable à un petit animal effrayé et perdu, une lueur d'incompréhension brillait dans ses yeux couleur d'ambre.
Zuko regarda partout autour de lui, pour s'assurer qu'il ne rêvait pas et quand ses yeux retombèrent sur Azula, à ses pieds, il déglutit péniblement une grimace de répulsion déforma ses traits.
Avec une exclamation furieuse, il porta ses mains à ses tempes dans un geste rageur et finalement tourna les talons, et sortit précipitamment de la pièce, abandonnant Azula sur le carrelage en marbre de sa salle de bain.
Du coin de l'œil, il crut voir sa silhouette toujours agenouillée s'affaisser lentement, sa tête s'inclinant vers l'avant, sur ses deux mains qu'elle avait posées au sol, comme pour une prière, un rideau de cheveux noirs dissimulant son visage.
Il traversa rapidement la chambre et ne s'arrêta pas quand ses bottes piétinèrent les restes brisés du verre qu'Azula avait fait tomber. Il était déjà sorti en trombe des appartements de sa sœur et se trouva soudain devant les gardes qui se redressèrent brusquement en voyant débouler leur Seigneur du Feu.
Ce n'est qu'à ce moment qu'il réalisa avec horreur qu'il était encore torse-nu. Sa veste devait encore traîner sur le sol de la salle de bain, auprès d'une Azula qu'il imaginait furieuse ou encore recroquevillée sur le sol, la tête dans ses mains, en train de se balancer d'avant en arrière, torturée, sans doute consciente comme lui de la terrible faute qu'ils s'étaient apprêtés à commettre.
Il se tourna vers les gardes, guettant leur réaction.
« Tout va bien Sire ? » demanda l'un d'eux en avançant d'un pas prudent dans sa direction.
Zuko ouvrit la bouche pour répondre mais aucun son ne franchit ses lèvres. Les paroles qu'il avait voulu prononcer restèrent bloquées dans sa gorge. Finalement, il parvint à bredouiller une vague explication :
« M-ma sœur est endormie… J'ai-j'ai renversé un verre de vin sur ma veste... »
Les deux gardes le regardèrent avec des yeux ronds, s'attendant peut-être à recevoir des instructions supplémentaires.
Mais Zuko ne trouva rien de plus à dire et détala dans les couloirs. Il parcourut le palais en direction de la salle du Trône qui était vide à cette heure. La porte n'était même pas gardée. Il y pénétra et referma la porte derrière lui.
Regardant partout autour de lui avec une expression désespérée, il serra les poings et, libérant sa rage et sa frustration, il envoya en direction du trône, perdu dans l'obscurité, deux puissants jets de flammes oranges qui explosèrent un peu plus loin.
Puis, soudain épuisé, il s'adossa contre une colonne le long de laquelle il se laissa glisser.
Quand il fut assis, il se prit la tête dans les mains et poussa un cri de rage qui résonna longtemps dans le palais endormi.
