Petite note : j'ai changé le rating de l'histoire pour du T car j'ai l'intention de pimenter un peu la relation entre Lizzie et Darcy :) Bonne lecture!

Chapitre 7

Ce n'est qu'un au revoir

La fin du mois de février approchait à grands pas. La neige était presque complètement disparue et, puisque les journées s'allongeaient et la température se réchauffait, Lizzie fut bientôt capable de faire ses promenades tous les jours. La pluie était souvent au rendez-vous, mais la plupart des journées offraient assez de soleil pour que la maisonnée vaque à ses occupations, préparant les jardins, terrasses, potagers, haies et statuts pour la venue du printemps. Lorsqu'elle avait visité Pemberley pour la première fois, Elizabeth n'avait eu le loisir que de rester à proximité de la demeure principale parmi les grands arbres et les espaces destinés à la marche. En explorant un peu plus les environs, elle découvrit un univers de richesses qui la comblait d'un grand bonheur. Derrière l'écurie, qui se trouvait à plus d'une centaine de mètres à l'arrière de la maison, s'élevait un grand mur de pierre recouvert de branches de vigne. À l'abri des regards, un énorme potager remplissait tout l'espace. Séparé en carré de dimension accessible de tous les côtés, les lots de terre fraîchement retournée renfermeraient de nombreux légumes d'ici quelques mois. Plus loin encore, en descendant un petit escalier de pierre, un chemin donnait accès à un verger où les pommiers, pruniers, abricotiers, cerisiers et poiriers étaient symétriquement alignés. Un peu plus loin encore, de petits plants de bleuets, mûres et de framboises s'alignaient sagement loin de l'ombre que leurs voisins imposaient. Se promenant dans ce labyrinthe d'arbres, Lizzie ne put s'empêcher de songer à l'atmosphère qu'un tel endroit devait dégager lorsque les bourgeons étaient éclos, offrant un spectacle magnifique de fleurs roses et blanches embaumant l'air d'un parfum sucré. Une tristesse immense la submergeait lorsqu'elle songeait à la longue absence qui s'imposait à elle pour le prochain mois; Londres ne renfermait pas de telles beautés, elle en était certaine. Pourquoi la Saison devait-elle être produite pendant les plus beaux mois de l'année? En poursuivant vers l'est, laissant derrière la silhouette majestueuse de Pemberley, les champs de labour commençaient et s'étendaient à perte de vue. En mettant sa main en visière, elle put apercevoir un petit village central et, un peu partout, de basses maisons qui avait assurément fonction de résidences pour les fermiers.

Lorsqu'elle s'était renseigné sur la grandeur des bois qui s'étendaient face à la résidence, on lui avait répondu qu'un grand terrain de jeu était entretenu chaque année par-delà les arbres d'un côté et que, de l'autre, se trouvait des terres plus sauvages ponctués de quelques chemins pour les balades à cheval. La propriété se terminait aux falaises à cet endroit, mais personne ne s'y rendait jamais, vu la considérable distance à parcourir. La route principale, par laquelle les invités arrivaient, s'étiraient jusqu'à Lampton et décrivait la frontière de ce côté. Songeant mentalement à tout cela, Elizabeth avait alors une image plutôt précise des avoirs de son époux en termes de superficie et ce n'est pas sans étonnement qu'elle considéra un tel étendu.

Pendant qu'elle attendait le retour de Darcy, Lizzie s'était mise à la confection d'une poupée pour la petite Sophie. La vue du haillon que l'enfant avait tenu dans ses bras le soir où elle avait visité le quartier des domestiques l'avait profondément marquée et, sans plus attendre, elle avait commandé les matériaux nécessaire. Elle n'était pas aussi talentueuse que Jane dans les travaux fins, mais, en s'appliquant particulièrement, Elizabeth réussit à reproduire une réplique de la poupée de la chambre bleue. Elle cousu quelques vêtements avec des retailles de tissus de ses propres robes et termina son œuvre en prenant un soin tout particulier aux traits du visage. Lizzie n'était retourné qu'une fois dans la chambre bleue pour y reporter le journal. Mal à l'aise de transgresser à nouveau cette pièce interdite par son mari, elle s'était résolu à l'éviter et à s'enquérir auprès de Darcy de la signification de l'endroit à ses yeux. Maintenant qu'ils s'entendaient à nouveau, elle n'avait surtout pas envie de créer de nouvelles querelles!

Un après-midi, alors que la journée était particulièrement clémente et qu'Elizabeth en profitait pour prendre un peu d'air, Sophie insista pour lui montrer la toute nouvelle portée de chiots qui venait de naître. Curieuse et touchée par l'enthousiasme de la fillette, la maîtresse de Pemberley la suivit jusqu'au chenil qui se trouvait un peu plus loin à l'ouest de l'écurie. Les aboiements fusèrent lorsqu'elles s'approchèrent de l'endroit et un homme apparut aussitôt pour leur montrer l'emplacement des nouveau-nés. Elizabeth s'étonna de leur petite taille, souriant béatement devant le spectacle des chiots se battant les uns contre les autres afin de trouver une place pour téter à leur mère.

-'Il sera possible de les prendre d'ici quelques jours, mais pour l'instant il faut les toucher le moins possible.' Expliqua Sophie, toute sérieuse. 'Mr Birk dit que si l'on prend un chiot qui vient de naître, on laisse notre odeur sur lui et la maman pourrait le rejeter.'

Après quelques instants à les observer, Elizabeth se tourna vers le maître des chiens et lui demanda : 'Qu'allez-vous en faire lorsqu'ils seront sevrés?'

-'Ce sont des chiens de chasse, Madame.' Répondit Mr Birk d'une voix fière. 'Des Fox-hounds anglais. Mr Darcy sera heureux d'en avoir de nouveaux.'

-'Oui, il est vrai qu'il affectionne particulièrement les chiens.' Commenta Lizzie en se remémorant ce détail avec un petit sourire. 'D'ailleurs, j'aimerais m'entretenir avec vous à ce propos. J'aimerais faire un présent à mon époux et lui offrir un chien de race spéciale.'

Elle lui expliqua l'animal qu'elle cherchait, ayant oublié le nom, mais ayant déjà entendu son mari en parler quelques semaines auparavant. Les yeux de l'homme s'ouvrirent sous l'effet de la surprise.

-'Madame veut parler des Lévriers Irlandais?'

-'C'est exact! Ceux-là même.'

La mine du maître des chiens s'assombrit. 'De belles bêtes. Cependant, je crains que l'obtention de ces créatures ne soit compliquée; il n'y en a plus beaucoup.'

-'Pouvez-vous tout de même vous renseigner, je vous prie? J'aimerais tant lui faire cette surprise.'

Mr Birk s'inclina. 'Je ferai mon possible, Mrs Darcy.'

Après avoir pris congé, Sophie et Elizabeth remontèrent le chemin principal. L'enfant, qui s'était beaucoup plus ouverte depuis leur première rencontre, lui racontait une histoire concernant un chien errant qu'elle avait nourri l'année dernière lorsqu'un hennissement de cheval se fit entendre, suivi d'un grand fracas. Des cris s'élevèrent alors que des hommes se précipitaient vers l'écurie et, sans attendre, Lizzie les imita en retroussant le bas de sa robe pour plus d'amplitude de mouvement. Arrivée, elle remarqua le groupe de personne qui s'était rassemblé autour d'un point et reconnu Mr Brown, le visage livide, agenouillé près d'un corps étendu par terre.

-'Que s'est-il passé?' s'enquit-elle, paniquée, s'agenouillant à son tour. L'adolescent était inconscient, une plaie sanglante lui couvrant le côté du visage.

-'Le cheval s'est emporté.' Expliqua l'homme d'une voix tremblante et Lizzie remarqua que quelqu'un d'autre se chargeait de l'animal en question, qui piétinait toujours en donnant de grands coups de tête. 'Il a rué et Jean n'a pas eu le temps de s'écarter. Il s'est frappé la tête sur le bois de la stalle.'

Intimidée par la vue du sang, elle crut d'abord qu'elle allait défaillir. Cependant, il ne lui fallut que quelques secondes pour que son esprit lui interdise une telle faiblesse. Elle était la maîtresse de Pemberley ; elle se devait d'être forte et de rassurer ces gens qui s'attendaient à ce que la situation soit prise en main. Elizabeth s'obligea à dire d'un ton fort : 'Écartez-vous, laissez-lui de l'air.' Puis, regardant les alentours, elle aperçut de longs balais dans un coin et plusieurs couvertures sur les clôtures des stalles. Elle indiqua à un groupe de faire un brancard de secours et de l'emmener près d'eux. Empoignant le fichu qu'elle avait attaché à son cou, elle le porta doucement à la blessure pour essayer d'imbiber le sang afin de ne pas ajouter à la plaie les saletés de l'écurie et la poussière des chemins.

-'Déposez-le doucement.' Avertit-elle lorsque le jeune garçon fut soulevé. Puis, menant la marche, elle leur intima le plus d'attention possible à ce qu'il ne soit pas trop balloté. 'Vous, partez devant pour que l'on appelle le Docteur Baker. Allez prévenir Mrs Reynolds de notre arrivée. Attention, messieurs! Lentement s'il le faut, mais ne le brusquer pas.'

Ils pénétrèrent dans la maison et une chambre fut préparée pour recevoir le blessé. Mrs Brown, qui les avaient observé entrer avec surprise, devient soudainement très pâle à la vue de son enfant et laissa tomber la pâte de pain qu'elle travaillait pour se joindre à eux.

-'Sur le lit.' Ordonna-t-elle d'une voix sure, ses pensées encombrées par la bonne procédure à effectuer dans de tel cas. Son éducation n'avait certainement pas été enrichi de l'art des plantes ou de soigner, de telles études n'étant pas réservées aux dames. 'Il lui faut de l'air, ouvrez la fenêtre. Retournez à vos occupations, excepté Mr et Mrs Brown, bien sûr.'

Une fois la pièce libre des regards, Lizzie demanda à ce que l'on fasse bouillir de l'eau en prévision de l'arrivée du docteur et que l'on apporte des linges propres. 'Oh, Mrs Reynolds.' Ajouta-t-elle à l'intendante. 'Apportez un peu d'alcool, je vous prie.'

Mrs Brown, dont les sanglots étaient difficilement étouffés, leva des yeux agrandis par l'inquiétude vers elle, serrant la main de son fils avec force. 'De l'alcool, Madame? Certainement, vous ne voulez pas désinfecter la plaie vous-même?'

Elizabeth posa sa main sur son épaule. 'L'alcool est pour vous, Mrs Brown.'

La femme baissa la tête, mais ne répondit rien. Elle accepta le fond de verre sans un mot et le déglutit en faisant une légère grimace. Le Docteur Baker arriva une vingtaine de minutes plus tard et s'installa aussitôt au chevet de Jean pour examiner la blessure.

-'Où est Sophie?' s'exclama soudainement Mr Brown en regardant autour de lui.

Soulagée par la présence du médecin, Elizabeth sentait peu à peu l'adrénaline se dissiper et ses jambes, qu'elle avait forcées à rester droite et immobile, commencèrent à trembler. 'Je vais aller la chercher.' S'empressa-t-elle de proposer. 'Elle sera avec moi, vous n'avez qu'à venir la quérir lorsque tout sera terminé. Aucune enfant ne devrait assister à un tel spectacle.' Elle tourna ensuite les talons et sortit de la pièce en suivant les corridors menant à la porte arrière.

Sophie attendait patiemment là où elle avait été abandonnée. Ses grands yeux verts remplis d'inquiétude et d'incompréhension, elle jeta sur la maîtresse de Pemberley un regard confus. 'Viens, chérie.' Lui intima doucement Lizzie ne lui tendant la main. 'Nous allons nous promener ensemble, d'accord?'

La petite obéit et elles s'engagèrent dans les jardins, s'éloignant de la demeure. Elizabeth essaya de la distraire en lui montrant des formes dans le ciel où d'épais nuages cotonneux dérivaient paisiblement. Si au début sa tactique fonctionna, il ne fut pas long pour que Sophie se tourne vers elle et lui demande où son frère avait été amené.

-'Assied toi ici.' Lui dit-elle, prenant place à ses côtés. 'Ton frère s'est faite très mal, Sophie, je ne te mentirai pas. Mais le Docteur Baker est très compétent et saura lui apporter les soins nécessaires.'

-'Est-ce qu'il va mourir?' souffla-t-elle, ses yeux se remplissant d'eau. Lizzie en eut le cœur brisé et elle l'attira impulsivement à elle, priant Dieu pour que le jeune homme soit hors de dangers.

-'Je ne crois pas, non.' Répondit-elle en la berçant tendrement, caressant ses longs cheveux. 'Je suis certaine qu'il sera vite remis sur pieds, tu verras.'

Au bout du moment, la fraîcheur de la fin d'après-midi les obligèrent à rentrer et Elizabeth conduisit la petite fille jusqu'au salon où elle passait la plupart de ses soirées. Elle commanda à dîner, s'informa discrètement de l'état du garçon, puis envoyer quérir deux domestiques à Lampton pour emploi temporaire. Elle soupa en compagnie de Sophie, puis lui fit la lecture. Le soleil était couché depuis un moment lorsque l'on cogna discrètement à la porte. Lizzie laissa l'enfant, qui s'était endormie la tête posée sur ses genoux, et alla ouvrir.

-'Désolée de vous l'avoir laissé aussi longtemps, Mrs Darcy.' S'excusa Mrs Brown d'une voix enrouée. Ses yeux rougis trahissaient l'épreuve qu'elle avait subi pendant la journée, mais l'inquiétude semblait s'être légèrement dissipée.

-'Il n'y a aucun problème, Mrs Brown. Docteur Baker a-t-il prit congé?'

-'Mrs Reynolds lui sert son dîner à l'instant.'

-'Et votre fils?' demanda-t-elle à voix basse, le cœur battant.

La femme eut un sourire de gratitude. 'Son état est stable, il n'y a pas de traces d'hémorragie ou d'infection. Le Docteur dit que Jean devrait s'en sortir sans séquelles.'

Lizzie poussa un soupir de soulagement. 'J'en suis bien heureuse, Mrs Brown. J'ai pris la liberté d'engager deux aides supplémentaires pour quelques jours afin que vous puissiez vous concentrer sur votre enfant et lui apporter les soins nécessaires. J'insiste.' Ajouta-t-elle lorsque la servante voulut répliquer. 'Ne vous inquiétez pas, je couvrirai les frais du médecin et vos gages resteront intacts.'

Surprise par tant de sollicitude, Mrs Brown bredouilla de nombreux remerciements. Elle se dirigea ensuite vers sa fille et, délicatement, la souleva du grand fauteuil où elle était étendue sans la réveiller. Elizabeth referma la porte derrière elle et se laissa choir sur une chaise, secouée. Elle s'était obligée à rester gaie et forte pour la petite, mais maintenant que Sophie était partie et qu'elle se retrouvait seule dans cette grande pièce silencieuse, il lui semblait qu'il lui était beaucoup plus difficile de garder la tête froide face à cet évènement. Et si Jean avait succombé à ses blessures? Et si elle n'avait pas agi pour le mieux? Aurait-elle pu éviter une telle situation? Avait-elle agi correctement en exigeant qu'il soit bougé? Des tremblements incontrôlables lui secouaient le corps entier et c'est avec peine qu'elle rejoignit sa chambre, alimentant le feu à pleine capacité pour chasser les frissons qui la harcelaient. Elizabeth demanda un entretien avec le Docteur Baker et il la rassura quant à ses doutes. Elle avait agi pour le mieux. Il lui proposa des calmants, que la maîtresse de Pemberley refusa catégoriquement, mais Mrs Reynolds lui apporta un thé à la camomille et cela lui fit du bien.

La lune était haute dans le ciel lorsqu'elle entendit de légers pas dans le corridor. Incapable de dormir, Elizabeth avait fixé les flammes pendant un long moment et elle sursauta vivement lorsque sa porte de chambre s'entrouvrit. Qui donc pouvait bien venir la déranger à cette heure si tardive de la nuit?

-'Lizzie?' murmura Darcy, surpris de ne pas la retrouver endormie.

Avant même de réaliser ce qu'elle faisait, la jeune femme se jeta dans les bras de son mari avec un hoquet de soulagement, le serrant contre elle avec une telle force qu'il poussa un grognement sourd.

-'Oh Will…je suis si heureuse de vous revoir.' Marmonna-t-elle contre son torse, souhaitant ne jamais se départir de cette étreinte.

-'Mais…vous tremblez.' Remarqua Darcy avec inquiétude, la repoussant doucement pour inspecter son visage, vérifiant sa température en posant sa main sur son front et ses joues.

Lizzie secoua doucement la tête. 'Je vais bien, Will. J'ai bien essayé de les contrôler, mais c'est plus fort que moi. Le choc est passé pourtant.'

Elle lui raconta alors les évènements de la journée et Darcy parut impressionné par le sang-froid qu'elle avait déployé pour gérer ce genre de situation. Il commenta que n'importe quelle femme de société n'aurait jamais osé s'approcher ou même se mêler d'un tel évènement.

-'Qu'auriez-vous voulu que je fasse?' répliqua Lizzie, agacée. 'Que je les laisse se débrouiller? Will, c'est insen-'

-'Non.' Le coupa-t-il aussitôt, posant une main sur sa bouche. Puis, caressant son visage tendrement, ajouta : 'Vous avez fait exactement comme j'aurais fait. Ce n'est pas un soucis des convenances qui me donne cet air, Lizzie, c'est mon admiration.'

Elizabeth eut un sourire timide, des papillons dans l'estomac devant l'éclat gourmand de ses yeux. 'Vraiment?'

-'Vraiment.' Chuchota-t-il avec un petit sourire. 'Vous êtes étonnante, Mrs Darcy.'

Il l'embrassa doucement d'abord puis, voyant qu'elle répondait avec une certaine fougue, approfondit son baiser avec passion. Déjà, les mains de la jeune femme s'attaquaient à la veste de son mari avec impatience. Les semaines de séparation tombèrent soudainement sur elle, provoquant un feu si intense en ses reins qu'elle en arracha presque les boutons de sa chemise. Darcy eut un petit rire en constatant son empressement.

-'Vous ai-je manqué, Lizzie?' lui susurra-t-il à l'oreille, emprisonnant sa nuque au creux de sa paume et inspirant profondément l'odeur de ses cheveux.

Elizabeth se sentit rougir, mais c'est avec un sourire moqueur qu'elle répondit : 'Point du tout, Mr Darcy. Je ne fais que mon devoir de femme.'

Son mari éclata de rire, un son si parfait à son ouïe qu'elle en frissonna. 'Si c'est ainsi, Madame, je ne souhaiterais pas vous importuner.'

-'Oh, mais je n'y vois pas d'inconvénients, mon cher époux. Une femme de mon rang se doit d'être obéissante et respectueuse des souhaits de son mari.'

-'Tout à fait.' Murmura-t-il contre son cou, reprenant là où il avait arrêté ses baisers. 'Dois-je vous porter ou souhaitez-vous marcher seule jusqu'à notre lit?'

-'Hmmm…' considéra la jeune femme, déroutée par sa bouche contre sa gorge. Quelle était la question? 'Et bien…'

Elle poussa un léger cri lorsqu'il la souleva d'un mouvement souple et pouffa de rire contre son épaule alors qu'il la transportait jusque dans la chambre des maîtres. Il la déposa doucement sur le lit puis recula de quelques pas pour retirer lui-même sa cravate et sa chemise. Lizzie observa le corps musclé de son mari avec désir, le pâle reflet des flammes dansant sur son torse. Elle n'arrivait toujours pas à croire que cet homme était le sien. Son cœur, qui déjà peinait à supporter la force de son amour pour lui, semblait sur le point d'exploser à ce moment tant elle était heureuse de son retour. Elizabeth ne penserait pas à la Saison qui arrivait à grands pas. Elle ne pensait pas aux longues journées où ils seraient séparés et aux courts moments qu'ils passeraient ensemble. Pour l'instant, Darcy était là, devant elle, droit et fier comme un dieu grec, le regard brillant. Elle ne penserait à rien d'autre qu'à ce moment alors qu'il la rejoignait sous les couvertures, lui murmurant à quel point il avait pensé à elle, parcourant son corps avec avidité, embrassant sa peau comme s'il n'avait jamais rien goûté de meilleur. Les évènements de la journée prirent une place seconde dans son esprit et, dans les confins de la chambre des maîtres, les exaltations du couple se répercutèrent jusqu'à tard dans la nuit.

La Saison à Londres débutait peu de temps après Pâques, au début du mois d'avril. Comme la demeure des Darcys à la ville n'était habité que quelques mois par année, un bon nombre de préparation était requise et Elizabeth se retrouva débordée entre les malles de vêtements et de livres, entre les directives concernant les domestiques qui allaient les accompagner et celles pour ceux qui allaient rester à Pemberley.

-'Mrs Reynolds, avez-vous la liste que je vous ai demandé?' s'enquerra Lizzie après avoir appelé l'intendante. Le départ était prévu pour dans quelques jours et la maison était sans dessus-dessous. 'J'ai besoin de savoir combien seront du voyage. Avez-vous parlé au maître des écuries? Il faut que les chevaux soient tous nouvellement ferrés pour le départ.'

Mrs Reynolds eut un petit sourire en observant la maîtresse de la maison si absorbée par son travail. 'Voici la liste, Madame.' Répondit-elle en lui tendant un papier. 'Et on m'a assuré que les chevaux seraient prêts à temps. Le forgeron y travaille.'

-'Parfait.' Elle lut ensuite la liste et, fronçant les sourcils, demanda : 'Pourquoi est-ce Mr Langley y est inscrit?'

-'Il est un habitué, Madame.'

-'Sa femme vient tout juste d'avoir son bébé, il y a deux semaines à peine. Un fort gaillard, ce petit, tout le portrait de son père. Je crois qu'il serait mieux pour lui de ne pas être séparé de sa famille cette année. Je suis certaine que quelqu'un d'autre pourra le remplacer, s'il le souhaite, il y a assez de travail à Pemberley pour pouvoir le garder ici. Pourriez-vous lui avancer cette proposition, Mrs Reynolds? Merci. Aussi, ajoutez Miss Roland à notre expédition, Mrs Brown me la fortement conseillé et je dois dire que je ne suis pas déçue de ses capacités. Avez-vous des nouvelles de Maggie?'

-'Elle sera en votre compagnie à Londres pour quelques jours, mais son frère viendra la chercher par la suite. Ils partiront pour Wales aux alentours de la mi-avril.'

-'Hm-m. Il faudra que je me trouve une autre suivante, je le crains.' Songea Lizzie en poussant un soupir. Maggie, qui jusque-là s'était chargée de ses moindres besoins, allait retrouver sa famille et serait bientôt mariée à son fiancé des cinq dernières années, qui s'était acharné à bâtir un foyer adéquat pour sa future femme. 'Espérons que Londres possède des suivantes aussi douée qu'elle!'

L'intendante nota les changements qu'elle apportait puis s'inclina avant de sortir par la porte où elle était entrée. Profitant d'une petite pause, Elizabeth revêtit un léger manteau et un chapeau afin de se rendre jusqu'au potager. Les jardiniers, qui s'affairaient au-dessus des lots de terre, les uns avec des bêches afin de retourner la terre, les autres arrosant abondamment les lots déjà semés, s'inclinèrent respectueuse à son passage et la jeune femme s'entretenu avec le responsable pendant quelques instants avant de poursuivre son chemin dans les vergers. Depuis qu'elle avait découvert cet endroit, elle ne pouvait s'empêcher de s'y promener plusieurs fois par semaine. Aujourd'hui, les arbres présentaient de gros bourgeons bruns couronnés d'une légère pointe de vert à l'extrémité. Au loin, dans les champs, les hommes labouraient la terre.

Elizabeth respira l'air à plein poumon, essayant tant bien que mal de chasser les nuages qui couvraient son humeur. Alors qu'elle commençait tout juste à ressentir que Pemberley l'acceptait enfin, il lui fallait partir. Est-ce que tout son travail serait à recommencer à son retour? Devra-t-elle apprivoiser les domestiques à nouveau? La relation entre ces derniers et elle-même s'était nettement améliorée, mais Lizzie ressentait toujours cette réserve de leur part, comme s'ils attendaient le moment où ses caprices allaient faire surface. Elle sentait les regards sur elle alors que le jour du départ pour Londres approchait, non pas de jugement, mais d'appréhension. Darcy lui avait dit que sa mère se réjouissait de ses séjours en ville; attendaient-ils tous qu'elle fasse de même? Après tout, en étant une Darcy, Élizabeth se voyait maintenant exposée aux bals et aux réceptions les plus huppées de la société, aux raffineries les plus en demandes et à des relations plus qu'avantageuses. Qui ne choisirait pas une telle vie de luxe et de plaisir à la vie à la campagne? Elle ne pouvait pas leur en vouloir de cette inquiétude; en fait, elle possédait la même. Lizzie avait déjà séjourné à Londres, chez Mr et Mrs Gardiner, et avait apprécié les mouvements incessants qui habitaient la ville. Cependant, elle n'avait jamais quitté Cheapside et certainement pas fréquenté les salons mondains. En vérité, elle ne savait pas du tout quels sentiments l'habiteraient lors de sa visite en milieu urbain.

Georgiana, qui depuis le nouvel an se trouvait en visite chez sa cousine Anne, devait les rejoindre à Londres le jour même de leur arrivé en ville. Lizzie, qui s'était franchement ennuyée de la présence de sa belle-sœur, s'impatientait des retrouvailles. Tout comme Georgiana, elle allait être présentée officiellement à la Court. Elle qui n'avait fréquentée que les soirées en campagne, la perspective d'être au centre d'une foule aussi importante la pétrifiait. Cependant, la présence de Jane, qui serait aussi présente, et sa nouvelle sœur la rassurait énormément et, elle devait se l'avouer, elle avait plutôt hâte de participer aux danses dont la réputation s'étendait à travers le pays.

Le retour de Darcy fut une joie pour la jeune femme. Même si elle ne partageait pas autant de temps qu'elle le voulait avec lui, ses nombreuses responsabilités, qu'elle remplissait de mieux en mieux, apportaient une mince contribution afin d'alléger le poids des innombrables devoirs de son mari. Plus d'une fois il se confia à elle, la remerciant d'être là et manifestant sa fierté d'avoir épousé une femme dont les talents égalaient sa beauté et son charme.

Le matin du départ, Lizzie avait si bien organisé les préparatifs que tout se déroula dans un calme presque absolu. Les calèches furent chargées sans encombre, chaque malles et coffres portant des rubans de couleurs différentes afin de reconnaître la nature de leur contenu. Elizabeth avait eu cette idée la veille et Darcy n'avait pas manqué de lui indiquer l'intelligence d'une telle entreprise. Les domestiques, qui maintenant s'alignaient bien droit en attente du départ, transporteraient leurs valises à leurs pieds ou sur leurs genoux. Observant le spectacle de la fenêtre du grand corridor, Lizzie se sentait étrangement nostalgique. Elle n'avait même pas quitté les lieux que déjà les grands jardins et les multiples richesses de Pemberley lui manquaient. Darcy s'entretenait encore avec Mr Reynolds et, comme s'il sentait un regard sur lui, leva la tête pour rencontrer le regard de sa femme. Elle lui sourit et il répondit de même, lui faisant un petit signe pour lui annoncer le départ imminent.

Elizabeth ne s'attarda pas; le plus longtemps elle resterait ici à contempler sa maison adorée, le plus difficile ce sera pour elle de partir. Elle descendit l'escalier, puis laissa Mrs Reynolds lui enfiler son manteau. Elle empoigna son chapeau, le posa méticuleusement sur sa tête et, prenant une grande inspiration, passa pour les portes de la demeure sans un regard en arrière.

Dehors, presque tous les domestiques s'étaient rassemblés. Une atmosphère anormalement calme régnait, les visages sombres alors qu'elle les saluait du regard, s'arrêtant parfois pour s'entretenir avec quelques-uns d'entre eux, dont Mrs Brown qui semblait particulièrement affectée.

-'Où est Sophie?' demanda soudainement Lizzie en ne voyant pas l'enfant. Elle ne pouvait pas partir sans lui dire au revoir, cela lui était impossible.

-'Je ne sais pas, Madame. Je l'ai cherchée partout.' Répondit la mère de l'enfant, un peu penaude. Maintenant qu'elle la regardait de plus près, Élizabeth pouvait voir que ses mouvements nerveux n'étaient pas dus qu'au départ de ses maîtres. Pensait-elle que l'absence de Sophie était une insulte? Il ne fallut que quelques secondes à Lizzie pour deviner où la petite se trouvait et après s'être excusée, elle pénétra à nouveau dans la demeure en direction du troisième étage. Comme elle l'avait prévu, la chambre bleue renfermait plus que le silence habituel et les rayons du soleil filtrés par les fenêtres. Cachée dans la grande armoire avec, tout contre elle, la poupée qu'elle avait prénommée Anne, Sophie essuyait des larmes muettes. Lorsqu'elle vit Lizzie s'avancer vers elle, ces larmes se multiplièrent et la jeune femme attira aussitôt l'enfant contre elle afin de calmer les sanglots qui la secouaient. Après quelques minutes à la bercer, Sophie réussit enfin à s'apaiser et la fillette sembla se souvenir du rang auquel elle appartenait et recula de quelques pas, baissant la tête.

-'J'étais bien inquiète de ne pas te voir avec ta maman en bas.' Commenta la maîtresse de Pemberley d'une voix douce. Elle ne souhaitait pas que l'enfant prenne son commentaire comme une réprimande. 'Je n'aurais pas pu me pardonner de partir sans te dire au revoir, Sophie.'

De nouvelles larmes, silencieuses. La petite gardait son regard vers ses souliers.

-'Veux-tu descendre avec moi?'

Sophie secoua la tête, ses longs cheveux couvrant son visage. Elizabeth repoussa une mèche derrière son oreille, puis l'incita à la regarder en lui soulevant délicatement le menton. 'Que se passe-t-il?'

Quelques secondes s'écoulèrent avant que la fillette ouvre la bouche. 'Je ne veux pas que vous partiez.' Murmura-t-elle d'une voix à peine audible. 'Maman dit que Londres est plus amusant que la campagne.'

-'Tu as peur que je ne revienne pas?' lui demanda-t-elle, le cœur en miette. Même si les dernières semaines avaient été chargées, Lizzie avait toujours consacré un peu de temps à Sophie, partageant une demi-heure ici et là, jouant avec les chiots, se promenant dans le verger et dans le bois. La petite connaissait Pemberley mieux qu'elle, ayant parcouru la propriété maintes fois avec son frère. Et, elle devait se l'avouer, la présence de l'enfant était la bienvenue lorsque la solitude l'accablait. 'Oh, Sophie, bien sûr que je vais revenir! Tu sais très bien que je ne pourrai jamais abandonner Pemberley. Je n'ai pas le choix de partir maintenant, c'est mon devoir d'aller à Londres. Mais dès que je peux, je serai de retour. Tu verras, ce sera rapide.'

Reniflant, l'enfant regarda le mouchoir de soie que Lizzie lui tendait avec surprise et l'accepta après une bonne dose d'insistance de la part de la jeune femme. 'Maman est fâchée?' demanda-t-elle après un moment, déposant la poupée avant tant de tendresse qu'Elizabeth ne put s'empêcher de sourire.

-'Inquiète, surtout.'

-'Je suis désolée.'

Prenant la petite par la main, Lizzie l'entraîna hors de la pièce. 'Ce n'est pas à moi qu'il faut que tu demandes pardon, Sophie. Je suis sûre que ta maman comprendra. Viens, j'ai quelque chose pour toi.'

Elizabeth avait complété la petite poupée depuis quelques temps déjà. Assez fière de son travail, le jouet ressemblait presque parfaitement à celui de la chambre bleue. Cependant, elle y avait rajouté sa touche personnelle et, non pas faute d'avoir essayé, les couleurs étaient quelque peu différente des originales. Elle avait posé la poupée dans un coffre, enroulée dans un long châle, avec un bouquet de lavande séchée. Lorsqu'elle lui présenta le jouet, les yeux de Sophie le regardèrent sans comprendre. Elle ne leva pas les bras pour le prendre, le fixant avec une confusion des plus comiques. La fillette déglutit avec difficulté.

-'Je ne peux accepter.' Marmonna-t-elle, mais ses yeux lançaient un tout autre message, fixant la poupée avec envie.

Lizzie afficha un air faussement triste. 'Je croyais que tu pourrais en prendre soin pendant mon absence. Elle n'aime pas être seule et comme je sais que tu prends très bien soin d'Anne, je me suis dit que ça ne te dérangerait pas de l'avoir avec toi. Tu veux bien me rendre ce service?'

Sophie hésita un moment puis, un sourire apparaissant enfin sur ses lèvres, hocha vivement la tête. Elle prit délicatement le jouet entre ses mains et, avant qu'Elizabeth ait pu se relever, se jeta dans ses bras.

-'Je serai de retour cet été.' Lui dit-elle, émue. 'Je te le promets, Sophie.'

Lorsqu'elle retourna à l'extérieur, Sophie trottinant à côté d'elle, Lizzie la confia à sa mère avant de reprendre là où elle avait rebroussée chemin. Darcy, qui l'attendait près de leur carrosse, l'observait avec un discret sourire alors qu'elle terminait de saluer les domestiques. Lorsqu'elle fut à sa hauteur, il l'intima à monter à bord du transport, lui offrant sa main afin qu'elle se hisse sur la première marche. Darcy s'assit en face d'elle et lorsque la porte fut refermée, ordonna le départ. Alors que les coches s'engageaient sur la grande allée, Elizabeth tourna la tête vers Pemberley.

Plusieurs mois s'écouleraient avant qu'elle puisse y revenir et elle songea, alors que la forme de la majestueuse demeure rapetissait peu à peu, ce n'est qu'un au revoir.

(-*-)

Voilà! Reviews toujours très appréciés ^^

Merci à ma fidèle Liily, qui me commente toujours avec assiduité et merci à viviwi, qui s'est si gentiment proposée comme Beta !