Bonjour à toutes! Voici un nouveau chapitre qui, j'espère, saura vous plaire. J'aimerais dire un merci particulier à toutes mes fidèles lectrices qui prennent le temps d'écrire un review à chaque chapitre, c'est très apprécié : ) Sans plus attendre, bonne lecture!

(-*-)

Chapitre 10

Le jour et la nuit

(Darcy)

Darcy appréciait cette pièce. Le matin, le soleil s'infiltrait par la fenêtre et baignait de lumière le petit salon, illuminant les œuvres d'art sur les murs et les bibelots sur le manteau du foyer. Quelques fleurs fraîches avaient été placées dans une vase de porcelaine – l'idée d'Elizabeth, qui avait décidé d'ajouter sa touche féminine – et il devait avouer que leur présence améliorait joliment le décor. Accoutumé à cet environnement plutôt sobre et masculin, il avait d'abord refusé que son épouse change quoi que ce soit lorsqu'elle avait proposé de transformer la maison en quelque chose de moins austère. Elle n'avait pas insisté et était docilement retournée à ses occupations. Si pendant quelques temps Darcy crut avoir gagné cette bataille avec une facilité désarmante, il ne réalisa que trop tard à quel point il avait été aveugle. Détail par détail, subrepticement, Lizzie avait transformé la maison et ce avec son total accord.

Tout d'abord, elle avait demandé de changer les rideaux de sa salle de lecture qui, disait-elle, était beaucoup trop épais, conservait la poussière, ne laissait pas filtrer la lumière et l'empêchait d'apprécier ses livres. Les lourdes tentures furent donc remplacées par plusieurs épaisseurs de voile de soie immaculée pour l'accommoder, cette demande paraissant tout à fait légitime. Puis, elle lui avait demandé si quelques tableaux pouvaient être déplacés afin d'en avoir de nouveaux dans la pièce de dessin, prétextant que la vue des œuvres l'inspirait grandement. Cette pièce étant réservée aux femmes, Darcy n'y avait pas vu d'inconvénients. Cependant, un grand portrait de sa mère trônait dans cette salle et Elizabeth s'avoua mortifiée à l'idée d'envoyer le tableau au grenier. Elle demanda donc si elle pouvait trouver un endroit dans une autre pièce, idée qu'il approuva. Cependant, les dimensions de l'œuvre étaient telles que pour trouver un endroit propice plusieurs autres tableaux furent déplacés. Au final, Lizzie déclara qu'elle avait tout essayé et que seul le deuxième bureau, là où étaient rangés les documents importants et où personne n'allait jamais, convenait pour y mettre l'œuvre. La vaisselle, les nappes décoratives, les meubles, les tapis, tout passa sous l'œil scrupuleux d'Elizabeth; tout était semblable en étant complétement différent. Sa femme avait été rusée, elle l'avait fait se concentrer sur un détail à la fois pour ne pas qu'il remarque le changement en général.

Darcy devait se l'avouer, de se savoir ainsi floué ne blessa pas vraiment son orgueil; plutôt, l'admiration pour l'intelligence de sa femme se décupla et il accepta ces changements sans trop se plaindre. Ce vent de fraîcheur était étrangement agréable, mais ça, il n'était pas encore prêt à l'avouer.

-'Voulez-vous encore un peu de thé, Will?'

Levant les yeux vers Elizabeth, qui déjeunait devant lui, il hocha brièvement la tête. Puis, s'impatientant : 'Je me demande bien où est ce messager, j'ai habituellement mon courrier à cette heure.'

-'En attentes de nouvelles?' Elle posa délicatement la théière sur le service, tout ouïe. Bien sûr, avec Lesley qui arriverait en Angleterre d'ici deux semaines il n'était pas surprenant qu'il soit si fébrile. Maintenant que tout semblait se dérouler comme il le fallait, Darcy n'avait pas hésité à tout révéler à son épouse et elle s'était montrée très compréhensible quant à son départ pour Liverpool le lendemain. Il n'aimait pas la laisser seule, surtout au cœur de Londres, mais il n'avait pas le choix. Ses cinq associés et lui se devaient d'être au quai pour accueillir Lesley et l'emmener ici pour être jugé.

Cependant, ce n'était pas cette histoire qui lui causait de l'inquiétude présentement. 'Il y a de l'agitation en Irlande.' Répondit-il sombrement, certain que ce qu'il découvrirait aujourd'hui dans le journal ne lui plairait pas. Il suivait cette histoire depuis un moment déjà et la situation allait de mal en pis. 'Les rumeurs parlent d'une révolution imminente. Plusieurs leaders ont été arrêtés en mars et depuis hier le gouvernement se rassemble pour prévenir un soulèvement à Dublin. Connaissant l'armée britannique et sa relation avec les irlandais, je pressens un bain de sang.'

-'Oui, j'ai lu quelque chose là-dessus il n'y a pas si longtemps.' Répondit-elle en fronçant les sourcils. Le fait qu'elle lise son journal lorsqu'il n'était pas là aurait dû l'offenser, la place d'une dame n'étant pas de s'informer d'affaires d'hommes. Pourtant, cela ne l'importunait pas le moins du monde. Elizabeth n'était pas fragile; ce genre de nouvelles ne la bouleversait pas. Ils pouvaient donc en discuter ensemble et Darcy voyait à cet écart de conduite un fort avantage. 'Will, croyez-vous que cela se réglera à l'amiable?'

-'Comment cela se pourrait, lorsque nous traitons les irlandais pire que des chiens?' s'exclama sèchement Darcy en repoussant sa chaise, se levant pour faire les cents pas dans la pièce. 'Ils ont bien raison de se soulever, Lizzie, je ne vous le cache pas. Depuis la défaite de James II en 1691, les conditions de vie se sont détériorées pour eux. Ils n'ont pas droit de posséder de terres, ni de prendre place au Parlement ni même de pratiquer ouvertement leur religion. Que reste-il à un homme lorsqu'on lui enlève tout ça? Les journaux se ventent bien que les anglais sont là pour faire régner la paix et pour redresser ces « barbares », comme ils les appellent. Nous avons peut-être gagné la guerre et envahi leurs terres, mais j'ai toujours été d'avis qu'il est impardonnable d'anéantir un peuple seulement parce qu'il est différent.'

-'Notre société considère qu'être anglais prodigue un avantage sur la population du monde entier et leur donne tous les droits.' commenta Elizabeth sur un ton désapprobateur. 'Que croyez-vous qu'il va se produire si jamais l'Irlande se soulève?'

-'Les irlandais sont des paysans, Lizzie, et se battre contre une armée qui possède le dernier cri en matière d'armement ne laisse guère de chance de victoire. Leur nombre est leur seule chance de faire du dommage, mais déjà de nouvelles troupes britanniques se préparent à départir dès les premiers signes de mouvement.'

-'Je ne savais pas que vous aviez un intérêt particulier pour l'Irlande.'

Darcy eut un rictus. 'J'ai peut-être hérité cela de mon père, il adorait ce pays. C'est un fort joli endroit, mais mon intérêt est plutôt à court terme. J'avais l'intention de vous y amener pour…'

Il s'interrompit, incertain de s'il devait vendre la surprise ou bien la garder pour lui-même. Réalisant qu'il en avait trop dit et que sa femme ne le lâcherait pas tant et aussi longtemps qu'il n'avait pas craché le morceau, il lui annonça alors que c'était la destination qu'il avait choisi pour leur voyage de noces tardif.

-'Je sais bien que nous ne sommes plus récemment mariés,' avoua-t-il d'un air légèrement coupable. 'J'aurais dû y remédier il y a un long moment, mais avec tout ce qui s'est passé…J'avais arrangé pour que l'on loge dans la maison de campagne de mon père, près de Kerry, un bateau devait nous y amener dès que l'histoire avec Lesley serait terminée. Je suis désolé, Lizzie, sincèrement.'

Elizabeth eut un petit rire. 'Nous avons encore le temps, Will, et j'apprécie tout de même l'effort que vous vous êtes donné pour planifier tout ceci.'

-'Je suis rarement désappointé dans mes entreprises et voilà qu'en l'espace de quelques mois deux de mes plans les plus importants sont complètement chamboulés.' Répondit Darcy, légèrement agacé par cette soudaine incapacité à mener ses projets à terme. Cependant, il n'était pas du genre à baisser les bras et s'apitoyer sur son sort; il avait plus d'un tour dans son sac et il se promit d'offrir à Elizabeth la plus belle lune de miel qu'une femme puisse rêver d'avoir. 'Il faut maintenant que je songe à une nouvelle destination, l'Irlande ne sera pas prudente pour quelques mois au moins. Que pensez-vous de l'Écosse, Lizzie?'

Il observa sa réaction avec satisfaction. Le fait qu'il ait mentionné leur lune de miel avait apporté une jolie teinte rosée aux joues de sa femme et lorsque le mot « Écosse » fut prononcé, ses yeux se mirent à pétiller. Elle répondit que cela lui plairait fortement et Darcy se leva pour l'embrasser sur le front.

-'L'Écosse ce sera, alors. Je ferai les arrangements nécessaires afin que l'on prenne la route après la Saison, en août. Je dois y aller maintenant, il me reste quelques préparatifs à faire avant de partir demain.'

Elle hocha de la tête. Il aurait aimé lui dire à quel point elle était belle ce matin avec ses cheveux tressés reposant sur son épaule. Il aurait voulu l'embrasser pleinement sur la bouche, l'enlacer et la presser contre lui afin qu'elle sache combien il tenait à elle. Ces moments où ils étaient seuls étaient ceux qu'il préférait dans la journée, surtout le soir; dans l'intimité de leur chambre, cette barrière de contrôle s'affaissait un peu et il se sentait lui-même, ou presque. Il n'arrivait pas encore à tutoyer sa femme, non pas qu'il ne le souhaitait pas, mais parce qu'il s'en sentait mal à l'aise. Ses parents ne s'étaient jamais adressés d'une manière si familière et l'atmosphère dans lequel il avait été élevé était contre l'utilisation d'un langage si intime. Pourtant, il tutoyait Georgiana…Mais Georgiana était sa sœur, pas sa femme. Pourquoi n'arrivait-il pas à ignorer cette convenance ridicule? Pourquoi était-il incapable de se dérober aux règles? Sa stricte éducation lui en empêchait, lui interdisait ces rapprochements dont il avait tellement envie. Et cela lui apportait une frustration inimaginable.

Inspirant discrètement l'odeur de ses cheveux, ses doigts lui démangeaient de caresser ce point sensible à la nuque afin qu'Elizabeth soupire et ferme les yeux. Il pourrait alors déposer de longs baisers sur son cou, là où les battements du cœur sont visibles, et remonter jusqu'à sa mâchoire, près de l'oreille. Il pourrait…

Chassant aussitôt ces pensées avant qu'elles ne fassent de sérieux ravages, Darcy tourna le dos et sortit de la pièce. Il dû respirer plusieurs à fois à fond pour se convaincre qu'il agissait comme un gentleman et qu'il était peu digne d'un homme de prendre sa femme si tôt le matin. Il se maudit de devoir la quitter si brusquement; Elizabeth était une des personnes les plus importantes dans sa vie et il avait l'impression de la traiter comme si elle n'était pas plus chère à ses yeux qu'une connaissance. Partager son temps était maintenant une tâche difficile et il avait du mal à s'adapter à son rôle de mari. Avant de rencontrer Lizzie, son indépendance rendait la chose facile; il allait où bon lui semblait, travaillait aux heures qu'il souhaitait et partait pour des semaines à la fois sans aucune culpabilité. De plus, à cette époque lointaine où il était un bachelor endurcit il n'entrevoyait pas son avenir avec une femme pour qui il éprouvait des sentiments. Il avait toujours cru qu'il épouserait un bon parti lorsqu'il aurait atteint ses quarante ans et engendrerait des fils sans rien d'autre qu'un respect mutuel pour la femme qui aurait scellée son destin avec le sien.

Darcy eut un mince sourire. Cette vie aurait certes été satisfaisante, mais oh combien platonique. Dieu s'était bien joué de lui lorsqu'Il avait mis Elizabeth sur son chemin. L'amour n'était pas un sentiment en lequel il avait placé beaucoup d'estime auparavant et avait-il roulé les yeux lorsque Bingley lui avait annoncé qu'il était amoureux de Jane Bennet! Ce sentiment réservé aux faibles, aux lunatiques, lui-même n'y succomberait jamais, il se l'était promis. À présent, il pouvait bien rire de sa personne en songeant à quel point son cœur s'était épris de Lizzie. Combien de nuits avait-il passé sans pouvoir la chasser de ses rêves? Combien de fois avait-il tenté de se raisonner et de l'exclure de ses pensées? Il n'était pas déçu d'avoir succombé à l'amour; aujourd'hui, Elizabeth dormait à ses côtés tous les soirs. Il voyait son visage tous les jours. Il ne partait plus des semaines à la fois sans souhaiter revenir le plus tôt possible. Il ne travaillait plus toute la journée sans avoir hâte de rentrer à la maison. Il ne blâmait certainement pas Elizabeth pour cette perte d'indépendance; au contraire, il se l'imposait lui-même. Il se devait, en tant que mari, d'honorer sa femme.

Darcy prit place dans sa diligence et ordonna qu'on le conduise au centre de la ville, où ses associés et lui avaient rendez-vous. Il jeta un coup d'œil à la fenêtre du troisième étage; comme à son habitude, Elizabeth s'y trouvait et leva simplement la main en guise de salut. Il toucha légèrement son chapeau, un léger sourire aux lèvres. Il ne la suivit pas du regard alors que les chevaux tiraient la voiture vers l'avant, conscient que de regarder son épouse plus longtemps allait éveiller en lui une langueur grandissante. Il ne pouvait se permettre de laisser ses émotions le distraire. Il avait des comptes à régler avec Lesley et il avait besoin de toute sa concentration pour accomplir sa justice.

(Elizabeth)

Elizabeth ne s'habituait pas à le voir partir. Au contraire, chaque matin alors qu'il montait dans sa diligence l'effet était le même : une douleur sourde au cœur et ce sentiment d'abandon. Et plus elle essayait de se raisonner, pire c'était. Elle savait que Darcy n'était pas un homme romantique, ni impulsif. Il était un homme droit et bon, un homme dont les valeurs étaient idéales et justes. Que pouvait-elle demander de plus? De l'attention? Cet égoïsme la faisait se sentir coupable, elle n'avait pas le droit d'en demander autant. Elle devait se ressaisir et chasser cette douleur au plus profond d'elle-même afin qu'elle ne l'empêche pas de vivre.

Heureusement, Lizzie n'était pas du genre à rester à ne rien faire. Quelques minutes de sombre mélancolie lui suffisait pour qu'elle se ressaisisse et se dirige vers sa chambre afin d'entamer sa journée. Il lui était plus facile d'apprécier ce que la vie avait à lui offrir lorsqu'elle avait une tonne de choses à faire – planification de repas, maintenance de la maison, supervision, visites, perfectionnement de ses accomplissements, marches dans le parc, correspondance – mais lorsqu'elle n'avait rien à faire, comme en cette journée, il lui était plus difficile de ne pas laisser place à la frustration. La ville n'offrait pas tout ce que Pemberley pouvait lui offrir et cette dernière lui manquait énormément. Les boisées, les jardins luxuriants, le verger, le lac miroitant, l'air pur, Mrs Reynolds et les domestiques, la petite Sophie…

Elizabeth soupira. Même si son expérience à la ville était des plus excitantes, cela n'équivalait pas le bonheur qu'elle ressentait dans sa demeure de campagne. Seulement deux mois s'étaient écoulés depuis son arrivée à Londres et déjà elle était prête à repartir. Il lui fallait pourtant attendre jusqu'en août pour que ce souhait se réalise et l'idée que bientôt Darcy, Georgiana et elle allait se promener à travers l'Angleterre afin de payer quelques visites de courtoisie ne lui remontait pas du tout le moral. Par chance, la ville offrait bon nombre de divertissements : course de chevaux, pièces de théâtre, assemblées et bals, après-midi dans les jardins d'agréments, crickets et autres sports à petite échelle – qu'elle devait se contenter de regarder, malheureusement – et soirées à jouer à divers jeux tels le backgammon, les cartes et le whist. Une partie de leur connaissance planifiait un voyage à Bath pour la dernière semaine de juin, mais Elizabeth ne pouvait s'y rendre. Darcy reviendrait de Liverpool peu de temps avant cela et l'histoire de Lesley ne se réglerait pas en quelques jours. Ainsi, Jane et elle resterait à Londres et Georgiana, qui accompagnait une cousine éloignée, avait décidé de se joindre au groupe. Maintenant qu'elle était sortie en société, la présence de son frère n'était plus requise dans tous ses déplacements. Tout de même, l'accord de Darcy avait été difficile à obtenir et ce n'est qu'avec la promesse du Colonel Fitzwilliam de veiller sur la cadette des Darcy qu'il se laissa finalement convaincre.

Elizabeth se laissa choir sur un fauteuil à pattes de lion. Le temps passait si lentement et avec la magnifique journée qui s'annonçait, rester à l'intérieur lui semblait un supplice. Elle reçue son courrier avec soulagement, heureuse de pouvoir se changer les idées. La première lettre venait de Charlotte qui lui racontait les derniers avancements de son petit Lucius, la seconde de sa tante Gardiner qui la remerciait de la visite qu'Elizabeth et sa sœur lui avait payée l'avant-veille et qui s'inquiétait de la pâleur de Jane.

Je crains que Jane ne se ménage pas assez, écrivait-elle, la pauvre enfant est éreintée. Sa constitution n'est pas aussi forte que la tienne, Lizzie, et la vie en ville n'est certes pas de tout repos.

La troisième, dont la main irrégulière et peu appliquée lui était trop familière, venait de Lydia. Elizabeth ouvrit cette dernière avec une certaine appréhension.

Chère Lizzie,

Désolée de ne pas t'avoir écrit avant, mais la vie avec un bébé est beaucoup plus remplie que l'on pourrait croire! De toute façon, je n'ai pas eu beaucoup de tes nouvelles non plus et je crois que mon excuse est un peu plus valable que la tienne.

Comment se passe la vie à Londres? Maman m'a dit que Jane et toi aviez rencontré le roi et la reine, est-ce vrai? J'aurais tant aimé y être aussi! Penses-tu que la prochaine fois tu pourras m'inviter? Vous êtes mes sœurs aînées, après tout, et en position de m'aider dans mon ascension en société. Je dirais même que c'est un devoir. Ne vois-tu pas comme je pense à vous? Lorsque les gens verront à quel point vous êtes dévouées envers votre famille, personne ne pourra plus douter de votre bonne nature et des motifs derrière vos mariages. Surtout toi, Lizzie. Jane a toujours été en amour par-dessus la tête avec Bingley, mais toi, tu as toujours détesté Mr Darcy. Je ne t'en veux pas d'avoir choisi l'argent, tu sais, j'aurais fait de même si mon cœur n'avait pas été volé par mon cher Georges. Dommage que Mr Darcy n'ait jamais accepté que Georges ait plus de charmes et de popularité que lui, nous pourrions toutes être ensembles très souvent…Tu imagines? Les vacances d'été à bavarder entre sœurs, quel bonheur ce serait!

Bon, je ne peux m'éterniser sur ma correspondance, être mère est certainement une grande occupation. Oh! Je viens de me rappeler que je ne t'ai même pas dit que j'avais eu une fille! Quelle idiote je suis, ha! Il y a de quoi rire! J'ai interdit à maman de vous le dire car je voulais être la première à vous l'annoncer, mais j'ai complètement oublié. Nous avons célébré son baptême assez rapidement et intimement pour éviter des dépenses superflues, mais ça ne me dérange, ce n'est qu'une fille après tout. Elle se prénomme Edwina, en l'honneur de maman. Edwina Chastity Wickham, n'est-ce pas un nom superbe? (Elizabeth s'étouffa presque devant l'ironie de ce deuxième prénom) Maman en est très fière. Elle est encore avec nous pour le moment – ainsi que Kitty et Mary, bien sûr – et m'aide avec Edwina. Ce n'est pas un bébé facile, elle pleure tout le temps. J'endure du mieux que je peux et je plains cette pauvre nourrice. C'est si difficile d'être mère! Je me sens déjà plus mature, je te jure.

Je dois me sauver maintenant, Edwina est avec maman et j'ai peur qu'elle ne lui perce les tympans avec sa voix perçante. Donne-moi un peu de tes nouvelles, Lizzie, j'espère que tu n'es pas trop malheureuse. Avec un mari aussi désagréable, je crains pour ton bonheur. Et ça ne doit pas t'être agréable d'assurer ta descendance, si tu vois ce que je veux dire. D'ailleurs, n'es-tu pas déjà grosse? Il te faut un héritier, c'est la moindre des choses. Peut-être aurais-tu besoin de quelques conseils? Ne désespère pas, ton tour viendra, certaines femmes ont plus de mal que d'autres à tomber enceinte.

A bientôt j'espère,

Lydia

P.s. Entretenir un enfant est beaucoup plus dispendieux que je ne l'aurais imaginé…Crois-tu qu'il te serait possible de m'envoyer un peu d'argent? Papa a refusé de payer pour la nourrice et nous avons à peine de quoi mettre de la nourriture sur la table. Tu ne voudrais tout de même pas qu'Edwina, ta propre nièce, meurt de faim avant d'avoir atteint sa première année, n'est-ce pas? De toute façon, ce n'est pas comme si tu ne pouvais pas te l'offrir, tu as certainement accès à des millions maintenant. Deux ou trois cents livres feraient probablement l'affaire et encore là je me trouve très raisonnable. Je te l'avais dit que j'avais grandi en maturité!

Elizabeth retint un grognement d'indignation. Lydia n'avait vraiment aucune retenue, surtout en ce qui concernait l'expression de ses pensées dans leur intégrale. Et quel culot avait-elle de lui parler si ouvertement de ses devoirs conjugaux? Elizabeth n'avait aucun doute que Lydia se vantait d'être tombé enceinte si rapidement…Bien sûr, elle ne précisait pas que leur union avait été consumée avant leur mariage.

-'Madame?'

Lizzie sursauta, repliant maladroitement la lettre alors qu'elle se redressait sur sa chaise. 'Oui?'

-'Mrs Bingley, Madame.'

Après avoir eu des nouvelles de Lydia, la présence de Jane était exactement ce qui lui fallait. Son visage s'illumina et elle se précipita vers sa sœur lorsque celle-ci fit son entrée dans la pièce, l'embrassant sur chaque joue avec force. 'Oh, Jane! Si tu savais à quel point ta visite est providentielle!'

Surprise, Jane prit place à la petite table après avoir donné ses gants et son chapeau à la suivante. Lorsque cette dernière eut fermé la porte derrière elle, Elizabeth lui montra la lettre de Lydia. 'Voici ce que notre très chère cadette m'a envoyé, tout juste à l'instant.'

Jane lut la lettre, son visage portant un froncement de concentration. Lorsqu'elle eut fini, elle poussa un long soupir. 'Ne sois pas en colère contre Lydia, elle est tellement jeune encore.'

-'C'est tout à fait inacceptable, Jane, comment peux-tu prendre sa défense? S'inviter ainsi dans notre vie, sans nous demander notre avis! Et demander autant d'argent!'

-'C'est notre sœur…Peut-être devrions-nous l'aider…'

-'Ha! Oublies-tu qu'elle a failli ruiner notre famille entière? Sans l'intervention de William, tu ne serais certainement pas mariée à Mr Bingley à l'heure qu'il est et s'aurait été en très grande partie à cause d'elle.'

Elizabeth ignora le fait que son mari était à l'origine de leur première séparation, ce détail de l'aidant pas dans son argumentation. De plus, elle n'osait pas s'avouer que Lydia n'était pas la seule qui avait ternie leur réputation à l'époque; sa mère, en autres, avait plus d'une fois mortifiée les deux jeunes femmes par son comportement et ses paroles. Se remémorer ces souvenirs ne l'aidait pas du tout à garder son calme.

-'Tu es sévère avec elle.' La gronda doucement Jane, posant une main sur la sienne. 'Ne laisse pas le venin de ta colère aveugler ton rôle de sœur. Même si Lydia a commis des erreurs, elle fait partie de la famille. Nous avons un devoir envers elle.'

-'Si elle est assez grande pour…pour…batifoler comme elle l'a fait, elle est assez grande pour assumer pleinement les conséquences de ses actes. Elle n'avait qu'à y penser deux fois avant de marier le premier homme venu à vouloir lui retrousser les jupes.'

-'Lizzie!'

Elizabeth fit une moue. 'C'est tout de même vrai.'

-'Je ne peux pas croire que Lydia était pleinement consciente de ce qu'elle faisait lorsqu'elle s'est enfuie avec Mr Wickham. Elle l'aime, tu ne peux pas le nier. Que veux-tu de plus pour elle?'

-'Un peu plus de jugeote.' Grommela Lizzie.

-'Elle n'a que seize ans.'

-'Seize ans, mariée et avec un enfant. Elle aurait dû attendre. Elle est mère alors qu'elle n'est qu'une enfant elle-même!'

Jane ne répondit pas à cette déclaration, ce qu'Élizabeth prit comme une approbation. Il s'écoula quelques minutes avant que l'ainée des Bennet reprenne la parole. 'Pourquoi es-tu si en colère contre elle?'

-'Je ne suis pas en colère contre elle. Seulement, elle a marié un homme qui ne l'aime certainement pas et qui a fait du mal à Georgiana. Sans parler du chantage qu'il a fait à William. Puis, elle a l'effronterie de déclarer mon mariage sans amour!'

Jane eut un petit sourire. 'N'es-tu pas en train de faire de même avec le sien?'

-'Mais ce n'est pas la même chose.' Se défendit Lizzie, piquée au vif. 'Elle ne connait pas William, ni ce qu'il représente pour moi. Je connais Mr Wickham et ses intentions et je connais certainement l'étourderie de Lydia. Ce n'est pas comparable.'

-'Il vaut mieux espérer qu'elle est heureuse et qu'ils s'aiment, le reste importe peu. Le fait qu'elle ne connait pas ton amour pour Mr Darcy est certainement déplorable, mais tu ne lui en as jamais fait la confidence, tu ne peux donc pas lui en vouloir pour cela.'

-'Peut-être, mais ça n'excuse pas son comportement.'

-'Est-ce si facile de pardonner à l'homme que tu as appris à aimer dans la dernière année, mais difficile de pardonner à ta propre sœur qui partage ta vie depuis plus de quinze ans? Rappelle-toi Lizzie, tu as déclaré avec ardeur que jamais tu ne marierais Mr Darcy et tu as difficilement digérer l'affront qu'il a commis à cette soirée, lorsqu'il a affirmé te trouver quelconque. Ce comportement était inacceptable et pourtant te voilà mariée à lui.'

-'Ce n'est pas la même chose!'

-'Ce ne sont pas les mêmes circonstances, mais le principe reste le même. Parfois, nous faisons ou disons des choses sans être conscient des conséquences et nous regrettons plus tard les avoir faites ou dites en réalisant l'impact qu'elles ont eus. C'était le cas de Mr Darcy et le tien, lorsque tu l'as faussement accusé d'avoir enlevé tout avenir à Mr Wickham, et ça été le cas de Lydia lorsqu'elle a cru pouvoir suivre son cœur sans causer de mal à sa famille.'

Elizabeth avait toujours admiré la sagesse de sa sœur et sa présence était souvent un remède à son tempérament parfois orageux. Cependant, aujourd'hui il lui semblait que le fait que Jane ne partage pas son avis ne faisait qu'empirer son obstination.

-'Elle n'a aucun droit de me narguer en me rappelant qu'il me faut un héritier, tu ne peux pas être d'accord avec ça.' S'exclama Lizzie en désespoir de cause. 'Mr Bingley a une aussi grande importance en société que William et elle ne t'a pas écrit pour te rappeler qu'il te fallait procréer au plus vite, comme elle a si bien su le faire! Sans parler du fait que cela lui a pris presque deux mois avant de nous annoncer enfin qu'elle avait une fille. Maman aurait au moins pu nous le dire, mais non, Mrs Wickham voulait nous l'annoncer elle-même.' Sa colère était démesurée, mais les circonstances étant ce qu'elles étaient – Darcy qui partait pour plusieurs semaines loin d'elle, sa langueur pour Pemberley, son manque d'exercice, son indignation face au comportement de sa sœur – il lui était impossible d'être raisonnable. 'Elle est si naïve! Elle a un bébé alors qu'elle peut à peine s'occuper d'elle-même! Elle vit bien au-dessus de ses moyens et ne songe qu'à avoir tout en premier! D'abord le mariage, puis un enfant. Elle est beaucoup trop jeune pour être mère!'

Elizabeth vit Jane pâlir. 'Jane? Que se passe-t-il? Es-tu souffrante?'

La voix de sa sœur tremblait légèrement lorsqu'elle lui répondit : 'Crois-tu que je suis trop jeune pour être mère?'

-'Non, bien sûr que non.' Bredouilla Lizzie, prise au dépourvu.

-'M'en voudrais-tu à moi si…si j'étais…' Elle ne termina pas sa phrase, baissant la tête d'un air coupable.

Le cœur d'Elizabeth s'arrêta. Il ne lui fallut que quelques secondes avant de s'exclamer, émue : 'Jane!'

S'en fut trop pour la pauvre Mrs Bingley qui éclata en sanglots. 'Oh, Lizzie, je ne pourrais supporter que tu sois en colère contre moi. Si j'avais su…Si je pouvais faire les choses autrement, je…'

-'Ne dis pas de sottise, voyons! Comment pourrais-je t'en vouloir? C'est une merveilleuse nouvelle, au contraire! Oh, Jane, es-tu certaine? Vraiment?'

Celle-ci hocha rapidement la tête en riant, essuyant ses larmes avec le mouchoir qu'elle avait sortie de son petit sac. 'J'ai vu le médecin ce matin. J'avais quelques doutes au bal, mais je voulais être certaine avant de te l'annoncer. Comme j'ai voulu te le dire, Lizzie!'

Serrant fortement sa sœur dans ses bras, Elizabeth n'arrivait tout simplement pas à y croire. Sa douce et chère Jane, une mère? Seigneur! Maintenant qu'elle revoyait les moments du bal dans sa tête, elle réalisa que Jane n'avait dansé que deux fois et qu'elle avait semblé, certes, plus tendue qu'à l'habitude. Lizzie avait rejeté la faute de ce comportement sur l'importance de la soirée et non sur le fait qu'elle portait la vie en elle. Quelle idiote elle avait été de déblatérer sur Lydia et sa situation alors que sa pauvre Jane était venue lui annoncer cette grande nouvelle!

-'Quand naîtra-t-il?' s'enquerra Elizabeth, si excitée qu'elle ne tenait presque plus en place. Elle avait étrangement envie de mettre ses mains sur le ventre de sa sœur, pour sentir la différence. Elle n'avait jamais vraiment fréquenté de femme en famille auparavant et les souvenirs de sa mère portant Lydia ou Kitty était beaucoup trop loin dans sa mémoire.

-'Il naîtra fin novembre, selon le docteur.' Précisa Jane, dont l'éclat – bien plus que la pâleur – paraissait soudainement évidant. 'Je ne peux te dire à quel point cela me plaît, Lizzie, car Charles est née en été et moi au printemps et cela s'équilibre parfaitement, ne crois-tu pas? Une célébration à chaque saison, cela est idéal.'

-'Il ne te manquera qu'un anniversaire en hiver.' Répondit-elle, tout aussi extatique. 'Une petite toute blanche, comme la neige, avec de longs cheveux blonds et tes grands yeux bleus, Jane.'

-'Non, Lizzie, tu es née en hiver et je crois que si j'avais une fille à ce temps de l'année, elle te ressemblerait. Mais je crois que nous aurons un garçon. Un garçon avec des cheveux aussi flamboyant que les feuilles en automne. Comment puis-je parler ainsi? Je laisse à Dieu le soin de me donner ce qu'il lui plaira. Tout ce que je souhaite est qu'il soit en santé.'

-'Il le sera. Tu es jeune, forte et parfaitement qualifiée pour être une mère exemplaire.'

-'Vraiment, tu n'es pas fâchée?' insista Jane, de nouveau inquiète. 'Tu sembles si en colère contre Lydia...'

-'Pour une telle chose? Jamais. Je suis si heureuse pour toi, et pour Charles. Je passais une mauvaise journée et la lettre de Lydia m'a enflammée plus qu'à l'habituel. Je ne cherchais que des excuses tout à l'heure, je n'en veux pas plus à Lydia que je t'en veux à toi. De toute façon, mon opinion de toi n'est que positive, tu le sais très bien.'

-'Oh, Lizzie, si tout le monde pouvait être aussi heureuse que moi en ce moment! Autant de bonheur n'est pas possible, je ne sais pas comment je peux me contenir, j'ai l'impression que je vais exploser de joie!'

-'Comment Charles a-t-il réagi?'

-'Il est si fier, si tu le voyais! Il est attentif à mes moindre besoins, s'en est presque ridicule.' Pouffa-t-elle, les yeux brillants. 'Mais il est bien embêté par son voyage à Liverpool, il ne veut pas me laisser seule. J'ai beau lui dire que je ne suis pas indisposée et que quelques semaines ne changeront rien, il est inconsolable. La culpabilité le ronge.'

-'Tu n'as qu'à venir ici. Nous passerons nos soirées à discuter, comme à Longbourne. Oh, Jane, c'est une merveilleuse idée!'

-'Mais je ne voudrais pas t'importuner…'

-'Tu ne m'importunerais pas le moins du monde, j'en serais plus que ravie! Nous pourrons commencer ton trousseau, pour le bébé, et je prendrai soin de toi, je veillerai à ce que tu ne manques de rien.'

Lorsque Jane prit congé, Elizabeth avait le cœur léger et l'humeur excessivement joyeuse. L'idée d'avoir sa sœur rien que pour elle pendant tout ce temps l'enchantait énormément et le départ de Darcy ne lui semblait plus aussi pénible. Après avoir fait les arrangements nécessaires afin d'accueillir Jane pour les prochaines semaines, elle décida que son énergie débordante se devait d'être dépensée. Sans plus attendre, elle enfila chapeau et gants et sorti à l'extérieur. Sa suivante, qui l'accompagnait pour bonne mesure, avait bien du mal à la suivre alors qu'elle marchait d'un pas rapide dans les dédalles des rues de Londres. Lizzie suivit un sentier imaginaire, se remémorant le chemin que la diligence avait pris plusieurs fois alors que Darcy et elle se rendait au centre de de la ville. Une fois en route, elle avait décidée de rendre une visite surprise à son mari. Elle avait si hâte de partager cette nouvelle!

(-*-)

Et voilà! Je m'ennuyais un peu de Jane alors j'ai décidé de l'inclure un peu dans ce chapitre : ) Et aussi, je voulais renforcer le fonctionnement de l'esprit de Darcy, en espérant que ce n'était pas trop redondant… Moi j'aime bien ! J'aime quand il se bat contre lui-même, qu'il ne comprend pas pourquoi ni comment faire pour harmoniser son amour pour Lizzie et sa personnalité très contrôlante. Qu'en avez-vous pensé? N'hésitez pas à me donner votre avis, j'ai besoin de carburant! Oh, au fait, ne vous souciez pas du titre nul de ce chapitre, je n'ai jamais été douée pour les nommer lol Le jour et la nuit fait référence à Lizzie et à Darcy, qui sont si différents sur plein d'aspects, mais aussi aux humeurs de Lizzie.

Je promets un peu d'action dans le prochain chapitre! Je ne sais pas quand je pourrai le publier, mais j'espère très bientôt. Mon but est la semaine prochaine alors vous n'aurez peut-être pas à attendre très longtemps ^^

Un petit merci tout spécial pour France, qui semblait si désespérée de lire la suite lol Je ne peux pas te répondre par message privé puisque tu ne sembles pas avoir de compte, mais je voulais seulement te dire merci pour ton intérêt et tes commentaires. Je te dédie ce chapitre, en espérant qu'il te plaise tout autant que les autres : )