Chapitre 12 – Pressions et tentation
Dans les chapitres précédents :
Azula est sortie avec Ty Lee pour rejoindre des hommes en ville, dans l'espoir de rendre Zuko jaloux. Les choses ont dérapé et Azula a violemment agressé Kojiro, le jeune garçon qui l'accompagnait et qui s'est montré trop entreprenant avec elle. Elle a pris la fuite après avoir été reconnue par des témoins, trahie par la couleur unique de ses flammes.
Dans le même temps, elle a découvert le groupuscule nationaliste et réactionnaire appelé les "Fils d'Agni" qui semblent remporter le suffrage du peuple et font courir un risque de sédition dans la Nation du Feu.
De son côté, Mai complote avec un ex-agent du Dai Li, appelé Wu, infiltré au palais.
Chapitre 12 – Pressions et tentation
« Comment as-tu pu faire une chose aussi horrible ? Ce pauvre garçon… il ne méritait pas ce sort.
– Il l'a cherché ! Il n'aurait pas dû me toucher comme il l'a fait ! Tu devrais être contente que j'aie pu me défendre ! »
Ça ne répondit pas. Tant mieux. Azula en profita pour continuer sa route à travers le tunnel souterrain qu'elle avait emprunté avec Ty Lee quelques heures plus tôt pour sortir en douce du palais.
Elle s'était engagée depuis plusieurs minutes sur une pente raide et commençait à se sentir sérieusement essoufflée. Sa cheville gênait énormément sa progression. Inutile de gaspiller en plus de l'énergie à se disputer avec sa mère. Elle aurait pu utiliser sa maîtrise pour se propulser en avant comme elle l'avait fait pour s'échapper au bord du canal. Mais elle était trop épuisée et trop bouleversée. Dans son état actuel, cela lui coûterait trop d'énergie de produire plus que la petite flamme vacillante dont elle se servait pour éclairer son chemin.
Ursa était apparue tout à coup il y avait de cela peut-être une demi-heure.
Azula avait hurlé d'effroi en entendant sa voix surgir de l'obscurité derrière elle.
Il y avait plus d'un an qu'elle ne l'avait pas vue, ni entendue. Elle en était arrivée à se demander si elle se rappelait son visage.
Avant de s'endormir, elle éprouvait souvent le besoin de regarder le portrait qu'elle avait volé dans les appartements d'Ursa quelques mois après son retour au palais, et qu'elle cachait sous son oreiller. Elle effleurait la surface de papier ternie par les années avec ses longs doigts parfaitement manucurés, comme l'étaient ceux de Maman. Elle espérait en l'observant ainsi fixer à jamais son image dans son esprit.
Comment était Maman maintenant ? Avait-elle vieilli ? Était-elle seulement encore vivante ? Pensait-elle à Azula ?
Elle avait toujours pensé que ce serait un soulagement d'être débarrassée des hallucinations. De toutes ses hallucinations. Mais la vérité, c'est qu'elle s'était sentie perdue quand Ursa avait cessé de lui rendre visite. Le seul lien qu'elle avait avec la femme qui l'avait mise au monde était brisé.
Était-ce ce que ressentait Zuko ? Elle avait eu beau jalouser leur relation toute sa vie, c'était à elle que Maman rendait visite pendant ces quatre dernières années. Zuko avait dû se contenter de ses souvenirs.
Parfois l'idée d'interrompre son traitement, pour la revoir ne serait-ce qu'un instant, lui traversait l'esprit. Mais elle avait trop peur des démons que son cerveau malade pourrait enfanter.
Peu importait maintenant. Traitement ou pas, les voix étaient revenues.
Cela avait commencé après l'incident avec Zuko. Elle l'avait constaté quand elle avait cessé de prendre son traitement pendant presque une semaine. Elles étaient revenues, petit à petit, pour commenter ses pensées, ses gestes, répéter inlassablement ses réflexions.
Paniquée, elle avait accepté de recevoir Taïma pour obtenir son traitement. Les voix s'étaient tues.
Mais elles étaient revenues récemment et leur timbre et leur inflexion s'étaient précisés, prenant les accents de personnes qui lui étaient connues.
A partir du moment où elles avaient recommencé à se manifester, elle s'était attendue à ce que Maman lui réapparaisse.
Elle l'avait fait attendre pour la surprendre au pire moment. Comme elle le faisait toujours.
Quand sa voix l'avait appelée dans le sombre tunnel qui la ramenait chez elle, Azula s'était figée violemment. Elle dut d'abord s'asseoir pour que son cœur reprenne un rythme normal. Les yeux grand ouverts, elle avait vu le visage de sa mère apparaître dans l'obscurité, petit à petit, sa tête flottant dans l'air, comme détachée de son corps.
Puis une main avait surgi d'une longue manche évasée pour caresser le visage trempé de larmes d'Azula.
« Azula...bébé… tu t'es encore perdue ?
Incapable de donner du sens à ce qu'elle voyait, Azula était restée au sol, les deux mains fichées dans la terre battue, sa poitrine se soulevant rapidement au rythme de sa respiration.
« Où étais-tu ? » avait-elle soudain sangloté tandis que le corps de sa mère se matérialisait et la prenait dans ses bras. « Où étais-tu tout ce temps ? Je t'ai cherchée ! Je n'ai pas arrêté de te chercher !»
Elle avait plongé son regard d'ambre dans les beaux yeux clairs de sa mère et leva timidement une main pour la déposer sur la joue de l'apparition. Elle ne rencontra aucune résistance et seul un courant d'air froid effleura sa paume.
« J'ai toujours été là mon bébé. Je n'ai jamais cessé d'être là. »
Elle resta un moment ainsi, assise dans le noir, pleurant sur l'épaule du fantôme de sa mère.
Puis Ursa l'avait lâchée. Une fois remise de ses émotions, Azula avait repris sa route, talonnée par sa mère.
Depuis, Ursa ne cessait de la harceler, de jacqueter, de lui faire des remontrances. Azula ne savait pas ce qu'elle avait espéré au juste. Sa mère n'allait certainement pas manquer cette occasion de lui rappeler quel monstre elle était !
« Peut-être n'aurait-il pas agi de la sorte si tu ne l'avais pas encouragé », lui reprochait-elle pendant qu'Azula s'agrippait à la corde qui servait de rampe pour s'aider dans son ascension.
Espèce de petite traînée !
– Je ne l'ai pas encouragé ! C'est lui qui a voulu m'embrasser !
– Tu devrais savoir à ton âge qu'un homme ne se contente jamais d'un baiser. Si tu n'en avais pas envie, pourquoi avoir accepté ?»
Azula se tut. Elle ne voulait pas parler de Zuko avec sa mère.
Ursa était restée mystérieusement silencieuse sur le sujet. Si elle savait ce qui s'était passé avec Kojiro, elle aurait dû savoir aussi pour elle et Zuko, non ?
« Il est très inconvenant pour une princesse de se promener le soir en compagnie d'un homme qui n'est ni son père, ni son frère, ni son mari. Tu devrais le savoir. Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même. Ce pauvre garçon n'a fait que suivre son instinct. Le pauvre...
Un si joli garçon… »
Azula ne répondit rien encore une fois mais la grimace qui déforma ses lèvres trahissait sa honte et sa peine.
Elle ne s'était pas attendue à ce que sa mère la soutienne. Mais l'entendre reporter ainsi toute la faute sur elle ! Elle n'avait jamais voulu ce qui était arrivé au bord du canal.
Seul le désir de faire souffrir son frère l'avait conduite à accepter ce baiser. Comment aurait-elle pu deviner ce qui allait suivre ? Après tout Père ne l'avait pas embrassée quand il…
Non ! Non ! Tais-toi ! Tais-toi!
Azula recouvrit ses oreilles avec ses mains et ferma étroitement les yeux pour chasser le souvenir qui menaçait de la submerger depuis l'instant où Kojiro s'était couché sur elle.
Elle n'avait pas voulu lui faire mal. Elle avait perdu le contrôle de ses nerfs, c'est tout… comme avec Zuko, ce jour-là, quand il lui avait rendu visite pour la première fois à l'asile.
Et si Zuko avait voulu aller plus loin ce soir-là avec toi ? Le soir du sommet politique ? S'il s'était montré plus entreprenant, est-ce que tu l'aurais brûlé lui aussi ?
Elle refusait d'imaginer un tel scenario. Elle aimait Zuko. C'était différent non ? Et puis il était le Seigneur du Feu. N'était-ce pas son droit de disposer d'elle comme il l'entendait ?
Elle n'avait pas brûlé Père n'est-ce pas ? C'était lui qui l'avait...
« C'est comme avec ton père, poursuivit Ursa, comme si elle avait lu dans ses pensées. Tu donnes trop d'espoir aux hommes. Tu aurais dû être plus prudente. Tu agis comme si ça avait été le pire jour de ta vie. Mais peut-être était-ce ce que tu voulais finalement ? Après tout ce que tu as fait pour lui plaire, pour rentrer dans ses bonnes grâces… Tu étais prête à faire emprisonner ton frère pour lui, à tuer pour lui. Comment peux-tu te plaindre de ce qu'il t'a fait après cela ?
Azula resta sans voix. Elle interrompit son ascension et se tourna vers sa mère, la bouche à moitié ouverte, le souffle court.
Comment peut-elle penser un instant que… Je n'ai jamais voulu… Il était si fort ! Si lourd sur son frêle corps d'adolescente.
Quand il l'avait fait appeler, elle pensait seulement que c'était pour la féliciter de l'avoir si bien protégé contre l'invasion.
Elle se prépara à répondre mais tout ce qui franchit ses lèvres, ce fut cette lamentable tentative de défense à peine bredouillée :
« Je...je ne savais pas. Je te jure que je ne savais pas...
– Tu as gravement blessé un innocent. Tu l'as peut-être tué. Alors qu'il t'a sauvée de ces fous furieux qui te piétinaient ! Tu es un monstre, Azula. Qu'est-ce qui ne va pas chez toi ?
– Je ne sais pas », confessa-t-elle d'une toute petite voix en baissant la tête pour regarder ses pieds.
Elle mena un moment une lutte inutile contre les larmes et fit disparaître la petite flamme qui brillait dans sa main gauche pour s'essuyer les yeux.
Il n'aurait pas fallu répondre quand sa mère avait commencé à lui parler. Elle le savait.
Elle devait réapprendre à se contrôler. Comme à l'asile.
Personne ne devait savoir qu'elle était devenue folle à nouveau. Zuko allait la renvoyer là-bas s'il le découvrait. Il n'aurait été que trop heureux de saisir cette opportunité pour l'envoyer au loin maintenant qu'elle l'embarrassait tellement.
Déjà, Taïma avait des soupçons. Azula l'avait deviné à son regard. A la manière dont ses grands yeux turquoise s'étaient posés sur elle lors de leur dernier entretien. Ou quand elle avait pris sa main dans les siennes sous prétexte de mesurer son pouls. Elle l'avait serré plus fort que nécessaire, comme si elle avait eu peur que la princesse ne tombe ou disparaisse devant elle.
Une fois ou deux, la voix ensommeillée de Ty Lee avait surgi dans l'obscurité de la chambre pour demander à Azula de répéter ce qu'elle venait de dire, ou à qui elle parlait. Azula s'en était tirée en prétextant qu'elle avait dû rêver. On disait ou entendait parfois des choses étranges dans un état de torpeur. Ty Lee elle-même bredouillait parfois des paroles incohérentes depuis son lit de camp qu'Azula avait fait installer dans sa chambre.
Azula aboutit bientôt à un carrefour. Elle savait qu'elle devait prendre à gauche. Le chemin continuait de monter mais en pente plus douce cette fois. Sa mère la suivait toujours.
« Tu ne savais pas non plus ce que tu faisais quand tu as essayé de séduire ton frère cette nuit-là ? » reprit-elle après une longue pause.
Bien sûr, elle était au courant. Comment en aurait-il été autrement ? Quand tout le pays semblait savoir ce qui s'était passé. Comme si la Nation du Feu au complet s'était trouvée dans la salle de bain avec eux lorsqu'elle s'était agenouillée devant son frère.
Zuzu avait-il ressenti la même chose qu'elle ? Quand elle avait voulu le prendre dans sa bouche, s'était-il senti violé, comme lorsque Kojiro avait introduit son doigt en elle ?
Elle n'y avait jamais songé.
Il en avait envie. Il était devenu tout dur, comme Ty Lee l'a dit. Comme Kojiro au bord du canal, comme Père quand…
Arrête avec ça ! Reconstruis le mur, reconstruis le mur !
« Oui mais toi aussi tu as laissé Kojiro te caresser et t'embrasser. Tu en avais envie, n'est-ce pas ? » demanda le spectre d'Ursa qui la talonnait toujours.
« Je voulais simplement faire enrager Zuko... » se défendit-elle sur un ton misérable, sans se rendre compte qu'elle avait parlé à voix haute.
– Tu t'y es toujours pris de la mauvaise manière pour arriver à tes fins ma fille. Pourquoi es-tu incapable d'être honnête et sincère ? Tu es exactement comme ton fourbe de père.
– J'essaie de faire mieux. Vraiment Mère, je fais de mon mieux, l'implora-t-elle.
– Alors essaie davantage. »
La mine plus sombre que jamais, Azula poursuivit sa route. Elle cessa d'écouter les interminables remontrances que cette pâle imitation de sa mère ânonnait derrière elle.
Ce n'est pas réel, se répétait-elle, ce n'est pas réel.
Au bout d'une quinzaine de minutes, elle arriva enfin devant une ouverture taillée dans la roche à un mètre du sol. Elle se hissa péniblement en grimaçant : il lui était toujours pénible de prendre appui sur sa cheville. Elle avança à quatre pattes le long du boyau et poussa de la tête une lourde toile qui la séparait de sa destination. Elle arriva enfin dans une pièce circulaire aux murs rouges ornés de tapisseries patinées par le temps. Les couleurs s'étaient depuis longtemps affadies à cause du manque de lumière. Les sujets représentés sur les toiles étaient presque impossibles à distinguer. Des torches étaient accrochées sur les murs, attendant qu'un maître du feu les enflamme. Pour le moment, elles étaient encore toutes allumées depuis le passage de Ty Lee et Azula quelques heures plus tôt quand elles avaient quitté le palais.
Des coffres étaient ramenés contre les parois. Elle savait qu'ils contenaient des affaires indispensables en cas de fuite imprévue : provisions de fruits et de viandes séchés, épices, sacs d'or, vêtements, couvertures, armes...
Ces passages secrets avaient été aménagés du temps de Sozin pour que la famille royale puisse s'enfuir en cas d'attaque ou d'invasion. Seuls les membres de la famille connaissaient leur emplacement. Et Ty Lee bien sûr.
D'un geste précautionneux, elle se laissa glisser le long du mur en prenant bien soin de ne pas prendre appui sur son pied fragilisé. Elle se retourna pour regarder sa mère s'extraire à son tour de l'orifice dans le mur et attendit qu'elle descende pour pouvoir passer derrière elle et replacer la tapisserie qui dissimulait le passage. Mais Ursa ne bougea pas. Elle se contenta de fixer sa fille d'un air désolé et mélancolique.
« Tu ne viens pas ? demanda-t-elle sur un ton irrité. Tu m'as suivie tout ce temps pour rester dans ce trou à rats ?
Sa mère se recroquevilla dans l'orifice et lui répondit :
« Personne ne doit me voir. Ne t'inquiète pas. Je suis toujours avec toi de toute façon. »
Les yeux écarquillés, Azula vit sa silhouette s'évaporer petit à petit et disparaître tout à fait.
« Maman ! » s'écria-t-elle en se précipitant vers elle. Mais elle oublia sa cheville et sa jambe s'effondra sous son poids. Elle se trouva à genoux sur le sol et leva les yeux vers le passage secret.
Ursa avait disparu.
Ne sois pas idiote. Elle n'a pas disparu. Elle n'a jamais été là. Tu es toute seule depuis le début !
Azula se releva tant bien que mal et alla s'asseoir sur un coffre.
Elle s'efforça de reprendre son souffle et de calmer les battements de son propre cœur qui palpitait furieusement dans sa poitrine.
Devait-elle retourner dans sa chambre ? Attendre ici le retour de Ty Lee ? Et si elle croisait quelqu'un dans les couloirs ?
Quel fiasco ! Une cheville foulée, une côté sans doute fêlée, une entaille sur la joue. Et peut-être le sang d'un innocent sur les mains. Simplement pour rendre son frère jaloux.
Son frère qui se fichait bien du nombre de garçons qui lui passeraient dessus. Son frère qui la méprisait et la détestait.
L'image du corps lourd et imposant de Kojiro penché sur elle lui revint brusquement en mémoire. Et la vive douleur et son sentiment de panique quand elle l'avait senti glisser un doigt à l'intérieur d'elle.
Comment pourrait-elle être un jour avec Zuko si elle ne supportait pas qu'un homme la touche ?
Toujours assise sur son coffre, elle plongea la tête dans ses mains et pleura.
Quand elle retourna à ses appartements une heure plus tard, un peu remise de ses émotions, elle n'accorda pas un regard aux deux gardes qui surveillaient sa porte et la considérèrent avec deux grands yeux ronds. Elle réprima un ricanement en imaginant leur surprise et leur consternation. La princesse qu'ils prétendaient défendre au prix de leur vie et dont ils gardaient si jalousement la porte avait en fait passé la soirée à l'extérieur.
Ils feignirent de ne pas voir sa démarche un peu chaloupée et ses cheveux en bataille. Ils ignorèrent aussi les traînées noires que les larmes avaient laissées sur ses joues et lui ouvrirent la porte sans un mot.
Quand ils la refermèrent derrière elle, elle resta un moment debout au milieu de la pièce, regardant sur le sol de marbre l'endroit où la lune projetait sa lumière fantomatique.
Soudain elle entendit un bruit de frottement dans l'obscurité, devant elle.
Gagnée par la panique, elle exécuta un gracieux mouvement de la main et les torches tout autour d'elle s'embrasèrent, baignant la pièce d'une atmosphère bleutée et mystérieuse.
« Bonsoir Azula. »
Elle tourna vivement la tête vers l'origine de la voix et tomba nez-à-nez avec Zuko qui se tenait assis sur le bord de son lit, sa couronne sur la tête, vêtu de pied en cape. Comme elle l'avait vu l'après midi-même. Il tenait un objet brillant entre ses mains et Azula eut le temps de percevoir un éclat argenté quand la lueur de la lune au-dehors se refléta dessus.
Son cœur fit un bond violent dans sa poitrine.
« Est-ce que tu es...que fais-tu ici ? l'interrogea-t-elle.
Est-ce que tu es réel ? ajouta-t-elle silencieusement pour elle-même.
Après tout, avec les événements de la soirée, le retour d'Ursa, il était plus que probable qu'il s'agisse encore d'un tour de son imagination ébranlée par ses mésaventures. L'ambiance un peu irréelle créée par la lumière bleue autour d'eux renforçait cette impression.
–Je t'attendais, dit son frère d'un ton dénué de toute chaleur en se levant pour s'approcher d'elle.
Les yeux d'Azula tombèrent sur l'objet qu'il tenait entre ses mains et elle put l'identifier : il s'agissait de sa propre couronne de princesse de la Nation du Feu qu'elle avait abandonnée sur sa commode avant de sortir avec Ty Lee.
« Tu avais oublié ça », dit-il en lui tendant l'ornement.
Azula n'esquissa pas un geste pour le reprendre, trop confuse pour savoir quelle réaction adopter. Que faisait-il ici ? Que lui voulait-il ? Est-ce qu'il était réel ?
– Tu es venu pour me rendre un objet que j'avais déjà en ma possession ?
– Je suis venu pour te parler de ce qui s'est passé cette après-midi, dans le patio. »
Le ton était sans équivoque. Les sourcils froncés, le visage fermé, il la considérait avec une expression de fureur non-déguisée.
Finalement ce devait bien être lui.
Le Zuko de ses fantasmes et le Zuko de ses cauchemars se comportaient bien différemment.
Soudain harassée, elle lui tourna le dos et se dirigea vers son valet de nuit pour prendre la robe de chambre écarlate qui y était suspendue.
– Pas maintenant Zuko s'il-te-plaît. Je ne suis vraiment pas d'humeur pour une dispute. »
Elle sentit un poing se refermer sur son poignet gracile avant de réaliser qu'il avait bougé.
« Je suis venu ici pour te voir. J'ai attendu des heures dans le noir. J'ai menti à Mai pour venir ici, alors maintenant tu vas m'écouter et attentivement ! »
Avec un mouvement de recul, elle se libéra de sa prise. Une lueur étrange dans les yeux de son frère et le ton autoritaire qu'il avait employé l'avaient un instant effrayée.
Quand il s'adressait à elle de ce ton péremptoire, vêtu de l'attirail du Seigneur du Feu, il lui rappelait…
« Tu prétends vouloir faire taire les bruits qui courent à notre sujet mais que penses-tu qu'ils vont dire quand ils sauront que tu as passé la moitié de la soirée dans mes appartements ?
– Je suis passé par le passage secret, expliqua-t-il. Les gardes ignorent que je suis ici. »
Ils restèrent un moment immobiles, face à face, se regardant sans trop savoir quoi se dire.
Enfin Azula, se sentant rougir, brisa le contact et se dirigea péniblement vers son paravent pour se changer.
« Tu boites » l'entendit-elle dire dans son dos.
Ce n'était pas une question mais un constat.
– Ce n'est rien, je me suis foulé la cheville cette après-midi pendant l'entraînement. Une mauvaise réception.
– Tu ne rates jamais un atterrissage, rétorqua-t-il en plissant les yeux d'un air soupçonneux. Tu calcules toujours tout à la perfection.
– Il semblerait que ces derniers temps, j'ai été plus distraite. Il y a beaucoup de choses que j'ai mal calculées... »
Ils se turent à nouveau, tout aussi gêné l'un que l'autre. Azula disparut derrière le paravent et commença à retirer ses vêtements, grimaçant douloureusement quand les mouvements sollicitèrent ses côtes fêlées.
« Dis-moi ce que tu as à me dire, Zuko. Et laisse-moi. Je suis exténuée. Je n'ai pas l'énergie pour me battre avec toi, lui lança-t-elle, sa voix s'élevant au-delà du paravent qui la dissimulait à ses regards.
– Une raison particulière pour que tu sois si fatiguée ? Une soirée agitée ? C'est pour ça que tu boites ? » Puis, éclatant d'un rire sans joie : « Peut-être que tu devrais mieux choisir tes partenaires à l'avenir. Celui-ci ne devait pas être particulièrement délicat.»
Derrière son paravent, Azula crispa sa mâchoire et ses poings. Mais une curieuse impression adoucit sa colère. Avait-elle seulement imaginé la pointe de jalousie et d'amertume dans la voix de son frère?
Un autre jour, elle aurait sauté sur l'occasion pour le taquiner, comme elle l'avait fait le soir de son anniversaire. Mais pas ce soir, pas après tout cela... Elle se sentait vidée.
« Je ne manquerai pas de faire appel à tes conseils avisés la prochaine fois mon cher frère, ne t'inquiète pas », répondit-elle simplement.
Elle sortit de derrière le paravent en nouant sa large ceinture dorée autour de sa taille et se dirigea vers sa coiffeuse pour attraper sa brosse. Elle s'assit sur le tabouret situé devant le meuble et commença à démêler ses cheveux. Le reflet de Zuko apparaissait dans la glace devant elle, la même expression contrariée imprimée sur chacun de ses traits.
« Tu vas rester ici à me regarder démêler mes cheveux et assister à mon coucher ? Tu comptes peut-être me lire un conte ou me chanter une petite berceuse pour m'endormir ?
– Tu as couché avec lui ?
La question avait jailli sans préambule, avec une brusquerie – Azula en était certaine – qu'il regrettait sans doute déjà.
Dans le miroir, elle le vit détourner le regard. Elle était presque certaine qu'il avait rougi. Mais la faible lumière bleutée qui baignait la pièce ne permettait pas de l'affirmer avec certitude.
Elle resta un moment silencieuse, considérant la possibilité de lui mentir. Elle continua de peigner lentement quelques mèches, sans quitter des yeux le reflet de son frère.
Il aurait été si jubilatoire de voir son visage se renfrogner en lui répondant par l'affirmative, en insistant sur les prodigieuses compétences de son amant d'un soir.
Mais elle était encore trop bouleversée par son expérience avec Kojiro pour jouer à ce jeu.
Elle éluda.
« Je croyais que tu étais venu me parler de Mai et du patio ou je ne sais quoi. Alors vas-y, je t'écoute », commanda-t-elle en se saisissant d'un morceau de tissu qu'elle imbiba d'une eau parfumée pour se démaquiller. Elle fit une petite grimace de douleur quand elle toucha l'entaille sur sa joue et sentit son estomac chavirer en repensant à ce qui s'était passé au bord du canal.
Zuko se redressa et essaya tant bien que mal de se redonner une posture assurée.
« Ce que tu as fait tout à l'heure, la manière dont tu t'es comportée devant Mai, c'était…
– … Eh bien ? dit-elle finalement voyant qu'il n'achevait pas sa phrase.
Il inspira profondément et débita :
« C'était extrêmement déplacé. Mai n'a pas du tout apprécié tes sous-entendus. Elle était furieuse après toi et après moi. Je te préviens Azula : je ne te laisserai pas briser mon mariage. Je suis venu pour te dire ça. Ne m'oblige pas à faire un choix.
– Quel choix exactement ? » demanda-t-elle, positivement effarée, après l'avoir écouté avec attention étaler ses griefs. « Comment peux-tu seulement prétendre...Dans quel monde ai-je jamais fait partie de tes choix ? »
Elle ne parvenait pas à contrôler le tremblement de ses lèvres, ni les larmes qui naissaient à la bordure de ses paupières. Zuko dut s'en apercevoir, car ses épaules s'affaissèrent et il perdit d'un coup l'assurance qu'il venait de montrer. Dans le miroir elle le vit esquisser un pas vers elle et lever une main, comme pour la poser sur son épaule. Mais il se ravisa juste à temps.
« Tu sais que je tiens à toi… » murmura-t-il si faiblement qu'elle faillit ne pas l'entendre.
Il retournait nerveusement la couronne entre ses doigts tremblants.
– Non ! » C'était la colère qui s'exprimait à présent. Quittant son fauteuil, elle se leva brusquement pour lui faire face. « Non je n'en sais rien ! Tu m'évites depuis des semaines et tu ne me parles que pour me faire des reproches ! Comment le saurais-je ? Tu as employé toute ton énergie ce dernier mois à me faire comprendre que tu préférerais que je sorte de ta vie ! Et dès que je te tourne le dos, dès que j'ai le malheur de m'intéresser à quelqu'un d'autre, tu reviens me chercher en courant. Tout ça pour mieux me repousser ensuite ! Arrête de me mentir Zuko et arrête de te mentir ! On sait tous les deux pourquoi tu es vraiment ici ce soir, et ça n'a rien à voir avec Mai ! »
Zuko l'écoutait, ses yeux dorés agrandis par la stupeur et, Azula l'aurait juré, par la honte d'être aussi facilement percé à jour.
– Ce n'est pas...pas du tout ce que je…, bégaya-t-il stupidement. Je… Ne prends pas tes désirs pour la réalité Azula, acheva-t-il d'une voix qu'il essaya piteusement de rendre plus assurée.
– Oh mais rassure-toi Zuzu. Je n'attends plus rien de toi. J'ai fini de me prendre des coups pour rien. Maintenant va-t-en ! »
Et pour plus d'emphase, elle fit apparaître dans son poing fermé une dague d'un bleu profond.
Zuko ne sembla pas impressionné. Il se contenta de la regarder, l'air un peu perdu, mais ne recula pas. Elle supposa que son visage larmoyant et ses épaules secouées de tremblements incontrôlés n'aidaient pas à rendre ses menaces crédibles.
« Je n'ai jamais voulu te blesser Zula, reprit-il de la même petite voix faible et pitoyable qui l'exaspérait tant. C'est juste que...ce que tu veux...je ne peux pas te le donner...
– Ne m'appelle pas comme ça ! » cria-t-elle d'une voix suraiguë dont elle eut honte. Puis essayant de reprendre un peu de contenance :
« Et que crois-tu exactement que je veuille de toi ? Je ne suis pas la seule à me faire des idées apparemment ! s'esclaffa-t-elle d'un rire sans joie.
– Arrête de mentir Azula. »
Elle ne répondit pas et baissa les yeux. La dague de feu disparut comme elle était apparue.
« Je suis simplement venu te demander de rester à distance », lui annonça son frère comme un juge annonce sa sentence. « Nous avons été trop proches dernièrement et ce n'est pas sain… On doit vivre chacun notre vie. Nous ne sommes plus des enfants. »
– De quelle vie parles-tu Zuko ? Toi tu as tes amis, toi tu as ta femme. Tu as ta couronne ! Mais moi, qu'est-ce que j'ai ? »
Elle n'avait pas pu empêcher sa voix de se briser à ces mots et les larmes coulaient maintenant abondamment sur ses joues fraîchement démaquillées.
« Tu as des amis Azula. Tu as Ty Lee. Et je serai toujours là pour toi. Mais on ne peut plus passer autant de temps ensemble. » Il marqua une pause et en profita pour se rapprocher encore. « Je pense que tu es confuse. C'est mieux pour nous deux si on se voit un peu moins.
– Très bien, commençons tout de suite alors ! Bonne nuit Zuko ! »
Elle essuya rageusement les larmes qui coulaient sur ses joues et se dirigea aussi rapidement qu'elle le put vers sa salle de bain. Mais elle avait encore oublié sa cheville et elle s'écroula. Zuko réagit juste à temps pour la réceptionner.
Il la tint un moment dans ses bras et l'aida à se redresser. Puis il la relâcha très vite, comme s'il avait eu peur de se brûler. Ou de se salir.
« Je ne veux pas te laisser seule dans cet état.
– Ça ne t'a pas posé problème la dernière fois ! », l'accusa-t-elle.
Un éclair de confusion passa dans les yeux dorés et il rougit avant de reprendre d'une voix hésitante :
– Justement. Je ne veux pas reproduire les mêmes erreurs. Écoute-moi Azula. Je ne te rejette pas. Simplement, je pense qu'on doit éviter les moments en tête-à-tête. Au moins jusqu'à ce que les choses se calment et que tout devienne moins... confus...pour toi. »
Il avait parlé d'un ton très calme et doux et Azula dut lutter férocement contre l'envie de le frapper...ou de se jeter dans ses bras.
« Alors pourquoi es-tu encore ici ? demanda-t-elle plutôt. Tu as dit ce que tu avais à dire. Pourquoi est-ce que tu ne cours pas retrouver ta femme ? »
Zuko baissa les yeux et déglutit péniblement. Il fixait un trou dans le tapis sous ses bottes à bouts pointus, comme s'il n'existait rien de plus fascinant au monde. Puis, finalement, après plusieurs secondes d'un silence pesant, il murmura :
« Je ne sais pas. »
Ce fut au tour d'Azula de se trouver à court de mots. Ses épaules s'affaissèrent tandis qu'elle tournait vers lui un visage défait où se lisait l'incompréhension.
L''atmosphère changea radicalement. Autour d'eux, les flammes bleues changèrent de teinte et prirent un ton orangé très doux.
Zuko se rassit lourdement sur le bord du lit, l'air accablé, le visage plongeant dans ses larges paumes ouvertes. Lentement, il releva la tête pour voir, à travers ses doigts écartés, Azula qui s'était approchée timidement de lui, assurant son équilibre en se tenant au pilier de son lit à baldaquin.
Zuko laissa retomber ses mains sur ses genoux, redressa ses épaules et plongea ses yeux dans les siens.
Azula était profondément troublée. Elle ne parvenait pas à déchiffrer les pensées contradictoires qu'elle voyait défiler dans les iris dorés de son frère.
Sors de ma vie ?, Tu me manques ?, Tu me dégoûtes ?, J'ai envie de toi ?
L'aveu d'ignorance de Zuko avait fait perdre toute combativité à Azula.
Au bout d'un long moment, d'une petite voix faible, elle déclara : « Il ne s'est rien passé avec ce garçon... »
Zuko la dévisagea, comme s'il cherchait à débusquer le mensonge dans les yeux couleur d'ambre. Une expression indéchiffrable était étalée sur son visage ravagé par sa cicatrice.
« Très bien… répondit-il seulement à voix très basse.
– Ni avec l'autre, le soir de ton anniversaire, crut-elle nécessaire d'ajouter.
– D'accord. »
Était-ce le soulagement, l'incrédulité ou l'indifférence qui donnait à la voix de son frère cette inflexion un peu étrange et incertaine ?
Sans ciller, Azula s'avança encore un peu. Elle se trouva debout, devant lui, les bras ballants, assez près pour qu'ils puissent se toucher.
Éprouvait-il le même désir urgent de la serrer dans ses bras ? La tension dans la chambre était à son comble. Si elle se concentrait bien, Azula pouvait entendre les palpitations de son cœur qui tambourinait violemment entre ses côtes. Dans sa gorge, son propre pouls palpitait si furieusement que Zuko devait le voir malgré la faible lueur environnante.
Ce fut lui qui initia le contact.
Portant une main à la pommette droite de sa sœur, il caressa légèrement du bout du pouce la petite entaille profonde qu'avaient laissée les ongles de Kojiro lorsqu'il avait désespérément essayé de se débattre.
« Comment t'es-tu fait ça ? murmura-t-il.
– Ce n'est rien. Je me suis accrochée à une branche en quittant le palais. »
Il s'apprêtait à laisser retomber sa main sur le côté mais Azula leva aussitôt la sienne pour la maintenir contre sa joue. Son frère ne protesta pas.
Puis, très doucement, elle fit pivoter son visage dans la main de Zuko. Elle brossa la paume du bout des lèvres et elle commença à y appliquer des petits baisers délicats sans le quitter des yeux.
Zuko ne bougea pas. Il n'esquissa pas un mouvement pour se libérer et Azula vit briller une étrange lueur dans ses pupilles tandis qu'il regardait, fasciné, la bouche de sa sœur se presser contre ses phalanges recroquevillées.
Posant la couronne à côté de lui sur le lit, il enroula sa main libre autour de la taille d'Azula et la tira vers lui.
Elle laissa échapper un petit hoquet de surprise et lâcha la main qu'elle tenait encore contre sa joue. Celle-ci rejoignit l'autre autour de sa taille et Zuko la ceintura. Il l'attira encore plus près de lui, si bien qu'elle se trouva debout entre ses jambes. Il enfouit son visage dans sa nuque en la tenant étroitement contre lui. Il inspira profondément et expulsa l'air de ses poumons dans un souffle tremblant dans lequel il murmura le nom d'Azula.
Fermant les paupières, elle pressa sa bouche contre la joue ruinée de Zuko et embrassa sa cicatrice, ses bras enroulés autour du cou de son frère. Ils restèrent ainsi en silence pendant quelques délicieuses secondes, chacun cherchant le réconfort dont il avait besoin dans les bras et dans la chaleur de l'autre.
Au bout d'un long moment, elle entendit Zuko murmurer quelque chose dans son oreille :
« Tu m'as manqué.» Son souffle chaud caressa la peau d'Azula et elle frissonna, resserrant son étreinte. Les yeux toujours fermés, elle chuchota à son tour :
« Reste avec moi cette nuit. »
Elle le sentit remuer légèrement dans ses bras mais ceux qui entouraient sa taille n'esquissèrent pas un geste pour la lâcher.
– Non…, répondit-il à voix très basse.
– Juste cette nuit ! Personne n'a besoin de savoir», l'implora-t-elle dans un souffle en reculant légèrement pour plonger ses yeux de braise dans les siens. Elle posa une main sur la joue ruinée de Zuko, l'autre toujours enroulée autour de sa nuque pour le forcer à la regarder. « Personne ne sait que tu es ici et Mai croit que je suis sortie. »
– Non… » répéta-t-il encore plus bas. Mais la flamme ardente dans ses yeux et la manière dont ses mains couraient maintenant dans le dos, sur les reins et sur les hanches d'Azula hurlaient le contraire.
– Je ferai ce que tu veux. Reste Zuzu, je t'en prie.
– Azula…, protesta-t-il, on ne peut pas...
– Reste. » C'était plus un ordre qu'une prière.
Il répondit par un profond soupir et la tira brusquement vers lui pour la faire asseoir sur ses genoux. Quand elle se fut installée face à lui à califourchon, il prit sa tête entre ses mains et commença à couvrir son visage de baisers empressés. Sur les joues, le front, le nez, le menton, la bouche, laissant à peine à Azula le temps de répondre.
« Zuko…, parvint-elle à susurrer à son oreille alors qu'il descendait dans son cou où il l'embrassa plus longuement, mordit un peu dans sa chair, faisant tressaillir Azula. En même temps, deux mains avides se déposèrent sur ses hanches et s'y cramponnèrent fermement, comme pour lui interdire toute retraite.
Il la hissa soudain plus haut sur ses cuisses. Son visage se trouvait maintenant à la hauteur de la poitrine d'Azula. Il l'y enfouit sans hésiter. Un gémissement étranglé s'échappa de la gorge de la princesse quand il commença à presser des lèvres brûlantes et impatientes entre ses deux seins.
Sans vraiment savoir ce qu'elle faisait, elle porta instinctivement ses mains tremblantes à sa ceinture et commença à la dénouer. La robe s'entrouvrit, dévoilant une partie de sa poitrine nue.
Zuko l'aida en tirant sur les pans de sa robe qui retombèrent sur ses épaules et une main aux doigts nerveux mais avides se glissa sous la soie et se referma en coupe autour d'un sein qu'il commença à masser sous sa paume, sans interrompre ses baisers.
Son autre main traça des cercles sur ses reins, puis se faufila à son tour dans le col de la robe de chambre d'Azula.
Azula l'encourageait en glissant ses longs doigts aux ongles pointus dans ses cheveux, murmurant le nom de son frère, encore et encore.
Entre ses jambes, elle sentait croître le désir de Zuko. On n'entendait rien, excepté le bruits de ventouse des baisers de son frère et le souffle de plus en plus court d'Azula. Sa mésaventure au bord du canal lui semblait appartenir à un passé lointain ou à la vie de quelqu'un d'autre. Elle allait fermer les yeux pour s'abandonner à ces sensations inconnues mais terriblement plaisantes quand un grand bruit métallique résonna à travers le silence de la nuit.
Azula s'écarta d'un bond de son frère. Elle eut juste le temps de capturer l'expression horrifiée sur son visage avant de se retourner et de voir la porte grande ouverte.
Ty Lee se tenait dans l'encadrement, une expression de profonde consternation imprimée sur chacun de ses traits.
Un silence lourd et pesant s'ensuivit. Ce fut Azula qui le rompit.
« Oh Ty Lee, tu es là ! Je m'inquiétais de ne pas te voir revenir. Tu… tu peux entrer. Zuko allait s'en aller de toute façon. Il était venu me parler d'un nouveau décret à ratifier de toute urgence. N'est-ce pas Zuko ? »
Deux yeux gris affolés dévisagèrent la princesse puis descendirent vers Zuko, toujours assis sur le lit, à quelques centimètres de sa sœur, le visage empourpré.
Azula suivit la ligne du regard de son amie et ses yeux tombèrent sur sa propre poitrine. Elle devint écarlate en découvrant avec horreur le col largement échancré de sa robe de chambre et sa ceinture partiellement dénouée, qui exposaient largement ses seins et une partie de son ventre.
Elle referma précipitamment les pans de sa robe sur sa poitrine. En même temps, près d'elle, Zuko s'éclaircissait bruyamment la gorge.
« Oui, tout à fait… balbutia-t-il maladroitement en s'engouffrant dans le mensonge. Euh je… je te présenterai le texte corrigé demain et nous discuterons des aménagements que nous pouvons y apporter.
– P-parfait », répondit Azula en resserrant sa ceinture autour de sa taille.
Zuko se releva et traversa très vite la pièce, sans prendre la peine de jeter un regard en direction de Ty Lee.
Dans son empressement il fit tomber un objet sur le sol. Le tintement éveilla l'attention des trois personnes présentes dans la salle. Azula reconnut sa couronne que Zuko avait oubliée sur le lit.
Zuko se baissa mais Ty Lee fut plus rapide et s'en empara. Elle la regarda un moment avec curiosité et s'approcha d'Azula à qui elle la tendit sans un mot. La princesse la prit et regarda son frère se diriger vers la porte, profondément frustrée. Puis, elle se rappela soudain :
« Zuko ! Le passage ! »
Zuko, une main sur la poignée de la porte, se retourna tout à coup et ses yeux s'agrandirent d'horreur à l'idée de ce qui se serait passé si les gardes l'avaient vu sortir de chez Azula à une heure aussi tardive, une nouvelle fois.
Sans un mot il fit demi tour et avec un dernier regard pour sa sœur, il s'engouffra dans le passage d'où il était venu.
Restée seule avec Ty Lee, Azula tritura nerveusement la couronne entre ses doigts, incapable de lever les yeux vers son amie qui la dévisageait avec une intensité et une gravité qu'on ne lui avait jamais vues.
Un silence lourd et pesant s'installa entre elles, et enfla jusqu'à devenir assourdissant.
Aucune d'elles n'osait le rompre et Azula eut l'impression qu'elle allait se mettre à hurler si personne ne parlait.
Alors elle se lança :
« Comment s'est passée ta soirée ? Je t'ai cherchée au bord du canal mais tu n'y étais pas.
– Hikaru et moi vous avons perdus de vue sur la place où ce type bizarre est venu prononcer son discours. » Azula nota que sa voix était pleine d'une froideur inhabituelle « On est partis quand la foule a commencé à se disperser. Je me suis inquiétée pour toi. Est-ce que Kojiro était avec toi ? Nous ne l'avons pas retrouvé non plus. »
– Non, nous avons été séparés par la foule et comme je ne retrouvais personne, je suis allée sur les quais. Je vous ai attendus mais comme vous ne veniez pas, je suis rentrée. »
Comme toujours, le mensonge lui venait facilement.
« Et tu es tombée sur Zuko ? Ou bien t'attendait-il dans ta chambre ? » demanda-t-elle d'un air soupçonneux.
Ty Lee pouvait sembler naïve et superficielle au premier abord mais Azula la connaissait suffisamment pour savoir qu'elle pouvait aussi être très perspicace.
« Nous nous sommes croisés dans le couloir quand je suis rentrée et il m'a accompagnée jusqu'ici pour me parler de son décret. Je croyais bien qu'il ne partirait jamais ! » ajouta-t-elle d'un air exaspéré en levant les yeux au ciel.
« Je vois. Et ce décret était caché dans ta robe de chambre ou bien peut-être cherchiez-vous une plume pour le signer ?» ironisa la jeune guerrière.
Elle avait vu. Inutile de mentir.
Elles se regardèrent un moment, se jaugeant l'une l'autre, comme si elles se découvraient pour la première fois. Azula voyait nettement naître le dégoût et la déception dans les yeux gris de son amie.
Le silence se fit à nouveau.
« Azula… murmura Ty Lee au bout d'un moment. Le ton qu'elle employa était presque suppliant.
– Non. Ne dis rien Ty Lee ! coupa-t-elle sèchement. Ne dis pas un mot... »
Ty Lee obéit et baissa les yeux sur ses pieds chaussés de sandales montantes en cuir.
Azula lui tourna le dos, reposa sa couronne sur son chevet et se dirigea d'un pas raide vers la salle de bain.
Elle revint après une rapide toilette et sans regarder Ty Lee qui s'était assise sur son lit de camp, le dos bien droit, en tailleur. Elle marcha jusqu'à son lit et se glissa dans ses draps de soie.
Les yeux d'ambre croisèrent les yeux de brume. Chacune soutint le regard de l'autre pendant quelques secondes. Puis Azula saisit le rideau de son lit à baldaquin et tira vigoureusement dessus pour se dérober au regard accusateur et dépité de la seule amie qu'elle eût au monde.
Sur le chemin secret qui le ramenait à ses propres appartements, Zuko décida de faire une pause. Il s'assit contre le mur de pierre et se prit la tête dans les mains.
Il ne pouvait pas retrouver Mai maintenant. Pas dans l'état où il se trouvait. Il avait toujours le souffle court, son érection n'était pas retombée et il avait encore les narines pleines de l'odeur de ses cheveux : un mélange subtil d'épices, de jasmin et de fumée. Il pouvait encore ressentir dans ses mains la sensation enivrantes de ses formes pleines et la douceur de sa peau satinée.
Tu ne peux plus te mentir maintenant. Si Ty Lee n'était pas arrivée, vous l'auriez fait !
Que lui avait-il pris d'aller attendre Azula dans sa chambre en pleine nuit ?
Sur le moment, le mensonge qu'il avait inventé à l'attention de Mai lui avait semblé plausible et même futé. De toute façon, il avait seulement l'intention de parler avec Azula, de lui faire comprendre que son attitude provocatrice avait été inacceptable. Il ne pensait pas à mal.
Je voulais juste mettre les choses au point, c'est tout.
Mais à présent, il voyait bien que son mensonge n'était pas crédible. Et s'il n'avait pas le temps d'avertir Kadao avant que Mai ne le croise le lendemain ? Et si Mai, déjà méfiante, l'avait fait suivre d'une manière ou d'une autre ? Elle était le maître des espions du palais et elle-même ne manquait pas de compétences dans le domaine de la filature.
Tu n'as jamais eu l'intention de régler les choses avec Azula. Tu voulais simplement t'assurer qu'elle te revienne. Qu'elle ne se soit pas donnée à cet abruti que Ty Lee lui a présenté !
Oui. Il avait eu peur. Peur qu'un homme mal intentionné profite de sa petite sœur. C'était bien naturel non ? N'importe quel grand frère ferait cela, n'est-ce pas ? Et n'était-ce pas à la fois son rôle de frère aîné, et de Seigneur du Feu, de veiller à la vertu de la princesse ?
Vous avez peur qu'elle puisse désirer d'autres hommes que vous ?
La partie la moins reluisante de sa conversation avec Taïma, quelques heures plus tôt, lui revint en mémoire. Il avait été furieux contre la guérisseuse d'avoir osé proférer de telles insinuations.
La culpabilité le submergea d'un coup. Comment pourrait-il se regarder dans une glace ? Comment pourrait-il encore porter sa couronne maintenant ? Comment pouvait-on confier la responsabilité de la nation la plus puissante du monde à un homme aussi inconstant et aussi impulsif ?
C'était la faute de Taïma. C'est elle qui l'avait poussé à bout avec ses questions stupides !
En pénétrant dans les appartements d'Azula, il avait voulu se prouver qu'elle avait tort, que ses paroles ne l'atteignaient pas. Qu'il soit un peu possessif envers Azula ne prouvait absolument rien. Il allait attendre Azula, lui parler, la remettre à sa place et si elle essayait d'une façon ou d'une autre de le séduire, il anéantirait ses espoirs. Il lui montrerait que lui n'était pas un monstre ! Il n'était pas comme elle !
Il ferma les yeux pour lutter contre les larmes de rage qu'il sentait se former dans sa gorge. Il n'arrivait pas à penser à autre chose qu'à la blancheur éclatante du sein qu'il avait caressé, le goût de sa peau sous ses lèvres avides.
Il ne pouvait pas retrouver Mai maintenant. Pas dans cet état.
Pris d'un profond dégoût pour lui-même, il glissa lentement une main dans son pantalon et se soulagea sans cesser un instant de penser au corps interdit qu'il avait tenu entre ses mains.
Le corps de sa petite sœur.
Ty Lee ne pouvait s'empêcher, chaque fois qu'elle regardait ailleurs, de dévisager la princesse.
L'expression de son visage était aussi impénétrable que d'habitude mais parfois, Ty Lee aurait juré voir l'éclair d'un sourire l'illuminer. Un étrange sourire, à la fois prédateur et serein. Le genre de sourire qui ne pouvait apparaître que sur le visage d'une personne aussi complexe et torturée que l'était Azula.
Elles n'avaient plus échangé un mot à propos de l'étrange soirée où elle était rentrée, malade d'inquiétude après avoir perdu la trace de la princesse, pour la retrouver dans les bras de son frère, dans une étreinte qui n'avait décidément rien de fraternelle.
Il lui était difficile de lutter contre le sentiment de répulsion et de trahison qui s'était insinué en elle à la seconde où elle avait compris que depuis le début, Azula lui mentait pour couvrir le fait qu'elle désirait son propre frère.
Et dire qu'elle l'avait soutenue ! Qu'elle l'avait conseillée et qu'elle lui avait expliqué comment le séduire. Ty Lee se sentait souillée, trahie et manipulée.
Ce n'était pas un sentiment nouveau pour elle quand il s'agissait d'Azula.
Tout à coup le comportement fuyant du mystérieux élu, qui l'avait tant indignée au départ, quand Azula lui avait rapporté la scène, faisait sens.
Zuko avait eu raison de la repousser. Sans doute s'y était-il pris maladroitement. Et il n'aurait pas dû la laisser se morfondre seule dans sa chambre où elle avait peu à peu basculé dans la dépression.
Oui il avait manqué de discernement mais elle pouvait comprendre son rejet. Que pouvait penser un homme à qui sa sœur avait fait de telles avances ?
Mais à la fin, Zuko ne valait pas mieux que sa sœur. Sur le chemin du retour, elle n'avait cessé de penser à la révélation muette d'Azula, sur la petite place, au moment où Ty Lee avait enfin compris.
Comment avait-elle pu être si lente à comprendre ce qui sautait aux yeux de tout le monde ? Ty Lee, avec son légendaire optimisme et sa naïveté tout aussi notoire, n'avait pas voulu reconnaître les signes, les indices de la relation sinistre et tordue qui était née peu à peu entre le frère et la sœur. Qui aurait pu prévoir que des cendres de leur haine et de leur rivalité, naîtraient le désir et une passion destructrice ?
Ils n'avaient jamais pu avoir des sentiments normaux l'un pou l'autre.
C'était tout Azula. Elle ne pouvait faire les choses qu'extrêmement, absolument.
En regardant, depuis le divan, la princesse, agenouillée devant la table basse occupée à rédiger des lettres dans le patio ensoleillé, Ty Lee se dit, encore une fois, qu'elle aurait pu deviner.
Après tout, de nombreuses raisons pouvaient avoir poussé Azula à rechercher l'amour et le bonheur dans les bras de son frère.
Il était beau, intelligent, puissant. Il avait le pouvoir après lequel Azula avait toujours couru. Mais il était aussi bon avec elle, généreux et affectueux. Il l'avait pardonnée, soignée, s'était montré patient et aimant quand elle était au plus bas.
Bien qu'elle ait suscité l'admiration de tous, Azula avait cruellement manqué d'amour dans sa vie.
Ce n'était plus un secret pour personne. Nul n'ignorait que l'indifférence puis l'abandon de sa mère avaient profondément blessé la princesse. Même si Azula ne parlait plus guère d'Ursa, Ty Lee savait que c'était une plaie qui ne cicatriserait jamais. Quant à l'amour d'Ozai...ce n'était pas de l'amour. C'était un intérêt malsain, une obsession dangereuse et mortelle qui avait conduit Azula au bord de la folie.
Oui, elle pouvait comprendre.
Mais Zuko ?
Toute la soirée, pendant qu'Hikaru essayait d'attirer son attention par tous les moyens, elle était restée distante, incapable de penser à autre chose qu'aux deux membres restant de la famille royale.
Comme elle n'arrivait pas à profiter de la soirée, elle s'était excusée auprès d'Hikaru et, après l'avoir embrassé doucement sur les lèvres, elle lui avait annoncé son intention de retrouver son amie qu'elle s'inquiétait d'avoir perdue de vue.
Le jeune militaire n'avait pas vraiment fait d'efforts pour masquer sa déception et l'avait laissée partir à contrecœur, après lui avoir fait promettre qu'ils se reverraient. Il était rentré chez lui, sans se soucier de Kojiro qui avait disparu lui aussi.
Enfin seule, elle avait regagné le passage souterrain qui devait la ramener dans le palais et avait pu réfléchir à loisir à sa découverte. Peut-être s'était-elle trompée ? Peut-être avait-elle mal interprété l'expression sur le visage d'Azula ?
Toujours est-il que si elle avait vu juste, elle pouvait au moins se rassurer en se disant que jamais Zuko n'encouragerait les fantaisies d'Azula. Certes la princesse serait inévitablement blessée. Mais on se remet d'un chagrin d'amour.
Zuko avait peut-être été un peu faible sur le moment, et maladroit. L'alcool n'avait pas dû aider. Mais il était heureux avec Mai. C'était un homme fiable malgré son tempérament emporté et un souverain avisé et accompli. Elle ne doutait pas qu'il ne laisserait plus jamais ce genre de situation se reproduire. Il y veillerait.
Il était donc impossible de décrire sa consternation, son effroi et sa profonde déception quand elle était rentrée dans les appartements d'Azula et qu'elle avait surpris Zuko, le visage littéralement enfoui dans la poitrine de sa sœur, comme un homme affamé, une main appuyée fermement contre ses reins, l'autre fouillant avidement dans sa robe.
Et Azula, lascive, agrippant fermement la tête de son frère pour le maintenir contre elle.
Son estomac se retourna, comme chaque fois qu'elle y pensait.
Elle ne serait pas complice de ce crime.
Elles n'en avaient pas parlé. Azula avait soigneusement évité le sujet.
Cela faisait trois jours.
Tout ce qu'elle avait bien voulu lui raconter de cette soirée, c'était le discours horrifiant du mystérieux orateur sur la place où leur petit groupe s'était séparé.
Les Fils d'Agni inquiétaient beaucoup Azula.
« On ne peut pas laisser de tels agitateurs mettre en péril le pouvoir et la réputation de Zuko. C'est de la sédition ! », avait-elle dit vigoureusement à une Ty Lee qui l'écoutait patiemment, pour la troisième fois, lui rapporter les paroles du discours nauséabond qui avait été prononcé ce soir-là.
Une réputation que tu ne fais que confirmer en essayant de le séduire.
Ty Lee n'oserait jamais formuler un tel reproche à voix haute. Elle savait que c'était un terrain miné et elle ne voulait pas risquer de gâcher son amitié avec Azula en soulignant à quel point elle était folle de seulement imaginer qu'elle pût devenir la maîtresse de son frère.
– Je ne crois pas qu'il faille vraiment s'en inquiéter, répondit Ty Lee, pour la dixième fois au moins en trois jours. Ce n'est qu'un groupuscule qui pour le moment se contente de manifestations pacifiques.
– Tu n'étais pas là Ty Lee ! Ce n'était pas pacifique ! Quand la garde impériale est arrivée, crois-moi, ils se sont défendus ! Ça a créé un vrai mouvement de panique ! J'en sais quelque chose ! » rappela-t-elle en désignant sa cheville qui était maintenue dans une attelle.
Ty Lee n'avait pas insisté, ne voulant pas pointer les incohérences d'Azula. Trois jours plus tôt, elle ne se souciait guère de politique et pas une fois depuis son arrivée, la princesse ne lui avait parlé des troubles qui agitaient le royaume de la Terre et la Capitale.
A présent, c'était devenu leur unique sujet de conversation. Cela et…
« Tu as des nouvelles de Kojiro ? » demanda Azula en glissant sa lettre dans une enveloppe qu'elle scella à l'aide d'une cire qu'elle fit fondre à avec sa propre maîtrise.
Le ton était dégagé, presque indifférent. Mais Ty Lee remarqua comment la princesse avait levé les yeux vers elle, trahissant un intérêt réel pour cette question qu'elle lui avait déjà posée une fois.
– Non, toujours pas. Hikaru ne l'a pas revu depuis notre soirée. Mais il n'est pas inquiet. Apparemment ça lui arrive souvent de disparaître pendant quelques jours.
– Très bien », dit Azula en s'emparant à nouveau de son pinceau pour noter l'adresse sur l'enveloppe qu'elle venait de sceller.
Ty Lee fronça les sourcils. Pourquoi Azula se souciait-elle de ce qui était arrivé à Kojiro alors qu'elle avait saisi la première occasion pour lui fausser compagnie ? Tout cela pour se jeter dans les bras de son frère.
L'acrobate était certaine que cet intérêt pour le jeune militaire n'avait pas grand-chose à voir avec ses charmes, bien qu'elle-même n'y eût pas été indifférente. Elle se demanda une nouvelle fois ce qu'Azula lui cachait à propos de cette étrange nuit.
Un long silence les enveloppa durant lequel Ty Lee regarda Azula reposer soigneusement l'enveloppe à côté d'elle sur la petite table et se saisir d'un nouveau parchemin qu'elle recouvrit de sa fine écriture nette et soignée.
Azula fut plus longue à écrire cette deuxième lettre qui semblait lui demander une intense réflexion. Plusieurs fois, elle leva son pinceau et contempla pensivement le plafond avant de reprendre son travail, comme si elle recherchait l'inspiration.
Ty Lee s'allongea sur le divan et attendit. Elle s'amusa pendant un moment à suivre des yeux le petit miroitement de soleil que la couronne d'Azula faisait danser sur le mur tandis qu'elle écrivait, la tête penchée sur son parchemin.
C'était aussi quelque chose de nouveau. Depuis son arrivée, Ty Lee n'avait guère vu Azula porter le trident en forme de flamme qui ornait sa chevelure sombre. Elle gardait la plupart du temps ses cheveux lâchés ou attachés dans un chignon négligé, sans ornement particulier, comme si elle s'était jugée indigne du titre que l'ornement représentait.
Elle se demanda si cette soudaine coquetterie était liée à ce qui s'était passé avec Zuko.
Dans moins d'une semaine, Ty Lee devrait repartir. Mais elle commençait à considérer la possibilité de s'en aller plus tôt. Manifestement, Azula n'avait plus besoin d'elle.
Elle ne se cachait plus dans sa chambre et se promenait dans les allées du château avec l'assurance qu'elle lui connaissait autrefois, donnant des ordres aux gardes et faisant des remontrances aux serviteurs qui s'inclinaient très bas, terrifiés à l'idée de déplaire à la princesse.
Ty Lee avait cherché à voir Mai mais cette dernière prétendait être trop occupée pour la recevoir. La jeune acrobate en était blessée mais elle se résonna en songeant que si Mai avait eu connaissance des frasques de Zuko, il n'était pas si surprenant qu'elle fît preuve de froideur envers celle qui était si loyale à sa rivale.
Que se seraient-elles dit de toute façon ? Azula et Zuko étaient indéfendables. Et pourtant elle sentait qu'elle n'aurait pas supporté de participer au procès de sa meilleure amie.
Zuko l'évitait soigneusement depuis qu'elle les avait surpris. Elle-même n'était pas pressée de le voir. Tout ce qu'elle ressentait à son encontre en ce moment, c'était du dégoût et du mépris.
Un bruit de papier froissé la tira de ses pensées. Azula avait fini d'écrire sa deuxième lettre et de sceller l'enveloppe qui la contenait.
Elle appela le valet qui se trouvait dans l'entrée et qui s'inclina très bas devant elle.
« Tu porteras cette lettre au Général Kadao. Dis-lui que c'est une information urgente qui ne souffre aucun délai ! », ordonna-t-elle en lui tendant la première enveloppe.
Le valet s'inclina une nouvelle fois et se saisit du pli.
« Et la deuxième, Princesse ? A qui dois-je la transmettre ? »
Azula regarda la lettre un petit moment comme si elle hésitait à la lui donner. Elle la serra brièvement contre elle. Le mouvement avait été si furtif que Ty Lee se demanda si elle ne l'avait pas imaginé.
Finalement Azula la tendit au jeune homme :
« Tu l'apporteras à Zuko. Tu t'assureras qu'elle lui soit remise en mains propres. Je veux que personne d'autre ne la voie.»
Ty Lee releva aussitôt la tête et ses yeux tombèrent dans ceux d'Azula qui évita son regard. Elle vit le malaise sur les traits de la princesse et nota la teinte un peu rose qu'avaient pris ses joues.
« Bien Princesse. » répondit respectueusement le valet.
Ty Lee le regarda s'incliner profondément devant elles et quand il se redressa, une bizarrerie dans son visage l'interpella, comme une dissymétrie. Elle ne comprit pas tout de suite ce qui clochait dans cette figure impénétrable. Ce fut seulement quand il fut sorti en passant par les arcades menant à la porte qu'elle comprit :
« Tu as vu ses yeux ?, demanda-t-elle distraitement.
– Quoi donc ? dit Azula qui n'avait manifestement pas plus prêté attention au valet que s'il avait été une mouche importune.
– Ils n'étaient pas de la même couleur... » répondit Ty Lee du même ton distant.
– Et ... ? Depuis quand la couleur des yeux des serviteurs nous intéresse-t-elle ? A moins que la racaille soit ta nouvelle lubie ? Je pensais que le palefrenier avait suffi à t'en dégoûter.»
Le ton d'Azula était plein du mépris qu'elle avait toujours manifesté envers les gens d'un rang inférieur.
Ty Lee ne savait pas s'il fallait s'en inquiéter ou non. Certes, elle préférait cela à la version déprimée d'Azula. Mais cette nouvelle assurance la rendait moins vulnérable, moins compréhensive. Moins humaine en un mot.
Depuis trois jours, il semblait qu'Azula soit redevenue le monstre de froideur qu'elle était à l'adolescence. Elle n'avait pas eu une parole amicale pour Ty Lee et lorsqu'elles se couchaient, Azula dans son grand lit royal, Ty Lee dans son lit de camp installé auprès de celui de la princesse, elles ne parlaient guère.
Dès qu'elle s'était glissée sous les couvertures en soie, Azula fermait les rideaux de son baldaquin et lui tournait le dos, s'enfermant dans le silence.
« Laisse tomber, ce n'est rien... dit finalement Ty Lee qui cessa aussitôt de penser au valet. Que dirais-tu d'une partie de Pai Sho ?, proposa-t-elle finalement pour détendre l'atmosphère.
– Allons plutôt au spa royal. Mes ongles n'ont pas été entretenus correctement depuis des semaines. Nous en profiterons pour discuter de ton soudain intérêt pour les petites gens. Il faut absolument y remédier avant que tu nous pondes un petit bâtard ! »
Un sourire s'étala sur les lèvres de Ty Lee, sincère. Et, décidant de mettre ses inquiétudes de côtés pour un moment, elle suivit la princesse qui se levait déjà et elles prirent ensemble la direction du spa royal.
Une gerbe de feu longue de plusieurs mètres illumina momentanément la cour d'entraînement plongée dans l'obscurité.
Elle fut suivie d'une succession de faisceaux aveuglants qui jaillirent de ses poings qu'il lançait compulsivement en avant, comme lors d'un combat.
Le vacarme causé par les explosions était si assourdissant qu'il couvrait ses beuglements de rage.
La fureur qui s'était emparée de lui cet après-midi là au moment où Kadao, le visage sombre, lui avait tendu la lettre en provenance de Ba Sing Se, ne l'avait pas quitté un instant.
Si Kuei voulait la guerre, alors il l'aurait.
Ses yeux s'étaient agrandis d'horreur quand il avait parcouru le document officiel, signé par le Roi de la Terre, qui exigeait l'extradition immédiate de la Princesse Azula. Cela au motif du non-respect d'une close remontant à trois longues années.
Il aurait pu faire le choix d'ignorer cette lettre. Après tout, rien n'autorisait Lu Fang et ses troupes à fouler le sol de la Nation du Feu, encore moins à venir enlever la princesse.
Mais les menaces qui accompagnaient la demande le mettaient au pied du mur.
La mine sombre, il se remémora sa discussion avec le Général Kadao le jour-même.
« Comment pouvez-vous ne serait-ce que suggérer que je cède à un chantage aussi ignoble, Général ?
– Je ne suggère rien de tel Sire. Je dis seulement que nous devons prendre au sérieux leurs menaces. Le retrait des forces de police de Kuei dans les colonies est une catastrophe pour nous. Nos colons sont désormais exposés sans protection à la vindicte populaire.
– N'avons-nous pas envoyé des troupes pour pacifier la région ? Et le Lotus Blanc ?
– Malheureusement nos seules forces ne suffisent pas à combler le vide laissé par les troupes de Lu Fang.
– Alors envoyez plus d'hommes ! ordonna Zuko.
– Cela ne me paraît pas prudent, Sire. Il me semble nécessaire que nous conservions des troupes ici, à la Capitale. Des troubles de plus en plus fréquents m'ont été rapportés récemment. Les Fils d'Agni gagnent en popularité et…
– Je refuse de laisser ces fanatiques m'intimider, Général ! Ne leur accordons aucun crédit !
– Je ne suis pas d'accord, Sire. D'après mes sources, les Fils d'Agni commencent à troubler l'ordre public et leur propagande est fondée sur l'avilissement de votre image. Votre popularité se dégrade un peu plus chaque jour en le peuple est peu à peu encouragé à la sédition.
– Cela peut attendre. Il sera toujours temps d'appréhender les agitateurs plus tard. Pour le moment, l'urgence est de sécuriser les colonies et de protéger Azula.
– Sire, le retrait des troupes n'est pas notre seul problème. Il semblerait que Lu Fang ait organisé une vaste campagne de propagande dans les colonies. La stratégie qu'ils semblent viser est de… et bien…
– Quoi ? Parlez Kadao !
– Vous savez à quel point la princesse est détestée dans le Royaume de la Terre. Beaucoup de colons la tiennent également pour responsable des exactions commises par la Nation du Feu pendant la guerre et notamment de la destruction de leurs maisons ou de leurs récoltes.
– Et donc quoi ? Ils utilisent l'image d'Azula pour monter les colons et les autochtones contre nous ?
– Entre autre. Mais c'est encore plus grave que cela... » répondit Kadao qui sembla très gêné tout à coup. « En vérité, ils utilisent les rumeurs au sujet de vos relations avec la princesse pour jeter le discrédit sur vous. »
Zuko pâlit. L'implication était trop claire.
Kadao poursuivit : « Le fait que le peuple croie en de telles abominations est très préoccupant pour l'image dont vous jouissez dans les colonies. Les gens s'inquiètent de vous voir devenir si proche de celle qui a mis à genoux leur plus grande cité il y a cinq ans. »
Pour l'énième fois, Zuko s'émerveilla de constater l'ampleur qu'avaient pris les rumeurs, au départ simples bruits auxquels personne n'accordait beaucoup de crédit.
Comment une soirée trop arrosée, sans témoin, au cours de laquelle Azula et Zuko avaient seulement laissé les choses déraper un peu, avait-elle pu aboutir sur un conflit ouvert en si peu de temps ?
Zuko ne put s'empêcher d'éprouver un profond ressentiment à l'égard de Mai. Ils n'en seraient pas là si elle n'avait pas essayé d'intriguer pour se débarrasser d'Azula.
Ce sentiment fut aussitôt chassé par la culpabilité quand il se rappela comment il avait à nouveau trahi la confiance de Mai en cédant à ses désirs l'autre soir dans la chambre de sa sœur.
S'efforçant de revenir à la conversation, il s'adressa à son général : « Que gagnerions-nous à livrer Azula ? » Il utilisa un ton péremptoire afin de rendre bien clair qu'un tel scenario n'était pas envisageable mais qu'en tant que souverain, il tenait à explorer toutes les possibilités.
– Lu Fang promet de rétablir l'ordre dans les colonies en renvoyant ses troupes et même d'envoyer du renfort si nous leur livrons la Princesse.
Zuko cligna des yeux en signe d'incompréhension.
« Lu Fang est prêt à prendre le risque d'une guerre civile ET d'une guerre contre nous simplement dans le but d'obtenir la tête d'Azula ?
– Je pense que vous n'imaginez pas ce que la princesse représente pour les habitants et les dirigeants du peuple de la Terre, Sire. Votre sœur incarne en quelque sorte l'oppression et la tyrannie que la Nation du Feu a exercées sur les autres nations du temps de votre père et de vos aïeux. Elle est en quelque sorte un bouc émissaire dont ils comptent se servir pour obtenir la confiance et la passivité de leur peuple.
– Elle était une enfant ! Elle n'avait pas quinze ans quand elle a fait tomber Ba Sing Se ! Et c'était un coup d'état sans violence ! Mai, Ty Lee et moi sommes tout autant responsables de la chute de Ba Sing Se, sans parler du Dai Li ! Et personne ne nous menace ! Les anciens agents de Long Feng qu'Azula a corrompus dorment bien tranquillement dans des draps de soie dans le palais de Kuei alors qu'ils sont les premiers à l'avoir trahi !
– Je comprends Sire et vous avez raison bien sûr. Malheureusement, nous nous trouvons dans une impasse. Lu Fang a trouvé un moyen de retourner votre propre peuple contre vous en vous faisant porter la responsabilité de l'insécurité qui règne dans les colonie. Il espère aussi probablement attiser la colère de nos citoyens dans la Capitale par la même occasion.
– Par quel moyen ? L'interrogea Zuko que toutes ces subtilités politiques épuisaient.
– En laissant l'insécurité régner dans les colonies, il encourage l'afflux de réfugiés venus vers la Capitale. Les citoyens ont peur de ces migrants et craignent qu'ils leur volent leur travail et leurs terres. C'est pourquoi je ne serais pas trop prompt à prendre à la légère la menace des Fils d'Agni qui profitent de ce climat pour monter en popularité.
– J'entends bien. Kadao, réunissez le Conseil des Sages. Nous devons trouver un moyen de protéger les migrants de la colère des habitants de la capitale. Aang et les autres ne devraient plus tarder. Avec eux nous trouverons une solution.
– A vos ordres, Sire. Et que fait-on pour la princesse ?
Le visage de Zuko s'assombrit plus encore si toutefois cela était possible.
« Azula reste ici avec moi. Quiconque la menacera répondra de sa vie ! Faites passer le message à tous mes ennemis, Général. »
Une ombre passa dans le regard de Kadao qui reprit aussitôt une expression impassible. Il salua le Seigneur du Feu en appliquant son poing contre sa paume et après une courbette, il tourna les talons et quitta la pièce.
La lettre donnée par Kadao se trouvait maintenant dans la poche intérieure de sa veste et il lui fallut toute la force de sa volonté pour résister à la tentation de la réduire en cendres aussi sûrement que le mannequin qui s'était trouvé devant lui quelques secondes plus tôt.
Il tenait à la garder pour la montrer au conseil des Sages qui se réunirait le lendemain soir, ainsi qu'à Aang quand il reviendrait avec Sokka, Suki et Katara.
Soudain il repensa à une autre lettre, cachée depuis trois jours dans le tiroir de son écritoire, soigneusement fermé à clé. Une lettre à la calligraphie parfaite, écrite par une main experte aux ongles longs. Une lettre qui sentait le jasmin et contenait des promesses aussi séduisantes que monstrueuses.
Il se rappela sa grande confusion quand il avait reçu la missive. Il lui avait fallu plusieurs heures pour décoder le message crypté qu'Azula lui avait envoyé. Zuko s'était longuement creusé les méninges pour se remémorer le code que lui et Azula avaient inventé dans leur enfance pour communiquer. Après avoir fouillé des heures dans son coffre, il avait retrouvé un trésor inestimable : le carnet qui contenait les détails et expliquait le fonctionnement de leur code.
C'était bien sûr Azula qui avait eu l'idée d'inventer ce code. Elle ne devait pas être âgée de plus de sept ans lorsqu'elle était arrivée dans sa chambre, ce carnet à la main, pour lui expliquer comment déchiffrer ses messages secrets.
« Comme ça, nous pourrons communiquer, toi, Mai, Ty Lee et moi, sans que maman n'en sache rien ! »
Aujourd'hui il s'émerveillait de l'ingéniosité et de l'intelligence dont elle avait su faire preuve alors qu'elle n'était encore qu'une si petite fille. Le code avait été terriblement difficile à décrypter bien qu'il eût le mode d'emploi sous les yeux.
Voici ce que disait le message camouflé sous le mystérieux poème totalement hermétique composé par Azula :
Viens me retrouver le septième jour du mois dans les anciens appartements de Père. Je te donnerai ce que tu attends. Affectueusement.
A.
Le septième jour du mois. C'était dans trois jours. Zuko ne comprenait pas très bien pourquoi Azula lui donnait rendez-vous à cette date et dans cet endroit pour le moins inattendu.
Les appartements de l'ancien Seigneur du Feu n'avaient pas été occupés depuis le départ d'Ozai. Zuko n'avait pas souhaité s'y installer, ne supportant pas l'idée de dormir dans le même lit que son tyran de Père. Il avait préféré établir ses quartiers dans son ancienne chambre.
Un reste de superstition, peut-être, le tenait à bonne distance de cette pièce que même les domestiques n'osaient approcher et que l'on n'entretenait plus depuis des années, comme si les lieux avaient été frappés de quelque malédiction. Il imaginait aisément la couche de poussière qui devait recouvrir les meubles et les draps de soie abandonnés près de cinq ans auparavant.
Pourquoi Azula voudrait-elle le retrouver dans un lieu aussi sinistre ? A part peut-être pour s'assurer de ne pas être vus ?
« je te donnerai ce que tu attends »
Il ne savait pas quoi en penser. Un mélange confus d'émotions l'avait submergé quand il avait lu le message pour la première fois. La peur, la sidération, l'excitation, le dégoût…
Il avait d'abord pris le parti d'éviter Azula.
Elle devait attendre une réponse sans doute. Mais il voulait se donner le temps de réfléchir. Peut-être savait-elle qu'il hésiterait et était-ce pour cela qu'elle lui avait donné un tel délai.
Il savait que s'il se rendait à ce funeste rendez-vous, les choses échapperaient à son contrôle. Son comportement de l'autre nuit l'avait suffisamment prouvé. Et le doute n'était plus permis concernant les intentions d'Azula.
Quand il repensait à la manière dont il avait touché, étreint, caressé le corps de sa sœur, la honte le paralysait. Mais le souvenir faisait aussi monter en lui une vague de désir et d'excitation qu'il lui était difficile de contrôler.
Il se frappa le front et enfonça ses doigts dans ses orbites en se rappelant de ses derniers ébats avec Mai, la veille. Il avait beau aimer sa femme et la trouver parfaitement désirable, ce n'était pas à ses seins à elle qu'il avait pensé en la caressant sous sa chemise de nuit. Ce n'était pas à sa bouche qu'il avait songé en l'embrassant. Et quand il s'était enfin enfoncé en elle, ce n'était pas la pensée de Mai qui l'avait mené au paroxysme du plaisir.
Il lui restait trois jours pour répondre à Azula. Il savait qu'elle guettait sa réponse. Il le voyait aux regards furtifs qu'elle lui lançait pendant les repas qu'ils partageaient dans une atmosphère glaciale avec Mai et Ty Lee qui regardait avec effroi ses vieux amis manger en silence. Seul le bruit des baguettes frappées contre les bols et le son du vin que l'on versait dans un verre venait troubler ce silence pesant.
Azula était réapparue comme par magie à leur table, dès le lendemain de leur dernière rencontre. Un petit air suffisant parfaitement exaspérant s'étalait sur son beau visage et Zuko n'avait rien pu avaler, guettant ses regards et chacune de ses paroles.
Finalement Azula s'était tenue aussi bien que possible, même s'il l'avait vue une fois ou deux marmonner quelque chose pour elle-même ou secouer violemment la tête, comme si une mouche importune l'avait gênée.
Il repensa aux inquiétudes de Taïma qui lui avait dit qu'Azula recommençait à présenter les signes cliniques de sa maladie. L'angoisse lui serrait le cœur lorsqu'il y pensait.
Heureusement pour le moment, les symptômes restaient légers et Azula semblait garder le contrôle sur la maladie. Et elle n'avait pas fait le moindre sous-entendu devant Mai.
Il était bien déterminé à ne pas se rendre au rendez-vous. Il ne céderait pas une nouvelle fois à ses vils instincts. Il ne donnerait pas raison à ses ennemis qui espéraient entamer sa crédibilité en instrumentalisant sa relation avec Azula.
Azula comprendrait. Elle était celle qui lui avait conseillé la modération lorsque des voix s'étaient élevées pour réclamer sa tête des mois auparavant. Elle avait consciemment renoncé à son pouvoir pour asseoir l'autorité de son frère.
Elle était suffisamment intelligente pour comprendre qu'une liaison aussi scandaleuse causerait leur perte à tous les deux.
Il s'y prendrait mieux cette fois. Il ne la repousserait pas aussi brutalement. Il ne la laisserait pas seule. Il la réconforterait et lui jurerait sa loyauté et son amour.
Elle se consolerait. On se console toujours.
Pour l'instant, sa priorité était de la protéger contre ses ennemis. D'après Kadao, elle en était cernée : tout le Royaume de la Terre rêvait de verser son sang, les colons la tenaient pour responsable de leur situation précaire. Mai la haïssait et rêvait qu'il se débarrasse d'elle.
Il ne la livrerait pas, quel qu'en soit le prix.
La rage afflua à nouveau en lui et il s'élança dans les airs, jetant son pied en avant. Un jet de flammes brûlantes en sortit et atteignit sa cible : un mannequin pendu au mur à plusieurs mètres du sol.
Atterrissant avec grâce sur le sol poussiéreux de la cour d'entraînement, Zuko le regarda s'embraser et tomber vers la terre en une pluie de cendres.
Si Kuei voulait la guerre, il l'aurait.
